Cicéron, Correspondance

CICÉRON

ŒUVRES COMPLÈTES DE CICÉRON AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE M. NISARD DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE; INSPECTEUR GÉNÉRAL DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR - TOME CINQUIÈME - PARIS - CHEZ FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET Cie. LIBRAIRES - IMPRIMERIE DE L'INSTITUT DE FRANCE - RUE JACOB, 56 - M DCCC LXIX

LETTRES FAMILIERES

LIVRE XVI - LIBER SEXTVS DECIMVS: AD TIRONEM

livre 15 

 

 

LETTRES FAMILIERES

LIVRE XVI

LIBER SEXTVS DECIMVS: AD TIRONEM

 

 

 

 

Scr. In itinere Patris Alyziam iii Non. Nov. A. 704 (50).

TVLLIVS TIRONI SVO S. P. D. ET CICERO MEVS ET FRATER ET FRATRIS F.

Paulo facilius putavi posse me ferre desiderium tui, sed plane non fero et, quamquam magni ad honorem nostrum interest quam primum ad urbem me venire, tamen peccasse mihi videor qui a te discesserim ; sed quia tua voluntas ea videbatur esse, ut prorsus nisi confirmato corpore nolles navigare, approbavi tuum consilium neque nunc muto, si tu in eadem es sententia ; sin autem, postea quam cibum cepisti, videris tibi posse me consequi, tuum consilium est. Marionem ad te eo misi, ut aut tecum ad me quam primum veniret aut, si tu morarere, statim ad me rediret. Tu autem hoc tibi persuade, si commodo valetudinis tuae fieri possit, nihil me malle quam te esse mecum ; si autem intelleges opus esse te Patris convalescendi causa paulum commorari, nihil me malle quam te valere. Si statim navigas, nos Leucade consequere ; sin te confirmare vis, et comites et tempestates et navem idoneam ut habeas diligenter videbis. Unum illud, mi Tiro, videto, si me amas, ne te Marionis adventus et hae litterae moveant. Quod valetudini tuae maxime conducet si feceris, maxime obtemperaris voluntati meae. Haec pro tuo ingenio considera. Nos ita te desideramus, ut amemus ; amor ut valentem videamus hortatur, desiderium ut quam primum ; illud igitur potius. Cura ergo potissimum ut valeas. De tuis innumerabilibus in me officiis erit hoc gratissimum. III non. Non

290. — ClCERON, SON FII.S, SON FRÈRE ET SON NEVEU, A TIRON. 3 novembre.

F. XVI. 1. Je croyais pouvoir supporter facilement votre absence : décidément, je ne saurais m'y faire; et, malgré ce grand intérêt des honneurs qui m'appelle à Rome, je me reproche comme un tort de vous avoir quitté. Cependant vous aviez tant de répugnance à vous embarquer avant le retour de vos forces, que j'ai dû me rendre, et que je vous approuve encore, pour peu que vous persistiez. Mais si depuis que vous avez cessé la diète, vous vous croyez en état de partir, vous en êtes le maître. Je vous envoie Marion qui vous accompagnera ou qui reviendra immédiatement, si vous devez encore retarder. — Persuadez-vous bien que, votre santé le permettant, je tiens sur toute chose à vous avoir près de moi; mais que s'il faut pour votre rétablissement quelque séjour à Patras, je ne souhaite rien tant que votre santé. En vous embarquant sur-le-champ, vous me retrouveriez à Leucade. Si vous aimez mieux attendre que vous soyez plus fort, ne manquez pas de choisir pour votre retour, bonne compagnie, beau temps et vaisseau commode. La seule chose que j'exige de votre amitié, mon cher Tiron, c'est de ne pas vous laisser influencer par Marion et par ma lettre. Faites ce qu'exigé votre santé, c'est le plus sûr moyen de me satisfaire. —Avec votre esprit, vous allez me comprendre à merveille. Je vous aime pour vous et pour moi. L'un de ces sentiments dit, revenez bien portant ; l'autre , revenez bien vite ; mais le premier a le dessus. Commencez donc par vous bien porter. De vos services sans nombre ce sera le plus précieux.

Scr. Alyziae Non. Nov. A. 704 (50).

TVLLIVS TIRONI SVO S.

Non queo ad te nec libet scribere quo animo sim adfectus ; tantum scribo et tibi et mihi maximae voluptati fore, si te firmum quam primum videro. Tertio die abs te ad Alyziam accesseramus (is locus est citra Leucadem stadia cxx); Leucade aut te ipsum aut tuas litteras a Marione putabam me accepturum. Quantum me diligis, is tantum fac ut valeas, vel quantum te a me scis diligi. Non. Nov. Alyzia.

291. — A SON CHER TIRON. Athènes, 5 novembre.

F. XVI, 2. Vous écrire ce qui se passe en moi, c'est ce que je ne puis ni ne veux faire. Je vous dis seulement : venez vite et bien portant. C'est tout ce que je puis désirer pour votre satisfaction comme pour la mienne. Aujourd'hui troisième jour de notre séparation, j'arrive à Alysia, cent vingt stades en deçà de Leucade, où je compte voir arriver vous en personne ou Marion avec «ne lettre de vous. Soignez-vous autant que vous m'aimez, ou autant que vous savez que je vous aime.

Scr. Alyziae a. D. viii Id. Nov. A. 704 (50).

TVLLIVS ET CICERO TIRONI SVO S. D. ET Q. PATER ET FILIVS.

Nos apud Alyziam, ex quo loco tibi litteras ante dederamus, unum diem commorati sumus, quod Quintus nos consecutus non erat. Is dies fuit non. Nov. Inde ante lucem proficiscentes ante diem viii Idus Nov. Has litteras dedimus. Tu si nos omnis amas et praecipue me, magistrum tuum, confirma te. Ego valde suspenso animo exspecto primum te scilicet, deinde Marionem cum tuis litteris. Omnes cupimus, ego in primis, quam primum te videre sed, mi Tiro, valentem. Qua re nihil properaris ; satis cito te videro, si valebis. Utilitatibus tuis possum carere ; te valere tua causa primum volo, tum mea, mi Tiro. Vale.

292. ClCÉRON, SON FILS, SON FRÈRE ET SON NEVEU, A LEUR CHER TlRON. Alysia, 3 novembre.

F. XVI, 3. Quintus n'étant pas arrivé, je me suis arrêté un jour à Alysia, d'où je vous ai déjà écrit : c'était le jour des nones de novembre. Comme je compte partir d'ici avant le lever du soleil, je puis dater ma lettre du s des ides. Si vous avez quelque amitié pour nous tous, mon cher Tiron, pour moi surtout votre maître, de grâce, rétablissez-vous. — Je serai dans une grande anxiété jusqu'à ce que je vous voie arriver vous d'abord, puis, si ce n'est pas vous, Marion et une lettre. Nous souhaitons tous ardemment, et moi le premier, de vous voir, mon cher Tiron, mais de vous voir bien portant. Ainsi ne précipitez rien. Quand vous serez rétabli, nous aurons bien le temps de nous voir tous les jours. Je puis me passer de vos services. Je veux que vous vous portiez bien, pour vous d'abord, ensuite pour moi. Adieu.

Scr. Leucade vii Id. Nov. A. 704 (50).

TVLLIVS TIRONI SVO S. P. D. ET CICERO ET Q. FRATER ET Q. F.

Varie sum adfectus tuis litteris, valde priore pagina perturbatus, paulum altera recreatus. Qua re nunc quidem non dubito quin, quoad plane valeas, te neque navigationi neque viae committas. Satis te mature videro, si plane confirmatum videro. De medico et tu bene existimari scribis et ego sic audio ; sed plane curationes eius non probo ; ius enim dandum tibi non fuit, quom κακοστόμαχος esses. Sed tamen et ad illum scripsi accurate et ad Lysonem. Ad Curium vero, suavissimum hominem et summi offici summaeque humanitatis, multa scripsi, in his etiam ut, si tibi videretur, te ad se traferret ; Lyso enim noster vereor ne neglegentior sit, primum quia omnes Graeci, deinde quod, cum a me litteras accepisset, mihi nullas remisit. Sed eum tu laudas ; tu igitur quid faciendum sit iudicabis. Illud, mi Tird, te rogo sumptu ne parcas ulla in re, quod ad valetudinem opus sit. Scripsi ad Curium quod dixisses daret. Medico ipsi puto aliquid dandum esse, quo sit studiosior. Innumerabilia tua sunt in me officia domestica, forensia, urbana, provincialia, in re privata, in publica, in studiis, in litteris nostris ; omnia viceris, si, ut spero, te validum videro. Ego puto te bellissime, si recte erit, cum quaestore Mescinio decursurum. Non inhumanus est teque, ut mihi visus est, diligit. Et cum valetudini tuae diligentissime consulueris, tum, mi Tiro, consulito navigationi. Nulla in re iam te festinare volo ; nihil laboro, nisi ut salvus sis. Sic habeto, mi Tiro, neminem esse qui me amet quin idem te amet, et cum tua et mea maxime interest te valere, tum multis est curae. Adhuc dum mihi nullo loco deesse vis, numquam te confirmare potuisti ; nunc te nihil impedit ; omnia depone, corpori servi. Quantam diligentiam in valetudinem tuam contuleris, tanti me fieri a te iudicabo. vale, mi Tiro, vale, vale et salve. Lepta tibi salutem dicit et omnes. vale. VII id. Nov. Leucade.

293. ClCÉRON , SON FILS SON FRÈRE ET SON NEVEU, A Tiron. Leucade, 7 novembre.

F. XVI, 4. La lecture de votre lettre m'a fait éprouver des sensations bien diverses. La première page m'a tout bouleversé ; la seconde m'a un peu remis. Je vois à présent que vous ne vous mettrez en route par mer ni par terre, avant d'être tout à fait rétabli. J e vous verrai toujours assez tôt, si je vous revois bien portant. Vous m'écrivez que votre médecin a votre confiance, et l'on en dit du bien. Cependant je n'approuve pas en tout son régime. Le bouillon ne va pas à un estomac malade. Je ne laisse pas de lui écrire avec tout plein d'égards, ainsi qu'à Lyson. — J'écris aussi une longue lettre à Curius, homme charmant, plein d'obligeance, d'une bonté infinie. Je l'engage notamment à vous prendre chez lui, si bon vous semble. A vrai dire, je crains que Lyson ne soit un peu négligent; d'abord parce que tous les Grecs le sont; puis parce qu'il ne répond pas à 282 mes lettres. Mais vous m'en faites l'éloge ; c'est à vous de décider ce qui convient le mieux. La seule chose que j'exige de vous, mon cher Tiron, c'est de ne pas regarder à la dépense pour votre santé. J'ai mandé à Curius de vous donner tout ce que vous demanderiez. Mon avis est qu'il faut aussi faire un présent au médecin, pour stimuler son zèle. — Vous m'avez rendu d'innombrables services dans mon intérieur, au forum, à la ville, dans ma province, pour mes affaires particulières, pour les affaires publiques, pour mes études, pour ma correspondance. Eh bien ! revenez-moi aussi vaillant que je l'espère, et je vous en saurai plus de gré que de tout ce que vous avez fait pour moi. Je crois qu'une fois rétabli vous ne sauriez mieux faire que de partir avec mon questeur Mescinius. C'est un assez aimable homme, et il m'a paru vous aimer beaucoup; mais consultez bien votre force, mon cher Tiron, avant de songer à vous mettre en mer. Ne précipitez rien, je vous le défends. Je n'ai qu'un souci, votre santé. — Soyez-en persuadé, qui m'aime vous aime, et si votre santé nous préoccupe vous et moi, le nombre est grand de ceux qui s'y intéressent. D'ailleurs jusqu'ici vous n'avez voulu faire trêve aucune à votre assiduité près de moi, et votre guérison en a souffert. Rien ne vous gêne aujourd'hui, laissez tout soin de côté. N'en ayez que de votre personne. Je jugerai de vos sentiments par l'attention que vous mettrez à votre santé. Adieu, mon cher Tiron. Adieu, adieu et portez-vous bien. Lepta vous envoie mille bonjours, et tout le monde.

Scr. Leucade vii Id. Nov. A. 704 (50).

TVLLIVS ET CICERO ET Q. Q. TIRONI HVMANISSIMO ET OPTIMO S. P. D.

Vide quanta sit in te suavitas. Duas horas Thyrrei fuimus. Xenomenes hospes tam te diligit quam si vixerit tecum. Is omnia pollicitus est quae tibi essent opus ; facturum puto. Mihi placebat, si firmior esses, ut te Leucadem deportaret, ut ibi te plane confirmares. videbis quid Curio, quid Lysoni, quid medico placeat. volebam ad te Marionem remittere quem, cum meliuscule tibi esset, ad me mitteres ; sed cogitavi unas litteras Marionem adferre posse, me autem crebras exspectare. Poteris igitur et facies, si me diligis, ut cotidie sit Acastus in portu. Multi erunt quibus recte litteras dare possis, qui ad me libenter perferant ; equidem Patras euntem neminem praetermittam. Ego omnem spem tui diligenter curandi in Curio habeo. Nihil potest illo fieri humanius, nihil nostri amantius. Ei te totum trade. Malo te paulo post valentem quam statim imbecillum videre. Cura igitur nihil aliud nisi ut valeas ; cetera ego curabo. Etiam atque etiam vale. Leucade so proficiscens vii Id. Nov.

294. — ClCÉRON ET SON FILS QUINTUS ET SON FILS SON FRÈRE ET SON NEVEU, A LEUR EXCELLENT ET SI AIMABLE TlRON. Leucade, 7 novembre.

F. XVI, 5. Voyez quelle séduction est la vôtre ; nous ne sommes restés que deux heures à Thyrée, et voilà Xenomène, notre hôte, qui vous aime comme s'il avait passé toute sa vie avec vous. Il s'offre à pourvoir à tous vos besoins, et je crois qu'il tiendra parole. Je souhaiterais, pour peu que vous vous sentiez mieux, qu'il vous fit transporter à Leucade, pour y achever votre rétablissement. Prenez là-dessus l'avis de Curius, l'avis de Lyson, l'avis du médecin. J'ai eu un moment l'idée de vous renvoyer Marion. Vous me l'eussiez renvoyé dès qu'il y aurait eu un peu de mieux; mais j'ai réfléchi que Marion ne pourrait me rapporter qu'une lettre et que j'en veuxquise suivent de près. Vous pouvez, et vous n'y manquerez pas, si vous m'aimez, vous pouvez envoyer chaque jour Acaste sur le port. Il trouvera une foule de gens à qui on peut en toute sûreté remettre des lettres, et qui se feront un plaisir de me les apporter. De mon côté, je ne laisserai pas échapper une seule occasion pour Fatras. Je ne compte absolument que sur les soin s de Curius. C'est le meilleur homme du moude et celui qui m'aime le plus. Abandonnez-vous à lui sans réserve. J'aime bien mieux vous avoir bien portant un peu plus tard, que languissant tout de suite. Ne vous occupez que d'une chose ; de votre santé. Je saurai pourvoir au reste. Adieu, mille fois adieu. Au moment de quitter Leucade, le 7 des ides de novembre.

Scr. Acti vii Id. Nov. A. 704 (50).

TVLLIVS ET CICERO ET Q. Q. TIRONI S. P. D.

Tertiam ad te hanc epistulam scripsi eodem die magis instituti mei tenendi causa, quia nactus eram cui darem, quam quo haberem quid scriberem. Igitur illa : quantum me diligis, tantum adhibe in te diligentiae ; ad tua innumerabilia in me officia adde hoc, quod mihi erit gratissimum omnium cum valetudinis rationem, ut spero, habueris, habeto etiam navigationis ; in Italiam euntibus omnibus ad me litteras dabis, ut ego euntem Patras neminem praetermitto ; cura, cura te, mi Tiro. Quoniam non contigit ut simul navigares, nihil est quod festines nec quicquam cures nisi ut valeas. Etiam atque etiam vale. viI Idus Nov. Actio vesperi.

295 — CicÉron Et Son Fils, QUintus Et Son Fils, A Tiron. Aclium, 7 novembre.

F. XVI, 6. Cette lettre est la troisième d'aujourd'hui, non que j'aie rien de nouveau à vous dire, ce n'est que pour tenir mon engagement, et profiter d'une occasion qui se présente. Toujours même recommandation. Donnez-moi par les soins que vous prenez de vous, la mesure de votre attachement pour moi. J'exige encore ce témoignage après tant d'autres, et nul ne m'aura plus touché. Votre santé, d'abord : votre retour, après. Que personne ne vienne en Italie sans lettre de vous; que personne ne parte pour Fatras sans lettre de moi. Soignez-vous, cher Tiron, soignez-vous; puisqu'il ne nous a pas été donné de faire le trajet ensemble, rien désormais ne doit plus vous presser. Votre santé! votre santé! Ne songez qu'à cela. Mille fois adieu, Le 8 desides de novembre, dans la soirée, à Actium.

Scr. Corcyrae xv K. Dec. A. 704 (50).

TVLLIVS ET CICERO S. D. TIRONI SVO.

Septimum iam diem Corcyrae tenebamur, Quintus autem pater et filius Buthroti. Solliciti eramus de tua valetudine mirum in modum nec mirabamur nihil a te litterarum ; iis enim ventis istim navigatur, qui si essent, nos Corcyrae non sederemus. Cura igitur te et confirma et, cum commode et per valetudinem et per anni tempus navigare poteris, ad nos amantissimos tui veni. Nemo nos amat qui te non diligat ; carus omnibus exspectatusque venies. Cura ut valeas. Etiam atque etiam, Tiro noster, vale. xv K. Dec. Corcyra.

296. — A TIRON. Corcyre, 17 novembre.

F. XVI, 7. Me voilà depuis sept jours cloué à Corcyre. Quintus et sou fils sont à Buthrote. Je suis dans une anxiété mortelle ; sans trop m'étonner pourtant de n'avoir pas de vos lettres ; car je ne serais pas à Corcyre, si j'avais le vent qui peut m'en apporter. Soignez-vous, rétablissez-vous ; et lorsque l'occasion, la santé, la saison des mers pourront vous le permettre, revenez à ceux qui vous aiment. Règle sans exception : Qui m'aime vous aime. Partout on vous chérit, on vous appelle pour la centième fois ; soignez-vous, vous qui nous êtes cher à tous. Adieu. Le 15 des kalendes de décembre, à Corcyre.

 Scr. In Campania vel ex. M. Ian. vel Febr. A. 705 (49).

Q. CICERO TIRONI S. D.

Magnae nobis est sollicitudini valetudo tua. Nam tametsi qui veniunt ἀκίνδυνα μὲν χρονιώτερα δὲ nuntiant, tamen in magna consolatione ingens inest sollicitudo, si diutius a nobis afuturus es is, cuius usum et suavitatem desiderando sentimus. At tamen quamquam videre te tota cogitatione cupio, tamen te penitus rogo ne te tam longae navigationi et viae per hiemem nisi bene firmum committas neve naviges nisi explorate. vix in ipsis tectis et oppidis frigus infirma valetudine vitatur, nedum in mari et via sit facile abesse ab iniuria temporis. “ψῦχος δὲ λεπτῷ χρωτὶ πολεμιώτατον, ” inquit Euripides ; cui tu quantum credas nescio ; ego certe singulos eius versus singula [eius] testimonia puto. Effice, si me diligis, ut valeas et ut ad nos firmus ac valens quam primum venias. Ama nos et vale. Quintus f. tibi salutem dicit.

319. — A TIRON. Formies, février.

F. XVI, 8. Votre santé nous inquiète beaucoup. Les arrivants s'accordent à dire que le mal n'est pas dangereux, mais peut traîner en longueur. C'est une consolation et à la fois une cause de tourment, si je dois longtemps encore être privé d'une compagnie, dont votre absence me fait sentir plus vivement l'utilité et les charmes. Toutes mes pensées sont avec vous. Mais, je vous conjure de ne point vous exposer, faible encore, à une si longue navigation, et à un voyage d'hiver. Ne vous embarquez qu'à bon escient. Avec une santé faible, à peine peut-on se garantir du froid dans de bonnes habitations, et au milieu des villes. Jugez s'il est facile de se préserver de ses atteintes en voyage et sur mer. « Le froid est le grand ennemi des peaux délicates » dit Euripide. Mais fait-il autorité pour vous ? Je regarde, moi, ses vers comme autant d'axiomes. Soignez-vous, soignez-vous, si vous m'aimez, et revenez 306 nous vaillant le plus tôt possible. Adieu : aimez-moi toujours. Le fils de Quintus vous embrasse.

Scr. Brundisi iv K. Dec. A. 704 (50).

TVLLIVS ET CICERO TIRONI SVO S. P. D.

Nos a te, ut scis, discessimus a. D. Iiii Non. Nov. Leucadem venimus a. D. viii Id. Nov., a. D. vii Actium. Ibi propter tempestatem a. D. vi id. Morati sumus. Inde a. D. V Id. Corcyram bellissime navigavimus. Corcyrae fuimus usque ad a. D. xvi K. Dec. Tempestatibus retenti. A. D. xv K. In portum Corcyraeorum ad Cassiopen stadia cxx processimus. Ibi retenti ventis sumus usque ad a. D. viiii K. Interea, qui cupide profecti sunt, multi naufragia fecerunt. Nos eo die cenati solvimus ; inde austro lenissimo caelo sereno nocte illa et die postero in Italiam ad Hydruntem ludibundi pervenimus eodemque vento postridie (id erat a. D. vii K. Dec.) hora iiii Brundisium venimus, eodemque tempore simul nobiscum in oppidum introiit Terentia, quae te facit plurimi. A. D. V K. Dec. Servus Cn. Planci Brundisi tandem aliquando mihi a te exspectatissimas litteras reddidit datas Idibus Nov., quae me molestia valde levarunt utinam omnino liberassent! sed tamen Asclapo medicus plane confirmat propediem te valentem fore. Nunc quid ego te horter ut omnem diligentiam adhibeas ad convalescendum? Tuam prudentiam, temperantiam, amorem erga me novi ; scio te omnia facturum ut nobiscum quam primum sis, sed tamen ita velim, ut ne quid properes. Symphoniam Lysonis vellem vitasses, ne in quartam hebdomada incideres ; sed quoniam pudori tuo maluisti obsequi quam valetudini, reliqua cura. Curio misi ut medico honos haberetur et tibi daret quod opus esset me cui iussisset curaturum. Ecum et mulum Brundisi tibi reliqui. Romae vereor ne ex K. Ian. Magni tumultus sint. Nos agemus omnia modice. Reliquum est ut te hoc rogem et a te petam ne temere naviges (solent nautae festinare quaestus sui causa), cautus sis, mi Tiro (mare magnum et difficile tibi restat), si poteris, cum Mescinio (caute is solet navigare), si minus, cum honesto aliquo homine, cuius auctoritate navicularius moveatur. In hoc omnem diligentiam si adhibueris teque nobis incolumem steteris, omnia a te habebo. Etiam atque etiam, noster Tiro, vale. Medico, Curio, Lysoni de te scripsi diligentissime. vale, salve.

297. - ClCÉRON ET SON FILS A TlRON. Brindes, novembre.

F. XVI, 9. Nous vous avons quitté, comme vous le savez, le 4 des nones de novembre, nous sommes arrivés à Leucade le 8 des ides et le 7 à Actium, où nous avons été forcés par le mauvais temps d'y rester jusqu'au 6. Le 5, journée magnifique pour notre passage à Corcyre Là, le mauvais temps nous a encore retenus jusqu'au 16 des kalendes de décembre. Le 15 des kalendes de décembre nous avons parcouru une distance de 120 stades, du port de Corcyre à Cassiope, où les vents nous ont encore arrêtés jusqu'au 9 des kalendes. Beaucoup de gens se sont trop pressés de partir, et il en est résulté quantité de naufrages. — Le même jour, après souper, nous avons mis à la voile ; et, grâce au plus doux des austers; grâce à un ciel constamment serein, en une nuit et un jour, nous sommes arrivés, comme en nous jouant, à Hydrunte, en Italie. Le lendemain, qui était le 7 des kalendes, à la quatrième heure, le même vent nous faisait entrer à Rrindes, à l'instant même où Térentia, qui vous aime si fort, entrait par terre dans la ville. C'est seulement le 5 des kalendes de décembre que l'esclave de Cn. Plaucius m'a enfin apporté votre lettre tant désirée, datée des ides de novembre. De quel poids elle m'a soulagé! que ne m'a-t-elle ôté toute inquiétude? cependant Asclapon, votre médecin, assure qu'au premier jour vous serez sur pied. — Que puis-je dès lors vous dire? De vous garder jusque-là de toute imprudence. Je connais votre sagesse, votre esprit réfléchi, votre tendre affection pour moi. Vous ferez tout, je le sais, pour être bien vite au milieu de nous. Pourtant, je vous en conjure , ne précipitez rien. J'aurais bien voulu vous voir dispensé de la symphonie de Lyson, de peur d'une rechute à la quatrième semaine. Enfin , les égards ont prévalu sur le soin de votre santé. Au moins ne vous y exposez plus. J'ai prié Curius de se charger des honoraires du médecin et de vous donner tout l'argent qu'il vous faudrait. Je ferai les fonds à son ordre. Je vous laisse 284 un cheval et une mule à Brindes. Il est fort à craindre que les kalendes de janvier n'amènent a Rome de grands désordres. J'aurai soin de ne pas trop m'avancer. — Je finis en vous demandant, en vous conjurant de ne point vous embarquer à la légère. Les marins sont toujours pressés de partir. Us ne voient que leurs profits. De la prudence, mon cher Tiron, de la prudence ! Il vous reste une traversée longue et difficile. Tâchez de partir avec Mescinius. C'est un navigateur circonspect. Si vous ne le pouvez pas, cherchez quelque personne considérable qui ait autorité sur l'équipage. Ce sera me combler que d'avoir toutes ces attentions, et d'arriver sain et sauf. Adieu, notre cher ami, adieu. J'ai écrit sur tous les points au médecin, à Curius et à Lyson. Adieu, bonne santé.

Scr. Cumano xv K. Mai a. 701 (53).

TVLLIVS TIRONI S.

Ego vero cupio te ad me venire, sed viam timeo. Gravissime aegrotasti, inedia et purgationibus et vi ipsius morbi consumptus es ; graves solent offensiones esse ex gravibus morbis si quae culpa commissa est ; iam ad id biduum, quod fueris in via, dum in Cumanum venis, accedent continuo ad reditum dies quinque. Ego in Formiano a. D. III K. Esse volo. Ibi te ut firmum offendam, mi Tiro, effice. Litterulae meae sive nostrae tui desiderio oblanguerunt, hac tamen epistula, quam Acastus attulit, oculos paulum sustulerunt. Pompeius erat apud me, cum haec scribebam, hilare et libenter. Ei cupienti audire nostra dixi sine te omnia mea muta esse. Tu Musis nostris para ut operas reddas. Nostra ad diem dictam fient; docui enim te fides ἔτυμον quod haberet. Fac plane ut valeas. Nos adsumus. vale. xiiii K.

163. — A TIRON. Rome

F. XVI, 10. Et moi aussi je voudrais bien qu'il vous fût possible de me rejoindre; mais je crains pour vous le voyage. La diète, les purgations , la force du mal vous ont épuisé. Les rechutes sont graves à la suite de maladies si graves; la moindre imprudence y expose. Aux deux jours nécessaires pour arriver à Cumes, ajoutez-en cinq autres sans interruption pour le reste du voyage. Je veux être à Formies le 3 des kalendes. Faites, mon cher Tiron, que je vous y trouve tout à liait vaillant. Privées de votre concours, mes études chéries, je devrais dire nos études chéries, sont dans une langueur mortelle. La lettre que vous m'avez envoyée par Acaste les a un peu ranimées. Pompée qui est là quand je vous écris, rit et plaisante; il voulait entendre quelque chose de moi ; je lui ai répondu que chez moi, sans vous, tout était mort. Revenez donc bien vite à ces Muses qui vous appellent. Je serai, le jour dit, Adèle à ma parole. Pourrais-je y manquer, quand c'est moi qui vous ai appris la signification étymologique du mot fidèle. Rétablissez-vous entièrement. Je suis tout prêt. Adieu. Le 14 des kalendes.

Scr. Ad urbem pdd. Id. Ian. A. 705 (49).

TVLLIVS ET CICERO, TERENTIA, TVLLIA Q. Q. TIRONI S. P. D.

Etsi opportunitatem operae tuae omnibus locis desidero, tamen non tam mea quam tua causa doleo te non valere ; sed quoniam in quartanam conversa vis est morbi (sic enim scribit Curius), spero te diligentia adhibita iam firmiorem fore ; modo fac, id quod est humanitatis tuae, ne quid aliud cures hoc tempore nisi ut quam commodissime convalescas. Non ignoro quantum ex desiderio labores ; sed erunt omnia facilia si valebis. Festinare te nolo, ne nauseae molestiam suscipias aeger et periculose hieme naviges. Ego ad urbem accessi pr. Non. Ian. Obviam mihi sic est proditum, ut nihil possit fieri ornatius ; sed incidi in ipsam flammam civilis discordiae vel potius belli. Cui cum cuperem mederi et, ut arbitror, possem, cupiditates certorum hominum (nam ex utraque parte sunt qui pugnare cupiant) impedimento mihi fuerunt. Omnino et ipse Caesar, amicus noster, minacis ad senatum et acerbas litteras miserat et erat adhuc impudens qui exercitum et provinciam invito senatu teneret, et Curio meus illum incitabat ; Antonius quidem noster et Q. Cassius nulla vi expulsi ad Caesarem cum Curione profecti erant, postea quam senatus consulibus, pr., tr. Pl. Et nobis, qui pro coss. Sumus, negotium dederat ut curaremus ne quid res p. Detrimenti caperet. Numquam maiore in periculo civitas fuit, numquam improbi cives habuerunt paratiorem ducem. Omnino ex hac quoque parte diligentissime comparatur. Id fit auctoritate et studio Pompei nostri, qui Caesarem sero coepit timere. Nobis inter has turbas senatus tamen frequens flagitavit triumphum ; sed Lentulus consul, quo maius suum beneficium faceret, simul atque expedisset quae essent necessaria de re p. Dixit se relaturum. Nos agimus nihil cupide eoque est nostra pluris auctoritas. Italiae regiones discriptae sunt, quam quisque partem tueretur. Nos Capuam sumpsimus. Haec te scire volui. Tu etiam atque etiam cura ut valeas litterasque ad me mittas, quotienscumque habebis cui des. Etiam atque etiam vale. D. Pr. Idus Ian.

306. — CICÉRON ET SON FILS, TÉRENTIA ET TULLIA, QUINTUS ET SON FILS, A TIRON. Rome, 12 janvier.

F. XVI, 11. Il n'est lieu où vos bons services ne me fassent faute. C'est pour vous cependant et non pour moi que votre état de santé m'afflige. Mais puisque voilà la maladie devenue fièvre quarte (c'est ce que m'écrit Curius), j'espère qu'avec des soins vous ne vous en trouverez que mieux après. Seulement, soyez aimable, mon cher Tiron, et ne songez quant à présent qu'à vous rétablir tout à votre aise. Je sais que l'impatience vous consume; mais une fois bien portant, tout vous deviendra facile. Point de précipitation, je vous le défends. Le mal de mer peut avoir des effets graves pour un malade, et toute traversée est dangereuse en hiver. - Je suis entré à Rome la veille des nones de janvier. L'affluence a été telle au-devant de moi qu'on ne saurait imaginer rien de plus flatteur. Mais je tombe au milieu des brandons de la discorde, ou plutôt de la guerre civile. Je voudrais arrêter le mal, et je crois que j'y réussirais. Mais des deux côtés, il y a des gens qui veulent se battre et les passions se mettent à la traverse. César lui-même, notre cher ami César, écrit au sénat des lettres pleines de menace et d'aigreur, et cela au 295 moment même où il a le front de rester, en dépit du sénat, à la tête de son armée et de sa province. Et le cher Curion aussi est là qui l'excite. Enfin Antoine et Q. Cassius, sans aucune provocation, sont allés avec Curion rejoindre César. - Le sénat vient de déclarer la patrie en péril, et a chargé les consuls, les préteurs, les tribuns du peuple, et nous autres proconsuls de veiller à son salut. Depuis ce moment le danger redouble. Jamais les brouillons n'eurent un chef plus entreprenant à leur tête. De ce côté on se prépare sérieusement à se défendre, grâce au zèle et à l'autorité de Pompée qui s'y prend un peu tard à craindre César. Du milieu du brouhaha, le sénat, en fort grand nombre, n'a pas laissé de demander chaudement mon triomphe. Mais le consul Lentulus, pour se faire valoir, a dit qu'aussitôt les affaires du moment expédiées, il s'occuperait immédiatement de mon rapport. Je ne me fais pas importun et mes titres y gagnent d'autant dans l'opinion. On vient de partager l'Italie en régions de commandement. J'ai choisi Capoue. J'étais bien aise de vous mettre au courant de tous ces détails. Allons, allons, songez à votre santé et ne manquez pas une occasion de m'écrire. Adieu, adieu; la veille des ides de janvier.

Scr. Capuae iv K. Febr. A. 705 (49).

TVLLIVS S. D. TIRONI SVO.

Quo in discrimine versetur salus mea et honorum omnium atque universae rei p. Ex eo scire potes quod domos nostras et patriam ipsam vel diripiendam vel inflammandam reliquimus. In eum locum res deducta est ut, nisi qui deus vel casus aliquis subvenerit, salvi esse nequeamus. Equidem ut veni ad urbem, non destiti omnia et sentire et dicere et facere quae ad concordiam pertinerent ; sed mirus invaserat furor non solum improbis sed etiam iis qui boni habentur, ut pugnare cuperent me clamante nihil esse bello civili misenus. Itaque cum Caesar amentia quadam raperetur et oblitus nominis atque honorum suorum Ariminum, Pisaurum, Anconam, Arretium occupavisset, urbem reliquimus, quam sapienter aut quam fortiter nihil attinet a disputari. Quo quidem in casu simus vides. Feruntur omnino condiciones ab illo, ut Pompeius eat in Hispaniam, dilectus qui sunt habiti et praesidia nostra dimittantur ; se ulteriorem Galliam Domitio, citeriorem Considio Noniano (his enim obtigerunt) traditurum ; ad consulatus petitionem is se venturum, neque se iam velle absente se rationem haberi suam ; se praesentem trinum nundinum petiturum. Accepimus condiciones, sed ita, ut removeat praesidia ex iis locis quae occupavit, ut sine metu de his ipsis condicionibus Romae senatus haberi possit. Id ille si fecerit, spes est pacis, non honestae (leges enim imponuntur) ; sed quidvis est melius quam sic esse ut sumus. Sin autem ille suis condicionibus stare noluerit, bellum paratum est, eius modi tamen quod sustinere ille non possit, praesertim cum a suis condicionibus ipse fugerit; tantum modo ut eum intercludamus ne ad urbem possit accedere, quod sperabamus fieri posse. Dilectus enim magnos habebamus putabamusque illum metuere, si ad urbem ire coepisset, ne Gallias amitteret, quas ambas habet inimicissimas praeter Transpadanos, ex Hispaniaque sex legiones et magna auxilia Afranio et Petreio ducibus habet a tergo. videtur, si insaniet, posse opprimi, modo ut urbe salva. Maximam autem plagam accepit quod, is qui summam auctoritatem in illius exercitu habebat, T. Labienus socius sceleris esse noluit. Reliquit illum et est nobiscum multique idem facturi esse dicuntur. Ego adhuc orae maritimae praesum a Formiis. Nullum maius negotium suscipere volui, quo plus apud illum meae litterae cohortationesque ad pacem valerent. Sin autem erit bellum, video me castris et certis legionibus praefuturum. Habeo etiam illam molestiam, quod Dolabella noster apud Caesarem est. Haec tibi nota esse volui ; quae cave ne te perturbent et impediant valetudinem tuam. Ego A. Varroni, quem quom amantissimum mei cognovi tum etiam valde tui studiosum, diligentissime te commendavi, ut et valetudinis tuae rationem haberet et navigationis et totum te susciperet ac tueretur. Quem omnia facturum confido ; recepit enim et mecum locutus est suavissime. Tu quoniam eo tempore mecum esse non potuisti, quo ego maxime operam et fidelitatem desideravi tuam, cave festines aut committas ut aut aeger aut hieme naviges. Numquam sero te venisse putabo, si salvus veneris. Adhuc neminem videram qui te postea vidisset quam M. Volusius, a quo tuas litteras accepi. Quod non mirabar ; neque enim meas puto ad te litteras tanta hieme perferri. Sed da operam ut valeas et, si valebis, cum recte navigari poterit, tum naviges. Cicero meus in Formiano erat, Terentia et Tullia Romae. Cura ut valeas. Iiii K. Febr. Capua.

316. — A TIRON. Capoue, 29 janvier.

F. XVI, 12. D'un mot jugez à quelle extrémité nous sommes réduits, moi, tous les gens de bien, et la république entière. Nous fuyons, laissant nos maisons et la patrie elle-même, exposées aux horreurs du pillage ou de l'incendie. Oui, les choses en sont à ce point qu'à moins d'intervention divine ou d'un coup du sort rien ne peut nous sauver. Depuis le moment où j'ai mis le pied dans Rome, je n'ai eu qu'une pensée, la concorde; je n'ai cessé de la prêcher, d'y travailler. Mais je ne sais quelle rage s'est emparée de toutes les têtes. J'ai beau crier qu'il n'y a rien de pis que la guerre civile. On veut se battre; les prétendus gens de bien, tout comme les méchants. Dans son fatal aveuglement. César, emporté par une sorte de démence et perdant la mémoire de son nom, et des honneurs dont on l'a comblé. César vient d'occuper Ariminium, Pisaure, Ancône, Arretium, et nous, nous quittons la ville. Est-ce sagesse, est-ce courage? c'est ce que je n'examine pas ici. Vous voyez quelle position! Or voici les conditions de César : que Pompée passe en Espagne; que les levées qu'on a faites, et nos garnisons soient licenciées : à ce prix, il promet de remettre la Gaule ultérieure à Domitius et la citérieure à Considius Nonianus, à qui elles sont échues; de venir solliciter en personne le consulat, de renoncer à toute prétention de candidature, lui absent, et de faire en personne les trois demandes 304 d'usage. On accepte tout, pourvu seulement qu’au préalable ses troupes évacuent les points occupés, et que les délibérations du sénat soient libres. S'il y consent, la paix est possible; paix peu honorable. On nous fait la loi. Mais il n'y a rien de pis que la position actuelle. S'il revient sur ses propres conditions, nous sommes prêts à la guerre; guerre qu'il soutiendrait difficilement sous le poids d'une rétractation. Tout dépend de l'arrêter, de lui fermer l'accès de la ville. Et l'on espère y réussir. Nos levées sont nombreuses, et nous croyons qu'il appréhende, par une marche sur Rome, de perdre les deux Gaules, ou il est en exécration partout, excepté chez les Transpadans. De plus il a sur ses derrières six légions d'Espagne et nos nombreux auxiliaires sous les ordres d'Afranius et de Pétréius. Il semble donc, en supposant que sa folie l'emporte, qu'il peut être accablé, si l'on parvient seulement à couvrir Rome. Déjà il vient de recevoir un coup terrible. T. Labiénus, qui a tant d'influence dans son armée, n'a pas voulu se rendre son complice. Il l'a quitté ; il s'est joint à nous. Cet exemple aura, dit-on, de nombreux imitateurs. Je commande encore la côte depuis Formies. Je ne veux pas de poste plus important, afin de donner plus de poids à mes lettres et à mes conseils de paix. Mais je prévois qu'en cas de guerre, j'aurai le commandement d'un camp et d'un certain nombre de légions. J'ai le chagrin de voir Dolabella dans les rangs de César. Je tenais à vous donner ces détails ; mais n'allez pas vous en laisser affecter au point de retarder encore votre convalescence. - Je vous ai recommandé de la manière la plus pressante à A. Varron que j'ai toujours trouvé excellent pour moi et plein d'amitié pour vous. Je l'ai prié de 'occuper de voire santé, de votre traversée, de tout ce qui vous touche enfin ; je ne doute pas qu'il n'y mette de l'intérêt. Il me l'a promis, et m'a dit à ce sujet les choses les plus aimables. Puisque je n'ai pu vous avoir quand j'avais le plus besoin de vos services et de votre dévouement, gardez- vous aujourd'hui de toute précipitation, et ne vous exposez pas, malade encore, ou dans la saison d'hiver, aux dangers d'une navigation. Je ne vous reprocherai jamais d'arriver trop tard, si vous revenez bien portant. Depuis M. Volusius qui m'a remis une lettre de vous, je n'ai vu personne. C'est tout simple. Comment mes lettres vous arriveraient-elles par une si mauvaise saison'? Ne vous occupez que de votre santé. Ne vous mettez en route que quand elle sera bonne et la navigation facile. Cicéron est à ma maison de Formies. Térentia et Tullie sont à Rome. Portez-vous bien. Le 4 des kalendes de février, à Capoue.

Scr. In Cumano iv Id. Apr. A. 701 (55).

TVLLIVS TIRONI S.

Omnia a te data mihi putabo, si te valentem videro. Summa cura exspectabam adventum Menandri, quem ad te miseram. Cura, si me diligis, ut valeas et, cum te bene confirmaris, ad nos venias. Vale. iiii Id.

136. — A TIRON. Avril 10.

F. XVI, 13. Revenez-moi bien portant. Je ne vous demande rien autre. Je vous ai envoyé Ménandre, dont j'attends le retour avec la dernière anxiété. Si vous m'aimez, ayez bien soin de vous, et sitôt que vous aurez repris vos forces , accourez, accourez. Adieu.

Apr. Scr. In Cumano iii Id. Apr. A. 701(53).

TVLLIVS TIRONI S.

Andricus postridie ad me venit quam exspectaram ; itaque habui noctem plenam timoris ac miseriae. Tuis litteris nihilo sum factus certior quo modo te haberes, sed tamen sum recreatus. Ego omni delectatione litterisque omnibus careo, quas ante quam te videro attingere non possum. Medico, mercedis quantum poscet, promitti iubeto. Id scripsi ad Ummium. Audio te animo angi et medicum dicere ex eo te laborare. Si me diligis, excita ex somno tuas litteras humanitatemque, propter quam mihi es carissimus. Nunc opus est te animo valere, ut corpore possis. Id cum tua tum mea causa facias a te peto. Acastum retine, quo commodius tibi ministretur. Conserva te mihi. Dies promissorum adest, quem etiam repraesentabo, si adveneris. Etiam atque etiam vale. iiii Idus h. vi

137. — A TIRON. 10 Avril.

F. XVI, 14. Andricus n'est arrivé que le lendemain du jour où je l'attendais. Aussi j'ai passé une nuit d'effroi, une nuit cruelle. Quoique votre lettre ne dise pas comment vousêtes, elle m'a pourtant remis. Je ne m'abandonne à aucun plaisir, ne m'occupe d'aucune étude. Tant que je ne vous verrai pas, je ne suis capable de rien. Qu'on promette au médecin tous les honoraires qu'il demandera , je l'ai écrit à Ummius. On me mande que vous vous affectez beaucoup et votre état s'en ressent, à ce que dit le médecin. Si vous m'aimez, queje voie se ranimer en vous ce goût des lettres et du beau qui fait que vous m'êtes si cher. Il faut que l'esprit soit sain pour que le corps le devienne. Faites quelque chose. Ce n'est pas seulement pour vous, c'est pour moi que je vous en prie. Gardez Acaste ; vous serez mieux servi. Enfin conservez-vous pour moi. Le jour de mes promesses approche. Je l'avancerai même, si vous arrivez. Adieu. Adieu. Le 4 des Ides, à la sixième heure.

Scr. In Citniano pr. Id. Apr. A. N. C. 701 (53).

TVLLIVS TIRONIS.

Aegypta ad me venit pr. Idus Apr. Is etsi mihi nuntiavit te plane febri carere et belle habere, tamen, quod negavit te potuisse ad me scribere, curam mi attulit, et eo magis, quod Hermia, quem eodem die venire oportuerat, non venerat. Incredibili sum sollicitudine de tua valetudine ; qua si me liberaris, ego te omni cura liberabo. Plura scriberem, si iam putarem libenter te legere posse. Ingenium tuum, quod ego maximi facio, confer ad te mihi tibique conservandum ; cura te etiam atque etiam diligenter. vale. Scripta iam epistula Hermia venit. Accepi tuam epistulam vacillantibus litterulis, nec mirum tam gravi morbo. Ego ad te Aegyptam misi, quod nec inhumanus est et te visus est mihi diligere, ut is tecum esset, et cum eo cocum, quo uterere. Vale.

138. — A TIRON. Avril.

F. XVI, 15. Égypta est arrivé la veille des ides d'avril. La fièvre, m'a-t-il dit, vous avait entièrement quitté et vous vous trouviez assez bien. Cependant il vous est encore impossible d'écrire, et cela m'inquiète, d'autant qu'Hermia, qui devait arriver le même jour, n'a pas encore paru. Le trouble où je vis est inexprimable : que si vous m'en délivrez, moi, je vous délivrerai de tout soin pour toujours. Je vous écrirais plus longuement, si je vous croyais en état de lire. Vous avez de l'esprit, et vous savez à quel point je le prise. Eh bien! pour vous, pour moi, appliquez tout votre esprit à vous bien porter, et veillez sans cesse sur vous. Adieu. —J'avais fini ce mot : voici Hermia qui arrive. Il me remet une lettre. Comme votre pauvre main tremble! Il n'y a rien d'étonnant après une maladie si grave. Je vous renvoie Égypta ; il est d'un bon caractère et je crois qu'il vous aime. Il restera près de vous. J'envoie avec lui un cuisinier dont vous pouvez avoir besoin. Adieu.

Scr. In Gallia transalpina ex. M. Maio a. 701 (53).

QVINTVS MARCO FRATRI S.

De Tirone, mi Marce, ita te meumque Ciceronem et meam Tulliolam tuumque filium videam, ut mihi gratissimum fecisti, quom eum indignum illa fortuna ac nobis amicum quam servum esse maluisti. Mihi crede, tuis et illius litteris perlectis exsilui gaudio et tibi et ago gratias et gratulor. Si enim mihi Stati fidelitas est tantae voluptati, quanti esse in isto haec eadem bona debent additis litteris, [et] sermonibus humanitate, quae sunt his ipsis commodis potiora! amo te omnibus equidem de maximis causis, verum etiam propter hanc vel quod mihi sic ut debuisti nuntiasti. Te totum in litteris vidi. Sabini pueris et promisi omnia et faciam.

170. DE QUINTUS A SON FRÈRE. Bretagne.

F. XVI, 16. Oui, mon cher Marcus, aussi vrai que vous m'êtes cher, vous et mon Cicéron et votre petite Tullie, et votre bon fils, vous m'avez rendu heureux en réparant une indignité de la fortune, en faisant de Tiron un ami, au lieu d'un esclave. J'ni sauté de joie, je vous assure, quand j'ai lu votre lettre et la sienne. Je vous remercie, je vous félicite! Si je regarde comme un bonheur d'avoir près de moi quelqu'un d'aussi dévoué que Statius, que dire de celui chez qui les mêmes qualités se retrouvent, accompagnées de tant d'autres mille foré préférables encore, du goût des lettres, du charme de la conversation, de tous les dons du cœur ! J'ai bien des motifs pour vous aimer, mon frère ; mais aujourd'hui je vous aime davantage pour ce que vous venez de faire et pour votre empressement à me le dire. Je vous reconnais là tout entier. Il n'est rien que je n'aie promis aux gens de Sabinus, et je tiendrai parole.

Scr. Asturae iv K. Sext. A. 709 (45).

TVLLIVS TIRONI S.

Video quid agas ; tuas quoque epistulas vis referri in volumina. Sed heus tu, qui κανών esse meorum scriptorum soles, unde illud tam ἄκυρον 'valetudini fideliter inserviendo'? Unde in istum locum 'fideliter' venit? Cui verbo domicilium est proprium in officio, migrationes in alienum multae ; nam et doctrina et domus et ars et ager etiam. 'fidelis' dici potest, ut sit, quo modo Theophrasto placet, verecunda tralatio. Sed haec coram. Demetrius venit ad me a quo quidem comitatu ἀφωμίλησα satis scite. Tu eum videlicet non potuisti videre. Cras aderit ; videbis igitur ; nam ego hinc perendie mane cogito. valetudo tua me valde sollicitat ; sed inservi et fac omnia. Tum te mecum esse, tum mihi cumulatissime satis facere putato. Cuspio quod operam dedisti mihi gratum est ; valde enim eius causa volo. Vale.

526. A TIRON.

F. XVI, 17. Je vous vois venir. Vous voulez aussi qu'on fasse des recueils de vos lettres. Mais, ii propos, vous qui êtes ma règle en fait de style, ou avez-vous pris cette expression insolite, en soignant fidèlement votre santé ? De quel droit ce. fidèlement se trouve-t-il là? Dans son sens propre fidèlement caractérise des services rendus. Il se prend aussi très-souvent au figuré. Par exemple, on peut bien dire une doctrine, une maison, un art, et même un champ fidèle, et cela sans sortir de la réserve que Théophraste aime dans la métaphore. Nous en reparlerons. — Démétrius est venu me voir, avec quel cortège, grands Dieux! Je lui ai faussé compagnie, vous comprenez. Vous ne l'avez pas vu sans doute. Il reviendra demain, vous le verrez. Pour moi, dès le matin, je compte bien être parti. Votre santé m'inquiète. Ne songez pas à autre chose et faites tout ce qui est nécessaire. Persuadez-vous que vous êtes avec moi et que tout marche ici dans la perfection. Je vous sais gré d'avoir rendu service a Cuspius; c'est un homme à qui je veux beaucoup de bien. Adieu.

Scr. Romae inter med. M. Od. A. 707 (47) et Id. Man. A. 710 (44).

TVLLIVS TIRONI S.

Quid igitur? Non sic oportet? Equidem censeo si&, addendum etiam 'SVO.' sed, si placet, invidia vitetur, quam quidem ego saepe contempsi. Tibi διαφόρησιν gaudeo profuisse ; si vero etiam Tusculanum, dei boni! quanto mihi illud erit amabilius! sed si me amas, quod quidem aut facis aut perbelle simulas, quod tamen in modum procedit, sed, ut ut est, indulge valetudini tuae ; cui quidem tu adhuc, dum mihi deservis, servisti non satis. Ea quid postulet non ignoras, πέψιν, ἀκοπίαν, περίπατον σύμμετρον, τρῖψιν, εὐλυσίαν κοιλίας. Fac bellus revertare ; non modo te sed etiam Tusculanum nostrum plus amem. Parhedrum excita ut hortum ipse conducat; sic holitorem ipsum commovebis. Helico nequissimus HS co dabat nullo aprico horto, nullo emissario, nulla maceria, nulla casa. Iste nos tanta impensa derideat? Calface hominem ut ego Mothonem ; itaque abutor coronis. De Crabra quid agatur, etsi nunc quidem etiam nimium est aquae, tamen velim scire. Horologium mittam et libros, si erit sudum. Sed tu nullosne tecum libellos? An pangis aliquid Sophocleum? Fac opus appareat. A. Ligurius, Caesaris familiaris, mortuus est, bonus homo et nobis amicus. Te quando exspectemus fac ut sciam. Cura te diligenter. Vale.

668. — A TIRON.

F, XVI, 18. Quoi donc! Cela ne convient pas dites-vous. Au contraire; et même il faut mettre: A SON CHER TIRON. Cependant je l'effacerai si vous craignez l'envie, dont, pour mon compte, je me suis toujours fort peu soucié. Je suis charmé que la transpiration vous ait réussi. Si le séjour de Tusculum vous fuit le même bien, bons Dieux, que j'en serai plus aise encore ! Si vous avez de l'amitié pour moi, comme vous en avez en effet ou comme vous en faites semblant à merveille, et de façon à y réussir, je vous conjure de soigner votre santé, cette santé que jusqu'a présent vous avez si mal servie, pour vouloir trop bien me servir moi-même. Vous n'ignorez pas ce qu'elle exige : " des digestions faciles, point de fatigue, un exercice modéré, du repos d'esprit, le ventre libre. .." Je vous en prie, revenez-moi beau garçon; je vous en aimerai mille fois davantage, vous et Tusculum. Engagez Parhédrus à traiter lui-même du jardin. Cela fera peut-être impression sur le jardinier. Ce misérable faquin donnait cent mille sesterces pour un jardin mal abrité, sans eau, sans clôture, sans habitation. N'est-ce pas se moquer de moi que de me proposer une telle dépense? Mettez-lui le feu sous le ventre, comme j'ai fait à Mothon. Je m'en trouve maintenant comme sur un lit de roses. Quoique je n'aie que trop d'eau , où en est , je vous prie , l'affaire de la fontaine Crabra ? Je vous enverrai une horloge et des livres, s'il fait beau. Mais êtes-vous donc absolument sans livres? Ne composez-vous pas quelque chose de Sophocléen? En ce cas, montrez-le. A. Ligurius, client de César, vient de mourir. C'était un homme de bien, et entièrement dans mes intérêts. Mandez-moi quand je puis compter sur vous, et ayez bien soin de votre santé. Adieu.

Scr. In Tusculano paulo post in. M. Sext. A. 709 (45).

TVLLIVS TIRONI SVO S.

Exspecto tuas litteras de multis rebus, te ipsum multo magis. Demetrium redde nostrum et aliud, si quid potest boni. De Aufidiano nomine nihil te hortor ; scio tibi curae esse ; sed confice. Et, si ob eam rem moraris, accipio causam ; si id te non tenet, advola. Litteras tuas valde exspecto. vale.

528. — A TIRON.

F. XVI, 19. J'attends une lettre de vous; vous avez beaucoup de choses à me dire. Je vous attends vous-même avec plus d'impatience encore; mettez Démétrius dans nos intérêts et tâchez d'en tirer quelque chose de bon. Je m'abstiens de vous donner conseil sur l'affaire d'Aufidius. Je sais qu'elle vous tient au cœur, mais terminez-la. Si c'est le motif qui vous retient, j'admets l'excuse : sinon accourez. Il me tarde de recevoir de vos nouvelles. Adieu.

Scr. Eodem loco et tempore quo ep. xviii.

TVLLIVS TIRONI S.

Sollicitat, ita vivam, me tu a, mi Tiro, valetudo ; sed confido, si diligentiam quam instituisti adhibueris, cito te firmum fore. Libros compone ; indicem cum Metrodoro libebit, quoniam eius arbitratu vivendum est. Cum holitore, ut videtur. Tu potes Kalendis spectare gladiatores, postridie redire, et ita censeo ; verum ut videbitur. Cura te, si me amas, diligenter. Vale.

527. — A TIRON.

F. XVI, 20. Aussi vrai que je vis, mon cher Tiron, votre santé m'inquiète. J'aime pourtant à croire qu'en observant strictement votre régime, vous serez bientôt rétabli. Mettez mes livres en ordre; quant au catalogue, prenez les instructions de Métrodore, puisqu'il faut en passer par où il veut. Faites à l'égard du jardinier ce que vous jugerez à propos. Vous pouvez aller voir les gladiateurs le jour des kalendes , puis revenir le lendemain. Je n'y trouve pas le moindre inconvénient pour mon compte. Mais il faudra voir comment vous vous trouverez. Si vous avez de l'amitié pour moi, ayez bien soin de votre santé. Adieu.

Scr. Athenis inter ex. M. Quint et ex. Oct. A. 710 (44).

CICERO F. TIRONI SVO DVLCISSIMO S.

Cum vehementer tabellarios exspectarem cotidie, aliquando venerunt post diem quadragesimum et sextum quam a vobis discesserant. Quorum mihi fuit adventus exoptatissimus; nam cum maximam cepissem laetitiam ex humanissimi et carissimi patris epistula, tum vero iucundissimae tuae litterae cumulum mihi gaudi attulerunt. Itaque me iam non paenitebat intercapedinem scribendi fecisse sed potius laetabar ; fructum enim magnum humanitatis tuae capiebam ex silentio mearum litterarum. vehementer igitur gaudeo te meam sine dubitatione accepisse excusationem. Gratos tibi optatosque esse qui de me rumores adferuntur non dubito, mi dulcissime Tiro, praestaboque et enitar ut in dies magis magisque haec nascens de me duplicetur opinio. Qua re, quod polliceris te bucinatorem fore existiluationis meae, firmo id constantique animo facias licet ; tantum enim mihi dolorem cruciatumque attulerunt errata aetatis meae, ut non solum animus a factis sed aures quoque a commemoratione abhorreant. Cuius te sollicitudinis et doloris participem fuisse notum exploratumque est mihi, nec id mirum ; nam cum omnia mea causa velles mihi successa tum etiam tua ; socium enim te meorum commodorum semper esse volui. Quoniam igitur tum ex me doluisti, nunc ut duplicetur a tuum ex me gaudium praestabo. Cratippo me scito non ut discipulum sed ut filium esse coniunctissimum ; nam cum audio illum libenter tum etiam propriam eius suavitatem vehementer amplector. Sum totos dies cum eo noctisque saepe numero partem ; exoro enim ut mecum quam saepissime cenet. Hac introducta consuetudine saepe inscientibus nobis et cenantibus obrepit sublataque severitate philosophiae humanissime nobiscum iocatur. Qua re da operam ut hunc talem, tam iucundum, tam excellentem virum videas quam primum. Nam quid ego de Bruttio dicam? Quem nullo tempore a me patior discedere ; cuius cum frugi severaque est vita tum etiam iucundissima convictio non est enim seiunctus iocus a φιλολογίᾳ et cotidiana συζητήσει. Huic ego locum in proximo conduxi et, ut possum, ex meis angustiis illius sustento tenuitatem. Praeterea declamitare Graece apud Cassium institui, Latine autem apud Bruttium exerceri volo. Utor familiaribus et cotidianis convictoribus, quos secum Mitylenis Cratippus adduxit, hominibus et doctis et illi probatissimis. Multum etiam mecum est Epicrates, princeps Atheniensium, et Leonides et horum ceteri similes. τὰ μὲν οὖν καθ᾽ ἡμᾶς τάδε. De Gorgia autem quod mihi scribis, erat quidem ille in cotidiana declamatione utilis, sed omnia postposui, dum modo praeceptis patris parerem ; διαρρήδην enim scripserat ut eum dimitterem statim. Tergiversari nolui, ne mea nimia μοδο πραεξεπτις πατρις παρερεμ; διαρρήδην σπουδὴ suspicionem ei aliquam importaret ; deinde illud etiam mihi succurrebat, grave esse me de iudicio patris iudicare. Tuum tamen studium et consilium gratum acceptumque est mihi. Excusationem angustiarum tui temporis accipio ; scio enim quam soleas esse occupatus. Emisse te praedium vehementer gaudeo feliciterque tibi rem istam evenire cupio (hoc loco me tibi gratulari noli mirari ; eodem enim fere loco tu quoque emisse te fecisti me certiorem). Habes ; deponendae tibi sunt urbanitates ; rusticus Romanus factus es, quo modo ego mihi nunc ante oculos tuum iucundissimum conspectum propono ; videor enim videre ementem te rusticas res, cum vilico loquentem, in lacinia servantem ex mensa secunda semina. Sed quod ad rem pertinet, me tum tibi defuisse aeque ac tu doleo. Sed noli dubitare, mi Tiro, quin te sublevaturus sim, si modo fortuna me, praesertim cum sciam communem nobis emptum esse istum fundum. De mandatis quod tibi curae fuit est mihi gratum ; sed peto a te ut quam celerrime mihi librarius mittatur, maxime quidem Graecus ; multum enim mihi eripitur operae in exscribendis hypomnematis. Tu velim in primis cures ut valeas, ut una συμφιλολογεῖν possimus. Anterum tibi commendo.

796. — CICERON LE FILS A SON BIEN-AIME TIRON. Athènes.

F. XVI, 21. J'attendais vos messagers avec impatience. Enfin, après quarante-six jours de route, les voila qui arrivent, à ma grande joie. La lettre de mon père me comble : il est si bon et je l'aime tant! La vôtre, qui est la plus aimable du monde, ajoute encore à mon bonheur. Je ne me repens pas, je m'applaudis au contraire de ne vous avoir point écrit la dernière fois, puisque mon silence me vaut tous ces témoignages de bonté. Quelle satisfaction de voir que vous ne vous fassiez pas tirer l'oreille pour accepter ma justification! Au moins vous serez content dorénavant , mon cher Tiron ; oui, vous serez content de moi, n'en doutez pas; je veux me mettre en quatre pour augmenter chaque jour la bonne opinion qu'on commence à prendre sur mon compte; et, puisque vous me promettez de chanter partout mes louanges, allez ferme et ne craignez rien. J'ai tant de regret et de remords de mes erreurs de jeune homme, que non-seulement mon cœur les prend en haine, mais que le souvenir seul m'en est odieux. Je sais la part que vous avez prise à mes tribulations et à mes chagrins. C'est tout simple, votre intérêt autant que le mien vous met de mon bord. Ne serez-vous pas toujours de moitié dans ce qui m'arrivera d'heureux? Je ne vous ai donné que trop de sujets de chagrin. Eh bien! je vous donnerai au double des sujets de joie. Par exemple, de moi à Cratippe, c'est l'attachement d'un fils plutôt que d'un disciple. Je me fais un plaisir d'aller l'entendre à ses cours , et j'ai une véritable passion pour ses délicieux entretiens. Je passe avec lui des journées entières et souvent une partie des nuits. Je le retiens à souper aussi souvent que possible : depuis que j'ai établi cette habitude, nous le voyons quelquefois, se glissant a pas de loup, venir nous surprendre à table. Il dépose alors la gravité du philosophe pour causer et rire. Arrangez-vous donc pour venir au plus vite faire la connaissance d'un homme si charmant et si distingué. Vous parlerai-je de Bruttius, que je ne laisse bouger d'auprès de moi? Point de mœurs plus sévères et de compagnie plus aimable. Il sait, au milieu de propos joyeux, faire naître des questions littéraires et philosophiques. Je lui ai loué un logement près de moi; et le pauvre Cicéron , tout serré qu'il est , trouve alors moyen de venir en aide a son maigre voisin. J'ai des jours pour déclamer avec Cassius en grec, en latin. J'aime mieux m'exercer avec Bruttius. Je me suis fait un petit cercle d'amis, composé d'hommes que Cratippe a amenés avec lui de Mytilène, tous gens instruits et dont il fait le plus grand cas. Je vois aussi beaucoup Épicrate, qui tient le premier rang à Athènes, Léonide et autres personnes de même considération. Voilà comme mon temps se passe. A l'égard de Gorgias dont vous me parlez, il m'était fort utile pour mes exercices quotidiens de déclamation ; mais la volonté de mon père avant tout : il m'avait écrit d'une manière formelle de l'éloigner. Je n'ai pas balancé; l'insistance eût paru suspecte, et j'ai réfléchi qu'il est toujours bien grave de mettre en question ce qu'un père a décidé. Croyez d'ailleurs que près de moi les conseils de votre amitié seront toujours les bienvenus, et me trouveront toujours reconnaissant. — J'accepte l'excuse de vos occupations : vous êtes accablé, dites-vous ; c'est votre habitude, je le sais. Vous avez acheté une ferme, j'en suis ravi, et je souhaite que vous n'ayez qu'à vous applaudir du marché. Ne vous étonnez pas si je choisis cet endroit de ma lettre pour vous féliciter, car je suis à peu près l'ordre de la vôtre. Vous voilà donc propriétaire. Adieu les élégantes manières de la ville. Vous allez être un Domain de la vieille trempe. Savez-vous comment je m'amuse à me représenter votre aimable figure? Je vous vois marchandant des instruments aratoires, causant avec des paysans, et mettant soigneusement de côté les pépins des fruits que vous mangez au dessert. Raillerie à part, je suis aussi fâché que vous de n'avoir pas été en position de vous aider dans cette grande affaire; mais comptez entièrement sur moi, mon cher Tiron, si jamais je puis moi-même compter sur la fortune. Ne sais-je pas bien que nous sommes à deux pour jouir de votre acquisition? — Mille remerciements pour mes commissions. Je suis bien touché de votre diligence ; ce que je vous demande, c'est de m'envoyer au plus tôt un secrétaire, et, autant que possible, un Grec. Je perds un temps infini à transcrire mes notes. — Sur toutes choses, ayez soin de votre santé, pour que nous puissions bien philosopher ensemble. Je vous recommande Antéros. Portez-vous bien.

Scr. Asturae vi K. Sext. A. 709 (45).

TVLLIVS TIRONI SVO S.

Spero ex tuis litteris tibi melius esse, cupio certe. Cui quidem rei omni ratione cura ut inservias et cave suspiceris contra meam voluntatem te facere quod non sis mecum. Mecum es, si te curas. Qua re malo te valetudini tuae servire quam meis oculis et auribus. Etsi enim et audio te et video libenter, tamen hoc multo erit, si valebis, iucundius. Ego hic cesso, quia ipse nihil scribo, lego autem libentissime. Tu istic si quid librarii mea manu non intellegent monstrabis. Una omnino interpositio difficilior est, quam ne ipse quidem facile legere soleo, de quadrimo Catone. De triclinio cura, ut facis. Tertia aderit, modo ne Publius rogatus sit. Demetrius iste numquam omnino Phalereus fuit sed nunc plane Billienus est. Itaque te do vicarium tu eum observabis. Etsi—verum tamen de illis nosti cetera. Sed tamen si quem cum eo sermonem habueris scribes ad me, ut mihi nascatur epistulae argumentum et ut tuas quam longissimas litteras legam. Cura, mi Tiro, ut valeas ; hoc gratius mihi facere nihil potes. vale. 

525. — A TIRON.

F. XVI, 22. Votre lettre me fait espérer que vous êtes mieux. Combien je le souhaite ! n'épargnez rien pour vous remettre tout à fait, et n'allez lias vous figurer que je sois contrarié de ne pas vous avoir. C'est être avec moi que de vous soigner, et je vous aime mieux cherchant votre santé que la satisfaction de mes yeux et de mes oreilles. C'est pourtant mon bonheur, vous le savez , de vous voir et de vous entendre. Mais je tiens plus encore à vous savoir bien portant. J'ai suspendu mon travail, parée que je n'aime point à écrire moi-même. Je lis et j'y prends plaisir. S'il y a quelques mots de ma main que les secrétaires ne puissent déchiffrer, donnez-leur en l'explication : il n'y a de difficile qu'une seule addition interlinéaire dont j'ai peine moi-même à me tirer. C'est le trait de Caton à quatre ans. Ne perdez pas de vue le triclinium (salle à manger). Tertia viendra, pourvu que Publius ne soit pas prié. Ce Démetrius-là n'a jamais eu beaucoup de rapports avec celui de Phalère; c'est aujourd'hui un Billiénus renforcé. Aussi je vous nomme mon lieutenant. Observez-le bien. Il y a pourtant à dire.... mais quant à ces choses-là vous savez le reste. En définitif, si vous avez un entretien avec lui, vous m'en donnerez le détail. Ce sera un texte pour ma réponse et j'aurai une plus longue lettre de vous. Prenez soin de votre santé, cher Tiron, vous ne pouvez rien faire qui me touche davantage.

Scr. In Tusculano v K. Iun. A. 710 (44).

CICERO TIRONI S.

Tu vero confice professionem, si potes ; etsi haec pecunia ex eo genere est, ut professione non egeat. verum tamen-. Balbus ad me scripsit tanta se ἐπιφορᾷ oppressum, ut loqui non possit. Antonius de lege quod egerit—liceat modo rusticari. Ad Bithynicum scripsi. De Servilio tu videris, qui senectutem non contemnis. Etsi Atticus noster, quia quondam me commoveri πανικοῖς intellexit, idem semper putat nec videt quibus praesidiis philosophiae saeptus sim ; et hercle, quod timidus ipse est, θορυβοποιεῖ. Ego tamen Antoni inveteratam sine ulla offensione amicitiam retinere sane volo scribamque ad eum, sed non ante quam te videro. Nec tamen te avoco a syngrapha ; γόνυ κνήμης. Cras exspecto Leptam et †n. Ad cuius rutam puleio mihi tui sermonis utendum est. vale.

706. — A TIRON. Pouzzol.

F. XVI, 23. Eh bien! faites la déclaration pour cet argent, si vous le pouvez. Ce n'est pas que dans l'espèce une déclaration soit nécessaire. Toutefois Balbus m'écrit qu'il a si mal aux yeux qu'il ne peut desserrer les lèvres. Que fait Antoine avec sa loi? Qu'on me laisse tranquille à mes champs, voilà tout ce que je demande. J'ai écrit à Bithynicus. C'est vous que touche l'exemple de Servilius, puisque vous vous souciez de vieillir. Atticus, qui m'a vu autrefois sujet à des paniques, me croit toujours prêt comme lui à prendre l'alarme. Il ne sait pas quel rempart je me suis fait de la philosophie, et il fait du bruit parce qu'il a peur. Pour en revenir à Antoine, je veux conserver son amitié, cette amitié qui a vieilli sans nuage. Je lui écrirai donc, mais pas avant de vous avoir vu. Cependant je ne vous empêche pas de payer le billet : avant la jambe est le genou. J'attends demain Lepta, et j'aurai besoin de votre miel pour faire passer son absinthe. Adieu.

tuae

Scr. In Arpinati paulo post a. D. Iii Id. Nov. A. 710 (44).

TVLLIVS TIRONI S.

Etsi mane Harpalum miseram tamen cum haberem cui recte darem litteras, etsi novi nihil erat, isdem de rebus volui ad te saepius scribere, non quin confiderem diligentiae tuae, sed rei me magnitudo movebat. Mihi 'prora et puppis,' ut Graecorum proverbium est, fuit a me tui dimittendi ut rationes nostras explicares. Ofilio et Aurelio utique satis fiat. A Flamma, si non potes omne, partem aliquam velim extorqueas, in primisque ut expedita sit pensio K. Ian. De attributione conficies, de repraesentatione videbis. De domesticis rebus hactenus, de publicis omnia mihi certa, quid Octavianus, quid Antonius, quae hominum opinio, quid futurum putes. Ego vix teneor quin accurram ; sed litteras tuas exspecto. Et scito Balbum tum fuisse Aquini cum tibi est dictum, et postridie Hirtium. Puto utrumque ad aquas ; sed quod egerint—. Dolabellae procuratores fac ut admoneantur. Appellabis etiam Papiam. vale.  .

713. — A TIRO. Mai.

F. XVI, 24. Je vous ai envoyé Harpalus ce matin; il n'y a rien de nouveau; mais comme voici une occasion directe, je vous écris encore, pour vous parler toujours des mêmes choses. Ce n'est pas que je me défie de votre exactitude; mais l'affaire est assez considérable pour me préoccuper. J'ai, comme dit le proverbe grec, pourvu à tout, de la poupe à la proue, en vous détachant de moi pour aller régler mes comptes. Il faut satisfaire d'abord Ofillius et Aurélius. Si vous ne pouvez avoir de Flamma toute la somme, tachez d'en arracher au moins une partie. Sur toutes choses, faites qu'il ait soldé aux kalendes de janvier. Terminez pour le transport, et voyez ce qu'il y a à faire quant au payement anticipé. Mais laissons là les affaires privées, et passons aux affaires publiques. Je veux des détails sur tout. Que fait Octave? que fait Antoine? De quel côté se tourne l'opinion? Que pensez-vous vous-même? Je ne me tiens pas, tant je brûle de partir; mais st! attendons une lettre de vous. Sachez que Balbus était à Aquinum le jour où on vous l'avait dit, et qu'Hirtius y arriva le lendemain. Ils allaient l'un et l'autre aux eaux, je le suppose. Qu'auront-ils fait? Veillez à ce qu'on avertisse les gens d'affaires de Dolabella. Il faudra aussi que Papia soit citée. Adieu.

Scr. Athenis inter med. M. Sept et Oct a. 710 (44).

CICERO F. TIRONI SVO S.

Etsi iusta et idonea usus es excusatione intermissionis litterarum tuarum, tamen id ne saepius facias rogo. Nam etsi de re p. rumoribus et nuntiis certior fio et de sua in me voluntate semper ad me perscribit pater, tamen de quavis minima re scripta a te ad me epistula semper fuit gratissima. Qua re cum in primis tuas desiderem litteras, noli committere ut excusatione potius expleas officium scribendi quam assiduitate epistularum. vale.

797.— CICERON LE FILS A SON BIEN CHER TIRON. Athènes.

F. XVI, 25. Vous vous justifiez à merveille d'être resté longtemps sans m'écrire; mais, je vous en prie, n'ayez pas souvent besoin devons justifier. J'apprend., bien ce qui se passe par les bruits et les nouvelles; de plus, mon père m'écrit ses volontés, mais la moindre petite lettre de votre main aurait tant de charme! c'est vraiment un besoin pour moi que votre correspondance; et gardez-vous de croire que vous puissiez tous acquitter par des excuses aussi bien que par des lettres. Adieu.

Scr. Loco et mense incerto a. 710 (44).

QVINTVS TIRONI SV0 P. S. D.

Verberavi te cogitationis tacito dumtaxat convicio, quod fasciculus alter ad me iam sine tuis litteris perlatus est. Non potes effugere huius culpae poenam te patrono ; Marcus est adhibendus, isque diu et multis lucubrationibus commentata oratione vide ut probare possit te non peccasse. Plane te rogo, sic ut olim matrem nostram facere memini, quae lagonas etiam inanis obsignabat, ne dicerentur inanes aliquae fuisse quae furtim essent exsiccatae, sic tu etiam si quod scribas non habebis, scribito tamen, ne furtum cessationis quaesivisse videaris. Valde enim mi semper et vera et dulcia tuis epistulis nuntiantur. Ama nos et vale.

 

676. -- QUINTUS A SON CHER TIRON.

F. XVI, 26. Je vous ai dit à part moi bien des injures, quand j'ai vu pour la seconde fois les dépêches arriver sans lettre de vous. C'est un crime dont vous ne pouvez en conscience refuser de subir la peine. Prenez Marcus pour avocat, et voyez, je vous le conseille, si en mettant beaucoup de temps à élucubrer, à revoir, à commenter votre défense, il parviendra à démontrer que vous n'êtes pas coupable. Je me rappelle une ancienne habitude de notre mère : elle cachetait les bouteilles vides comme les pleines, afin qu'on ne pût pas en boire à la dérobée de pleines qu'on eût ensuite rangées parmi les vides. Eh bien! je vous en prie, faites votre profit de cet exemple. Si vous n'avez rien à mettre dans votre lettre, ne laissez pas de m'écrire encore, sans quoi c'est un vol trop à découvert que vous me faites. Oui un vol , car vos lettres ne sont jamais vides pour moi. Elles exhalent toujours un parfum exquis. Aimez-moi et portez-vous bien.

 Scr. loco incerto ex. m. Dec. a. 710 (44).

Q. CICERO TIRONI SVO S. P. D.

Mirificam mi verberationem cessationis epistula dedisti ; nam quae parcius frater perscripserat verecundia videlicet et properatione, ea tu sine adsentatione ut erant ad me scripsisti, et maxime de coss. designatis, quos ego penitus novi libidinum et languoris effeminatissimi animi plenos ; qui nisi a gubernaculis recesserint, maximum ab universo naufragio periculum est.  Incredibile est, quae ego illos scio oppositis Gallorum castris in aestivis fecisse, quos ille latro, nisi aliquid firmius fuerit, societate vitiorum deleniet. res est aut tribuniciis aut privatis consiliis munienda ; nam isti duo vix sunt digni quibus alteri Caesenam, alteri Cossutianarum tabernarum fundamenta credas. te, ut dixi, fero in oculis. ego vos a. d. III K. videbo tuosque oculos, etiam si te veniens in medio foro videro, dissaviabor. Me ama. vale.

795. - Q. CICÉRON A SON CHER TIRON.

F. XVI, 27. Me voilà fustigé de main de maître pour mon silence. Mon frère m'en écrivait bien moins par ménagement sans doute, ou plutôt il était pressé. Vous, vous dites les choses tout net surtout sur les futurs consuls (Hirtius et Pansa.). Je les connais à fond, esprits sans ressort, blasés de plaisirs, énervés par la débauche. S'ils ne quittent le gouvernail, la république est exposée à un naufrage. Ce qu'ils ont fait pendant la campagne, en face du camp des Gaulois, est inimaginable. Le brigand (Antoine), si l'on n'y met bon ordre, va les gagner par la communauté de vices qui existent entre eux et lui. Il faut chercher appui dans la puissance tribunitienne, faire appel aux bons citoyens. Pour moi, j'ai de ces deux hommes une. idée telle, que je ne confierais pas Césène à l'un, ni à l'autre les caves des boutiques Cossutiennes. — Je vous l'ai déjà dit, je vous aime comme ma prunelle; je compte vous voir le 3 des kalendes, et, fut-ce en plein forum, j'irai vous baiser sur les deux yeux. Aimez-moi. Adieu.