Lysias

LYSIAS

 

FRAGMENTS.

I. CONTRE ESCHINE

I. ΠΡΟΣ ΑΙΣΧΙΝΗΝ ΤΟΝ ΣΩΚΡΑΤΙΚΟΝ ΧΡΕΩΣ

 

 


 

 

LYSIAS

 

FRAGMENTS DE LYSIAS.

 

JE m'étais imaginé d'abord qu'on ne pouvoir faire aucun usage des fragments de Lysias recueillis par de savants éditeurs ; mais ayant examiné de plus près ces fragments, Se ayant remarqué qu'il y en avait quelques uns allez étendus pour donner une idée du génie de l'orateur Athénien, de sa simplicité piquante, de ses grâces et de sa finesse, j'ai cru qu'on me saurait gré de traduire dans notre langue et de publier des fragments précieux, qui seront regretter que les discours n'existent plus, aussi bien que tant d'autres qui nous auraient fait connaître toute la fécondité et toutes les ressources du génie de Lysias. Comme ces fragments sont un hors-d'œuvre et peuvent être mis indifféremment partout, je les ai placés à la suite des préliminaires de ce volume.

I.

 

C'est Athénée qui nous a conservé ce fragment. L'Eschine contre lequel le plaidoyer avait été composé, et qu'il ne saut pas confondre avec le rival de Démosthène, était disciple de Socrate, un de ceux que ce philosophe aimait et estimait davantage. On peut voir un abrégé de sa vie dans Diogène Laërce. Lysias lui ayant prêté une somme qu'il refusait de payer, l'attaque en justice. Athénée témoigne sa surprise du portrait que Lysias fait d'Eschine, et rapporte quelques morceaux de son discours. Il suppose que l'orateur plaidait lui-même, et qu'il était la partie adverse du philosophe ; à moins qu'il n'entende par l'orateur, celui pour lequel l'orateur avait composé le plaidoyer.

 

[1] Οὐκ ἄν ποτ´ ᾠήθην, 〈ὦ〉 ἄνδρες δικασταί, Αἰσχίνην τολμῆσαι οὕτως αἰσχρὰν δίκην δικάσασθαι, νομίζω δ´ οὐκ ἂν ῥᾳδίως αὐτὸν ἑτέραν ταύτης συκοφαντωδεστέραν ἐξευρεῖν. Οὗτος γάρ, ὦ ἄνδρες δικασταί, ὀφείλων ἀργύριον ἐπὶ τρισὶ δραχμαῖς Σωσινόμῳ τῷ τραπεζίτῃ καὶ Ἀριστογείτονι προσελθὼν πρὸς ἐμὲ ἐδεῖτο μὴ περιιδεῖν αὑτὸν διὰ τοὺς τόκους ἐκ τῶν ὄντων ἐκπεσόντα. [2] «Κατασκευάζομαι δ´» ἔφη «τέχνην μυρεψικήν. φορμῆς δὲ δέομαι, καὶ οἴσω δέ σοι ἐννέ´ ὀβολοὺς τῆς μνᾶς τόκους.» Πεισθεὶς δ´ ὑπ´ αὐτοῦ τοιαῦτα λέγοντος καὶ ἅμα οἰόμενος τοῦτον [Αἰσχίνην] Σωκράτους γεγονότα μαθητὴν καὶ περὶ δικαιοσύνης καὶ ἀρετῆς πολλοὺς καὶ σεμνοὺς λέγοντα λόγους οὐκ ἄν ποτε ἐπιχειρῆσαι οὐδὲ τολμῆσαι ἅπερ οἱ πονηρότατοι καὶ ἀδικώτατοι ἄνθρωποι ἐπιχειροῦσι πράττειν.

 

 

 

[3] Ἀλλὰ γάρ, ὦ ἄνδρες δικασταί, οὐκ εἰς ἐμὲ μόνον τοιοῦτός ἐστιν, ἀλλὰ καὶ εἰς τοὺς ἄλλους ἅπαντας τοὺς αὐτῷ κεχρημένους. Οὐχ οἱ μὲν κάπηλοι οἱ ἐγγὺς οἰκοῦντες, παρ´ ὧν προδόσεις λαμβάνων οὐκ ἀποδίδωσι, δικάζονται αὐτῷ συγκλῄσαντες τὰ καπηλεῖα, οἱ δὲ γείτονες οὕτως ὑπ´ αὐτοῦ δεινὰ πάσχουσιν ὥστ´ ἐκλιπόντες τὰς αὑτῶν οἰκίας ἑτέρας πόρρω μισθοῦνται; [4] Ὅσους δ´ ἐράνους συνείλεκται, τὰς μὲν ὑπολοίπους φορὰς ... οὐ κατατίθησιν, ἀλλὰ περὶ τοῦτον τὸν κάπηλον ὡς περὶ στήλην διαφθείρονται. Τοσοῦτοι δὲ ἐπὶ τὴν οἰκίαν ἅμα τῇ ἡμέρᾳ ἀπαιτήσοντες τὰ ὀφειλόμενα ἔρχονται, ὥστε οἴεσθαι τοὺς παριόντας ἐπ´ ἐκφορὰν αὐτοὺς ἥκειν τούτου τεθνεῶτος. Οὕτω δ´ οἱ ἐν τῷ Πειραιεῖ διάκεινται, ὥστε πολὺ ἀσφαλέστερον εἶναι δοκεῖν εἰς τὸν Ἀδρίαν πλεῖν ἢ τούτῳ συμβάλλειν· [5] πολὺ γὰρ μᾶλλον ἃ ἂν δανείσηται αὑτοῦ νομίζει εἶναι ἢ ἃ ὁ πατὴρ αὐτῷ κατέλιπεν. λλὰ γὰρ οὐ τὴν οὐσίαν κέκτηται Ἑρμαίου τοῦ μυροπώλου, τὴν γυναῖκα διαφθείρας ἑβδομήκοντα ἔτη γεγονυῖαν; ἧς ἐρᾶν προσποιησάμενος οὕτω διέθηκεν, ὥστε τὸν μὲν ἄνδρα αὐτῆς καὶ τοὺς ὑοὺς πτωχοὺς ἐποίησεν, αὑτὸν δὲ ἀντὶ καπήλου μυροπώλην ἀπέδειξεν. Οὕτως ἐρω τικῶς τὸ κόριον μετεχειρίζετο, τῆς ἡλικίας αὐτῆς ἀπολαύων, ἧς ῥᾷον τοὺς ὀδόντας ἀριθμῆσαι [ὅσῳ ἐλάττους ἦσαν] ἢ τῆς χειρὸς τοὺς δακτύλους. Καί μοι ἀνάβητε τούτων μάρτυρες.
 

[1] Je n'aurais jamais cru, Athéniens, qu'Eschine eût eu le front de paraître en justice pour soutenir un procès aussi peu honnête, un procès, sans doute, le plus injuste qu'il pouvoir imaginer lui-même. Ayant emprunté aux banquiers Sosime et Anstogiton une somme d'argent à un intérêt de trois drachmes (01), il vient me trouver, et me prie de ne pas permettre qu'il se ruine en laissant accumuler les intérêts. [2] J'ai dessein, dit-il, de prendre la profession de parfumeur, mais les fonds me manquent. Je m'engage à vous donner d'intérêt neuf oboles par mine. Je me laissai déterminer par ce discours, dans l'idée qu'Eschine étant disciple de Socrate, et ayant coutume de faire de longues et magnifiques dissertations sur la vertu et: sur la justice, il ne se permettrait jamais de tenir la conduite des moins scrupuleux et des plus scélérats.

Ensuite l'orateur ( c'est Athénée qui parle ), après avoir reproché avec force à son adversaire de lui avoir emprunté de l'argent, de ne lui avoir payé ni le capital ni les intérêts, d'avoir manqué à dessein au jour de l'assignation, et de s'être laisse condamner par défaut ; après lui avoir fait ces reproches et beaucoup d'autres, il ajoute ;

[3] Mais ce n'est pas seulement à mon égard, Athéniens, qu'il s'est comporté de la sorte, il en a agi de même à l'égard de tous ceux qui ont eu avec lui quelque rapport. Tous les cabaretiers de son voisinage auxquels il a pris du vin, qu'il ne leur a pas payé, ne lui serment-ils pas leurs boutiques tk ne le citent-ils pas en justice ? ses voisins n'essuient-ils pas de sa part de si mauvais traitements, qu'ils abandonnent leurs propres maisons, et: vont se loger dans des quartiers plus éloignés ? [4] Tout l'argent qu'il emprunte à ses amis n'est: pas employé à payer ses dettes, mais vient s'abîmer chez ce perfide comme dans un gouffre qui engloutit tout. Dès le grand matin tant de gens se rendent à sa demeure pour venir demander ce qui leur est dû, que les passants croient qu'il est mort, et qu'on vient assister à ses funérailles. Telle est l'opinion qu'ont de lui les habitants du Pirée, qu'ils aimeraient mieux faire voile vers la mer Adriatique (02), que de traiter avec un homme [5] qui regarde les sommes qu'il emprunte comme plus à lui que son propre patrimoine. N'est-il pas même saisi des biens du parfumeur Hermée, qu'il a envahis après avoir corrompu son épouse septuagénaire ? Feignant de la passion pour cette vieille femme, il a réduit à l'indigence le mari et les ensans, et il est enfin devenu parfumeur, lui qui n'était fait que pour être un cabaretier fripon : tant il a prodigué de caresses à sa jeune amante dont il serait plus aisé de compter les dents que les doigts (03). Paraissez, témoins, pour certifier les faits que j'avance.

(01) A un intérêt de trois drachmes, sans doute, par mine, comme il est exprimé plus bas. Remarquons aussi qu'à Athènes les intérêts s'exigeaient tous les mois.

(02) Les hydrographes n'ignorent pas que le trajet d'Athènes dans la mer Adriatique est très long, et devait être sort périlleux, surtout en un temps où la navigation était encore dans son enfance,

(03) Dont il serait plus aisé... Démétrius de Phalère cite ces paroles comme un mot fort agréable de Lysias.