Aristote : Hermeneia

ARISTOTE

 

HERMENEIA : ΠΕΡΙ ΕΡΜΗΝΕΙΑΣ : CHAPITRE III

 chapitre II - chapitre IV

 

 

HERMÉNEIA, ou TRAITÉ DE LA PROPOSITION.

 

 

 

CHAPITRE III.

Du verbe. - Définition du verbe : justification des parties diverses de celle définition. - Du verbe indéterminé. - Des cas du verbe. - De la copule.

1 Ῥῆμα δέ ἐστι τὸ προσσημαῖνον χρόνον, οὗ μέρος οὐδὲν σημαίνει χωρίς· ἔστι δὲ τῶν καθ´ ἑτέρου λεγομένων σημεῖον. 2 Λέγω δ´ ὅτι προσσημαίνει χρόνον, οἷον ὑγίεια μὲν ὄνομα, τὸ δ´ ὑγιαίνει ῥῆμα· προσσημαίνει γὰρ τὸ νῦν ὑπάρχειν. 3 Καὶ ἀεὶ τῶν ὑπαρχόντων σημεῖόν ἐστιν, οἷον τῶν καθ´ ὑποκειμένου.

4 Τὸ δὲ οὐχ ὑγιαίνει καὶ τὸ οὐ κάμνει οὐ ῥῆμα λέγω· προσσημαίνει μὲν γὰρ χρόνον καὶ ἀεὶ κατά τινος ὑπάρχει, τῇ διαφορᾷ δὲ ὄνομα οὐ κεῖται· ἀλλ´ ἔστω ἀόριστον ῥῆμα, ὅτι ὁμοίως ἐφ´ ὁτουοῦν ὑπάρχει καὶ ὄντος καὶ μὴ ὄντος. 5μοίως δὲ καὶ τὸ ὑγίανεν ἢ τὸ ὑγιανεῖ οὐ ῥῆμα, ἀλλὰ πτῶσις ῥήματος· διαφέρει δὲ τοῦ ῥήματος, ὅτι τὸ μὲν τὸν παρόντα προσσημαίνει χρόνον, τὰ δὲ τὸν πέριξ. 6 Αὐτὰ μὲν οὖν καθ´ αὑτὰ λεγόμενα τὰ ῥήματα ὀνόματά ἐστι καὶ σημαίνει τι, — ἵστησι γὰρ ὁ λέγων τὴν διάνοιαν, καὶ ὁ ἀκούσας ἠρέμησεν,— ἀλλ´ εἰ ἔστιν ἢ μή οὔπω σημαίνει· οὐ γὰρ τὸ εἶναι ἢ μὴ εἶναι σημεῖόν ἐστι τοῦ πράγματος, οὐδ´ ἐὰν τὸ ὂν εἴπῃς ψιλόν. αὐτὸ μὲν γὰρ οὐδέν ἐστιν, προσσημαίνει δὲ σύνθεσίν τινα, ἣν ἄνευ τῶν συγκειμένων οὐκ ἔστι νοῆσαι.

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§ 1. Le verbe est le mot qui, outre sa signification propre, embrase l'idée de temps, et dont aucune partie isolée n'a de sens par elle-même; et il est toujours le signe des choses attribuées à d'autres choses. § 2. Je dis qu'il embrasse l'idée de temps outre sa signification propre, par exemple : La santé, n'est qu'un nom; Il se porte bien, est un verbe; car il exprime en outre quels chose est dans le moment actuel. § 3. De plus, il est toujours le signe de choses attribuées à d'autres choses, par exemple: de choses dites d'un sujet ou qui sont dans un sujet.

§ 4. S'il ne se porte pas bien, il n'est pas malade, ne soit pas selon moi des verbes; pourtant, outre leur signification propre, ils indiquent le temps et se rapportent nécessairement à quelque chose. Mais cette différence n'a pas reçu de nom spécial ; je l'appellerai, si l'on veut, le verbe indéterminé, parce qu'il s'applique aussi à tout, à l'être comme au non-être. § 5. Et de même, Il est bien porté, Il se portera bien, ne sont pas véritablement des verbes, mais ce sont des cas du verbe; ils diffèrent du verbe en ce que le verbe indique le temps présent, tandis que les autres indiquent des temps accessoires. § 6. Les verbes pris isolément et en eux-mêmes sont des noms et signifient un objet spécial; en les prononçant, on fixe la pensée de son auditeur qui aussitôt y arrête son esprit. Mais rien n'exprime encore que la chose est ou n'est pas. Être ou n'être pas n'est pas plus le signe de la chose elle-même, que si l'on exprime l'être en soi et dans tout son isolement. Par lui seul le verbe n'est rien, il indique seulement, outre son sens propre, une certaine combinaison qu'on ne peut nullement comprendre indépendamment des choses qui la forment.

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§ 1. Outre sa signification propre. Tout verbe, même le verbe substantif, exprime à la fois deux chose : 1° une certaine idée particulière; 2° le temps dans lequel s'accomplit cette idée.

 - Le signe des choses attribuées, Le verbe qui, au fond, est toujours et sans aucune exception, le verbe substantif, dans toutes les langues, est la copule du sujet et de l'attribut.

 - A d'autres choses, L'attribut est attribué au sujet.

§ 2. N'est qu'un nom. Sans aucune indication de temps quelconque.

 - Il se porte bien. Je n'ai pu en français reproduire la symétrie du grec, où le mot qui signifie: Il se porte bien, a le même radical que le mot Santé.

- En outre, Outre sa signification propre.

§ 3. Dites d'un sujet ou qui sont dans un sujet, Voir les Catégories, ch. 2, § 2, pour le sens de ces expressions.

§ 4. Il ne se porte pas bien, Distinction analogue à celle qu'il a faite plus haut pour les noms, ch. 2, § 4.

 - Un verbe indéterminé, De même qu'il a dit plus haut: nom Indéterminé, et par le même motif. Averroès remarque ici que la langue arabe n'a ni nom ni verbe indéterminés.

§ 5. Et de même, Autre distinction tout à fait pareille à celle qui a été faite plus haut, ch. 2, § 5.

- Ce sont des cas du verbe, Il distingue des cas du verbe, comme il a distingué des cas du nom.

- Le verbe indique le temps présent, Le verbe proprement dit est celui qui exprime le présent. La chose est alors, tandis qu'avec le passé ou l'avenir elle est beaucoup moins ; l'une part, elle n'est plus, de l'autre, elle n'est pas encore.

 - Des temps accessoires , Le passé et le futur.

§ 6. Les verbes pris isolément, Le sens de ce paragraphe est assez obscur, et il faut pour le bien comprendre suivre de très prés la pensée d'Aristote. La voici : Les verbes autres que le verbe substantif pris en eux-mêmes et avec leur signification propre, sans l'addition du temps et du mode, ne sont que des noms, et comme les noms indiquent un objet spécial. Ainsi comme nom et en soi le verbe Courir, sans l'addition des temps et des modes, n'exprime que l'idée de course et ne l'affirme ni ne la nie. Par lui-même il n'a donc pas un sens complet. Le verbe Être est dans le même cas: il faut un attribut, qu'il joigne au sujet, pour que la pense soit complète.

 - Mais rien n'exprime encore, Il n'y a que la conception pure de l'esprit sans affirmation ni négation.

- Être ou n'être pas, Le verbe substantif affirmé ou nié ne suffit pas plus pour exprimer une pensée, que quand on prend la chose toute seule et même sans le verbe.

- Par lui seul le verbe Etre n'est rien, Il n'est que la copule du sujet et de l'attribut.

- Indépendamment des choses qui la forment, Indépendamment du sujet et de l'attribut qu'il unit l'un à l'autre, et qui sont indispensables pour faire un sens.

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