Lysias

LYSIAS

 

XXV. PLAIDOYER POUR UN CITOYEN ACCUSÉ D'AVOIR DÉTRUIT LA DÉMOCRATIE.

ΔΗΜΟΥ ΚΑΤΑΛΥΣΕΩΣ ΑΠΟΛΟΓΙΑ

 

 

 


 

 

LYSIAS

 

SOMMAIRE DU PLAIDOYER POUR UN CITOYEN ACCUSÉ D'AVOIR DÉTRUIT LA DÉMOCRATIE.

 

Un citoyen d'Athènes, sous la domination des Trente, était resté dans la ville avec un grand nombre d'autres; il est accusé d'avoir travaillé à détruire la démocratie. Il se défend d'une manière également noble et solide.

Dans son exorde il expose la malignité de ses accusateurs, il prie les juges de ne point se prêter à leurs sentiments peu raisonnables, il s'engage de prouver que, loin d'avoir nui à la république, il lui a rendu les plus grands services.

Il prouve d'abord son innocence par le procédé de lès adversaires, qui ne lui reprochent, sans doute, les excès des Trente, que parce qu'ils ne peuvent le convaincre d'aucun délit personnel. On ne doit ni condamner ni absoudre personne pour les mauvaises ou les bonnes actions d'autrui. Il examine ensuite assez au long et par le raisonnement et par les faits, quels sont les. citoyens qui doivent naturellement désirer l'oligarchie ou la démocratie. C'cst le principe d'où il part pour établir qu'il ne devoir pas désirer l'oligarchie. Il fait voir que dans l'état oligarchique il n'a possédé aucune charge, il n'a sait de tort à personne, d'où il conclut que, loin d'être persécuté, il doit être honoré dans l'état démocratique. Il exhorte les juges à ne pas imiter l'injustice des tyrans qu'ils blâment, à s'instruire par leurs fautes. La désunion des Trente les à perdus, l'union des citoyens dans la démocratie les sauvera. Il leur rappelle ce qui est arrivé après l'extinction des Quatre-cents et après l'expulsion des Trente, comment de mauvais citoyens ont perdu l'état par leurs procédés violents et injustes, comment le peuple l'a sauvé par sa modération et sa sagesse. A la conduite prudente et modérée de ces excellents patriotes qui ont sait conclure le traité d'union, il oppose les violences de ses adversaires, qu'il trouve plus coupables que les Trente, parce qu'ils manifestent dans le sein même de la démocratie, les passions que ces tyrans montraient dans l'oligarchie. Il avertit les juges que si, animés par eux, ils sévissent contre les citoyens innocents, on croira qu'ils aspirent à un pouvoir tyrannique.

Ce discours, un des plus beaux de Lysias par la solidité des preuves et des principes, et par la noblesse des sentiments, a dû être composé un peu après l'expulsion des Trente, environ l'an 403 ou 402 avant J. C.

 

[1] Ὑμῖν μὲν πολλὴν συγγνώμην ἔχω, ὦ ἄνδρες δικασταί, ἀκούουσι τοιούτων λόγων καὶ ἀναμιμνῃσκομένοις τῶν γεγενημένων, ὁμοίως ἅπασιν ὀργίζεσθαι τοῖς ἐν ἄστει μείνασι· τῶν δὲ κατηγόρων θαυμάζω, οἳ ἀμελοῦντες τῶν οἰκείων τῶν ἀλλοτρίων ἐπιμελοῦνται, εἰ σαφῶς εἰδότες τοὺς μηδὲν ἀδικοῦντας καὶ τοὺς πολλὰ ἐξημαρτηκότας ζητοῦσι [κερδαίνειν ἢ] ὑμᾶς πείθειν περὶ ἁπάντων ἡμῶν τὴν γνώμην ταύτην ἔχειν. [2] Εἰ μὲν οὖν οἴονται, ἃ ὑπὸ τῶν τριάκοντα γεγένηται τῇ πόλει, 〈πάντ´〉 ἐμοῦ κατηγορηκέναι, ἀδυνάτους αὐτοὺς ἡγοῦμαι λέγειν· οὐδὲ γὰρ πολλοστὸν μέρος τῶν ἐκείνοις πεπραγμένων εἰρήκασιν· εἰ δὲ ὡς ἐμοί τι προσῆκον περὶ αὐτῶν ποιοῦνται τοὺς λόγους, ἀποδείξω τούτους μὲν ἅπαντα ψευδομένους, ἐμαυτὸν δὲ τοιοῦτον ὄντα οἷόσπερ ἂν τῶν ἐκ Πειραιῶς 〈ὁ〉 βέλτιστος ἐν ἄστει μείνας ἐγένετο.  [3] Δέομαι δ´ ὑμῶν, ὦ ἄνδρες δικασταί, μὴ τὴν αὐτὴν γνώμην ἔχειν τοῖς συκοφάνταις. τούτων μὲν γὰρ ἔργον ἐστὶ καὶ τοὺς μηδὲν ἡμαρτηκότας εἰς αἰτίαν καθιστάναι (ἐκ τούτων γὰρ ἂν μάλιστα χρηματίζοιντο), ὑμέτερον δὲ τοῖς μηδὲν ἀδικοῦσιν ἐξ ἴσου τῆς πολιτείας μεταδιδόναι· οὕτω γὰρ ἂν τοῖς καθεστηκόσι πράγμασι πλείστους συμμάχους ἔχοιτε.  [4] Ἀξιῶ δέ, ὦ ἄνδρες δικασταί, ἐὰν ἀποφήνω συμφορᾶς μὲν μηδεμιᾶς αἴτιος γεγενημένος, πολλὰ δὲ κἀγαθὰ εἰργασμένος τὴν πόλιν καὶ τῷ σώματι καὶ τοῖς χρήμασι, ταῦτα γοῦν μοι παρ´ ὑμῶν ὑπάρχειν, ὧν οὐ μόνον τοὺς εὖ πεποιηκότας ἀλλὰ καὶ τοὺς μηδὲν ἀδικοῦντας τυγχάνειν δίκαιόν ἐστι.

[5] Μέγα μὲν οὖν ἡγοῦμαί 〈μοι〉 τεκμήριον εἶναι, ὅτι, εἴπερ ἐδύναντο οἱ κατήγοροι ἰδίᾳ με ἀδικοῦντα ἐξελέγξαι, οὐκ ἂν τὰ τῶν τριάκοντα ἁμαρτήματα ἐμοῦ κατηγόρουν, οὐδ´ ἂν ᾤοντο χρῆναι ὑπὲρ τῶν ἐκείνοις πεπραγμένων ἑτέρους διαβάλλειν, ἀλλ´ αὐτοὺς τοὺς ἀδικοῦντας τιμωρεῖσθαι· νῦν δὲ νομίζουσι τὴν πρὸς ἐκείνους ὀργὴν ἱκανὴν εἶναι καὶ τοὺς μηδὲν κακὸν εἰργασμένους ἀπολέσαι.  [6] Ἐγὼ δὲ οὐχ ἡγοῦμαι δίκαιον εἶναι οὔτε εἴ τινες τῇ πόλει πολλῶν ἀγαθῶν αἴτιοι γεγένηνται, ἄλλους τινὰς ὑπὲρ τούτων τιμὴν ἢ χάριν κομίσασθαι παρ´ ὑμῶν, οὔτ´ εἴ τινες πολλὰ κακὰ εἰργασμένοι εἰσίν, εἰκότως ἂν δι´ ἐκείνους τοὺς μηδὲν ἀδικοῦντας ὀνείδους καὶ διαβολῆς τυγχάνειν· ἱκανοὶ γὰρ οἱ ὑπάρχοντες ἐχθροὶ τῇ πόλει καὶ μέγα κέρδος νομίζοντες εἶναι τοὺς ἀδίκως ἐν ταῖς διαβολαῖς καθεστηκότας.

[7] Πειράσομαι δ´ ὑμᾶς διδάξαι, οὓς ἡγοῦμαι τῶν πολιτῶν προσήκειν ὀλιγαρχίας ἐπιθυμεῖν καὶ 〈οὓς〉 δημοκρατίας. κ τούτου γὰρ καὶ ὑμεῖς γνώσεσθε, κἀγὼ περὶ ἐμαυτοῦ τὴν ἀπολογίαν ποιήσομαι, ἀποφαίνων ὡς οὔτε ἐξ ὧν ἐν δημοκρατίᾳ οὔτε ἐξ ὧν ἐν ὀλιγαρχίᾳ πεποίηκα, οὐδέν μοι προσῆκον κακόνουν εἶναι τῷ πλήθει τῷ ὑμετέρῳ.

[8] Πρῶτον μὲν οὖν ἐνθυμηθῆναι χρὴ ὅτι οὐδείς ἐστιν ἀνθρώπων φύσει οὔτε ὀλιγαρχικὸς οὔτε δημοκρατικός, ἀλλ´ ἥτις ἂν ἑκάστῳ πολιτεία συμφέρῃ, ταύτην προθυμεῖται καθεστάναι· ὥστε οὐκ ἐλάχιστον ἐν ὑμῖν ἐστι μέρος ὡς πλείστους ἐπιθυμεῖν τῶν παρόντων νυνὶ πραγμάτων. Καὶ ταῦτα ὅτι οὕτως ἔχει, οὐ χαλεπῶς ἐκ τῶν πρότερον γεγενημένων μαθήσεσθε. [9] Σκέψασθε γάρ, ὦ ἄνδρες δικασταί, τοὺς προστάντας ἀμφοτέρων 〈τῶν〉 πολιτειῶν, ὁσάκις δὴ μετεβάλοντο. Οὐ Φρύνιχος μὲν καὶ Πείσανδρος καὶ οἱ μετ´ ἐκείνων δημαγωγοί, ἐπειδὴ πολλὰ εἰς ὑμᾶς ἐξήμαρτον, τὰς περὶ τούτων δείσαντες τιμωρίας τὴν προτέραν ὀλιγαρχίαν κατέστησαν, πολλοὶ δὲ τῶν τετρακοσίων μετὰ τῶν ἐκ Πειραιῶς συγκατῆλθον, ἔνιοι δὲ τῶν ἐκείνους ἐκβαλόντων αὐτοὶ αὖθις τῶν τριάκοντα ἐγένοντο; εἰσὶ δὲ οἵτινες τῶν Ἐλευσῖνάδε ἀπογραψαμένων, ἐξελθόντες μεθ´ ὑμῶν, ἐπολιόρκουν τοὺς μεθ´ αὑτῶν.  [10] Οὔκουν χαλεπὸν γνῶναι, ὦ ἄνδρες δικασταί, ὅτι οὐ περὶ πολιτείας εἰσὶν αἱ πρὸς ἀλλήλους διαφοραί, ἀλλὰ περὶ τῶν ἰδίᾳ συμφερόντων ἑκάστῳ. μᾶς οὖν χρὴ ἐκ τούτων δοκιμάζειν τοὺς πολίτας, σκοποῦντας μὲν ὅπως ἦσαν ἐν τῇ δημοκρατίᾳ πεπολιτευμένοι, ζητοῦντας δὲ εἴ τις αὐτοῖς ἐγίγνετο ὠφέλεια τῶν πραγμάτων μεταπεσόντων· οὕτως γὰρ ἂν δικαιοτάτην 〈τὴν〉 κρίσιν περὶ αὐτῶν ποιοῖσθε.

[1] Lorsqu'on vous débite des discours tels que vous venez d'en entendre, et qu'on vous rappelle vos malheurs passés, je vous trouve fort excusables, Athéniens, d'en vouloir également à tous ceux qui sont restés dans la ville ; mais j'admire les accusateurs qui négligent leurs propres affaires pour s'occuper de celles d'autrui, qui, connaissant les vrais coupables et ceux qui ne le sont pas, ne cherchent qu'à tirer de l'argent, et à vous inspirer les mêmes sentiments à l'égard de tous. [2] S'ils ont eu moins en vue de m'accuser que d'exposer les maux où les Trente ont plongé la république, je leur crois fort peu d'éloquence, puisqu'ils n'ont rapporté que la moindre partie des excès de ces tyrans. S'ils prétendent que j'ai trempé dans leurs crimes, je montrerai que c'est une pure calomnie, et que je suis tel qu'aurait été le meilleur citoyen venu du Pirée s'il sut resté à Athènes. [3] Je vous prie, Athéniens ; de ne pas régler vos sentiments sur ceux de vils calomniateurs. Leur office est d'inquiéter des citoyens irréprochables, c'est pour eux le meilleur moyen, de s'enrichir , votre intérêt est de laisser à ces mêmes citoyens tous leurs privilèges, assurés que par là vous multiplierez les partisans de la constitution présente. [4] Si donc je puis vous prouver que, loin de vous avoir causé quelque disgrâce, j'ai rendu à la république nombre de grands services, que je l'ai secourue et de ma fortune et de ma personne, traitez. moi, je vous conjure, comme il est juste de. traiter ceux qui vous ont sait du bien sans vous avoir jamais sait aucun mal.

[5] Une forte preuve, sans contredit, de mon innocence, c'est que si les accusateurs pouvaient me convaincre de quelque délit personnel, ils ne s'arriéreraient pas à me reprocher les excès des Trente, ils ne chercheraient pas à me décrier à cause de ces tyrans, mais ils poursuivraient les Trente eux-mêmes. Au lieu de cela, ils s'imaginent que l'indignation que vous avez conçue contre les oppresseurs d'Athènes, est un prétexte suffisant pour perdre des particuliers sans reproche. [6] Mais, parce que des citoyens zélés ont rendu à l'état d'importants services, serait-il juste d'accorder à d'autres des grâces et des honneurs ? ou parce que des hommes durs et superbes l'ont plongé dans des maux affreux, est-ce une raison pour décrier et persécuter des citoyens innocents ? La république a assez d'ennemis, pour lesquels, sans doute, il est utile que chez vous les gens de bien soient en butte à la calomnie.

[7] Je vais essayer de vous apprendre quels sont les citoyens qui doivent naturellement désirer l'oligarchie ou la démocratie : car par-là je vous instruirai en me justifiant moi-même ; et vous verrez que, d'après ma conduite dans l'un et l'autre gouvernement ; je ne dois pas être mal intentionné pour le peuple.

[8] Avant tout, posons pour principe, que nul homme par caractère n'est partisan de l'état oligarchique ou démocratique : chacun désire de changer de gouvernement suivant son intérêt ; de sorte qu'il dépend de vous en grande partie qu'il y ait beaucoup d'hommes zélés pour la constitution actuelle. Les événements passés doivent vous convaincre de ce que je dis. [9] Voyez combien les chefs des deux gouvernements ont changé de sois. N'est-ce pas après avoir commis envers vous nombre d'excès dont, ils craignaient la punition, que Phrynique, Pisandre (01), et les autres qui gouvernaient avec eux, établirent la première oligarchie ? plusieurs des Quatre-cents ne sont-ils pas revenus avec les citoyens du Pirée ? Quelques uns de ceux qui avaient chassé les Quatre-cents, ne furent-ils pas eux-mêmes du nombre des Trente ? Parmi les citoyens enrôlés pour Eleusis (02), et qui surent assiégés avec ces derniers tyrans, ne s'en trouvait-il pas qui s'étaient mis en campagne avec vous ? [10] Il est donc évident que c'est moins pour le gouvernement qu'on se dispute que pour des intérêts particuliers. C'est sur ces principes qu'on doit nous examiner ; et la meilleure manière dont vous puissiez juger d'un citoyen, c'est de considérer comment il s'est conduit sous le règne démocratique, et s'il avait quelque intérêt à ce qu'il arrivât une révolution.

[11] Ἐγὼ τοίνυν ἡγοῦμαι, ὅσοι μὲν ἐν τῇ δημοκρατίᾳ ἄτιμοι ἦσαν [εὐθύνας δεδωκότες] ἢ τῶν ὄντων ἀπεστερημένοι ἢ ἄλλῃ τινὶ συμφορᾷ τοιαύτῃ κεχρημένοι, προσήκειν αὐτοῖς ἑτέρας ἐπιθυμεῖν πολιτείας, ἐλπίζοντας τὴν μεταβολὴν ὠφέλειάν τινα αὑτοῖς ἔσεσθαι· ὅσοι δὲ τὸν δῆμον πολλὰ κἀγαθὰ εἰργασμένοι εἰσί, κακὸν δὲ μηδὲν πώποτε, ὀφείλεται δὲ αὐτοῖς χάριν κομίσασθαι παρ´ ὑμῶν μᾶλλον ἢ δοῦναι δίκην τῶν πεπραγμένων, οὐκ ἄξιον τὰς 〈περὶ〉 τούτων ἀποδέχεσθαι διαβολάς, οὐδ´ ἐὰν πάντες οἱ τὰ τῆς πόλεως πράττοντες ὀλιγαρχικοὺς αὐτοὺς φάσκωσιν εἶναι. [12] Ἐμοὶ τοίνυν, ὦ ἄνδρες δικασταί, οὔτ´ ἰδίᾳ οὔτε δημοσίᾳ συμφορὰ ἐν ἐκείνῳ τῷ χρόνῳ οὐδεμία πώποτε ἐγένετο, ἀνθ´ ἧς τινος ἂν προθυμούμενος τῶν παρόντων κακῶν ἀπαλλαγῆναι ἑτέρων ἐπεθύμουν πραγμάτων. Πετριηράρχηκά τε γὰρ πεντάκις, καὶ τετράκις νεναυμάχηκα καὶ εἰσφορὰς ἐν τῷ πολέμῳ πολλὰς εἰσενήνοχα, καὶ τἆλλα λελῃτούργηκα οὐδενὸς χεῖρον τῶν πολιτῶν.  [13] Καίτοι διὰ τοῦτο πλείω τῶν ὑπὸ τῆς πόλεως προσταττομένων ἐδαπανώμην, ἵνα καὶ βελτίων ὑφ´ ὑμῶν νομιζοίμην, καὶ εἴ πού μοί τις συμφορὰ γένοιτο, ἄμεινον ἀγωνιζοίμην. ν ἐν τῇ ὀλιγαρχίᾳ ἁπάντων ἀπεστερούμην· οὐ γὰρ τοὺς τῷ πλήθει ἀγαθοῦ τινος αἰτίους γεγενημένους χάριτος παρ´ αὑτῶν ἠξίουν τυγχάνειν, ἀλλὰ τοὺς πλεῖστα κακὰ ὑμᾶς εἰργασμένους εἰς τὰς τιμὰς καθίστασαν, ὡς ταύτην παρ´ ἡμῶν πίστιν εἰληφότες. χρὴ πάντας ἐνθυμουμένους μὴ τοῖς τούτων λόγοις πιστεύειν, ἀλλὰ [καὶ] ἐκ τῶν ἔργων σκοπεῖν ἃ ἑκάστῳ τυγχάνει πεπραγμένα. [14] Ἐγὼ γάρ, ὦ ἄνδρες δικασταί, οὔτε τῶν τετρακοσίων ἐγενόμην· ἢ τῶν κατηγόρων ὁ βουλόμενος παρελθὼν ἐλεγξάτω· οὐ τοίνυν οὐδ´ ἐπειδὴ οἱ τριάκοντα κατέστησαν, οὐδείς με ἀποδείξει οὔτε βουλεύσαντα οὔτε ἀρχὴν οὐδεμίαν ἄρξαντα. καίτοι εἰ μὲν ἐξόν μοι ἄρχειν μὴ ἐβουλόμην, ὑφ´ ὑμῶν νυνὶ τιμᾶσθαι δίκαιός εἰμι· εἰ δὲ οἱ τότε δυνάμενοι μὴ ἠξίουν μοι μεταδιδόναι τῶν πραγμάτων, πῶς ἂν φανερώτερον ἢ οὕτως ψευδομένους ἀποδείξαιμι τοὺς κατηγόρους;

[15] Ἔτι τοίνυν, ὦ ἄνδρες δικασταί, καὶ ἐκ τῶν ἄλλων τῶν ἐμοὶ πεπραγμένων ἄξιον σκέψασθαι. γὼ γὰρ τοιοῦτον ἐμαυτὸν ἐν ταῖς τῆς πόλεως συμφοραῖς παρέσχον ὥστε, εἰ πάντες τὴν αὐτὴν γνώμην ἔσχον ἐμοί, μηδένα ἂν ὑμῶν μηδεμιᾷ χρήσασθαι συμφορᾷ. π´ ἐμοῦ γὰρ ἐν τῇ ὀλιγαρχίᾳ οὔτε ἀπαχθεὶς οὐδεὶς φανήσεται, οὔτε τῶν ἐχθρῶν οὐδεὶς τετιμωρημένος, οὔτε τῶν φίλων εὖ πεπονθώς. [16] (Καὶ τοῦτο μὲν οὐκ ἄξιον θαυμάζειν· εὖ μὲν γὰρ ποιεῖν ἐν ἐκείνῳ τῷ χρόνῳ χαλεπὸν ἦν, ἐξαμαρτάνειν δὲ τῷ βουλομένῳ ῥᾴδιον.) Οὐ τοίνυν οὐδ´ εἰς τὸν κατάλογον Ἀθηναίων καταλέξας οὐδένα φανήσομαι, οὐδὲ δίαιταν καταδιαιτησάμενος οὐδενός, οὐδὲ πλουσιώτερος ἐκ τῶν ὑμετέρων γεγονὼς συμφορῶν. Καίτοι εἰ τοῖς τῶν γεγενημένων κακῶν αἰτίοις ὀργίζεσθε, εἰκὸς καὶ τοὺς μηδὲν ἡμαρτηκότας βελτίους ὑφ´ ὑμῶν νομίζεσθαι. [17] Καὶ μὲν δή, ὦ ἄνδρες δικασταί, μεγίστην ἡγοῦμαι περὶ ἐμαυτοῦ τῇ δημοκρατίᾳ πίστιν δεδωκέναι. στις γὰρ τότε οὐδὲν ἐξήμαρτον οὕτω πολλῆς δεδομένης ἐξουσίας, ἦ που νῦν σφόδρα προθυμηθήσομαι χρηστὸς εἶναι, εὖ εἰδὼς ὅτι, ἐὰν ἀδικῶ, παραχρῆμα δώσω δίκην. λλὰ γὰρ τοιαύτην διὰ τέλους γνώμην ἔχω, ὥστε ἐν ὀλιγαρχίᾳ μὲν μὴ ἐπιθυμεῖν τῶν ἀλλοτρίων, ἐν δημοκρατίᾳ δὲ τὰ ὄντα προθύμως εἰς ὑμᾶς ἀναλίσκειν. [18] Ἡγοῦμαι δέ, ὦ ἄνδρες δικασταί, οὐκ ἂν δικαίως ὑμᾶς μισεῖν τοὺς ἐν τῇ ὀλιγαρχίᾳ μηδὲν πεπονθότας κακόν, ἐξὸν ὀργίζεσθαι τοῖς εἰς τὸ πλῆθος ἐξημαρτηκόσιν, οὐδὲ τοὺς μὴ φυγόντας ἐχθροὺς νομίζειν, ἀλλὰ τοὺς ὑμᾶς ἐκβαλόντας, οὐδὲ τοὺς προθυμουμένους τὰ ἑαυτῶν σῶσαι, ἀλλὰ τοὺς τὰ τῶν ἄλλων ἀφῃρημένους, οὐδὲ οἳ τῆς σφετέρας αὐτῶν σωτηρίας ἕνεκα ἔμειναν ἐν τῷ ἄστει, ἀλλ´ οἵτινες ἑτέρους ἀπολέσαι βουλόμενοι μετέσχον τῶν πραγμάτων. Εἰ δὲ οἴεσθε χρῆναι, οὓς ἐκεῖνοι παρέλιπον ἀδικοῦντες, ὑμεῖς ἀπολέσαι, οὐδεὶς τῶν πολιτῶν ὑπολειφθήσεται.

[19]  Σκοπεῖν δὲ χρὴ καὶ ἐκ τῶνδε, ὦ ἄνδρες δικασταί. πάντες γὰρ ἐπίστασθε ὅτι ἐν τῇ προτέρᾳ δημοκρατίᾳ τῶν τὰ τῆς πόλεως πραττόντων πολλοὶ μὲν τὰ δημόσια ἔκλεπτον, ἔνιοι δ´ ἐπὶ τοῖς ὑμετέροις ἐδωροδόκουν, οἱ δὲ συκοφαντοῦντες τοὺς συμμάχους ἀφίστασαν. Καὶ εἰ μὲν οἱ τριάκοντα τούτους μόνους ἐτιμωροῦντο, ἄνδρας ἀγαθοὺς καὶ ὑμεῖς ἂν αὐτοὺς ἡγεῖσθε· νῦν δέ, ὅτε ὑπὲρ τῶν ἐκείνοις ἡμαρτημένων τὸ πλῆθος κακῶς ποιεῖν ἠξίουν, ἠγανακτεῖτε, ἡγούμενοι δεινὸν εἶναι τὰ τῶν ὀλίγων ἀδικήματα πάσῃ τῇ πόλει κοινὰ γίγνεσθαι. [20] Οὐ τοίνυν ἄξιον χρῆσθαι τούτοις, οἷς ἐκείνους ἑωρᾶτε ἐξαμαρτάνοντας, οὐδὲ ἃ πάσχοντες ἄδικα ἐνομίζετε πάσχειν, ὅταν ἑτέρους ποιῆτε, δίκαια ἡγεῖσθαι, ἀλλὰ τὴν αὐτὴν κατελθόντες περὶ ἡμῶν γνώμην ἔχετε, ἥνπερ φεύγοντες περὶ ὑμῶν αὐτῶν εἴχετε· ἐκ τούτων γὰρ καὶ ὁμόνοιαν πλείστην ποιήσετε, καὶ ἡ πόλις ἔσται μεγίστη, καὶ τοῖς ἐχθροῖς ἀνιαρότατα ψηφιεῖσθε.

[11] Pour moi, je pense que tous ceux qui dans la démocratie avaient été diffamés après avoir rendu leurs comptes, qui avaient perdu leurs biens, ou qui étaient tombés dans quelque autre disgrâce, devaient faire des vœux pour un autre gouvernement, et se flatter qu'une révolution leur serait avantageuse. Quant aux particuliers qui ont rendu au peuple de grands services, qui ne lui donnèrent jamais aucun sujet de plainte, et que vous devez récompenser plutôt que punir d'après leur conduite; on ne doit pas même écouter les calomnies débitées. contre eux, quand même tous nos orateurs politiques les représenteraient comme partisans de l'oligarchie. [12] Or, Athéniens, il ne m'était alors survenu aucune disgrâce quelconque qui pût me saire désirer de sortir d'embarras, et soupirer après une autre constitution. J'avais été cinq fois commandant de vaisseau ; je m'étais trouvé à quatre batailles navales ; pendant la guerre, j'avais souvent contribué de ma fortune ; j'avais rempli les autres charges avec autant d'ardeur que personne.[13]  Toutefois je faisais plus de dépenses qu'on ne pouvait en exiger à la rigueur, afin que vous eussiez de moi une meilleure opinion, et que si on m'intentait un jour quelque procès criminel, je plaidasse avec plus d'avantage. J'étais privé du fruit de ces actions dans l'état oligarchique. Car, sans doute, les tyrans ne prétendaient pas récompenser ceux qui avaient sait quelque bien au peuple ; ils distinguaient au contraire, ils élevaient aux honneurs ceux qui vous avaient fait le plus de mal : c'était là comme le gage qu'ils recevaient de notre foi. Ces réflexions doivent vous saire rejeter les discours de mes adversaires, et c'est par les faits mêmes que vous devez juger de la conduite de chacun de nous. [14] Je n'étais pas des Quatre-cents ; ou que celui de mes ennemis qui le voudra paraisse et m'en convainque. On ne prouvera pas non plus que, sous les Trente, je sois entré dans le sénat, ni que j'aie possédé quelque charge. Cependant, si je refusai alors de m'élever aux honneurs quoique je pusse y parvenir, n'est-il pas juste qu'aujourd'hui je sois honoré par mes compatriotes ? et si ceux qui avaient alors la puissance ne me donnèrent aucune part dans l'administration, puis-je prouver plus clairement l'imposture de mes accusateurs ?

[15] Examinez encore, Athéniens, le reste de ma conduite. Je me suis tellement comporté dans les infortunes de la patrie, que, si tout le monde eût pensé comme moi, mil de vous n'aurait essuyé aucune disgrâce. On ne m'a vu dans l'oligarchie, traîner qui que ce soit en prison : je n'ai persécuté aucun de mes ennemis, ni même obligé aucun de mes amis. [16] Toutefois cette dernière circonstance n'est pas celle dont je m'applaudis davantage, parce que dans ces tems de trouble il n'était pas facile d'obliger, et que celui qui vouloir nuire le pouvait sans peine. On ne me vit donc alors ni enregistrer personne par fraude au nombre des Athéniens, ni condamner personne par une sentence judiciaire, ni m'enrichir de vos malheurs. Cependant, si vous avez sujet d'être animés contre les auteurs de vos maux, n'est-il pas naturel que vous regardiez comme de bons citoyens ceux qui ne vous firent aucun mal? [17] Je crois avoir donné d'assez bons garants de ce que je puis être dans la démocratie. Moi donc qui ne commis aucune saute lorsqu'il m'était si facile d'en commettre, à plus sorte raison, sans doute, m'efforcerai-je maintenant d'être un citoyen vertueux, persuadé que si je venais à prévariquer, je ne tarderais pas d'en être puni. Mais enfin, et tels frent toujours mes principes, dans l'état oligarchique je n'enviai jamais le bien d'autrui ; dans le démocratique, je prodiguai le mien pour vous avec ardeur. [18] Or il me semble que ce ne sont pas ceux qui ont échappé aux persécutions de l'oligarchie, qui doivent encourir votre haine et votre indignation, mais les persécuteurs du peuple ; il me semble que vous devez regarder comme ennemis non ceux qui ne surent pas exilés, mais ceux qui vous chassèrent de votre patrie ; non ceux qui se montrèrent jaloux de retenir leur fortune, mais ceux qui ravirent celle des autres; non ceux qui restèrent dans la ville pour leur propre conservation, mais ceux qui prirent part aux affaires avec le dessein formé d'opprimer l'innocence. Si vous vous arrogez l'injuste droit de perdre les citoyens qu'épargnèrent les tyrans, que deviendront la plupart de nous ?

[19] Voici une remarque qui mérite aussi quelque attention. Vous savez tous que dans la première démocratie, la plupart des chefs de notre ville pillaient ses revenus ; vous en avez vu plusieurs qui trafiquaient de vos privilèges, et d'autres qui par leurs calomnies vous faisaient abandonner de vos alliés. Si les Trente n'eussent exercé leur sévérité que contre de tels hommes, vous les reconnaîtriez vous-mêmes pour de bons citoyens; mais, comme ils semblaient vouloir rendre le peuple responsable des excès qui lui étaient étrangers, une telle injustice vous révoltait, vous étiez indignés qu'on imputât à toute la ville des crimes qui n'appartenaient qu'à un petit nombre. [20] Craignez donc de tomber dans les mêmes excès que vous blâmez dans vos tyrans, et ne vous imaginez pas que les mêmes traitements que vous regardiez comme injustes par rapport à vous, puisent être justes par rapport à d'autres. Prenez pour les autres, après votre retour, les sentiments que vous aviez pour vous-mêmes dans votre exil. Par-là, vous étendrez l'union mutuelle, la ville deviendra puissante, et la sagesse de vos démarches causera à vos ennemis de mortels déplaisirs.

[21] Ἐνθυμηθῆναι δὲ χρή, ὦ ἄνδρες δικασταί, καὶ τῶν ἐπὶ τῶν τριάκοντα γεγενημένων, ἵνα τὰ τῶν ἐχθρῶν ἁμαρτήματα ἄμεινον ὑμᾶς ποιήσῃ περὶ τῶν ὑμετέρων αὐτῶν βουλεύσασθαι. τε μὲν γὰρ ἀκούοιτε τοὺς ἐν ἄστει τὴν αὐτὴν γνώμην ἔχειν, μικρὰς 〈τὰς〉 ἐλπίδας εἴχετε τῆς καθόδου, ἡγούμενοι τὴν ἡμετέραν ὁμόνοιαν μέγιστον κακὸν εἶναι τῇ ὑμετέρᾳ φυγῇ· [22] Ἐπειδὴ δὲ ἐπυνθάνεσθε τοὺς μὲν τρισχιλίους στασιάζοντας, τοὺς ἄλλους δὲ πολίτας ἐκ τοῦ ἄστεως ἐκκεκηρυγμένους, τοὺς δὲ τριάκοντα μὴ τὴν αὐτὴν γνώμην ἔχοντας, πλείους δ´ ὄντας τοὺς ὑπὲρ ὑμῶν δεδιότας ἢ τοὺς ὑμῖν πολεμοῦντας, τότ´ ἤδη καὶ κατιέναι προσεδοκᾶτε καὶ παρὰ τῶν ἐχθρῶν λήψεσθαι δίκην. Ταὐτὰ γὰρ τοῖς θεοῖς ηὔχεσθε, ἅπερ ἐκείνους ἑωρᾶτε ποιοῦντας, ἡγούμενοι διὰ τὴν τῶν τριάκοντα πονηρίαν πολὺ μᾶλλον σωθήσεσθαι ἢ διὰ τὴν τῶν φευγόντων δύναμιν κατιέναι.  [23] Χρὴ τοίνυν, ὦ ἄνδρες δικασταί, τοῖς πρότερον γεγενημένοις παραδείγμασι χρωμένους βουλεύεσθαι περὶ τῶν μελλόντων ἔσεσθαι, καὶ τούτους ἡγεῖσθαι δημοτικωτάτους, οἵτινες ὁμονοεῖν ὑμᾶς βουλόμενοι τοῖς ὅρκοις καὶ ταῖς συνθήκαις ἐμμένουσι, νομίζοντες καὶ τῆς πόλεως ταύτην ἱκανωτάτην εἶναι σωτηρίαν καὶ τῶν ἐχθρῶν μεγίστην τιμωρίαν· οὐδὲν γὰρ ἂν εἴη αὐτοῖς τούτων χαλεπώτερον, ἢ πυνθάνεσθαι μὲν ἡμᾶς μετέχοντας τῶν πραγμάτων, αἰσθάνεσθαι δὲ οὕτως διακειμένους τοὺς πολίτας ὥσπερ μηδενὸς ἐγκλήματος πρὸς ἀλλήλους γεγενημένου. [24] Χρὴ δὲ εἰδέναι, ὦ ἄνδρες δικασταί, ὅτι οἱ φεύγοντες τῶν ἄλλων πολιτῶν ὡς πλείστους καὶ διαβεβλῆσθαι καὶ ἠτιμῶσθαι βούλονται, ἐλπίζοντες τοὺς ὑφ´ ὑμῶν ἀδικουμένους ἑαυτοῖς ἔσεσθαι συμμάχους, τοὺς δὲ συκοφάντας εὐδοκιμεῖν δέξαιντ´ ἂν παρ´ ὑμῖν καὶ μέγα δύνασθαι ἐν τῇ πόλει· τὴν γὰρ τούτων πονηρίαν ἑαυτῶν ἡγοῦνται σωτηρίαν.

[25] Ἄξιον δὲ μνησθῆναι 〈καὶ〉 τῶν μετὰ τοὺς τετρακοσίους πραγμάτων· εὖ γὰρ εἴσεσθε ὅτι, ἃ μὲν οὗτοι συμβουλεύουσιν, οὐδεπώποτε ὑμῖν ἐλυσιτέλησεν, ἃ δ´ ἐγὼ παραινῶ, ἀμφοτέραις ἀεὶ ταῖς πολιτείαις συμφέρει. στε γὰρ Ἐπιγένην καὶ Δημοφάνην καὶ Κλεισθένην ἰδίᾳ μὲν καρπωσαμένους τὰς τῆς πόλεως συμφοράς, δημοσίᾳ δὲ ὄντας μεγίστων κακῶν αἰτίους.  [26] Ἐνίων μὲν γὰρ ἔπεισαν ὑμᾶς ἀκρίτων θάνατον καταψηφίσασθαι, πολλῶν δὲ ἀδίκως δημεῦσαι τὰς οὐσίας, τοὺς δ´ ἐξελάσαι καὶ ἀτιμῶσαι τῶν πολιτῶν· τοιοῦτοι γὰρ ἦσαν ὥστε τοὺς μὲν ἡμαρτηκότας ἀργύριον λαμβάνοντες ἀφιέναι, τοὺς δὲ μηδὲν ἠδικηκότας εἰς ὑμᾶς εἰσιόντες ἀπολλύναι. Καὶ οὐ πρότερον ἐπαύσαντο, ἕως τὴν μὲν πόλιν εἰς στάσεις καὶ τὰς μεγίστας συμφορὰς κατέστησαν, αὐτοὶ δ´ ἐκ πενήτων πλούσιοι ἐγένοντο.  [27] Ὑμεῖς δὲ οὕτως διετέθητε ὥστε τοὺς μὲν φεύγοντας κατεδέξασθε, τοὺς δ´ ἀτίμους ἐπιτίμους ἐποιήσατε, τοῖς δ´ ἄλλοις περὶ ὁμονοίας ὅρκους ὤμνυτε· τελευτῶντες δὲ ἥδιον ἂν τοὺς ἐν τῇ δημοκρατίᾳ συκοφαντοῦντας ἐτιμωρήσασθε ἢ τοὺς ἄρξαντας ἐν τῇ ὀλιγαρχίᾳ. Καὶ εἰκότως, ὦ ἄνδρες δικασταί· πᾶσι γὰρ ἤδη φανερόν ἐστιν ὅτι διὰ τοὺς μὲν ἀδίκως πολιτευομένους ἐν τῇ ὀλιγαρχίᾳ δημοκρατία γίγνεται, διὰ δὲ τοὺς ἐν τῇ δημοκρατίᾳ συκοφαντοῦντας ὀλιγαρχία δὶς κατέστη. στε οὐκ ἄξιον τούτοις πολλάκις χρῆσθαι συμβούλοις, οἷς οὐδὲ ἅπαξ ἐλυσιτέλησε πειθομένοις.

[29] Σκέψασθαι δὲ χρὴ ὅτι καὶ τῶν ἐκ Πειραιῶς οἱ μεγίστην δόξαν ἔχοντες καὶ μάλιστα κεκινδυνευκότες καὶ πλεῖστα ὑμᾶς ἀγαθὰ εἰργασμένοι πολλάκις ἤδη τῷ ὑμετέρῳ πλήθει διεκελεύσαντο τοῖς ὅρκοις καὶ ταῖς συνθήκαις ἐμμένειν, ἡγούμενοι ταύτην δημοκρατίας εἶναι φυλακήν· τοῖς μὲν γὰρ ἐξ ἄστεως ὑπὲρ τῶν παρεληλυθότων ἄδειαν ποιήσειν, τοῖς δ´ ἐκ Πειραιῶς οὕτως πλεῖστον 〈ἂν〉 χρόνον τὴν πολιτείαν παραμεῖναι.  [30] Οἷς ὑμεῖς πολὺ ἂν δικαιότερον πιστεύοιτε ἢ τούτοις, οἳ φεύγοντες μὲν δι´ ἑτέρους ἐσώθησαν, κατελθόντες δὲ συκοφαντεῖν ἐπιχειροῦσιν. γοῦμαι δέ, ὦ ἄνδρες δικασταί, τοὺς μὲν τὴν αὐτὴν γνώμην ἔχοντας ἐμοὶ τῶν ἐν ἄστει μεινάντων φανεροὺς γεγενῆσθαι καὶ ἐν ὀλιγαρχίᾳ καὶ ἐν δημοκρατίᾳ, ὁποῖοί τινές εἰσι πολῖται·  [30] Τούτων δ´ ἄξιον θαυμάζειν, ὅ τι ἂν ἐποίησαν, εἴ τις αὐτοὺς εἴασε τῶν τριάκοντα γενέσθαι, οἳ νῦν δημοκρατίας οὔσης ταὐτὰ ἐκείνοις πράττουσι, καὶ ταχέως μὲν ἐκ πενήτων πλούσιοι γεγένηνται, πολλὰς δὲ ἀρχὰς ἄρχοντες οὐδεμιᾶς εὐθύνην διδόασιν, ἀλλ´ ἀντὶ μὲν ὁμονοίας ὑποψίαν πρὸς ἀλλήλους πεποιήκασιν, ἀντὶ δὲ εἰρήνης πόλεμον κατηγγέλκασι, διὰ τούτους δὲ ἄπιστοι τοῖς Ἕλλησι γεγενήμεθα.  

[31] Καὶ τοσούτων κακῶν καὶ ἑτέρων πολλῶν ὄντες αἴτιοι, καὶ οὐδὲν διαφέροντες τῶν τριάκοντα πλὴν ὅτι ἐκεῖνοι μὲν ὀλιγαρχίας οὔσης ἐπεθύμουν ὧνπερ οὗτοι, οὗτοι δὲ καὶ δημοκρατίας τῶν αὐτῶν ὧνπερ ἐκεῖνοι, ὅμως οἴονται χρῆναι οὕτως ῥᾳδίως ὃν ἂν βούλωνται κακῶς ποιεῖν, ὥσπερ τῶν μὲν ἄλλων ἀδικούντων, ἄριστοι δὲ ἄνδρες αὐτοὶ γεγενημένοι. [32] (Καὶ τούτων μὲν οὐκ ἄξιον θαυμάζειν, ὑμῶν δέ, ὅτι οἴεσθε μὲν δημοκρατίαν εἶναι, γίγνεται δὲ ὅ τι ἂν οὗτοι βούλωνται, καὶ δίκην διδόασιν οὐχ οἱ τὸ ὑμέτερον πλῆθος ἀδικοῦντες, ἀλλ´ οἱ τὰ σφέτερα αὐτῶν μὴ διδόντες). Καὶ δέξαιντ´ ἂν μικρὰν εἶναι τὴν πόλιν μᾶλλον ἢ δι´ ἄλλους μεγάλην καὶ ἐλευθέραν,  [33] Ἡγούμενοι νῦν μὲν διὰ τοὺς ἐκ Πειραιῶς κινδύνους αὑτοῖς ἐξεῖναι ποιεῖν ὅ τι ἂν βούλωνται, ἐὰν δ´ ὕστερον ὑμῖν δι´ ἑτέρους σωτήρια γένηται, τούτους μὲν πεπαύσεσθαι, ἐκείνους δὲ μεῖζον δυνήσεσθαι· ὥστε τὸ αὐτὸ πάντες ἐμποδών εἰσιν, ἐάν τι δι´ ἄλλων ἀγαθὸν ὑμῖν φαίνηται. [34] Τοῦτο μὲν οὖν οὐ χαλεπὸν τῷ βουλομένῳ κατανοῆσαι· αὐτοί τε γὰρ οὐκ ἐπιθυμοῦσι λανθάνειν, ἀλλ´ αἰσχύνονται μὴ δοκοῦντες εἶναι πονηροί, ὑμεῖς τε τὰ μὲν αὐτοὶ ὁρᾶτε τὰ δ´ ἑτέρων πολλῶν ἀκούετε. μεῖς δέ, ὦ ἄνδρες δικασταί, δίκαιον μὲν ἡγούμεθ´ εἶναι πρὸς πάντας ὑμᾶς τοὺς πολίτας ταῖς συνθήκαις καὶ τοῖς ὅρκοις ἐμμένειν,  [35] ὁμως δέ, ὅταν μὲν ἴδωμεν τοὺς τῶν κακῶν αἰτίους δίκην διδόντας, τῶν τότε περὶ ὑμᾶς γεγενημένων μεμνημένοι συγγνώμην ἔχομεν, ὅταν δὲ φανεροὶ γένησθε τοὺς μηδὲν αἰτίους ἐξ ἴσου τοῖς ἀδικοῦσι τιμωρούμενοι, τῇ αὐτῇ ψήφῳ πάντας ἡμᾶς εἰς ὑπο〈ψίαν καταστήσετε〉 ...
 

[21] Rappelez-vous encore ce qui se passa sous les Trente, et que les fautes de vos tyrans vous rendent plus sages pour la suite. Lorsque vous appreniez que les citoyens de la ville étaient tous d'accord, vous n'aviez que de faibles espérances de retour, convaincus que notre union (03) était pour vous dans votre exil ce qu'il y avait de plus nuisible. [22] Mais, lorsqu'on vous annonçait que 3000 citoyens s'étaient séparés du plus grand nombre, que plusieurs avaient été chassés ignominieusement d'Athènes, que les Trente étaient divisés, qu'il y avait plus de citoyens qui  favorisaient vos efforts qu'il ne s'en trouvait qui vous fussent contraires ; alors vous vous attendiez à revenir, et à tirer bientôt vengeance de vos ennemis. La conduite qu'ils tenaient était précisément ce que vous souhaitiez davantage ; et c'était moins sur les forces des exilés que sur les excès des Trente, que vous fondiez toutes vos espérances. [23] Le passé doit donc vous servir de leçon pour l'avenir, et ceux-là doivent être mis au nombre des plus zélés partisans du peuple, qui, jaloux de voir tous les citoyens parfaitement unis, sont fidèles au traité de réconciliation, parce qu'ils pensent que c'est le moyen le plus sûr de conserver la république, et de se venger pleinement des ennemis d'Athènes. Eh ! quelle plus grande mortification pour eux que d'apprendre que nous participons tous au gouvernement, et que nous sommes disposés les uns pour les autres comme si nous n'avions aucun sujet de plainte réciproque. [24] Remarquez enfin que les tyrans exilés n'ont rien plus à cœur que de voir décrier et diffamer un grand nombre de citoyens ; ils espèrent qu'ils trouveront dans les particuliers opprimés des hommes qui les secondent. Tout leur désir est donc que les calomniateurs puissent être considérés dans votre ville, et jouir parmi vous du plus grand crédit : les persécutions de la calomnie seraient leur salut.

[25] Il est à propos de vous remettre sous les yeux l'état des affaires après les Quatre-cents ; vous verrez que mes accusateurs vous conseillent ce qui ne vous sut jamais avantageux, et moi ce qui sut toujours utile dans l'un et l'autre gouvernement. Vous savez qu'Epigene, Diophane et Clisthène profitèrent comme particuliers des malheurs de la patrie, et que comme hommes publics ils furent les auteurs des plus grands maux. [26] Ils vous persuadaient de condamner une foule de citoyens sans les entendre, confisquant leurs biens, les diffamant, les bannissant, ou les faisant mourir. Telle était leur perversité, qu'à prix d'or ils faisaient absoudre les plus coupables, et que traînant devant les juges les plus innocents, ils les faisaient succomber sous l'injustice : ils n'eurent point de repos qu'ils n'eussent jeté le trouble et la dissension dans la ville, et plongé la patrie dans les derniers malheurs, tandis qu'eux-mêmes se virent tout-à-coup dans l'opulence. [27] Vous, au contraire, telles étaient vos dispositions, que vous avez reçu les exilés, rendu leurs droits aux citoyens qui les avaient perdus, et conclu avec les autres un traité d'union scellé du serment. Enfin, vous vous êtes portés plus volontiers à punir les calomniateurs avérés dans la démocratie, que les principaux chefs de l'oligarchie. Et certes vous aviez raison, puisque c'est maintenant une vérité reconnue, que l'injustice des chefs de l'état oligarchique a produit la démocratie, et que la calomnie dans le gouvernement démocratique a établi l'oligarchie à deux différentes reprises. Or, doit-on se servir plusieurs sois des conseils de ceux dont on s'est mal trouvé dès la première ?

[29] Faites attention, je vous prie, que parmi les citoyens revenus du Pirée, les plus distingués surtout, ceux qui avaient couru les plus grands périls, et qui vous avaient rendu les plus importants services, exhortèrent souvent le peuple à être fidèle au traité et au serment, convaincus que c'était la sûreté de l'état populaire, que par-là on inspirerait de la confiance pour le passé aux citoyens qui étaient restés dans la ville, et qu'on assureront pour toujours le gouvernement actuel à ceux qui étaient venus du Pirée. [30] Vous devez plutôt en croire ces excellents patriotes que nos accusateurs, qui, exilés, durent leur salut à d'autres, et qui, de retour, cherchent à nous perdre par leurs calomnies. Je crois que les particuliers qui restèrent dans la ville et qui pensent comme moi, ont fait assez connaître quels citoyens ils sont dans l'oligarchie et dans la démocratie : [30] au lieu qu'on doit s'étonner de ce qu'auraient fait nos adversaires, si on leur eût permis d'être du nombre des Trente, eux qui agissent maintenant comme les Trente dans le sein même de la démocratie, eux qui ont passé rapidement de la pauvreté à la richesse, qui exercent les plus grandes charges sans rendre compte d'aucune, qui ont fait succéder la défiance mutuelle aux sentiments d'union, qui, au lieu de la paix, nous ont apporté la guerre, et qui enfin sont cause que nous sommes devenus suspects aux Grecs.

[31] Auteurs de tous ces maux et d'une infinité d'autres encore, ne différant des Trente que parce qu'ils manifestent dans l'état démocratique les mêmes passions que ces tyrans montraient dans le gouvernement oligarchique, ils s'imaginent néanmoins qu'il doit leur être absolument permis d'étendre leurs persécutions sur qui il leur plaira, comme si tous les autres étaient coupables, et qu'eux seuls se fussent montrés d'excellents patriotes. [32] Ce n'est pas eux qui doivent surprendre, mais vous, Athéniens, si vous croyez jouir de la démocratie lorsque rien ne se sait que par leur volonté, lorsqu'on punit non ceux qui offensent le peuple, mais ceux qui refusent de livrer leur argent. Ils aimeraient mieux, sans doute, ces âmes cupides, que, sous leur administration, la ville sût asservie et sans scorés, que puissante et libre par le ministère d'autrui. [33] Ils s'imaginent que les périls qu'ils coururent au Pirée, leur donnent une licence absolue, et que ce serait aux dépens de leur puissance que d'autres qui vous sauveraient de nouveau, établiraient leur crédit. Ils se sont donc ligués pour empêcher que vous ne puissiez profiter du zèle des meilleurs citoyens. [34] Il n'est pas difficile de trouver en eux des sujets de reproche, puisque, loin de se cacher, ils affichent leur méchanceté et leurs intentions perverses, et que d'ailleurs vous êtes témoins vous-mêmes de leurs excès, ou que tout le monde vous en sait le récit. Pour nous, ô Athéniens, quelque persuadés que nous sommes que vous êtes tenus au traité et aux serments envers tout le monde sans distinction, [35] quand nous vous voyons néanmoins sévir contre les auteurs de de vos maux, nous ne pouvons nous empêcher de vous excuser par le souvenir de vos malheurs : mais si dans vos châtiments nous voyons l'innocence confondue avec le crime, vous nous autoriserez tous à soupçonner que vous aspirez à un pouvoir tyrannique.

(01)  Thucydide, dans le huitième livre de son histoire, confirme ce qui est dit ici de Phrynique et de Pisandre, deux des principaux auteurs de la domination des Quatre-cent.

(02) Les trente tyrans, ayant essuyé plusieurs. défaites, avaient quitté la ville d'Athènes, et s'étaient renfermés dans Eleusis, où ils surent assiégés. Parmi les citoyens qu'ils avaient enrôlés pour les suivre, il se trouva quelques transfuges du camp de leurs adversaires.

(03) Que notre union. Celui qui parle droit un de ceux qui étaient restés dans la ville. Voyez pour les faits qui suivent le second livre des histoires grecques de Xénophon.