Platon traduit par Victor Cousin Tome I

ISÉE


V. PLAIDOYER SUR LA SUCCESSION DE DICÉOGÈNE
Περὶ τοῦ Δικαιογένους κλήρου.

Traduction française : Rodolphe Dareste
Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

ISÉE

PLAIDOYER SUR LA SUCCESSION DE DICÉOGÈNE

 
Les neveux de Dicéogène I contre Dicéogène II et Léocharès.

 

ACTION EN EXÉCUTION DE TRANSACTION

ET EN VALIDITÉ DE CAUTIONNEMENT

 

ARGUMENT

 

Dicéogène, fils de Ménexène, est mort à la guerre devant Cnide, sans laisser d'enfants. Ses quatre sœurs étaient mariées, la première à Polyarate, la seconde à Démoclès, la troisième à Képhisophon, la quatrième à Théopompe. Dicéogène ne laissant pas de frère, sa succession aurait dû se partager également entre ses quatre sœurs (§ 5). A ce moment Proxène beau-frère de Ménexène (§ 10)[1] et père d'un autre Dicéogène produit un testament par lequel Dicéogène Ier adopte Dicéogène II et lui laisse le tiers de sa succession. On partage. L'adopté prend le tiers. Les deux autres tiers sont répartis entre les quatre sœurs du défunt.

Douze années s'écoulent. Dicéogène II produit alors un nouveau testament qui lui donne toute la succession et non plus seulement le tiers. Il revendique les deux tiers contre les quatre sœurs de Dicéogène I. La seconde se trouve représentée par une fille. La troisième est veuve. La quatrième aussi est veuve, avec un fils appelé Képhisodote, dont Dicéogène II est le tuteur. Malgré l'opposition d'intérêts Dicéogène II se fait adjuger tous les biens, et les garde pendant dix ans (§ 35).

Ici la fortune tourne. Un fils de la troisième sœur, Ménexène, intente une action en faux témoignage contre les témoins produits par Dicéogène II et en fait condamner un, nommé Lycon. L'effet de cette condamnation était de faire tomber le jugement d'adjudication rendu au profit de Dicéogène II. Ménexène a plaidé au .nom des représentants des quatre sœurs. Il se prépare à attaquer les autres témoins. Dicéogène II se décide alors à faire un sacrifice. Il désintéresse Ménexène en lui abandonnant tout ce que celui-ci réclame en son nom personnel, et par contre Ménexène se désiste du bénéfice du jugement qu'il a obtenu et cela sans rien stipuler en faveur de ses cohéritiers dont il a pris la cause en main et qui se trouvent ainsi trahis, sans aucune ressource qu'un recours contre Ménexène.

Mais après avoir fait la transaction Dicéogène II refuse de l'exécuter. Par suite Ménexène rentre dans ses droits. Il se réconcilie avec ses cousins et tous ensemble forment, chacun en droit soi, une revendication de la succession, et non plus seulement des deux tiers, qui leur ont été enlevés, mais de la totalité. En effet les deux testaments ont été reconnus faux, le premier à la requête de Dicéogène II, le second par suite de la condamnation prononcée contre Lycon. Il n'y a donc plus qu'une succession ab intestat.

Ménexène et son cousin, fils de Polyarate, réclament donc chacun un quart de la succession totale. Pour parer le coup, Dicéogène met en avant un de ses amis, Léocharès, qui forme une protestation, διαμαρτυρία, c'est-à-dire qu'il soutient qu'il n'y a pas lieu à adjudication, μὴ ἐπίδικον εἶναι τὸν κλῆρον, sans que nous sachions précisément quels sont ses moyens, quum filius esset defuncti adoptivus, dit Schœmann. En conséquence, Ménexène et son cousin retirent leur demande intentent contre Léocharès une action en faux témoignage. On plaide, et, les juges vont aux voix. Les bulletins sont ex traits de l'urne ; au moment où ils vont être comptés les parties transigent. Dicéogène II gardera un tiers de la succession, il remettra les deux autres tiers aux quatre sœurs de Dicéogène Ier, avec garantie. Pour plus de sûreté il fournit deux cautions, Léocharès et Mnésiptolème. En conséquence, Ménexène et son cousin se désistent de l'action en faux témoignage et Léocharès ne sera pas frappé d'atimie.

Par malheur l'exécution de cette transaction est impossible. Dicéogène a engagé, vendu à réméré, la plus grande partie des immeubles de la succession. Il ne peut donc restituer effectivement que des immeubles sans valeur. Quant aux autres il faudra les revendiquer contre des tiers détenteurs. Ceux-ci à leur tour appelleront en garantie Dicéogène II, de qui ils tiennent leurs droits. Dicéogène II prendra leur fait et cause. C'est contre lui, et lui seul qu'il faudra plaider encore une fois.

C’est en effet ce qui arrive. L'orateur revendique une maison de bains, mais le détenteur, Micion, appelle son auteur en garantie et se fait mettre hors de cause. L'orateur est débouté de sa demande et condamné à payer quarante mines de dommages-intérêts.

Il ne reste plus à l'orateur qu'une dernière ressource, c'est d'attaquer à la fois Dicéogène II et Léocharès qui s'est porté caution de la transaction. C'est le procès actuel, δίκη ἐγγύης. — V. l'argument grec, et le § 5. Schœmann croit cependant que Dicéogène est seulement le συνήγορος de Léocharès.

La défense de Léocharès n'est pas sans vraisemblance. Il y a, disait-il, une convention écrite. Nous avons bien donné notre cautionnement, mais seulement pour certaines obligations et non pour celles dont vous parlez. Le cautionnement ne peut être étendu au delà de ses termes.

L'orateur reconnaît le fait, mais il ajoute que l'acte a été rédigé à la barre du tribunal en présence de témoins. La preuve par témoins est à Athènes la preuve par excellence.

Les écrits n'ont qu'une valeur secondaire. Ils peuvent et doivent être complétés par les témoignages.

Au fond Dicéogène II s'est obligé à restituer les deux tiers de la succession, mais il avait fait des impenses sur les immeubles à restituer. Le remboursement de ces impenses lui a été assuré par la transaction. Il y avait donc compte à faire, et par suite matière à contestation; c'est pourquoi Léocharès et l'orateur ont constitué un arbitrage, en nommant chacun deux arbitres, mais les arbitres désignés par Léocharès se sont déportés, et ainsi l'arbitrage n'a eu aucune suite.

Ces répétitions exercées par Dicéogène II doivent donc être écartées, d'autant plus que l'orateur lui a abandonné en compensation plusieurs années de fruits perçus et une maison dans la ville.

L'orateur termine par un parallèle entre lui et Dicéogène II. Ce dernier n'a jamais rien fait pour ses concitoyens. Il n'est pas digne de continuer la maison de Ménexène et de Dicéogène Ier qui ont rendu tant de services à leur pays.

Une des difficultés de ce plaidoyer résulte de ce que plusieurs personnages portent le même nom, et de ce que le nom de certains autres n'est pas indiqué. Ainsi il ne faut pas confondre Dicéogène Ier, fils de Ménexène, de la succession duquel il s'agit, et Dicéogène II fils de Proxène, qui prétend avoir été adopté par testament; sans parler d'un autre Dicéogène aïeul paternel du défunt (§ 42). D'autre part nous ignorons le nom de l'orateur. Nous savons seulement qu'il était fils de Polyarate et de la fille aînée de Ménexène.

Il y a aussi deux Ménexène, à savoir le père de Dicéogène Ier et un autre, fils de Képhisophon et de la troisième fille de Ménexène Ier. Il ne nous a pas paru nécessaire de les distinguer par des chiffres.

En combinant les diverses dates, plus ou moins précises qui se trouvent dans le plaidoyer, Schœmann estime que ce plaidoyer a été prononcé vers l'an 390.


 

[1] Proxène et Ménexène étaient alliés par les femmes, mais de familles différentes. Le premier avait pour ancêtre Harmodios (§ 41).

 

Περὶ τοῦ Δικαιογένους κλήρου.

[1] Ὠιόμεθα μέν, ὦ ἄνδρες, περὶ ὧν διεφερόμεθα πρὸς Δικαιογένην, τὰ ὡμολογημένα ἐπὶ τοῦ δικαστηρίου κύρια ἡμῖν ἔσεσθαι· ἀποστάντος γὰρ Δικαιογένους τοῖν δυοῖν μεροῖν τοῦ κλήρου, καὶ ἐγγυητὰς καταστήσαντος ἦ μὴν παραδώσειν ἡμῖν ταῦτα τὰ μέρη ἀναμφισβήτητα, ἀφήκαμεν ἀλλήλους τῶν ἐγκλημάτων· ἐπειδὴ δέ, ὦ ἄνδρες, οὐ ποιεῖ Δικαιογένης ἃ ὡμολόγησε, δικαζόμεθα Λεωχάρει ἐγγυητῇ γενομένῳ Δικαιογένους, ὥσπερ ἀντωμόσαμεν. [2] Καί μοι ἀνάγνωθι τὴν ἀντωμοσίαν.

Ἀντωμοσία

Ὡς τοίνυν ἀληθῆ ἀντωμόσαμεν, Κηφισόδοτος οὑτοσὶ οἶδε, καὶ μάρτυρας ὑμῖν παρεξόμεθα πρῶτον μὲν ὡς ἀπέστη Δικαιογένης ἡμῖν τοῖν δυοῖν μεροῖν τοῦ κλήρου, εἶτα ὡς ἠγγυήσατο Λεωχάρης. Καί μοι ἀνάγνωθι τὴν μαρτυρίαν.

Μαρτυρία

[3] Τῶν μὲν μαρτύρων ἀκηκόατε, καὶ ὡς οὐ τἀληθῆ μεμαρτυρήκασιν, οὐδ' ἂν αὐτὸν οἶμαι Λεωχάρην εἰπεῖν· ἴσως δὲ ἐπ' ἐκεῖνον τρέψεται τὸν λόγον, ὡς Δικαιογένης τε ἃ ἡμῖν ὡμολόγησεν ἅπαντα πεποίηκε, καὶ αὐτὸς τὴν ἐξεγγύην ὅτι ἀπέδωκεν. Εἰ οὖν ταῦτ' ἐρεῖ, ψεύσεται καὶ ῥᾳδίως ἐλεγχθήσεται. Ἀναγνώσεται γὰρ ὑμῖν ὅσα κατέλιπε Δικαιογένης ὁ Μενεξένου ἐν τῷ κλήρῳ καὶ τὰ χρήματα ἃ ἔλαβεν.

Ἀπογραφή

[4] Ταῦτα εἰ μὲν μή φασι Δικαιογένην τὸν ἡμέτερον θεῖον ζῶντα κεκτῆσθαι καὶ ἀποθνήσκοντα ἡμῖν δοῦναι, ἀποδειξάτωσαν· εἰ δὲ καὶ ἐκεῖνον καταλιπεῖν καὶ ἡμᾶς κεκομίσθαι, μαρτυρησάτω τις αὐτοῖς. Ὅτι μὲν γὰρ Δικαιογένης ὡμολόγει παραδώσειν ἡμῖν ὧν κατέλιπεν ὁ Μενεξένου τὰ δύο μέρη, ἡμεῖς μάρτυρας παρεχόμεθα, καὶ ὅτι Λεωχάρης ἠγγυήσατο αὐτὸν ταῦτα ποιήσειν· καὶ γὰρ δικαζόμεθα διὰ τοῦτο, καὶ ταῦτα ἀντωμόσαμεν. Καί μοι ἀνάγνωθι τὴν ἀντωμοσίαν.

Ἀντωμοσία

[5] Εἰ μὲν τοίνυν, ὦ ἄνδρες, περὶ τούτων ἔμελλον ἀπολογήσεσθαι μόνον Λεωχάρης ἢ Δικαιογένης, ἤρκει ἄν μοι τὰ εἰρημένα· ἐπειδὴ δὲ παρεσκευασμένοι εἰσὶν ἐξ ἀρχῆς περὶ  κλήρου λέγειν, βούλομαι ὑμᾶς καὶ παρ' ἐμοῦ τὰ πραχθέντα πυθέσθαι, ἵνα εἰδότες τἀληθῆ, ὅ τι ἂν δοκῇ ὑμῖν, ψηφίσησθε, ἀλλὰ μὴ ἐξηπατημένοι.

Μενεξένῳ γὰρ τῷ ἡμετέρῳ πάππῳ ἐγένετο ὑὸς μὲν εἷς, Δικαιογένης, θυγατέρες δὲ τέτταρες, ὧν ἔλαβε μίαν μὲν Πολυάρατος ὁ πατὴρ ὁ ἐμός, ἄλλην δὲ Δημοκλῆς ὁ Φρεάρριος, τὴν δὲ Κηφισοφῶν ὁ Παιανιεύς· ἡ δὲ  Θεοπόμπῳ ἐγήματο τῷ Κηφισοδότου πατρί. [6] Καὶ ὁ μὲν Δικαιογένης, τριήραρχος ἐκπλεύσας τῆς Παράλου, ἐτελεύτησε μαχόμενος ἐν Κνίδῳ· ἀποθανόντος δ' αὐτοῦ ἄπαιδος διαθήκην ἀπέφηνε Πρόξενος ὁ Δικαιογένους  πατήρ, ᾗ πιστεύσαντες οἱ ἡμέτεροι πατέρες ἐνείμαντο τὸν κλῆρον. Καὶ ἐπὶ μὲν τῷ τρίτῳ μέρει τοῦ κλήρου Δικαιογένης ὅδε τῷ Μενεξένου Δικαιογένει, ἡμετέρῳ δὲ θείῳ, ὑὸς ἐγίγνετο ποιητός· τῶν δὲ λοιπῶν ἑκάστη τὸ μέρος ἐπεδικάσατο τῶν Μενεξένου θυγατέρων. Ὧν ἐγὼ τοὺς τότε παρόντας ὑμῖν μάρτυρας παρέξομαι.

Μάρτυρες

[7] Ἐπειδὴ δὲ ἐνείμαντο τὸν κλῆρον, ὀμόσαντες μὴ παραβήσεσθαι τὰ ὡμολογημένα, ἐκέκτητο ἕκαστος δώδεκα ἔτη ἃ ἔλαχε· καὶ ἐν τοσούτῳ χρόνῳ οὐσῶν δικῶν οὐδεὶς αὐτῶν ἠξίωσε τὰ πεπραγμένα εἰπεῖν ἀδίκως πεπρᾶχθαι, πρὶν δυστυχησάσης τῆς πόλεως καὶ στάσεως γενομένης Δικαιογένης οὑτοσὶ πεισθεὶς ὑπὸ Μέλανος τοῦ Αἰγυπτίου, ᾧ περ καὶ τἆλλα ἐπείθετο, ἠμφισβήτει ἡμῖν ἅπαντος τοῦ κλήρου, φάσκων ἐφ' ὅλῃ ποιηθῆναι ὑὸς ὑπὸ τοῦ θείου τοῦ ἡμετέρου. [8] Ἡμεῖς μὲν οὖν μαίνεσθαι αὐτὸν ἡγούμεθα τῇ λήξει, οὐκ ἄν ποτε οἰόμενοι τὸν αὐτὸν ἄνδρα τοτὲ μὲν φάσκοντα ἐπὶ τῷ τρίτῳ μέρει ποιηθῆναι τοτὲ δ' ἐφ' ἅπαντι τῷ κλήρῳ δόξαι τἀληθὲς λέγειν ὑμῖν· εἰς δὲ τὸ δικαστήριον εἰσελθόντες καὶ πολλῷ πλείω καὶ δικαιότερα λέγοντες ἠδικήθημεν, οὐχ ὑπὸ τῶν δικαστῶν ἀλλ' ὑπὸ Μέλανος τοῦ Αἰγυπτίου καὶ τῶν ἐκείνου φίλων, οἳ διὰ τὰς τῆς πόλεως συμφορὰς ἐξουσίαν σφίσιν αὐτοῖς ἡγοῦντο εἶναι κεκτῆσθαί τε τἀλλότρια καὶ τὰ ψευδῆ ἀλλήλοις μαρτυρεῖν· ὑπὸ δὲ τῶν τὰ τοιαῦτα ποιούντων ἐξηπατήθησαν οἱ δικασταί. [9] Καὶ ἡμεῖς μὲν καταψευδομαρτυρηθέντες ἀπωλέσαμεν τὰ ὄντα· καὶ γὰρ ὁ πατὴρ οὐ πολλῷ χρόνῳ ὕστερον μετὰ τὴν δίκην ἐτελεύτησε, πρὶν ἐπεξελθεῖν οἷς ἐπεσκήψατο τῶν μαρτύρων· Δικαιογένης δὲ πρὸς ἡμᾶς ὡς ἐβούλετο ἀγωνισάμενος τῇ αὐτῇ ἡμέρᾳ ἐξήλασε μὲν τὴν Κηφισοφῶντος τοῦ Παιανιέως θυγατέρα ἐκ τοῦ μέρους, ἀδελφιδῆν οὖσαν Δικαιογένους τοῦ καταλιπόντος τὰ χρήματα, ἀφείλετο δὲ τὴν Δημοκλέους γενομένην γυναῖκα, ἃ Δικαιογένης ἀδελφὸς ὢν ἔδωκεν, ἀφείλετο καὶ τὴν Κηφισοδότου μητέρα καὶ αὐτὸν τοῦτον ἅπαντα. [10] Καὶ γὰρ τούτων [τε] ἅμα καὶ ἐπίτροπος καὶ κύριος καὶ ἀντίδικος ἦν, καὶ οὐδὲ κατὰ τὸ ἐλάχιστον μέρος τῆς οἰκειότητος ἐλέου παρ' αὐτοῦ ἔτυχον, ἀλλ' ὀρφανοὶ καὶ ἔρημοι καὶ πένητες γενόμενοι πάντων καὶ τῶν καθ' ἡμέραν ἐπιτηδείων ἦσαν ἐνδεεῖς. Οὕτως αὐτοὺς Δικαιογένης οὑτοσὶ ἐγγυτάτω ὢν γένους ἐπετρόπευεν· ὅς γε, ἃ μὲν ὁ πατὴρ αὐτοῖς Θεόπομπος κατέλιπε, τοῖς τούτων ἐχθροῖς παρέδωκεν, ἃ δὲ ὁ πρὸς μητρὸς θεῖος καὶ ὁ πάππος αὐτοῖς ἔδωκεν, αὐτὸς ἀφείλετο πρὸ δίκης. [11] Καὶ ὃ πάντων δεινότατον, τὴν οἰκίαν αὐτῶν τὴν πατρῴαν, παίδων ὄντων τούτων, πριάμενος καὶ κατασκάψας [τὸν] κῆπον ἐποιήσατο πρὸς τῇ αὑτοῦ οἰκίᾳ τῇ ἐν ἄστει. Καὶ λαμβάνων μίσθωσιν ὀγδοήκοντα μνᾶς ἐκ τῶν Δικαιογένους τοῦ ἡμετέρου θείου χρημάτων, τὸν ἐκείνου ἀδελφιδοῦν Κηφισόδοτον τῷ ἑαυτοῦ ἀδελφῷ Ἁρμοδίῳ συνέπεμψεν εἰς Κόρινθον ἀντ' ἀκολούθου· εἰς τοῦτο ὕβρεως καὶ μιαρίας ἀφίκετο. Καὶ πρὸς τοῖς ἄλλοις κακοῖς ὀνειδίζει καὶ ἐγκαλεῖ αὐτῷ ὅτι ἐμβάδας καὶ τρίβωνα φορεῖ, ὥσπερ ἀδικούμενός τι εἰ ἐμβάδας Κηφισόδοτος φορεῖ, ἀλλ' οὐκ ἀδικῶν ὅτι ἀφελόμενος αὐτὸν τὰ ὄντα πένητα πεποίηκεν.

[12] Ἀλλὰ περὶ μὲν τούτων τοσαῦτά μοι εἰρήσθω· πάλιν δ' ἐπάνειμι ὅθεν ἀπέλιπον. Μενέξενος γὰρ ὁ Κηφισοφῶντος ὑός, ἀνεψιὸς ὢν Κηφισοδότῳ τουτῳὶ καὶ ἐμοί, καὶ προσῆκον αὐτῷ τοῦ κλήρου μέρος ὅσον περ ἐμοί, ἐπεξῄει τοῖς καταμαρτυρήσασιν ἡμῶν καὶ ἐκείνου τὰ ψευδῆ, καὶ Λύκωνα, ὅν περ εἰσήγαγε πρῶτον εἰς τὸ δικαστήριον, τοῦτον εἷλεν· ὃς ἐμαρτύρησε Δικαιογένην ποιηθῆναι τὸν νῦν ὄντα ὑπὸ τοῦ θείου τοῦ ἡμετέρου ὑὸν ἐπὶ παντὶ τῷ κλήρῳ. [13] Μαρτυρήσας δὲ ταῦτα ἑάλω ψευδομαρτυρίων. Ἐπειδὴ δὲ Δικαιογένης, ὦ ἄνδρες, οὐκέτι ὑμᾶς δύναται ἐξαπατᾶν, πείθει Μενέξενον τὸν ὑπὲρ ἡμῶν τε καὶ ὑπὲρ αὑτοῦ πράττοντα, ἃ ἐγὼ αἰσχυνόμενος ἀναγκάζομαι διὰ τὴν ἐκείνου πονηρίαν λέγειν, -- τί ποιῆσαι; κομισάμενον αὐτὸν μέρος ἐκ τοῦ κλήρου ὅ τι ἐγίγνετο, ἡμᾶς μὲν ὑπὲρ ὧν ἔπραττε προδοῦναι, τοὺς δὲ μήπω ἑαλωκότας τῶν μαρτύρων ἀφεῖναι. Καὶ ἡμεῖς μὲν ταῦτα ὑπὸ τῶν φίλων καὶ τῶν ἐχθρῶν παθόντες εἴχομεν ἡσυχίαν. Τούτων δ' ὑμῖν μάρτυρας παρέξομαι.

Μάρτυρες

[14] Ὁ μὲν τοίνυν Μενέξενος παθὼν ἄξια τῶν ἑαυτοῦ τρόπων ἠπατήθη ὑπὸ τοῦ Δικαιογένους· ἀφεὶς γὰρ τοὺς μάρτυρας καὶ ἡμᾶς προδούς, ὧν ἕνεκα ταῦτ' ἔπραξεν οὐκ ἐκομίσατο. Ἀδικηθεὶς δὲ ὑπὸ Δικαιογένους μεθ' ἡμῶν πάλιν ἔπραττεν. Ἡμεῖς δὲ καθηγούμενοι οὐκέτι προσήκειν Δικαιογένει ἔχειν τῶν ἐκ τοῦ κλήρου μέρος οὐδέν, ἐπειδὴ οἱ μάρτυρες ἑάλωσαν, ἀμφισβητοῦμεν αὐτῷ ἅπαντος τοῦ οἴκου κατ' ἀγχιστείαν. Καὶ ὅτι ἡμεῖς τε ὀρθῶς ἐγνώκαμεν καὶ οὐδὲν ἔτι προσήκει Δικαιογένει τοῦ κλήρου, ῥᾳδίως διδάξω. [15] Δύο γὰρ διαθῆκαι εφάνησαν, ἡ μὲν πάλαι, ἡ δὲ πολλῷ ὕστερον· καὶ κατὰ μὲν τὴν παλαιάν, ἣν ἀπέφηνε Πρόξενος ὁ Δικαιογένους τουτουὶ πατήρ, ἐπὶ τῷ τρίτῳ μέρει τοῦ κλήρου ἐγίγνετο τῷ θείῳ τῷ ἡμετέρῳ ὑὸς ποιητός, καθ' ἣν δ' αὐτὸς ἀπέφηνε Δικαιογένης, ἐπὶ παντὶ τῷ οἴκῳ. Τούτοιν δὲ τοῖν διαθήκαιν ἣν μὲν Πρόξενος ἀπέφηνε, Δικαιογένης ἔπεισε τοὺς δικαστὰς ὡς οὐκ ἀληθὴς εἴη· ἣν δὲ Δικαιογένης ἀπέφηνεν, οἱ μαρτυρήσαντες αὐτὴν τὸν θεῖον τὸν ἡμέτερον διαθέσθαι ἑάλωσαν ψευδομαρτυρίων. [16] Ἀμφοῖν δὲ τοῖν διαθήκαιν ἀκύροιν γιγνομέναιν, καὶ ἑτέρας μηδεμιᾶς ὁμολογουμένης εἶναι, κατὰ δόσιν μὲν οὐδενὶ προσῆκε τοῦ κλήρου, κατ' ἀγχιστείαν δὲ ταῖς Δικαιογένους τοῦ ἀποθανόντος ἀδελφαῖς, ὧν εἰσιν αἱ ἡμέτεραι μητέρες. Διὰ δὲ ταῦτα ἔδοξέ τε ἡμῖν λαχεῖν τοῦ κλήρου κατ' ἀγχιστείαν, καὶ ἐλάχομεν τοῦ μέρους ἕκαστος. Μελλόντων δ' ἡμῶν ἀντόμνυσθαι διεμαρτύρησε Λεωχάρης οὑτοσὶ μὴ ἐπίδικον εἶναι τὸν κλῆρον ἡμῖν. [17] Ἐπισκηψαμένων δ' ἡμῶν ἡ μὲν λῆξις τοῦ κλήρου διεγράφη, ἡ δὲ τῶν ψευδομαρτυρίων δίκη εἰσῄει. Ἐν δὲ τῷ δικαστηρίῳ πάντα μὲν ἡμῶν εἰπόντων ἅ περ νυνί, πολλὰ δὲ Λεωχάρους ἀνταπολογησαμένου, ἔγνωσαν τὰ ψευδῆ μαρτυρῆσαι Λεωχάρην οἱ δικασταί. Ἐπειδὴ δὲ τοῦτο φανερὸν ἐγένετο ἐξαιρεθεισῶν τῶν ψήφων, ἃ μὲν τῶν δικαστῶν καὶ ἡμῶν ἐδεήθη Λεωχάρης ἢ ὅσα ἡμῖν ἐξεγένετο διαπράξασθαι τότε, οὐκ οἶδ' ὅ τι δεῖ λέγειν, ἃ δὲ ὡμολογήθη ἡμῖν, ταῦτα ἀκούσατε. [18] Συγχωρούντων γὰρ ἡμῶν τῷ ἄρχοντι μὴ συναριθμεῖν ἀλλὰ συγχέαι τὰς ψήφους, ἀφίστατο μὲν Δικαιογένης τοῖν δυοῖν μεροῖν τοῦ κλήρου ταῖς Δικαιογένους ἀδελφαῖς, καὶ ὡμολόγει ἀναμφισβήτητα παραδώσειν ἡμῖν ταῦτα τὰ μέρη· καὶ ταῦτα ἠγγυᾶτο αὐτὸν Λεωχάρης οὑτοσὶ ἃ ὡμολόγει ποιήσειν, οὐ μόνος ἀλλὰ καὶ Μνησιπτόλεμος ὁ Πλωθειεύς. Καὶ τούτων ὑμῖν τοὺς μάρτυρας παρέξομαι.

Μάρτυρες

[19] Ἡμεῖς τοίνυν ταῦτα παθόντες ὑπὸ Λεωχάρους, καὶ ἐγγενόμενον ἡμῖν αὐτὸν ἐπειδὴ εἵλομεν τῶν ψευδομαρτυρίων ἀτιμῶσαι, οὐκ ἐβουλήθημεν, ἀλλ' ἐξήρκεσε τὰ ἡμέτερα ἡμῖν κομισαμένοις ἀπηλλάχθαι. Τοιοῦτοι δὲ γενόμενοι περὶ Λεωχάρην καὶ Δικαιογένην ἐξηπατήθημεν ὑπ' αὐτῶν, ὦ ἄνδρες· οὔτε γὰρ Δικαιογένης τὰ δύο μέρη ἡμῖν τοῦ κλήρου παρέδωκεν, ὁμολογήσας ἐπὶ τοῦ δικαστηρίου, οὔτε Λεωχάρης ὁμολογεῖ ἐγγυήσασθαι αὐτὸν τότε. [20] Καίτοι εἰ μὴ ἐναντίον μὲν τῶν δικαστῶν, πεντακοσίων ὄντων, ἐναντίον δὲ τῶν περιεστηκότων ἠγγυᾶτο, οὐκ οἶδ' ὅ τι ἂν ἐποίησεν. Ὡς μὲν τοίνυν περιφανῶς ψεύδονται, μάρτυρας ὑμῖν παρεχόμεθα τοὺς παρόντας, ὅτε Δικαιογένης μὲν ἀφίστατο τοῖν δυοῖν μεροῖν τοῦ κλήρου καὶ ὡμολόγει ἀναμφισβήτητα παραδώσειν ταῖς Δικαιογένους ἀδελφαῖς, Λεωχάρης δὲ ἠγγυᾶτο αὐτὸν ἃ ὡμολόγησε καὶ ποιήσειν. Δεόμεθα δὲ καὶ ὑμῶν, ὦ ἄνδρες, εἴ τις ἐτύγχανε παρὼν τότε, ἀναμνησθῆναι εἰ λέγομεν ἀληθῆ καὶ βοηθῆσαι ἡμῖν· [21] ἐπεί, ὦ ἄνδρες, εἰ Δικαιογένης ἀληθῆ λέγει, τί ἡμεῖς ὠφελούμεθα νικήσαντες, ἢ τί οὗτος ἐζημιώθη ἡττηθείς; εἰ γὰρ ἀπέστη μόνον ̔ὥς φησἰ τοῖν δυοῖν μεροῖν τοῦ κλήρου, ἀναμφισβήτητα δὲ μὴ ὡμολόγει παραδώσειν, τί ἐζημιοῦτο ἀφιστάμενος ὧν τιμὴν εἶχεν; οὐδὲ γὰρ πρὶν ἡττηθῆναι τὴν δίκην εἶχεν ὧν ἡμεῖς δικαζόμεθα, ἀλλ' οἱ παρὰ τούτου πριάμενοι καὶ θέμενοι, οἷς ἔδει αὐτὸν ἀποδόντα τὴν τιμὴν ἡμῖν τὰ μέρη ἀποδοῦναι. [22] Διὰ ταῦτα γὰρ καὶ τοὺς ἐγγυητὰς παρ' αὐτοῦ ἐλάβομεν, οὐ πιστεύοντες αὐτῷ ἃ ὡμολόγησε ποιήσειν. Πλὴν γὰρ δυοῖν οἰκιδίοιν ἔξω τείχους καὶ ἐν Πεδίῳ ἑξήκοντα πλέθρων οὐδὲν κεκομίσμεθα, ἀλλ' οἱ παρὰ τούτου θέμενοι καὶ πριάμενοι. Ἡμεῖς δ' οὐκ ἐξάγομεν· δέδιμεν γὰρ μὴ ὄφλωμεν δίκας. Καὶ γὰρ Μικίωνα, κελεύοντος Δικαιογένους καὶ φάσκοντος βεβαιώσειν, ἐξάγοντες ἐκ τοῦ βαλανείου ὤφλομεν τετταράκοντα μνᾶς διὰ Δικαιογένην, ὦ ἄνδρες. [23] Ἡγούμενοι γὰρ οὐκ ἂν αὐτὸν βεβαιώσαι οὐδὲν ὧν ἡμῖν ἀπέστη ἐν τῷ δικαστηρίῳ, διισχυριζόμεθα πρὸς Μικίωνα ἐναντίον τῶν δικαστῶν, ἐθέλοντες ὁτιοῦν πάσχειν, εἰ βεβαιώσειεν αὐτῷ Δικαιογένης τὸ βαλανεῖον, οὐκ ἄν ποτε οἰόμενοι αὐτὸν ἐναντία οἷς ὡμολόγησε πρᾶξαι, οὐ δι' ἄλλ' οὐδὲν ἢ διὰ τοὺς ἐγγυητάς, ὅτι καθειστήκεσαν ἡμῖν. [24] Ἀποστὰς δὲ Δικαιογένης ταῦτα τὰ μέρη ὧν καὶ νῦν ὁμολογεῖ ἀφεστάναι ἡμῖν, ἐβεβαίωσε Μικίωνι τὸ βαλανεῖον. Καὶ ἐγὼ μὲν ὁ ἄθλιος οὐχ ὅπως τι ἐκ τοῦ κλήρου εἰληφώς, ἀλλὰ προσαπολωλεκὼς τετταράκοντα μνᾶς, ἀπῄειν ὑβρισμένος ὑπὸ τοῦ Δικαιογένους. Καὶ τούτων ὑμῖν μάρτυρας παρέξομαι.

Μάρτυρες

[25] Ταῦτα μὲν πεπόνθαμεν ὑπὸ Δικαιογένους,ὦ ἄνδρες· ὁ δ' ἐγγυησάμενος αὐτὸν Λεωχάρης καὶ τῶν πάντων ἡμῖν κακῶν αἴτιος οὔ φησιν ἐγγυήσασθαι ἃ καταμαρτυρεῖται αὐτοῦ, ὅτι ἐν τῷ γραμματείῳ τῷ ἐπὶ τοῦ δικαστηρίου γραφέντι οὐκ ἔνεστι ταῦτα. Ἡμεῖς δέ, ὦ ἄνδρες, τότ' ἐπὶ τοῦ βήματος σπεύδοντες τὰ μὲν ἐγράψαμεν, τῶν δὲ μάρτυρας ἐποιησάμεθα· οὗτοι δέ, ἃ μὲν αὐτοῖς συμφέρει τῶν ὁμολογηθέντων τότε, κύριά φασιν εἶναι, εἰ καὶ μὴ γέγραπται, ἃ δ' οὐ συμφέρει, οὐ κύρια, εἰ μὴ γέγραπται. [26] Ἐγὼ δ', ὦ ἄνδρες, οὐ θαυμάζω ὅτι ἔξαρνοί εἰσι τὰ ὡμολογημένα· οὐδὲ γὰρ τὰ γραφέντα ἐθέλουσι ποιεῖν. Ἡμεῖς δ' ὡς λέγομεν ἀληθῆ, καὶ ἄλλο τι τεκμήριον παρεξόμεθα. Πρωταρχίδῃ γὰρ τῷ Ποταμίῳ ἔδωκε Δικαιογένης τὴν ἀδελφὴν τὴν ἑαυτοῦ ἐπὶ τετταράκοντα μναῖς, ἀντὶ δὲ τῆς προικὸς τὴν οἰκίαν αὐτῷ τὴν ἐν Κεραμεικῷ παρέδωκε. Ταύτῃ δὲ τῇ γυναικί, ἣν ὁ Πρωταρχίδης ἔχει, προσήκει τοῦ κλήρου μέρος ὅσον περ τῇ μητρὶ τῇ ἐμῇ. [27] Ἐπεὶ δ' οὖν ἀπέστη Δικαιογένης ταῖς γυναιξὶ τοῖν δυοῖν μεροῖν τοῦ κλήρου, ἠξίου ὁ Λεωχάρης τὸν Πρωταρχίδην παραδιδόναι αὑτῷ τὴν συνοικίαν ἣν εἶχεν ἀντὶ τῆς προικός, ὡς ὄντι ἐγγυητῇ αὑτῷ, τὸ δὲ μέρος ὑπὲρ τῆς γυναικὸς τοῦ κλήρου παρ' αὑτοῦ κομίζεσθαι. Παραλαβὼν δὲ τὴν συνοικίαν τὸ μέρος οὐ παρέδωκε. Καὶ τούτων ὑμῖν μάρτυρα τὸν Πρωταρχίδην παρέξομαι.

Μάρτυς

[28] Περὶ δὲ ἐπισκευῆς τοῦ βαλανείου καὶ οἰκοδομίας καὶ πρότερον εἴρηκε Δικαιογένης καὶ νῦν ἴσως ἐρεῖ, ὡς ὁμολογήσαντες αὐτῷ αὐτῷ ἀποδώσειν τὰ ἀνηλωμένα οὐκ ἀπεδώκαμεν, καὶ ὅτι διὰ τοῦτο οὐ δύναται ἀπαλλάσσειν τοὺς χρήστας, οὐδὲ ἡμῖν παραδοῦναι ἃ δεῖ αὐτόν. [29] Ἡμεῖς δέ, ὦ ἄνδρες, ἐπὶ τοῦ δικαστηρίου, ὅτε ἠναγκάζομεν αὐτὸν ἀφίστασθαι τούτων, ἀντὶ τῶν λῃτουργιῶν καὶ τῶν εἰς τὰ οἰκοδομήματα ἀνηλωμένων ἀφεῖμεν αὐτῷ τοὺς καρπούς, οὕτω τῶν δικαστῶν γιγνωσκόντων· ὕστερον δ' οὐκ ἀναγκαζόμενοι ἀλλ' ἑκόντες ἔδομεν αὐτῷ τὴν ἐν ἄστει οἰκίαν ἐξαίρετον προσθέντες τῷ τρίτῳ μέρει τοῦ κλήρου ἔχειν ἀντὶ τῶν ἐπεσκευασμένων, ἣν οὗτος ἀντὶ πεντακισχιλίων δραχμῶν παρέδωκε Φιλονείκῳ. [30] Ἔδομεν δὲ οὐ διὰ τὴν τοῦ Δικαιογένους χρηστότητα, ὦ ἄνδρες, ἀλλ' ἐπιδεικνύμενοι ὅτι οὐ περὶ πλείονος χρήματα ποιούμεθα τῶν οἰκείων, οὐδ' ἂν πάνυ πονηροὶ ὦσι. Καὶ γὰρ πρότερον ὅτ' ἐφ' ἡμῖν ἐγένετο Δικαιογένην τιμωρήσασθαι καὶ ἀφελέσθαι ἃ εἶχεν, οὐκ ἐβουλήθημεν τῶν τούτου κτήσασθαι οὐδέν, ἀλλὰ τὰ ἡμέτερα μόνον κομίσασθαι ἐξήρκει ἡμῖν. Οὗτος δ' ὅτ' ἐκράτησεν ἡμῶν, ἀπεσύλησεν ἃ ἐδύνατο, καὶ ὡς ἐχθροὺς ἀλλ' οὐ προσήκοντας ἀπόλλυσι. [31] Τεκμήριον δὲ καὶ τῶν ἡμετέρων τρόπων καὶ τῆς τούτου ἀδικίας μέγα παρεξόμεθα. Μελλούσης γὰρ τῆς πρὸς Λεωχάρην δίκης εἰσιέναι, ὦ ἄνδρες, ἐν τῶ Μαιμακτηριῶνι μηνί, ἠξίου Λεωχάρης καὶ Δικαιογένης δίαιταν ἡμᾶς ἐπιτρέπειν τὴν δίκην ἀναβαλλομένους. Καὶ ἡμεῖς ὥσπερ μικρὰ ἀδικούμενοι συνεχωρήσαμεν, καὶ ἐπετρέψαμεν διαιτηταῖς τέτταρσιν, ὧν τοὺς μὲν δύο ἡμεῖς ἠγάγομεν, τοὺς δὲ δύο ἐκεῖνοι. Καὶ ἐναντίον τούτων ὡμολογήσαμεν ἐμμενεῖν οἷς ἂν οὗτοι γνοῖεν, καὶ ὠμόσαμεν. [32] Καὶ οἱ διαιτηταὶ ἔφασαν, εἰ μὲν ἀνώμοτοι δύναιντ' [ἂν] ἡμᾶς διαλλάξαι, οὕτω ποιήσειν, εἰ δὲ μή, καὶ αὐτοὶ ὀμόσαντες ἀποφανεῖσθαι ἃ δίκαια ἡγοῦνται εἶναι. Ἀνακρίναντες δὲ ἡμᾶς πολλάκις καὶ πυθόμενοι τὰ πραχθέντα οἱ διαιτηταί, οἱ μὲν δύο οὓς ἐγὼ προὐβαλόμην, Διότιμος καὶ Μελάνωπος, ἤθελον καὶ ἀνώμοτοι καὶ ὀμόσαντες ἀποφήνασθαι ἃ ἐγίγνωσκον ἀληθέστατα ἐκ τῶν λεγομένων, οὓς δὲ Λεωχάρης προὐβάλετο, οὐκ ἔφασαν ἀποφανεῖσθαι. [33] Καίτοι Διοπείθης ὁ ἕτερος τῶν διαιτητῶν Λεωχάρει μὲν ἦν τουτῳὶ κηδεστής, ἐμὸς δ' ἐχθρὸς καὶ ἀντίδικος ἐξ ἑτέρων συμβολαίων· Δημάρατος δὲ ὁ μετ' αὐτοῦ Μνησιπτολέμῳ τῷ ἐγγυησαμένῳ Δικαιογένην μετὰ Λεωχάρους ἦν ἀδελφός. Οὗτοι μέντοι οὐκ ἠθέλησαν ἀποφήνασθαι, ὁρκώσαντες ἡμᾶς ἦ μὴν ἐμμενεῖν οἷς [ἂν] αὐτοὶ γνοῖεν. Καὶ τούτων ὑμῖν μάρτυρας παρέξομαι.

Μάρτυρες

[34] Οὔκουν δεινὸν εἰ δεήσεται ὑμῶν, ὦ ἄνδρες, Λεωχάρης ἀποψηφίσασθαι ἃ Διοπείθης κηδεστὴς ὢν αὐτοῦ κατεψηφίσατο; ἢ ὑμῖν πῶς καλὸν ἀπογνῶναι Λεωχάρους ἅ γε οὐδ' οἱ προσήκοντες αὐτοῦ ἀπέγνωσαν ; δέομαι οὖν ὑμῶν καταψηφίσασθαι Λεωχάρους, ἵν' ἃ ἡμῖν οἱ πρόγονοι κατέλιπον κομισώμεθα, καὶ μὴ μόνον τὰ ὀνόματα αὐτῶν ἔχωμεν ἀλλὰ καὶ τὰ χρήματα. Τῶν δὲ Λεωχάρους ἰδίων οὐκ ἐπιθυμοῦμεν. [35] Δικαιογενην γάρ, ὦ ἄνδρες, οὔτ' ἐλεεῖν ἐστε δίκαιοι  κακῶς πράττοντα καὶ πενόμενον, οὔτ' εὖ ποιεῖν ὡς ἀγαθόν τι εἰργασμένον τὴν πόλιν· οὐδέτερα γὰρ αὐτῷ τούτων ὑπάρχει, ὡς ἐγὼ ἀποφανῶ, ὦ ἄνδρες. Ἅμα δὲ καὶ πλούσιον καὶ πονηρότατον αὐτὸν ὄντα ἀνθρώπων ἀποδείξω καὶ εἰς τὴν πόλιν καὶ εἰς τοὺς προσήκοντας καὶ εἰς τοὺς φίλους. Οὗτος γὰρ παραλαβὼν τὸν κλῆρον παρ' ὑμῶν φέροντα μίσθωσιν τοῦ ἐνιαυτοῦ ὀγδοήκοντα μνᾶς, καρπωσάμενος αὐτὸν δέκα ἔτη οὔτε ἀργύριον ὁμολογεῖ κεκτῆσθαι οὔτε ὅποι ἀνήλωσεν ἔχοι ἂν ἐπιδεῖξαι, ὦ ἄνδρες. [36] Ἄξιον δὲ καὶ ὑμῖν λογίσασθαι. Οὗτος γὰρ τῇ μὲν φυλῇ εἰς Διονύσια χορηγήσας τέταρτος ἐγένετο, τραγῳδοῖς δὲ καὶ πυρριχισταῖς ὕστατος· ταύτας δὲ μόνας ἀναγκασθεὶς  λῃτουργίας λειτουργῆσαι ἀπὸ τοσαύτης προσόδου οὕτω καλῶς ἐχορήγησεν. Ἀλλὰ μὴν τριηράρχων τοσούτων κατασταθέντων οὔτ' αὐτὸς ἐτριηράρχησεν οὔθ' ἑτέρῳ συμβέβληται ἐν τοιούτοις καιροῖς, ἀλλ' ἕτεροι μὲν οὐσίαν κεκτημένοι ἐλάττω ἢ οὗτος μίσθωσιν λαμβάνει τριηραρχοῦσι. [37] Καίτοι, ὦ ἄνδρες, οὐχ ὁ πατὴρ αὐτῷ τὴν πολλὴν οὐσίαν κατέλιπεν, ἀλλ' ὑμεῖς ἔδοτε τῇ ψήφῳ· ὥστε εἰ καὶ μὴ πολίτης ἦν, διά γε τοῦτο δίκαιος ἦν τὴν πόλιν εὖ ποιεῖν. Εἰσφορῶν τοίνυν τοσούτων γεγενημένων πᾶσι τοῖς πολίταις εἰς τὸν πόλεμον καὶ τὴν σωτηρίαν τῆς πόλεως Δικαιογένης οὐκ ἔστιν ἥντινα εἰσενήνοχε· πλὴν ὅτε Λέχαιον ἑάλω, κληθεὶς ὑπὸ ἑτέρου ἐπέδωκεν ἐν τῷ δήμῳ τριακοσίας δραχμάς, ἔλαττον ἢ Κλεώνυμος ὁ Κρής· [38] καὶ τοῦτο ἐπέδωκεν, οὐκ εἰσήνεγκεν, ἀλλ' ἐπ' αἰσχίστῳ ἐπιγράμματι ἐξετέθη αὐτοῦ τοὔνομα ἔμπροσθεν τῶν ἐπωνύμων, ὅτι οἵδε εἰς σωτηρίαν τῆς πόλεως ὑποσχόμενοι τῷ δήμῳ εἰσοίσειν χρήματα ἐθελονταὶ οὐκ εἰσήνεγκαν. Καίτοι τοι πῶς ἄξιον θαυμάζειν, ὦ ἄνδρες, εἰ ἐμὲ ἐξηπάτησεν ἕνα ὄντα, ὃς ὑμᾶς ἅπαντας ἅμα συνειλεγμένους ἐν τῇ ἐκκλησίᾳ τοιαῦτα ἐποίησε; καὶ τούτων ὑμῖν τοὺς μάρτυρας παρέξομαι.

Μάρτυρες

Εἰς μὲν τὴν πόλιν οὕτω καὶ τοσαῦτα λελῃτούργηκε Δικαιογένης ἀπὸ τοσούτων χρημάτων· [39] περὶ δὲ τοὺς προσήκοντας τοιοῦτός ἐστιν οἷον ὁρᾶτε, ὥστε τοὺς μὲν ἡμῶν ἀφείλετο τὴν οὐσίαν, ὅτι μεῖζον ἐδυνήθη, τοὺς δὲ περιεώρα εἰς τοὺς μισθωτοὺς ἰόντας δι' ἔνδειαν τῶν ἐπιτηδείων. Τὴν δὲ μητέρα [τὴν] αὐτοῦ καθημένην ἐν τῷ τῆς Εἰλειθυίας ἱερῷ πάντες ἑώρων, καὶ τούτῳ ἐγκαλοῦσαν ἃ ἐγὼ αἰσχύνομαι λέγειν, οὗτος δὲ ποιῶν οὐκ ᾐσχύνετο. [40] Τῶν δ' ἐπιτηδείων Μέλανα μὲν τὸν Αἰγύπτιον, ᾧ ἐκ μειρακίου φίλος ἦν, ὅπερ ἔλαβε παρ' αὐτοῦ ἀργύριον ἀποστερήσας, ἔχθιστός ἐστι· τῶν δὲ ἄλλων αὐτοῦ φίλων οἱ μὲν οὐκ ἀπέλαβον ἃ ἐδάνεισαν, οἱ δ' ἐξηπατήθησαν, καὶ οὐκ ἔλαβον ἃ ὑπέσετο αὐτοῖς, εἰ ἐπιδικάσαιτο τοῦ κλήρου, δώσειν. [41] Καίτοι, ὦ ἄνδρες, οἱ ἡμέτεροι πρόγονοι οἱ ταῦτα κτησάμενοι καὶ καταλιπόντες πάσας μὲν χορηγίας ἐχορήγησαν, εἰσήνεγκαν δὲ εἰς τὸν πόλεμον χρήματα πολλὰ ὑμῖν, καὶ τριηραρχοῦντες οὐδένα χρόνον διέλιπον. Καὶ τούτων μαρτύρια ἐν τοῖς ἱεροῖς ἀναθήματα ἐκεῖνοι ἐκ τῶν περιόντων, μνημεῖα τῆς αὑτῶν ἀρετῆς, ἀνέθεσαν, τοῦτο μὲν ἐν Διονύσου τρίποδας, οὓς χορηγοῦντες καὶ νικῶντες ἔλαβον, τοῦτο δ' ἐν Πυθίου· [42] ἔτι δ' ἐν ἀκροπόλει ἀπαρχὰς τῶν ὄντων ἀναθέντες πολλοῖς, ὡς ἀπὸ ἰδίας κτήσεως, ἀγάλμασι χαλκοῖς καὶ λιθίνοις κεκοσμήκασι τὸ ἱερόν. Αὐτοὶ δ' ὑπὲρ τῆς πατρίδος πολεμοῦντες ἀπέθανον, Δικαιογένης μὲν ὁ Μενεξένου τοῦ ἐμοῦ πάππου πατὴρ στρατηγῶν ὅτε ἡ ἐν Ἐλευσῖνι μάχη ἐγένετο, Μενέξενος δ' ὁ ἐκείνου ὑὸς φυλαρχῶν τῆς Ὀλυνθίας ἐν Σπαρτώλῳ, Δικαιογένης δὲ ὁ Μενεξένου τριηραρχῶν τῆς Παράλου ἐν Κνίδῳ. [43] Τὸν μὲν τούτων οἶκον σύ, ὦ Δικαιόγενες, παραλαβὼν κακῶς καὶ αἰσχρῶς διολώλεκας, καὶ ἐξαργυρισάμενος πενίαν ὀδύρῃ, ποῖ ἀναλώσας; οὔτε γὰρ εἰς τὴν πόλιν οὔτε εἰς τοὺς φίλους φανερὸς εἶ δαπανηθεὶς οὐδέν. )Αλλὰ μὴν οὔτε καθιπποτρόφηκας· οὐ γὰρ πώποτε ἐκτήσω ἵππον πλείονος ἄξιον ἢ τριῶν μνῶν· οὔτε κατεζευγοτρόφηκας, ἐπεὶ οὐδὲ ζεῦγος ἐκτήσω ὀρικὸν οὐδεπώποτε ἐπὶ τοσούτοις ἀγροῖς καὶ κτήμασιν. Ἀλλ' οὐδ' ἐκ τῶν πολεμίων ἐλύσω οὐδένα. [44] Ἀλλ' οὐδὲ τὰ ἀναθήματα, ἃ Μενέξενος τριῶν ταλάντων ποιησάμενος ἀπέθανε πρὶν ἀναθεῖναι, εἰς πόλιν κεκόμικας, ἀλλ' ἐν τοῖς λιθουργείοις ἔτι καλινδεῖται, καὶ αὐτὸς μὲν ἠξίους κεκτῆσθαι ἅ σοι οὐδὲν προσῆκε χρήματα, τοῖς δὲ θεοῖς οὐκ ἀπέδωκας ἃ ἐκείνων ἐγίγνετο ἀγάλματα. [45] Διὰ τί οὖν ἀξιώσεις σου τοὺς δικαστὰς ἀποψηφίσασθαι, ὦ Δικαιόγενες; πότερον ὅτι πολλὰς λῃτουργίας λελῃτούργηκας τῇ πόλει, καὶ πολλὰ χρήματα δαπανήσας σεμνοτέραν τὴν πόλιν τούτοις ἐποίησας; ἢ ὡς τριηραρχῶν πολλὰ κακὰ τοὺς πολεμίους εἰργάσω, καὶ εἰσφορὰς δεομένῃ τῇ πατρίδι εἰς τὸν πόλεμον εἰσενεγκὼν μεγάλα ὠφέληκας; ἀλλ' οὐδέν σοι τούτων πέπρακται. [46] Ἀλλ' ὡς στρατιώτης ἀγαθός; ἀλλ' οὐκ ἐστράτευσαι τοσούτου καὶ τοιούτου γενομένου πολέμου, εἰς ὃν Ὀλύνθιοι μὲν καὶ νησιῶται ὑπὲρ τῆσδε τῆς γῆς ἀποθνῄσκουσι μαχόμενοι τοῖς πολεμίοις, σὺ δέ, ὦ Δικαιόγενες, πολίτης ὢν οὐδ' ἐστράτευσαι. Ἀλλ' ἴσως διὰ τοὺς προγόνους ἀξιώσεις μου πλέον ἔχειν, ὅτι τὸν τύραννον ἀπέκτειναν. Ἐγὼ δ' ἐκείνους μὲν ἐπαινῶ, σοὶ δὲ οὐδὲν ἡγοῦμαι τῆς ἐκείνων ἀρετῆς μετεῖναι. [47] Πρῶτον μὲν γὰρ εἵλου ἀντὶ τῆς ἐκείνων δόξης τὴν ἡμετέραν οὐσίαν κτήσασθαι, καὶ ἐβουλήθης μᾶλλον Δικαιογένους καλεῖσθαι ὑὸς ἢ Ἁρμοδίου, ὑπεριδὼν μὲν τὴν ἐν Πρυτανείῳ σίτησιν, καταφρονήσας δὲ προεδριῶν καὶ ἀτελειῶν, ἃ τοῖς ἐξ ἐκείνων γεγονόσι δέδοται. Ἔτι δὲ ὁ Ἀριστογείτων ἐκεῖνος καὶ Ἁρμόδιος οὐ διὰ τὸ γένος ἐτιμήθησαν ἀλλὰ διὰ τὴν ἀνδραγαθίαν, ἧς σοι οὐδὲν μέτεστιν, ὦ Δικαιόγενες.

PLAIDOYER

 

1. Nous pensions, juges, qu'au sujet des différends entre nous et Dicéogène (II), l'accord intervenu devant le tribunal devait mettre fin à tout. Dicéogène (II) abandonnait deux tiers de la succession. Il s'engageait par serment en fournissant cautions, à nous transmettre ces deux tiers sans aucun risque à courir pour nous. A ces conditions nous nous désistâmes de nos prétentions réciproques. Mais puisque Dicéogène (II) ne tient pas ses promesses, nous intentons une action contre Léocharès qui s'est porté caution pour Dicéogène (II); tels sont les termes du serment que nous avons prêté. 2. Lis-moi ce serment.

SERMENT.

Le fait que nous avons ainsi affirmé avec serment est vrai. Képhisodote, que voici, le sait bien, et nous vous produirons des témoins pour prouver d'abord que Dicéogène (II) nous a abandonné deux tiers de la succession, et en second lieu que Léocharès s'est porté caution. Lis-moi le témoignage.

TÉMOIGNAGE.

3. Vous avez entendu les témoins, et quant à soutenir qu'ils n'ont pas dit la vérité, je ne crois pas que Léocharès lui-même le fasse. Mais peut être s'avisera-t-il de dire que Dicéogène (II) a fait tout ce qu'il nous fait promis, et que lui-même a rempli toute son obligation de caution. S'il dit cela il dira un mensonge, et il sera facile de l'en convaincre. On va vous lire en effet tout ce que Dicéogène (Ier) fils de Ménexène a laissé dans sa succession, et les biens que notre adversaire a recueillis.

INVENTAIRE.

4. Diront-ils que Dicéogène (Ier), notre oncle maternel, ne possédait pas cela de son vivant et ne nous l'a pas donné en mourant? Eh bien qu'ils le prouvent! Diront-ils que Dicéogène (Ier) nous a laissé ces biens et que nous en avons pris possession? Qu'ils produisent un témoin ! Car pour nous nous produisons des témoins qui déclarent que Dicéogène (II) s'est engagé à nous abandonner les deux tiers des biens laissés par le fils de Ménexène, et que Léocharès s'est porté caution, pour lui, de l'exécution de cette promesse. C'est pour cela que nous plaidons. C'est là le fait que nous avons affirmé par notre serment. Lis-moi le serment.

SERMENT.

5. Maintenant, juges, si Léocharès ou Dicéogène (II) ne devaient se défendre que sur ce point, je m'en tiendrais à ce que je viens de dire. Mais comme ils se sont préparés à parler de la succession depuis le commencement, je veux que vous appreniez aussi les faits par moi, afin que vous puissiez voter suivant votre conscience, en connaissance de cause et sans vous laisser tromper. Ménexène, notre grand-père, eut un fils, Dicéogène (Ier), et quatre filles. Une d'entre elles fut mariée à. Polyarate, mon père, une autre à Démoclès de Phréarre, la troisième à Képhisophon de Paeania, la dernière à Théopompe, père de Képhisodote. 6. Dicéo-gène (Ier) étant parti en expédition comme triérarque de la paralienne mourut en combattant à Cnide. Il mourait sans enfant. A ce moment Proxène, père de Dicéogène (II) produisit un testament sur la foi duquel nos pères partagèrent la succession. Par là Dicéogène (II) que voici, se trouvait devenir fils adoptif de Dicéogène (Ier) fils de Ménexène, notre oncle maternel, mais pour un tiers seulement de la succession ; chacune des filles de Ménexène obtint en justice sa part du reste. Comme témoins de ces faits je vais vous produire ceux qui ont été présents.

TÉMOINS.

7. Après qu'ils eurent ainsi partagé la succession, en s'engageant par serment à ne pas enfreindre les conventions, chacun posséda pendant douze années la part qui lui était échue, et dans ce long temps pendant lequel on pouvait plaider, aucun d'eux ne jugea à propos de dire que ce qui s'était fait avait été mal fait. Enfin après les malheurs de cette ville, la discorde [et la guerre civile] ayant éclaté, cet homme, cédant aux conseils de l'Égyptien Mélas qui était du reste son conseiller en toute chose, réclama contre nous la succession tout entière, disant très haut qu'il avait été adopté pour recueillir le tout, par notre oncle maternel. 8. Cette action qu'il intentait nous parut un acte de folie. Nous n'aurions jamais cru que le même homme affirmant avoir été adopté tantôt pour le tiers, tantôt pour la totalité de la succession, vous parût dire la vérité. Cependant quand nous fûmes au tribunal, nous eûmes beau donner plus de raisons, et de meilleures, nous fûmes victimes d'une injustice, non de la part des juges, mais du fait de l'Égyptien Mélas et de ses amis, qui à raison des malheurs de cette ville crurent qu'il leur était permis de prendre le bien d'autrui et de faire de faux témoignages les uns pour les autres. Quant aux juges ils furent trompés par les auteurs de ces manœuvres. 9. C'est ainsi que nous perdîmes ce que nous avions, accablés par de faux témoignages; en effet, mon père mourut peu de temps après le procès, avant d'avoir poursuivi les témoins qu'il arguait de faux, et Dicéogène (II) luttant contre nous à sa convenance obtint le même jour trois sentences. A la fille de Képhisophon de Paeania, nièce de Dicéogène (Ier) qui avait laissé la succession, il enleva sa part. Il enleva en même temps à celle qui avait été l'épouse de Démoclès ce que son frère Dicéogène (Ier) lui avait donné. Enfin, il dépouilla pareillement la mère de Képhisodote et Képhisodote lui-même, sans rien lui laisser. 10. En effet, il les tenait en sa tutelle et en sa puissance et en même temps il était leur adversaire. Ces malheureux ne trouvèrent en lui aucune pitié, pas la moindre, tout parents qu'ils étaient. Orphelins, abandonnés, réduits à la misère, ils restèrent manquant de tout, et même des choses nécessaires pour vivre au jour le jour. C'est ainsi que Dicéogène (II), leur plus proche parent, remplissait envers eux ses devoirs de tuteur. Ce que leur avait laissé leur père Théopompe, il l'a livré à leurs ennemis; ce que leur avaient donné leur oncle maternel et leur aïeul, il s'en était emparé lui-même avant le procès. 11. Et chose odieuse entre toutes, leur maison paternelle, alors que ces enfants étaient encore en bas-âge, il l'a achetée et démolie pour en faire le jardin attenant à sa maison de ville. Lui, qui tirait des biens de Dicéogène (Ier), notre oncle maternel, un loyer de quatre-vingts mines, il donna à son frère Harmodios le neveu de Dicéogène (Ier), Képhisodote, pour raccompagner à l'expédition de Corinthe, comme valet. Vous voyez jusqu'où vont son insolence et sa perversité. A tout le mal qu'il lui a fait il ajoute l'injure. Il lui reproche de porter des sandales grossières et un manteau râpé. On dirait que Képhisodote lui fait tort en portant des sandales grossières, et que lui-même ne fait aucun tort à Képhisodote en le dépouillant de tous ses biens, en le jetant dans la misère.

12. Mais en voilà assez sur ce sujet. Je reprends les choses au point où je les avais laissées. Ménexène, fils de Képhisophon, cousin de mon adversaire, et le mien, ayant droit dans la succession à la même part que moi, poursuivit en faux témoignage les témoins qui avaient déposé contre nous et lui, et fit condamner Lycon que voici, qu'il avait conduit le premier devant le tribunal. Lycon avait déclaré que le Dicéogène d'aujourd'hui avait été adopté par notre oncle maternel pour être son fils, appelé à la totalité de la succession. 13. Après avoir fait cette déclaration, il a été condamné pour faux témoignage. A ce moment, juges, Dicéogène (II), voyant qu'il ne pouvait plus vous tromper, obtint de Ménexène, qui faisait le procès autant pour nous que pour lui-même, une chose que la coupable conduite de cet homme me force de vous révéler, en rougissant. Qu'est-ce donc? Ménexène emportera la part de succession qui lui revient; à ce prix il nous trahira, nous dont il défendait la cause, et il se désistera à l'égard de ceux des témoins qui n'ont pas encore été condamnés. Pour nous, ainsi accablés par nos amis comme par nos ennemis, nous gardâmes le silence. Je vais vous produire les témoins de ces faits.

TÉMOINS.

14. Ménexène, juges, a eu ce qu'il méritait. Il a été trompé par Dicéogène (II). Après s'être désisté à l'égard des témoins, après nous avoir trahis, il n'a pas reçu le prix de ce qu'il avait fait. Trompé par Dicéogène (II) il revint et marcha de nouveau avec nous. Nous soutenons alors que Dicéogène (II) n'a plus droit à aucune part de la succession, puisque les témoins ont été condamnés, et nous revendiquons contre lui la totalité de la succession, comme étant de la parenté étroite. Nous avions raison, juges, et Dicéogène (II) n'a plus aucun droit à la succession, je vais vous le prouver sans peine. 15. Il a été produit deux testaments, l'un à une date déjà très ancienne, l'autre récemment. Aux termes de l'ancien qui a été produit par Proxène, père de Dicéogène (II) que voici, ce dernier était institué fils adoptif de notre oncle maternel et appelé au tiers de la succession. Suivant le testament produit par Dicéogène (II) lui-même il était appelé à la totalité. De ces deux testaments l'un, celui qui a été produit par Proxène, a été reconnu faux par les juges, à la requête de Dicéogène (II); quant à l'autre, celui qui a été produit par Dicéogène (II), les témoins qui ont déclaré qu'il émanait de notre oncle maternel ont été condamnés pour faux témoignage. 16. Ainsi les deux testaments sont sans valeur et comme on convient qu'il n'en existe aucun autre il faut reconnaître que la succession n'appartenait à personne à titre de legs, et qu'à raison de la parenté étroite, elle revenait aux sœurs du défunt, parmi lesquelles se trouvent nos mères. C'est ce qui nous a décidés à revendiquer la succession, en invoquant la parenté étroite, et en effet nous avons revendiqué chacun notre part. Au moment où nous allions prêter serment, Léocharès que voici opposa une protestation, soutenant qu'il n'y avait pas lieu à l'adjudication de la succession à notre profit. 17. Nous attaquâmes les témoignages, et là-dessus la revendication de succession fut rayée du rôle, et l’action introduite fut celle de faux témoignage. Au tribunal nous dîmes tout ce que nous disons aujourd'hui. Léocharès se défendit longuement, enfin les juges furent d'avis que Léocharès avait fait un faux témoignage. Le résultat parut évident à l'extraction des bulletins, alors ce que Léocharès demanda aux juges et à nous, ce qu'il nous était permis d'exiger à ce moment, je ne sais pas si je dois le dire, mais voici ce qui fut convenu. Écoutez. 18. Nous consentîmes à ce que l’archonte mêlât tous les bulletins sans les compter, Dicéogène (II) abandonna les deux tiers de la succession aux sœurs de Dicéogène (Ier) et s'engagea à nous livrer ces parts franches de toute revendication. Léocharès que voici se porta garant de l'exécution de cette convention et non pas lui seul. Mnésiptolème de Plothéia en fit autant. Je vais vous produire les témoins de ces faits.

TEMOINS.

19. Voilà donc comment nous fûmes traités par Léocharès. Nous étions maîtres de lui infliger l'atimie puisque nous l'avions fait condamner comme faux témoin. Nous ne le voulûmes pas, juges, et nous nous contentâmes de reprendre ce qui était à nous, en nous désistant à son égard. Après avoir ainsi ménagé Léocharès et Dicéogène (II), nous fûmes trompés par eux, juges. Dicéogène (II) ne nous remit pas les deux tiers de la succession, comme il s'y était engagé au tribunal, et Léocharès ne convient pas qu'il se soit porté garant de cet engagement. 20. Pourtant si Léocharès ne s'était pas porté garant en présence des juges qui siégeaient au nombre de cinq cents, comme en présence des assistants, je ne sais ce qu'aurait fait Dicéogène (II). Pour prouver qu'ils mentent évidemment, nous vous produisons les témoins qui étaient présents lorsque Dicéogène (I) abandonna les deux tiers de la succession et prit l’engagement de les remettre, francs de toute revendication, aux sœurs de Dicéogène (Ier); et lorsque Léocharès se porta son garant pour l'exécution de cette convention, vous aussi, juges, nous vous en prions, si quelqu'un d'entre vous s'est trouvé là à ce moment, rappelez-vous si nous disons la vérité, et venez-nous en aide. 21. Car enfin, juges, si Dicéogène (II) dit vrai, à quoi nous sert d'avoir gagné le procès, et en quoi Dicéogène (II) souffre-t-il de l'avoir perdu? S'il a seulement, comme il le dit, abandonné les deux tiers de la succession, mais sans s'être engagé à les remettre francs de toute revendication, quel inconvénient y avait-il pour lui à abandonner des choses dont il avait le prix en mains? Avant même d'avoir perdu son procès il n'était déjà plus détenteur des biens qui font l'objet le notre action. Ces biens étaient en la possession des acheteurs ou des prêteurs hypothécaires, auxquels il lui eût fallu restituer le prix en même temps que nous rendre nos parts. 22. C'est précisément pour cette raison que nous prenions de lui des cautions, n'ayant pas confiance en lui pour l'exécution de la convention. A l'exception de deux méchantes maisons hors des murs et de soixante plèthres de terrain dans la Plaine, nous n'avons rien reçu. Tout est resté aux mains des acheteurs ou des prêteurs hypothécaires. Et nous ne faisons pas de saisies, car nous craignons d'être condamnés à des dommages-intérêts. Ainsi, quand nous avons saisi les bains, dont Micion était détenteur, parce que Dicéogène (II) l'a voulu, disant qu'il ne prendrait pas le fait et cause de Micion, nous avons été condamnés à payer quarante mines, juges, et cela à cause de Dicéogène (II).

23. En effet nous étions convaincus qu'il ne nous garantirait aucun des objets qu'il avait abandonnés devant le tribunal. Nous luttâmes donc de toutes nos forces contre Micion, en présence des juges, décidés à tout supporter si Dicéogène (II) prenait son fait et cause au sujet des bains. Nous ne pouvions supposer qu’il ferait le contraire de ce qu'il s'était engagé à faire ; nous ne le pouvions, ne fût-ce qu'à raison des cautions qui s'étaient constituées envers nous.

24. Mais Dicéogène (II), après avoir fait l'abandon de ce qu'il reconnaît aujourd'hui encore nous avoir abandonné, a pris le fait et cause de Micion, au sujet des bains. Et moi, malheureux que je suis, non seulement je n'ai rien reçu de la succession, mais j'ai en outre perdu quarante mines et je me suis retiré, ainsi joué par Dicéogène (II). Je vais vous produire encore les témoins de ces faits.

TÉMOINS.

25. Voilà, juges, le mal que nous a fait Dicéogène (II). Quant à Léocharès qui l'a cautionné et qui a été la cause de tous nos malheurs, il prétend que son cautionnement ne s'étend pas aux engagements dont la preuve est faite contre lui par nos témoins, que ces engagements ne se trouvent pas dans l'acte qui a été écrit à l'audience du tribunal. A ce moment, juges, nous étions à la barre, et nous nous hâtions tantôt d'écrire, tantôt de prendre des témoins. Mais eux, dans les conventions qui furent alors passées ils trouvent valable ce qui leur est utile quoique non écrit, mais ce qui ne leur est pas utile n'est pas valable à moins d'être écrit. 26. Pour moi, juges, je ne suis pas surpris de les voir nier les conventions verbales, car ils se refusent à exécuter même celles qui sont écrites. Mais vous allez voir que nous disons vrai ; voici encore un fait qui le prouve. Dicéogène (II) a donné sa nièce en mariage à Protarchide de Potamos, avec une dot de quarante mines, et pour tenir lieu de cette dot il lui a transféré la maison sise à Céramique. Cette femme qui est encore aujourd'hui épouse de Protarchide a droit dans la succession à la même part que ma mère. 27. Quand Dicéogène (II) eut abandonné aux femmes les deux tiers de la succession, Léocharès demanda à Protarchide de lui transférer à lui qui était caution cette maison qui tenait lieu de la dot, et de recevoir de lui au nom de sa femme la part de celle-ci dans la succession. Mais il prit la maison et ne livra pas la part. Je vais vous produire un témoin du fait. C'est Protarchide lui-même.

TÉMOIN.

28. Quant aux impenses et constructions faites sur ces bains, Dicéogène (II) en a déjà parlé, peut-être en parlera-t-il encore. Il dira que nous étions convenus de lui rendre ses déboursés et que nous ne les lui avons pas rendus, que c'est pour cette raison qu'il n'a pas pu désintéresser les prêteurs et nous restituer ce qu'il nous doit. 29. Mais, juges, lorsque, au tribunal, nous le contraignîmes à nous abandonner ces biens, alors, pour l’indemniser des liturgies et des impenses pour les constructions, nous lui avons abandonné les fruits, concernent à l'avis des juges. Plus tard, spontanément, sans y être forcés, nous lui avons donné hors part, la maison sise dans la ville, pour qu'il la gardât, en outre de son tiers de la succession, en compensation de ses impenses, et il l'a transférée à Philonicos pour cinq mille drachmes. 30. Nous lui avons fait cette concession, non qu'il l'eût méritée par ses procédés, juges, mais pour montrer que nous n'attachons pas plus de prix à nos intérêts qu'à la parenté, si graves que puissent être nos griefs. Aussi bien, alors qu'il dépendait de nous de punir Dicéogène (II) et de lui enlever tout ce qu'il avait, nous n'avons voulu nous approprier rien de ce qui lui appartenait; nous nous sommes contentés de reprendre ce qui était à nous. Mais lui, quand il s'est trouvé le plus fort, il a pris tout ce qu'il a pu, et nous a ruinés comme si nous étions des ennemis et non des parents. 31. Voici un fait qui prouve manifestement et nos ménagements à son égard, et ses torts envers nous. Au moment où l'action contre Léocharès allait être introduite, juges, au mois de Maemactérion, Léocharès et Dicéogène (II) nous demandèrent de constituer un arbitrage, avec sursis à l'action, et nous y consentîmes, comme s'il se fût agi d'un intérêt minime. Nous constituâmes donc quatre arbitres, dont deux nommés par nous, et les deux autres par eux; nous convînmes, en présence de ces arbitres, d'en passer par leur décision, et nous en fîmes la promesse avec serment. 32. Les arbitres déclarèrent que s'ils pouvaient nous concilier sans prêter eux-mêmes serment ils le feraient, que si non ils prêteraient serment eux-mêmes et feraient connaître ce qu'ils trouveraient juste. Les arbitres nous firent comparaître plusieurs fois devant eux et nous interrogèrent sur les faits, après quoi les deux que j'avais désignés, Diotime et Mélanope dirent qu'ils étaient prêts à faire connaître, avec ou sans serment, ce qui leur paraissait le plus vrai dans ce qui avait été dit, mais ceux que Léocharès avait désignés refusèrent de se prononcer. 33. Pourtant, Diopithe, l'un de ces arbitres, était le beau-frère de Léocharès que voici, mon ennemi et mon adversaire à raison d'autres contrats, et Démarate, qui siégeait avec lui, était le frère de Mnésiptolème, celui-ci s'était porté caution pour Dicéogène (II) avec Léocharès. Ceux-là ne voulurent pas se prononcer, après nous avoir fait promettre avec serment d'en passer par leur décision. Je vais encore vous produire les témoins ces faits.

TÉMOINS.

34. Est-il tolérable, juges, que Léocharès vous prie le décharger d'une condamnation que son beau-frère, Diopithe, a lui-même prononcée contre lui? Et feriez-vous votre devoir si vous votiez pour Léocharès, alors que ses parents eux-mêmes n'ont pas voté pour lui? Je vous prie donc de condamner Léocharès pour que nous puissions rentrer dans ce que nous ont laissé nos ancêtres, pour que nous ayons non pas seulement leurs noms, mais aussi leurs biens. Du reste nous ne convoitons nullement les biens propres de Léocharès. 35. Quant à Dicéogène (II), juges, il ne serait juste ni de le prendre en pitié, comme malheureux et réduit à la misère, ni de le traiter avec bienveillance comme s'il était un des bienfaiteurs de cette ville. Il ne peut faire valoir ni l'un ni l'autre de ces titres, et je vais vous le montrer, juges. Vous allez voir que c'est le plus riche et à la fois le pire des hommes, soit à l'égard de la ville soit à l'égard de ses parents et de ses amis. Il a obtenu de vous une succession qui rapporte par an quatre-vingts mines de loyer. Voilà dix ans qu'il en perçoit les fruits, il n'a jamais avoué ce qu'il possède, et il ne saurait dire, juges, à quoi il l'a dépensé. Faites en vous-mêmes le calcul. 36. Comme chorège de sa tribu aux Dionysies il est arrivé le quatrième pour la tragédie, le dernier pour la pyrrhique. Ce sont les seules liturgies qu'il ait fournies, comme contraint et forcé, avec un si énorme revenu, et voilà comme il s'est distingué ! Quand tant de triérarques ont été mis sur pied, il n'a fourni aucune triérarchie, ni à lui seul, ni en contribuant avec un autre, dans des temps si difficiles. Il y a des gens qui servent comme triérarques et qui ont moins de capital qu'il ne reçoit de revenu. 37. Pourtant, juges, cette grande fortune, ce n'est pas son père qui la lui a laissée, c'est vous qui la lui avez donnée par vos votes. Cela suffirait, quand même il ne serait pas citoyen, pour lui imposer le devoir de rendre service à cette ville. Eh bien, lorsque tous les citoyens ont eu à supporter tant de contributions pour la guerre et pour le salut de celte ville, Dicéogène n'en a fourni aucune part. Une fois seulement, à la prise de Léchaeon, interpellé par un autre, dans l'assemblée du peuple il a offert trois cents drachmes, moins que Cléonyme le Crétois. 38. Il les a offertes, mais il ne les a pas versées. Son nom a figuré sur la liste d'infamie devant les héros éponymes, parmi ceux qui ayant promis au peuple une contribution volontaire pour le salut de cette ville, n'en ont pas fait le versement. Faut-il s'étonner, juges, qu'il m'ait trompé, moi qui suis seul, quand il vous a ainsi traités vous tous réunis dans l'assemblée? Je vais encore vous produire les témoins de ces faits.

TÉMOINS.

39. Voilà tout ce que Dicéogène, avec sa grande ; fortune, a fourni à celte ville en fait de liturgies. Quant à ses parents il est envers eux ce que vous voyez. A certains d'entre nous il a enlevé leur fortune, parce qu'il était le plus fort, les autres il les a laissés manquant de tout, obligés de louer leurs services. Tout le monde a vu sa mère assise dans le temple d'Ilithye, lui reprochant des choses que je rougis de dire mais qu'il n'a pas rougi de faire. 40. Parmi son entourage Mélas l'Égyptien, son ami d'enfance, qui lui avait avancé le l'argent, n'a pas pu le ravoir, et c'est aujourd'hui son ennemi mortel. De ses autres amis, les uns n'ont pu recouvrer ce qu'ils avaient prêté, les autres ont été trompés et n'ont pas reçu ce qu'il avait promis de leur donner si la succession lui était adjugée. 41. Pourtant, juges, nos ancêtres, qui ont acquis et nous ont laissé ces biens, n'ont éludé aucune chorégie; ils vous ont apporté force contributions pour la guerre et, comme triérarques, ils n'ont pas un seul instant manqué au service. Il y en a des témoignages : dans les temples, des offrandes qu'ils ont consacrées, du reste de leur fortune, pour être des monuments de leur vertu ; dans le temple de Dionysos, ces trépieds qu'ils ont gagnés comme chorèges et comme vainqueurs des concours, d'autres semblables dans le temple d'Apollon Pythien. 42. Dans l'acropole, ils ont consacré une partie de leurs biens à orner le sanctuaire, de statues en airain et en marbre, nombreuses pour une fortune privée. Eux-mêmes sont morts en combattant pour leur patrie, Dicéogène, le père de mon aïeul Ménexène, comme stratège au combat d'Eleusis, Ménexène, son fils, comme phylarque à Spartole dans le pays d'Olynthe, Dicéogène (Ier), fils de Ménexène, comme triérarque à la paralienne, à Cnide. 43. C'est la maison de ce dernier que tu as recueillie, Dicéogène (II), et que lu as, hélas, honteusement ruinée. Tu as fait argent de tout et tu cries misère; à quoi as-tu dépensé tout cela? Ce n'est pas pour cette ville ni pour tes amis. On sait que tu ne t'es pas mis en frais pour eux. Tu ne t'es ruiné en chevaux, car tu n'as jamais eu un cheval valant plus de trois mines. Tu ne t'es pas davantage ruiné en attelages, car tu n'as jamais eu d'attelage de mules, toi, possesseur de si nombreux domaines et de si grands biens. 44. Tu n'as jamais racheté un captif. Ces offrandes que Ménexène avait fait faire au prix de trois talents, qu'il n'avait pu consacrer avant de mourir, tu ne les as pas apportées dans cette ville. Elles traînent encore dans les carrières et les ateliers. Tu as trouvé bon de prendre ce qui ne t'appartenait pas, et tu n'as pas rendu aux dieux les statues qui leur étaient destinées. 45. Pourquoi donc, Dicéogène (II), les juges doivent-ils te faire gagner ce procès, à ton compte? Est-ce parce que lu as fourni à cette ville de nombreuses liturgies, prodigué l'argent pour rendre cette ville plus magnifique à leurs yeux? Ou parce que, comme triérarque tu as fait beaucoup de mal à l'ennemi, ou parce que la patrie ayant besoin d'argent, tu lui as apporté de fortes contributions pour l'aider à soutenir la guerre. Non, tu n'as rien fait de tout cela. 46. Prétends-tu être un brave soldat? mais tu n'as même pas marché dans cette guerre si rude et si dangereuse, où Olynthiens et insulaires meurent pour ce pays en combattant les ennemis, et toi Dicéogène (II), toi, citoyen, tu n'as pas même marché! Mais peut-être trouveras-tu juste de l'emporter sur moi à cause de tes ancêtres, parce qu'ils ont tué le tyran. Je les en loue, eux, mais à mon avis tu n'as rien de leur vertu. 47. Tu as préféré à la gloire de ces hommes la possession de notre fortune, tu as mieux aimé être appelé fils de Dicéogène (Ier) que fils d'Harmodios, tu as dédaigné d'être nourri au prytanée, tu n'as fait aucun cas des préséances et des immunités accordées aux descendants de ces hommes. Au surplus Aristogiton dont tu parles et Harmodios ont été honorés non pour leur naissance mais pour leur valeur, et toi Dicéogène (II), tu ne tiens d'eux en aucune façon.

NOTES

 

§ 2. Sur l’ἐντωμοσία, V. la note du plaidoyer sur la succession de Pyrrhos, § 6.

Képhisodote fils de Théopompe lequel avait épousé la quatrième fille de Ménexène et se trouvait ainsi beau-frère de Dicéogène. V. § 5.

§ 6. La galère paralienne était une des galères sacrées des Athéniens. Elle servait au transport des ambassadeurs, et du reste faisait aussi le service de guerre, V. Harpocration, πάραλος, Pollux VIII, 116, et les autres lexicographes. Parmi les modernes Bœckh, Staatshaushalt. der Athener, t. I, p. 305.

Il est probable que l'orateur fait allusion à un combat de Cnide, qui remonte à l’année 412 (V. Thucydide, VIII, 42).

§ 7. Οὐσῶν δικῶν, le cours de la justice n'étant pas suspendu, comme il arrivait souvent en cas de guerre.

Εφ' ὅλῃ (οὐσία). Cette formule indique que l'adoption a eu lieu sans restriction et équivaut à un legs universel.

Ces malheurs publics, cette guerre civile, auxquels il est fait allusion ne peuvent être que la prise d'Athènes par Lysandre et l'établissement puis le renversement des trente tyrans (403).

§ 10. L'ἐπίτροπος est un tuteur, le κύριος celui qui a puissance sur une femme.

Dicéogène était le parent le plus proche en degré, non pas seulement par l'adoption, mais par le sang. Il était probablement cousin de Képhisodote. Était-ce du côté paternel ou du côté maternel? Nous ne savons.

§ 11. Il n'était pas interdit au tuteur d'acheter les biens de son pupille. Mais c'était une opération qui pouvait être suspecte. V. notre traduction des plaidoyers civils de Démosthène, I, p. 30 et Schulthess, Vormundschaft nach attischem Recht, p. 119.

§ 13. Ménexène a intenté une action de faux témoignage contre Lycon et menace de poursuivre les autres témoins. Il semble bien avoir agi non pas seulement en son nom, mais au nom de ses cohéritiers (ἡμεῖς ὑπὲρ ῶν ἔππρατε). Il était en tout cas dominus litis puisqu'il se désiste et transige sans consulter ses cohéritiers et com promet ainsi leur cause malgré eux.

Ou bien ne faut-il pas plutôt entendre la chose en ce sens que Ménexène agissait seulement en son nom et pour sa part et que le service qu'il rendait à ses cohéritiers consistait uniquement à créer in préjugé en leur faveur?

§ 17. Επισκηψαμένων δ' ἡμῶν. L'ἐπίσκηψις était la déclaration par laquelle on se réservait d'attaquer un faux-témoignage. L'action en faux témoignage ne pouvait être intentée; que si cette réserve avait été faite.

§ 18. Sur le mode de vote et le calcul des bulletins, V. Aristote, Constitution d'Athènes, col. xxxv.

La δίκη ψσευδομαρτυριῶν était un ἀγὼν τιμητός, entraînant une condamnation pécuniaire illimitée. Elle avait en outre pour conséquence l’atimie. On comprend l'intérêt de Dicéogène et de Lycon à transiger avant la prononciation du jugement, ἀναμφισβήτητα. C'est ci le nœud du procès. Dicéogène s'est-il obligé à fournir la garantie de ce qu'il abandonnait? On voit qu'à Athènes la garantie n'était pas inhérente à la vente ni aux aliénations équipollentes à vente. Il fallait une stipulation spéciale et expresse. C'est ce qui explique pourquoi en droit grec la garantie était souvent fournie par des tiers.

Le plèthre valait 8 ares — 60 plèthres valaient donc 480 ares ; un peu moins de cinq hectares.

§ 22. Ημεἰς δ'οὐκ ἐξάγομεν. L'ἐξαγωγή est la dépossession, la dessaisine qui forme le premier acte de l’action en revendication, ou même de toute action réelle. Le créancier hypothécaire ainsi dessaisi de son gage avait contre l'auteur du trouble l'action ἐξούλης, qui entraînait l’épobélie, c'est-à-dire la condamnation à une obole par drachme, c'est-à-dire au sixième de la demande, contre le demandeur qui perdait son procès. Dans l'affaire des bains, Micion obtint 40 mines d'épobélie. Les bains valaient donc quatre talents. On voit par là combien la succession de Dicéogène était opulente.

§ 26. Potamos est un dème de l'Attique.

Schœmann donne de tout ce passage une explication très vraisemblable. Il suppose que la nièce dont il s'agit est une sœur de Këphisodote et une fille de Théopompe et de la quatrième fille de Ménexène. Dicéogène II avait été tuteur de ces enfants de Théopompe et leur avait enlevé la succession de Dicéogène Ier. Par une sorte de compensation il marie sa nièce et lui fournit une dot. Plus tard, menacé de restituer la succession, il stipule pour cette éventualité la restitution de la dot qu'il a fournie, et Léocharès qui, domine caution, est subrogé aux droits de Dicéogène II se fait effectivement restituer l'immeuble donné en paiement de la dot. Si Léocharès et Dicéogène II n'ont pas restitué la succession, est pour la raison indiquée dans la suite du plaidoyer. Ils ont ïépétitions à exercer et usent du droit de rétention jusqu'au règlement du compte à faire.

§ 28. L'orateur fait allusion ici au procès antérieur entre lui et Micion sur l'action ἐχιύλης, procès dans lequel Dicéogène a pris fait et cause de Micion auquel il devait garantie.

§ 2&. L'indemnité réclamée par Dicéogène II comprenait non seulement ses impenses et constructions, mais encore le montant des liturgies c’est-à-dire des services qu’il avait été obligé de rendre à l’État, a raison des biens dont il était détenteur ; c'est pour faire face à cette indemnité que l'orateur et ses cointéressés abandonnent à Dicéogène II tous les fruits par lui perçus et en outre une maison d'une valeur de 5.000 drachmes.

§ 32. Les arbitres n'étaient pas astreints au serment quand ils siégeaient comme conciliateurs, mais ils devaient prêter serment quand ils prononçaient comme juges.

§ 37. Léchaeon, un des ports de Corinthe, sur le golfe de Corinthe. La prise de cette place eut lieu en 393 av. J.-C. C'est la, seule date certaine qui se trouve dans tout le plaidoyer.

§ 38. Les statues des héros éponymes étaient placées dans l'agora. C'était là qu'on promulguait les lois et les décrets.

$ 42. Le phylarque commande la cavalerie de sa tribu. Voy. Aristote, Constitution d'Athènes, 61.

Quant aux combats d'Eleusis et de Spartole nous n'essaierons pas de les identifier. On ne peut faire à cet égard que des conjectures et au surplus la question est sans intérêt.

§ 46. Schœmann pense avec raison qu'au lieu de 'Ολύντιοι il faut lire ici Κορίντιοι. C'est Corinthe et non Olynthe qui était alors alliée d'Athènes.