Lysias

LYSIAS

 

ÉLOGE FUNÈBRE DES GUERRIERS D'ATHÈNES, MORTS EN SECOURANT LES CORINTHIENS

ΛΥΣΙΟΥ, ΕΠΙΤΑΦΙΟΣ ΤΟΙΣ ΚΟPΙΝΘΙΩΝ ΒΟΗΘΟΙΣ.

 

 

 

 


 

 

LYSIAS

ÉLOGE FUNÈBRE DES GUERRIERS D'ATHÈNES,

MORTS EN SECOURANT LES CORINTHIENS

 

INTRODUCTION.

Après la guerre du Péloponnèse, pendant les victoires d'Agésilas en Asie, une ligue s'était formée entre Corinthe, Thèbes et Athènes, pour secouer le joug de Sparte: ce sont les guerriers athéniens, victimes de cette noble entreprise, que Lysias avait à célébrer.

Ce discours, que le savant auteur de l’Essai sur les Éloges n'a cité ni désigné nulle part, est un précieux monument, et de l'éloge funèbre chez les Grecs, et du génie de Lysias, et de cet atticisme si difficile à définir et à imiter, qui était le bon goût de l'antiquité. On ne saurait imaginer une diction plus simple et plus pure, une suite d'idées plus régulière et plus naturelle ; et, si le style seul faisait l'éloquence, ou plutôt si les plus grandes beautés du style pouvaient naître sans la vive émotion de l'âme, il faudrait nommer cet ouvrage de Lysias un chef-d'œuvre oratoire. Mais on y sent, avec le défaut de pathétique et d'enthousiasme, la langueur qui résulte des formes convenues du panégyrique. (M. Villemain, Essai sur l'Oraison funèbre.)

 

 

[1] Εἰ μὲν ἡγούμην οἷόν τε εἶναι, ὦ ἄνδρες οἱ παρόντες ἐπὶ τῷδε τῷ τάφῳ, λόγῳ δηλῶσαι τὴν τῶν ἐνθάδε κειμένων ἀνδρῶν ἀρετήν, ἐμεμψάμην ἂν τοῖς ἐπαγγείλασιν ἐπ' αὐτοῖς ἐξ ὀλίγων ἡμερῶν λέγειν· ἐπειδὴ δὲ πᾶσιν ἀνθρώποις ὁ πᾶς χρόνος οὐχ ἱκανὸς λόγον ἴσον παρασκευάσαι τοῖς τούτων ἔργοις, διὰ τοῦτο καὶ ἡ πόλις μοι δοκεῖ, προνοουμένη τῶν ἐνθάδε λεγόντων, ἐξ ὀλίγου τὴν πρόσταξιν ποιεῖσθαι, ἡγουμένη οὕτως ἂν μάλιστα συγγνώμης αὐτοὺς παρὰ τῶν ἀκουσάντων τυγχάνειν. [2] Ὅμως δὲ ὁ μὲν λόγος μοι περὶ τούτων, ὁ δ' ἀγὼν οὐ πρὸς τὰ τούτων ἔργα ἀλλὰ πρὸς τοὺς πρότερον ἐπ' αὐτοῖς εἰρηκότας. Τοσαύτην γὰρ ἀφθονίαν παρεσκεύασεν ἡ τούτων ἀρετὴ καὶ τοῖς ποιεῖν δυναμένοις καὶ τοῖς εἰπεῖν βουληθεῖσιν, ὥστε καλὰ μὲν πολλὰ τοῖς προτέροις περὶ αὐτῶν εἰρῆσθαι, πολλὰ δὲ καὶ ἐκείνοις παραλελεῖφθαι, ἱκανὰ δὲ καὶ τοῖς ἐπιγιγνομένοις ἐξεῖναι εἰπεῖν· οὔτε γὰρ γῆς ἄπειροι οὔτε θαλάττης οὐδεμιᾶς, πανταχῇ δὲ καὶ παρὰ πᾶσιν ἀνθρώποις οἱ τὰ αὑτῶν πενθοῦντες κακὰ τὰς τούτων ἀρετὰς ὑμνοῦσι.

[3] Πρῶτον μὲν οὖν τοὺς παλαιοὺς κινδύνους τῶν προγό νων δίειμι, μνήμην παρὰ τῆς φήμης λαβών· ἄξιον γὰρ πᾶσιν ἀνθρώποις κἀκείνων μεμνῆσθαι, ὑμνοῦντας μὲν ἐν ταῖς ᾠδαῖς, λέγοντας δ' ἐν τοῖς τῶν ἀγαθῶν ἐγκωμίοις, τιμῶντας δ' ἐν τοῖς καιροῖς τοῖς τοιούτοις, παιδεύοντας δ' ἐν τοῖς τῶν τεθνεώτων ἔργοις τοὺς ζῶντας.

[4] Ἀμαζόνες γὰρ Ἄρεως μὲν τὸ παλαιὸν ἦσαν θυγατέρες, οἰκοῦσαι δὲ παρὰ τὸν Θερμώδοντα ποταμόν, μόναι μὲν ὡπλισμέναι σιδήρῳ τῶν περὶ αὐτάς, πρῶται δὲ τῶν πάντων ἐφ' ἵππους ἀναβᾶσαι, οἷς ἀνελπίστως δι' ἀπειρίαν τῶν ἐναντίων ᾕρουν μὲν τοὺς φεύγοντας, ἀπέλειπον δὲ τοὺς διώκοντας· ἐνομίζοντο δὲ διὰ τὴν εὐψυχίαν μᾶλλον ἄνδρες ἢ διὰ τὴν φύσιν γυναῖκες· πλέον γὰρ ἐδόκουν τῶν ἀνδρῶν ταῖς ψυχαῖς διαφέρειν ἢ ταῖς ἰδέαις ἐλλείπειν.  [2,5] Ἄρχουσαι δὲ πολλῶν ἐθνῶν, καὶ ἔργῳ μὲν τοὺς περὶ αὐτὰς καταδεδουλωμέναι, λόγῳ δὲ περὶ τῆσδε τῆς χώρας ἀκούουσαι κλέος μέγα, πολλῆς δόξης καὶ μεγάλης ἐλπίδος χάριν παραλαβοῦσαι τὰ μαχιμώτατα τῶν ἐθνῶν ἐστράτευσαν ἐπὶ τήνδε τὴν πόλιν. Τυχοῦσαι δ' ἀγαθῶν ἀνδρῶν ὁμοίας ἐκτήσαντο τὰς ψυχὰς τῇ φύσει, καὶ ἐναντίαν τὴν δόξαν τῆς προτέρας λαβοῦσαι μᾶλλον ἐκ τῶν κινδύνων ἢ ἐκ τῶν σωμάτων ἔδοξαν εἶναι γυναῖκες. [6] Μόναις δ' αὐταῖς οὐκ ἐξεγένετο ἐκ τῶν ἡμαρτημένων μαθούσαις περὶ τῶν λοιπῶν ἄμεινον βουλεύσασθαι, οὐδ' οἴκαδε ἀπελθούσαις ἀπαγγεῖλαι τήν τε σφετέραν αὐτῶν δυστυχίαν καὶ τὴν τῶν ἡμετέρων προγόνων ἀρετήν· αὐτοῦ γὰρ ἀποθανοῦσαι, καὶ δοῦσαι δίκην τῆς ἀνοίας, τῆσδε μὲν τῆς πόλεως διὰ τὴν ἀρετὴν ἀθάνατον τὴν μνήμην ἐποίησαν, τὴν δὲ ἑαυτῶν πατρίδα  διὰ τὴν ἐνθάδε συμφορὰν ἀνώνυμον κατέστησαν. Ἐκεῖναι μὲν οὖν τῆς ἀλλοτρίας ἀδίκως ἐπιθυμήσασαι τὴν ἑαυτῶν δικαίως ἀπώλεσαν.

[7] Ἀδράστου δὲ καὶ Πολυνείκους ἐπὶ Θήβας στρατευσάντων καὶ ἡττηθέντων μάχῃ, οὐκ ἐώντων Καδμείων θάπτειν τοὺς νεκρούς, Ἀθηναῖοι ἡγησάμενοι ἐκείνους μέν, εἴ τι ἠδίκουν, ἀποθανόντας δίκην ἔχειν τὴν μεγίστην, τοὺς δὲ κάτω τὰ αὑτῶν οὐ κομίζεσθαι, ἱερῶν δὲ μιαινομένων τοὺς ἄνω θεοὺς ἀσεβεῖσθαι, τὸ μὲν πρῶτον πέμψαντες κήρυκας ἐδέοντο αὐτῶν δοῦναι τῶν νεκρῶν ἀναίρεσιν, [8] νομίζοντες ἀνδρῶν μὲν ἀγαθῶν εἶναι ζῶντας τοὺς ἐχθροὺς τιμωρήσασθαι, ἀπιστούντων δὲ σφίσιν αὐτοῖς ἐν τοῖς τῶν τεθνεώτων σώμασι τὴν εὐψυχίαν ἐπιδείκνυσθαι· οὐ δυνάμενοι δὲ τούτων τυχεῖν ἐστράτευσαν ἐπ' αὐτούς, οὐδεμιᾶς διαφορᾶς πρότερον πρὸς Καδμείους ὑπαρχούσης, οὐδὲ τοῖς ζῶσιν Ἀργείων χαριζόμενοι, [9] ἀλλὰ τοὺς τεθνεῶτας ἐν τῷ πολέμῳ ἀξιοῦντες τῶν νομιζομένων τυγχάνειν πρὸς τοὺς ἑτέρους ὑπὲρ ἀμφοτέρων ἐκινδύνευσαν, ὑπὲρ μὲν τῶν, ἵνα μηκέτι εἰς τοὺς τεθνεῶτας ἐξαμαρτάνοντες πλείω περὶ τοὺς θεοὺς ἐξυβρίσωσιν, ὑπὲρ δὲ τῶν ἑτέρων, ἵνα μὴ πρότερον εἰς τὴν αὑτῶν ἀπέλθωσι πατρίου τιμῆς ἀτυχήσαντες καὶ Ἑλληνικοῦ νόμου στερηθέντες καὶ κοινῆς ἐλπίδος ἡμαρτηκότες.

[1] S'il était possible de célébrer dignement le courage de tous les guerriers qui reposent dans ces tombeaux, j'aurais à me plaindre des moments trop courts qui m'ont été accordés pour méditer leur éloge[1] ; mais, puisque le temps le plus long ne saurait suffire pour composer un discours digne des exploits de ces grands hommes, il me semble qu'en n'accordant que peu de jours à l'orateur, on a voulu lui ménager l'indulgence de ceux qui viennent l'entendre. [2] J'ai à décrire ici les actions des Athéniens dans tous les siècles; mais c'est moins la grandeur du sujet que je redoute, que le talent de ceux qui l'ont traité avant moi. La vertu des héros dont j'entreprends l'éloge, fournit une si riche matière à l'éloquence et à la poésie, que les premiers qui leur ont payé un juste tribut de louanges, loin d'avoir épuisé le sujet, nous ont encore laissé un vaste champ à parcourir. Les guerriers que je célèbre se sont assez fait connaître sur l'un et l'autre élément ; tous les peuples du monde, ceux mêmes qui ont eu à se repentir d'avoir attaqué notre république, admirent cette bravoure qui leur a été fatale.

[3] Commençant par exposer les premiers combats de nos ancêtres, j'en parlerai d'après ce que la renommée en publie. Car il n'est personne qui ne soit intéressé à la gloire de ces illustres Athéniens, personne qui ne doive s'empresser de les préconiser dans des écrits inspirés de toutes les Muses, de leur rendre hommage dans la circonstance présente, et de donner des leçons aux vivants par les grandes actions des morts.

[4] On a connu les Amazones, ces filles de Mars, qui habitaient sur les bords du Thermodon; elles étaient les seules dans ces régions éloignées qui portassent une armure d'airain, et les premières qui montèrent sur des chevaux pour combattre. Étonnant par cette hardiesse leurs ennemis qui n'avaient jamais vu de cavaliers, elles pouvaient en même temps, et les atteindre lorsqu'ils fuyaient, et leur échapper lorsqu'elles en étaient poursuivies. Bien supérieures à leur sexe par le courage, on les voyait même l'emporter sur les hommes par la force de l'âme, plus qu'elles ne leur cédaient par la faiblesse du corps. [5] Souveraines de plusieurs peuples, et déjà dominatrices de tous leurs voisins, elles entendirent parler de notre contrée et de la renommée de ses habitants. Le désir et l'espoir de s'illustrer par de nouveaux triomphes les animent; et les engagent à les suivre des nations belliqueuses,[2] et s'avancent contre la ville d'Athènes. Mais comme elles trouvèrent en nous des hommes d'un courage extraordinaire, rendues à leur faiblesse naturelle, elles démentirent la gloire dont elles avaient joui jusqu'alors, et prouvèrent, par le mauvais succès de leur entreprise, que l'éducation ne peut vaincre entièrement la nature. [6] L'avantage de pouvoir s'instruire par leurs fautes et prendre à l'avenir un parti plus sage leur fut même refusé. Elles ne purent retourner dans leur pays pour y annoncer leur infortune et la bravoure de nos ancêtres; elles périrent toutes dans l'Attique, punies de leur imprudence, et fournirent à notre ville l'occasion de s'immortaliser par la valeur en même temps que, par une défaite totale, elles privèrent leur patrie de son ancienne célébrité. Enfin, pour avoir désiré injustement les possessions d'autrui, elles perdirent justement les leurs.

[7] Mais passons à d'autres exploits. Adraste et Polynice avaient marché contre Thèbes, et avaient été vaincus dans un combat; les Thébains refusaient de leur laisser inhumer ceux d'entre eux qui avaient succombé dans la mêlée. Persuadés que, si ces infortunés avaient entrepris une guerre injuste, ils n'en avaient été que trop punis par le trépas, que cependant on privait de leurs droits les dieux des enfers, on offensait les dieux du ciel en souillant leurs temples et leurs sacrifices,[3] les Athéniens envoient d'abord aux Thébains des députés pour leur demander la permission d'enlever les guerriers qui avaient péri sur le champ de bataille. [8] Ils pensaient que, s'il y a du courage à réduire ses ennemis vivants, c'est montrer de la défiance de soi-même que d'exercer sa vengeance sur un ennemi mort. Indignés de ne pouvoir obtenir une demande aussi légitime, ils marchent contre eux, non par l'animosité d'une ancienne querelle, ni par considération pour les Argiens qui avaient survécu, [9] mais parce qu'ils croyaient que des guerriers tués sur le champ de bataille avaient de trop justes droits à la sépulture. En attaquant un des deux peuples, c'est pour tous les deux à la fois qu'ils combattent. Ils veulent que les Thébains, cessant d'outrager les morts, cessent d'offenser les dieux; ils ne peuvent souffrir que les Argiens s'en retournent sans avoir rendu les honneurs funèbres à leurs malheureux compatriotes, ni qu'ils soient frustrés des avantages communs et privés des droits dont jouissent tous les Grecs.

[2,10] Ταῦτα διανοηθέντες, καὶ τὰς ἐν τῷ πολέμῳ τύχας κοινὰς ἁπάντων ἀνθρώπων νομίζοντες, πολλοὺς μὲν πολεμίους κτώμενοι, τὸ δὲ δίκαιον ἔχοντες σύμμαχον ἐνίκων μαχόμενοι. Καὶ οὐχ ὑπὸ τῆς τύχης ἐπαρθέντες μείζονος παρὰ Καδμείων τιμωρίας ἐπεθύμησαν, ἀλλ' ἐκείνοις μὲν ἀντὶ τῆς ἀσεβείας τὴν ἑαυτῶν ἀρετὴν ἐπεδείξαντο, αὐτοὶ δὲ λαβόντες τὰ ἆθλα ὧνπερ ἕνεκα ἀφίκοντο, τοὺς Ἀργείων νεκρούς, ἔθαψαν ἐν τῇ αὑτῶν Ἐλευσῖνι. Περὶ μὲν οὖν τοὺς ἀποθανόντας τῶν ἑπτὰ ἐπὶ Θήβας τοιοῦτοι γεγόνασιν.

[11] Ὑστέρῳ δὲ χρόνῳ, ἐπειδὴ Ἡρακλῆς μὲν ἐξ ἀνθρώπων ἠφανίσθη, οἱ δὲ παῖδες αὐτοῦ ἔφευγον μὲν Εὐρυσθέα, ἐξηλαύνοντο δὲ ὑπὸ πάντων τῶν Ἑλλήνων, αἰσχυνομένων μὲν τοῖς ἔργοις, φοβουμένων δὲ τὴν Εὐρυσθέως δύναμιν, ἀφικόμενοι εἰς τήνδε τὴν πόλιν ἱκέται ἐπὶ τῶν βωμῶν ἐκαθ έζοντο· [12] ἐξαιτουμένου δὲ αὐτοὺς Εὐρυσθέως Ἀθηναῖοι οὐκ ἠθέλησαν ἐκδοῦναι, ἀλλὰ τὴν Ἡρακλέους ἀρετὴν μᾶλλον ᾐδοῦντο ἢ τὸν κίνδυνον τὸν ἑαυτῶν ἐφοβοῦντο, καὶ ἠξίουν ὑπὲρ τῶν ἀσθενεστέρων μετὰ τοῦ δικαίου διαμάχεσθαι μᾶλλον ἢ τοῖς δυναμένοις χαριζόμενοι τοὺς ὑπ' ἐκείνων ἀδικουμένους ἐκδοῦναι. [13] Ἐπιστρατεύσαντος δ' Εὐρυσθέως μετὰ τῶν ἐν ἐκείνῳ τῷ χρόνῳ Πελοπόννησον ἐχόντων, οὐκ ἐγγὺς τῶν δεινῶν γενόμενοι μετέγνωσαν, ἀλλὰ τὴν αὐτὴν εἶχον γνώμην ἥνπερ πρότερον, ἀγαθὸν μὲν οὐδὲν ἰδίᾳ ὑπὸ τοῦ πατρὸς αὐτῶν πεπονθότες, ἐκείνους τ' οὐκ εἰδότες ὁποῖοί τινες ἄνδρες ἔσονται γενόμενοι· δίκαιον δὲ νομίζοντες εἶναι, [14] οὐ προτέρας ἔχθρας ὑπαρχούσης πρὸς Εὐρυσθέα, οὐδὲ κέρδους προκειμένου πλὴν δόξης ἀγαθῆς, τοσοῦτον κίνδυνον ὑπὲρ αὐτῶν ἤραντο, τοὺς μὲν ἀδικουμένους ἐλεοῦντες, τοὺς δ' ὑβρίζοντας μισοῦντες, καὶ τοὺς μὲν κωλύειν ἐπιχειροῦντες, τοῖς δ' ἐπικουρεῖν ἀξιοῦντες, ἡγούμενοι ἐλευθερίας μὲν σημεῖον εἶναι μηδὲν ποιεῖν ἄκοντας, δικαιοσύνης δὲ τοῖς ἀδικουμένοις βοηθεῖν, εὐψυχίας δ' ὑπὲρ τούτων ἀμφοτέρων, εἰ δέοι, [15] μαχομένους ἀποθνῄσκειν.

Τοσοῦτον δ' ἐφρόνουν ἀμφότεροι, ὥσθ' οἱ μὲν μετ' Εὐρυσθέως οὐδὲν παρ' ἑκόντων ἐζήτουν εὑρίσκεσθαι, Ἀθηναῖοι δὲ οὐδ' ἂν ἠξίουν Εὐρυσθέα αὐτὸν ἱκετεύοντα τοὺς ἱκέτας αὐτῶν ἐξελεῖν. Παραταξάμενοι δ' ἰδίᾳ δυνάμει τὴν ἐξ ἁπάσης Πελοποννήσου στρατιὰν ἐλθοῦσαν ἐνίκων μαχόμενοι, καὶ τῶν Ἡρακλέους παίδων τὰ μὲν σώματα εἰς ἄδειαν κατέστησαν, ἀπαλλάξαντες δὲ τοῦ δέους καὶ τὰς ψυχὰς ἠλευθέρωσαν, διὰ δὲ τὴν τοῦ πατρὸς ἀρετὴν ἐκείνους τοῖς αὑτῶν κινδύνοις ἐστεφάνωσαν. [16] Τοσοῦτον δὲ εὐτυχέστεροι παῖδες ὄντες ἐγένοντο τοῦ πατρός· ὁ μὲν γάρ, καίπερ ὢν ἀγαθῶν πολλῶν αἴτιος ἅπασιν ἀνθρώποις, ἐπίπονον καὶ φιλόνικον καὶ φιλότιμον αὑτῷ καταστήσας τὸν βίον τοὺς μὲν ἄλλους ἀδικοῦντας ἐκόλασεν, Εὐρυσθέα δὲ καὶ ἐχθρὸν ὄντα καὶ εἰς αὐτὸν ἐξαμαρτάνοντα οὐχ οἷός τε ἦν τιμωρήσασθαι· οἱ δὲ παῖδες αὐτοῦ διὰ τήνδε τὴν πόλιν τῇ αὐτῇ εἶδον ἡμέρᾳ τήν θ' ἑαυτῶν σωτηρίαν καὶ τὴν τῶν ἐχθρῶν τιμωρίαν.

[17] Πολλὰ μὲν οὖν ὑπῆρχε τοῖς ἡμετέροις προγόνοις μιᾷ γνώμῃ χρωμένοις περὶ τοῦ δικαίου διαμάχεσθαι. Ἥ τε γὰρ ἀρχὴ τοῦ βίου δικαία· οὐ γάρ, ὥσπερ οἱ πολλοί, πανταχόθεν συνειλεγμένοι καὶ ἑτέρους ἐκβαλόντες τὴν ἀλλοτρίαν ᾤκησαν, ἀλλ' αὐτόχθονες ὄντες τὴν αὐτὴν ἐκέκτηντο μη τέρα καὶ πατρίδα. [18] Πρῶτοι δὲ καὶ μόνοι ἐν ἐκείνῳ τῷ χρόνῳ ἐκβαλόντες τὰς παρὰ σφίσιν αὐτοῖς δυναστείας δημοκρατίαν κατεστήσαντο, ἡγούμενοι τὴν πάντων ἐλευθερίαν ὁμόνοιαν εἶναι μεγίστην, κοινὰς δ' ἀλλήλοις τὰς ἐκ τῶν κινδύνων ἐλπίδας ποιήσαντες ἐλευθέραις ταῖς ψυχαῖς ἐπολιτεύοντο, [19] νόμῳ τοὺς ἀγαθοὺς τιμῶντες καὶ τοὺς κακοὺς κολάζοντες, ἡγησάμενοι θηρίων μὲν ἔργον εἶναι ὑπ' ἀλλήλων βίᾳ κρατεῖσθαι, ἀνθρώποις δὲ προσήκειν νόμῳ μὲν ὁρίσαι τὸ δίκαιον, λόγῳ δὲ πεῖσαι, ἔργῳ δὲ τούτοις ὑπηρετεῖν, ὑπὸ νόμου μὲν βασιλευομένους, ὑπὸ λόγου δὲ διδασκομένους.

[10] Remplis de ces nobles desseins, ayant en tête une grande multitude d'ennemis, mais soutenus de la justice qui combattait pour eux, et bravant sans crainte tous les hasards de la guerre, nos ancêtres ne se retirèrent qu'avec la victoire. Le succès ne les enorgueillit pas, et toute la peine qu'ils firent subir aux Thébains, c'est qu'opposant leur vertu à l'impiété de ce peuple, ils enlevèrent, comme prix du vainqueur, les morts des Argiens pour lesquels ils avaient combattu, et les inhumèrent dans Eleusis[4] ville de leur dépendance. Voilà ce que firent nos ancêtres en faveur des guerriers d'Argos défaits sous les murs de Thèbes.

[11] Dans la suite, quand Hercule eut disparu de dessus la terre, les fils de ce héros, fuyant de pays en pays pour se soustraire au ressentiment d'Eurysthée, se voyaient rejetés par tous les Grecs qui rougissaient de cette faiblesse, mais qui redoutaient la puissance du monarque. Les Héraclides se réfugièrent donc dans notre ville, et vinrent en suppliants embrasser nos autels. [12] Eurysthée exigeait qu'on les lui livrât : les Athéniens rejetèrent sa demande; et, aussi incapables de craindre le danger, que pleins de respect pour la vertu d'Alcide, ils prirent le parti de combattre pour les plus faibles en faveur de la justice, plutôt que de les livrer pour se prêter aux injustes désirs d'un roi puissant. [13] Suivi de tous les Péloponnésiens, Eurysthée s'avance alors contre nos ancêtres : ceux-ci, loin de changer de sentiment à la vue du péril, ne font que s'animer davantage ; et, quoiqu'ils n'eussent reçu en particulier aucun service d'Hercule, quoiqu'ils ignorassent comment ses fils se conduiraient un jour à leur égard, excités par le seul motif de la justice et de la gloire, [14] sans aucune vue d'intérêt personnel ou de ressentiment contre Eurysthée, ils affrontent le danger par compassion pour des malheureux qu'on opprime et par haine pour leurs oppresseurs, également jaloux de contenir les uns et de protéger les autres. Ils se sentaient trop libres pour rien faire par contrainte, trop justes pour ne pas défendre des opprimés, trop courageux pour refuser [15] de mourir les armes à la main, s'il le fallait, afin de ne trahir ni leur liberté ni la justice.

Telle était la fierté des deux partis, qu'Eurysthée prétendait arracher de force ce qu'il demandait aux Athéniens, et que les Athéniens dédaignaient de prier Eurysthée pour obtenir la grâce de leurs suppliants. Ils opposent donc leurs seules forces à toutes les forces réunies du Péloponnèse, triomphent des Péloponnésiens, et, par égard pour la vertu du père, mettant les fils d'Hercule en sûreté, ils les affranchissent de toute crainte, et, à leurs propres risques, les rendent victorieux de leurs ennemis. [16] Bienfaiteur du genre humain, se dévouant à une vie pénible, jaloux de combats, avide de gloire, Hercule était venu à bout de réprimer la violence d'une multitude de brigands, sans avoir jamais pu se venger d'un ennemi cruel qui le persécutait sans relâche : plus heureux que ce héros, ses fils, grâce à la ville d'Athènes, virent dans le même jour leur propre délivrance et la punition de leurs persécuteurs.

[17] Nos ancêtres, avec le même zèle, combattirent souvent pour la justice, qui était le, principe et le fondement de leur première origine. Mélange de plusieurs nations, la plupart des peuples habitent un pays dont ils ont dépossédé les anciens habitants. Enfants de la terre qui les nourrissait, nos aïeux voyaient en elle et leur patrie et leur mère. [18] Ils furent, dans ces temps, les premiers et les seuls qui abolirent chez eux la puissance souveraine pour y substituer le gouvernement démocratique, et qui, pleinement convaincus que la liberté et l'union étaient le comble du bonheur, rendirent communes à tous les citoyens les espérances qu'ils fondaient sur leur bravoure. [19] Parfaitement libres entre eus, on les vit toujours récompenser les bons et punir les méchants selon la loi. Ils pensaient qu'il n'appartient qu'aux animaux farouches d'employer la force, mais qu'il est réservé à l'homme de fixer le droit par la loi et de le faire goûter par la raison, obéissant à toutes deux, commandé par l'une et éclairé par l'autre.

 

[2,20] Καὶ γάρ τοι καὶ φύντες καλῶς καὶ γνόντες ὅμοια, πολλὰ μὲν καλὰ καὶ θαυμαστὰ οἱ πρόγονοι τῶν ἐνθάδε κειμένων ἠργάσαντο, ἀείμνηστα δὲ καὶ μεγάλα καὶ παντα χοῦ οἱ ἐξ ἐκείνων γεγονότες τρόπαια διὰ τὴν αὑτῶν ἀρετὴν κατέλιπον. Μόνοι γὰρ ὑπὲρ ἁπάσης τῆς Ἑλλάδος πρὸς πολλὰς μυριάδας τῶν βαρβάρων διεκινδύνευσαν. [21] Ὁ γὰρ τῆς Ἀσίας βασιλεὺς οὐκ ἀγαπῶν τοῖς ὑπάρχουσιν ἀγαθοῖς, ἀλλ' ἐλπίζων καὶ τὴν Εὐρώπην δουλώσεσθαι, ἔστειλε πεντήκοντα μυριάδας στρατιάν. Ἡγησάμενοι δέ, εἰ τήνδε τὴν πόλιν· ἢ ἑκοῦσαν φίλην ποιήσαιντο ἢ ἄκουσαν καταστρέψαιντο, ῥᾳδίως τῶν πολλῶν Ἑλλήνων ἄρξειν, ἀπέβησαν εἰς Μαραθῶνα, νομίσαντες οὕτως ἂν ἐρημοτάτους εἶναι συμμάχων τοὺς Ἕλληνας, εἰ ἔτι στασιαζούσης τῆς Ἑλλάδος ᾧ τινι χρὴ τρόπῳ τοὺς ἐπιόντας ἀμύνασθαι, τὸν κίνδυνον ποιήσαιντο. [22] Ἔτι δ' αὐτοῖς ἐκ τῶν προτέρων ἔργων περὶ τῆς πόλεως τοιαύτη δόξα παρειστήκει, ὡς εἰ μὲν πρότερον ἐπ' ἄλλην πόλιν ἴασιν, ἐκείνοις καὶ Ἀθηναίοις πολεμήσουσι· προθύμως γὰρ τοῖς ἀδικουμένοις ἥξουσι βοηθήσοντες· εἰ δ' ἐνθάδε πρῶτον ἀφίξονται, οὐδένας ἄλλους τῶν Ἑλλήνων τολμήσειν ἑτέρους σῴζοντας φανερὰν ἔχθραν πρὸς ἐκείνους ὑπὲρ αὐτῶν καταθέσθαι. [23] Οἱ μὲν τοίνυν ταῦτα διενοοῦντο· οἱ δ' ἡμέτεροι πρόγονοι οὐ λογισμῷ δόντες τοὺς ἐν τῷ πολέμῳ κινδύνους, ἀλλὰ νομίζοντες τὸν εὐκλεᾶ θάνατον ἀθάνατον περὶ τῶν ἀγαθῶν καταλείπειν λόγον, οὐκ ἐφοβήθησαν τὸ πλῆθος τῶν ἐναντίων, ἀλλὰ τῇ αὑτῶν ἀρετῇ μᾶλλον ἐπίστευσαν. Καὶ αἰσχυνόμενοι ὅτι ἦσαν οἱ βάρβαροι αὐτῶν ἐν τῇ χώρᾳ, οὐκ ἀνέμειναν πυθέσθαι οὐδὲ βοηθῆσαι τοὺς συμμάχους, οὐδ' ᾠήθησαν δεῖν ἑτέροις τῆς σωτηρίας χάριν εἰδέναι, ἀλλὰ σφίσιν αὐτοῖς τοὺς ἄλλους Ἕλληνας. [24] Ταῦτα μιᾷ γνώμῃ πάντες γνόντες ἀπήντων ὀλίγοι πρὸς πολλούς· ἐνόμιζον γὰρ ἀποθανεῖν μὲν αὐτοῖς μετὰ πάντων προσήκειν, ἀγαθοῖς δ' εἶναι μετ' ὀλίγων, καὶ τὰς μὲν ψυχὰς ἀλλοτρίας διὰ τὸν θάνατον κεκτῆσθαι, τὴν δ' ἐκ τῶν κινδύνων μνήμην ἰδίαν καταλείψειν. Ἠξίουν δέ, οὓς μὴ μόνοι νικῷεν, οὐδ' ἂν μετὰ τῶν συμμάχων δύνασθαι· καὶ ἡττηθέντες μὲν ὀλίγῳ τῶν ἄλλων προαπολεῖσθαι, νι κήσαντες δὲ καὶ τοὺς ἄλλους ἐλευθερώσειν. [2,25] Ἄνδρες δ' ἀγαθοὶ γενόμενοι, καὶ τῶν μὲν σωμάτων ἀφειδήσαντες, ὑπὲρ δὲ τῆς ἀρετῆς οὐ φιλοψυχήσαντες, καὶ μᾶλλον τοὺς παρ' αὑτοῖς νόμους αἰσχυνόμενοι ἢ τὸν πρὸς τοὺς πολεμίους κίνδυνον φοβούμενοι, ἔστησαν μὲν τρόπαιον ὑπὲρ τῆς Ἑλλάδος τῶν βαρβάρων ἐν τῇ αὑτῶν, ὑπὲρ χρημάτων εἰς τὴν ἀλλοτρίαν ἐμβαλόντων, [26] παρὰ τοὺς ὅρους τῆς χώρας οὕτω δὲ διὰ ταχέων τὸν κίνδυνον ἐποιήσαντο, ὥστε οἱ αὐτοὶ τοῖς ἄλλοις ἀπήγγειλαν τήν τ' ἐνθάδε ἄφιξιν τῶν βαρβάρων καὶ τὴν νίκην τῶν προγόνων. Καὶ γάρ τοι οὐδεὶς τῶν ἄλλων ἔδεισεν ὑπὲρ τοῦ μέλλοντος κινδύνου, ἀλλ' ἀκούσαντες ὑπὲρ τῆς αὑτῶν ἐλευθερίας ἥσθησαν. Ὥστε οὐδὲν θαυμαστόν, πάλαι τῶν ἔργων γεγενημένων, ὥσπερ καινῶν ὄντων ἔτι καὶ νῦν τὴν ἀρετὴν αὐτῶν ὑπὸ πάντων ἀνθρώπων ζηλοῦσθαι.

[27] Μετὰ ταῦτα δὲ Ξέρξης ὁ τῆς Ἀσίας βασιλεύς, καταφρονήσας μὲν τῆς Ἑλλάδος, ἐψευσμένος δὲ τῆς ἐλπίδος, ἀτιμαζόμενος δὲ τῷ γεγενημένῳ, ἀχθόμενος δὲ τῇ συμφορᾷ, ὀργιζόμενος δὲ τοῖς αἰτίοις, ἀπαθὴς δ' ὢν κακῶν καὶ ἄπειρος ἀνδρῶν ἀγαθῶν, δεκάτῳ ἔτει παρασκευασάμενος διακοσίαις μὲν καὶ χιλίαις ναυσὶν ἀφίκετο, τῆς δὲ πεζῆς στρατιᾶς οὕτως ἄπειρον τὸ πλῆθος ἦγεν, ὥστε καὶ τὰ ἔθνη τὰ μετ' αὐτοῦ ἀκολουθήσαντα πολὺ [28] ἂν ἔργον εἴη κα ταλέξαι· ὃ δὲ μέγιστον σημεῖον τοῦ πλήθους· ἐξὸν γὰρ αὐτῷ χιλίαις ναυσὶ διαβιβάσαι κατὰ τὸ στενότατον τοῦ Ἑλλησπόντου τὴν πεζὴν στρατιὰν ἐκ τῆς Ἀσίας εἰς τὴν Εὐρώπην, οὐκ ἠθέλησεν, ἡγούμενος τὴν διατριβὴν αὑτῷ [29] πολλὴν ἔσεσθαι· ἀλλ' ὑπεριδὼν καὶ τὰ φύσει πεφυκότα καὶ τὰ θεῖα πράγματα καὶ τὰς ἀνθρωπίνας διανοίας ὁδὸν μὲν διὰ τῆς θαλάττης ἐποιήσατο, πλοῦν δὲ διὰ τῆς γῆς ἠνάγκασε γενέσθαι, ζεύξας μὲν τὸν Ἑλλήσποντον, διορύξας δὲ τὸν Ἄθω, ὑφισταμένου οὐδενός, ἀλλὰ τῶν μὲν ἀκόντων ὑπακουόντων, τῶν δὲ ἑκόντων προδιδόντων. Οἱ  μὲν γὰρ οὐχ ἱκανοὶ ἦσαν ἀμύνασθαι, οἱ δ' ὑπὸ χρημάτων διεφθαρμένοι· ἀμφότερα δ' ἦν αὐτοὺς τὰ πείθοντα, κέρδος καὶ δέος.

[20] Avec une si noble origine et des sentiments si distingués, les premiers ancêtres des guerriers qui reposent dans ces tombeaux, se signalèrent par une foule d'actions merveilleuses; et leurs descendants, s'exposant seuls pour toute la Grèce contre des millions de Barbares, n'illustrèrent pas moins leur courage par les mémorables victoires dont ils ont laissé partout les glorieux trophées. [21] Peu content de ses immenses domaines, et se flattant d'ajouter l'Europe à ses autres conquêtes, le monarque d'Asie envoya contre nous une armée de 500.000 hommes. Chargés de ses ordres, et persuadés que, s'ils parvenaient à nous soumettre par les armes, ou s'ils réussissaient à gagner notre amitié, ils réduiraient sans peine le reste des Grecs, les généraux Perses entrent dans l'Attique avec leurs troupes, et passent à Marathon. Ils s'imaginaient, sans doute, que s'ils marchaient contre Athènes lorsque la Grèce serait encore partagée sur les moyens de se défendre, les Athéniens abandonnés se trouveraient seuls pour soutenir le choc; [22] et d'ailleurs nos premiers exploits leur avaient donné de nous cette opinion avantageuse, qu'en attaquant d'abord d'autres Grecs, ils auraient à combattre contre ceux-ci et contre nos troupes qui voleraient à leur secours; mais que, s'ils commençaient par nous, les autres villes de la Grèce, pour sauver la nôtre, n'oseraient jamais attirer sur elles la haine d'un ennemi redoutable; tel était le raisonnement des Perses. [23] Nos ancêtres, sans calculer le péril, pénétrés de cette idée, que mourir pour une noble cause, c'est vivre pour une gloire immortelle, loin d'être effrayés par la multitude de leurs adversaires, n’en eurent que plus de confiance dans leur courage. Honteux de voir leur pays dévasté par des Barbares, sans attendre que leurs alliés apprennent cette nouvelle ou qu'ils viennent les secourir, ils se déterminent à sauver toute la Grèce à leurs propres risques, plutôt que de devoir à d'autres Grecs leur conservation. [24] Tous animés des mêmes sentiments, ils présentent leur faible troupe devant une armée innombrable. L'arrêt de mort prononcé par la nature contre tous les hommes, devient pour eux un motif de signaler une bravoure que peu d'hommes ont en partage; et, si leur vie leur est comme étrangère, vu la nécessité de mourir imposée à tous les mortels, du moins veulent-ils, en bravant les dangers, laisser après eux une célébrité qui leur soit propre. Ils sentaient qu'une victoire qu'ils n'auraient pu remporter seuls, leur eût été également impossible avec les forces réunies de leurs alliés; que, vaincus, ils ne feraient que périr un peu plus tôt que les autres, mais que, vainqueurs, ils mettraient en, liberté toute la Grèce. [25] S'étant donc armés de courage, n'épargnant pas leurs personnes, sacrifiant généreusement leurs jours pour acquérir de la gloire, et respectant plus les lois de leur ville qu'ils ne craignaient les dangers de la paix des ennemis, ils triomphent à l'avantage de toute la nation, et décorent leur pays de trophées érigés contre ces Barbares qui, jaloux d'envahir les possessions d'autrui, avaient, franchi les confins de l'Attique. [26] Ils volèrent au combat avec un tel empressement, que les Grecs n'apprirent l'arrivé des Perses qu'avec notre victoire; et les peuples, sana avoir à trembler à la nouvelle du péril, n'eurent qu'à se réjouir de se voir à l'abri de la servitude. Sera-t-on surpris maintenant que ces anciens exploits, soient toujours regardés comme nouveaux et que la valeur de nos ancêtres soit encore aujourd'hui un sujet d'admiration pour tous les hommes ?

[27] Mais occupons-nous d'autres triomphes non moins éclatants. Le monarque d'Asie, dont le prédécesseur avait bravé la Grèce et s'était vu frustré dans ses espérances, Xerxès, se croyait déshonoré par la défaite de Darius; il s'irritait de la disgrâce qu'avait essuyée son pèréy.et contre les peuples qui en étaient les auteurs. Aussi peu fait à l'infortune qu'ignorant ce que peut le courage, après dix ans de préparatifs, ce prince s'avança contre la Grèce avec une flotte de douze cents voiles, et une armée de terre composée d'une si grande multitude de nations, qu'il était même difficile de les compter. [28] Ce qui prouve le nombre prodigieux de ses troupes, c'est qu'au lieu de les faire passer par le détroit d'Asie en Europe, sur mille vaisseaux, dédaignant une voie [29] qui pouvait retarder sa marche, bravant les lois établies par la nature et par les dieux, voulant étonner l'imagination des hommes et forcer tous les obstacles, pour qu'on pût dire qu'il avait navigué sur terre et marché sur la mer, il perça l'Athos et enchaîna l’Hellespont, sans qu'aucun des Grecs se mît au devoir de l'arrêter. Les peuples, incapables de résister à ses forces ou à ses richesses, déterminés par l'intérêt ou par la crainte, se soumettaient malgré eux, ou se portaient d'eux-mêmes à trahir la liberté publique.

 

 

[2,30] Ἀθηναῖοι δ' οὕτω διακειμένης τῆς Ἑλλάδος αὐτοὶ μὲν εἰς τὰς ναῦς ἐμβάντες ἐπ' Ἀρτεμίσιον ἐβοήθησαν, Λακεδαιμόνιοι δὲ καὶ τῶν συμμάχων ἔνιοι εἰς Θερμοπύλας ἀπήντησαν, ἡγούμενοι διὰ τὴν στενότητα τῶν χω ρίων τὴν πάροδον οἷοί τ' ἔσεσθαι διαφυλάξαι. [31] Γενομένου δὲ τοῦ κινδύνου κατὰ τὸν αὐτὸν χρόνον Ἀθηναῖοι μὲν ἐνίκων τῇ ναυμαχίᾳ, Λακεδαιμόνιοι δέ, οὐ ταῖς ψυχαῖς ἐνδεεῖς γενόμενοι, ἀλλὰ τοῦ πλήθους ψευσθέντες καὶ οὓς φυλάξειν ᾤοντο καὶ πρὸς οὓς κινδυνεύσειν ἔμελλον, διεφθάρησαν οὐχ ἡττηθέντες τῶν ἐναντίων, ἀλλ' ἀποθανόντες [32] οὗπερ ἐτά χθησαν μάχεσθαι· τούτῳ δὲ τῷ τρόπῳ τῶν μὲν δυστυχησάντων, τῶν δὲ τῆς παρόδου κρατησάντων, οἱ μὲν ἐπορεύοντο ἐπὶ τήνδε τὴν πόλιν, οἱ δ' ἡμέτεροι πρόγονοι πυθόμενοι μὲν τὴν γεγενημένην Λακεδαιμονίοις συμφοράν, ἀποροῦντες δὲ τοῖς περιεστηκόσι πράγμασιν, εἰδότες δ' ὅτι, εἰ μὲν κατὰ γῆν τοῖς βαρβάροις ἀπαντήσονται, ἐπιπλεύσαντες χιλίαις ναυσὶν ἐρήμην τὴν πόλιν λήψονται, εἰ δὲ εἰς τὰς τριήρεις ἐμβήσονται, ὑπὸ τῆς πεζῆς στρατιᾶς ἁλώσονται, ἀμφότερα δὲ οὐ δυνήσονται, ἀμύνασθαί τε καὶ φυλακὴν ἱκανὴν καταλιπεῖν, [33] δυοῖν δὲ προκειμένοιν, πότερον χρὴ τὴν πατρίδα ἐκλιπεῖν ἢ μετὰ τῶν βαρβάρων γενομένους καταδουλώσασθαι τοὺς Ἕλληνας, ἡγησάμενοι κρεῖττον εἶναι μετ' ἀρετῆς καὶ πενίας καὶ φυγῆς ἐλευθερίαν ἢ μετ' ὀνείδους καὶ πλούτου δουλείαν τῆς πατρίδος, ἐξέλιπον ὑπὲρ τῆς Ἑλλάδος τὴν πόλιν, ἵν' ἐν μέρει πρὸς ἑκατέραν ἀλλὰ μὴ πρὸς ἀμφοτέρας ἅμα τὰς δυνάμεις κινδυ νεύσωσιν· [34] ὑπεκθέμενοι δὲ παῖδας καὶ γυναῖκας καὶ μητέρας εἰς Σαλαμῖνα, συνήθροιζον καὶ τὸ τῶν ἄλλων συμμάχων ναυτικόν.

Οὐ πολλαῖς δ' ὕστερον ἡμέραις ἦλθε καὶ ἡ πεζὴ στρατιὰ καὶ τὸ ναυτικὸν τὸ τῶν βαρβάρων, ὃ τίς οὐκ ἂν ἰδὼν ἐφοβήθη, ὡς μέγας καὶ δεινὸς τῇδε τῇ πόλει κίνδυ νος ὑπὲρ τῆς τῶν Ἑλλήνων ἐλευθερίας ἠγωνίσθη; [2,35] Ποίαν δὲ γνώμην εἶχον ἢ οἱ θεώμενοι τοὺς ἐν ταῖς ναυσὶν ἐκείναις, οὔσης καὶ τῆς αὑτῶν σωτηρίας ἀπίστου καὶ τοῦ προσιόντος κινδύνου, ἢ οἱ μέλλοντες ναυμαχήσειν ὑπὲρ τῆς φιλότητος, ὑπὲρ τῶν ἄθλων τῶν ἐν Σαλαμῖνι; [36] Οἷς τοσοῦτον πανταχόθεν περιειστήκει πλῆθος πολεμίων, ὥστε ἐλάχιστον μὲν αὐτοῖς εἶναι τῶν παρόντων κακῶν τὸ θάνατον τὸν αὑτῶν προειδέναι, μεγίστην δὲ συμφοράν, ἃ ὑπὸ τῶν βαρβάρων εὐτυχησάντων τοὺς ὑπεκτεθέντας ἤλπιζον πείσεσθαι. [37] Ἦ που διὰ τὴν ὑπάρχουσαν ἀπορίαν πολλάκις μὲν ἐδεξιώσαντο ἀλλήλους, εἰκότως δὲ σφᾶς αὐτοὺς ὠλοφύραντο, εἰδότες μὲν τὰς σφετέρας ναῦς ὀλίγας οὔσας, ὁρῶντες δὲ πολλὰς τὰς τῶν πολεμίων, ἐπιστάμενοι δὲ τὴν μὲν πόλιν ἠρημωμένην, τὴν δὲ χώραν πορθουμένην καὶ μεστὴν τῶν βαρβάρων, ἱερῶν δὲ καομένων, ἁπάντων δ' ἐγγὺς ὄν των τῶν δεινῶν, [38] ἀκούοντες δ' ἐν ταὐτῷ συμμεμειγμένου Ἑλληνικοῦ καὶ βαρβαρικοῦ παιῶνος, παρακελευσμοῦ δ' ἀμφοτέρων καὶ κραυγῆς τῶν διαφθειρομένων, καὶ τῆς θαλάττης μεστῆς τῶν νεκρῶν, καὶ πολλῶν μὲν συμπιπτόντων καὶ φιλίων καὶ πολεμίων ναυαγίων, ἀντιπάλου δὲ πολὺν χρόνον οὔσης τῆς ναυμαχίας δοκοῦντες τοτὲ μὲν νενικηκέναι καὶ σεσῶσθαι, τοτὲ δ' ἡττῆσθαι καὶ ἀπολωλέναι. [39] Ἦ που διὰ τὸν παρόντα φόβον πολλὰ μὲν ᾠήθησαν ἰδεῖν ὧν οὐκ εἶδον, πολλὰ δ' ἀκοῦσαι ὧν οὐκ ἤκουσαν. Ποῖαι δ' οὐχ ἱκετεῖαι θεῶν ἐγένοντο ἢ θυσιῶν ἀναμνήσεις, ἔλεός τε παίδων καὶ γυναικῶν πόθος οἶκτός τε πατέρων καὶ μητέρων, λογισμὸς δ', εἰ δυστυχήσειαν, τῶν μελλόντων ἔσεσθαι κακῶν;
 

[30] Dans ces circonstances déplorables, les Athéniens accoururent à Artémisium pour s'opposer aux Barbares ; les Lacédémoniens, et quelques-uns de leurs alliés, allèrent à leur rencontre aux Thermopyles, se croyant en état de garder cet étroit passage. [31] L'action s'engagea dans le même temps et aux Thermopyles et à Artémisium, les Athéniens l'emportèrent dans la bataille navale ; pour les Lacédémoniens, ils ne succombèrent qu'après avoir signalé leur intrépidité; et, quoiqu'ils se vissent beaucoup moins d'alliés et beaucoup plus d'adversaires qu'ils ne s'y attendaient,[5] sans racoler devant l'ennemi, invincibles, ils expirèrent tous à leur poste. [32] Le mauvais succès de ces Grecs valeureux rendit maîtres du passage les Perses, qui, ne trouvant plus d'obstacle, s'avancent contre notre ville. Nos ancêtres apprennent les disgrâces des Lacédémoniens : menacés de toutes parts, et ne sachant quel parti prendre, ils voyaient que, s'ils allaient par terre au-devant des Perses, ceux-ci, avec leur flotte, s'empareraient d'Athènes, et que, s'ils s'embarquaient, elle serait accablée par leurs troupes de terre. Ne pouvant donc en même temps repousser l'ennemi et garder leur ville, [33] réduits à l'affreuse alternative d'abandonner leur patrie, ou de se joindre aux Barbares pour asservir les Grecs, ils préfèrent à la servitude avec la honte et les richesses, l'indigence et l'exil avec la liberté et la vertu. [34] A l'instant ils rassemblent les vaisseaux de leurs alliés, mettent en dépôt, à Salamine, leurs mères, leurs femmes et leurs enfants, et, désertant leur propre cité pour les intérêts de la Grèce, ils se disposent à combattre séparément les deux armées.

Quelques jours après parurent les troupes de terre et la flotte des Barbares.[6] Qui n'eût été épouvanté d'un appareil aussi formidable? Quel rude et terrible combat Athènes n'eût-elle pas à soutenir pour la liberté des Grecs? [35] Quels furent alors les sentiments, ou de ceux qui, du rivage, voyaient leurs compatriotes sur leurs vaisseaux, le péril s'avancer, et leur propre salut abandonné au hasard; ou de ceux qui allaient combattre pour ces objets de leur tendresse, déposés à Salamine, qui devaient être le prix du vainqueur? [36] Ils se voyaient investis par une si grande multitude de Barbares, que le moindre de leurs maux actuels était la mort qui paraissait inévitable, et que leur vrai désespoir était l'attente des outrages que l'ennemi victorieux ferait subir à ce qu'ils avaient de plus cher. [37] Alarmés par une situation aussi cruelle, ceux qui étaient restés sur le rivage déploraient leur propre sort, et s'embrassaient comme pour la dernière fois. Ils n'ignoraient pas que leurs forces navales étaient aussi modiques que celles des ennemis étaient effrayantes; ils savaient que leur ville était déserte; ils voyaient leur pays ravagé, inondé de Barbares, les temples réduits en cendre; tous les maux prêts à fondre sur leurs têtes. [38] Mais déjà on entend les chants confus des Grecs et des Barbares, les exhortations des uns et des autres, les cris des mourants; ils aperçoivent la mer couverte de morts, ils voient s'entrechoquer les débris de plusieurs vaisseaux des deux flottes; le combat s'échauffe, la victoire est longtemps disputée. Tantôt ils croyaient que les Grecs avaient l'avantage et qu'ils étaient sauvés, tantôt qu'ils étaient vaincus, et que c'en était fait de la nation : [39] troublés par la crainte, ils se figuraient souvent voir et entendre ce qu'ils ne voyaient et n'entendirent pas. Que de vœux alors ils adressèrent au ciel! que de victimes ils promirent! que de sentiments divers s'élevaient dans leurs cœurs! le désir de revoir leurs femmes, la commisération pour leurs enfants, la pitié pour leurs pères et pour leurs mères, l'idée des traitements indignes qui leur étaient réservés si la fortune ne favorisait les armes de la Grèce. Qui des dieux n'eût pas été touché en voyant les Athéniens exposés aux plus affreux périls? Qui des hommes n'eût pas gémi sur leur sort ?

[2,40] Τίς οὐκ ἂν θεῶν ἠλέησεν αὐτοὺς ὑπὲρ τοῦ μεγέθους τοῦ κινδύνου; Ἢ τίς ἀνθρώπων οὐκ ἂν ἐδάκρυσεν; Ἢ τίς τῆς τόλμης αὐτοὺς οὐκ ἂν ἠγάσθη; Ἦ πολὺ πλεῖστον ἐκεῖνοι κατὰ τὴν ἀρετὴν ἁπάντων ἀνθρώπων διήνεγκαν καὶ ἐν τοῖς βουλεύμασι καὶ ἐν τοῖς τοῦ πολέμου κινδύνοις, ἐκλιπόντες μὲν τὴν πόλιν, εἰς τὰς ναῦς δ' ἐμβάντες, τὰς δ' αὑτῶν ψυχὰς ὀλίγας οὔσας ἀντιτάξαντες τῷ πλήθει τῷ τῆς Ἀσίας. Ἐπέδειξαν δὲ πᾶσιν ἀνθρώποις, [41] νικήσαντες τῇ ναυμαχίᾳ, ὅτι κρεῖττον μετ' ὀλίγων ὑπὲρ τῆς ἐλευθερίας κινδυνεύειν ἢ μετὰ πολλῶν βασιλευομένων ὑπὲρ τῆς αὑτῶν δουλείας. [42] Πλεῖστα δὲ καὶ κάλλιστα ἐκεῖνοι ὑπὲρ τῆς τῶν Ἑλλήνων ἐλευθερίας συνεβάλοντο, στρατηγὸν μὲν Θεμιστοκλέα, ἱκανώτατον εἰπεῖν καὶ γνῶναι καὶ πρᾶξαι, ναῦς δὲ πλείους τῶν ἄλλων συμμάχων, ἄνδρας δ' ἐμπει ροτάτους. Καὶ γὰρ τίνες ἂν τούτοις τῶν ἄλλων Ἑλλήνων ἤρισαν γνώμῃ καὶ πλήθει καὶ ἀρετῇ; [43] Ὥστε δικαίως μὲν ἀναμφισβήτητα τἀριστεῖα τῆς ναυμαχίας ἔλαβον παρὰ τῆς Ἑλλάδος,
εἰκότως δὲ τὴν εὐτυχίαν ὁμονοοῦσαν τοῖς κινδύνοις ἐκτήσαντο, γνησίαν δὲ καὶ αὐτόχθονα τοῖς ἐκ τῆς Ἀσίας βαρβάροις τὴν αὑτῶν ἀρετὴν ἐπεδείξαντο. [44] Ἐν μὲν οὖν τῇ ναυμαχίᾳ τοιούτους αὑτοὺς παρασχόντες καὶ πολὺ πλεῖστον τῶν κινδύνων μετασχόντες τῇ ἰδίᾳ ἀρετῇ κοινὴν τὴν ἐλευθερίαν καὶ τοῖς ἄλλοις ἐκτήσαντο·

ὕστερον δὲ Πελοποννησίων διατειχιζόντων τὸν Ἰσθμόν, καὶ ἀγαπώντων μὲν τῇ σωτηρίᾳ, νομιζόντων δ' ἀπηλλάχθαι τοῦ κατὰ θάλατταν κινδύνου, καὶ διανοουμένων τοὺς ἄλλους Ἕλληνας περιιδεῖν ὑπὸ τοῖς βαρβάροις γενομένους, [45] ὀργισθέντες Ἀθηναῖοι συνεβούλευον αὐτοῖς, εἰ ταύτην τὴν γνώμην ἕξουσι, περὶ ἅπασαν τὴν Πελοπόννησον τεῖχος περιβαλεῖν· εἰ γὰρ αὐτοὶ ὑπὸ τῶν Ἑλλήνων προδιδόμενοι μετὰ τῶν βαρβάρων ἔσονται, οὔτ' ἐκείνοις δεήσειν χιλίων νεῶν οὔτε τούτους ὠφελήσειν τὸ ἐν Ἰσθμῷ τεῖχος· ἀκινδύνως γὰρ ἔσεσθαι τὴν τῆς θαλάττης ἀρχὴν βασιλέως. [46] Διδασκόμενοι δὲ καὶ νομίζοντες αὐτοὶ μὲν ἄδικά τε ποιεῖν καὶ κακῶς
βουλεύεσθαι, Ἀθηναίους δὲ δίκαιά τε λέγειν καὶ τὰ βέλτιστα αὐτοῖς παραινεῖν, ἐβοήθησαν εἰς Πλαταιάς· ἀποδράντων δὲ ὑπὸ νύκτα τῶν πλείστων συμμάχων ἐκ τῶν τάξεων διὰ τὸ πλῆθος τῶν πολεμίων, Λακεδαιμόνιοι μὲν καὶ Τεγεᾶται τοὺς βαρβάρους ἐτρέψαντο, Ἀθηναῖοι δὲ καὶ Πλαταιεῖς πάντας τοὺς Ἕλληνας ἐνίκων μαχόμενοι τοὺς ἀπογνόντας τῆς ἐλευθερίας καὶ ὑπομείναντας τὴν δουλείαν. [47] Ἐν ἐκείνῃ δὲ τῇ ἡμέρᾳ καλλίστην τελευτὴν τοῖς προτέροις κινδύνοις ἐπιθέντες, βέβαιον μὲν τὴν ἐλευθερίαν τῇ Εὐρώπῃ κατηργάσαντο, ἐν ἅπασι δὲ τοῖς κινδύνοις δόντες ἔλεγχον τῆς ἑαυτῶν ἀρετῆς, καὶ μόνοι καὶ μεθ' ἑτέρων, καὶ πεζομαχοῦντες καὶ ναυμαχοῦντες, καὶ πρὸς τοὺς βαρβάρους καὶ πρὸς τοὺς Ἕλληνας, ὑπὸ πάντων ἠξιώθησαν, καὶ μεθ' ὧν ἐκινδύνευον καὶ πρὸς οὓς ἐπολέμουν, ἡγεμόνες γενέσθαι τῆς Ἑλλάδος.

[48] Ὑστέρῳ δὲ χρόνῳ Ἑλληνικοῦ πολέμου καταστάντος διὰ ζῆλον τῶν γεγενημένων καὶ φθόνον τῶν πεπραγμένων, μέγα μὲν ἅπαντες φρονοῦντες, μικρῶν δ' ἐγκλημάτων ἕκαστοι δεόμενοι, ναυμαχίας Ἀθηναίοις πρὸς Αἰγινήτας καὶ τοὺς ἐκείνων συμμάχους γενομένης ἑβδομήκοντα τριήρεις αὐτῶν ἐλάμβανον. [49] Πολιορκούντων δὲ κατὰ τὸν αὐτὸν χρόνον Αἴγυπτόν τε καὶ Αἴγιναν, καὶ τῆς ἡλικίας ἀπούσης ἔν τε ταῖς ναυσὶ καὶ ἐν τῷ πεζῷ στρατεύματι, Κορίνθιοι καὶ οἱ ἐκείνων σύμμαχοι, ἡγούμενοι ἢ εἰς ἔρημον τὴν χώραν ἐμβαλεῖν ἢ ἐξ Αἰγίνης ἄξειν τὸ στρατόπεδον, ἐξελθόν τες πανδημεὶ Γεράνειαν κατέλαβον·

[40] Qui n'eût pas admiré leur héroïque intrépidité? Combien ne furent-ils pas supérieurs à tous les Grecs en bravoure, par la résolution généreuse qu'ils prirent, et les dangers extrêmes qu'ils coururent ! Désertant leur ville, s'élançant sur leurs vaisseaux, ils opposèrent leur petit nombre aux armées innombrables des Asiatiques, et par leur victoire apprirent à tous les peuples [41] qu'il vaut mieux combattre pour la liberté, avec une troupe choisie d'hommes courageux, qu'avec des milliers d'esclaves pour aggraver sa servitude. [42] Dira-t-on qu'ils n'eurent pas la plus grande et la plus noble part à la délivrance de toute la Grèce, eux qui lui donnèrent Thémistocle, le général le plus éclairé, le plus éloquent, le plus actif; eux qui envoyèrent plus de vaisseaux que tous les alliés ensemble, et les hommes les plus expérimentés dans la marine ? Qui des autres Grecs a pu le disputer aux Athéniens, ou pour la hardiesse de la résolution, ou pour le nombre des galères, ou pour le courage des combattants? [43] C'est donc avec justice que toute la Grèce leur déféra sans contestation le prix de la valeur. Le succès qu'ils obtinrent répondit à la grandeur du danger qu'ils avaient couru : la bravoure qu'ils firent sentir aux Barbares d'Asie était née de leur sol[7] ; c'était une vertu héréditaire et naturelle. [44] C'est par une telle conduite dans la bataille navale, c'est en prenant sur eux la plus grande part des périls, et en les bravant sans crainte, qu'ils ont assuré la liberté commune.

Une autre circonstance se présente, dans laquelle on ne les vit pas se démentir. Les Péloponnésiens avaient fortifié l'Isthme d'un mur; uniquement occupés de pourvoir à leur salut, ils se croyaient en sûreté du côté de la mer, et songeaient à laisser les autres Grecs en proie aux Barbares: [45] indignés de cette indifférence, les Athéniens leur conseillaient du moins de fermer d'une enceinte tout le Péloponnèse. Si, trahis par les Grecs, disaient-ils, nous nous joignons aux Barbares, ceux-ci n'auront pas besoin de leurs mille vaisseaux, et votre mur de l'Isthme vous deviendra inutile, puisque le roi de Perse se rendra maître de la mer sans livrer de combat. [46] Eclairés par ce discours, convaincus de l'injustice et de la lâcheté du parti qu'ils prenaient, autant que de la générosité des Athéniens et de la sagesse de leurs conseils, ils vinrent se joindre à nous à Platée. La plupart des alliés, effrayés par le nombre des Barbares, avaient abandonné leur poste pendant la nuit ; les Lacédémoniens et les Tégéates mirent en fuite les Perses, les Athéniens et les Platéens, défirent tous les Grecs qui avaient renoncé à leur liberté et accepté le joug de la servitude. [47] Nos aïeux mirent le comble à leur gloire dans cette journée, consolidèrent la liberté de l'Europe; et, après avoir donné dans tous les combats des preuves de leur courage, seuls et avec d’autres, sur terre et sur mer, contre les Grecs et contre les Barbares, ils furent jugés dignes d'être les chefs de toute la. Grèce, et par ceux des Grecs qui avaient partagé avec eux les périls et par ceux mêmes dont ils avaient triomphé.

[46] La jalousie excitée par nos brillants succès ne tarda pas à soulever contre Athènes les peuples de la Grèce, à qui la prospérité avait enflé le cœur, et auxquels il ne fallait que de légers motifs pour se déclarer contre nous. De, nouveaux périls ne furent pour les Athéniens que de nouvelles occasions d'acquérir de la gloire. Dans un combat naval: contre les Éginètes et leurs alliés, ils leur prirent soixante-dix vaisseaux. [49] Comme ils assiégeaient Egine[8] dans le temps même où ils faisaient la guerre en Egypte, et que leur jeunesse absente servait sur terre et sur mer, les Corinthiens et leurs alliés s'imaginant que s'ils venaient fondre sur l'Attique, ils la trouveraient sans défense, ou qu'ils nous obligeraient de lever le siège d'Égine, mirent toutes leurs forces en campagne, et s'emparèrent de la Géranie.

 

[50] Ἀθηναῖοι δὲ τῶν μὲν ἀπόντων, τῶν δ' ἐγγὺς ὄντων, οὐδένα ἐτόλμησαν μεταπέμψασθαι· ταῖς δ' αὑτῶν ψυχαῖς πιστεύσαντες καὶ τῶν ἐπιόντων καταφρονήσαντες οἱ γεραίτεροι καὶ οἱ τῆς ἡλικίας ἐντὸς γεγονότες ἠξίουν αὐτοὶ μόνοι τὸν κίνδυνον ποιήσάσθαι, οἱ μὲν ἐμπειρίᾳ τὴν ἀρετήν, [51] οἱ δὲ φύσει κεκτημένοι· καὶ οἱ μὲν αὐτοὶ πολλαχοῦ ἀγαθοὶ γεγενημένοι, οἱ δ' ἐκείνους μιμούμενοι, τῶν μὲν πρεσβυτέρων ἄρχειν ἐπισταμένων, τῶν δὲ νεωτέρων τὸ ἐπιταττόμενον ποιεῖν δυναμένων, [52] Μυρωνίδου στρατηγοῦντος ἀπαντήσαντες αὐτοὶ εἰς τὴν Μεγαρικὴν ἐνίκων μαχόμενοι ἅπασαν τὴν δύναμιν τὴν ἐκείνων τοῖς ἤδη ἀπειρηκόσι καὶ τοῖς οὔπω δυναμένοις, τοὺς εἰς τὴν σφετέραν ἐμβαλεῖν ἀξιώσαντας, εἰς τὴν ἀλλοτρίαν ἀπαν τήσαντες, [53] τρόπαιον δὲ στήσαντες καλλίστου μὲν αὐτοῖς ἔργου, αἰσχίστου δὲ τοῖς πολεμίοις, οἱ μὲν οὐκέτι τοῖς σώμασιν, οἱ δ' οὔπω δυνάμενοι, ταῖς δὲ ψυχαῖς ἀμφότεροι κρείττους γενόμενοι, μετὰ καλλίστης δόξης εἰς τὴν αὑτῶν ἀπελθόντες οἱ μὲν πάλιν ἐπαιδεύοντο, οἱ δὲ περὶ τῶν λοιπῶν ἐβουλεύοντο.

[54] Καθ' ἕκαστον μὲν οὖν οὐ ῥᾴδιον τὰ ὑπὸ πολλῶν κινδυνευθέντα ὑφ' ἑνὸς ῥηθῆναι, οὐδὲ τὰ ἐν ἅπαντι τῷ χρόνῳ πραχθέντα ἐν μιᾷ ἡμέρᾳ δηλωθῆναι. Τίς γὰρ ἂν ἢ λόγος ἢ χρόνος ἢ ῥήτωρ ἱκανὸς γένοιτο μηνῦσαι τὴν τῶν ἐνθάδε κειμένων ἀνδρῶν ἀρετήν;  [55] Μετὰ πλείστων γὰρ πόνων καὶ φανερωτάτων ἀγώνων καὶ καλλίστων κινδύνων ἐλευθέραν μὲν ἐποίησαν τὴν Ἑλλάδα, μεγίστην δ' ἀπέδειξαν τὴν ἑαυτῶν πατρίδα, ἑβδομήκοντα μὲν ἔτη τῆς θαλάττης ἄρ ξαντες, ἀστασιάστους δὲ παρασχόντες τοὺς συμμάχους, [56] οὐ τοῖς ὀλίγοις τοὺς πολλοὺς δουλεύειν ἀξιώσαντες, ἀλλὰ τὸ ἴσον ἔχειν ἅπαντας ἀναγκάσαντες, οὐδὲ τοὺς συμμάχους ἀσθενεῖς ποιοῦντες, ἀλλὰ κἀκείνους ἰσχυροὺς καθιστάντες, καὶ τὴν αὑτῶν δύναμιν τοσαύτην ἐπιδείξαντες, ὥσθ' ὁ μέγας βασιλεὺς οὐκέτι τῶν ἀλλοτρίων ἐπεθύμει, ἀλλ' ἐδίδου τῶν ἑαυτοῦ καὶ περὶ τῶν λοιπῶν ἐφοβεῖτο, [57] καὶ οὔτε τριήρεις ἐν ἐκείνῳ τῷ χρόνῳ ἐκ τῆς Ἀσίας ἔπλευσαν, οὔτε τύραννος ἐν τοῖς Ἕλλησι κατέστη, οὔτε Ἑλληνὶς πόλις ὑπὸ τῶν βαρβάρων ἠνδραποδίσθη· τοσαύτην σωφροσύνην καὶ δέος ἡ τούτων ἀρετὴ πᾶσιν ἀνθρώποις παρεῖχεν. Ὧν ἕνεκα δεῖ μόνους καὶ προστάτας τῶν Ἑλλήνων καὶ ἡγεμόνας τῶν πόλεων γίγνεσθαι.

[58] Ἐπέδειξαν δὲ καὶ ἐν ταῖς δυστυχίαις τὴν ἑαυτῶν ἀρετήν. Ἀπολομένων γὰρ τῶν νεῶν ἐν Ἑλλησπόντῳ εἴτε ἡγεμόνος κακίᾳ εἴτε θεῶν διανοίᾳ, καὶ συμφορᾶς ἐκείνης μεγίστης γενομένης καὶ ἡμῖν τοῖς δυστυχήσασι καὶ τοῖς ἄλ λοις Ἕλλησιν, ἐδήλωσεν οὐ πολλῷ χρόνῳ ὕστερον ὅτι ἡ τῆς πόλεως δύναμις τῆς Ἑλλάδος ἦν σωτηρία. [59] Ἑτέρων γὰρ ἡγεμόνων γενομένων ἐνίκησαν μὲν ναυμαχοῦντες τοὺς Ἕλληνας οἱ πρότερον εἰς τὴν θάλατταν οὐδ' ἐμβαίνοντες, ἔπλευσαν δ' εἰς τὴν Εὐρώπην, δουλεύουσι δὲ πόλεις τῶν Ἑλλήνων, τύραννοι δ' ἐγκαθεστᾶσιν, οἱ μὲν μετὰ τὴν ἡμετέραν συμφοράν, οἱ δὲ μετὰ τὴν νίκην τῶν βαρβάρων.

 

[50] Les Athéniens, quoique de toutes parts pressés par l'ennemi, ne daignèrent rappeler aucune de leurs troupes; comptant sur leur courage, et bravant leurs adversaires, les vieillards qui avaient passé l'âge du service, les jeunes gens qui ne l'avaient pas encore atteint, voulurent s'exposer seuls : ceux-là avaient acquis la bravoure par expérience, [51] ceux-ci l'avaient reçue de la nature ; les uns s'étaient distingués dans plus d'une occasion, les autres marchaient sur leurs traces; les vieillards savaient commander, les jeunes gens pouvaient obéir. [52] Sous les ordres de Mironide, tous marchent à l'envi vers le territoire de Mégare, et, sans attendre dans leur pays des peuples qui avaient résolu de l'envahir, ils volent au-devant d'eux dans une région étrangère. Ils triomphent de toutes leurs troupes, avec des soldats qui n'avaient plus de vigueur, ou qui n'en avaient pas encore, [53] érigent un trophée aussi honorable pour eux-mêmes que flétrissant pour les vaincus; et, après avoir prouvé par leur succès que si, parmi eux, les uns avaient perdu, les autres n'avaient pas acquis leurs forces, tous portaient également des âmes courageuses; couverts de gloire, ils reviennent tranquillement dans leur ville, pour reprendre les exercices de leur éducation, ou pour s'occuper des affaires publiques.

[54] Il n'appartient pas à un homme seul de détailler les combats que tant d'autres ont soutenus, ni d'exposer en un seul jour tous les grands exploits des siècles passés. Quel orateur, en effet, quel discours, quel temps pourraient suffire pour faire connaître toute la vertu des Athéniens qui reposent sous ces monuments ; [55] de ces guerriers fameux qui, par des travaux, des combats et des périls sans nombre, ont délivré la Grèce et illustré leur patrie! Ils commandèrent sur mer l'espace de soixante-dix ans, pendant lesquels ils entretinrent la concorde parmi leurs alliés, forçant les habitants des villes à vivre égaux, [56] ne pouvant souffrir que chez des Grecs la multitude fût asservie au petit nombre, et cherchant moins à affaiblir qu'à fortifier les peuples attachés à leur fortune. Telle était la puissance qu'ils avaient acquise, que le grand roi, loin de chercher à envahir les possessions d'autrui, se voyait réduit à abandonner une partie des siennes, et à craindre pour le reste. [57] On ne vit alors aucune flotte partir d'Asie, aucun tyran s’établir dans la Grèce, aucune ville grecque subir le joug des Barbares, tant inspiraient de crainte et de retenue à tous les peuples la bravoure et l'intrépidité de nos pères! Ils méritaient donc seuls d’être les chefs de la Grèce et les arbitres des États.

[58] Ils n'ont pas moins, dans les malheurs, manifesté tout leur courage. Nous avions perdu nos vaisseaux au détroit de l'Hellespont, soit par la faute de nos généraux, soit par la volonté des dieux[9] ; une disgrâce, non moins funeste aux autres Grecs qu'à nous-mêmes, avait ruiné nos forces : ce fut alors qu'on s'aperçut que la puissance de notre république était le salut de toute la nation. [59] En effet, à peine le commandement eut-il passé en d'autres mains,[10] que les Perses, qui n'osaient plus se montrer sur mer, se transportèrent en Europe, et vainquirent les Grecs dans une bataille navale; les villes grecques furent asservies, et il s'y établit des tyrans, tant après notre défaite qu'après la victoire des Barbares.

 

[60] Ὥστ' ἄξιον ἦν ἐπὶ τῷδε τῷ τάφῳ τότε κείρασθαι τῇ Ἑλλάδι
καὶ πενθῆσαι τοὺς ἐνθάδε κειμένους, ὡς συγκαταθαπτομένης τῆς αὑτῶν ἐλευθερίας τῇ τούτων ἀρετῇ· ὡς δυστυχὴς μὲν ἡ Ἑλλὰς τοιούτων ἀνδρῶν ὀρφανὴ γενομένη, εὐτυχὴς δ' ὁ τῆς Ἀσίας βασιλεὺς ἑτέρων ἡγεμόνων λαβόμενος· τῇ μὲν γὰρ τούτων στερηθείσῃ δουλεία περιέστηκε, τῷ δ' ἄλλων ἀρξάντων ζῆλος ἐγγίγνεται τῆς τῶν προγόνων διανοίας.

[61] Ἀλλὰ ταῦτα μὲν ἐξήχθην ὑπὲρ πάσης ὀλοφύρασθαι τῆς Ἑλλάδος· ἐκείνων δὲ τῶν ἀνδρῶν ἄξιον καὶ ἰδίᾳ καὶ δημοσίᾳ μεμνῆσθαι, οἳ φεύγοντες τὴν δουλείαν καὶ περὶ τοῦ δικαίου μαχόμενοι καὶ ὑπὲρ τῆς δημοκρατίας στασιάσαντες πάντας πολεμίους κεκτημένοι εἰς τὸν Πειραιᾶ κατῆλθον, οὐχ ὑπὸ νόμου ἀναγκασθέντες, ἀλλ' ὑπὸ τῆς φύσεως πεισθέντες, καινοῖς κινδύνοις τὴν παλαιὰν ἀρετὴν τῶν προγόνων μιμησάμενοι, [62] ταῖς αὑτῶν ψυχαῖς κοινὴν τὴν πόλιν καὶ τοῖς ἄλλοις κτησόμενοι, θάνατον μετ' ἐλευθερίας αἱρούμενοι ἢ βίον μετὰ δουλείας, οὐχ ἧττον ταῖς συμφοραῖς αἰσχυνόμενοι ἢ τοῖς ἐχθροῖς ὀργιζόμενοι, μᾶλλον βουληθέντες ἐν τῇ αὑτῶν ἀποθνῄσκειν ἢ ζῆν τὴν ἀλλοτρίαν οἰκοῦντες, συμμάχους μὲν ὅρκους καὶ συνθήκας ἔχοντες, πολεμίους δὲ τοὺς πρότερον ὑπάρχοντας καὶ τοὺς πολίτας τοὺς ἑαυτῶν. [63] Ἀλλ' ὅμως οὐ τὸ πλῆθος τῶν ἐναντίων φοβηθέντες, ἀλλ' ἐν τοῖς σώμασι τοῖς ἑαυτῶν κινδυνεύσαντες, τρόπαιον μὲν τῶν πολεμίων ἔστησαν, μάρτυρας δὲ τῆς αὑτῶν ἀρετῆς ἐγγὺς ὄντας τοῦδε τοῦ μνήματος τοὺς Λακεδαιμονίων τάφους παρέχονται. Καὶ γάρ τοι μεγάλην μὲν ἀντὶ μικρᾶς ἀπέδειξαν τὴν πόλιν, ὁμονοοῦσαν δὲ ἀντὶ στασιαζούσης ἀπέφηναν, τείχη δὲ ἀντὶ τῶν καθῃρημένων ἀνέ στησαν. [64] Οἱ δὲ κατελθόντες αὐτῶν, ἀδελφὰ τὰ βουλεύματα τοῖς ἔργοις τῶν ἐνθάδε κειμένων ἐπιδεικνύντες, οὐκ ἐπὶ τιμωρίαν τῶν ἐχθρῶν ἀλλ' ἐπὶ σωτηρίαν τῆς πόλεως ἐτράποντο, καὶ οὔτε ἐλαττοῦσθαι δυνάμενοι οὔτ' αὐτοὶ πλέον ἔχειν δεόμενοι τῆς μὲν αὑτῶν ἐλευθερίας καὶ τοῖς βουλομένοις δουλεύειν μετέδοσαν, τῆς δ' ἐκείνων δουλείας αὐτοὶ μετέχειν οὐκ ἠξίωσαν. [65] Ἔργοις δὲ μεγίστοις καὶ καλλίστοις ἀπελογήσαντο, ὅτι οὐ κακίᾳ τῇ αὑτῶν οὐδ' ἀρετῇ τῇ τῶν πολεμίων πρότερον ἐδυστύχησεν ἡ πόλις· εἰ γὰρ στασιάσαντες πρὸς ἀλλήλους βίᾳ παρόντων Πελοποννησίων καὶ τῶν ἄλλων ἐχθρῶν εἰς τὴν αὑτῶν οἷοί τε ἐγένοντο κατελθεῖν, δῆλον ὅτι ῥᾳδίως ἂν ὁμονοοῦντες πολεμεῖν αὐτοῖς ἐδύναντο. [66] Ἐκεῖνοι μὲν οὖν διὰ τοὺς ἐν Πειραιεῖ κινδύνους ὑπὸ πάντων ἀνθρώπων ζηλοῦνται·

ἄξιον δὲ καὶ τοὺς ξένους τοὺς ἐνθάδε κειμένους ἐπαινέσαι, οἳ τῷ πλήθει βοηθήσαντες καὶ περὶ τῆς ἡμετέρας σωτηρίας μαχόμενοι, πατρίδα τὴν ἀρετὴν ἡγησάμενοι, τοιαύτην τοῦ βίου τελευτὴν ἐποιήσαντο· ἀνθ' ὧν ἡ πόλις αὐτοὺς καὶ ἐπένθησε καὶ ἔθαψε δημοσίᾳ, καὶ ἔδωκεν ἔχειν αὐτοῖς τὸν ἅπαντα χρόνον τὰς αὐτὰς τιμὰς τοῖς ἀστοῖς.

[67] Οἱ δὲ νῦν θαπτόμενοι, βοηθήσαντες Κορινθίοις ὑπὸ παλαιῶν φίλων ἀδικουμένοις καινοὶ σύμμαχοι γενόμενοι, οὐ τὴν αὐτὴν γνώμην Λακεδαιμονίοις ἔχοντες οἱ μὲν γὰρ τῶν ἀγαθῶν αὐτοῖς ἐφθόνουν, οἱ δὲ ἀδικουμένους αὐτοὺς ἠλέουν, οὐ τῆς προτέρας ἔχθρας μεμνημένοι, ἀλλὰ τὴν παροῦσαν φιλίαν περὶ πολλοῦ ποιούμενοι πᾶσιν ἀνθρώποις φανερὰν τὴν αὑτῶν ἀρετὴν ἐπεδείξαντο. [68] Ἐτόλμησαν γὰρ μεγάλην ποιοῦντες τὴν Ἑλλάδα οὐ μόνον ὑπὲρ τῆς αὑτῶν σωτηρίας κινδυνεύειν, ἀλλὰ καὶ ὑπὲρ τῆς τῶν πολεμίων ἐλευθερίας ἀποθνῄσκειν· τοῖς γὰρ Λακεδαιμονίων συμμάχοις περὶ τῆς ἐκείνων ἐλευθερίας ἐμάχοντο. Νικήσαντες μὲν γὰρ ἂν ἐκείνους τῶν αὐτῶν ἠξίουν, δυστυχήσαντες δὲ βέβαιον τὴν δουλείαν τοῖς ἐν τῇ Πελοποννήσῳ κατέλιπον. [69] Ἐκείνοις μὲν οὖν οὕτω διακειμένοις ὁ βίος οἰκτρὸς καὶ ὁ θάνατος εὐκτός· οὗτοι δὲ καὶ ζῶντες καὶ ἀποθανόντες ζηλωτοί, παιδευθέντες μὲν ἐν τοῖς τῶν προγόνων ἀγαθοῖς, ἄνδρες δὲ γενόμενοι τήν τε ἐκείνων δόξαν διασώσαν τες καὶ τὴν αὑτῶν ἀρετὴν ἐπιδείξαντες.
 

[60] La Grèce eut donc alors à gémir sur ces tombeaux, et à déplorer la perte des héros qui y reposent, puisqu'avec leur bravoure, elle y voyait sa liberté ensevelie; puisque, privée de tels défenseurs, et commandée par d'autres chefs, elle vit le monarque d'Asie élever sa prospérité sur les ruines de la sienne. Oui, après la défaite de nos guerriers et sous d'autres commandants, on vit les Grecs tomber dans la servitude, et le prince Barbare, jaloux de marcher sur les traces de ses ancêtres, concevoir de nouveau les mêmes desseins.

[61] Mais les malheurs d'Athènes allaient m'entraîner à déplorer ceux de toute la Grèce : revenons à notre sujet. Certes, ils méritent que nous parlions d'eux, et en notre propre nom et au nom de la patrie, ces hommes qui, amis de la justice et ennemis de la servitude, se sont séparés des autres pour l'intérêt de la démocratie.[11] [62] Déterminés par l'énergie de leur âme plutôt que forcés par la loi, ils revinrent au Pirée, quoiqu'ils eussent en tête tous les Péloponnésiens. Dans le désir d'imiter par des combats nouveaux l'antique vertu de leurs pères, ils voulaient à leur seul péril recouvrer une liberté commune, préférant la mort avec l'indépendance, à la vie des esclaves, aussi honteux de leurs disgrâces qu'irrités contre leurs ennemis, aimant mieux enfin mourir dans leur patrie que de vivre dans un pays étranger. Ils n'avaient pour eux que les serments et les traités; ils voyaient contre eux, avec leurs ennemis de tout temps, leurs compatriotes mêmes; [63] cependant, sans être effrayés du nombre de leurs adversaires, ils exposèrent leurs personnes, et vainquirent les Lacédémoniens, dont ils laissèrent les tombeaux près de ceux de nos guerriers, comme un monument de leur courage. C'est, sans doute, leur victoire qui a rétabli la concorde parmi les citoyens désunis, relevé nos murailles abattues, et rendu son premier lustre à notre ville dégradée. [64] Les guerriers qui ont survécu, et qui sont rentrés dans Athènes, montrèrent une sagesse bien digne de la bravoure de ceux qu'on avait vus mourir avec tant de gloire. Uniquement occupés du salut de l'état, ne songeant pas à se venger de leurs ennemis, et aussi éloignés de la bassesse qui rampe, que de l'orgueil qui veut dominer, ils firent participer à leur liberté même ces citoyens faibles dont ils avaient refusé de partager l'esclavage, [65] et prouvèrent par leurs exploits, non moins importants que célèbres, que les infortunes d'Athènes n'étaient l'effet ni de leur défaut de courage, ni de la valeur de leurs rivaux; car, si, la république étant divisée, ils ont pu, malgré les Péloponnésiens et leurs autres adversaires, revenir dans leur patrie, il est évident que, réunis à leurs compatriotes, ils auraient triomphé sans peine de leurs ennemis : [66] c'est donc avec justice que les combats du Pirée leur ont attiré l'admiration de tous les peuples.

Nous devons aussi des éloges aux étrangers qui ont eu part à ces combats, et dont nous avons déposé les cendres dans ces honorables tombeaux. Empressés de secourir le peuple d'Athènes, ils combattirent pour nos intérêts, et, regardant comme leur patrie le lieu où ils pouvaient exercer leur vertu, ils obtinrent un trépas digne de ces nobles sentiments. Pour récompense de leur zèle, Athènes les a pleurés, et, les inhumant aux dépens du Trésor, elle leur a accordé pour toujours les mêmes honneurs qu'à ses propres enfants.

[67] Ceux de nos compatriotes que nous venons d'honorer d'une sépulture publique, nouveaux alliés des Corinthiens, les ont secourus lorsqu'ils étaient attaqués par leurs anciens amis. Bien différents des Lacédémoniens, tandis que ceux-ci portaient envie à la prospérité de Corinthe, eux, au contraire, touchés des injustices qu'elle éprouvait, et oubliant les anciennes inimitiés, ne songeaient qu'à leur amitié présente avec cette ville. Ils signalèrent leur courage aux yeux de tous les peuples; [68] et, jaloux de rendre à la Grèce sa première splendeur, ce ne fut pas seulement pour leur propre salut et pour celui des Corinthiens, qu'ils exposèrent leurs personnes ; ils eurent même la générosité de mourir pour la liberté de leurs ennemis. Oui, ils combattirent pour la liberté des alliés de Lacédémone.  Ils ne cherchaient à vaincre que pour leur obtenir les avantages dont ils jouissaient eux-mêmes; leurs malheureux succès ont fortifié de plus en plus et appesanti les chaînes du Péloponnèse. [69] Dans l'état où sont aujourd'hui ses habitants, la vie pour eux est à charge, et la mort serait un bien : au lieu que le sort de nos braves compatriotes, digne d'être envié pendant qu'ils vivaient, mérite encore de l'être après leur trépas.

 

[70] Πολλῶν μὲν γὰρ καὶ καλῶν αἴτιοι γεγένηνται τῇ ἑαυτῶν πατρίδι, ἐπηνώρθωσαν δὲ τὰ ὑφ' ἑτέρων δυστυχηθέντα, πόρρω δ' ἀπὸ τῆς αὑτῶν τὸν πόλεμον κατέστησαν. Ἐτελεύτησαν δὲ τὸν βίον, ὥσπερ χρὴ τοὺς ἀγαθοὺς ἀποθνῄσκειν, τῇ μὲν γὰρ πατρίδι τὰ τροφεῖα ἀποδόντες, τοῖς δὲ θρέψασι λύπας καταλιπόντες. [71] Ὥστε ἄξιον τοῖς ζῶσι τούτους ποθεῖν καὶ σφᾶς αὐτοὺς ὀλοφύρεσθαι καὶ τοὺς προσήκοντας αὐτῶν ἐλεεῖν τοῦ ἐπιλοίπου βίου.

Τίς γὰρ αὐτοῖς ἔτι ἡδονὴ καταλείπεται τοιούτων ἀνδρῶν θαπτομένων, οἳ πάντα περὶ ἐλάττονος τῆς ἀρετῆς ἡγούμενοι αὑτοὺς μὲν ἀπεστέρησαν βίου, χήρας δὲ γυναῖκας ἐποίησαν, ὀρφανοὺς δὲ τοὺς αὑτῶν παῖδας ἀπέλιπον, ἐρήμους δ' ἀδελφοὺς καὶ πατέρας καὶ μητέρας κατέστησαν; [72] Πολλῶν δὲ καὶ δεινῶν ὑπαρχόντων τοὺς μὲν παῖδας αὐτῶν ζηλῶ, ὅτι νεώτεροί εἰσιν ἢ ὥστε εἰδέναι οἵων πατέρων ἐστέρηνται, ἐξ ὧν δ' οὗτοι γεγόνασιν, οἰκτίρω, ὅτι πρεσβύτεροι ἢ ὥστε ἐπιλαθέσθαι τῆς δυστυχίας τῆς ἑαυτῶν. [73] Τί γὰρ ἂν τούτων ἀνιαρότερον γένοιτο, ἢ τεκεῖν μὲν καὶ θρέψαι καὶ θάψαι τοὺς αὑτῶν, ἐν δὲ τῷ γήρᾳ ἀδυνάτους μὲν εἶναι τῷ σώματι, πασῶν δ' ἀπεστερημένους τῶν ἐλπίδων ἀφίλους καὶ ἀπόρους γεγονέναι, ὑπὲρ δὲ τῶν αὐτῶν πρότερον ζηλοῦσθαι καὶ νῦν ἐλεεῖσθαι, ποθεινότερον δ' αὐτοῖς εἶναι τὸν θάνατον τοῦ βίου; Ὅσῳ γὰρ ἄνδρες ἀμείνους ἦσαν, τοσούτῳ τοῖς καταλειπομένοις τὸ πένθος μεῖζον. [74] Πῶς δ' αὐτοὺς χρὴ λῆξαι τῆς λύπης; Πότερον ἐν ταῖς τῆς πόλεως συμφοραῖς; Ἀλλὰ τότε αὐτῶν εἰκὸς καὶ τοὺς ἄλλους μεμνῆσθαι. Ἀλλ' ἐν ταῖς εὐτυχίαις ταῖς κοιναῖς; Ἀλλ' ἱκανὸν λυπῆσαι, τῶν μὲν σφετέρων τέκνων τετελευτηκότων, τῶν δὲ ζώντων ἀπολαυόντων τῆς τούτων ἀρετῆς. Ἀλλ' ἐν τοῖς ἰδίοις κινδύνοις, ὅταν ὁρῶσι τοὺς μὲν πρότερον ὄντας φίλους φεύγοντας τὴν αὑτῶν ἀπορίαν, τοὺς δ' ἐχθροὺς μέγα φρονοῦντας ἐπὶ ταῖς δυστυχίαις ταῖς τούτων; [2,75] Μόνην δ' ἄν μοι δοκοῦμεν ταύτην τοῖς ἐνθάδε κειμένοις ἀποδοῦναι χάριν, εἰ τοὺς μὲν τοκέας αὐτῶν ὁμοίως ὥσπερ ἐκεῖνοι περὶ πολλοῦ ποιοίμεθα, τοὺς δὲ παῖδας οὕτως ἀσπαζοίμεθα ὥσπερ αὐτοὶ πατέρες ὄντες, ταῖς δὲ γυναιξὶν εἰ τοιούτους βοηθοὺς ἡμᾶς αὐτοὺς παρέχοιμεν, οἷοίπερ ἐκεῖνοι ζῶντες ἦσαν. [76] Τίνας γὰρ ἂν εἰκότως μᾶλλον τιμῷμεν τῶν ἐνθάδε κειμένων; Τίνας δ' ἂν τῶν ζώντων δικαιότερον περὶ πολλοῦ ποιοίμεθα ἢ τοὺς τούτοις προσήκοντας, οἳ τῆς μὲν τούτων ἀρετῆς τὸ ἴσον τοῖς ἄλλοις ἀπέλαυσαν, ἀποθανόντων δὲ μόνοι γνησίως τῆς δυστυχίας μετέχουσιν; [77] Ἀλλὰ γὰρ οὐκ οἶδ' ὅ τι δεῖ τοιαῦτα ὀλοφύρεσθαι· οὐ γὰρ ἐλανθάνομεν ἡμᾶς αὐτοὺς ὄντες θνητοί· ὥστε τί δεῖ, ἃ πάλαι προσεδοκῶμεν πείσεσθαι, ὑπὲρ τούτων νῦν ἄχθεσθαι, ἢ λίαν οὕτω βαρέως φέρειν ἐπὶ ταῖς τῆς φύσεως συμφοραῖς, ἐπισταμένους ὅτι ὁ θάνατος κοινὸς καὶ τοῖς χειρίστοις καὶ τοῖς βελτίστοις; Οὔτε γὰρ τοὺς πονηροὺς ὑπερορᾷ οὔτε τοὺς ἀγαθοὺς θαυμάζει, [78] ἀλλ' ἴσον ἑαυτὸν παρέχει πᾶσιν. Εἰ μὲν γὰρ οἷόν τε ἦν τοῖς τοὺς ἐν τῷ πολέμῳ κινδύνους διαφυγοῦσιν ἀθανάτους εἶναι τὸν λοιπὸν χρόνον, ἄξιον ἦν τοῖς ζῶσι τὸν ἅπαντα χρόνον πενθεῖν τοὺς τεθνεῶτας· νῦν δὲ ἥ τε φύσις καὶ νόσων ἥττων καὶ γήρως, ὅ τε δαίμων ὁ τὴν ἡμετέραν μοῖραν εἰληχὼς ἀπαραίτητος. [79] Ὥστε προσήκει τούτους εὐδαιμονεστάτους ἡγεῖσθαι, οἵτινες ὑπὲρ μεγίστων καὶ καλλίστων κινδυνεύσαντες οὕτω τὸν βίον ἐτελεύτησαν, οὐκ ἐπιτρέψαντες περὶ αὑτῶν τῇ τύχῃ οὐδ' ἀναμείναντες τὸν αὐτόματον θάνατον, ἀλλ' ἐκλεξάμενοι τὸν κάλλιστον. Καὶ γάρ τοι ἀγήρατοι μὲν αὐτῶν αἱ μνῆμαι, ζηλωταὶ δὲ ὑπὸ πάντων ἀνθρώπων αἱ τιμαί· [80] Οἳ πενθοῦνται μὲν διὰ τὴν φύσιν ὡς θνητοί, ὑμνοῦνται δὲ ὡς ἀθάνατοι διὰ τὴν ἀρετήν. Καὶ γάρ τοι θάπτονται δημοσίᾳ, καὶ ἀγῶνες τίθενται ἐπ' αὐτοῖς ῥώμης καὶ σοφίας καὶ πλούτου, ὡς ἀξίους ὄντας τοὺς ἐν τῷ πολέμῳ τετελευτηκότας ταῖς αὐταῖς τιμαῖς καὶ τοὺς ἀθανάτους τιμᾶσθαι. [81] Ἐγὼ μὲν οὖν αὐτοὺς καὶ μακαρίζω τοῦ θανάτου καὶ ζηλῶ, καὶ μόνοις τούτοις ἀνθρώπων οἶμαι κρεῖττον εἶναι γενέσθαι, οἵτινες, ἐπειδὴ θνητῶν σωμάτων ἔτυχον, ἀθάνατον μνήμην διὰ τὴν ἀρετὴν αὑτῶν κατέλιπον· ὅμως δ' ἀνάγκη τοῖς ἀρχαίοις ἔθεσι χρῆσθαι, καὶ θεραπεύοντας τὸν πάτριον νόμον ὀλοφύρεσθαι τοὺς θαπτομένους.

[70] Elevés dans les grands principes de leurs ancêtres, on les a vus, au sortir de l'enfance, soutenir la gloire de leurs aïeux, et signaler leur bravoure. Après avoir comblé l'état d'honneur, après avoir éloigné la guerre de l'Attique, et adouci les disgrâces de nos alliés, ils sont morts comme devaient mourir des héros, payant à la patrie le prix de leur éducation, et laissant à leurs pères un trop juste sujet de deuil et de tristesse. [71] Les citoyens qui leur survivent, n'ont donc que trop de motifs de regretter de tels hommes, de pleurer sur eux-mêmes, de s'attendrir sur le destin des parents désolés.

Quel bonheur, en effet, pourrait-il rester à ces parents jusqu'à la fin de leur carrière, lorsqu'ils voient dans le tombeau des hommes qui, préférant la valeur à tout, ont sacrifié généreusement leurs jours, ont laissé leurs femmes veuves, leurs fils orphelins, et réduit à la plus triste solitude leurs frères, leurs pères et leurs mères? [72] Oui, au milieu de nos infortunes, j'envie le sort des enfants, trop jeunes encore pour sentir quels pères ils ont perdus; je plains celui des pères, trop vieux, hélas ! pour avoir le temps d'oublier leur malheur. [73] Quoi de plus cruel, après avoir mis au monde et élevé des enfants, que de se voir, dans la vieillesse, épuisé de forces, privé de toute espérance, sans amis, sans ressources, devenu un objet de compassion, tandis qu'on fut longtemps un objet d'envie ? De tels pères ne doivent-ils pas désirer de mourir? Plus les enfants se sont montrés courageux, plus les parents qui leur survivent ont le droit de s'affliger.[12] [74] Quand pourront-ils oublier leur douleur? Sera-ce dans les malheurs d'Athènes? Mais alors les autres citoyens mêmes se souviendront de la perte que ceux-ci déplorent. Sera-ce dans les prospérités de la patrie? Mais alors ils auront plutôt à s'affliger, en voyant leurs fils morts, et les vivants profiter de la vertu de ces braves qui ne sont plus. Sera-ce dans les malheurs privés, alors qu'ils verront leurs anciens amis fuir leur maison solitaire, et leurs ennemis s'enorgueillir, à la vue de leur infortune et de leur délaissement ? [75] Nous n'avons, ce me semble, qu'une manière d'acquitter notre reconnaissance envers les guerriers ensevelis dans ce monument, c'est d'honorer leurs pères comme eux-mêmes l'auraient fait, de chérir leurs enfants comme s'ils étaient les nôtres, et d'assurer à leurs femmes la protection et le secours qu'elles auraient trouvés dans eux-mêmes. [76] Qui pouvons-nous plus justement honorer que ceux qui reposent ici ? A qui, parmi les vivants, devons-nous de plus légitimes égards qu'aux familles de ces héros? Elles n'ont recueilli que pour une faible part, et comme tout le monde, le fruit de leur courage; elles ont eu tout entière la douleur de leur perte. [77] Mais je ne pense pas qu'il faille ici des pleurs. Nous savons que nous sommes nés mortels. Faut-il donc, quand survient ce que nous avions prévu dès longtemps, nous indigner contre cette loi, et supporter avec tant de peine les malheurs de notre nature? Nous savons que la mort se montre la même envers les hommes les plus vils ou les plus grands; elle ne dédaigne pas les lâches; elle ne respecte pas les braves; elle est égale pour tous. [78] S'il était possible qu'en échappant aux périls de la guerre, on devînt dès lors immortel, les vivants devraient porter toujours le deuil de ceux qui sont morts dans les combats. Mais notre nature est soumise aux maladies, à la vieillesse; et la divinité qui dispose de nos jours est inexorable. [79] Il faut donc regarder comme fortunés ceux qui, bravant le péril pour la plus grande et la plus noble cause, ont ainsi terminé leur vie, ne laissant plus à la fortune de prise sur eux-mêmes, et n'attendant plus la volonté de la mort, mais choisissant à leur gré la fin la plus glorieuse. Aussi leur mémoire ne vieillira pas; leur renommée sera l'envie de tous les hommes. [80] Par la loi de leur nature, ils sont pleures comme mortels; mais par leurs vertus, ils obtiennent des hymnes comme les dieux. On les honore d'une sépulture publique; on ouvre en leur gloire une lice, où combattent la force, le génie, la richesse, afin de montrer qu'il est juste que ceux qui ont terminé leurs jours dans la guerre reçoivent les mêmes honneurs que les immortels. [81] Pour moi, j'admire et j'envie leur mort; et je crois que la naissance n'est un bien que pour ceux qui, du milieu de ce corps périssable, ont laissé, par leurs vertus, un souvenir éternel d'eux-mêmes. Cependant il faut nous conformer aux coutumes antiques, et, suivant l'usage de nos pères verser des larmes sur ces tombeaux.

 

[1] Ces moments étaient quelquefois si courts, que l'orateur désigné se trouvait à peu près dans la nécessité d'improviser. (V. le Ménexène de Platon.)

[2] C'est-à-dire quelques peuplades scythiques. (V. le Panégyrique d'Athènes, par Isocrate.)

[3] Dans les idées des Grecs, la présence d'un cadavre, non seulement souillait le sol sur lequel il reposait, mais encore empêchait les sacrifices offerts dans les temples voisins d'être favorables.

[4] Eleusis, bourg de l'Attique, au N.-O. d'Athènes, sur le golfe Saronique, était pour les Athéniens la ville sainte. C'est la qu'ils célébraient avec magnificence les Mystères de Déméter ou Cérès. Aujourd'hui, ruines, près du village de Lefsina.

[5] La confédération hellénique envoya Léonidas, roi de Sparte défendre, avec sept mille hommes, le défilé des Thermopyles, situé entre la Thessalie et la Locride. Léonidas soutint plusieurs jours avec succès l'assaut des Barbares. Sa résistance étonna Xerxès, qui reconnut avoir amené d'Asie beaucoup d hommes, mais peu de soldats. La différence des institutions des deux peuples explique les résultats prodigieux de leur lutte. Les Spartiates, citoyens d'une ville libre, se préparent à un combat où ils sont certains de trouver la mort, avec la même tranquillité d’âme que s'ils devaient paraître aux jeux olympiques. Les Perses, traînés en esclaves à la guerre, ne marchent au combat que sous le fouet des officiers qui les commandent. Trois fois ils essaient de franchir le défilé, trois fois ils sont repoussés avec perte. Mais un habitant du pays, Éphialte, leur découvre un sentier par lequel ils tournent les Grecs. Le combat s'engage alors dans un espace plus étendu. Léonidas y meurt avec trois cents Spartiates. Les Thespiens partagent le sort de leurs héroïques alliés. Léonidas, sans espoir de vaincre, avait renvoyé les autres troupes, afin de les conserver à la Grèce. (Précis de l'Histoire ancienne, par MM. Poirson et Cayx.)

[6] La flotte arriva à Salamine, en même temps que les troupes de terre fondirent sur l'Attique, et dévastèrent Athènes abandonnée. —Hérodote parle de troupes athéniennes qui avaient été laissées sur le rivage, tandis que les autres combattaient sur les vaisseaux.

[7] Allusion à l'autochtonie dont les Athéniens étaient si fiers. Ils prétendaient (on l'a vu plus haut) que leurs premiers aïeux étaient nés sur place, comme des champignons. Ce n'était pas, en Grèce, la seule folie de ce genre. Les Arcadiens ne s'appelaient-ils pas Prosélènes, c’est-à-dire, plus anciens que la lune.

[8] Ces faits sont rapportés dans le premier livre de Thucydide c. 104 et 105. Les Athéniens s'étaient rendus en Libye, où les appelait le roi Inaros; ils remontèrent le Nil, et, maîtres du fleuve et des deux tiers de Memphis, ils en attaquèrent l'autre tiers. Inaros avait soulevé une grande partie de l'Egypte contre Artaxerxès. — Un peu plus tard, les Corinthiens descendirent, avec leurs alliés, dans la Mégaride, et les Lacédémoniens occupèrent la Géranie, pays situé entre Corinthe et Athènes. On pensait que les Athéniens, occupés en Egypte et à Egine, ne pourraient apporter des secours; mais les vieillards et les jeunes gens restés à Athènes accoururent et vainquirent l'ennemi.

[9] Bataille navale d'Aegos-Potamos.

[10] Celles des Lacédémoniens.

[11] Divisions survenues dans Athènes, sous la domination des trente tyrans; et allusion au rétablissement de la démocratie, par suite des victoires de Thrasybule.

[12] Nous empruntons la traduction de la fin de ce discours à l'Essai sur l'Oraison funèbre, de M. Villemain.