Aristote : Premiers analytiques

ARISTOTE

 

PREMIERS ANALYTIQUES

LIVRE PREMIER

SECTION PREMIÈRE

FORMATION DU SYLLOGISME

CHAPITRE XXIII

chapitre XXII - chapitre XXIV

 

 

 

PREMIERS ANALYTIQUES

 

 

 

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CHAPITRE XXIII

Réduction de tous les syllogismes, tant hypothétiques qu'ostensifs, aux trois figures.

1 Ὅτι μὲν οὖν οἱ ἐν τούτοις τοῖς σχήμασι συλλογισμοὶ τελειοῦνταί τε διὰ τῶν ἐν τῷ πρώτῳ σχήματι καθόλου συλλογισμῶν καὶ εἰς τούτους ἀνάγονται, δῆλον ἐκ τῶν εἰρημένων· ὅτι δ´ ἁπλῶς πᾶς συλλογισμὸς οὕτως ἕξει, νῦν ἔσται φανερόν, ὅταν δειχθῇ πᾶς γινόμενος διὰ τούτων τινὸς τῶν σχημάτων.

2 Ἀνάγκη δὴ πᾶσαν ἀπόδειξεν καὶ πάντα συλλογισμὸν ἢ ὑπάρχον τι ἢ μὴ ὑπάρχον δεικνύναι, καὶ τοῦτο ἢ καθόλου ἢ κατὰ μέρος, ἔτι ἢ δεικτικῶς ἢ ἐξ ὑποθέσεως. Τοῦ δ´ ἐξ ὑποθέσεως μέρος τὸ διὰ τοῦ ἀδυνάτου.

3 Πρῶτον οὖν εἴπωμεν περὶ τῶν δεικτικῶν· τούτων γὰρ δειχθέντων φανερὸν ἔσται καὶ ἐπὶ τῶν εἰς τὸ ἀδύνατον καὶ ὅλως τῶν ἐξ ὑποθέσεως.

4 Εἰ δὴ δέοι τὸ Α κατὰ τοῦ Β συλλογίσασθαι ἢ ὑπάρχον ἢ μὴ ὑπάρχον, ἀνάγκη λαβεῖν τι κατά τινος. 5 Εἰ μὲν οὖν τὸ Α κατὰ τοῦ Β ληφθείη, τὸ ἐξ ἀρχῆς ἔσται εἰλημμένον. 6 Εἰ δὲ κατὰ τοῦ Γ, τὸ δὲ Γ κατὰ μηδενός, μηδ´ ἄλλο κατ´ ἐκείνου, μηδὲ κατὰ τοῦ Α ἕτερον, οὐδεὶς ἔσται συλλογισμός· τῷ γὰρ ἓν καθ´ ἑνὸς ληφθῆναι οὐδὲν συμβαίνει ἐξ ἀνάγκης. στε προσληπτέον καὶ ἑτέραν πρότασιν. 7 ὰν μὲν οὖν ληφθῇ τὸ Α κατ´ ἄλλου ἢ ἄλλο κατὰ τοῦ Α, ἢ κατὰ τοῦ Γ ἕτερον, εἶναι μὲν συλλογισμὸν οὐδὲν κωλύει, πρὸς μέντοι τὸ Β οὐκ ἔσται διὰ τῶν εἰλημμένων. Οὐδ´ ὅταν τὸ Γ ἑτέρῳ, κἀκεῖνο ἄλλῳ, καὶ τοῦτο ἑτέρῳ, μὴ  [41a] συνάπτῃ δὲ πρὸς τὸ Β, οὐδ´ οὕτως ἔσται πρὸς τὸ Β συλλογισμός. λως γὰρ εἴπομεν ὅτι οὐδεὶς οὐδέποτε ἔσται συλλογισμὸς ἄλλου κατ´ ἄλλου μὴ ληφθέντος τινὸς μέσου, ὃ πρὸς ἑκάτερον ἔχει πως ταῖς κατηγορίαις· ὁ μὲν γὰρ συλλογισμὸς ἁπλῶς ἐκ προτάσεών ἐστιν, ὁ δὲ πρὸς τόδε συλλογισμὸς ἐκ τῶν πρὸς τόδε προτάσεων, ὁ δὲ τοῦδε πρὸς τόδε διὰ τῶν τοῦδε πρὸς τόδε προτάσεων. δύνατον δὲ πρὸς τὸ Β λαβεῖν πρότασιν μηδὲν μήτε κατηγοροῦντας αὐτοῦ μήτ´ ἀπαρνουμένους, ἢ πάλιν τοῦ Α πρὸς τὸ Β μηδὲν κοινὸν λαμβάνοντας ἀλλ´ ἑκατέρου ἴδια ἄττα κατηγοροῦντας ἢ ἀπαρνουμένους. στε ληπτέον τι μέσον ἀμφοῖν, ὃ συνάψει τὰς κατηγορίας, εἴπερ ἔσται τοῦδε πρὸς τόδε συλλογισμός. 8 Εἰ οὖν ἀνάγκη μέν τι λαβεῖν πρὸς ἄμφω κοινόν, τοῦτο δ´ ἐνδέχεται τριχῶς (ἢ γὰρ τὸ Α τοῦ Γ καὶ τὸ Γ τοῦ Β κατηγορήσαντας, ἢ τὸ Γ κατ´ ἀμφοῖν, ἢ ἄμφω κατὰ τοῦ Γ), ταῦτα δ´ ἐστὶ τὰ εἰρημένα σχήματα, φανερὸν ὅτι πάντα συλλογισμὸν ἀνάγκη γίνεσθαι διὰ τούτων τινὸς τῶν σχημάτων. 9 γὰρ αὐτὸς λόγος καὶ εἰ διὰ πλειόνων συνάπτοι πρὸς τὸ Β· ταὐτὸ γὰρ ἔσται σχῆμα καὶ ἐπὶ τῶν πολλῶν.

10 Ὅτι μὲν οὖν οἱ δεικτικοὶ περαίνονται διὰ τῶν προειρημένων σχημάτων, φανερόν· 11 ὅτι δὲ καὶ οἱ εἰς τὸ ἀδύνατον, δῆλον ἔσται διὰ τούτων. Πάντες γὰρ οἱ διὰ τοῦ ἀδυνάτου περαίνοντες τὸ μὲν ψεῦδος συλλογίζονται, τὸ δ´ ἐξ ἀρχῆς ἐξ ὑποθέσεως δεικνύουσιν, ὅταν ἀδύνατόν τι συμβαίνῃ τῆς ἀντιφάσεως τεθείσης, οἷον ὅτι ἀσύμμετρος ἡ διάμετρος διὰ τὸ γίνεσθαι τὰ περιττὰ ἴσα τοῖς ἀρτίοις συμμέτρου τεθείσης. Τὸ μὲν οὖν ἴσα γίνεσθαι τὰ περιττὰ τοῖς ἀρτίοις συλλογίζεται, τὸ δ´ ἀσύμμετρον εἶναι τὴν διάμετρον ἐξ ὑποθέσεως δείκνυσιν, ἐπεὶ ψεῦδος συμβαίνει διὰ τὴν ἀντίφασιν. Τοῦτο γὰρ ἦν τὸ διὰ τοῦ ἀδυνάτου συλλογίσασθαι, τὸ δεῖξαί τι ἀδύνατον διὰ τὴν ἐξ ἀρχῆς ὑπόθεσιν. στ´ ἐπεὶ τοῦ ψεύδους γίνεται συλλογισμὸς δεικτικὸς ἐν τοῖς εἰς τὸ ἀδύνατον ἀπαγομένοις, τὸ δ´ ἐξ ἀρχῆς ἐξ ὑποθέσεως δείκνυται, τοὺς δὲ δεικτικοὺς πρότερον εἴπομεν ὅτι διὰ τούτων περαίνονται τῶν σχημάτων, φανερὸν ὅτι καὶ οἱ διὰ τοῦ ἀδυνάτου συλλογισμοὶ διὰ τούτων ἔσονται τῶν σχημάτων. 12 σαύτως δὲ καὶ οἱ ἄλλοι πάντες οἱ ἐξ ὑποθέσεως· ἐν ἅπασι γὰρ ὁ μὲν συλλογισμὸς γίνεται πρὸς τὸ μεταλαμβανόμενον, τὸ δ´ ἐξ ἀρχῆς περαίνεται δι´ ὁμολογίας ἤ τινος ἄλλης ὑποθέσεως. [42] 13 Εἰ δὲ τοῦτ´ ἀληθές, πᾶσαν ἀπόδειξιν καὶ πάντα συλλογισμὸν ἀνάγκη γίνεσθαι διὰ τριῶν τῶν προειρημένων σχημάτων. Τούτου δὲ δειχθέντος δῆλον ὡς ἅπας τε συλλογισμὸς ἐπιτελεῖται διὰ τοῦ πρώτου σχήματος καὶ ἀνάγεται εἰς τοὺς ἐν τούτῳ καθόλου συλλογισμούς.  

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 1 Que les syllogismes conclus dans ces figures soient complétés par les syllogismes universels de la première et qu'ils y soient tous ramenés, c'est ce qui est évident d'après ce qui a été dit : maintenant nous allons prouver qu'il en est absolument de même de tout syllogisme quelconque, en démontrant que tout syllogisme se forme dans l'une de ces figures.

2 D'abord, il faut nécessairement que toute démonstration et tout syllogisme, démontrent que l'objet existe ou qu'il n'existe pas; que cet objet est, soit universel, soit particulier; et qu'ils le démontrent, soit ostensivement, soit par hypothèse; car la démonstration par l'absurde n'est qu'une partie de fa démonstration hypothétique.

3 Occupons-nous d'abord des syllogismes ostensifs; car ce point une fois prouvé pour ces syllogismes, on le comprendra clairement pour ceux qui concluent par l'absurde, et, en général, pour tous les syllogismes hypothétiques.

4 Lors donc qu'on doit conclure A de B c'est-à-dire que A est ou n'est pas à B il faut nécessairement supposer une chose d'une autre. 5 Si l'on attribue A à B, on revient précisément au point de départ. 6 Mais si l'on veut conclure A de C, et que C ne soit attribué à aucun autre terme, ni qu'aucun autre terme ne lui soit attribué, non plus qu'aucun autre à A, il n'y aura pas de syllogisme, attendu qu'il ne résulte rien de nécessaire de ce qu'on suppose une seule chose à une seule autre. Donc, il faut ajouter encore une autre proposition. 7 Si l'on attribue encore A à un autre objet, ou un autre objet à A, ou un autre objet à C, rien n'empêche, il est vrai, qu'il y ait alors syllogisme; mais avec ces données seules, il n'y en aura pas encore relativement à B. Quand C est attribué à un autre objet, et cet autre à tel autre, et celui-ci à un autre encore, sans qu'aucun se rapporte à B, il n'y aura pas davantage de syllogisme de A à B. C'est que, avons-nous dit, il n'y a point absolument de syllogisme d'un terme à un autre, à moins qu'on ne prenne quelque terme moyen qui, par attribution, puisse se rapporter aux deux premiers d'une façon quelconque. Le syllogisme, en effet, d'une manière générale, se compose de propositions; et le syllogisme relatif à telle chose se compose de propositions relatives à telle chose; et le syllogisme de telle chose, attribuée à telle autre chose, se compose de propositions de telle chose attribuée à telle autre chose. Il est donc impossible qu'il y ait une proposition relative à B, si l'on n'affirme ou si l'on ne nie rien de lui. De même, point de proposition de A à B, si l'on ne pose rien qui leur soit commun, et si l'on ne fait qu'affirmer ou nier de tous deux des choses qui leur sont spéciales. Il faut donc, entre les deux, un terme moyen qui enchaîne les attributions pour qu'il y ait syllogisme de telle chose relativement à telle autre. 8 Si donc il est nécessaire de prendre quelque terme commun aux deux; si, de plus, cela ne se peut faire que de trois façons : en attribuant A à C et C à B, ou C aux deux, ou les deux à C; et ce sont là les trois figures que nous avons dites, il est évident que tout syllogisme doit se former par l'une de ces figures. 9 Le raisonnement est tout à fait le même, si A est joint à B par plusieurs moyens; car, quelque nombreux qu'ils soient, la figure reste la même.

10 Il est donc incontestable que les syllogismes ostensifs se forment par les figures antérieurement indiquées. 11 On va prouver que les syllogismes qui concluent par l'absurde se complètent aussi par elles. En effet, tous les syllogismes qui démontrent par l'absurde concluent le faux par syllogisme; mais ils démontrent la donnée initiale par hypothèse, en prouvant qu'il y a une absurdité dans la supposition de la contradictoire. En voici un exemple : on prouve que le diamètre est incommensurable, parce que, si on le suppose commensurable, il s'ensuit que le pair est égal à l'impair. On conclut donc par syllogisme que l'impair devrait être égal au pair; et l'on ne démontre alors que par hypothèse que le diamètre est incommensurable, parce que la contradiction de ceci conduit à une erreur évidente. En effet, raisonner par l'absurde, c'est précisément montrer que quelque impossibilité résulte de l'hypothèse d'abord admise. Mais comme, dans les syllogismes conclus par l'absurde, on démontre l'erreur par un syllogisme ostensif, et que la donnée initiale elle-même se démontre hypothétiquement ; comme, en outre, nous avons dit que les syllogismes ostensifs se forment par nos trois figures, il est évident aussi que les syllogismes par l'absurde se forment par ces figures également. 12 De même encore pour tous les autres syllogismes hypothétiques, puisque, dans tous, le syllogisme se forme relativement à la proposition ajoutée; et la donnée initiale est prouvée, soit par assentiment, soit par quelque autre hypothèse. 13 Mais, si ceci est exact, il faut nécessairement que toute démonstration, tout syllogisme ait lieu par les trois figures dont on a parlé; et, ceci démontré, il est clair que tout syllogisme se complète par la première figure, et peut se ramener aux syllogismes universels de cette figure.

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§ 1. Ce qui a été dit, ch. 7 où il a été démontré que tous les modes des diverses figures se réduisent aux deux universels de la première, Barbara et Celarent. - Tout syllogisme quelconque, y compris les hypothétiques.

§ 2. Les syllogismes ostensifs sont ceux qui concluent avec les données initiales, soit directement sans les changer, soit indirectement par la conversion : les syllogismes hypothétiques sont ceux où l'on prouve que la contradictoire d'une conclusion précédente mène à une absurdité, et qu'ainsi cette conclusion est vraie.

§ 3. Voici les deux parties de ce chapitre : du § 4 au § 10, il sera prouvé que tous les syllogismes ostensifs se ramènent aux trois figures. Du § 11, à la fin, il sera prouvé qu'il en est de même des syllogismes hypothétiques.

§ 4. Une chose d'une autre, c'est-à-dire, un sujet, et un attribut relatif à ce sujet.

§ 5. Au point de départ, on fait une pétition de principe, la proposition étant, du reste, soit affirmative, soit négative.

§ 6. Rien de nécessaire. Voir la définition du syllogisme, ch. 1, § 8.

§ 7. Si l'on attribue encore A à un autre objet, A est alors attribut des deux termes, c'est la seconde figure, - ou un autre objet à A, A est alors attribut et sujet, c'est la première figure, - ou un autre objet C, C est alors sujet de deux termes, c'est la troisième figure. - Il n'y en aura pas relativement à B, parce que B n'a pas été compris dans les attributions. - Quelque terme moyen, Voir la définition du syllogisme, ch. 1, § 8, et la définition des figures, ch. 4, 5, 6.

§ 8. Aristote établit ici qu'il ne peut y avoir que trois figures du syllogisme, parce qu'il n'y a que trois positions possibles du moyen: attribut et sujet, c'est la première figure: deux fois attribut, c'est la seconde; deux fois sujet, c'est la troisième. Voir plus haut, ch. 7, § 2.

§ 9. Le syllogisme est alors composé et devient un sorite.

§ 11. La réduction à l'absurde se fait toujours par un syllogisme ostensif qui rentre dans l'une des trois figures - Le diamètre est incommensurable, au côté ou à la circonférence. Voici cette démonstration par l'absurde, d'après Alexandre d'Aphrodise qui la tire du 10e livre d'Euclide. Supposons la diagonale et le côté commensurables. Le rapport sera exprimé par deux nombres qu'on peut toujours supposer premiers entre eux. Soit donc un carré dont la diagonale soit 4, et le côté 3, premiers entre eux; comme le carré fait sur l'hypoténuse est double du quarré fait sur le côté, on aura pour le premier 16, et pour le second 9; 16 et 9, carrés de 4 et de 3 sont premiers entre eux comme leurs racines : or les nombres qui représentent les carrés sont entre eux  comme ces carrés eux-mêmes : donc 9 serait la moitié de 16, puisque le carré du côte est la moitié de celui de l'hypoténuse. 16 est un nombre carré qui se divise en deux parties égales, sa moitié doit donc se diviser eu deux parties égales : donc 9 est pair comme 16 lui-même: absurdité évidente qui prouve que le côté et la diagonale sont commensurables. Resterait à examiner le cas où les deux nombres premiers sont des pairs : la démonstration serait, du reste, toute pareille. -Nous avons dit, du § 4 au § 10. Voir plus haut dans ce ch., § 3.

§ 12. Pour tous les autres syllogismes hypothétiques, ceci prouve évidemment qu'Aristote a connu les syllogismes hypothétiques, et qu'il n'a pas borné ses recherches, comme on l'a trop souvent répété, aux syllogismes par réduction à l'absurde, qui ne sont, comme il le dit lui-même, § 2, qu'une partie des syllogismes hypothétiques. Il semble même annoncer, ch. 29, § 7, qu'il étudiera toutes les espèces du syllogisme hypothétique; mais celte partie de ses travaux n'est pas parvenue jusqu'à nous; ou le temps ne lui a pas permis de l'accomplir. -  A la proposition ajoutée, L'hypothèse ou la proposition ajoutée, sert à former un syllogisme ostensif. - Soit par assentiment, quand l'adversaire convient de la fausseté évidente de la contradictoire, et par conséquent de la vérité de la conclusion initiale qu'il niait d'abord, - soit par une autre hypothèse, c'est-à-dire qu'on ne prend plus, comme dans la réduction à l'absurde, la contradictoire; maison fait une hypothèse différente qui sert à prouver également la première conclusion.

§ 13. Aux syllogismes universels, ch. 7, § 7 et suiv.