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ARISTOTE
HISTOIRE DES ANIMAUX D'ARISTOTE
LIVRE IV
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LIVRE IV CHAPITRE PREMIER Des animaux qui n'ont pas de sang ; les mollusques ; les crustacés ; les testacés ; les insectes ; description générale de ces quatre genres ; description particulière des mollusques ; leur organisation ; leurs pieds et leur tête ; suçoirs à l'extrémité de leurs pieds ; leur mode d'accouplement ; leur tuyau mobile ; différence des polypes et des mollusques ; longueur des tentacules dans les grands et les petits calmars ; la poche et la bouche des mollusques ; organisation de la poche ; l'œsophage ; l'estomac ; la mytis, ou réservoir de l'encre ; un seul organe dans les mollusques pour rejeter l'encre et les excréments ; poils intérieurs des mollusques ; la seiche et les calmars ; les polypes ; leur organisation ; différences des femelles et des mâles ; œuf énorme du polype ; œufs de la seiche; genre de vie des polypes ; espèces diverses, avec une coquille ou sans coquille ; analogies avec le colimaçon. — Résumé. |
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[523b.31] § 1. Dans tout ce qui précède, on vient de traiter, en ce qui concerne les animaux qui ont du sang, des parties qui sont communes à tous, et de celles qui sont spéciales à chaque genre d'animal. On a traité également des parties qui ne sont pas similaires et de celles qui le sont. Enfin, on a traité des parties intérieures et des parties externes. [524a] Il faut maintenant étudier les animaux qui n'ont pas de sang. § 2. Les espèces de ces animaux sont nombreuses. Ce sont d'abord ceux qu'on appelle mollusques. On nomme mollusques les animaux qui, privés de sang, ont leurs parties charnues à l'extérieur, et les parties solides en dedans, comme les animaux qui ont du sang. Tel est le [5] genre de la seiche. § 3. En second lieu, viennent les crustacés, ou coquillages mous. Ces animaux sont tous ceux qui ont la partie solide au dehors, et la partie molle et charnue au-dedans. Leur partie dure ne se casse pas ; mais elle se déchire ; tel est le genre des langoustes et des crabes. § 4. Il y a encore le genre des testacés, dont la peau est analogue à l'huître. Ceux-là ont la partie charnue à l'intérieur, [10] la partie solide au-dehors ; mais cette partie solide se casse et se brise ; elle ne se déchire pas ; tel est le genre des limaçons et des huîtres. § 5. Le quatrième genre d'animaux qui n'ont pas de sang est celui des insectes ; il comprend une foule d'espèces, n'ayant aucune ressemblance. On entend par insectes tous ceux qui, comme le nom même l'indique, ont des sections, soit en dessous du corps, soit en dessus, [15] ou même dans ces deux sens à la fois, et qui n'ont ni partie épaisse, ni partie charnue séparées, mais quelque matière intermédiaire, leur corps étant également dur au-dedans et au-dehors. § 6. Il y a des insectes qui sont sans ailes, comme le mille-pattes, et la scolopendre ; d'autres en ont, comme l'abeille, le hanneton, et la guêpe. Parfois, la même espèce est [20] ailée et ne l'est pas : par exemple, les fourmis, dont les unes ont des ailes, tandis que d'autres n'en ont pas, non plus que ceux qu'on appelle vers luisants. § 7. Pour les animaux surnommés mollusques, voici quelles sont leurs parties extérieures. D'abord, c'est ce qu'on appelle leurs pieds ; et en second lieu, c'est leur tête, qui tient à ces pieds. La troisième partie est le manteau, qui enveloppe tout ce qui est à l'intérieur ; quelques auteurs l'appellent la tête ; mais [25] c'est à tort. Enfin, viennent les nageoires, qui entourent circulairement le manteau. § 8. Une organisation commune à tous les mollusques, c'est d'avoir la tête placée entre les pieds et le ventre. Tous ils ont huit pieds, et ces pieds sont à deux suçoirs, excepté dans une seule espèce de polypes. Un organe particulier aux seiches, aux grands [30] et aux petits calmars, c'est d'avoir deux trompes allongées ; ces trompes ont à leur extrémité une aspérité à double suçoir. Ces animaux s'en servent pour attirer leur nourriture, et la porter à leur bouche. Quand la mer est mauvaise, ils jettent leurs trompes sur un rocher, où ils les attachent, en guise d'ancre, pour se maintenir contre la force des vagues. [524b] Ils nagent à l'aide des espèces de nageoires qu'ils ont autour du ventre. Tous les mollusques ont des suçoirs à leurs pieds. § 9. Le polype se sert de ses tentacules en manière de pieds et de mains. Il prend ses aliments par les deux qui se trouvent au-dessus de la bouche ; [5] et le dernier de ses tentacules lui sert à l'accouplement. Ce tentacule est le plus pointu ; il est le seul à être un peu blanchâtre ; et à son extrémité, il est bifurqué ; il est placé sur le rachis ; et dans le polype, on appelle rachis la partie lisse en avant de laquelle sont les suçoirs. § 10. Au devant du tronc, au-dessus des tentacules ou bras, ils ont un tuyau [10] creux, qui leur sert à rejeter le liquide qu'ils ont pu avaler dans leur corps, en prenant leur nourriture. Ils portent ce tuyau tantôt à droite, tantôt à gauche ; et c'est par-là aussi qu'ils rejettent leur encre, ou limon. § 11. Le polype nage de côté, dans le sens de ce qu'on appelle sa tête, en étendant ses pieds. En nageant de cette façon, il peut voir [15] en avant de lui ; ses yeux alors sont en haut, et sa bouche est en arrière. Tant qu'il est vivant, sa tête est dure, comme si elle était gonflée. Il saisit sa proie et la retient avec ses bras inférieurs ; la membrane qui est entre ses pieds s'étend alors tout entière. Mais une fois sur le sable, il ne peut plus s'y maintenir. § 12. [20] Une différence entre les polypes et les mollusques dont on a parlé, c'est que les polypes ont la poche petite, et les pieds longs, tandis que les mollusques ont au contraire la poche longue et les pieds courts, de façon qu'ils ne peuvent pas s'en servir pour marcher. § 13. En comparant des mollusques entre eux, on peut dire que le [25] calmar est plus long, et que la seiche est plus large. Parmi les calmars, ceux qu'on appelle les grands calmars sont en général plus grands que tous les autres. Il y en a qui ont jusqu'à cinq coudées de long; parfois, la seiche en a deux; et il y a des tentacules de polype qui ont cette longueur, et qui sont même encore plus longs. § 14. Les grands calmars sont rares ; ils diffèrent [30] de forme avec les petits calmars, en ce que leur partie pointue est plus large. La nageoire circulaire enveloppe toute la poche, tandis qu'elle n'existe pas dans le petit. Du reste, le grand et le petit calmar habitent tous les deux la haute mer. § 15. [525a] Dans tous les mollusques, la tête est placée après les pieds, et entre les pieds qu'on appelle des tentacules. Au milieu de la tête, est la bouche, qui a deux dents; et au-dessus des dents, deux gros yeux. Entre les yeux, se trouve un petit cartilage contenant un cerveau également petit. Dans la bouche, il y a un petit morceau de chair; aucun mollusque n'ayant de [5] langue, c'est ce petit corps qui la remplace. Après la tête, on peut voir à l'intérieur ce qu'on appelle la poche. § 16. La chair dont la poche est composée peut se diviser, non pas en ligne droite, mais circulairement ; et chez tous les mollusques, cette chair est entourée d'une peau. Après la bouche, les mollusques ont un œsophage long et étroit, [10] qui est suivi d'un grand jabot circulaire, dans le genre de celui des oiseaux. Après le jabot, vient un estomac, comme la caillette des ruminants, et dont la forme rappelle la spirale des mollusques-buccins. Du haut de cet estomac, un intestin mince revient vers la bouche ; et cet intestin, quoique mince, est plus épais que l'œsophage. § 17. Aucun mollusque n'a de viscères, si ce n'est cette partie nommée [15] la mytis; et dans la mytis, l'encre ou limon. C'est la seiche qui a le plus d'encre, et la mytis la plus grande. Tous les mollusques lâchent leur encre quand ils ont peur, et surtout la seiche. La mytis, ou réservoir, est sous la bouche; et l'œsophage la traverse. En bas, là où l'intestin se replie, est l'encre ; [20] et c'est la même membrane qui enveloppe l'encre et l'intestin. L'animal rejette par le même organe l'encre et ses excréments. Enfin, les mollusques ont à l'intérieur du corps des espèces de poils. § 18. La seiche, le petit calmar, et le grand calmar, ont les parties solides intérieurement dans le haut de leur corps ; et ces parties solides se nomment dans les seiches l'os de seiche; et dans les calmars, l'épée. La différence, c'est que l'os de seiche [25] est dur et large, tenant de l'os et de l'arête, et étant au-dedans poreux et friable. Au contraire, l'épée du petit calmar est mince et plus cartilagineuse. Ces parties diffèrent de l'une à l'autre de ces espèces, comme y diffèrent aussi les poches. § 19. Les polypes n'ont aucune partie solide à l'intérieur ; ils ont seulement vers la tête une partie qui se rapproche du cartilage, [30] et qui tend à se durcir à mesure que l'animal vieillit. § 20. Une différence à signaler entre les femelles et les mâles, c'est que les mâles ont, sous l'œsophage, un conduit qui, partant du cerveau, s'étend jusqu'à la région inférieure de la poche. Le point où aboutit ce conduit ressemble à une mamelle. Dans les femelles, il y a deux organes de ce genre, et ils sont placés en haut. [525b] Dans la femelle et le mâle également, il y a sous ces organes quelques petits corps tout rouges. § 21. Le polype produit un œuf unique, à surface irrégulière et fort gros ; au-dedans, est un liquide, qui est tout entier de couleur uniforme, très fluide et tout blanc. [5] Le volume de cet œuf est assez considérable pour que le contenu puisse remplir un vase plus capace que la tête du polype. La seiche a deux poches ; et dans ces poches, une quantité d'œufs, qui ressemblent à des grêlons blancs. Du reste, pour connaître la position de chacune de ces parties, il faut la regarder dans le dessin des Dissections.
§ 22. Pour toutes ces espèces, les mâles diffèrent [10] des
femelles, surtout dans la seiche. Le mâle a toujours le dessus de la
poche plus noir et plus dur que le dessous, comparativement à la
femelle ; il a des raies de diverses couleurs en forme de bâtons ;
et la queue de son corps est § 23. Les espèces de polypes sont nombreuses ; il en est une qui paraît plus souvent que les autres à la surface des eaux, et c'est la plus grande. Les polypes qui se tiennent près des côtes sont beaucoup [15] plus gros que ceux de la haute mer. Il y en a d'autres qui sont petits, de diverses couleurs, et qu'on ne mange pas. On compte encore deux espèces. L'une est celle qu'on appelle hélédône, qui diffère des autres mollusques par la longueur de ses pieds, et aussi parce que, seul entre tous, il n'a qu'une rangée de suçoirs, tandis que tous les autres en ont deux. L'autre espèce est celle qu'on appelle tantôt bolitaine, et tantôt ozolis. § 24. [20] Enfin, deux autres espèces de polypes sont dans des coquillages. Une première est appelée tantôt nautile ou nautique, et tantôt œuf de polype. La coquille de ce polype ressemble à un peigne ; elle est creuse, et l'animal n'y est pas adhérent. C'est sur les côtes qu'il vient souvent chercher sa nourriture ; les vagues le jettent alors sur terre, où il demeure à sec ; sa coquille tombe bientôt; il est pris, [25] et il meurt sur le sol. Ces polypes-là sont petits ; et leur forme est à peu près celle des bolitaines. § 25. Une seconde espèce de mollusques se tient, comme le colimaçon, dans une coquille ; il n'en sort pas ; et comme le colimaçon encore, il y séjourne. Parfois, il en fait sortir ses tentacules au dehors. § 26. Voilà ce que nous avions à dire sur les mollusques. |
1. Dans tout ce qui précède. On peut entendre par là les trois livres précédents, en leur totalité. — Communes à tous. Voir plus haut liv. I, ch. II. — Qui ne sont pas similaires. Id. ibid., ch. I, § § 1, 2 et 3. — Qui n'ont pas de sang. Ou plutôt, qui n'ont pas de sang rouge. Voir plus haut, liv. I, ch. V, 13. Aristote divise les animaux en deux grandes classes : ceux qui ont du sang, et ceux qui n'en ont pas. Cette dernière classe comprend les animaux dont le sang n'est pas rouge, les animaux à sang blanc. Ceci est un des traits essentiels de la méthode zoologique d'Aristote.
§ 2.
Ceux qu'on appelle Mollusques. Dans la science moderne les
Mollusques forment la seconde classe des animaux, et ils viennent
après les vertébrés. Voir Cuvier, Règne animal, tome III, pp.
1 et suivantes, et tome I, Introduction, p. 49. — Ont leurs
parties charnues à l'extérieur. C'est à peu près la même
définition que donne Cuvier : « Dans la deuxième forme des animaux,
il n'y a point de squelette ; les muscles sont attachés seulement à
la peau, qui forme une enveloppe molle, contractile en divers sens,
dans laquelle s'engendrent dans beaucoup d'espèces des plaques
pierreuses appelées coquilles, etc., etc. § 3. Les crustacés, ou coquillages. Il n'y a qu'un seul mot dans le texte. Les crustacés forment le second genre des animaux articulés; Cuvier. Règne animal, tome III, p. 183. — Ne se casse pas; mais elle se déchire. C'est à peu près la seule différence qu'Aristote mette entre les testacés et les crustacés, comme le prouve le paragraphe suivant. — Des langoustes et des crabes. Leur enveloppe se casse bien plutôt qu'elle ne se déchire. § 4. Dont la peau est analogue à l'huître. La science moderne n'a pas fait une classe à part pour les testacés, qui semblent en général confondus avec les crustacés. Le nom de crustacés ne signifie d'ailleurs qu'animal à croûte. — Elle ne se déchire pas. Par opposition à celle des crustacés du paragraphe précédent. § 5. Le quatrième genre d'animaux qui n'ont pas de sang. Les insectes forment la quatrième classe d'animaux articulés; Cuvier, Règne animal, tome III, p. 184. — Celui des insectes. La science moderne a adopté aussi cette classification. — Une foule d'espèces. Cuvier fait la même remarque ; il considère les insectes comme la classe la plus nombreuse de tout le règne animal, et il ajoute que les insectes varient à l'infini par les formes de leurs organes de la bouche et de la digestion, etc., Id. ibid. pp. 184 et 186. Voir aussi la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 536, de la trad. franç., Arthropodes, Hexapodes. — Ont des sections. Nous avons conservé dans notre langue ces analogies : Insectes, Sections. La science moderne distingue dans les insectes trois parties bien séparées en général : la tête, le thorax et l'abdomen. Voir Cuvier et M. Claus, loc. cit. — Également dur au-dedans et au-dehors. Ceci n'est pas tout à fait exact. § 6. Qui sont sans ailes... d'autres en ont. Cette distinction est très réelle et très simple. Voir Cuvier, Règne animal, tome IV, pp. 298 et 312. La science moderne a tenu aussi très grand compte de cette différence : Ailés, et Sans ailes. — Mille-pattes. Ou mille-pieds ; nous avons conservé cette dénomination. — Scolopendre. De la famille des chilopodes, ordre des insectes myriapodes ; voir Cuvier, Règne animal, tome IV, pp. 335 et suivantes. La scolopendre a au moins quinze paires de pattes. — L'abeille, le hanneton et la guêpe. Il est bien vrai que ces trois espèces ont ce caractère commun d'avoir des ailes ; mais leurs ailes sont très différentes. — La même espèce. Ceci est très exact. — Vers luisants. L'expression grecque est plus forte : « Queue lumineuse ». § 7. Pour les animaux surnommés Mollusques. Voir plus haut, § 2. - D'abord, c'est ce qu'on appelle leurs pieds. En avant de leur tête; et de là, vient cette première classe de mollusques qu'on appelle céphalopodes, dont la tête est couronnée par des productions charnues, au moyen desquelles ils marchent et saisissent les objets. — Leur tête, qui tient à ces pieds. D'où le nom de céphalopodes qu'a adopté la zoologie moderne. — Le manteau. Ce mot très juste a été conservé dans la science; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 4. Le manteau est un développement de la peau qui recouvre le corps ; on appelle mollusques nus ceux dont le manteau est simplement membraneux ou charnu; mais souvent sous le manteau suinte une substance qui se durcit et devient une coquille, sous laquelle l'animal trouve un abri. Alors il devient testacé. Voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 398, trad. franç. — Quelques auteurs. Il est à regretter qu'Aristote n'ait pas donné une indication plus précise. — Les nageoires. C'est encore le nom que la science moderne a conservé. Dans plusieurs espèces de mollusques, les ptéropodes, les principaux organes du mouvement ont deux ailes, ou nageoires membraneuses, aux côtés du col ; dans les céphalopodes, les côtés du manteau s'étendent en nageoires charnues ; voir Cuvier, Règne animal, tome III, pages 7 et 8; voir aussi le Traité des Partie des animaux, liv. IV, ch. IX, p. 218, édit. et trad. Frantzius. § 8. La tête placée entre les pieds. D'où le nom très caractéristique de céphalopodes. — Et le ventre. Ceci n'est pas également exact. — Tous ils ont huit pieds. Le nombre de pieds n'est peut-être pas le même dans tous les mollusques ; mais il est de huit en effet dans les seiches, dont Aristote vient de parler un peu plus haut. Voir Athénée, liv. VII, pp. 316, 323, citant Aristote, sur les polypes. — Deux suçoirs. Le texte dit précisément : Cavités. — Dans une seule espèce de polypes. Il aurait fallu indiquer cette espèce exceptionnelle. — Deux trompes allongées. Aristote se sert ici du même mot. qu'il emploie pour désigner la trompe de l'éléphant. Toutes ces observations sur les polypes sont reproduites presque entièrement dans le Traité des Parties des animaux, liv. IV, ch. IX, p. 218, édit. et trad. de M. Frantzius. - A double suçoir. Ou plus simplement : « partagée en deux ». — A leur bouche. Pour les céphalopodes, la bouche est un trou percé entre les bases des pieds ; cette bouche a deux fortes mâchoires de corne, semblables au bec d'un oiseau. Voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 9. — En guise d'ancre. Cette comparaison est toute naturelle ; mais on doit la remarquer, parce que cette forme de langage est fort rare dans le style d'Aristote. Cuvier, Règne animal, tome III, p. 14, l'a prise aussi en parlant des calmars. — Tous les mollusques ont des suçoirs. La science moderne n'a pas ratifié cette généralité, et les suçoirs ou ventouses n'appartiennent qu'à la première classe des mollusques, les céphalopodes ; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 8. Dans les gastéropodes, les tentacules, au nombre de deux à six, ne servent qu'au tact, et peut-être à l'odorat, Id. ibid., p. 31. § 9. Le polype se sert de ses tentacules. Le mot du texte auquel correspond celui de tentacules est plus expressif, en ce qu'il contient la double idée d'enlacer et de saisir. — Il prend ses aliments. Voir le paragraphe précédent. Tout ce passage semble suspect à MM. Aubert et Wimmer, comme il l'a semblé à d'autres éditeurs et commentateurs avant eux. Ce qui nuit surtout à l'explication qu'on en pourrait donner, c'est qu'on ne sait pas au juste à quelle espèce de polype s'applique ce que dit Aristote; il est bien possible qu'il y ait des polypes du genre de ceux qu'il décrit; mais quels sont-ils? C'est ce qu'on ignore. — Et le dernier de ses tentacules. Comme Aristote n'a pas désigné un premier tentacule, on ne sait pas ce qu'il entend ici par un dernier tentacule. La génération est très diversifiée chez les mollusques : hermaphrodites se fécondant eux-mêmes, hermaphrodites à accouplement réciproque, séparation des sexes, vivipares, ovipares, œufs dans des coquilles, œufs visqueux, etc. Dans les céphalopodes en particulier, les sexes sont séparés; mais la fécondation se fait, à ce qu'on croit, par arrosement, comme dans la plupart des poissons; Cuvier, Règne animal, tome III, pp. 6 et I I ; Zoologie descriptive de M. Claus, p. 670, trad. franç. — Il est placé sur le rachis... on appelle rachis. Aristote sent le besoin d'expliquer lui-même ce qu'on doit entendre par rachis chez les mollusques. Il n'y a rien en effet en eux qui ressemble au rachis des vertébrés. — La partie lisse. La description est suffisamment claire ; mais ici encore il faudrait savoir à quelle espèce de polype elle s'applique particulièrement. § 10. Des tentacules ou bras. Il n'y a qu'un seul mot dans le texte. — Un tuyau creux. D'après la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 669, trad. franç., c'est plutôt une saillie infundibuliforme, par laquelle s'échappent et les excrétions et l'eau qui a servi à la respiration ; ce n'est donc pas précisément un tuyau, comme le dit le texte. Dans les céphalopodes, auxquels sans doute Aristote fait allusion : « un entonnoir charnu placé à l'ouverture du sac, devant le col, donne passage aux excrétions. La respiration se fait par l'eau qui entre dans le sac, et qui en sort au travers de l'entonnoir. » Cuvier, Règne animal, tome III, pp. 8 et 9. — Leur encre ou limon. Il n'y a qu'un seul mot dans le texte, qui encore n'est pas le même dans tous les manuscrits. Cette propriété des céphalopodes est bien connue ; cette excrétion est d'un noir très foncé, et ces animaux la lancent pour teindre l'eau de la mer et s'y cacher; elle est produite par une glande, et déposée dans un sac que l'animal ouvre à son gré. § 11. Nage de côté. Ce n'est pas tout à fait ainsi que Cuvier décrit la marche des céphalopodes : « Ils nagent, dit-il, la tête en arrière, et ils s'avancent dans toutes les directions, ayant la tête en bas et le corps en haut. » Règne animal, tome III, p. 8. — Est dure, comme si elle était gonflée. Ceci ne se comprend pas très bien, et les traités de Zoologie moderne ne fournissent rien qui se rapporte à cette particularité. — Avec ses bras inférieurs. On pourrait comprendre aussi : Avec ses bras, ou tentacules recourbés. — S'y maintenir. L'expression du texte est assez vague ; mais on comprend qu'elle est fort exacte, pour peu qu'on ait vu un polype échoué sur le sable, où en effet il ne peut plus se mouvoir et ne tarde pas à mourir. § 12. Les mollusques dont on a parlé. Voir plus haut, § 7. — La poche. J'ai pris cette expression de la zoologie moderne ; mais l'expression du texte est peut-être un peu plus générale, et signifierait ventre, aussi bien que poche. — Les pieds courts. Ce ne sont pas des pieds dans le vrai sens du mot; et ces appendices n'ont absolument rien de ce qu'il faut pour la marche. § 13. Le calmar est plus long.... la seiche Voir Cuvier, Règne animal, tome III, pp. ii et suiv.; voir aussi le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, p. 150 article Teuthis. — Les grands calmars. La science moderne a conservé ces distinctions; voir Cuvier, loc. cit., p. 15. — Cinq coudées de long. Il n'y a rien d'impossible à cette énorme étendue des tentacules des polypes, ou poulpes. Sans être aussi précis, Cuvier constate que les huit pieds des poulpes, longs et forts comme ils sont, forment des armes redoutables, non pas seulement à des animaux, mais à des nageurs, que le poulpe fait périr. J'ai entendu fréquemment dire les mêmes choses sur les bords de la Méditerranée. La seiche vulgaire (polypes d'Aristote) a des bras six fois aussi longs que son corps, garnis de 120 paires de ventouses : « Elle infeste nos côtes en été, dit Cuvier, et elle détruit une immense quantité de crustacés », id., ibid. — La seiche en a deux. Selon Cuvier, l'espèce répandue dans toutes nos mers a un pied, et plus, de longueur, id., ibid., p. 16. § 14. Leur partie pointue. L'expression est un peu vague ; mais évidemment Aristote désigne ainsi la lame de corne, en forme d'épée ou de lancette, que les calmars (Loligo) portent dans le dos, au lieu de coquille. Les distinctions signalées ici entre le grand et le petit calmar n'ont pas été conservées dans la science contemporaine, bien qu'elles paraissent être très réelles. Voir, sur le teuthos et la teuthide, Athénée, liv. VII, p. 326, citant Aristote. — Habitent tous les deux la haute mer. Aristote veut sans doute par là signaler la difficulté de bien observer ces animaux. Voir le Traité des Parties des animaux, liv. IV, ch. IX, p. 214, édit. et trad. Frantzius, sur l'organisation des mollusques. § 15. Dans tous les mollusques. Cette description des mollusques ne diffère presque pas dans ses traits essentiels de celle qu'a donnée Cuvier, Règne animal, tome Ill, pp. 4 et 8. La description aristotélique se rapporte surtout aux céphalopodes. — Qu'on appelle des tentacules. Voir plus haut, § 9, et la note. — Au milieu de la tête. J'ai adopté la correction de MM. Aubert et Wimmer; la leçon ordinaire est insuffisante. - Et au-dessus des dents, deux gros yeux. Cuvier dit : « La tête sort du sac ; elle est ronde, pourvue de deux grands yeux, et couronnée par des bras ou pieds charnus... ; entre les bases des pieds est percée la bouche, etc., etc., » Règne animal, tome Ill, pp. 8 et 9. — Un petit cartilage. Cuvier dit presque dans les mêmes termes : « Le cerveau des Céphalopodes est renfermé dans une cavité cartilagineuse de la tête ; il donne de chaque côté un cordon, etc., etc., » loc. cit., p. 10. — Dans la bouche, il y a un petit morceau de chair. Cuvier n'hésite pas, comme semble le faire Aristote, à reconnaître une langue aux mollusques ; cette langue est hérissée de pointes cornées ; loc. cit., p. 9. MM. Aubert et Wimmer admettent aussi que les céphalopodes ont une véritable langue, avec les papilles du goût. § 16. Mais circulairement. La science moderne ne paraît pas avoir fait cette observation. Voir le Traité des Parties des animaux, liv. II, p. 82, édit. Frantzius. — Cette chair est entourée d'une peau. Cette peau est précisément ce que la zoologie contemporaine appelle le manteau, dont la forme et les dimensions sont assez variables. — Un œsophage long et étroit. Cuvier décrit l'œsophage des céphalopodes à peu près comme Aristote; et il y signale les mêmes parties, un jabot, un gésier aussi charnu que celui d'un oiseau, un troisième estomac membraneux et en spirale, etc., etc., loc. cit., p. 9. On pourrait croire que Cuvier, en écrivant, avait sous les yeux le passage même d'Aristote. — Comme la caillette des ruminants. Cuvier ne va pas aussi loin ; mais tous les détails que donne le philosophe grec démontrent qu'il avait disséqué des céphalopodes, dont, autrement, il n'aurait pu connaître l'organisation. — Buccins, De l'ordre des gastéropodes pectinibranches ; voir Cuvier, Règne animal, tome III, pp. 70 et 97. — Un intestin mince.... Cuvier dit : « L'intestin est simple et peu prolongé ; le rectum donne dans l'entonnoir »; loc. cit., p, 9. Peut-être la description d'Aristote est-elle préférable. § 17. Cette partie nommée la Mytis. La zoologie moderne n'a pas donné de nom spécial à cet organe des céphalopodes et des mollusques ; j'ai dû conserver le mot grec lui-même, comme l'ont fait d'autres traducteurs. Le sac où est déposée l'encre des céphalopodes est diversement situé selon les espèces. Aristote est revenu d'ailleurs sur toutes ces observations dans le Traité des Parties des animaux, liv. IV. ch. V. p. 192 édit. et trad. Frantsius ; et p. 203, sur la position anatomique de la Mytis. — La Mytis, ou réservoir. Il n'y a qu'un seul mot dans le texte. — L'encre et ses excréments. C'est l'entonnoir charnu des céphalopodes, placé à l'ouverture du sac devant le col. — Des espères de poils. Il n'y a dans la zoologie actuelle rien qui réponde à ceci. Peut-être Aristote veut-il désigner les deux branchies placés dans le sac des céphalopodes, une de chaque côté, et qui s'étalent en forme de feuille de fougère très compliquée ; Cuvier, loc. cit., p. 8. § 18. Les parties solides.... l'os de seiche... l'épée. Toutes ces observations sont exactes, et elles se retrouvent à peu près sous les mêmes noms dans la zoologie moderne. Cuvier appelle épée, ou lancette, l'os que les calmars ont dans le dos ; il appelle os de seiche la coquille des seiches proprement dites. Cette coquille est composée d'une infinité de lames calcaires très minces, parallèles et jointes par de petites colonnes creuses. Cet os est friable, ce qui le rend propre à divers usages ; Cuvier, Règne animal, tome III, pp. 14 et 16. — Les poches. La science moderne ne semble pas avoir noté ces différences. Voir, sur les os de seiche et les épées, le Traité des Parties des animaux, liv. II, ch. IX, p. 82, édit. et trad. Frantzius. § 19. Les polypes. Ce sont sans doute les poulpes ordinaires, à huit pieds, qui n'ont en effet aucune partie solide à l'intérieur du corps. — Une partie qui se rapproche du cartilage. Aristote veut sans doute désigner par là deux petits grains coniques, de substance cornée, que les poulpes ont aux deux côtés de leur dos. § 20. Une différence. Il est bien probable que la description donnée ici par Aristote sur la différence des sexes dans les polypes se rapporte aux deux oviductes de la femelle, et au testicule du mâle ; voir Cuvier, Règne animal, tome Ill, p. 10. - Quelques petits corps tout rouges. Si l'on met de côté la mention de la couleur, ce passage semble se rapporter aux petits corps que la vessie des céphalopodes renferme au moment du frai. Ces petits corps crèvent et s'agitent dans l'eau, dès qu'ils y tombent. Id., ibid., p. 11. § 21. Un œuf unique. Aristote répète le même fait, dans le Traité de la génération des animaux, livre III, ch. VIII, § 76, p. 254, édit. et trad. Aubert et Wimmer; et il cherche à en expliquer la cause. Il ne semble pas que la science moderne se soit occupée de cette particularité de l'œuf du polype. Il est peut-être aussi très difficile de savoir à quelle espèce de polype s'applique l'observation d'Aristote, bien qu'il donne ici des détails étendus et précis. — La tête du polype. La même observation est répétée plus loin, liv. V, ch. XVI, § 1. Au lieu de la tête, MM. Aubert et Wimmer traduisent : Le corps. — La seiche a deux poches. Dans les céphalopodes, dont les seiches font partie, l'ovaire de la femelle a deux oviductes, qui conduisent les œufs au-dehors, au travers de deux grosses glandes, qui les enveloppent et les rassemblent en forme de grappes ; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 10. Dans les calmars, les glandes des oviductes sont très grandes ; id., ibid., p. 14. — Dans le dessin des Dissections. Pour les dessins explicatifs qui étaient joints à l'ouvrage d'Aristote, voir plus haut, livre I, ch. XIV, § 18, et liv. III, ch. I, § 15. C'était une méthode inventée sans doute par Aristote lui-même, qui, à cet égard, avait devancé notre science contemporaine, devenue si habile dans la reproduction des êtres et des choses de la nature et de l'art. § 22. Les mâles diffèrent des femelles. Il ne semble pas que les zoologistes modernes aient repris et continué l'étude de ces différences. — Surtout dans la seiche. La science moderne s'est contentée de reconnaître dans les seiches la séparation des sexes ; elle ne paraît pas être allée plus loin. Cuvier remarque que les glandes des oviductes dans la seiche sont énormes, Règne animal, tome III, p. 16. — En forme de bâtons. Ce détail pourrait servir à faire retrouver l'espèce dont Aristote s'occupe ici. § 23. Sont nombreuses. Aussi, la science contemporaine elle-même éprouve-t-elle la plus grande peine à les classifier. — Qui paraît plus souvent que les autres. Il eût été bon de la spécifier davantage. — Beaucoup plus gros. Il ne semble pas que ceci soit très exact ; seulement on voit mieux les choses dans les eaux peu profondes. — De diverses couleurs. Cuvier, Règne animal, tome III, p. 10, remarque que « la peau des céphalopodes, et surtout celle des poulpes, change de couleur avec une rapidité bien supérieure à celle du caméléon ». — Et qu'on ne mange pas. Cuvier constate qu'on mange la chair des céphalopodes ; il s'agit donc ici d'une espèce particulière. — Hélédane. C'est la seule fois qu'Aristote parle de cet animal. La zoologie moderne a distingué parmi les céphalopodes une espèce que Cuvier appelle les élédons d'Aristote, loc. cit., p. 12. — Il n'a qu'une rangée de suçoirs. Cuvier, id., ibid., constate aussi que les élédons n'ont qu'une rangée de ventouses, le long de chaque pied. - Bolitaine. Voir plus loin, liv. IX, ch. XXV, § 15, où Aristote parle encore une fois des bolitaines, sans les désigner plus précisément. - Ozolis. Ce mot, qui étymologiquement signifie odorant, s'applique peut-être à l'élédon, dont Cuvier dit qu'il se trouve dans la Méditerranée, et qu'il est remarquable par son odeur musquée ; loc. cit. Voir aussi le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, p.149. § 24. Nautile. Plus loin, liv. IX, ch. XXV, § 24, Aristote revient sur le nautile, et il en fait une description intéressante, qui, depuis lui, a été bien souvent reproduite. Cuvier range le nautile parmi les argonautes, et il décrit longuement sa manœuvre ; Règne animal, tome III, p. 13. — Ou Nautique. La leçon varie; mais ces différences n'ont rien d'important. — Œuf de polype. Cette dénomination n'a pas été conservée dans la science, qui a gardé seulement celle de nautile. La leçon d'ailleurs est douteuse. - Et l'animal n'y est pas adhérent. Cuvier fait la même remarque, loc. cit., p. 13. Mais il ne croit pas que l'animal soit un parasite dans sa coquille. — Il est pris. MM. Aubert et Wimmer croient avec raison que cette phrase est interpolée. — A peu près celle des Bolitaines. Comme l'auteur n'a pas encore décrit la forme des bolitaines, ce rapprochement ne fournit aucune lumière nouvelle. § 25. Une seconde espèce. Les détails donnés dans ce paragraphe ne suffisent pas pour qu'on puisse identifier certainement l'espèce dont il est question. § 26. Sur les mollusques. Ceci est le résumé de ce qui précède ; mais ceci n'empêche pas Aristote de revenir fréquemment sur l'organisation des mollusques, dans les livres suivants. |
CHAPITRE II |
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§ 1. [30] Parmi les crustacés, ou animaux à écailles tendres, une première espèce est celle des langoustes. Une autre espèce, rapprochée de celle-là, est l'espèce des homards. Entre les langoustes et les homards, la différence c'est que les derniers ont des pinces, sans compter quelques autres différences peu nombreuses. Puis, viennent encore deux espèces, celle des squilles, ou crevettes, et celle des crabes. § 2. [526a] Mais les squilles et les crabes renferment aussi plusieurs espèces. Ainsi, parmi les squilles, on distingue les Convexes, les Crangons, et la petite Squille. Ces espèces ne deviennent jamais bien grosses. § 3. Les espèces de crabes sont bien plus multipliées, et il ne serait pas facile de les compter. Les crabes les plus grands sont ceux qu'on appelle des maïas ; [5] une seconde espèce est celle des pagoures ; il y a aussi les crabes héracléotiques. On distingue encore les crabes de rivière. Enfin, il y en a d'autres qui sont plus petits et qui n'ont pas reçu de nom spécial. Sur les côtes de Phénicie, il s'en trouve de ceux qu'on appelle chevaux et auxquels on donne ce nom parce qu'ils courent si vite qu'on a quelque peine à les attraper. Quand on les ouvre, ils sont vides, parce qu'ils n'ont pas de nourriture suffisante. Il y a enfin une [10] autre espèce qui est aussi petite que les crabes, et qui ressemble de forme aux (écrevisses) homards. § 4. Tous ces animaux, ainsi qu'on l'a déjà dit, ont la partie solide et la coquille à l'extérieur, en place de la peau ; et la partie charnue est au dedans. Le dessous du corps est lamellé ; et c'est là que les femelles pondent leurs œufs. § 5. [15] Les langoustes ont cinq pieds de chaque côté, en comptant les dernières pinces. Les crabes ont également dix pieds en tout, les pinces comprises. Parmi les squilles, les convexes ont de chaque côté cinq pieds, qui sont pointus dans le sens de la tête ; et elles en ont de plus cinq autres de chaque côté, près du ventre, dont les bouts [20] sont larges. Elles n'ont pas de lames dans le dessous du corps ; et le dessus du corps ressemble aux langoustes. § 6. Le crangon est tout le contraire ; il a d'abord les quatre premiers pieds sur chaque côté, qui sont larges ; puis à la suite, il en a trois autres, qui sont tout petits; et le reste du corps, qui en est la partie la plus grande, est dépourvu de pieds. Chez tous ces animaux, les [25] pieds fléchissent de côté obliquement, comme ceux des insectes ; mais les pinces, quand il y en a, fléchissent toujours en dedans. § 7. La langouste a tout à la fois une queue et cinq nageoires. La squille convexe a aussi la queue et quatre nageoires. Le crangon a également des nageoires de chaque côté de la queue. Mais dans tous les deux, la squille convexe et le crangon, le milieu entre les nageoires [30] est une sorte d'arête. Seulement, le crangon a cette arête aplatie et large, tandis que la squille l'a pointue. Le crabe est le seul, entre tous ces animaux, qui n'ait pas de queue. Le corps des langoustes et des squilles est allongé ; le corps des crabes est plutôt arrondi. § 8. [526b] La langouste mâle diffère de la femelle, en ce que le premier pied de la femelle est fendu en deux, tandis que celui du mâle est sans division. La femelle a les nageoires du dessous du corps fort grandes, et se recouvrant les unes les autres, vers le cou ; chez le mâle, elles sont plus petites, et ne se recouvrent pas. De plus, le mâle en a à ses derniers pieds qui sont longues [5] et pointues, comme des éperons ; chez la femelle, ces nageoires sont petites et sans pointe. D'ailleurs, la femelle et le mâle ont également, l'un et l'autre, en avant des yeux deux cornes longues et dures, et d'autres petites cornes au-dessous, qui sont en pointe. § 9. Les yeux de tous ces animaux sont durs, et ils sont mobiles en dedans et en dehors, mais toujours [10] de côté. Il en est de même chez la plupart des crabes, où c'est encore plus marqué. § 10. Le homard a tout le corps de couleur blanchâtre et tacheté de points noirs. Il a en dessous huit pieds jusqu'aux grands pieds; puis après ceux-là; viennent les grands pieds qui sont beaucoup plus grands, et, au bout, bien plus larges [15] que ceux de la langouste. Mais ces pieds sont disparates, en ce que le pied droit a son extrémité large, longue et mince, tandis que le gauche a son extrémité épaisse et ronde. Les deux pieds ont le bout fendu, et ils ont des dents comme en ont les mâchoires, en bas et en haut. Seulement, le pied droit a toutes ses dents petites et carnassières ou disposées en scie, tandis que le gauche [20] les a en scie ; à son extrémité, mais les dents intérieures sont des espèces de molaires. A la partie inférieure, il y en a quatre, qui se tiennent; et en haut, il n'y en a que trois, qui ne se touchent pas. § 11. Les deux pieds ne meuvent que leur partie supérieure, qui vient presser contre la partie inférieure ; tous deux aussi sont tournés en dedans, comme étant par leur nature destinés à saisir et à serrer. [25] Au-dessus des grands pieds, il y en a deux autres, qui sont velus, un peu au-dessous de la bouche ; et un peu au-dessous de ces derniers, des espèces de branchies sont placées près de la bouche, velues et nombreuses ; l'animal ne cesse de les remuer. Il ramène aussi ses deux pieds velus près de sa bouche ; et ces pieds velus ont, dans le voisinage de la bouche, [30] de légères excroissances. § 12. Le homard a deux dents ainsi que les a la langouste, et au-dessus de ces dents, il a de longs tentacules plus courts et plus minces cependant que ceux de la langouste. En outre, il a quatre autres tentacules pareils à ceux-là, mais plus courts et plus légers. Au-dessus de ces cornes. sont situés les yeux petits et courts, et non pas grands comme ceux de la langouste. § 13. [527a] Au dessus des yeux, une partie pointue et dure forme une sorte de visage, plus développé que dans la langouste. Ce visage est en tout plus pointu que celui de la langouste ; mais le [5] thorax du homard est bien plus large ; et l'ensemble de son corps est plus charnu et plus mou. De ses huit pieds, quatre sont fendus par le bout ; les quatre autres ne le sont pas. § 14. Les alentours de ce qu'on appelle le cou sont extérieurement divisés en cinq parties ; et une sixième division, large et la dernière, a cinq lames. Au [10] dedans, il se trouve quatre parties velues, où la femelle dépose préalablement les œufs qu'elle doit pondre. A chacune de ces parties, l'animal a extérieurement une arête courte et droite. Le corps entier et les parties voisines du thorax sont lisses ; mais elles ne sont pas rugueuses, comme dans la langouste. Aux grands pieds, la partie extérieure porte des arêtes plus fortes. § 15. Du reste, [15] on ne remarque pas de différence entre la femelle et le mâle ; car le mâle et la femelle ont toujours l'une des deux pinces plus forte ; et jamais ni l'un ni l'autre ne les ont égales. § 16. Tous les animaux de ce genre reçoivent l'eau de la mer dans leur bouche ; mais les crabes en gardent quelque partie, [20] tout en la rejetant. Les langoustes la rejettent près des branchies ; car les branchies sont nombreuses dans le genre langouste. § 17. Tous les crustacés ont cette particularité commune d'avoir deux dents; car les langoustes ont aussi les deux premières. Ils ont également dans la bouche une partie charnue au lieu de langue ; et un estomac, qui vient tout de suite [25] après la bouche. § 18. La seule différence, c'est que les langoustes ont un petit œsophage avant l'estomac. Puis, de l'estomac, part un intestin tout droit. Cet intestin aboutit, dans les animaux du genre langouste et dans les squilles, par son trajet direct, à la queue, par où sortent et les excréments et les œufs. Dans les crabes, qui ont un opercule, c'est au milieu que cet opercule est placé ; mais c'est aussi au-dehors, à l'orifice par où [30] ils pondent leurs œufs. § 19. Les femelles ont auprès de l'intestin la place où se logent les œufs, et tous ces animaux ont la partie qu'on appelle la mytis ou le micon, plus ou moins considérable. § 20. Mais maintenant, il faut étudier les différences propres de chaque espèce de crustacés. Les langoustes, ainsi qu'il vient d'être dit, ont deux dents fortes et creuses, dans lesquelles il y a un liquide pareil à celui de la mytis ; et entre les dents, se trouve un petit morceau de chair qui ressemble à une langue. De la bouche, part un court œsophage, et un estomac membraneux, qui le suit. [5] Cet estomac a, près de la bouche, trois dents, dont deux sur le même rang, et la dernière un peu plus bas. § 21. L'intestin de l'estomac est placé de côté ; il est simple et d'égale grosseur dans tout son trajet, jusqu'à l'orifice par où sortent les excréments. Les langoustes, les squilles et les [10] crabes ont tous ce même intestin. Les langoustes ont, en outre, un conduit qui va du thorax jusqu'au point par où les excréments doivent sortir. Pour la femelle, ce conduit sert de matrice ; pour le mâle, c'est le réservoir de la liqueur séminale. Ce conduit est dans la partie creuse de la chair, de telle sorte que la chair est au milieu ; [15] l'intestin est dans la partie convexe ; et le conduit, dans la partie creuse ; le tout étant disposé d'ailleurs comme chez les quadrupèdes. § 22. Il n'y a pour ceci aucune différence entre le mâle et la femelle. Les deux conduits sont minces, blancs, et ils contiennent un liquide jaunâtre ; tous deux ils se rattachent au thorax, auquel ils sont suspendus. [20] Les squilles ont aussi leurs œufs et leurs hélices placés de la même manière; le mâle présente cette particularité que n'a pas la femelle, d'avoir dans la chair, près du thorax, deux petits corps blancs, isolés, qui, pour la couleur et la consistance, ressemblent aux trompes de la seiche. Ces corps sont enroulés comme le micon du buccin ; et ils [25] commencent aux cavités qui se trouvent au-dessous des derniers pieds. § 23. L'animal a encore, dans cette partie, une chair rouge et de la couleur du sang, gluante quand on la touche, et pas du tout pareille à de la chair véritable. De ce point, qui ressemble au thorax du Buccin, part un autre enroulement, qui n'est pas plus gros qu'un fil de ligne. Au-dessous de ces organes, on voit deux [30] autres corps granuleux, attachés à l'intestin, et contenant la liqueur séminale. § 24. Voilà l'organisation du mâle. Quant à la femelle, elle a des œufs de couleur rouge, dont l'attache est près du ventre, et de chaque côté de l'intestin, jusqu'aux parties charnues ; ces œufs sont enfermés dans une membrane légère. § 25. Telles sont les parties des crustacés, soit intérieures, soit extérieures. |
§ 1. Les Crustacés, ou animaux à écailles tendres. Il n'y a dans le texte qu'un seul mot, que j'ai paraphrasé pour en faire sentir toute la force. — Des langoustes. L'identification paraît certaine; mais les variétés sont nombreuses dans ces animaux, et il est difficile de savoir précisément laquelle Aristote a en vue. — Des homards, ou écrevisses. — Ont des pinces. Quelques manuscrits, suivis par Schneider, donnent au contraire une négation : « n'ont pas de pinces. » Avec MM. Aubert et Wimmer, j'ai conservé l'affirmation, qui seule est exacte. — Quelques autres différences. Il eût été utile d'indiquer ces différences plus précisément. — Des squilles, ou crevettes. Il n'y a encore qu'un seul mot dans le texte. — Et celle des crabes. Comme il est dit au paragraphe suivant, les espèces des crabes sont aussi très variées; et l'identification en devient difficile; voir le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, pp. 150 et suiv. Voir aussi Cuvier, Règne animal, tome IV, pp. 107 et 115. § 2. Les Convexes. C'est la traduction littérale du mot grec. — Les Crangons. La dénomination a été conservée par la science moderne; voir Cuvier, Règne animal, tome IV, p. 94, et Zoologie descriptive de M. Claus, p. 488, trad. franc. § 3. Il ne serait pas facile de les compter. Ceci prouve que du temps d'Aristote ces observations étaient déjà très nombreuses. — Des Maïas. Ce nom est resté dans la science contemporaine ; Cuvier, Règne animal, p. 59. Les maïas sont des crustacés décapodes, de la famille des brachyures (courtes queues). Quelques monnaies antiques portent la représentation d'un maïa. — Pagoures. Les pagoures forment encore toute une famille des arthropodes crustacés ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, pp. 490 et 491; voir aussi Cuvier, Règne animal, tome IV, p. 76. — Héracléotiques. Voir plus loin, ch. III, § 3. Ces crabes étaient ainsi appelés sans doute parce qu'on les trouvait sur les côtes où était située la ville d'Héraclée ; mais plusieurs villes sur le bord de la mer ont porté ce nom, en Macédoine, sur la mer d'Ionie, sur les côtes du Pont-Euxin, et sur les côtes de l'Asie Mineure. — Et qui n'ont pas reçu de nom spécial. — La science moderne a poussé plus loin l'analyse ; et il y a bien peu d'espèces qui n'aient pas reçu de nom particulier. — Chevaux. C'est peut-être la même espèce que celle qui est appelée Hippa, par la zoologie contemporaine, de l'ordre des crustacés décapodes, famille des macroures; Cuvier, Règne animal, tome IV, p. 74, et aussi Zoologie descriptive de M. Claus, p. 491, trad. franç. On trouve toujours sur nos côtes des crabes qui marchent très vite, quoique de côté. — Ils sont vides. Ceci est un peu vague et ne se comprend pas bien. — Il y a enfin... homards. MM. Aubert et Wimmer regardent cette phrase comme interpolée. § 4. Ainsi qu'on l'a déjà dit. Voir plus haut, ch. I, §§ 3 et 4. — Est lamellé. C'est bien là le sens du mot grec, qui signifie plus spécialement des plaques. § 5. Cinq pieds de chaque côté... dix pieds en tout... De chaque côté. C'est là ce qui les a fait classer, par la science moderne, dans la famille des crustacés décapodes, qui ont dix paires de pattes ambulatoires, entre les trois paires de pattes-mâchoires. C'est un caractère très apparent, qu'Aristote avait parfaitement saisi. — Les convexes. Voir plus haut, § 2. — De chaque côté cinq pieds... de plus cinq autres de chaque côté. Ce serait en tout vingt pieds, puisqu'il y en a dix de chaque côté. D'ordinaire, on ne compte que quatorze pieds dans la famille des stomapodes, à laquelle appartiennent les squilles. Voir Cuvier, Règne animal, tome IV, pp. 105 et 108. « Les griffes des squilles ont six dents allongées et très acérées... les arêtes longitudinales sont terminées par une pointe aiguë. » Les détails que donne Aristote ne sont pas assez étendus pour qu'on soit parfaitement sûr de l'identification. § 6. Le crangon. Voir Cuvier, Règne animal, tome IV, p. 94. — Les quatre premiers pieds sur chaque côté. — C'est bien la traduction littérale du texte ; mais il faut entendre non pas qu'il y a quatre pieds pour chaque côté, mais deux, ce qui fait quatre pour les deux côtés. Le crangon est de l'ordre des crustacés décapodes, c'est-à-dire qu'il n'a que dix pieds. Ici encore Aristote aurait pu donner plus de détails. Voir aussi la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 488, trad. franç. — Les pieds fléchissent de côté... les pinces... en dedans. Observation essentielle, dont la science moderne ne paraît pas s'être occupée. § 7. Une queue... la queue. Aristote se sert ici de deux mots différents qui ont presque identiquement le même sens. Notre langue ne m'a pas offert la même ressource ; et j'ai dû employer deux fois le mot queue, bien que, selon toute probabilité, il y ait ici une nuance dont j'aurais voulu pouvoir tenir compte. — Cinq nageoires. Ce sont plutôt de fausses pattes que de vraies nageoires; voir Cuvier, Règne animal, tome IV, p. 71, note, et p. 108; et aussi la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 485. — La squille convexe et le crangon. J'ai ajouté ces mots pour plus de clarté. — Le Crangon a cette arête... J'ai adopté la correction proposée par Schneider, qui consiste en un singulier au lieu d'un pluriel. La remarque s'applique alors au crangon seul, tandis qu'avec le pronom au pluriel, elle s'appliquerait à la langouste et à la squille. — Plutôt arrondi. Il s'agit sans doute du crabe poupart ou tourteau, assez commun sur les côtes de la Méditerranée ; Cuvier, Règne animal, tome IV, p. 37. § 8. La langouste mâle... Les détails curieux dans lesquels entre ici Aristote ne paraissent pas avoir été recueillis par la zoologie moderne, qui a cependant remarqué que les langoustes femelles ont, aux pieds postérieurs, une saillie en forme d'ergot, ou de dent, que le mâle n'a pas. Voir Cuvier, Règne animal, t. I V, p. 81. — Se recouvrant les unes les autres. Le sens du mot grec est assez douteux ; celui que j'ai adopté me semble le plus probable. C'est sous ces espèces de nageoires que la femelle garde ses œufs, et peut-être les fait éclore. — Vers le cou. - MM. Aubert et Wimmer supposent que par le cou, il faut entendre ici la queue, la carapace du crabe étant prise pour sa tête. — Des éperons. Ou « des ergots ». — Deux cornes longues et dures. Ce sont les antennes latérales ; elles sont grandes et hérissées de piquants. On pourrait traduire aussi : « Deux palpes ». § 9. Les yeux de tous ces animaux sont durs. On ne comprend pas bien ce qu'on doit entendre par des yeux durs, comparativement aux yeux des autres animaux. — Mobiles en dedans et en dehors. Les yeux sont portés sur des pédoncules plus ou moins longs; et ce sont ces pédoncules qui sont mobiles plutôt que les yeux mêmes. — Mais toujours de côté. Voir un peu plus loin, ch. III, § 3. — La plupart des crabes. Cette indication est encore bien vague. — Plus marqué. Parce que les antennes sont relativement plus longues. § 10. De couleur blanchâtre. Ce serait plutôt grisâtre qu'il faudrait dire, à en juger par les homards de nos climats. La science moderne ne paraît pas du reste s'être attachée à ces caractères tout extérieurs. Les couleurs de la langouste sont différentes de celles du homard. — Il a en dessous huit pieds jusqu'aux grands pieds. Il est assez difficile de suivre ici la description que fait Aristote, parce qu'il confond, sous le nom de pieds, des organes qui sont différents, les pieds proprement dits et les pieds-mâchoires. — Ces pieds sont disparates. On ne retrouve pas cette observation dans la zoologie moderne. D'ailleurs ici le pied doit s'entendre des pieds-mâchoires. — Les deux pieds ont le bout fendu. Ce sont les pieds-mâchoires de devant, qui sont destinés à servir de serres et de pinces. — Des dents. Il semble qu'il aurait mieux valu trouver un nom spécial pour ce genre très particulier de dents. — Disposées en scie. Voir plus haut, liv. II, ch. III, § 13. — Les dents intérieures. C'est la leçon qu'ont adoptée quelques traducteurs ; d'autres ont lu : « les dents du milieu » ; ce qui revient à peu près au même. MM. Aubert et Wimmer ont adopté la première leçon dans leur texte, et la seconde dans leur traduction. - A la partie inférieure. Tous ces caractères ont été négligés par la science moderne, qui sans doute ne les a pas trouvés assez importants. § 11. Les deux pieds. Évidemment, ce sont les pieds ou pattes-mâchoires, qu'Aristote aurait dû distinguer des autres, qui servent à une locomotion plus ou moins complète. Les pieds-mâchoires sont destinés en effet à saisir et à serrer, comme le dit Aristote. — Il y en a deux autres. Il serait nécessaire, pour que l'identification fût complète, de savoir quelle espèce de homard Aristote a prétendu décrire. — Des espèces de branchies. C'est la traduction littérale du mot grec. — Ne cesse de les remuer. Pour le travail de la respiration, qui ne peut en effet s'arrêter un instant. — De légères excroissances. Ce sont sans doute des tentacules moins forts que les autres. § 12. Le homard a deux dents. Peut-être cette expression de dents n'est-elle pas très exacte pour désigner les deux protubérances qu'a le homard au-dessous des tentacules. Dans l'écrevisse, il y a aussi deux dents, une de chaque côté du museau. — De longs tentacules. Ce caractère est exact. - Au-dessus de ces cornes. Ou peut-être faudrait-il traduire : « Au sommet de ces cornes », etc., etc. — Petits et courts. C'est la traduction exacte des deux mots du texte; mais on ne comprend pas bien ce que sont des yeux Courts, à moins qu'on ne veuille dire par là qu'ils ne sont pas portés sur des pédoncules très longs. § 13. Une partie pointue et dure forme une sorte de visage. Il est très difficile de bien décrire la conformation irrégulière de ces animaux ; mais Aristote a raison d'y reconnaître une sorte de visage ; et l'on peut, comme lui, trouver ce visage « plus développé » que celui de la langouste. — De ses huit pieds. Ce sont sans doute les pieds servant à la locomotion telle quelle. — Quatre sont fendus par le bout. Ce caractère ne se retrouve pas dans toutes les espèces. § 14. Les alentours de ce qu'on appelle le cou. Le homard n'a pas effectivement de cou proprement dit ; mais il y a une partie qui y correspond, et qui est le dernier des cinq anneaux dont le corps semble formé. — Une sixième division... a cinq lames. C'est la queue, qui est composée de cinq parties lamelliformes, dans le homard comme dans l'écrevisse. — Au-dedans. Ce mot ne signifie ici que le dessous du corps. - Une arête. Ou « une pointe », ou encore « une épine ». Le mot du texte a ces différents sens. — Des arêtes plus fortes. Même remarque. § 15. L'une des deux pinces plus forte. Voir plus haut, § 10, où le pied droit est représenté comme étant le plus fort. Il y a des pagoures où c'est la première patte à gauche qui est la plus développée ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 491, trad. franç. § 16. Reçoivent l'eau de la mer. C'est la traduction littérale du mot grec; mais il y a aussi des crabes terrestres ; peut-être Aristote ne les a-t-il pas connus. - En gardent quelque partie, tout en la rejetant. Ce sens n'est pas très certain; et tout ce passage semble à MM. Aubert et Wimmer être altéré. — Près des branchies. En général, dans les décapodes, les branchies sont des appendices des pattes, ou pieds-mâchoires ; elles sont placées dans une cavité spacieuse, dont le toit est formé par les parties latérales de la carapace. L'eau y pénètre par une fente, ou par un orifice spécial, comme chez les crabes, en avant de la première paire de pattes. Voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 48i, trad. franc. Sur les branchies des crustacés et leur double circulation, voir Cuvier, Règne animal, tome IV, p. 8. § 17. Cette particularité commune d'avoir deux dents. Il est probable que par dents, il faut entendre les deux mandibules ou paires de mâchoires, recouvertes dans certains crustacés par les pieds-mâchoires. Ce ne sont pas des dents à proprement parler. — Les deux premières. Il est difficile de comprendre ce qu'Aristote a voulu dire par là. — Une partie charnue au lieu de langue. Voir plus haut, ch. I, § 15. Chez les crustacés, la langue, ou ce qui en tient lieu, a une conformation très spéciale. Cette bouche n'a point de lèvre inférieure ; voir Cuvier, Règne animal, tome IV, p. 5 et note, et p. 11. La langue est très petite; et les zoologistes modernes la nomment une languette. Tout ceci d'ailleurs est reproduit dans le Traité des Parties des animaux, liv. IV, ch. V, p. 160, édit. et trad. Frantzius. Aristote croit que cette languette est l'organe du goût chez les mollusques. — Tout de suite après la bouche. Chez les Décapodes, le canal intestinal est court et droit; Cuvier, Règne animal, tome IV, p. 25. § 18. Les langoustes ont un petit œsophage. Nouvelle preuve des dissections auxquelles Aristote avait dû se livrer, pour connaître tous ces détails; il n'avait pas pu pousser l'analyse anatomique aussi loin qu'on l'a fait plus tard; mais la méthode est absolument la même; et c'est la vraie. — Tout droit. Tous ces détails sont très exacts. — Par où sortent et les excréments et les œufs. Ceci n'est pas exact, et les deux orifices sont distincts ; celui des œufs est placé plus haut que l'autre. — Dans les crabes... ils pondent leurs œufs. Tout ce passage semble altéré ; et les divers éditeurs ont fait de vains efforts pour l'éclaircir et l'améliorer. Le meilleur moyen de savoir la pensée d'Aristote, ce serait encore d'étudier avec soin l'organisation des animaux dont il est question ici. § 19. Auprès de l'intestin. Sans doute, ceci veut dire que les œufs sont placés non loin de l'orifice par où sortent les excréments. — La Mytis ou le Micon. Voir plus haut, ch. I, § 17. Tantôt la Mytis semble le réservoir où est contenue l'encre des seiches ; tantôt il semble que c'est l'encre elle-même, qui est appelée de ce nom. § 20. Mais maintenant... Il est assez probable que toute la fin de ce chapitre, depuis le § 19, est une répétition de ce qui a été dit déjà en partie ; et que cette reproduction n'ajoute pas grand-chose à ce qui précède. Je ne vais pas jusqu'à dire que ce soit une interpolation ; mais si le passage est bien d'Aristote, il ne paraît pas qu'il soit indispensable. Il est vrai qu'il est permis aux auteurs de se répéter quelquefois. — Ainsi qu'il vient d'être dit. Ceci confirme la remarque précédente ; voir plus haut, § 12. — A celui de la Mytis. Le texte dit simplement: « Pareil à la Mytis ». — Qui ressemble à une langue. Voir plus haut, § 17. — Un court œsophage. Cela vient d'être dit un peu plus haut, § 17. — Trois dents. Au § 17, Aristote ne donne que deux dents aux crustacés en général, ainsi qu'au homard, § 12. — La dernière un peu plus bas. Il ne paraît pas que la zoologie moderne ait considéré ce troisième organe comme une dent. § 21. L'intestin de l'estomac. Cette expression est assez singulière, sans être fausse. — Placé de côté. MM. Aubert et Wimmer remarquent que cet intestin est plutôt placé sur la ligne médiane du corps. — Ce même intestin. Quelques manuscrits donnent ici une petite phrase que d'autres suppriment, et qui est certainement une interpolation, ou tout au moins un déplacement : « Car les crabes ont deux dents. » MM. Aubert et Wimmer mettent cette phrase entre crochets, comme suspecte. — Les langoustes ont, en outre... Ceci est bien la suite de ce qui précède, moins le membre de phrase que je viens d'indiquer. — Ce conduit sert de matrice... le réservoir de la liqueur séminale. Tous ces détails attestent de nombreuses et profondes recherches d'anatomie. — La chair est au milieu. Il semblerait plutôt que l'intestin est au milieu de la chair, puisqu'il est dans la partie creuse ; mais on peut comprendre aussi que la chair est placée entre le conduit et l'intestin. La zoologie moderne ne paraît pas s'être occupée particulièrement de ces détails. — Comme chez les quadrupèdes. Ce membre de phrase pourrait bien être une interpolation; on ne voit pas ce que les quadrupèdes ont à faire ici, avec des animaux dont l'organisation est si différente. § 22. Il n'y a pour ceci aucune différence... Suite d'observations très curieuses et très délicates. — Les squilles... de la même manière. MM. Aubert et Wimmer croient que cette phrase n'est pas à sa place. — Leurs hélices. Il n'est pas facile de comprendre ce qu'Aristote voudrait désigner par là. Ce sont sans doute les contours de l'intestin. — Le mâle présente cette particularité... etc., jusqu'à la fin du § 23, Contenant la liqueur séminale. MM. Aubert et Wimmer suspectent l'authenticité de tout ce passage ; mais je ne saurais partager leur opinion. Ce passage peut être obscur à plus d'un égard, et il est difficile de l'éclaircir; mais il fait bien suite à ce qui précède ; et ce sont là les explications détaillées qui sont annoncées dans le paragraphe 20. — Ressemblent aux trompes de la seiche. Aristote a parlé antérieurement des trompes de la seiche ; plus haut, ch. I, § 8. L'on comprend qu'il les fasse intervenir ici. — Le micon du Buccin. Voir plus haut, § 19, et ch. I, § 17. § 23. L'animal. Il s'agit du mile de la langouste. — Une chair rouge. Cette organisation ne se retrouve pas dans toutes les espèces; et l'on ne saurait dire précisément à laquelle s'appliquent ces détails. Pour la femelle, les choses sont de toute évidence; et ses œufs, qui sont en général fort abondants, sont bien de couleur rouge, comme il est dit au paragraphe suivant. — Qui ressemble au thorax du Buccin. C'est la traduction littérale du texte, qui peut sembler trop peu précis. — Un autre enroulement. Même remarque. — Un fil de ligne. C'est en partie la force du mot du texte, qui semble signifier plus spécialement la ligne à prendre le poisson. — Contenant la liqueur séminale. Voir plus haut, § 21. § 24. L'attache. Ou « la protubérance ». — Jusqu'aux parties charnues. Placées dans le thorax, et qui sont précisément celles qu'on peut manger. § 25. Les parties des crustacés. Le texte est un peu plus vague ; mais le sens ne peut être douteux ; il ne s'agit que des crustacés, et très spécialement des langoustes. — Soit intérieures, soit extérieures. Quelle que soit l'exactitude plus ou moins grande des détails consignés ici, on ne peut méconnaître qu'ils n'attestent une étude bien profonde et bien étendue. Sur ces espèces de crustacés, la zoologie moderne n'a pas fait de recherches plus louables. |
Interpolation. - Des crabes ; leurs pinces inégales; leur corps est une masse confuse ; organisation variable de leurs yeux ; leur bouche et leurs dents ; absorption de l'eau par les crabes; action de leurs opercules ; l'œsophage des crabes ; leur intestin et son organisation intérieure ; corpuscules blancs et roux; différence des opercules chez le mâle et la femelle. |
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§ 1. [528a] Dans les animaux qui ont du sang, les parties intérieures portent des noms particuliers, parce que tous ces animaux ont des viscères à l'intérieur. Pour aucun animal privé de sang, il n'y a de noms spéciaux ; mais entre les uns et les autres, ce qu'il y a de commun, c'est d'avoir un ventre, un œsophage et un intestin. § 2. En parlant des crabes, il a été question de leurs [5] pinces et de leurs pieds, et l'on a dit quelle en est la conformation. En général, ils ont tous la pince de droite plus grosse et plus forte ; et en traitant de leurs yeux, on a dit due la plupart de ces animaux ne voient que de côté. § 3. La masse de leur corps est une unité indistincte, ainsi que leur tête et [10] toutes les autres parties. Les uns ont des yeux de côté, tout en haut, immédiatement sous la partie supérieure, et fort distants l'un de l'autre. Chez d'autres crabes, les yeux sont placés au milieu et excessivement rapprochés, comme chez les héracléotiques et les maïas. La bouche est placée au-dessous des yeux ; et cette bouche a deux dents comme dans la langouste ; seulement, ces dents ne sont pas rondes, [15] mais longues. Par dessus, il y a deux opercules, entre lesquels il se trouve des parties dans le genre de celles que la langouste a près de ses dents. § 4. Le crabe avale l'eau par la bouche, qu'il ferme à l'aide des opercules ; et il la rejette par les conduits qui se trouvent au-dessus de la bouche, en appuyant par ses opercules sur l'ouverture par où elle est entrée. Ces conduits sont [20] immédiatement placés sous les yeux ; et quand l'animal a reçu l'eau, il ferme sa bouche par ses deux opercules, et c'est ainsi qu'il expulse l'eau qu'il avait absorbée. § 5. L'œsophage, qui est à la suite des dents, est si court que l'estomac semble venir tout de suite après la bouche. Cet estomac, ainsi rattaché à la bouche, se divise en deux. [25] L'intestin qui sort de son milieu est simple et mince ; et cet intestin, ainsi qu'on l'a déjà dit, aboutit à l'opercule du dehors. Au dedans de sa cavité, il y a une liqueur de couleur jaune, et quelques corpuscules blancs et allongés, [30] avec d'autres qui sont roux et tachetés. § 6. Le mâle diffère de la femelle par sa grosseur, par sa largeur et par son opercule. La femelle a le sien plus grand que celui du mâle, plus écarté, et plus couvert, comme on le remarque dans la langouste femelle. § 7. Telle est la disposition des parties dont sont composés les crustacés. |
§ 1. Dans les animaux qui ont du sang et un intestin. Voir plus haut, ch. I, § 1. Tout ce paragraphe est évidemment hors de place ; et il interrompt toute la suite des pensées. il correspond, d'ailleurs, à un autre passage du Traité des Parties des animaux, liv. IV, ch. V, p. 188, édit. et trad. Frantzius. — Des noms particuliers. J'ai ajouté ce dernier mot, qui me paraît indispensable. — Il n'y a de noms spéciaux. Le texte est moins précis. — Ce qu'il y a de commun. Voir plus haut, liv. I, ch. II, § 1. — Un ventre. Il semble que ce serait plutôt une bouche qu'il faudrait dire. § 2. En parlant des crabes. Voir plus haut, ch. II, § 5. — La pince de droite plus grosse. Voir plus haut, ch. II, § 10. — On a dit... que de côté. Voir plus haut, ch. II, § 9. § 3. Indistincte. L'observation est très juste, comme on peut le voir sur le crabe-tourteau. — Sous la partie supérieure. Sous-entendu : « De la carapace. » — Fort distants l'un de l'autre. De l'un et de l'autre côté de ce qu'on appelle leur tête. — Les Héracléotiques et les Maïas. Voir plus haut, ch. II, § 3. — Il se trouve des parties... On ne sait pas au juste à quelle espèce tout ceci se rapporte. Ces détails n'en sont pas moins curieux. § 4. Le crabe avale l'eau par la bouche. Le texte dit : « Près de la bouche », et non pas précisément : « Par la bouche ». La description que fait Aristote est parfaitement nette; MM. Aubert et Wimmer ont bien raison de l'admirer. — Et quand l'animal a reçu l'eau. Ceci n'est guère qu'une répétition de ce qui précède, et une répétition peu utile. § 5. L'estomac. Ou « Le ventre ». Le texte dit précisément : « La cavité ». — Cet estomac... se divise en deux. Comme les organes intérieurs du crabe sont très petits, ces détails montrent jusqu'à quel point l'attention d'Aristote s'était portée sur leur anatomie. - Ainsi qu'on l'a déjà dit. Voir plus haut, §§ 16 et 18. - L'opercule du dehors. Ceci ne peut guère s'entendre que de l'extrémité du canal intestinal, se terminant à l'anus de ces animaux. Mais comme cette explication ne concorde pas très bien avec ce qui précède, MM. Aubert et Wimmer proposent de lire : « La couverture extérieure », c'est-à-dire la carapace du crabe. Après ces mots : « A l'opercule du dehors », se trouve la phrase suivante : « Au milieu des opercules, il y a des parties semblables à celles que la langouste a près des dents. » Cette phrase n'est que celle qui se trouve déjà à la fin du § 3, et qui est répétée ici sans aucune nécessité. MM. Aubert et Wimmer proposent de la supprimer ; et, en effet, la suite des pensées n'en a pas besoin. — Il y a une liqueur de couleur jaune. Sans doute, la vésicule du fiel et le fiel qu'elle contient, ou simplement la bile. — Corpuscules blancs et allongés. Ce sont peut-être les testicules du mâle. - Roux et tachetés. Peut-être les branchies. § 6. Le mâle diffère de la femelle. La zoologie moderne ne semble pas avoir recueilli ces observations. — Son opercule. Il est probable qu'il s'agit encore ici de la queue, avec toutes les parties qui la composent. — Plus grand que celui du mâle. Pour que la femelle puisse plus aisément y déposer et y garder ses œufs. — Plus couvert. Le texte ne va pas plus loin. MM. Aubert et Wimmer supposent que ceci exprime une couverture de poils ; et c'est le sens qu'ils croient devoir donner dans leur traduction. |
CHAPITRE IV |
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§ 1. Les testacés, tels que les limaçons de terre, [528b] les limaçons de mer, et tous ceux qu'on appelle des coquillages, plus les hérissons de mer (oursins), ont la partie charnue, quand ils en ont, organisée comme les crustacés; chez eux, cette partie est à l'intérieur, et la coquille est au-dehors, de telle sorte qu'au-dedans il n'y a rien de dur. § 2. Mais tous ces animaux présentent entre eux de [5] nombreuses différences, soit pour les coquilles, soit pour la chair que ces coquilles renferment. Ainsi, les uns, comme le hérisson de mer (oursin), n'ont pas de chair du tout. D'autres en ont; mais ils l'ont cachée tout entière à l'intérieur, sauf leur tête. Tels sont, par exemple, les limaçons de terre, les coquillages qu'on appelle quelquefois des cocalies, et, parmi les coquillages [10] de mer, les pourpres, les buccins, le limaçon marin, et les autres turbinés. § 3. Il y a des testacés, parmi les autres, qui ont deux valves; d'autres n'en ont qu'une. J'entends par bivalves ceux qui sont renfermés dans deux coquilles; et par univalves, ceux qui n'en ont qu'une seule. La partie charnue est à la surface, comme chez l'écuelle. Parmi les bivalves, les uns s'ouvrent, comme [15] les peignes et les moules. Tous les testacés de ce genre sont attachés d'un côté; et de l'autre côté, sont libres, de manière à pouvoir se fermer et s'ouvrir. D'autres sont bivalves aussi ; mais ils sont fermés des deux côtés, comme le sont les solènes. D'autres encore sont enveloppés tout entiers par la coquille; et rien de leur chair ne paraît à nu au dehors, [20] comme sont les téthyes. § 4. Il y a aussi des différences de coquilles les unes par rapport aux autres. Ainsi, les coquilles sont lisses, comme dans le solène, les moules et les conques, auxquelles on donne parfois le nom de galaques. D'autres testacés ont, au contraire, la coquille rugueuse, comme les huîtres de marais, les pinnes, quelques espèces de conques et les buccins. Dans ces espèces, [25] les unes ont la coquille cannelée, comme le peigne et certains genres de conques. D'autres l'ont sans cannelure, comme les pinnes, et une autre espèce de conque. Les coquilles diffèrent encore selon qu'elles sont épaisses ou minces, soit dans leur totalité, soit dans une seule de leurs parties, leurs bords par exemple. Ainsi, les unes ont des bords minces, comme les moules; les autres ont les bords épais, comme [30] l'huître de marais. § 5. Certains testacés peuvent se mouvoir, comme le peigne. Parfois même, on a prétendu que le peigne peut voler, parce que souvent il saute hors de l'engin dont on se sert pour le prendre. D'autres sont immobiles et attachés, comme la pinne. [529a] Tous les testacés turbinés se meuvent en rampant ; l'écuelle se détache pour aller paître sa nourriture. § 6. Ces animaux et tous ceux qui ont l'écaille dure, ont cela de commun qu'à l'intérieur la coquille est lisse. § 7. Dans les univalves et dans les bivalves, la partie charnue adhère à la coquille, de telle sorte qu'il faut une certaine force [5] pour l'en détacher. c'est plus facile pour les turbinés. Un caractère commun de la coquille dans tous ces derniers, c'est que c'est l'extrémité de la coquille opposée à la tête qui est toujours tournée en hélice, et que l'enveloppe qui les recouvre est toujours congéniale. Parmi les testacés, les turbinés marchent toujours à droite; ils ne se meuvent pas dans le sens de leur hélice, mais en sens opposé. § 8. [10] Les parties extérieures de ces animaux présentent donc les différences qu'on vient de dire. Les parties internes se ressemblent naturellement dans presque tous, et surtout dans les turbinés; les seules différences sont celles de la grosseur et les modifications diverses de la dimension. § 9. Les univalves [15] et les bivalves ne présentent pas d'ailleurs grandes différences; le plus souvent, la différence est très petite des uns aux autres; mais elle est plus grande dans leur rapport avec les testacés immobiles. Du reste, c'est un détail que la suite éclaircira. La nature de tous les turbinés se ressemble beaucoup; et ils ne diffèrent, je le répète, que par les dimensions, en ce que ceux-ci ont leurs parties plus fortes et plus apparentes, [20] et que ceux-là tout au contraire les ont plus petites. Parfois encore, la différence consiste dans leur dureté ou leur mollesse, et dans d'autres nuances analogues à celles-là. § 10. Dans tous, la chair qui se trouve à la partie la plus extérieure de la coquille, dans la bouche, est très ferme, bien qu'elle le soit davantage dans les uns et moins dans les autres. Du milieu, sortent la tête et deux petites cornes. Dans les plus grands, [25] ces cornes sont assez fortes ; mais dans les petits, elles sont excessivement petites. Tous aussi, ils font sortir leur tête de la même façon ; et quand ils ont peur, ils la font rentrer. § 11. Quelques testacés ont une bouche et des dents, aiguës, petites, et fines, comme le limaçon. Ils ont aussi des trompes, comme en ont les mouches; et cet organe a quelque chose [30] d'une langue. Les buccins et les pourpres l'ont très dur; et comme les mouches et les taons, percent la peau des quadrupèdes, la trompe des testacés, qui a encore bien plus de force, perce les coquilles dont leur proie est recouverte. [529b] L'estomac de ces animaux est placé immédiatement après leur bouche; et celui des limaçons de mer est tout à fait pareil au jabot d'un oiseau. Au-dessous, il y a deux petits corps blancs et fermes, qui représentent des mamelles, comme on le voit aussi dans les seiches, si ce n'est que ceux-ci ont plus de fermeté. De [5] l'estomac, part un œsophage simple et long, qui va jusqu'au micon, qui se trouve dans le fond de la coquille. Tous ces détails se voient très bien chez les pourpres et chez les buccins, dans la spire de la coquille. § 12. A la suite de l'œsophage, vient l'intestin ; l'œsophage et l'intestin sont continus, et tout son canal est simple jusqu'à l'orifice qui donne issue aux excréments. L'intestin commence [10] vers l'hélice, ou spire, du micon, et c'est là qu'il est le plus large. En effet, le micon est dans tous les crustacés comme une excrétion. Puis l'intestin, après s'être replié, remonte vers la partie charnue ; et il va se terminer près de la tête, point par où sortent les excréments dans tous [15] les turbinés, soit de terre, soit de mer. § 13. Dans les grands limaçons marins, un large canal de couleur blanche, fermé dans sa continuité par une membrane, se soude de l'estomac à l'œsophage ; sa couleur est celle de ces espèces de mamelons qui sont placés à la partie supérieure. Ce canal a des entailles, comme l'œuf de la langouste ; seulement, sa couleur est blanche, [20] tandis que l'œuf de la langouste est rouge. § 14.. Ce canal n'a pas d'issue ni d'orifice ; mais il est placé dans une mince membrane, et il n'a en lui-même qu'une dimension étroite. De l'intestin, s'étendent vers le bas de petits corps noirs et durs, qui se tiennent à peu près comme dans les tortues, si ce n'est qu'ils sont moins noirs. § 15. Les limaçons de mer ont ces corps noirs, et aussi les corps blancs, [25] lesquels sont plus petits dans les plus petits limaçons. § 16. Les univalves et les bivalves sont à certains égards organisés de même; et en partie, ils sont organisés autrement. Ils ont également une tête, de petites cornes, la bouche, et l'embryon de langue. Mais dans les plus petits, on ne voit pas ces organes à cause de leur petitesse; et on ne le voit pas du tout quand l'animal est mort, ou qu'il ne remue pas. § 17. Tous aussi ont le micon, [30] qui, d'ailleurs, n'est pas toujours placé dans le même endroit, ni de volume égal, ni également reconnaissable. Ainsi, les lépades l'ont en bas tout au fond, tandis que les bivalves l'ont dans leur espèce de charnière. § 18. Les barbes circulaires se retrouvent aussi dans tous, comme on le voit dans les peignes. [530a] On y retrouve encore ce qu'on appelle leur œuf, chez ceux qui en ont, et au moment où ils en ont, placé sur l'un des côtés du cercle de leur circonférence, comme le corps blanc des limaçons, qui ont en effet quelque chose de pareil. § 19. Tous ces organes [5] sont, ainsi qu'on vient de le dire, très apparents dans les grands animaux; mais dans les petits, ou on ne les voit pas du tout, ou on les distingue à peine. Ainsi, on les voit parfaitement dans les grands peignes, qui ont une de leurs valves fort large, en forme de couvercle. § 20. La sortie des excrétions se fait par le côté; car il y a un canal par où [10] elles sortent au-dehors. Le micon, ainsi qu'on l'a déjà dit, n'est chez tous qu'une excrétion renfermée dans une membrane. Mais ce qu'on appelle l'œuf n'a point de canal pour sortir, dans aucun de ces animaux ; et c'est un simple renflement de la chair elle-même. L'œuf n'est pas du même côté que l'intestin; il est à droite, tandis que l'intestin est à gauche. § 21. Telle est la sortie de l'excrément [15] dans tous les autres crustacés; mais pour l'écuelle sauvage, qu'on appelle parfois oreille de mer, l'excrétion se fait dans la coquille elle-même, par un trou dont elle est percée. Dans cet animal, l'estomac, comme suite de la bouche, est très visible, ainsi que les espèces d'œufs qu'il a. § 22. C'est, du reste, par l'anatomie qu'on peut s'assurer de la place qu'occupe chacun de ces organes. § 23. [20] L'animal qu'on nomme le petit crabe, tient tout à la fois des crustacés et des testacés, par sa nature propre ; et considéré dans ce qu'il est par lui-même, il se rapproche du genre langouste ; mais comme il se revêt d'une coquille et qu'il y vit, il ressemble aux crustacés ; et c'est là ce qui fait qu'il semble tenir des deux espèces à la fois. A vrai dire, il a une forme [25] assez semblable à celle des araignées, si ce n'est qu'il a le bas de la tête et du thorax plus grand qu'elles. § 24. Il a deux petites cornes, de couleur rousse ; et au-dessous de ces cornes, deux gros yeux, qui ne rentrent pas et ne se baissent pas, comme ceux des crabes, mais qui sont tout droits. Au-dessous des yeux, vient [30] la bouche ; et autour de la bouche, comme des barbes, qui sont en plus grande quantité. A la suite, viennent deux pieds fendus, à l'aide desquels il approche sa proie de sa bouche ; puis, deux autres pieds de chaque côté; et même un troisième, qui est tout petit. [530b] Tout le dessous du tronc est mou; et quand on ouvre la bête, l'intérieur est jaune. § 25. Il n'y a qu'un seul canal allant de la bouche jusqu'à l'estomac ; et l'on ne voit pas de canal pour l'excrétion. Les pieds et le tronc sont durs ; mais ils le sont moins que dans les crabes. L'animal n'a point [5] d'appendice qui l'attache à sa coquille, comme les pourpres et les buccins; et il s'en détache sans peine. Les carcinions qui se logent dans les turbinés, sont plus allongés que ceux qui se logent dans les nérites. § 26. La seconde espèce est celle des nérites, qui, à d'autres égards, se rapproche de la première, mais qui s'en distingue par deux pieds fendus, dont le droit est petit, tandis que le gauche est grand. [10] C'est sur ce dernier que marche surtout l'animal. On trouve aussi quelquefois un animal analogue dans les conques et autres coquilles, où son adhérence est à peu près la même ; et on l'appelle le cyllare. Le nérite a d'ailleurs la coquille lisse, grande, arrondie, et conformée dans le genre de celle des buccins. Seulement, [15] le micon des nérites n'est pas noir comme. dans ceux-ci ; mais il est rouge. Le nérite est attaché assez fortement à sa coquille, par le milieu. § 27. Dans les temps calmes, les petits crabes se détachent des rochers pour aller chercher leur nourriture ; mais quand les vents soufflent, ils se tiennent en repos sur les rochers. Les nérites s'y tiennent également, ainsi que les lépades, les hémorrhoïdes et toutes [20] les espèces semblables. Ils adhèrent aux rochers, en inclinant leur couvercle ; c'est comme le bouchon dans un vase ; et ce que produisent les deux valves dans les bivalves, une seule suffit à le faire dans les turbinés. La partie charnue est à l'intérieur; et dans cette partie, se trouve la bouche. § 28. [25] La même organisation se montre dans les hémorrhoïdes, dans les pourpres, et dans tous les animaux de cet ordre. Ceux qui ont le pied gauche plus grand ne vont pas dans des coquilles arrondies ; mais ils vont dans les nérites. Il y a même des limaçons de mer qui renferment dans leurs coquilles des animaux, pareils à ces petites écrevisses qui se forment aussi dans les eaux douces. Ils en diffèrent [30] en ce que le dedans de la coquille est mou. § 29. Quant à leur forme, c'est par l'anatomie qu'il faut l'étudier et s'en rendre compte. |
§ . 1. Les testacés. La zoologie moderne ne fait pas, en général, des testacés une classe à part; et elle a l'habitude de les confondre avec les crustacés, dans l'ordre des mollusques. Aristote semble au contraire attacher une grande importance à distinguer ces deux espèces d'animaux. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, Introduction, p. 49; et la Zoologie descriptive de M. Claus, Principaux systèmes de classification, pp. 1099 et suiv. Linné place les testacés parmi les Vermes avec les mollusques et les zoophytes. — Limaçons de terre... limaçons de mer. J'ai conservé, autant que je l'ai pu, l'analogie et la presque ressemblance que représentent les deux mots grecs. Peut-être vaudrait-il mieux traduire : coquillages de terre et coquillages de mer. Le texte d'ailleurs n'indique pas expressément cette différence de terre et de mer. — Des coquillages. Littéralement : Huîtres. En remontant à l'étymologie, on voit que, pour Aristote, les testacés sont des mollusques à coquilles dans le genre de celle des huîtres. — Les hérissons de mer. J'ai mis oursins entre parenthèses, parce que c'était aussi le nom des hérissons de mer; mais j'ai voulu conserver le mot de hérissons qu'emploie Aristote; voir Cuvier, Règne animal, t. III, p. 230. — Au dedans il n'y a rien de dur. Et c'est là ce qui justifie le classement de ces animaux parmi les mollusques. § 2. De nombreuses différences. Voir les descriptions de Cuvier, loc. cit. — N'ont pas de chair du tout. Ceci est exagéré, puisqu'il y a une partie de l'oursin qui est mangeable. — Les limaçons de terre. Voir le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, pp. 177 et 178. — Cocalies. On ne sait pas au juste à quel testacé s'applique ce nom, qui ne se trouve que cette seule fois dans Aristote. — Turbinés. Ce sont les coquillages univalves, spirés, dont la spire est plus ou moins allongée. § 3. Parmi les autres. Ces mots ne peuvent désigner que des testacés autres que les turbinés, dont on vient de parler. — Deux valves. Le grec dit précisément : « deux portes ». — Deux coquilles... qu'une seule. La description est aussi claire que possible. — Est à la surface. C'est la traduction littérale ; et ceci veut dire que, dans les univalves, la chair est d'un côté toute nue, tandis que, de l'autre côté, elle est couverte par une coquille. — Comme l'Écuelle. Le mot grec, que j'ai traduit littéralement, indique bien la forme du coquillage dont il s'agit. Il est univalve, et sa coquille est creuse, comme une écuelle peut l'être. Ces coquillages ne sont pas rares ; et il est évident que, chez eux, la chair de l'animal doit être à découvert dans la partie inférieure, la coquille ne recouvrant que le haut. — Les peignes et les moules. Ce sont des coquillages très communs, et généralement connus ; voir Cuvier, Règne animal, tome III, pp. 122 et 135. Les valves sont inégales dans les peignes ; mais elles sont égales dans les moules. Les peignes et les moules sont des testacés acéphales. — De manière à pouvoir se fermer et s'ouvrir. Description aussi claire que la précédente. — Ils sont fermés des deux côtés. Ceci se comprend moins bien ; et une bivalve doit nécessairement s'ouvrir d'un côté ; mais ceci veut dire que l'animal peut sortir par un des bouts où est son pied, avec lequel il s'enfonce dans le sable. Voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 157. — Les Solènes. J'ai conservé le mot du texte, qui d'ailleurs se retrouve aussi dans la science moderne. Voir Cuvier, loc. cit., et le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, p. 183, § 26. — Les Téthyes. J'ai reproduit le mot grec, qu'a conservé aussi la science moderne ; mais les téthyes ne sont pas des bivalves, comme on pourrait le croire d'après le contexte; ce sont des polypes, qui se rapprochent beaucoup des éponges, sans en être précisément; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 321 ; voir aussi le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, p. 183, § 27, qui croient pouvoir ranger les téthyes parmi les ascidies, que Cuvier assimile au téthyon (thétyon) des Anciens, en les décrivant assez longuement; Règne animal, tome III p. 165. § 4. Des différences de coquilles. Toutes ces observations sont exactes; mais la science moderne ne les a pas conservées, les regardant sans doute comme peu importantes. — Galaques. Aristote n'a employé ce mot que cette seule fois ; on ne sait pas au juste à quel animal il répond. — Comme les huîtres de marais. C'est la traduction littérale du mot grec ; peut-être s'agit-il de parcs à huîtres, ou simplement de bancs d'huîtres, attachés aux rochers. — Les pinnes. Voir la description de Cuvier, Règne animal, tome III, p. 131. — La coquille cannelée. C'est une différence de forme qui est aussi à noter. — Les coquilles... épaisses ou minces. Différence qui mérite encore d'être remarquée, bien qu'elle n'ait pas une très grande importance. — L'huître de marais. Voir le paragraphe précédent. Il est clair qu'il s'agit des huîtres ordinaires, qui ne se trouvent que dans la mer et non des testacés terrestres. MM. Aubert et Wimmer croient, avec M. le professeur Grube, que le mot grec désigne plutôt le pectunculus pilosus ou le spondylus gadœropus, dont les bords sont fort épais, et qui sont très fréquents dans la mer Égée. Mais on peut objecter que souvent aussi les huîtres ordinaires ont des bords très épais. Voir le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, p. 179. § 5. Comme le peigne. On a constaté qu'en effet le peigne a des mouvements très rapides quand il nage. MM. Aubert et Wimmer pensent qu'il s'agit du pecten Jacobaeus, qui abonde dans la mer Égée; voir le Catalogue, p. 178. Aristote revient sur les mouvements du peigne, plus loin liv. IX, ch. XXV, § 14. — Ils sautent hors de l'engin. Le fait paraît fort exact, et des zoologistes modernes ont pu l'observer dans les parages de la mer Égée. — Attachés comme la pinne. « Ces coquilles, dit Cuvier, loc. cit., se tiennent à demi enfoncées dans le sable et atterrées au moyen de leur byssus » (amas de filaments et de poils particulier à ces coquillages). — L'écuelle. Voir plus haut, § 3. — Se détache pour aller paître sa nourriture. Je ne sais pas si le fait a été constaté par la science moderne. § 6. Ces animaux... la coquille est lisse. MM. Aubert et Wimmer regardent cette phrase comme une interpolation. Il est vrai qu'elle interrompt, dans une certaine mesure, la suite des pensées; mais je ne crois pas qu'elle soit absolument étrangère ; et il est bien possible que ce soit une observation d'Aristote lui-même, ajoutée après coup. — Ceux qui ont l'écaille dure. Le mot grec employé ici semble à MM. Aubert et Wimmer, qui sont d'excellents juges, ne pas appartenir à la langue d'Aristote. § 7. La partie charnue adhère à la coquille. Comme on peut le voir dans les huîtres ordinaires. — C'est plus facile pour les turbinés. Cette observation, d'ailleurs assez peu importante, ne paraît pas avoir été recueillie par la science moderne. — Opposée à la tête. Il faut entendre ici, par l'extrémité opposée â la tête, la partie la plus aiguë de la coquille, chez les pinnes par exemple. — Congéniale. Littéralement : « à partir de la naissance ». — Marchent toujours à droite. Cette même phrase se retrouve dans le Traité de la Marche des animaux, p. 706, a, 12, édit. de Berlin, d'où il semble qu'elle ait été empruntée. On ne voit pas clairement ce qu'Aristote entend par la droite. Est-ce la droite de l'animal, ou celle de l'observateur? — Le sens de leur hélice. Ce qui précède peut indiquer ce qu'est le sens véritable de l'hélice. Aristote a posé en principe que le mouvement commence toujours par la droite, loc. cit. § 8. Les parties extérieures... les parties internes. C'est la méthode constante qu'Aristote a suivie dans toute cette étude : d'abord, les parties extérieures, qui sont les plus apparentes ; puis, les parties internes, qui sont plus difficiles à connaître. — Et surtout dans les turbinés. Les détails donnés sur les turbinés sont trop peu développés pour qu'on puisse s'y référer comme à des exemples. — De la grosseur... de la dimension. Voir plus haut, liv. I, ch. I, § 5, où ce principe a été posé tout d'abord. § 9. Le plut souvent. J'ai adopté la leçon que donne l'édition de MM. Aubert et Wimmer, d'après deux manuscrits. — La suite éclaircira. Cette explication ultérieure ne se trouve pas dans l'Histoire des animaux, ni dans un autre ouvrage d'Aristote. — Ceux-ci... MM. Aubert et Wimmer ont pensé devoir ajouter ici: « les plus grands », croyant cette nuance absolument indispensable. A mon avis, elle ne l'est pas ; et le texte se suffit parfaitement. § 10. Dans tous. Sous-entendu : Univalves et bivalves. — Dans la bouche. C'est la traduction littérale du grec ; mais peut-être serait-il plus exact de dire : « qui correspond à la bouche, ou Qui tient lieu de bouche ». — La tête et deux petites cornes. Dans quelques espèces seulement; et il eût été bon de désigner précisément ces espèces. — Ils font sortir leur tête... ils la font rentrer. Ceci semblerait s'adresser très spécialement aux colimaçons de terre. § 11. Quelques testacés... Tous ces détails se retrouvent en partie dans le Traité des Parties des animaux, liv. IV, ch. v, p. 194, édit. et trad. Frantzius. — Des dents. MM. Aubert et Wimmer pensent qu'il doit s'agir ici de mâchoires, et non pas de vraies dents, parce que les dents des céphalopodes sont si petites qu'Aristote ne peut pas les avoir connues. - Des trompes. Quelques éditeurs préféreraient le singulier ; mais cette correction ne paraît pas très nécessaire, bien qu'elle soit justifiable. — Les buccins et les pourpres... Tout ce passage paraît très clair ; et les changements qu'on a essayé d'y faire ne sont pas très utiles. — Dont leur proie est recouverte. Le texte semble indiquer que c'est la coquille des animaux dont on se sert pour appât, quand on pêche ces coquillages. Le sens que j'ai adopté me semble plus naturel. § 12. L'estomac de ces animaux. L'expression est bien vague ; et il eût été béat de la déterminer davantage, en nommant les animaux auxquels cette observation s'applique. — Des limaçons de mer. Je reproduis cette dénomination, faute d'une meilleure, comme je l'ai déjà fait plus haut. MM. Aubert et Wimmer n'ont pas pu identifier le nom du coquillage marin qu'Aristote veut désigner. — Au jabot d'un oiseau. Voir plus haut, liv. II, ch. XII, § 26. — Au-dessous, il y a deux petits corps... Ces détails anatomiques prouvent avec quel soin Aristote avait étudié ces animaux ; il ne lui aurait rien coûté de les nommer. Ces deux petits corps blancs et fermes sont, à ce qu'on croit, les glandes salivaires des colimaçons. Cuvier, Règne animal, tome III, p. 9, remarque aussi que « l'œsophage des céphalopodes se renfle en jabot, et donne ensuite dans un gésier aussi charnu que celui d'un oiseau ». Cuvier ajoute que l'intestin est simple et peu prolongé. — De l'estomac, part un œsophage. Il semble qu'il faudrait dire tout le contraire, puisque l'œsophage précède l'estomac auquel il apporte les aliments ; mais l'œsophage ne veut dire sans doute ici qu'un canal alimentaire. -- Jusqu'au micon. V. plus haut, ch. II, § 19. — Les pourpres et chez les buccins. Ces deux espèces d'animaux sont des gastéropodes pectinibranches. Les buccins sont des coquilles échancrées sans aucun canal. Les pourpres ont une columelle aplatie (partie sur laquelle est roulé le cône), tranchante vers le bout opposé à la spire ; l'animal ressemble au buccin; voir Cuvier, Règne animal, tome III, pp. 97 et 99. § 13. L'œsophage et l'intestin sont continus. Quelques manuscrits suppriment cette petite phrase, qui semble bien n'être en effet qu'une interpolation. MM. Aubert et Wimmer ne l'ont pas admise dans leur texte. — L'intestin commence... Ces détails se trouvent reproduits dans le Traité des Parties des animaux, liv. IV, ch. v, p. 190, édit. et trad. Frantzius. - Une excrétion. Quelques manuscrits ajoutent ici trois mots, qui sont peu clairs. — Se terminer près de la tête. En général, dans les céphalopodes, les excrétions sortent par un entonnoir charnu, placé à l'ouverture du sac et devant le col ; Cuvier, Règne animal, tome III, p. 8. Le rectum donne dans l'entonnoir. § 14. Dans les grands limaçons marins. Il n'est pas possible de désigner plus spécialement de quels coquillages il s'agit. — Un large canal... A l'aide de ces détails, on pourrait sans doute retrouver l'espèce d'animaux à laquelle Aristote fait allusion. — Ces espèces de mamelons. Voir plus haut, § 12. — Placés à la partie supérieure. Ou peut-être : « Dont il vient d'être parlé plus haut. » — Des entailles. C'est la traduction littérale ; mais on ne comprend pas bien ce que signifient ici des entailles, à moins que ce mot ne désigne la séparation en diverses parties. — Est rouge. Voir plus haut, ch. II, § 24. — Qu'une dimension étroite. Le sens du mot grec n'est pas très clair. — De petits corps noirs et durs. On ne sait ce que sont ces petits corps noirs ; mais de nouvelles recherches anatomiques pourraient le faire découvrir. Voir plus loin, ch. V, § 1 et § 6. - Comme dans les tortues. Il semble bien qu'il s'agit des intestins de la tortue, et non des plaques plus ou moins noires que quelques espèces ont sur leur carapace. § 15. Et aussi les corps blancs. Voir plus haut, § 12. La zoologie moderne ne paraît pas avoir étudié ces détails. — Les plus petits limaçons. Le texte est moins précis; mais le sens ne peut faire de doute. § 16. Les univalves et les bivalves. L'expression est bien générale ; et dans ces deux familles, il y a une foule d'espèces. Aristote s'efforce d'ailleurs de déterminer le mieux possible les ressemblances et les différences. — De petites cornes. Ce sont les tentacules. — La bouche et l'embryon de langue. Quelques commentateurs ont douté qu'Aristote ait pu connaître la tête et la bouche des coquillages; son assertion cependant est positive; il resterait seulement à savoir à quels animaux précisément elle s'adresse. — A cause de leur petitesse. Ceci indique bien qu'Aristote avait observé les choses de très près, et très particulièrement sur les animaux vivants. § 17. Le micon. Voir plus haut, ch. II, § 19. — Les lépades, ou écuelles. J'ai conservé le mot grec, bien que l'identification soit à peu près certaine. Il s'agit ici des patelles, coquillage d'une seule pièce en forme de cône évasé; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 112. MM. Aubert et Wimmer croient que la lépade est la patella vulgata ou mammillaris, qui abonde dans la Méditerranée. — En bas tout au fond. Ceci est reproduit dans le Traité des Parties des animaux, liv. IV, ch. V, § 93, p. 196, édit. et trad. Frantzius. — Dans leur espèce de charnière. Le passage du Traité des Parties des animaux me paraît justifier tout à fait cette traduction. Le mot du texte est d'ailleurs assez rarement employé ; et le sens n'en est pas bien fixé. § 18. Les barbes circulaires. Ou bien : « les filaments en forme de cheveux » ; ce qui est la traduction littérale du texte. Ce sont les branchies, par lesquelles ces animaux respirent. — Dans les peignes. Les barbes dans les peignes sont ce qu'on appelle le byssus ; toutes les espèces ne l'ont pas. Il s'agit peut-être aussi des deux rangées de filets qui, dans quelques espèces, entourent le manteau. Leur coquille est inéquivalve et demi-circulaire; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 122, et aussi p. 118 pour le Byssus. — Ce qu'on appelle leur oeuf. Voir un peu plus bas, § 20. Aristote, par cette formule, montre bien qu'il doute lui-même que ce soit un œuf véritable. Quel est précisément cette partie de l'animal, c'est ce qu'il est difficile de savoir. D'après la description de Cuvier, on pourrait croire qu'il s'agit de l'abdomen, en forme de sac, qui, dans ces coquilles, pend entre les branchies ; voir Cuvier, loc. cit. Voir aussi le Traité des Parties des animaux, liv. IV, ch. v, § 94, p. 198, édit. et trad. Frantzius. — Le corps blanc des limaçons. Voir plus haut, § 15. § 19. Ainsi qu'on vient de le dire. Voir plus haut, § 16. — Une de leurs valves fort large. En effet, dans les peignes, une des deux valves est plus grande que l'autre ; et elle semble, par conséquent, couvrir la plus petite. § 20. Se fait par le côté. Dans les mollusques gastéropodes, l'ouverture de l'anus est presque toujours sur le côté droit du corps ; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 31. — Ainsi qu'on l'a déjà dit. Voir un peu plus haut, § 17. — Ce qu'on appelle l'oeuf. Voir plus haut, § 18. — N'a point de canal pour sortir. C'est là ce qui a porté Aristote à douter que ce fût un œuf véritable. — L'œuf n'est pas du même côté que l'intestin. Ces détails démontrent une attention bien vive, apportée dans toutes ces recherches. § 21. Oreille de mer. MM. Aubert et Wimmer croient que ceci est une interpolation. Ce peut bien être ; mais parmi les mollusques scutibranches, on distingue les ormiers ou haliotides, dont l'ouverture très ample, avec une spire aplatie et petite, les fait ressembler à l'oreille d'un quadrupède ; d'où, leur nom d'Haliotides; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p, 111. — Dans la coquille elle-même. C'est la leçon de MM. Aubert et Wimmer; la leçon ordinaire est : « Au bas de la coquille. » — Les espèces d'œufs. Voir plus haut, § 13. § 22. Par l'anatomie. Ou plutôt peut-être « Par les dessins anatomiques ». § 23. Le petit crabe (carcinion). Il est très difficile d'identifier l'animal qu'Aristote entend décrire ici et la science moderne a conservé en partie la désignation de carcinion, qui ne fait que reproduire le mot grec; voir Cuvier, Règne animal, tome IV, p. 73 ; et le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, p. 153. Le carcinion, ou petit crabe, est un crustacé macroure, qui habite une coquille univalve et vide, et qui est du genre du bernard-l'ermite ; selon quelques auteurs, ce pourrait être le pagures Diogenes, ou le pagurus striatus. La description qu'en fait Aristote est assez longue et assez minutieuse ; mais elle ne suffit pas pour déterminer précisément l'animal. — Des crustacés et des testacés. Ainsi que je l'ai déjà remarqué. la science moderne n'a pas conservé cette distinction, qui, pour Aristote, paraît assez profonde. — Il se revêt d'une coquille. Aristote établit par là que l'animal construit lui-même sa coquille, tandis qu'il y a de ces mollusques qui se logent dans des coquilles étrangères. Plus loin, liv. V, ch. XIII, § 16, il revient sur le carcinion, qui passe de coquille en coquille à mesure qu'il grossit, et qui ne produit pas lui-même une coquille qui lui appartienne. — A vrai dire... Des araignées... plus grand qu'elles. MM. Aubert et Wimmer regardent tout ce paragraphe comme apocryphe. Les manuscrits le donnent sans exception et sans variante ; mais il est possible que ce soit une glose passée de la marge dans le texte. Le rapprochement avec les araignées ne paraît pas usez détaillé; et la ressemblance est trop lointaine. § 24. Deux petites cornes. Sans doute des tentacules. Il semble que la description développée qui se trouve ici, devrait permettre une identification assez facile : elle n'a point été faite complètement, parce que peut-être les zoologistes ne se sont-ils pas assez occupés des crustacés de ces parties de la Méditerranée, où Aristote a pu les observer. — Comme des barbes. Le texte dit précisément « Chevelus, Filiformes ». — En plus grande quantité. Sous-entendu : « Que dans les parties voisines ». — Deux pieds... deux autres pieds... un troisième. Il semble que ces indications conviennent en partie au crustacé appelé bernard-l'ermite, quoiqu'il n'ait que deux paires de pieds. - L'intérieur est jaune. C'est peut-être du foie et de bile qu'il est ici question. § 25. Il n'y a qu'un seul canal. Détails anatomiques, qui sont à remarquer. — L'estomac, ou « Le ventre ». — L'on ne voit pas de canal. Autre détail anatomique non moins curieux. — Qui l'attache à sa coquille. MM. Aubert et Wimmer trouvent que ceci est en contradiction avec le § 23, où il est dit que le carcinion, tout en se logeant dans une coquille, n'en est pas moins un animal indépendant par lui-même. Ici, au contraire, le carcinion semble avoir une coquille qui lui appartient en propre. MM. Aubert et Wimmer suspectent l'authenticité de toute la fin de ce paragraphe. — Dans les turbinés. Ceci en effet ne paraît pas tenir à ce qui précède, et surtout ce n'en est pas la suite régulière. J'ai adopté, du reste, pour ce paragraphe, le même sens qu'ont adopté MM. Aubert et Wimmer; c'est le plus probable ; mais le grec ne donne pas de sujet à la phrase, et il ne se sert que d'adjectifs au pluriel neutre, tout à fait indéterminés. § 26. La seconde espèce... Il n'a pas été question d'une première espèce, à moins que cette première espèce ne soit le carcinion ou petit crabe. MM. Aubert et Wimmer ont compris que c'est un autre animal analogue au carcinion, qui vit dans les nérites, comme le carcinion lui-même vit dans d'autres coquillages. Le texte ne me semble pas se prêter à cette interprétation, quelque probable qu'elle soit. En l'adoptant, il faudrait traduire : « La seconde espèce est celle qui vit dans les nérites ». — Deux pieds fendus. Voir plus haut le § 24. Le carcinion vivant dans les nérites se distinguerait de l'autre, par les différences que présentent les pieds. Sur les nérites, voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 85, et la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 712. — Un animal analogue. Sous-entendu : « au Carcinion. » — Où son adhérence. Plus haut, (§ 23) il a été dit, au contraire, que le carcinion est distinct de la coquille dans laquelle il se loge; il y a donc contradiction ; mais peut-être le mot d'adhérence n'a-t-il pas toute la force qu'on peut y prêter, et signifie-t-il seulement le séjour de l'animal dans la coquille d'un autre. Au lieu de conques, MM. Aubert et Wimmer proposeraient de lire : « Dans les fragments de coquillages ». Il suffirait d'un très léger changement de quelques lettres; il y a deux manuscrits qui autorisent cette variante. Quant aux autres coquilles où se loge aussi cet animal d'espèce analogue au carcinion, MM. Aubert et Wimmer supposent ici une lacune ; mais cette conjecture ne paraît pas très justifiée. — Le Cyllare. On ne sait pas à quel animal répond précisément ce nom de cyllare ; Aristote n'en a parlé qu'ici ; voir le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, p. 155. — Le nérite, ou « la nérite ». — Arrondie. Cuvier, Règne animal, tome III, p. 85, dit que les nérites ont une spire presque effacée, et la coquille demi-globuleuse. — Dans le genre de celle des buccins. Cuvier, id., ibid., p. 97, dit que la forme de la coquille des buccins est généralement ovale. — Le micon des nérites... est rouge. Peut-être s'agit-il plus particulièrement ici de l'espèce dite lanthine, très abondante dans la Méditerranée, dont l'animal, dès qu'on le touche, répand une liqueur épaisse d'un violet foncé, qui teint autour de lui l'eau de la mer. Les Ianthines se rapprochent beaucoup des nérites. — Le nérite est attaché... C'est le contraire du carcinion, qui n'est pas attaché ; voir plus haut, § 23. § 27. Les petits crabes. Le texte n'est pas aussi précis ; il se sert d'un pronom indéfini au pluriel, qui peut se rapporter à toutes les espèces dont on vient de parler, aussi bien qu'aux carcinions, ou petits crabes. — Pour aller chercher leur nourriture. Il semble bien alors que l'animal doit être indépendant de la coquille dans laquelle il se loge. — Les lépades. Voir plus haut, § 17, et plus loin, liv. V, ch. XIII, § 1. - Les hémorrhoïdes. J'ai conservé le mot grec, ignorant à quel animal ce nom peut se rapporter. — Leur couvercle. Ou « opercule », comme les nérites qui ont toujours un opercule qui couvre complètement leur ouverture semi-elliptique ; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 85. — Une seule. Ou « Une des deux. » — La partie charnue... la bouche. Ces détails ne semblent pas tenir à ce qui précède. § 28. La même organisation... de cet ordre. MM. Aubert et Wimmer trouvent cette phrase incompréhensible ; elle peut être inexacte: mais, en elle-même, elle est très claire. — Ceux qui ont le pied gauche plus grand. Voir plus haut, §§ 25 et 26. — Ils vont dans les nérites. Ceci semble concerner les carcinions, qui vont se loger dans des coquilles étrangères. — Des limaçons de mer. Voir plus haut, §§ 2 et 14. — Ces petites écrevisses. MM. Aubert et Wimmer ont cru devoir traduire le mot grec par celui de homard, quelque singulier qu'il soit de parler de homard dans des eaux douces. J'ai pris le mot d'écrevisse, qui me semble mieux répondre à la réalité. — Ils en diffèrent... est mou. Ceci ne se comprend pas bien, après ce qui vient d'être dit, au § 27.
§ 29.
C'est par l'anatomie qu'il faut l'étudier. Ou peut-être : «
Par les dessins anatomiques. »
Voir plus haut le § 22, et la note. |
Des hérissons de mer ; leur organisation étrange ; ils n'ont pas de chair; leurs petits corps noirs ; leurs œufs ; espèces nombreuses ; hérissons de Torone ; hérissons comestibles ; œufs des hérissons qu'on ne peut manger ; bouche et orifice excrétoire des hérissons ; leurs cinq dents ; leur estomac divisé en cinq sections ; les cinq œufs ; les corps noirs ; les piquants du hérisson lui servent à marcher. |
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§ 1. Les hérissons de mer (oursins) n'ont pas de partie charnue ; c'est là une organisation qui n'appartient qu'à eux. Ils en sont tous privés, et ils n'ont pas la moindre chair à l'intérieur; mais tous ont les corps noirs. [531a] Il y a plusieurs. espèces de hérissons. L'une est celle qu'on mange ; et c'est l'espèce où se trouvent des œufs, ou ce qu'on appelle ainsi ; ces œufs sont grands et comestibles ; ils se trouvent également dans les grands et les petits hérissons, qui, même quand ils sont encore tout jeunes, ont déjà ces œufs. § 2. Il y a, en outre, deux autres espèces, celle des spatanges, et celle des hérissons [5] qu'on appelle brysses ; mais ceux-là sont dans la haute mer; et ils sont rares. Puis, il y a encore les hérissons qu'on nomme hérissons-mères, et qui sont les plus gros de tous. On connaît aussi une dernière espèce qui est petite, mais qui a des pointes longues et dures. Cette espèce vient de la haute mer dans les eaux profondes, où la mer a encore plusieurs brasses; et l'on s'en sert parfois comme d'un remède dans les stranguries. § 3. [10] Sur les côtes de Torone, on trouve des hérissons de mer dont les coquilles, les piquants, et les œufs sont blancs ; ceux-là sont plus longs que les autres. Mais dans ces hérissons, le piquant n'est, ni bien grand, ni bien fort ; il est plutôt mou. Les corps noirs qui partent de la bouche sont nombreux ; et ils vont jusqu'à l'orifice excrétoire, sans d'ailleurs tenir les uns aux autres. [15] Le hérisson en est comme partagé en plusieurs sections. Ce sont les hérissons comestibles qui ont le plus de mouvement, et les mouvements les plus variés; ce qui doit donner à le croire, c'est qu'ils ont toujours quelque chose d'arrêté dans leurs piquants. § 4. Tous les hérissons ont des œufs ; mais quelques-uns ont des œufs qui sont très petits et qui ne sont pas mangeables. Il se trouve que ce qu'on appelle la tête et la bouche est en bas dans le hérisson, et que l'orifice par où sortent les excréments est en haut. [20] C'est aussi l'organisation des turbinés et des lépades; car, prenant leur nourriture par les parties inférieures, la bouche est tournée près de ce qu'elle doit saisir, et les excréments sortent par en haut dans les parties supérieures de la coquille. § 5. Le hérisson de mer a cinq dents, dont l'intérieur est creux ; et, entre ces dents, se trouve un corps charnu qui tient lieu de langue. [25] Vient ensuite l'œsophage ; puis, après l'œsophage, l'estomac, qui offre cinq divisions, et qui est plein d'excréments. Toutes les sinuosités de cet estomac se réunissent en une seule pour la sortie des excrétions, à l'endroit où la coquille est trouée. Au-dessous de l'estomac, se trouve, dans une autre membrane, ce qu'on appelle les œufs, [30] qui, dans tous ces animaux, sont en nombre égal, toujours impair, et cinq en tout. § 6. En haut, à partir de la racine des dents, sont suspendus les corps noirs, dont le goût est amer et qu'on ne peut manger. Bon nombre d'animaux ont quelque organe semblable ou analogue ; il se trouve dans les tortues, dans les rainettes, dans les grenouilles, dans les turbinés, et dans les mollusques. [531b] La seule différence est celle de la couleur; mais dans tous ces animaux, les corps de ce genre sont immangeables, bien qu'ils le soient plus ou moins.
§ 7. La bouche du hérisson de mer se tient sans discontinuité
d'un bout à l'autre ; mais, à la surface, elle n'est pas continue,
et l'on dirait d'une lanterne qui n'aurait pas la peau qui doit en
faire le cercle. [5] Le hérisson se sert de ses piquants en guise de
pieds ; et c'est en s'appuyant dessus qu'il se met en mouvement,
pour changer de place. |
§ 1. Les hérissons de mer. Le texte grec dit simplement hérissons. J'ai ajouté le synonyme « oursins », parce qu'il est aussi souvent employé que le mot de hérissons. La seule différence, c'est qu'oursin est plus scientifique. — De partie charnue. Strictement parlant, l'assertion est exacte ; mais les oursins n'en ont pas moins une organisation intérieure, composée d'un intestin fort long, attaché en spirale aux parois du test par un mésentère. Voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 230. — Ils en sont tous privés... à l'intérieur. On a pu trouver, avec raison, que ceci n'était qu'une inutile répétition. — Ont les corps noirs. Voir plus haut, sur les corps noirs, ch. IV, § 14, et la note. Il est possible que, par cette expression, Aristote veuille indiquer les cinq ovaires qui sont situés autour de l'anus des oursins, et qui forment la partie mangeable de ces animaux. — Des oeufs ou ce qu'on appelle ainsi. Il est bien probable que ce sont les cinq ovaires; et Aristote voit bien que ce ne sont pas des œufs proprement dits. — Grands et comestibles. Ainsi que Cuvier le remarque, il n'y a que les ovaires de comestibles dans les oursins. § 2. Deux autres espèces. Cuvier compte un beaucoup plus grand nombre d'espèces, bien qu'il les ait réduites plus que ne l'ont fait d'autres zoologistes. — Spalanges. Quelques nomenclatures modernes ont conservé cette dénomination, soit pour des espèces encore vivantes, soit pour des espèces fossiles; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 234, note, et p. 237, note. Voir aussi la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 256. On croit qu'il s'agit d'un oursin ; mais on ne sait de quelle variété. On peut en dire autant des brysses. Aristote n'a nommé que cette seule fois ces deux espèces d'oursins. Parmi les espèces très nombreuses qu'ont distinguées les zoologistes modernes, il y en a une qui se nomme brissoïdes et même brissus, c'est peut-être le brysse du naturaliste grec. Voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 237. — Qu'on nomme hérissons-mères. Dans la nomenclature actuelle, il n'y a rien qui ressemble à cette dénomination. — Les plus gros de tous. Cuvier, Règne animal, tome III, p. 239, parle d'une holothurie de la Méditerranée qui n'a pas moins d'un pied de long. — Des pointes longues et dures. Cuvier parle aussi (p. 232) d'espèces « qui ont de grands et gros piquants de formes très diverses, portée sur de gros tubercules du test, « dont les bases sont entourées d'autres piquants plus petits. » — A encore plusieurs brasses. Le texte n'est pas grammaticalement très correct; mais le sens n'est pas douteux. — On s'en sert parfois... les stranguries. Ceci peut sembler une interpolation. § 3. Sur les côtes de Torone. Sur Torone, voir plus haut, liv. III, ch. XVI, § 17; et plus loin, liv. V, ch. XIII, § 4. — Il est plutôt mou. C'est un caractère que la zoologie moderne a noté aussi dans plusieurs espèces d'oursins. — Les corps noirs. Voir plus haut pour les colimaçons de mer, ch. IV, § 14. Voir aussi le Traité des Parties des animaux, liv. IV, ch. V, §§ 196 et 198, édit. et trad. Frantzius, où Aristote dit que ces corps noirs n'ont pas reçu de nom spécial. — En plusieurs sections. Ce sont les pièces, en général très régulières, dont le test est composé et qui se joignent très exactement. Les petits trous innombrables dont elles sont percées sont rangés sur dix bandes, rapprochées par paires, allant de la bouche à l'anus; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 232. — Le plus de mouvement. D'ailleurs, les mouvements des oursins sont en eux-mêmes très lents. — Quelque chose.... dans leurs piquants. Ce sont sans doute les débris des petits coquillages dont vivent les oursins, et qu'ils saisissent avec leurs pieds, ou tentacules, qui passent par les petits trous et qui sont tout membraneux. J'ai d'ailleurs adopté la variante de MM. Aubert et Wimmer; elle est indispensable pour le sens de ce passage; et elle est justifiée par un passage analogue du Traité des Parties des animaux, liv. IV, ch. V, p. 200, § 95, édit. et trad. Frantzius. § 4. Ont des œufs. Ou ce qu'on appelle leurs œufs, comme le dit Aristote lui-même. — La bouche est en bas. La bouche des oursins proprement dits est au milieu de la face inférieure, et l'anus est précisément à l'opposé. Ce sont les oursins dits réguliers ; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 231. — L'orifice par où sortent les excréments. L'anus. — Des lépades. Voir plus haut, ch. IV, §27 et §17. — Près de ce qu'elle doit saisir. L'explication est simple et profonde. Mais MM. Aubert et Wimmer rejettent, comme apocryphe, la petite phrase qui concerne les turbinés et les lépades assimilées aux oursins. Elle est en contradiction avec ce qu'Aristote a dit plus haut des lépades (écuelles) et des turbinés ; plus haut, ch. IV, § 13. — Dans les parties supérieures de la coquille. Ceci est très exact pour les oursins. § 5. Le hérisson de mer a cinq dents. Cuvier dit : « La bouche est garnie de cinq dents, enchâssées dans, une charpente calcaire très compliquée ; » Règne animal, tome III, p. 231. — Un corps charnu qui tient lieu de langue. Il ne paraît pas que la science moderne ait confirmé cette observation; du moins, je ne la retrouve dans aucun traité de zoologie. — Vient ensuite !'œsophage. Il est clair, d'après ceci, qu'Aristote avait poussé très loin l'anatomie de l'oursin. Cuvier n'a pas donné autant de détails, et il dit simplement que l'intestin de ces animaux est fort long et qu'il est attaché à l'intérieur du test. — Toutes les sinuosités de cet estomac... Ce sont les cinq divisions dont Aristote vient de parler. — A l'endroit où la coquille est trouée. C'est le haut de la coquille. — Ce qu'on appelle les œufs. Voir plus haut, § 1. — Cinq en tout. La même observation se retrouve dans le Traité des Parties des animaux, liv. IV, ch. V, p. 198, édit. et trad. Frantzius. Aristote ajoute encore que plusieurs parties de cet animal sont également au nombre de cinq : cinq œufs, cinq dents, cinq divisions de l'intestin. Pour une foule d'oursins, la conformation extérieure se partage aussi en cinq compartiments. § 6. Les corps noirs. Voir plus haut § 3, et ch. IV, § 14. Mais ici Aristote affirme que ces petits corps ne sont pas mangeables, tandis que la science moderne serait portée à croire que cette partie qui répond aux ovaires est la seule qu'ou puisse manger. — Quelque organe semblable. Ceci est bien vague. — Dans les tortues. Voir plus haut, ch. IV, § 14.
§ 7.
La bouche. Tous les manuscrits et toutes les éditions donnent : « le
Corps, et non la Bouche. Ce sont MM. Aubert et Wimmer qui ont adopté
cette leçon, et j'ai suivi leur exemple. Cuvier, comme le fait
Aristote, compare la bouche des hérissons de mer à une lanterne à
cinq pans, suspendue dans une grande ouverture du test ; voir Règne
animal, tome III, p. 231. C'est sans doute par réminiscence que
Cuvier aura fait cette comparaison, sans indiquer la source où il
l'a puisée. Cependant, la leçon ordinaire pourrait se défendre; et
le corps vide d'un oursin ressemble assez bien à une lanterne. — Qui
n'aurait pas la peau.... C'est que la lanterne, chez les Grecs,
était composée d'abord d'une sorte de carcasse, comme la nôtre ; et
de plus, d'une peau transparente, qui la revêtait tout autour, à
défaut des verres qu'on n'employait pas encore à cet usage. — De
ses piquants en guise de pieds. Ce n'est peut-être pas tout à
fait exact, du moins pour toutes les espèces d'oursins. En général,
les échinodermes pédicellés ont un autre moyen de locomotion. C'est
à l'aide des tentacules filiformes, qui passent au travers des
petits trous de leur surface, qu'ils se meuvent en allongeant ou en
raccourcissant leurs centaines de petits pieds ou tentacules. Ces
tentacules sont terminés par des ventouses, qui servent à ces
animaux pour se fixer et pour progresser. Voir Cuvier, Règne
animal, tome III, p. 224. — C'est en s'appuyant dessus.
Il ne semble pas qu'Aristote ait connu l'action des
tentacules-ventouses; mais cependant l'expression dont il se sert
n'est pas fausse, bien qu'elle soit incomplète. |
Des téthyes, ou ascidies ; leur organisation très spéciale ; coquille adhérente au rocher; pas d'excréments; leur intérieur; leur chair ; leurs deux conduits ; leur dedans ; leur couleur ; les orties de mer, attachées aux roches, ou détachées; pas de coquilles ; leur corps tout charnu ; leurs tentacules saisissent les objets ; manière de prendre leur proie ; pas d'excréments ; deux espèces d'orties ; les grandes et les petites ; orties de Chalcis ; influence des saisons sur les orties de mer; la chaleur leur fait beaucoup de mal. — Résumé sur les mollusques, les crustacés et les testacés. |
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§ 1. Les animaux appelés téthyes ont, entre tous ces mollusques, l'organisation la plus extraordinaire. Il n'y a qu'eux dont le corps soit caché tout entier dans la [10] coquille ; mais cette coquille tient le milieu entre une coquille proprement dite et le cuir; aussi on la coupe comme on couperait un cuir desséché. § 2. La coquille adhère aux rochers. Elle a deux trous éloignés l'un de l'autre, extrêmement petits et difficiles à reconnaître. C'est par ces trous que l'animal rejette l'eau après l'avoir reçue. Il n'a d'ailleurs aucun excrément qu'on puisse observer, [15] ainsi qu'en ont les autres testacés, et par exemple le hérisson de mer, ou ce qu'on appelle le micon dans les autres. § 3. En les ouvrant, on trouve dedans, d'abord, une membrane nerveuse qui enveloppe la partie charnue ; c'est dans cette membrane qu'est renfermée la chair de la téthye, qui ne ressemble à celle d'aucun autre animal ; cependant cette chair tout entière est homogène dans son ensemble. [20] Elle est adhérente de côté, sur deux points, à la membrane et à la peau; et là où elle est attachée, elle est des deux côtés plus étroite, se dirigeant vers les conduits extérieurs qui traversent la coquille, et par lesquels l'animal rejette et reçoit l'eau qui est sa nourriture. L'un des conduits peut passer pour une bouche ; et l'autre, pour l'orifice excrétoire. § 4. L'un des deux conduits est plus épais; et l'autre, plus mince. [25] Le dedans est creux dans les deux sens; et il y a un petit corps continu qui y fait cloison. Dans l'une des deux cavités, se trouve le liquide. D'ailleurs, la téthye n'a aucune autre partie organique, ni aucun organe des sens, ni, ainsi qu'on l'a dit plus haut, l'orifice excrétoire des autres testacés. La couleur de la téthye est [30] tantôt jaune et tantôt rouge. § 5. Le genre des acalèphes (orties de mer) est tout à fait à part. Les orties s'attachent aux rochers, comme quelques testacés ; mais parfois aussi, elles s'en détachent. Elles n'ont pas de coquille ; mais tout leur corps est charnu. [532a] Elles sentent la main qui cherche à les prendre, et elles la saisissent. Elles la serrent même, comme le polype le fait avec ses tentacules, jusqu'au point de faire enfler la chair. § 6. L'ortie a la bouche au centre ; et elle vit du rocher, comme [5] elle vivrait de sa coquille; si quelque poisson tombe à sa portée, elle le saisit, comme elle saisit la main qui la touche ; et c'est de cette façon qu'elle mange tout ce qui peut la nourrir, et ce qu'elle peut prendre. Il y a même une espèce d'ortie qui se détache du rocher, et qui mange ce qu'elle peut attraper, des peignes et des hérissons. § 7. L'ortie de mer semble ne pas avoir d'excrément qu'on puisse reconnaître; et à cet égard, elle est comme les plantes. [10] Il y a deux espèces d'orties de mer. Les unes sont plus petites et plus comestibles; puis, il y a les grandes et les dures, comme celles qui sont sur les côtes de Chalcis. En hiver, elles ont la chair ferme ; aussi, c'est le moment où on les pêche, et où elles sont bonnes à manger. Dans l'été, elles dépérissent, et elles deviennent tout aqueuses. Pour peu qu'on [15] les touche, elles se déchirent très vite, et on ne peut les enlever du rocher tout entières. La chaleur les fait souffrir, et alors elles se cachent davantage dans les rochers. § 8. On voit donc pour les mollusques, les crustacés et les testacés, quels sont leurs organes extérieurs et leurs organes internes. |
§ 1. Appelés téthyes. MM. Albert et Wimmer croient pouvoir identifier les téthyes avec les ascidies, de la zoologie moderne ; et la description que donne Aristote semble s'accorder, sur les points essentiels, avec celle que Cuvier donne des ascidies, rangés par lui dans la classe des mollusques acéphales, sans coquilles ; Règne animal, tome pp. 165 et 166. Cuvier compte encore les téthyes, qu'il écrit théthyes, parmi les polypes à polypiers. Ces téthyes sont très rapprochées des éponges, et elles ont comme elles des trous de deux espèces, pour recevoir et rejeter l'eau; Cuvier, id., ibid., p. 321. Mais les téthyes de Cuvier sont des zoophytes, et les Ascidies sont encore des mollusques. J'ai conservé le nom de Téthyes, sans mettre entre parenthèses la synonymie d'Ascidies. — Tous ces mollusques. Le texte est moins précis ; et il ne se sert que d'un pronom indéterminé. — Dans la coquille. Aristote semble sentir que ce mot de coquille n'est pas très exact pour les téthyes, et il se corrige lui-même, en expliquant la nature de cette prétendue coquille, qui est plutôt une sorte de cuir plus ou moins dur. Dans le Traité des Parties des animaux, liv. IV, ch. V, p. 200, édit. et trad. Frantzius, Aristote dit que les téthyes ne diffèrent guère des plantes, bien qu'elles soient plus vivantes que les éponges. Ainsi, les téthyes d'Aristote répondraient à celles de Cuvier plutôt qu'aux ascidies des zoologistes. § 2. Deux trous. Les ascidies ont bien aussi deux orifices, dont l'un sert de passage à l'eau, et l'autre d'issue aux excréments. Les téthyes d'Aristote au contraire n'ont pas d'excréments ; mais il est vrai que ces organes sont si peu marqués qu'ils sont d'une observation très difficile, comme il le dit lui-même. — Le micon. Voir plus haut, ch. IV, § 12. MM. Aubert et Wimmer rejettent tout ce dernier membre de phrase comme apocryphe, à la fois parce qu'il semble inutile, et que de plus il n'est pas grammaticalement très correct. § 3. En les ouvrant. Ceci prouve des études anatomiques sur la structure de ces animaux. — Une membrane nerveuse. C'est la traduction littérale du texte : mais il vaudrait peut-être mieux dire, avec Cuvier : « Une enveloppe cartilagineuse », qui dans les ascidies est souvent fort épaisse et en forme de sac. Le manteau, moins ample que l'enveloppe, est fibreux et vasculaire. — Homogène dans son ensemble. Ceci n'est peut -être pas très exact, puisqu'on peut y distinguer une bouche et des viscères. J'ai d'ailleurs adopté la leçon de MM. Aubert et Wimmer. — Adhérente de côté.... Ces détails n'ont pas été reproduits, à ce qu'il semble, par la zoologie moderne. — Se dirigeant vers les conduits extérieurs. MM. Aubert et Wimmer croient ici à une altération du texte. — Qui est sa nourriture. C'est la leçon qui est donnée par un des manuscrits, et qui me paraît la seule vraie, comme elle l'a paru à MM. Aubert et Wimmer. — Pour l'orifice excrétoire. Ceci est en contradiction avec ce qui est dit plus haut, § 2; ce n'est peut-être qu'une glose. Voir le Traité des Parties des animaux, liv. IV, ch. v, p. 202, id., ibid. § 4. L'un des deux conduits.... Tout ceci n'a pu être connu que par de minutieuses observations anatomiques. — Le dedans est creux dans les deux sens. Je ne retrouve pas de détails analogues dans les ouvrages de zoologie contemporaine ; mais ces descriptions semblent bien appartenir aux ascidies plutôt qu'aux téthyes de Cuvier. Il y a dans le manteau des ascidies un des ganglions entre les deux tubes ; c'est vraisemblablement la cloison dont parle Aristote ; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 166. § 5. Des acalèphes (orties de mer). Le mot d'acalèphe a été conservé par la science actuelle pour les orties de mer libres; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 274. Les orties de mer fixes sont rangées parmi les polypes charnus, qui forment le premier ordre des polypes. Aristote ne distingue pas les orties de mer libres ou fixes; il les comprend sous le seul nom d'acalèphes. On distingue aujourd'hui les acalèphes simples et les acalèphes hydrostatiques, qui se maintiennent dans l'eau au moyen d'une ou de plusieurs vessies remplies d'air. - Tout leur corps est charnu. Les orties de mer n'ont, ni vaisseaux vraiment circulatoires, ni organes de respiration ; leur forme est généralement circulaire et rayonnante ; Cuvier, id., ibid., p. 221, et aussi p. 274. Aristote a répété ce qu'il dit ici des acalèphes, plus loin, liv. VIII, ch. III, § 3. — Elles la serrent même. Ce n'est pas par constriction que les acalèphes agissent, ni au moyen de tentacules ; mais quand on les touche, elles causent la même sensation de cuisson que causent les orties de terre; et de là vient le nom qu'on leur a donné. — De faire enfler la chair. C'est précisément l'action de l'ortie ordinaire sur nos mains. § 6. La bouche au centre. Ou du moins, ce qu'on appelle la bouche dans ces zoophytes, et qui est aussi leur anus. — Elle vit du rocher. C'est la traduction littérale du texte : et ceci veut dire simplement que le rocher sert de coquille à l'animal, dont le corps d'ailleurs est nu. — Comme.... la main.... Mais ce sont de simples tentacules ou suçoirs, comme en ont les méduses ; leur bouche, quand elles en ont une, est placée sous le milieu de la face inférieure de l'ombrelle. Dans les acalèphes hydrostatiques, la bouche est à peine reconnaissable. — Comme elle saisit la main qui la touche. Pour ce passage, j'ai en partie suivi la leçon proposée par MM. Aubert et Wimmer, et qui améliore le texte ordinaire. § 7. Ne pas avoir d'excrément. La physiologie de ces singuliers animaux n'est pas aujourd'hui beaucoup plus avancée qu'au temps d'Aristote. Les vaisseaux qu'on croit distinguer dans la substance gélatineuse de quelques-uns, ne sont que des cavités creusées dans le parenchyme du corps. — Les côtes de Chalcis. On peut croire qu'Aristote avait personnellement visité tes côtes, où il devait finir sa vie. Aujourd'hui, on distingue un bien plus grand nombre d'espèces. Aristote ne tient compte que des différences de dimensions plus ou moins grandes. - Bonnes à manger. Il ne paraît pas que l'usage se soit conservé; mais peut-être mange-t-on encore ces zoophytes dans les contrées auxquelles Aristote fait allusion. — Du rocher. J'ai ajouté ceci pour plus de clarté.
§ 8.
On voit donc. Résumé des six chapitres qui précèdent. Voir
aussi à la fin du chapitre suivant. |
Des insectes ; leurs espèces très nombreuses ; trois parties distinctes dans le corps de tous les insectes ; leur vie persiste après qu'on les a coupés ; les yeux sont leur seul organe apparent ; la langue de certains insectes ; leurs aiguillons, intérieur ou extérieur ; le scorpion ; insectes ailés, insectes sans ailes ; leurs ailes avec fourreau ou sans fourreau ; corps singulier des insectes ; parties intérieures ; leur intestin droit ou replié ; la cigale est le seul des animaux à n'avoir point de bouche ; son alimentation ; différences entre les espèces de cigales ; animaux étranges vus quelquefois en mer par des pêcheurs ; description de ces animaux rares. - Résumé. |
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§ 1. [20] Il faut étudier les insectes comme on vient de le faire pour les animaux précédents. Ce genre comprend une foule d'espèces; et bien que quelques-unes de ces espèces soient très rapprochées les unes des autres, on ne les a pas réunies sous une appellation commune : par exemple, l'abeille, le frelon, la guêpe et autres insectes analogues. On n'a pas donné davantage de nom commun aux insectes qui ont des ailes dans un fourreau, comme [25] le hanneton, le carabe, la cantharide et les insectes de même ordre. § 2. Il y a trois parties qui sont les mêmes dans tous les insectes : la tête, la cavité de la région du ventre, et la partie intermédiaire de ces deux-là, qui est la troisième. Dans les autres animaux, cette dernière division correspond à la poitrine et au dos. Le plus souvent, cette troisième partie est d'une seule pièce; mais dans les insectes qui sont longs et qui ont plusieurs pieds, les portions intermédiaires sont presque aussi nombreuses que les sections. § 3. [30] Tous les insectes vivent encore après qu'on les a coupés en deux, si ce n'est ceux qui sont soumis à un trop grand froid, ou qui se refroidissent vite à cause de leur petitesse. C'est ainsi que les guêpes vivent quoique coupées par moitié. La tête et l'estomac vivent tant qu'ils tiennent à la partie du milieu; mais sans le milieu, la tête ne vit pas. [532b] Les insectes longs et à plusieurs pieds vivent longtemps après qu'on les a coupés; et l'animal, une fois coupé, se meut vers les deux extrémités, c'est-à-dire vers la coupure et vers la queue, comme l'insecte appelé la scolopendre. § 4. [5] Tous les insectes ont des yeux; mais ils n'ont aucun autre organe des sens apparent. Cependant, quelques-uns ont une sorte de langue, telle que celle de tous les testacés; et elle leur sert à goûter leurs aliments et à les pomper par elle. Chez les uns, cette langue est molle ; chez d'autres, elle a beaucoup de force, comme celles des pourpres. Les myopes [10] et les taons ont cet organe extrêmement fort, ainsi que la plupart des insectes; et tous ceux qui n'ont pas de dard en arrière ont cette langue comme une sorte d'arme. Ceux qui sont munis de cette langue ainsi faite, n'ont pas de dents, excepté un très petit nombre. C'est avec cette même langue que les mouches piquent au sang, et que les cousins percent la peau. § 5. Certains insectes ont des aiguillons. [10] Pour les uns, l'aiguillon est à l'intérieur, comme chez les abeilles et les guêpes ; pour d'autres, il est extérieur, comme pour le scorpion, qui est, d'ailleurs, le seul des insectes à avoir une longue queue. Le scorpion a, de plus, des pinces, qu'a aussi cette sorte de scorpion qui se met dans les livres. § 6. Parmi les insectes, ceux qui volent ont des ailes, outre toutes les autres parties. [20] Les uns n'ont que deux ailes, comme les mouches; d'autres en ont quatre, comme les abeilles. Aucun de ceux qui n'ont que deux ailes n'a son aiguillon en arrière. Parmi les insectes volants, les uns ont un fourreau, un élytre à leurs ailes, comme le hanneton ; d'autres sont sans élytre, comme l'abeille. Pour tous, le vol est possible [25] sans qu'ils aient de queue ; leur aile n'a ni tuyau ni division. § 7. ll y en a qui ont des antennes au-devant des yeux, comme les psychés et les carabes. Ceux d'entre eux qui sautent ont, tantôt les jambes de derrière plus longues, et tantôt les organes du saut pliés en arrière, comme le sont les jambes des quadrupèdes. [30] Tous présentent des différences pour le dessus et le dessous de leur corps, comme en présentent le reste des animaux § 8. La chair du corps des insectes n'est pas de la nature de la coquille, et leur corps ne devient jamais charnu comme l'intérieur des crustacés; il est entre les deux. Aussi, les insectes n'ont-ils ni arête, ni os, ni rien qui ressemble à l'os de la seiche, ni de coquille circulaire. [533a] Leur corps se conserve par sa seule dureté, et il n'a pas besoin d'une autre défense que celle-là. Ils ont de la peau ; mais cette peau est très fine. § 9. Voilà donc pour les insectes ce que sont les parties extérieures [5] qui les composent. § 10. Au-dedans, l'intestin vient, chez la plupart, immédiatement après la bouche, et il reste simple et droit jusqu'à l'orifice excrétoire. Il y a très peu d'insectes chez lesquels l'intestin fasse une circonvolution. Aucun n'a de viscère, non plus que de graisse. C'est là du reste l'organisation des animaux qui n'ont pas de sang. Quelques-uns ont un estomac ; et à partir de l'estomac, le reste de l'intestin est simple, ou enroulé, comme dans les criquets. § 11. La cigale est le seul des insectes, et même le seul des autres animaux, qui n'ait pas de bouche, mais une sorte de langue, dans le genre des animaux à aiguillon antérieur. Cet appendice est long, attaché à la tête, sans division; et c'est par là que l'animal prend sa nourriture, qui ne se compose que de rosée. Dans son estomac, il n'y a jamais d'excréments. Il y a plusieurs espèces de cigales; et elles [15] diffèrent en grosseur et en petitesse. Elles diffèrent aussi en ce que celles qu'on appelle chanteuses sont divisées sous le corselet, et qu'elles y ont une membrane très visible, tandis que les petites cigales n'en ont pas. § 12. En outre des animaux étudiés jusqu'à présent, il y en a aussi dans la mer qu'il n'est pas possible de classer par genres, parce qu'ils sont trop rares. Parmi les pêcheurs [20] qui font le commerce, quelques-uns prétendent avoir vu dans la mer des animaux pareils à des poutres, noirs, ronds, et partout d'égale épaisseur. D'autres de ces animaux ressembleraient à des boucliers ; ils seraient de couleur rouge, et ils auraient de nombreuses nageoires. D'autres encore seraient assez semblables aux parties honteuses de l'homme, pour la forme et la grandeur, si ce n'est qu'au lieu de testicules, ce sont [25] deux nageoires. On aurait pris, dit-on, quelquefois des animaux de cette espèce, sur la pointe des ancres. § 13. Telle est l'organisation des parties internes et externes de tous les animaux, tant de celles qui sont particulières à chaque genre que de celles qui sont communes à tous. |
§ 1. Une foule d'espèces. Aujourd'hui, le nombre des espèces d'insectes connues est évalué à plusieurs centaines de mille. Aucun autre ordre d'animaux n'en compte autant. Le mot d'Insecte, qui est latin, est la traduction littérale du mot grec ; et ce dernier a été si bien choisi, inventé peut-être par Aristote, que, depuis lors, la science n'a pas eu à le changer. — On ne les a pas réunies. La nomenclature et la classification ont fait de grands progrès depuis Aristote ; et l'on peut voir, dans tous les traités de zoologie, notamment la Zoologie descriptive de M. Claus, que les insectes ont été rangés dans des classes très régulières. Le vœu d'Aristote a été rempli ; les guêpes, les abeilles, etc., sont comprises sous l'appellation commune d'hyménoptères, ou à ailes membraneuses, lesquelles présentent encore une foule de divisions par familles, tribus, etc. — Des ailes dans un fourreau. Ce sont les coléoptères, qui forment la famille la mieux connue parmi tous les insectes ; cette division indiquée par Aristote a été conservée dans la science. Les coléoptères sont compris parmi les hexapodes tétraptères. Ils ont quatre ailes, dont les deux supérieures sont dures et coriaces, en forme d'étui ou élytre ; elles recouvrent les deux ailes inférieures. On compte au moins soixante-dix mille espèces de coléoptères. — Le hanneton. Cet insecte est compris dans la première des huit familles de coléoptères, les lamellicornes, ainsi nommés parce que leurs antennes sont une masse de petits feuillets ou lamelles. — Le carabe. Ce mot, qui n'est que la transcription du mot grec, a été conservé dans la science. Les carabes, qui se trouvent souvent dans nos jardins, forment une famille de coléoptères ; quand on les écrase, ils répandent une odeur fétide. Quelques espèces ont des teintes métalliques ; voir Traité de zoologie de M. Noguès, tome II, p. 35i. — La cantharide. Voir Cuvier, Règne animal, tome V, p. 67. La cantharide est un coléoptère de la famille des trachélides. C'est surtout d'après les ailes que Linné a établi sa classification des insectes. § 2. Il y a trois parties La zoologie moderne a conservé ces déterminations, qui sont conformes à la nature des choses. — La cavité de la région du ventre. En un seul mot, et d'après la science actuelle, l'abdomen. — La partie intermédiaire. Ou le thorax. — Cette dernière division. Le texte n'est pas tout à fait aussi précis. - Les portions intermédiaires.... En général, le thorax dans les insectes n'est pas d'une seule pièce, comme le dit Aristote ; mais il se décompose en trois pièces prothorax, mésothorax, et métathorax, comme dans la sauterelle ; voir la Zoologie de M. Milne Edwards, p. 511, 12e édit. L'ensemble de ces trois pièces forme le thorax. Voir aussi le Traité des Parties des animaux, liv. IV, ch. V, p. 204, édit. et trad. Frantzius. — Aussi nombreuses que les sections. C'est-à-dire, trois, comme on vient de le dire. § 3. Après qu'on les a coupés. La science moderne ne paraît pas avoir attaché autant d'importance qu'Aristote à cette particularité de l'organisation des insectes; elle est cependant très remarquable. — Les guêpes vivent... Le fait est exact; mais la vie semble alors être limitée à quelques mouvements. — A la partie du milieu. Le thorax, auquel tient la tête en haut, et l'abdomen (estomac) en bas. — Et à plusieurs pieds. Il y a des myriapodes, ou mille-pieds, qui ont plusieurs centaines de pieds. — Vers les deux extrémités. C'est la traduction littérale ; mais ceci veut dire sans doute que le mouvement a lieu dans les deux tronçons de l'animal. — La scolopendre. De la famille des chilopodes-myriapodes, à vingt paires de pattes de chaque côté, sans compter les antennes et les deux divisions de la queue; voir Cuvier, Règne animal, tome IV, p. 335. § 4. Ont des yeux. C'est un des organes des insectes qui ont été le plus étudiés par la science moderne ; voir Cuvier, Règne animal, tome IV, p. 299; Zoologie descriptive de M. Claus, p. 550, trad. franç. ; et la Zoologie de M. Noguès, tome II, p. 334 — Aucun autre organe des sens apparent. La réserve d'Aristote est très justifiée ; car, depuis lui, la zoologie a constaté que les insectes jouissent des cinq sens; seulement, les appareils sont très difficiles à reconnaître ; et c'est un des points où les opinions des savants présentent le plus de divergences. — Une sorte de langue. Aristote a bien vu que ce n'est pas une langue proprement dite ; mais tout cet appareil chez les insectes est très compliqué, et il est encore peu connu. — A goûter leurs aliments. Le mot plus exact serait peut-être, distinguer, au lieu de goûter. Mais on ne peut douter que les insectes n'aient le sens du goût et celui de l'odorat; voir la Zoologie de M. Noguès, loc. cit. — Celle des pourpres. Voir plus haut, ch. IV, § 2. MM. Aubert et Wimmer regardent cette phrase comme apocryphe, ainsi que la petite phrase placée un peu plus haut : « Telle que celle de tous les testacés ». — Les myopes. Je n'ai fait que transcrire le mot grec, que la science moderne a conservé aussi. Les myopes sont de la famille des muscidés ; voir Cuvier, Règne animal, tome V, p. 501, et la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 602, trad. franç. — Les taons. Ou Œstres, comme les appelle la science actuelle ; Cuvier, loc. cit., p. 500. — Cette langue. Ou plutôt : « cette trompe ». — N'ont pas de dents. Aristote aurait dû expliquer plus précisément ce qu'il entend par les dents des insectes. — Que les mouches piquent. Les mouches ont une trompe membraneuse, rétractile, qui est armée d'un suçoir, à deux pièces. Le suçoir des cousins ou Culicidés est armé de cinq soies dentelées et très fines. Les cousins, les mouches, les oestres sont diptères. § 5. Ont des aiguillons. La zoologie moderne divise les insectes hyménoptères en deux grandes sections : les térébrants, et les porte-aiguillons. Ainsi, Aristote faisait bien de donner tant d'importance à ce caractère. Les porte-aiguillons comprennent les abeilles, les guêpes, etc. Il n'y a que les femelles et les neutres qui aient l'aiguillon ; celui de l'abeille en particulier est très compliqué. — Le scorpion. Ce n'est pas précisément parmi les insectes qu'on peut classer le scorpion, mais parmi les arachnides, seconde classe des animaux articulés, après les crustacés et avant les insectes ; voir Cuvier, Règne animal, tome IV, p. 267 ; Zoologie descriptive de M. Claus, p. 524, trad. franç. — Une longue queue. Ceci est fort exact. La queue du scorpion se compose de six anneaux, dont le dernier finit en pointe arquée, ou plutôt en un dard, sous l'extrémité duquel sont deux petits trous, donnant issue à une liqueur venimeuse. La piqûre est souvent mortelle ; voir le Traité des Parties des animaux, liv. IV, ch. VI, p. 208, édit. Frantzius. Voir aussi la Zoologie de M. Milne-Edwards, 12e édit., p. 550. — Des pinces. Ce sont des palpes, avec une serre au bout, en forme de main. — Cette sorte de scorpion. Il est possible que ceci ne soit qu'une interpolation ; les teignes qui se mettent dans les livres, et qui en rongent les feuillets, n'ont rien qui ressemble au scorpion. § 6. Aucun de ceux qui n'ont que deux ailes... J'ai adopté la leçon de MM. Aubert et Wimmer, donnée par quelques manuscrits ; elle consiste à retrancher un mot seulement, qui en effet serait peu correct grammaticalement, dans cette petite phrase. Voir le Traité des Parties des animaux, liv. IV, ch. V, p. 208, édit. Frantzius. — Un élytre. J'ai ajouté ce mot, qui n'est qu'une paraphrase du précédent, et qui reproduit le mot grec. — Sans qu'ils aient de queue. Le fait est exact ; mais l'abdomen agit sans doute en guise de queue. — Ni division. C'est-à-dire qu'il n'y a pas de plumes séparées, comme dans les oiseaux. § 7. Psychés. J'ai reproduit le mot grec, qu'a conservé la science moderne, Voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 619, trad. franç. Les psychés sort des papillons du groupe des bombycinés. — Les carabes. Voir plus haut, § 1. — Les jambes de derrière plus longues... Détails exacts, dont la science n'a peut-être pas tenu assez de compte. — Le dessus et le dessous... La chose est tellement simple qu'elle ne méritait peut-être pas d'être remarquée. § 8. Il est entre les deux. La science moderne a dû inventer aussi un mot spécial pour indiquer la nature spéciale du corselet des insectes, la chitine, qui est en effet toute particulière ; voir la Zoologie de M. Milne-Edlwards, p. 502. — Par sa seule dureté. La chitine, qui compose le corps des insectes, est une substance sui generis, que la chimie n'a pas encore bien analysée. Le mot de chitine vient du grec chitôn, manteau, vêtement. — Ils ont de la peau... Voir la Zoologie descriptive de M. Claus, pp. 543 et suiv. § 9. Les parties extérieures. Aristote est toujours fidèle à la méthode générale qu'il a indiquée dès le premier livre. § 10. L'intestin. Voir sur l'appareil digestif des insectes, Cuvier, Règne animal, tome IV, p. 312; La Zoologie descriptive de M. Claus, p. 544; la Zoologie de M. Milne-Edwards, 12e édit., p. 522. — Simple et droit... très peu d'insectes... une circonvolution. Tous ces détails sont très exacts. Voir le Traité des Parties des animaux, liv. IV, ch. V, p. 204, édit. et trad. Frantzius. — N'a de viscère. C'est-à-dire, d'organe séparé, poumon, foie, cœur, rate, etc. — Qui n'ont pas de sang. C'est-à-dire, Qui n'ont pas de sang rouge. Voir plus haut, liv. I, ch. III, § 5. — Un estomac. Voir le Traité des Parties des animaux, liv. IV, ch. V, p. 204, édit. et trad. Frantzius. — Comme dans les criquets. Ces insectes sont des orthoptères sauteurs; voir Cuvier, Règne animal, tome V, p. 185; Zoologie descriptive de M. Claus, p. 569. On peut voir aussi par la figure que donne la Zoologie de M. Milne-Edwards, p. 523, combien le canal digestif des insectes est compliqué. § 11. Qui n'ait pas de bouche. Dans le Traité des Parties des animaux, liv. IV, ch. V, p. 204, édit. et trad. Frantzius, Aristote donne aux cigales une bouche, qui se confond et est soudée avec la langue. — Antérieur. C'est la vraie leçon ; d'autres manuscrits disent, au contraire : Postérieur. — Qui ne se compose que de rosée. Ce n'est pas de rosée précisément que se nourrit la cigale, mais de la sève des arbres. — Plusieurs espèces... chanteuses. La science moderne distingue aussi, entre les cicadaires, les chanteuses et les muettes; voir Cuvier, Règne animal, tome V, p. 212, et la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 592, trad. franç. — Une membrane très visible. Ce détail est exact, et il faut que les observations d'Aristote aient été bien attentives, pour qu'il ait pu découvrir des faits aussi minutieux. Ces observations sont répétées plus loin, ch. IX, § 3. § 12. Parce qu'ils sont trop rares. Et, par suite, trop peu connus. — Les pêcheurs qui font le commerce. Avec MM. Aubert et Wimmer, je trouve cette leçon peut-être préférable â la leçon vulgaire, qui est donnée aussi par quelques manuscrits : « Les pêcheurs qui ont une longue expérience ». Entre ces deux leçons, il n'y a que la différence d'une simple lettre. — A des poutres. Il y a exagération ; mais certaines holothuries, longues d'un pied et plus, de couleur noire, ont pu donner lieu aux récits des commerçants et des voyageurs. Voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 238, et la Zoologie descriptive de M. Claus, pp. 263 et suiv. — A des boucliers. Ce sont peut-être de grosses tortues de mer, ou même de simples méduses. — Aux parties honteuses de l'homme. Ceci est exact et parmi les holothuries, on distingue le Pudendum regale, dont évidemment il est question ici. Cette holothurie a plus d'un pied de long. Voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 229. Il y a aussi l'Holothurie priapus, qui doit être le Pudendum regale sous un autre nom. — Sur la pointe des ancres, qui les avaient ramassées au fond de la mer. On peut voir aussi la note de MM. Aubert et Wimmer, d'après les travaux de M. Grabe, de Breslau. 13. Telle est l'organisation... Résumé habituel, qu'Aristote n'oublie jamais. |
Des sens dans les animaux ; leur inégale répartition ; les cinq sens ; exception pour la taupe ; ses yeux rudimentaires ; tous les animaux ont le toucher; seulement, les organes en sont plus ou moins apparents; les poissons ont le goût, l'odorat et l'ouïe; exemples divers; chasse des dauphins; observations et ruses des pêcheurs ; quelques poissons ont l'ouïe extrêmement fine ; de l'odorat chez les poissons ; preuves nombreuses démontrant qu'ils perçoivent les odeurs; pêche de certains poissons; pêche de l'anguille ; l'odeur de la graisse brûlée est un excellent appât ; des sens chez les insectes ; les abeilles, les moucherons, les fourmis sentent les odeurs; du sens particulier du goût chez les insectes ; le toucher se retrouve dans tous les animaux ; le sens du goût appartient à tous ceux qui ont une bouche ; le sens du son chez les solènes ; le sens du toucher dans les peignes ; chasse des nérites ; le hérisson de mer n'a presque pas d'odorat ; et après lui, les téthyes et les glands marins. — Résumé sur les sens. |
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§ 1. Maintenant, nous allons étudier les sens. Ce n'est point également que les sens sont répartis [30] entre tous les animaux. Les uns ont tous les sens; les autres n'en ont que quelques-uns. Les sens, en total et sans qu'il puisse y en avoir aucun autre qui mérite ce nom, sont au nombre de cinq : la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût et le toucher. [533b] L'homme a tous ces cinq sens, ainsi que les ont les animaux ovipares qui marchent, et l'on peut dire encore, tous les animaux ovipares qui ont du sang. § 2. Il n'y a guère d'exception que quand un genre d'animaux est privé d'un sens, comme l'est l'espèce des taupes, qui ne jouit pas de la vue. Du moins, elle n'a pas d'yeux apparents; mais si l'on enlève [5] la peau très épaisse qui recouvre sa tête, à la place que devraient occuper les yeux s'ils étaient extérieurs, on remarque des yeux intérieurs, tout déformés, qui ont absolument les mêmes parties que de vrais yeux. Ainsi, ces veux ont le noir de l'œil, et la partie centrale du noir qu'on appelle la pupille et la graisse circulaire ; seulement [10] toutes ces parties sont plus petites que dans les yeux extérieurs. § 3. Mais rien de tout cela ne paraît au-dehors, à cause de l'épaisseur de la peau; et l'on dirait que, dès la naissance, la nature de ces yeux a été incomplète et mutilée. A partir de l'encéphale, au point où il touche à la moelle, deux canaux fibreux et forts se dirigent vers le siège même des yeux, et aboutissent aux dents saillantes de la mâchoire supérieure. § 4. [15] Tous les autres animaux ont, à la fois, le sens des couleurs et des sons, des odeurs et des saveurs ; tous les animaux sans distinction ont également le cinquième sens, celui qu'on appelle le toucher. Dans quelques animaux, les organes des sens sont extrêmement apparents ; et c'est l'organe des yeux qui l'est plus que les autres. [20] La place des yeux et la place de l'ouïe sont déterminées. Certains animaux ont des oreilles; d'autres n'ont d'apparent que les conduits auditifs. § 5. Il en est de même aussi pour l'odorat ; tels animaux ont des narines; tels autres n'ont que les canaux olfactifs, comme le genre des oiseaux. Ces animaux ont également l'organe du goût, qui est la langue. § 6. [25] Parmi les animaux aquatiques, qui ont du sang, les poissons ont l'organe du sens des saveurs, la langue ; mais ce sens, s'il existe, est imparfait chez eux, parce que leur langue est osseuse et n'est pas détachée. Dans quelques poissons, le voile du palais est charnu, comme on le voit dans les carpes de rivière; et si l'on n'y regarde pas de très près, on pourrait croire que c'est une langue. [30] Il est évident, d'ailleurs, que les poissons ont le sens du goût; et ce qui le prouve, c'est que bien des poissons préfèrent certaines saveurs particulières. L'appât qu'ils saisissent le plus avidement, c'est celui du thon et des poissons gras, parce que ces appâts sont pour eux les plus agréables à goûter et à manger. § 7. [534a] Quant au sens de l'ouïe et de l'odorat, il n'y en a pas d'organe apparent chez les poissons; car ce que l'on pourrait prendre pour la place des narines ne communique pas avec l'encéphale ; et tantôt ce conduit est bouché et aveuglé ; ou tantôt il ne va que jusqu'aux branchies. Mais il n'en est pas moins certain qu'ils entendent et qu'ils ont de l'odorat. § 8. [5] On les voit fuir les grands bruits, par exemple le bruit des rames des trirèmes ; et alors, on les prend aisément dans leurs cachettes. C'est qu'un bruit qui produit peu d'effet au-dehors, paraît, quand on l'entend dans l'eau, intolérable, violent et énorme. On sait ce qui se passe dans la pêche des dauphins. [10] On les rassemble dans un cercle de canots ; puis, en battant la mer avec grand bruit, on les force à se réfugier en masse et à sauter sur terre, où on les prend, tout étourdis par ce bruit. Cependant les dauphins n'ont à l'extérieur aucun organe de l'ouïe qu'on puisse voir. § 9. [15] Pour bien chasser les poissons, on prend garde autant que possible de ne pas faire le moindre bruit, ni avec les rames, ni avec les filets; et quand on a remarqué que le poisson abonde en certains endroits, on descend les filets dans l'eau loin de ce lieu, de façon que, ni le bruit des rames, ni le clapotement de l'eau, n'aillent pas jusque-là. [20] On recommande bien à tous les nautoniers de se tenir le plus silencieusement qu'ils peuvent, jusqu'à ce que les poissons soient renfermés dans le cercle. § 10. Parfois aussi, quand on veut rassembler les poissons, on procède comme à la pêche des dauphins ; on fait du bruit en jetant des pierres dans l'eau, pour que, tout effrayés, ils se pressent tous sur le même point, et qu'on puisse alors les entourer de filets. [25] Mais avant de les y avoir enveloppés, on empêche toute espèce de bruit comme on vient de le dire; et une fois qu'on les a réunis et enserrés dans le cercle, on recommande de crier et de faire grand bruit; car les poissons, en entendant ce bruit et tout ce tumulte, se précipitent dans le filet par la peur qui les domine. § 11. De même encore, quand les pêcheurs voient de loin une troupe de poissons [30] réunie pour prendre leur pâture, et se jouant à la surface de l'eau, par un temps calme et serein, et qu'ils veulent regarder de plus près la grosseur et l'espèce de ces poissons, s'ils s'approchent sans faire de bruit, les poissons ne s'en aperçoivent pas, et on les prend à la surface même de l'eau; mais si l'on fait quelque bruit par hasard, on les voit s'enfuir aussitôt. § 12. [534b] Voici encore une autre preuve. Il y a dans les rivières certains petits poissons qui se cachent sous les rochers, et qu'on appelle des chabots. Comme ils se blottissent sous les rochers, on les chasse en frappant avec des pierres les rochers où ils sont. Ils en sortent alors avec précipitation, comme entendant le bruit, et tout troublés de ce qu'ils l'entendent. Ce sont là autant de preuves que les poissons perçoivent les sons. § 13. [5] Il y a même des gens qui soutiennent que, de tous les animaux, ce sont les poissons qui ont l'ouïe la plus fine, parce que, dans de longs séjours sur mer, ils ont pu constater bien des faits de ce genre. Les poissons qui ont l'ouïe la plus subtile sont le muge, le chrems, le loup de mer, la saupe, le chromis, et les poissons de cet ordre. [10] Les autres poissons entendent moins bien que ceux-là; et c'est pourquoi ils font davantage leur demeure habituelle dans les profondeurs de la mer. § 14. On peut faire des remarques analogues sur l'odorat des poissons. La plupart d'entre eux s'abstiennent de mordre à l'appât s'il n'est point frais ; (et les autres poissons sentent moins bien qu'eux). On ne prend pas tous les poissons avec les mêmes amorces; mais il faut des appâts spéciaux, parce qu'ils les sentent et les reconnaissent. [15] Pour quelques-uns, il faut des amorces de mauvaise odeur, comme la saupe, qu'on prend avec de la fiente. Il y a, en outre, beaucoup de poissons qui vivent dans des trous profonds ; et quand les pêcheurs veulent les en faire sortir pour les prendre, ils frottent l'entrée du trou avec de la saumure, qui a une très forte odeur ; et les poissons y accourent sur-le-champ. § 15. [20] Voici encore comment on pêche l'anguille : on met dans l'eau un petit vase où il y a eu de la saumure, en plaçant à la bouche du vase ce qu'on appelle la nasse. § 16. En général, tous les poissons se portent vivement à l'odeur de la chair grillée. Aussi fait-on rôtir des morceaux de chair de seiches, à cause de leur odeur, et s'en sert-on pour amorces ; les poissons s'y précipitent de plus belle. [25] On dit encore qu'on fait griller des polypes, pour les mettre dans les trubles, uniquement à cause de leur odeur de graisse. § 17. Il est certain que les poissons, passant près d'un navire, se mettent à fuir quand on jette de la lavure de poissons ou de l'eau de la cale, comme sentant l'odeur de ces immondices. On dit aussi que les poissons sentent très vite le sang des autres poissons qu'on tue ; [535a] et ce qui le prouve bien, c'est que là où il y a du sang de poissons, ils se mettent à fuir et se retirent au loin. § 18. Généralement, si l'on amorce la nasse avec un appât gâté, les poissons n'y entrent pas, et ils ne s'en rapprochent même point; mais si l'appât est bien frais, et s'il a été grillé, [5] ils accourent de loin vers la nasse et s'y enfoncent. § 19. Tout ceci est surtout visible pour les dauphins. Ils n'ont pas d'organe de l'ouïe apparent, et on les prend parce qu'ils sont tout assourdis du bruit qu'on fait, ainsi qu'on l'a déjà dit. Ils n'ont pas davantage d'organe apparent pour l'odorat; et ils n'en ont pas moins [10] une perception très vive de l'odeur. § 20. Il est clair que ces animaux ont tous les sens. Les autres animaux dont il reste à parler, se divisent en quatre genres : mollusques, crustacés, testacés, et insectes. [15] Parmi ceux-là, les mollusques, les crustacés, et les insectes ont les cinq sens ; car ils possèdent la vue, l'odorat et le goût. Les insectes ailés ou sans ailes sentent les odeurs de fort loin ; et, par exemple, les abeilles et les chenilles perçoivent celle du miel. [20] Elles le sentent à grande distance, comme si elles le reconnaissaient à son parfum. § 21. Beaucoup d'insectes sont tués par l'odeur seule du soufre. Il suffit de répandre de l'origan et du soufre en poudre sur les fourmilières, pour que les fourmis les désertent. La plupart de ces insectes fuient l'odeur de la corne de cerf brûlée, et encore bien davantage l'odeur de la résine de styrax. § 22. [25] C'est encore ainsi qu'on prend les seiches, les polypes, et les langoustes, à l'aide de certains appâts. Les polypes même s'y attachent si fortement qu'on ne peut leur faire lâcher prise, et qu'ils préfèrent se laisser couper par morceaux ; mais si on leur présente du pouliot, ils se sauvent, dit-on, sur-le-champ, chassés par l'odeur. § 23. [30] On peut en dire autant du sens du goût dans ces animaux, [535b] attendu qu'ils poursuivent chacun une nourriture différente ; et que tous ne se plaisent pas aux mêmes saveurs. Ainsi, l'abeille ne vole jamais à rien de fétide ; et elle ne recherche que les choses sucrées. Au contraire, les cousins ne recherchent pas les matières douces, mais les matières acides. § 24 . [5] Ainsi que nous l'avons dit antérieurement, tous les animaux ont le sens du toucher. Les crustacés ont l'odorat et le goût; c'est ce que prouve bien l'effet que les amorces produisent sur eux, comme on le voit pour la pourpre, qui se laisse amorcer par des matières pourries, et qui se lance vers les appâts de ce genre ; c'est la preuve qu'elle sent les odeurs de fort loin. Les mêmes observations démontrent bien que ces animaux perçoivent aussi les saveurs; [10] car les objets vers lesquels ils sont d'abord attirés, par l'odeur qu'ils discernent, sont ceux aussi dont chaque espèce se repaît à plaisir, et dont elle goûte les saveurs particulières. § 25. Tous les animaux pourvus d'une bouche jouissent, ou souffrent, de la saveur des objets qu'ils touchent. Quant à la vue et à l'ouïe, les observations ne sont, ni bien certaines, ni bien évidentes. Les solènes paraissent, au moindre bruit que l'on fait, s'enfoncer pour fuir de plus en plus bas, au fond de l'eau, [15] dès qu'ils sentent le fer approcher. Il ne passe plus alors qu'une très petite portion de leur corps ; et le reste est comme dans un trou. Quand on approche le doigt des peignes qui sont ouverts, ils se ferment, et c'est à croire qu'ils voient. § 26. Les pêcheurs de nérites ne vont jamais les pêcher sur le vent, [20] quand ils les chassent vers l'appât, pas plus qu'ils ne soufflent mot et ne rompent le silence, parce qu'ils supposent que l'animal sent et entend. Si l'on parle, le poisson fuit, dit-on, en toute hâte. § 27. Entre les testacés qui changent de place, c'est le hérisson de mer, l'oursin, qui a l'odorat le moins fin ; parmi ceux qui ne bougent pas, ce sont les téthyes et les glands de mer. § 28. [25] Les organes des sens dans tous les animaux sont constitués comme on vient de le dire. |
§ 1. Entre tous les animaux. Dans l'étude très intéressante qui va suivre, Aristote ne s'occupera guère que des animaux inférieurs, et spécialement des poissons. — Les uns ont tous les sens... La science moderne n'a presque rien changé à ces généralités, qui sont fort exactes. — Sans qu'il puisse y en avoir aucun autre. Quelques physiologistes ont voulu distinguer un sixième sens, celui de la génération ; mais cette théorie n'est pas soutenable, et la faculté de la génération n'est pas un sens, variable et temporaire comme elle est. — Tous les animaux ovipares. Les manuscrits répètent tous ici vivipares, qu'on vient de lire un lieu plus haut ; j'ai adopté la leçon nouvelle, après MM. Aubert et Wimmer et après M. Pikkolos. § 2. Que quand un genre d'animaux... On pourrait peut-être traduire aussi : « Que quand un seul genre de sens est mutilé ». — L'espèce des taupes... Voir plus haut, liv. I, ch. VIII, § 4. - Si l'on enlève la peau. Il ne peut pas y avoir de preuve plus décisive pour attester les observations anatomiques d'Aristote, et les dissections de tout genre qu'il a dû faire. Il ne fait d'ailleurs ici que répéter ce qu'il a dit au livre I, ch. VIII, § 4; mais dans ce passage-ci, les explications sont plus complètes. — Des yeux intérieurs. Expression juste et heureuse. — La graisse circulaire. Ceci indique évidemment, en dehors du noir, le blanc de l'œil, la conjonctive; mais il est difficile de comprendre comment on a jamais pu l'assimiler à de la graisse. § 3. Dès la naissance. Voir le passage du livre 1, qui vient d'être rappelé ; voir aussi le Traité de la Sensibilité et des choses sensibles, ch. II, § 7, page 31 de ma traduction. — A partir de l'encéphale... de la mâchoire supérieure. C'est avec raison que MM. Aubert et Wimmer rejettent cette phrase. C'est une interpolation d'autant plus probable qu'elle semble supposer des connaissances anatomiques, qu'on n'avait pas encore du temps d'Aristote. § 4. Tous les autres animaux. Sous-entendu, ce semble : « Que la taupe ». — Le sens des couleurs. C'est la vue sous un autre nom. C'est, d'ailleurs, une répétition de la fin du § 1. — Et tous les aninaux sans distinction. Cette observation est restée dans la science; et en effet, il n'y a pas d'animaux, même ceux qu'on appelle les protozoaires, qui ne soient doués de ce sens, répandu dans le corps entier. — Qui l'est plus que les autres. MM. Aubert et Wimmer remarquent, dans cette phrase, une certaine irrégularité grammaticale ; mais le sens n'est pas douteux. Voir des détails fort importants sur les yeux des animaux dans le Traité de la Génération, livre II, §§ 96 et suiv., édit. et trad. de MM. Aubert et Wimmer. Il y est dit que la vue est de tous les sens le seul qui ait un corps particulier pour organe. — La place de l'ouïe. C'est la leçon vulgaire, que je préfère à celle qu'ont adoptée MM. Aubert et Wimmer : « Les organes de l'ouïe apparents». — Les conduits auditifs. J'ai ajouté le dernier mot pour plus de clarté. § 5. Pour l'odorat. C'est de l'odorat chez les poissons, et de foule que s'occupera surtout Aristote dans le reste du chapitre. — Les canaux olfactifs. Ici l'expression du texte est complète, et je n'ai pas eu à y suppléer par l'addition d'un adjectif. § 6. Parmi les animaux aquatiques... les poissons. J'ai adopté la leçon admise par MM. Aubert et Wimmer, bien qu'elle ne s'appuie sur l'autorité d'aucun manuscrit; elle me semble presque indispensable. — Est imparfait. Aristote en donne l'explication tout au long dans le Traité des Parties des animaux, liv. II, ch. XVII, p. 108, édit. et trad. Frantzius. — Le voile du palais. Voir, id. ibid., p. 110. Les carpes de rivière. Le mot grec est cyprinos ; Athénée, liv. VII, p. 309, cite ce poisson, d'après Aristote. — Le sens du goût. Les raisons que fournit ici Aristote sont de toute évidence, et la science moderne n'a rien à y changer. — Du thon et des poissons gras. Je ne sais pas si, de nos jours, les pêcheurs des côtes de la Méditerranée ont conservé l'usage de ces amorces pour les poissons. § 7. Chez les poissons. J'ai ajouté ces mots pour plus de clarté. — Ne communique pas avec l'encéphale. Il y a dans cette observation un principe de physiologie très profond, sur les rapports des sensations avec le cerveau. — Douché et aveuglé. Il n'y a qu'un seul mot dans le texte. — Qu'ils entendent et qu'ils ont de l'odorat. Dans tout ce qui suit, Aristote va traiter tout d'abord du sens de foule chez les poissons, et ensuite de l'odorat; voir plus loin, § 14. § 8. Des trirèmes. En d'autres termes, des vaisseaux de guerre des Anciens. Leurs rames étaient nécessairement plus fortes et faisaient plus de bruit. — Leurs cachettes. Ou « leurs nids ». — C'est qu'un bruit... énorme. MM. Aubert et Wimmer rejettent cette phrase comme apocryphe. Je ne saurais partager cet avis. Sans doute, la phrase n'est pas indispensable; mais elle me semble s'accorder très bien avec la précédente ; et il n'est pas inutile de dire que le moindre bruit dans l'eau se répercute avec une intensité extrême. - Des dauphins. Voir plus haut, liv. II, ch. IX, § 3. Mais les manœuvres de pêche qu'Aristote indique ici ne sont pas appliquées aux dauphins seulement; on les emploie aussi contre bien d'autres poissons. Les dauphins sont d'ailleurs excessivement nombreux dans la mer des Cyclades, où ils vont par bandes. — Sur terre. Je ne sais pas si le fait a été constaté de nouveau. — Aucun organe de l'ouïe. Il faut remarquer que l'auteur ajoute : « qu'on puisse voir ». L'organe doit nécessairement exister; mais on ne le voit pas. Le dauphin dont parle Aristote doit être le Delphinus Delphis de Cuvier, Règne animal, tome I, p. 287. Le dauphin est très abondant sur toutes les côtes de la Méditerranée, qu'Aristote a dû connaître. § 9. Pour bien chasser les poissons. Tous ces détails, qui n'ont plus rien de neuf pour nous, étaient au contraire tout nouveaux pour les lecteurs d'Aristote ; et depuis lui, on n'y a presque rien ajouté. Les pêcheurs pratiquent toujours ces règles, comme il y a deux mille ans. — On recommande bien à tous les nautoniers. Il y a quelques répétitions et quelques longueurs dans ces explications. — Jusqu'à ce que... Ou: « Pendant que l'on renferme les poissons dans le cercle. » § 10. A la pêche des dauphins. Voir ci-dessus, § 8. — Qu'on puisse alors les entourer de filets. M M. Aubert et Wimmer ont adopté ici une légère variante, qui rend la phrase plus correcte, sans rien changer au sens. — Mais avant de les y avoir enveloppés... qui les domine. MM. Aubert et Wimmer suspectent cette phrase, qui a le double tort d'être une répétition et de confondre deux procédés de pêche, qui sont un peu différents l'un de l'autre. § 11. De même encore. L'observation qui suit n'ajoute pas beaucoup aux précédentes; mais elle les confirme, et la démonstration que veut faire Aristote est décisive. — On les voit s'enfuir aussitôt. C'est une observation que nous avons tous pu faire â bien des reprises, sur le bord des étangs et des eaux. § 12. Des chabots. Le mot grec est cottos ; Linné l'avait conservé dans sa nomenclature. Cuvier identifie ce poisson avec le chabot de rivière; voir Règne animal, tome II, p. 162. Cuvier dit aussi qu'on prend ces petits poissons en soulevant les pierres sous lesquelles ils se cachent; ce qui est très différent de ce que dit Aristote ; voir la note de MM. Aubert et Wimmer, et leur Catalogue, p. 133. § 13. Qui ont l'ouïe la plus fine. C'est sans doute une exagération. — Le muge. De l'ordre des acanthoptérygiens, onzième famille; voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 230. — Le chrems. Ce nom qui ne paraît dans Aristote que cette seule fois, et que ne donnent pas quelques manuscrits, paraît apocryphe à MM. Aubert et Wimmer ; je n'ai pas cru devoir retrancher ce mot, qu'on ne peut expliquer actuellement, mais que d'autres recherches plus heureuses permettront peut-être d'identifier. — Le loup de mer, ou bar. On pourrait reproduire le mot grec de labraz, adopté par quelques zoologistes ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 133. — La saupe; voir Cuvier, id., ibid., p. 185. — Le chromis. Voir Cuvier, id., ibid., p. 263. Ce petit poisson est très abondant dans la Méditerranée. Sur tous ces poissons voir aussi le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, pp. 134 et suiv. § 14. Et les autres poissons sentent moins bien qu'eux. Cette phrase, qui interrompt le cours des pensées, et qui semble revenir sur ce qui a été dit quelques lignes plus haut, est rejetée par MM. Aubert et Wimmer, qui ont pour eux l'autorité de plusieurs manuscrits. — On ne prend pas tous les poissons avec les mêmes amorces. Observation très simple, et péremptoire pour ce que l'auteur veut démontrer. — Qui vivent dans des trous profonds... de la saumure... Les poissons y accourent. Même observation. § 15. Ce qu'on appelle la nasse. Le sens du mot grec n'est pas très bien déterminé; il répond plus particulièrement à l'idée de tamis de sas. Celui de nasse s'applique spécialement à la pêche. § 16. L'odeur de la chair grillée. Tous ces détails sont évidemment le résultat de l'expérience des pêcheurs. — Dans les trubles. Autre espèce d'engin de pêche. § 17. Comme sentant l'odeur. C'est peut-être à cause du bruit que fait la chute de ces immondices; car, au contraire, les poissons en général sont très friands de tout ce qu'on jette du bord. — Le sang des autres poissons. On ne sait pas si cette observation a été confirmée. § 18. Un appât gâté. Voir plus haut, § 14. Tout ce paragraphe doit sembler une répétition peu utile de ce qui précède. § 19. Tout ceci... une perception très vive de l'odeur. MM. Aubert et Wimmer veulent rejeter toute cette phrase. Il est bien vrai qu'elle n'ajoute rien à ce qui précède ; mais il semble assez naturel qu'après avoir parlé de foule chez les dauphins, l'auteur veuille aussi parler du sens de l'odorat chez ces poissons, et après en avoir cité plusieurs autres. § 20. Ont tous les sens... On peut trouver que ceci n'a pas été démontré, puisqu'il n'a guère été question que des trois sens de l'odorat, de l'ouïe et du goût. Le sens du toucher appartient à tous les animaux ; mais il reste le sens de la vue, qu'on attribue également à tous, et dont il n'a été traité réellement qu'en ce qui touche la taupe. Déjà au § 4, il a été dit que tous les animaux ont les cinq sens; et il s'agissait évidemment des animaux supérieurs. Maintenant, il s'agit de quatre genres inférieurs, dont trois, selon Aristote, possèdent les cinq sens. Il resterait la classe des testacés, dont il ne dit rien ; et de cette façon, il ne peut pas affirmer d'une manière générale que tous les animaux ont les cinq sens. Il y a donc ici quelque contradiction dans les idées, et très probablement quelque confusion dans le texte. — Car ils possèdent la vue, l'odorat et le goût. J'ai conservé la leçon vulgaire, bien qu'elle ne soit pas très satisfaisante. MM. Aubert et Wimmer retranchent « la vue », et se bornent au goût et à l'odorat; mais ce changement arbitraire ne complète pas davantage la pensée et il reste toujours la lacune de l'ouïe, qu'on suppose, ainsi que le toucher, mais dont il n'est pas formellement parlé. Tous les faits qui sont exposés dans le reste de ce chapitre sont curieux et intéressants ; mais, tout curieux qu'ils sont, ils ne sont pas présentés avec assez d'ordre. — Sentent les odeurs. J'ai suivi la leçon proposée par M. Pikkolos, et adoptée par MM. Aubert et Wimmer; elle est ingénieuse. et elle consiste tout simplement dans le changement de quelques lettres. — Et les chenilles. Le sens du mot grec est incertain : et l'on ne sait pas au juste ce que sont les knipes d' Aristote : j'ai pris le mot de chenilles, pour représenter les insectes sans ailes à côté des abeilles, qui sont ailées; voir le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, p. 166. § 21. L'odeur seule du soufre. Ce n'est pas seulement l'odeur; c'est aussi la vapeur qui les suffoque. — De l'origan. Nous avons conservé le mot grec dans la science : et l'origan est une plante de la famille des labiées. Voir plus loin, liv. IX, ch. VII, § 5. d'autres effets de l'origan sur les tortues et quelques animaux. — De la corne de cerf brûlée. Il paraît que c'est de l'ammoniac qui se dégage de cette combustion, et qui étouffe ces insectes, comme la vapeur du soufre. — Du styrax. Les officines modernes connaissent et emploient encore une substance de ce nom, qui provient d'une espèce d'ambre on plutôt, de gomme-résine de Syrie. § 22. A l'aide de certains appâts. Ce qui semble prouver que ces animaux ont les deux sens du goût et de l'odorat. — S'y attachent si fortement. Ceci ne prouve que de la voracité. — Du pouliot. Le mot grec est konyza, que quelques traducteurs n'ont fait que reproduire. L'identification n'est pas certaine. Le pouliot est une plante aromatique de la famille des menthes. Je ne sais pas d'ailleurs si l'observation rapportée par Aristote est bien exacte. § 23. Dans ces animaux. Ceci est un peu vague, et ne semble concerner que les animaux mentionnés au paragraphe précédent. — Ainsi l'abeille. Voir, plus loin, la même observation sur les abeilles, liv. VIII, ch. I, § 13. — Les cousins. Cette identification n'est pas non plus certaine ; et plusieurs traducteurs n'ont fait que reproduire le mot grec kônops, de peur de se tromper. Cousins, m'a semblé répondre assez bien à la pensée du texte.
§ 24.
Antérieurement. Voir plus haut, § 4. C'est du reste une
observation qu'Aristote a reproduite bien des fois; et ce qui
distingue essentiellement l'animal, c'est la sensibilité, qui
consiste surtout dans le toucher ; voir le § 25. Tous les animaux pourvus d'une bouche. Généralité qui n'est pas moins vraie que les précédentes. — Quant à la vue et à l'ouïe. Ceci semble devoir se rapporter aux crustacés, dont il a été question plus haut; et par conséquent, la petite phrase précédente pourrait bien n'être qu'une interpolation. — Ni bien certaines ni bien évidentes. On doit remarquer ces scrupules de méthode. — Les solènes. Voir plus haut, ch. IV, § 3. — Le fer approcher. C'est la petite pelle de fer avec laquelle on les enlève du sable, où ils se cachent. — Quand on approche le doigt. J'ai adopté la leçon de M. Pikkolos, comme l'ont fait MM. Aubert et Wimmer. La leçon ordinaire dit simplement : « s'ouvrent et se ferment » ; mais cette leçon n'a pas un sens satisfaisant. § 26. De nérites. Voir plus haut, ch. IV, § 26. — Les pêcher sur le vent. Sans doute, parce que le vent porterait aux poissons le bruit et l'odeur. — Si l'on parle... en toute hâte. Cette petite phrase n'est peut-être qu'une interpolation. § 27. C'est... l'oursin. Aristote ne dit pas comment on avait constaté ces différences entre les testacés. — Les téthyes. Voir plus haut, ch. Vi, § 1. — Les glands de mer. Mollusques cirrhopodes; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 177.
§ 28.
Dans tous les animaux. L'expression est peut-être trop forte
; car il n'a été question que de quelques classes d'animaux. |
De la voix des animaux ; il faut bien distinguer la voix, le son et le langage articulé ; organes de la voix pour les voyelles et les consonnes muettes ; fonction de la langue ; bruits divers que font les insectes ; les mollusques et les crustacés n'ont ni voix ni son ; bruits divers que font certains poissons ; cas spécial du dauphin ; voix des ovipares quadrupèdes ; sifflement des tortues ; coassement des grenouilles, surtout dans la saison de l'accouplement ; la voix des oiseaux ; différences et parités entre la voix des mâles et des femelles ; le rossignol ; langage articulé ; privilège de l'homme ; les sourds-muets ; premier langage des enfants ; variations de la voix selon les régions ; différences dans une même espèce ; cas extraordinaires chez les petits oiseaux ; rossignol corrigeant la voix d'un de ses petits ; les deux voix de l'éléphant. sans sa trompe, ou avec sa trompe. |
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§ 1. Voici maintenant ce qu'on peut dire de la voix des animaux. D'abord la voix et le bruit sont choses fort différentes ; et le langage diffère encore de l'un et de l'autre. L'animal n'a de voix et ne se fait entendre que par l'organe du pharynx exclusivement; et par suite, les animaux qui n'ont pas de poumon, n'ont pas non plus de voix. § 2. Le langage est l'articulation de la voix, au moyen de la langue. C'est la voix et le larynx qui émettent les voyelles ; c'est la [536a] langue et les lèvres qui forment les consonnes, ou lettres aphones. Tels sont les éléments dont se forme le langage ; et de là vient que les animaux qui n'ont pas de langue, ou qui n'ont pas une langue qui soit libre, ne parlent pas. Ce qui n'empêche pas que les animaux peuvent faire du bruit par d'autres parties que celles qu'on vient d'indiquer. § 3. Les insectes n'ont ni la voix, ni le langage; et ils n'en font pas moins un certain bruit avec l'air qu'ils ont dans leur intérieur, mais non avec l'air du dehors. [5] Aucun d'eux ne respire. Les uns bourdonnent comme l'abeille, et en général, les insectes ailés; il y en a d'autres dont on dit qu'ils chantent, par exemple les cigales. § 4. Tous ces animaux produisent le bruit par la membrane qui est placée sous le corselet de tous ceux qui ont des sections, tels que les cigales qui produisent le bruit par le froissement de l'air. Les mouches, les [10] abeilles, et tous les insectes de cette classe, font du bruit avec leurs ailes, qu'elles déploient et qu'elles contractent successivement. Leur bruit vient toujours du froissement de l'air intérieur. Les sauterelles produisent leur bruit en battant l'air avec les pattes qui leur servent à sauter. § 5. Aucun mollusque, aucun crustacé n'a de voix, ni n'émet naturellement aucun son. § 6. Les poissons n'ont pas de voix, [15] parce qu'ils n'ont ni poumon, ni trachée-artère, ni pharynx. Ils produisent seulement certains bruits et certains grincements, qu'on prend pour une voix, comme la lyre et le chromis, qui émettent une sorte de grognement; tels sont encore le poisson de l'Achéloüs appelé le sanglier, et aussi le forgeron et le coucou, dont l'un produit une espèce de sifflement, et dont l'autre produit un bruit rapproché de la voix du coucou, ce qui lui a fait donner son nom. § 7. [20] Tous ces animaux produisent leur prétendue voix, tantôt par le froissement des branchies, parties de leur corps qui sont dans le genre de l'arête, tantôt par le moyen des organes intérieurs qui avoisinent l'estomac ; car chacun de ces animaux a de l'air ; et c'est, soit en le battant, soit en l'agitant, qu'ils produisent du son. § 8. Il y a des sélaciens qui semblent siffler ; [25] mais on aurait tort de dire qu'ils ont une voix ; ils font simplement du bruit. Ainsi, quand les peignes s'avancent en s'appuyant à la surface de l'eau, ce qu'on appelle leur vol, ils font entendre un grognement, que produisent aussi les hirondelles de mer; car on dit également d'elles qu'elles volent, quand elles s'élèvent, ne touchant plus la mer, grâce à leurs nageoires larges et longues. [30] Mais de même qu'on ne dit pas que le bruit fait par les ailes des oiseaux soit une voix, on ne peut pas le dire davantage pour aucun de ces animaux. § 9. Le dauphin émet aussi un sifflement, et il murmure, quand il sort de l'eau [536b] et qu'il est à l'air; mais ce son est tout autre chose que ceux dont on vient de parler. Le dauphin a bien une voix, puisqu'il a un poumon et une trachée-artère ; mais il n'a pas la langue libre, et il n'a pas de lèvres, de manière à pouvoir articuler quelque chose avec cette voix. § 10. Parmi les animaux qui ont une langue et un poumon, [5] les ovipares quadrupèdes ont une voix, mais très faible. Les uns sifflent comme les serpents; d'autres ont une voix grêle et faible ; d'autres encore, comme les tortues, ont un petit sifflement entrecoupé. § 11. La grenouille a une langue toute particulière. Le devant de la langue, qui est libre chez les autres animaux, est attaché chez elle, comme la langue des poissons; [10] mais la partie qui est vers le pharynx est détachée et peut se déployer. C'est grâce à cette conformation qu'elle émet la voix qui la distingue. § 12. Les mâles des grenouilles font entendre le coassement qu'ils produisent dans l'eau, quand ils appellent les femelles pour l'accouplement. Tous les animaux ont des voix particulières pour provoquer la réunion et [15] le rapprochement des sexes, comme on le voit pour les verrats, les boucs et les béliers. La grenouille-mâle produit le coassement en avançant sur l'eau sa mâchoire inférieure au niveau des lèvres, et en ouvrant la mâchoire supérieure. Cette extension rend les mâchoires transparentes ; et les yeux brillent comme des lampes; car c'est surtout la nuit que l'accouplement des grenouilles a lieu. § 13. [20] Les oiseaux émettent une voix ; et ceux-là même l'articulent le mieux qui ont une langue assez large, ou qui ont la langue très mince. Dans quelques espèces, la voix du mâle et celle de la femelle sont tout à fait pareilles ; dans d'autres, elles sont différentes. Les petits oiseaux chantent beaucoup, et sont plus bavards que les grands oiseaux. [25] Le chant s'anime surtout à l'époque de l'accouplement, dans toutes les espèces. § 14. Les uns crient en se battant, comme la caille : les autres crient avant de se battre en manière de provocation, comme les perdrix : d'autres encore chantent après la victoire, comme les coqs. Dans certaines espèces le chant du mâle et relui de la femelle ne se distinguent pas, comme chez le rossignol mâle et le rossignol femelle qui ne se distinguent point ; seulement, [30] la femelle se tait quand elle couve ses œufs, ou qu'elle a des petits. Dans d'autres espèces, les mâles chantent plus que les femelles, comme les coqs et les cailles; et leurs femelles ne chantent point. § 15. Les quadrupèdes vivipares ont chacun des voix différentes les unes des autres ; [537a] mais aucun n'articule un langage ; ce privilège est réservé à l'homme seul. Quand l'animal a un langage articulé, il a aussi une voix ; mais il peut avoir une voix sans toujours avoir de langage, ni d'articulation. § 16. Ceux qui sont sourds de naissance sont en outre toujours muets ; cependant ils ont bien une voix ; mais elle ne peut pas articuler. [5] Dans les premiers temps, les enfants ne disposent pas mieux de leur langue que de tout autre de leurs organes ; elle n'est pas complètement développée ; et elle n'a toute sa liberté que plus tard. Aussi, presque toujours, les petits enfants bredouillent et bégayent. § 17. Les voix et les langages varient avec les pays. Ce qui distingue le plus nettement la voix, c'est d'être grave [10] ou d'être aiguë ; mais dans les mêmes espèces d'animaux, la nature de la voix n'offre aucune différence. Au contraire, la voix avec articulations, qu'on pourrait bien aussi appeler un langage, diffère selon les localités, non pas seulement d'une espèce à une autre, mais dans la même espèce d'animaux. Par exemple, dans les perdrix, le cri des unes est : cac, cac ; le cri des autres est : tri, tri. § 18. Il y a même quelques petits [15] oiseaux qui n'ont pas un chant pareil au chant de ceux de qui ils sortent, quand ils ont été élevés par d'autres, et qu'ils ont entendu le chant d'oiseaux différents. On prétend avoir observé un rossignol qui donnait des leçons à un de ses petits, parce que, apparemment, le ramage et la voix du jeune n'étaient pas pareils à la sienne, et qu'il essayait de le former. § 19. Les hommes ont également tous la même voix ; mais il s'en faut bien que leur langage soit le même. L'éléphant, quand il ne se sert pas de sa trompe, fait. entendre, avec sa bouche seule, une voix qui a quelque chose de la respiration d'un homme, qui chasserait son souffle en se plaignant. Mais quand l'éléphant emploie sa trompe, le son qu'il produit ressemble au bruit strident de la trompette. |
§ 1. De la voix des animaux. Ce chapitre sur la voix des animaux est certainement un des plus beaux, non seulement de l'ouvrage d'Aristote, mais en outre de toute la science zoologique, y compris celle de notre temps. C'est un sujet très curieux, et on ne voit pas que, même parmi les plus grands naturalistes, aucun l'ait traité mieux que lui. Quelques-uns même en ont à peine parlé, malgré l'exemple que leur avait donné le philosophe grec, voilà plus de vingt siècles. — La voix et le bruit. La distinction est très juste. Le bruit que font certains insectes n'a rien de commun avec la voix des quadrupèdes, et le chant des oiseaux. — Le langage. Ou la parole. J'ai admis la leçon que MM. Aubert et Wimmer adoptent et qu'ils tirent d'un manuscrit. — Par l'organe du pharynx. C'est une erreur qu'Aristote a souvent répétée, comme on peut le voir dans le Traité des Parties des animaux, liv. III, ch. III, p. 128, édit. et trad. Frantzius. Il est clair qu'il confond le pharynx et le larynx, bien que l'un soit le conduit des aliments à l'œsophage et à l'estomac, et l'autre le conduit de l'air aux poumons. Mais l'anatomie de ces parties est si délicate qu'il n'y a pas lieu de s'étonner qu'on l'ait ignorée tout d'abord, et même longtemps ; voir le paragraphe suivant. — N'ont pas non plus de voix. Généralité fort exacte. § 2. Le langage. Ou « la parole ». — La voix et le larynx. Aristote parle ici du larynx et non plus du pharynx, comme ci-dessus ; il est donc possible qu'au paragraphe précédent, il y ait eu confusion, non pas du fait de l'auteur, mais du fait des copistes. — Qui émettent les voyelles. Dans notre langue, le mot de voyelles a la même étymologie que le mot de voix ; il en est de même en grec. La distinction faite par Aristote est d'ailleurs très vraie ; il semble en effet que les voyelles sont produites par une simple émission de voix, sans articulation. — La langue et les lèvres. Il aurait pu ajouter, les dents. — Ou lettres aphones. J'ai ajouté cette paraphrase pour reproduire autant que possible la presque identité des mots dans la langue grecque. — Qui n'ont pas de langue... ne parlent pas. Il faut lire ce que dit Buffon à ce sujet, tome XIII, p. 257 et suiv., édit. de 1830. Certains animaux, comme le perroquet, ont une langue qui leur permet de prononcer aussi bien que nous ; mais ce qui leur manque, c'est la pensée, premier et essentiel élément du langage. — Faire du bruit. Le bruit n'est, ni une voix, ni un langage articulé. § 3. Avec l'air qu'ils ont dans leur intérieur. Ceci est exact, du moins pour quelques insectes ; et c'est en chassant l'air de l'intérieur avec force qu'ils produisent le bruit qui leur est particulier, l'air du dedans rencontrant, au dehors, des membranes sonores. - Aucun d'eux ne respire. Au contraire, les insectes respirent, bien qu'ils n'aient pas de poumon, par les trachées, vaisseaux intérieurs qui reçoivent l'air du dehors par des orifices spéciaux, les stigmates, placés sur le thorax et surtout sur l'abdomen. — Par exemple, les cigales. Le bruit que font les cigales dans les climats chauds, est trop strident et trop continuel pour que les hommes ne l'aient pas remarqué entre tous. Ce sont les mâles des cigales qui chantent ; les femelles sont muettes. § 4. Par la membrane qui est placée sous le corselet. C'est une explication bien étonnante de justesse, au temps d'Aristote. La science moderne n'en sait guère davantage, bien que l'analyse des détails ait été nécessairement poussée plus loin ; voir Cuvier, Règne animal, tome V, pp. 210 et surtout 213 ; et Zoologie descriptive de M. Claus, p. 592, trad. franc. Le mécanisme cicadaire est bien connu; et l'air intérieur, comme dit Aristote, y joue un rôle important. — Par le froissement de l'air. L'expression grecque est encore plus forte, et signifie plutôt « broiement » que « froissement ». V. le Traité de la Respiration d'Aristote, ch. IX, § 5, p.376 de ma traduction où il explique les différents usages de la membrane placée sous le diaphragme, ou corselet. — Font du bruit. Ce bruit est précisément le bourdonnement. — Du froissement de l'air intérieur. Ceci semble être en contradiction avec ce qui vient d'être dit sur le bruit que font les ailes; mais le mouvement alternatif des ailes, déployées et reployées, peut se combiner avec la sortie de l'air intérieur. — Les sauterelles. L'identification n'est peut-être pas exacte ; les sauterelles mâles font leur stridulation par le frottement des cuisses contre les étuis ou les ailes ; voir Cuvier, Règne animal, tome V, p. 184. § 5. Aucun mollusque... Observations fort exactes. § 6. Les poissons n'ont pas de voix. De là, cette épithète de muets, si souvent appliquée aux poissons par les poètes. — La lyre et le chromis. On ne sait pas précisément quels sont ces poissons. Je n'ai pu que reproduire les mots grecs. — L'Achéloüs. Fleuve de l'Acarnanie, qui se jette dans la mer Adriatique. — Le Sanglier. Traduction littérale du mot grec, sans qu'on sache non plus ce qu'est ce poisson ; on ignore ce qu'est le Forgeron (Chalkeus ou Chalcis), et le Coucou. Pour ce dernier, Aristote explique lui-même d'où vient son nom. § 7. Leur prétendue voix. Ce n'est pas une voix proprement dite ; c'est un simple son ; et l'explication qu'en donne Aristote est très naturelle ; le mouvement seul des branchies peut produire un son, que l'on prend pour une voix. — Des organes intérieurs qui avoisinent l'estomac. Ceci est moins clair, et il aurait fallu entrer dans quelques détails plus spéciaux. § 8. Il y a des sélaciens. L'indication est encore ici bien vague. Les sélaciens, comme on l'a déjà dit, sont des chondroptérygiens à branchies fixes ; ils comprennent deux grandes familles, celle des squales, où sont comptés les requins, et celle des raies. Il y a des sélaciens vivipares, et d'autres ovipares. Le sifflement que l'Antiquité prêtait aux sélaciens n'était, sans doute que le bruit de l'eau sortant par les évents, chez ceux qui en ont. — Les peignes. Dans la zoologie moderne, les peignes sont des testacés acéphales; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 122. On n'a pas observé de nouveau le fait que signale Aristote ; ce qui ne veut pas dire que ce fait soit faux. Dans le Catalogue de MM. Aubert et Wimmer, le peigne indiqué par Aristote est le pecten Jacobœus, qui parfois s'élance au-dessus de l'eau et semble voler, en produisant quelque bruit sans doute par le mouvement de son manteau. — Les hirondelles de mer. On ne sait pas quel animal avait reçu ce surnom ; on voit seulement qu'il s'agit d'un poisson, qui a des nageoires longues et larges. Dans la zoologie actuelle, les hirondelles de mer sont des oiseaux palmipèdes. — Les ailes des oiseaux... MM. Aubert et Wimmer font remarquer combien cette comparaison est frappante. — Aucun de ces animaux. Qui sont tous des poissons. § 9. Le dauphin. Pour le dauphin, comme pour tous les cétacés souffleurs, la voix qu'on leur prête, ou le sifflement qu'ils produisent, n'est que le bruit de l'eau, absorbée d'abord en grande quantité par la bouche, et sortant ensuite avec violence par les orifices placés au-dessus de la cavité du nez ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 287. — Il murmure. Ce son, qu'Aristote paraît distinguer du sifflement, doit tenir à la même cause, le passage de l'eau par les évents ; le trajet intérieur est assez long, et très compliqué, pour que l'animal se débarrasse du liquide. — A bien une voix. Cette assertion pourrait être contestée ; car un poumon et une trachée-artère ne suffisent pas pour constituer la voix. — Articuler. C'est la traduction littérale du mot grec, qui répond bien à la réalité. § 10. Les ovipares quadrupèdes. Les lézards, les crocodiles, etc. MM. Aubert et Wimmer proposent d'ajouter : « ou sans pieds » et ils ont même admis cette leçon dans leur texte, afin que les reptiles-serpents soient compris dans l'énumération; mais ce changement ne s'appuie sur aucun manuscrit ; il n'est pas indispensable, quoiqu'en réalité les serpents, dont il sera question plus bas, ne soient pas des quadrupèdes. — D'autres. Ce sont les lézards. — Comme les tortues. C'est une observation qu'il est très facile de faire, si l'on prend une tortue à la main. § 11. La grenouille... Cette organisation de la langue des grenouilles a été remarquée aussi par la zoologie moderne, qui ne semble pas d'ailleurs y avoir attaché beaucoup d'importance ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 884, trad. franç. « Langue fixée antérieurement, libre en arrière, pouvant se dérouler hors de la bouche. » La grenouille est sans doute le seul animal qui offre cette particularité, qu'Aristote signale avec grande raison. — C'est grâce à cette conformation. Cette explication est très probable. § 12. Pour l'accouplement. C'est exact. — Tous les animaux... et les béliers. Cette phrase, qui rompt la suite des pensées, peut paraître une interpolation. C'est la phrase suivante, au contraire : « La grenouille-mâle.... a lieu », que MM. Aubert et Wimmer proposent de rejeter. Cette dernière phrase me semble la suite très régulière de ce qui vient d'être dit du coassement des grenouilles, et de la conformation spéciale de leur langue. Je ne sais pas d'ailleurs si la science de nos jours accepte la description que donne Aristote du mécanisme des mâchoires dans le coassement. — Les yeux brillent comme des lampes. C'est exagéré. — C'est surtout la nuit. Ceci est fort exact. § 13. Les oiseaux émettent une voix. Sur le chant des oiseaux et l'organisation de leur larynx, supérieur et inférieur, voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 307 ; la Zoologie descriptive de M. Claus, pp. 953 et 958, trad. franc., et aussi la Zoologie de M. Milne-Edwards, p. 439, 12e édit. — Assez large. Presque toutes les éditions et les manuscrits ont une leçon différente, qu'il faudrait plutôt traduire par : « Assez peu large ». La langue du perroquet, qui imite le mieux la voix humaine, n'est pas large en effet ; elle est plutôt arrondie. — Dans quelques espèces... Ceci est répété un peu plus bas, au paragraphe suivant. — Le chant s'anime surtout... Observation très exacte et facile à constater. § 14. En se battant. Pour se disputer les femelles. — Comme les perdrix. Ceci est une addition faite par des éditeurs récents, qui l'ont tirée d'un passage du livre IX, ch. VIII, § 4. MM. Aubert et. Wimmer l'ont adoptée dans leur texte. — Dans certaines espèces. Voir la note du paragraphe précédent. — Et le rossignol femelle. Il n'y a que le mâle qui chante; la femelle ne fait que gazouiller, comme le remarquent MM. Aubert et Wimmer. § 15. Les quadrupèdes vivipares. En d'autres termes, les plus élevés de tous les animaux. — N'articule un langage. C'est toute la force du mot grec. — Ce privilège est réservé à l'homme seul. Dans un ouvrage d'histoire naturelle, Aristote n'avait point à insister sur ce grand fait de la parole accordée à l'homme; mais il est clair qu'il en sentait toute l'importance. - De langage ni d'articulation. Même remarque qu'un peu plus haut. § 16. Ceux qui sont sourds de naissance... Ainsi Aristote avait bien vu que l'impossibilité de parler ne vient que de la surdité, pour les sourds de naissance. — Complètement développée. Matériellement, la langue des enfants est peut-être tout ce qu'elle doit être; mais en eux, la pensée ne peut pas encore agir assez puissamment et déterminer la prononciation régulière. § 17. Le cri des unes... le cri des autres. Ceci s'applique au cri des perdrix en Grèce ; il est possible que l'onomatopée indiquée par Aristote soit exacte pour elles; elle ne le serait pas pour les nôtres, qui vivent sous un climat un peu différent. § 18. Il y a même quelques petits oiseaux. Observation curieuse; comme toutes celles qui suivent. — Observé un rossignol. Le fait n'a rien d'impossible, quoiqu'il soit nécessairement rare et difficile à observer, vu les mœurs habituelles du rossignol. § 19. La même voix. Il faut comprendre ceci en ce sens que tous les hommes sont doués du don de parler; mais le timbre de la voix diffère beaucoup d'un individu à un autre ; et au moins, autant que le visage. — Leur langage soit le même. Sans connaître aussi bien que nous la diversité si grande des langues, Aristote avait déjà assez de faits devant lui pour poser le principe qu'il établit. La Grèce, à elle seule, lui offrait de nombreux exemples dans ses dialectes variés, Dorien, Éolien, Ionien, Attique, sans compter une foule de dialectes locaux, ou patois. — L'éléphant. MM. Aubert et Wimmer prétendent que le bruit que l'éléphant fait ressemble plutôt aux cris d'un enfant, quoique plus fort. — En se plaignant. Le mot dont le texte se sert ici est reproduit dans le Traité de la Génération des animaux, liv. V, ch. VII, p. 400, édit. et trad. Aubert et Wimmer; mais c'est en parlant des modulations de la flûte, où souvent les joueurs ont l'air de gémir. — Au bruit strident de la trompette. Il y a sans doute de l'exagération dans cette appréciation : mais il paraît que, quand l'éléphant est en colère, le bruit qu'il fait avec sa trompe a quelque chose d'effrayant. Buffon ne se prononce pas très nettement sur ces diverses observations, tout en citant Aristote et les Anciens, tome XVI, p. 333, édit. de 1830. |
Du sommeil et de la veille chez les animaux ; tous les animaux qui ont du sang présentent ces phénomènes ; les rêves ; sommeil des poissons ; preuves diverses attestant que les poissons dorment ; observations des pêcheurs ; position des poissons pendant leur sommeil ; les poissons à tuyau dorment en élevant leur tuyau au-dessus de l'eau, et en agitant légèrement les nageoires ; sommeil des mollusques et des crustacés ; sommeil des insectes ; les abeilles ; l'homme rêve plus que tout autre animal ; les tout petits enfants ne rêvent pas ; quelques personnes n'ont jamais rêvé de leur vie; les rêves survenant avec l’âge annoncent une révolution dans le tempérament. — Résumé. |
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§ 1. En ce qui concerne le sommeil et la veille des animaux, on peut se convaincre que tous ceux [25] qui marchent et qui ont du sang, dorment et veillent, pour peu qu'on se donne la peine de les observer. C'est qu'en effet tous les animaux qui ont des paupières se livrent au sommeil, en les fermant. § 2. On peut voir, en outre, que l'homme n'est pas le seul à avoir des rêves ; les chevaux, les chiens, les bœufs, les moutons, les chèvres, tous les vivipares quadrupèdes en ont comme lui. [30] Les chiens le montrent bien par leur aboiement. Quant aux ovipares, ce phénomène du rêve n'est pas certain ; mais il est bien évident qu'ils dorment. § 3. On peut en dire autant des animaux aquatiques, poissons, mollusques, [537b] crustacés, langoustes, et autres de même ordre. Tous ces animaux ont un sommeil très court ; mais on voit très bien qu'ils dorment. Ce n'est pas d'après leurs yeux que l'on pourrait s'en assurer, puisque aucun d'eux n'a de paupières ; mais c'est en constatant leur immobilité. [5] Ainsi, l'on prend les poissons, à moins que les poux et ce qu'on appelle les pucerons.... et ils sont alors si complètement immobiles qu'on peut sans peine les prendre à la main. Mais si les poissons restent trop longtemps à dormir, ces insectes, qui sont en très grande quantité, se jettent sur eux pendant la nuit et les dévorent. § 4. C'est au fond de la mer que les poux et les pucerons se trouvent, et ils y sont en quantité si grande que, quand une amorce, [10] faite avec du poisson, séjourne quelque temps au fond de l'eau, ils la rongent ; et il arrive souvent que les pêcheurs retirent l'amorce tout enveloppée de ces insectes, qui forment autour d'elle comme une boule. § 5. Mais voici d'autres preuves encore plus frappantes du sommeil des poissons. Souvent ils s'aperçoivent si peu qu'on s'approche d'eux qu'on peut les saisir à la main, et les frapper du harpon sans qu'ils s'en doutent. [15] A ces moments-là, ils sont dans un repos complet ; et ils ne remuent pas du tout, si ce n'est leur queue, et encore très faiblement. Ce qui prouve bien qu'ils dorment, ce sont leurs mouvements rapides quand quelque chose vient les troubler dans ce repos ; car alors ils s'élancent, comme sortant du sommeil. § 6. Dans les pêches au flambeau, on prend les poissons parce qu'ils dorment. Bien des fois les pêcheurs de thons les prennent tout endormis ; [20] et ce qui le prouve bien, c'est qu'on les surprend dans un absolu repos, et montrant. la partie blanche de leur corps. D'ailleurs, les poissons dorment plus profondément la nuit que le jour, à ce point qu'on les perce alors sans qu'ils bougent. § 7. La plupart des poissons dorment en s'appuyant sur le fond de l'eau, sur le sable, ou sur une pierre [25] qui repose au fond ; ou bien ils se cachent sous une pierre, ou dans un creux du rivage. Les poissons plats se logent dans le sable ; on reconnaît qu'ils y sont blottis par la forme que le sable présente en les recouvrant, et on les y frappe du trident. [30] Bien souvent, même dans le jour, on chasse au trident les loups, les dorades, les muges et autres poissons de cette espèce, parce qu'ils dorment; et s'ils ne dormaient pas, on ne pourrait pas avec un trident les atteindre jamais. § 8. [30] Les sélaciens dorment si bien que parfois on peut les prendre à la main. Le dauphin, la baleine, [538a] et tous les poissons à tuyau, dorment en élevant au-dessus de l'eau ce tuyau, qui leur sert à respirer, et en remuant doucement les nageoires. On prétend même qu'on a entendu le dauphin ronfler. § 9. Les mollusques dorment aussi de la même manière que les poissons. [5] Les crustacés dorment également comme eux. Quant aux insectes, voici les signes incontestables de leur sommeil. Ils restent dans un complet repos et sans le moindre mouvement. Ceci est surtout évident pour les abeilles, qui, dans la nuit, s'arrêtent et cessent de bourdonner. C'est encore ce qu'on peut voir sur ceux de ces insectes qui nous sont les plus familiers. [10] Ce n'est pas seulement parce qu'ils ne voient pas clair qu'ils se reposent la nuit ; car tous les animaux qui ont les yeux durs voient fort mal ; mais on peut observer qu'ils demeurent dans un repos non moins complet devant l'éclat des lampes. § 10. L'homme est de tous les animaux celui qui rêve le plus. Dans les premières années et quand on est tout enfant, [15] on n'a pas de rêves ; mais d'ordinaire on commence à en avoir vers quatre ou cinq ans. Cependant on a vu des hommes faits et des femmes qui n'avaient jamais rêvé de leur vie. Mais quelques-unes de ces personnes ont fini, avec les progrès de l'âge, par avoir des rêves ; et après cet accident, elles ont éprouvé dans leur tempérament une révolution, qui leur causait ou la mort, [20] ou une maladie. § 11. Voilà ce que nous avions à dire sur le sommeil et la veille et sur les organes des sens dans les animaux. |
§ 1. En ce qui concerne le sommeil et la veille. Aristote a fait un traité spécial sur ce sujet; voir les Opuscules de psychologie, p. 145 de ma traduction. — Qui marchent et qui ont du sang. C'est une des grandes divisions de la nomenclature d'Aristote. — Qui ont des paupières. Voir plus haut, liv. I, ch. VIII, § 3. § 2. N'est pas le seul à avoir des rêves. Aristote a fait aussi un traité spécial des rêves; voir les Opuscules, p. 181 de ma traduction. — Les chevaux, les chiens, etc., etc., Ce sont tous des animaux domestiques, sur lesquels l'observation est beaucoup plus facile. — Par leur aboiement. On a pu constater bien souvent des faits de ce genre; les chiens, en rêvant, se mettent à aboyer sans se réveiller. — Quant aux ovipares... Les poules et les oiseaux domestiques pourraient donner occasion à bien des observations. Aristote paraît en avoir fait de ce genre. § 3. Des animaux aquatiques. Voir le Traité du Sommeil et de la veille, ch. I, § 10, p. 150 de ma traduction. — Langoustes, et autres de même ordre. MM. Aubert et Wimmer croient que ceci n'est qu'une interpolation, et un développement du mot de crustacés. Cette conjecture est fort probable. — Très court. Ceci n'est peut-être pas fort exact, parce que les observations sont fort difficiles sur les animaux de ce genre. — Ainsi l'on prend les poissons... § 4. comme une boule. Il est évident que tout ce passage est corrompu ; mais le fond de la pensée est très clair; et il est facile de la reconstituer tout entière. MM. Aubert et Wimmer semblent supposer encore ici une interpolation ; cela est possible ; mais sans se rapporter directement au sommeil des poissons, ce passage ne s'en écarte pas absolument : « Si les poux et les pucerons ne venaient troubler le sommeil des poissons, l'immobilité des poissons qui dorment est telle qu'on pourrait les prendre à la main. » Il est vrai que le paragraphe 4 est une digression plus forte, puisqu'elle ne se rapporte qu'aux poux de mer exclusivement, et non plus aux poissons. § 4. C'est au fond de la mer... au fond de l'eau. L'expression grecque n'est pas la même ; mais il est évident qu'il ne peut s'agir de la terre ; et que c'est du sol sur lequel repose l'eau qu'il s'agit uniquement, soit dans la première phrase, soit dans la seconde, quoique le mot soit différent. § 5. Voici d'autres preuves. Ceci est la suite régulière du paragraphe 3 ; et l'auteur revient aux preuves qu'il veut donner du sommeil des poissons. — Qu'on peut les saisir à la main. Répétition de ce qui vient d'être dit, au paragraphe 3. — Et les frapper du harpon. Le texte grec n'est pas si précis : il dit seulement : « les frapper ». — Si ce n'est leur queue. Ceci est, en effet, facile à observer dans les truites de nos torrents. § 6. Parce qu'ils dorment. Ceci n'est peut-être pas aussi exact que le croit Aristote; et il semble bien que la lumière attire les poissons ; ils se mettent en mouvement pour s'en approcher, dès qu'ils la voient. — La partie blanche de leur corps. C'est-à-dire, leur ventre. Les thons de l'ordre des acanthoptérygiens sont excessivement abondants dans la Méditerranée. -- Qu'on les perce... sans qu'ils bougent. On doit comprendre que les pêcheurs peuvent jeter leurs filets, sans que les poissons bougent. C'est le sens adopté par MM. Aubert et Wimmer ; je préfère le premier, comme plus conforme à celui de l'expression grecque, et aussi à ce qui suit : « On les y frappe du trident ». § 7. Par la forme que le sable présente. On pêche de cette façon beaucoup de petits poissons sur le bord de la mer. — Les loups, les dorades, les muges... On pourrait ajouter encore les brochets de nos étangs, qu'on tue souvent à coups de fusil, pendant qu'ils dorment profondément durant le jour. § 8. Les sélaciens... les prendre à la main. Tous les sélaciens ne sont pas d'une grandeur démesurée, comme les squales, et comme les requins; la raie est assez petite pour qu'on puisse la saisir à la main. — A tuyau. Ou à évent. — On prétend. Aristote ne semble pas beaucoup croire à ce récit, bien qu'il le répète plus loin, liv. Vl, ch. XII, § 3. § 9. Les mollusques.., les crustacés. Il aurait fallu en donner des preuves détaillées, comme on l'a fait pour les poissons, et comme on va le faire pour les insectes. — Pour les abeilles. Ceci est fort exact. — Qui nous sont les plus familiers. Comme les mouches, les araignées, etc. — Les yeux durs... Ce sont les yeux des insectes, par exemple, sans paupières, ou téguments d'aucune sorte. — Voient fort mal. Voir ceci répété dans le Traité des Parties des animaux, liv. IV, ch. VI, p. 210, édit. et trad. Frantzius. § 10. Celui qui rêve le plus. Ceci serait bien difficile à constater ; mais comme nous nous connaissons mieux que nous ne connaissons le reste des animaux, nous supposons assez naturellement que nous rêvons plus souvent qu'eux. Nous remarquons nos rires très souvent, et les leurs très rarement. — Qui n'avaient jamais de leur vie. C'est même le cas le plus général; voir le Traité des Rêves, ch. III, p. 203, de ma traduction des opuscules. — Une révolution. Il n'y a là rien d'improbable. MM. Aubert et Wimmer suspectent l'authenticité de tout ce paragraphe ; mais on ne voit pas pourquoi.
§ 11
Sur le sommeil et la veille. Résumé de ce chapitre. — Sur
les organes des sens dans les animaux. Résumé des chapitres VIII
et IX plus haut. Toutes ces études doivent nous sembler bien
remarquables pour le temps où Aristote les faisait. |
Du mâle et de la femelle ; cette distinction ne se retrouve pas dans toutes les espèces; les animaux immobiles, les mollusques, les crustacés n'ont pas de sexes; les deux sexes existent dans tous les quadrupèdes ; organisation spéciale de l'anguille ; organisation presque aussi singulière de quelques poissons; différences de conformation entre le mâle et la femelle pour les diverses parties du corps ; comparaison de l'homme et de la femme ; de la voix dans le mâle et dans la femelle ; exception de la vache, dont la voix est plus grave ; armes défensives, privilège du mâle dans quelques espèces, et toujours plus fortes dans le mâle que dans la femelle. |
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§ 1. Dans certaines espèces d'animaux, il y a mâle et femelle ; dans certaines espèces, il n'y en a pas ; et si l'on dit encore de ces espèces qu'elles font des petits et qu'elles portent, c'est seulement à cause d'une ressemblance éloignée. Il n'y a pas de mâle et de femelle chez les animaux immobiles, et notamment chez les testacés. [25] Il y a mâle et femelle dans les mollusques et dans les crustacés, dans les animaux qui marchent, bipèdes et quadrupèdes, et dans tous ceux qui produisent, après accouplement, un petit vivant, un œuf, ou une larve. § 2. Ainsi, dans tous les autres genres d'animaux, c'est d'une manière absolue qu'il y a ou qu'il n'y a pas mâle et femelle ; [30] et par exemple, dans tous les genres de quadrupèdes, il y a mâle et femelle sans exception. [538b] Mais, au contraire, dans les testacés, il n'y a ni mâle ni femelle, et tout se réduit dans les êtres de cet ordre, comme dans les plantes, à ce que les uns soient féconds et que les autres ne le soient pas. § 3. Dans les insectes et dans les poissons, il y a des espèces où l'on n'aperçoit pas trace de cette différence, ni dans un sens, ni dans l'autre. Par exemple, l'anguille n'est ni mâle ni femelle, et elle ne produit ni n'engendre absolument rien d'elle-même. On dit bien que l'on a vu à certaines anguilles des appendices [5] sous forme de poils et de vers ; mais comme on ne précise pas le point du corps où se trouvent ces appendices, il est clair que cette assertion ne repose pas sur une observation personnelle. § 4. Aucun des animaux de ce genre ne produit de petits sans avoir produit d'œufs; et jamais personne n'a pu voir les œufs de l'anguille. Quant aux vivipares, ils ont leurs petits dans la matrice, où ils sont séparément attachés, et non dans le ventre, où ils seraient digérés comme l'est la nourriture. [10] Pour la prétendue distinction du mâle et de la femelle dans les anguilles, qu'on veut établir, parce que le mâle aurait, dit-on, la tête plus forte et plus longue, et que la femelle l'aurait plus petite et plus aplatie, ce n'est pas une différence de mâle et. de femelle, mais seulement une différence d'espèce. § 5. Certains poissons qu'on appelle stériles (ou bréhants), tels que la carpe et le balagros de rivière, [15] n'ont jamais ni œufs, ni laite ; mais ayant une chair compacte et grasse, et un petit intestin, ils sont d'un goût excellent. Quelquefois aussi, de même que, dans les testacés et les plantes, on voit bien un individu qui engendre et qui produit, mais qu'il n'y a pas de mâle qui couvre et féconde, de même, [20] parmi les poissons, cette organisation se retrouve dans les plies, dans les rougets et dans les serrans, qui tous ont des œufs fort apparents. § 6. Chez les animaux qui marchent et qui ont du sang, sauf les ovipares, les mâles sont presque toujours plus grands que les femelles, et ils ont la vie plus longue ; on peut toutefois excepter le mulet, espèce où les femelles ont, au contraire, la vie plus longue et sont plus grandes. § 7. [25] Pour les ovipares et les larvipares, comme les poissons et les insectes, les femelles sont plus grosses que les mâles, par exemple les serpents, les araignées, les stellions, les grenouilles. La même remarque s'applique aux poissons, tels que les petits sélaciens, la plupart [30] des poissons qui vivent en troupes, et tous les saxatiles. Ce qui prouve que, [539a] dans le genre poissons, les femelles vivent plus longtemps que les mâles, c'est qu'on pêche des femelles dont on sait qu'elles sont plus vieilles que les mâles. § 8. Dans toutes les espèces d'animaux, le mâle a toujours les parties supérieures et antérieures du corps plus grosses, plus vigoureuses et plus développées ; chez la femelle, ce sont les parties qu'on nomme postérieures et inférieures. [5] C'est là l'organisation qui se présente dans l'homme, et dans le reste des animaux qui marchent et qui sont vivipares. La femelle est toujours dans ces espèces moins musculeuse, et elle a les membres moins vigoureux ; dans les espèces qui ont du poil, ses poils sont plus fins ; et dans les espèces qui n'ont pas de poils, ce sont les organes correspondants qui ont cette finesse. La femelle [10] est aussi de chair plus humide ; ses genoux sont plus cagneux ; ses jambes sont plus grêles; et dans toutes les espèces qui ont des pieds, ces parties sont, chez elle, plus délicates que chez le mâle. § 9. Quant à la voix, dans toutes les espèces qui en ont, celle de la femelle est toujours plus faible et plus aiguë que celle du mâle. Il faut cependant excepter la vache ; car dans le genre bœuf, les femelles ont la voix plus grave que les mâles. § 10. [15] Les parties que la nature a données aux animaux pour leur défense dents, crocs, cornes, ergots, et toutes les parties qui leur ressemblent, sont assez souvent réservées aux mâles exclusivement ; et la femelle ne les a pas. C'est ainsi, par exemple, que la biche, femelle du cerf, n'a pas de cornes; et que, parmi les espèces d'oiseaux qui ont des ergots, les femelles en sont absolument dépourvues. [20] De même, les femelles des sangliers n'ont point de défenses. Dans d'autres espèces ces organes appartiennent aux deux; mais ils sont toujours plus forts dans le mâle et plus développés ; et c'est ainsi que les cornes des taureaux sont plus fortes que celles des vaches. |
§ 1. Il y a mâle et femelle. Ce chapitre sur les sexes n'est guère moins admirable que le précèdent sur la voix. Cuvier n'a dit qu'un mot sur les sexes, Règne animal, Introduction, fonctions organiques, p. 39. On peut voir aussi la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 39, trad. franç. Aujourd'hui, la science distingue quatre modes, au moins, de reproduction dans les animaux : scissiparité, bourgeonnement, reproduction par germes, génération sexuelle. Bien que l'analyse ne soit pas poussée aussi loin, tout ce qu'Aristote dit n'en est pas moins curieux et intéressant. — Il n'y en a pas. Ce sont des hermaphrodites. — C'est seulement à cause d'une ressemblance éloignée. C'est vrai ; mais il valait mieux dire qu'il y avait là une dissemblance réelle. — Chez les animaux immobiles. Voir le Traité spécial de la Génération des animaux, liv. I, ch. t, § 42, édit. et trad. Aubert et Wimmer. Tous les acéphales testacés, comme l'huître, se fécondent eux-mêmes ; voir Cuvier, Règne animal. tome III, p. 1.16. — Dans les mollusques. Ceci n'est vrai que de quelques mollusques ; en général, les mollusques présentent toutes les variétés de reproduction, hermaphrodisme, accouplement réciproque, séparation des sexes ; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 5. — Dans les crustacés. Ceci n'est pas exact non plus de tous les crustacés, dont les uns sont hermaphrodites, mais dont les autres sont digènes. — Et dans tous ceux... une larve. MM. Aubert et Wimmer proposeraient de lire : « Dans tous les animaux qui marchent, soit à deux pieds, soit à quatre pieds, qui produisent, etc.» Cette correction ne paraît pas indispensable. — Une larve. C'est encore le mot qui me semble le mieux correspondre au mot grec ; on pourrait traduire aussi : « Un ver ». § 2. Dans les testacés. Répétition de ce qui vient d'être dit, du moins en partie, dans le paragraphe précédent. - Comme dans les plantes. La comparaison n'est pas exacte, ni pour les plantes, ni pour les testacés, qui sont en général Hermaphrodites. Aristote ne connaissait pas la fécondation des végétaux, découverte qui n'a eu lieu que bien longtemps après lui. § 3. Dans les insectes. En général, dans les insectes les sexes sont séparés ; et il aurait fallu désigner plus clairement ceux où on ne les distingue pas. C'est souvent à cause de la petitesse de l'animal. - Dans les poissons. L'exemple qui suit et qui est relatif à l'anguille est frappant. Jusqu'à ces derniers temps, on n'a rien su de plus sur les anguilles que ce qu'en savait Aristote ; mais récemment, on a cru pouvoir distinguer des anguilles mâles, sans qu'on connaisse rien de la fécondation. D'autres zoologistes n'ont constaté que des ovaires. Il y a encore beaucoup d'obscurités sur tous ces points : voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 834, trad. franç. — On dit bien que l'on a vu... Ceci prouve que le problème de la génération des anguilles avait sollicité l'attention des Anciens, aussi vivement que la nôtre. -- Des appendices. MM. Aubert et Wimmer ajoutent : « De couleur verte », sans dire qu'ils ont tiré cette leçon de quelques manuscrits, pour l'introduire dans leur traduction, bien qu'elle ne soit pas dans leur texte. — De vers. Voir le Traité de la Génération des animaux, liv. II, ch. V, p. 174, édit. et trad. Aubert et Wimmer. § 4. Aucun des animaux de ce genre. Il faut entendre par là les poissons, d'une manière toute générale. - Sans avoir produit d'œufs. Ceci est borné aux poissons qui ressemblent à l'anguille. — Dans le ventre. Ou l'Estomac. — Ce n'est pas une différence... La réponse est décisive. § 5. Stériles (ou bréhants). Ce second mot, que j'ai mis entre parenthèses, appartient à la langue spéciale des pêcheurs. Le sens du mot grec est douteux. — Le Balagros. J'ai dû reproduire simplement le mot du texte, parce que, jusqu'à présent, on n'a pas pu faire une identification certaine ; mais le Balagros semble analogue â la carpe, et être un poisson d'eau douce, comme elle. — Compacte. Le texte dit précisément : « Entièrement solide ». J'ai adopté la leçon proposée par MM. Aubert et Wimmer ; elle consiste dans le changement d'une seule lettre ; la leçon ordinaire n'est pas satisfaisante. — Les plies... les rougets... les serrans. Ces identifications ne sont pas certaines, si ce n'est peut-être la dernière ; quelques traducteurs n'ont fait que reproduire les noms grecs, de psettes, d'érythrins et de channes. Il est probable cependant que l'érythrin doit répondre au rouget, ne serait-ce que par l'étymologie ; quant au serran, on peut s'appuyer. sur l'autorité de Cuvier; Règne animal, tome II, p. i39. Le serran est une espèce de perche de la famille des acanthoptérygiens. Dans le Traité de la Génération des animaux, liv. III, ch. v, p. 242, édit. et trad. Aubert et Wimmer, Aristote cite encore l'érythrin et la channe, qu'il semble considérer comme hermaphrodites. § 6. Sauf les ovipares. Il ne semble pas que cette exception soit très bien fondée ; et par exemple, chez les gallinacés, les mâles aussi sont plus gros que les femelles. — Le mulet. Il ne paraît pas que la science moderne ait fait une étude comparative de la longévité des mulets et des mules; jusqu'à preuve contraire, on peut donc admettre l'observation que fait ici Aristote. § 7. Pour les ovipares. D'après ce qui suit, l'expression d'ovipares semble être limitée aux poissons. — Larvipares, ou vermipares. Le fait d'ailleurs est exact pour plusieurs espèces d'insectes; la femelle y est plus grosse que le mâle. Aristote le répète dans le Traité de la Génération, liv. I, ch XVI, p. 68, édit. et trad. Aubert et Wimmer. — Les scellions, ou Geckos, que Cuvier identifie avec les ascalabotes des Grecs; Règne animal, tome II, p. 50. — Des poissons qui vivent en troupes. Ceci est bien vague. — Dont on sait qu'elles sont plus vieilles. Il aurait fallu dire comment on le savait; mais peut-être est-il question de poissons, mâles et femelles, pris au moment de leur naissance, et gardés dans des viviers. De cette façon, on aurait pu comparer l'âge des uns et des autres. § 8. Dans toutes les espèces d'animaux. Ceci paraît être légèrement en contradiction avec ce qui vient d'être dit, au paragraphe précédent. Mais c'est très exact pour les animaux les plus élevés. — Dans l'homme. C'est de toute évidence. - Qui ont cette finesse. J'ai ajouté ces mots pour plus de clarté. - Plus cagneux. Ceci pourrait se rapporter plus particulièrement à la femme; mais il semble qu'ici Aristote parle des animaux en général. — Ses jambes sont plus grêles. Les femmes ont au contraire les jambes plus grosses que les hommes. Voir Schneider, édit. et trad. de l'Histoire des animaux, tome IV, p. 385. § 9. Quant à la voix... la vache. Ces observations se trouvent répétées et développées dans le Traité de la Génération des animaux, liv. V, ch. VII, p. 392, édit. et trad. Aubert et Wimmer ; elles sont fort exactes. § 10. Dents, crocs, cornes, ergots... Toutes ces observations de physiologie comparée sont d'une très grande exactitude ; et la science moderne n'a rien eu à y changer. — Absolument dépourvues. Ou, du moins, ces organes ne sont chez les femelles qu'à l'état rudimentaire, et incapables d'aucun usage pour la défense de la bête. Dans ce quatrième livre, il faut distinguer deux parties : l'une, où Aristote, selon sa méthode personnelle, achève la description des animaux en général, par celle des animaux inférieurs, testacés, crustacés, mollusques et insectes ; l'autre, où il présente des considérations communes à tous les animaux, sur les sens, sur la voix, sur le sommeil, sur les sexes, etc. Cette seconde partie est de la physiologie et de l'anatomie comparée. Aussi l'on fera bien de rapprocher les détails donnés par Aristote de ceux que donne Cuvier, au nom de la science contemporaine, dans son Anatomie comparée Xlle Leçon, et Leçons suivantes ; spécialement, XXVIIe Leçon sur les organes de la voix. Ce rapprochement entre les deux naturalistes montrera une fois de plus quel a été le point de départ de la zoologie et quel est son état actuel ; et il fera apprécier mieux encore l'incomparable génie d'Aristote, qui a fondé la science, et qui l'a représentée à lui seul tout entière, et sans imitateurs, pendant plus de deux mille ans. |
FIN DU LIVRE IV |