Cicéron, Correspondance

CICÉRON

ŒUVRES COMPLÈTES DE CICÉRON AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE M. NISARD DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE; INSPECTEUR GÉNÉRAL DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR - TOME CINQUIÈME - PARIS - CHEZ FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET Cie. LIBRAIRES - IMPRIMERIE DE L'INSTITUT DE FRANCE - RUE JACOB, 56 - M DCCC LXIX

LETTRES A ATTICUS

LIVRE V- LIBER QVINTVS AD ATTICVM

livre 4 - livre 6

 

 

LETTRES A ATTICUS

LIVRE V

LIBER QVINTVS AD ATTICVM

 

1 Scr. Menturnis iii aut prid. Non. Mai. A. 703 (49).

CICERO ATTICO SAL.

Ego vero et tuum in discessu vidi animum et meo sum ipse testis. Quo magis erit tibi videndum ne quid novi decernatur, ut hoc nostrum desiderium ne plus sit annuum. De Annio Saturnino curasti probe. De satis dando vero te rogo, quoad eris Romae tu ut satis des. Et sunt aliquot satisdationes secundum mancipium veluti Mennianorum praediorum vel Atilianorum. De Oppio factum est <ut> volui, et maxime quod DCCC aperuisti. Quae quidem ego utique vel versura facta solvi volo, ne extrema exactio nostrorum nominum exspectetur. Nunc venio ad transversum illum extremae epistulae tuae versiculum in quo me admones de sorore. Quae res se sic habet. Vt veni in Arpinas, cum ad me frater venisset, in primis nobis sermo isque multus de te fuit. Ex quo ego veni ad ea quae fueramus ego et tu inter nos de sorore in Tusculano locuti. Nihil tam vidi mite, nihil tam placatum quam tum meus frater erat in sororem tuam, ut, etiam si qua fuerat ex ratione sumptus offensio, non appareret. Ille sic dies. Postridie ax Arpinati profecti sumus. Vt in Arcano Quintus maneret dies fecit, ego Aquini, sed prandimus in Arcano. Nosti hunc fundum. Quo ut venimus, humanissime Quintus 'Pomponia' inquit 'tu invita mulieres, ego viros accivero.' nihil potuit, mihi quidem ut visum est, dulcius idque cum verbis tum etiam animo ac vultu. At illa audientibus nobis 'ego ipsa sum' inquit 'hic hospita,' id autem ex eo, ut opinor, quod antecesserat Statius ut prandium nobis videret. Tum Quintus 'en' inquit mihi haec ego patior cotidie.' Dices 'quid quaeso istuc erat?' Magnum; itaque me ipsum commoverat; sic absurde et aspere verbis vultuque responderat. Dissimulavi dolens. Discubuimus omnes praeter illam, cui tamen Quintus de mensa misit. Illa reiecit. Quid multa? Nihil meo fratre lenius, nihil asperius tua sorore mihi visum est; et multa praetereo quae tum mihi maiori stomacho quam ipsi Quinto fuerunt. Ego inde Aquinum. Quintus in Arcano remansit et Aquinum ad me postridie mane venit mihique narravit nec secum illam dormire voluisse <et> cum discessura esset fuisse eius modi qualem ego vidissem. Quid quaeris? Vel ipsi hoc dicas licet, humanitatem ei meo iudicio illo die defuisse. Haec ad te scripsi fortasse pluribus quam necesse fuit, ut videres tuas quoque esse partis instituendi et monendi. Reliquum est ut ante quam proficiscare mandata nostra exhaurias, scribas ad me omnia, Pomptinum extrudas, cum profectus eris cures ut sciam, sic habeas nihil me hercule te mihi nec carius esse nec suavius. A. Torquatum amantissime dimisi Menturnis, optimum virum; cui me ad te scripsisse aliquid in sermone significes velim.

189. — A ATTICUS. En chemin. Mai.

A. V, 1. Oui, j'ai bien vu votre cœur au moment de mon départ, et j'ai senti le mien, je vous l'atteste. C'est à vous de prévenir de nouvelles causes d'éloignement, et de faire en sorte que nous ne soyons pas privés plus d'une année l'un de l'autre. — Je vous remercie de vos soins dans 182 mon affaire avec Annius Saturninus. Si on l'exige, veuillez, autant que vous serez à Rome, fournir des cautions. Quant à la vente des terres de Memmius et d'Attilius, c'est une affaire qui de sa nature ne comporte qu'une simple garantie. Vous avez agi selon mes vœux avec Appius. J'approuve surtout la parole que vous lui avez donnée pour huit cent mille sesterces. Je veux les payer, dusse-je emprunter sans attendre qu'on me paye moi-même. — J'arrive maintenant à ce que vous avez écrit en marge sur votre sœur. Je vous dirai ce qui s'est passé à mon arrivée à Arpinum. Mon frère vint me voir, nous parlâmes de vous longuement; la conversation tomba naturellement sur les entretiens que nous avions eus à Tusculum, et dont votre sœur était l'objet. J'ai admiré l'aménité et la modération de mon frère envers sa femme : on ne lui aurait supposé aucun mécontentement. Voilà pour le premier jour : le lendemain nous quittâmes Arpinum. Quintus passa un jour à Arcanum à cause de la fête; moi j'allai à Aquiuum; mais nous dînâmes ensemble à Arcanum. Vous connaissez cette propriété. En y arrivant, mon frère dit du ton le plus doux « : Pomponia, veuillez inviter les «dames, moi je me chargerai des hommes. » Bien de plus inoffensif à mon avis et d'intention et de ton et d'expression. Devant nous votre sœur répondit : « Moi ! je ne suis qu'étrangère ici. » Son humeur venait probablement de l'arrivée de Statius que nous avions envoyé en avant pour faire préparer le dîner. « Voilà, dit mon frère, un « échantillon de ce que je supporte chaque jour. » — Qu'est-ce que cela? direz-vous, quelque chose de très-grave. Mon émotion devint extrême à une réponse aussi aigre et aussi déplacée. Le ton et la physionomie étaient à l'avenant. Néanmoins je souffris sans mot dire. Nous nous sommes mis à table sans elle. Mon frère lui fit passer des plats ; elle refusa. Que vous dirai-je de plus? Jamais je ne vis mon frère plus prévenant ni sa femme plus intraitable. J'omets d'autres détails qui me firent plus mal au cœur à moi qu'à Quintus lui-même. J'allai coucher à Aquinum, où mon frère qui était resté à Arcanum vint me rejoindre le lendemain matin. Il m'apprit que sa femme n'avait pas voulu partager son lit, et qu'à son départ, elle était dans l'humeur où je l'avais laissée la veille. Me demandez-vous ce que je pense? En vérité, dussiez-vous le lui redire, c'est votre sœur cette fois qui a tort. Je m'étends sur ces détails, un peu plus qu'il ne faut peut-être; mais c'est pour vous convaincre que vous aussi vous avez à jouer le rôle de censeur et de redresseur de torts. — II me reste à vous prier de terminer toutes mes affaires avant votre départ et de me tenir au courant. Pressez Pomptinius ; et quand vous serez parti, mandez- le-moi. J'ai quitté à Minturne Aulus Torquatus que j'aime beaucoup, et qui est un excellent citoyen. Lorsque vous le verrez, jetez, je vous prie, au milieu de la conversation, la mention que je fais ici de lui.

 Scr. In Pompeiano vi Id. Maias. 703 (51).

CICERO ATTICO SAL.

A. D. vi Idus Maias, cum has dabam litteras, ex Pompeiano proficiscebar ut eo die manerem in Trebulano apud Pontium. Deinde cogitabam sine ulla mora iusta itinera facere. In Cumano cum essem, venit ad me, quod mihi pergratum fuit, noster Hortensius; cui deposcenti mea mandata cetera universe mandavi, illud proprie, ne pateretur quantum esset in ipso prorogari nobis provincias. In quo eum tu velim confirmes gratumque mihi fecisse dicas quod et venerit ad me et hoc mihi praetereaque si quid opus esset promiserit. Confirmavi ad eam causam etiam Furnium nostrum quem ad annum tribunum pl. Videbam fore. Habuimus in Cumano quasi pusillam Romam. Tanta erat in his locis multitudo; cum interim rufio noster, quod se a Vestorio observari videbat, strategemate hominem percussit; nam ad me non accessit. Itane? Cum Hortensius veniret et infirmus et tam longe et Hortensius, cum maxima praeterea multitudo, ille non venit? Non, inquam.'non vidisti igitur hominem?' inquies. Qui potui non videre cum per emporium Puteolanorum iter facerem? In quo illum agentem aliquid credo salutavi, post etiam iussi valere cum me exiens e sua villa numquid vellem rogasset. Hunc hominem parum gratum quisquam putet aut non in eo ipso laudandum quod laudari non laborarit? Ded redeo ad illud. Noli putare mihi aliam consolationem esse huius ingentis molestiae nisi quod spero non longiorem annua fore. Hoc me ita velle multi non credunt ex consuetudine aliorum; tu qui scis omnem diligentiam adhibebis tum scilicet cum id agi debebit, cum ex Epiro redieris. De re publica scribas ad me velim si quid erit quod operare. Nondum enim satis huc erat adlatum quo modo Caesar ferret de auctoritate perscripta, eratque rumor de Transpadanis eos iussos iiii viros creare. Quod si ita est, magnos motus timeo. Sed aliquid ex Pompeio sciam.
 

190-— A ATTICUS. Pompéi, 10 mai.

A. V, 2. Je vous écris le 6 des ides de mai, au moment de partir de Pompéi, pour aller coucher le soir chez Pontius, à Trébule ; je compte ensuite faire des journées pleines sans m'arrêter. — Pendant que j'étais à Cumes, Hortensius est venu me voir et m'a laissé enchanté de lui. Il 183 s'est mis de lui-même à ma disposition, et j'en ai profité. Surtout, je lui ai recommandé de ne me laisser à aucun prix proroger dans mon gouvernement. Parlez-lui dans le même sens, je vous prie, et témoignez-lui combien je suis touché de sa démarche et de son obligeance sur ce point et sur tout le reste. Je me suis assuré aussi de la bonne volonté de Furnius, dont l'élection comme tribun du peuple me paraît infaillible pour l'année prochaine. — C'était vraiment une petite Rome que Cumes ces jours derniers, tant l'affluence y était grande ! Notre Rufius, voyant sans doute Vestorius épier le moment de le trouver chez moi, l'a bien attrapé, je vous le jure. Il n'y a pas mis les pieds. Est-il possible? quoi! Hortensius est venu, si mal portant, de si loin, Hortensius et tant d'autres, et Rufius n'y a point paru? point paru, vous dis-je. — Ainsi vous êtes parti sans le voir? — Sans le voir; c'eût été difficile. En traversant le marché de Pouzzol, je l'aperçus qui paraissait fort affairé; je le saluai. Une autre fois encore il me rencontra comme il sortait de sa villa; il me demanda ce que je souhaitais. Bonne santé pour vous, lui dis-je. Est-ce là de l'ingratitude? eh non ! il faut lui savoir gré au contraire d'épargner aux gens la peine de le recevoir. — Je reviens à ce qui me touche : soyez sûr que la seule chose qui me fasse supporter mon éloignement, c'est l'espoir de n'en pas voir prolonger l'immense ennui au delà d'une année. Là-dessus bien des gens ne veulent pas m'en croire. Ils jugent de moi par les autres. Vous qui savez à quoi vous en tenir, ne négligez rien, quand le moment sera venu. — A votre retour d'Epire, soyez assez bon pour me mander ce que vous savez des affaires publiques et ce que vous prévoyez. Rien n'a transpiré ici sur la manière dont César aura pris le dernier projet de décret du sénat. Le bruit court que l'ordre est arrivé à toutes les villes au delà du Pô d'élire quatre magistrats; si cela est, je crains de grands troubles. Je saurai bientôt quelque chose par Pompée.

3 Scr. In. Trebulano v Id. Mai. A. 703 (51).

 CICERO ATTICO SAL.

A. D. Vi Idus Maias veni in Trebulanum ad Pontium. Ibi mihi tuae litterae binae redditae sunt tertio abs te die. Eodem autem exiens e Pompeiano Philotimo dederam ad te litteras; nec vero nunc erat sane quod scriberem. Qui de re publica rumores scribe, quaeso; in oppidis enim summum video timorem sed multa inania. Quid de his cogites et quando scire velim. Ad quas litteras tibi rescribi velis nescio. Nullas enim adhuc acceperam praeter quae mihi binae simul in Trebulano redditae sunt; quarum alterae edictum P. Licini habebant (erant autem Nonis Maus datae), alterae rescriptae ad meas Menturnensis. Quam vereor ne quid fuerit σπουδαιότερον in iis quas non accepi quibus rescribi vis! <apud> Lentulum ponam te in gratia. Dionysius nobis cordi est. Nicanor tuus operam mihi dat egregiam. Iam deest quod scribam et lucet. Beneventi cogitabam hodie. Nostra continentia et diligentia esse satis faciemus satis. A Pontio ex Trebulano a. D. V Idus Maias.
 

91. — A ATTICUS. Trébule, 11 mai.

A. V, 3. Me voici à Trébule chez Pontius, aujourd'hui 6 des ides de mai ; j'y ai trouvé deux lettres de vous de trois jours de date, c'est-à-dire du jour où je vous écrivis moi-même par Philotime en quittant Pompéi. Je n'ai véritablement rien à vous mander ; c'est à vous à me mettre au courant ; car je vois dans les villes beaucoup d'inquiétude, sans fondement, je crois, mais dont je voudrais savoir ce que vous pensez vousmême. — J'ignore à quelle lettre vous me demandez réponse. Je n'en ai pas reçu d'autres de vous que les deux de Trébule ; la première, datée des nones de mai, contenait l'édit de Licinius ; la seconde répondait à mr lettre de Minturne. Estce qu'il y en aurait une troisième plus importante qui aurait fait fausse route et à laquelle je devrais réponse? j'en tremble. — Oui, je vous mettrai dans les bonnes grâces de Lenlulus ; Dionysius a gagné mon cœur, et je me loue beaucoup des services de votre Nicanor. J'ai épuisé ce que j'avais à dire et voici le jour ; je coucherai aujourd'hui à Bénévent. On sera satisfait partout, je vous assure, de ma modération et de mon activité. — Le 5 des ides de mai, à Trébule, chez Pontius.

4 Scr. Benaeventi iv Id. Mai a. 701 (51).

CICERO ATTICO SAL.

Beneventum veni a. D. V Idus Majas. Ibi accepi eas litteras quas tu superioribus litteris significaveras te dedisse; ad quas ego eo ipso die dederam ex Trebulano a Pontio. Ac binas quidem tuas Beneventi accepi quarum alteras Funisulanus multo mane mihi dedit, alteras scriba Tullius. Gratissima est mihi tua cura de illo meo primo et maximo mandato; sed tua profectio spem meam debilitat. Ac me ille illud labat, non quo, sed inopia cogimur eo contenti esse. De illo altero quem scribis tibi visum esse non alienum, vereor adduci ut nostra possit, et tu ais δυσδιάγνωστον esse. Equidem sum facilis, sed tu aberis et me absente res <haerebit>. Habebis mei rationem. Nam posset aliquid, si utervis nostrum adesset, agente Servilia Servio fieri probabile. Nunc si iam res placeat, agendi tamen viam non video. Nunc venio ad eam epistulam quam accepi a Tullio. De Marcello fecisti diligenter. Igitur senatus consultum si erit factum, scribes ad me; si minus, rem tamen conficies; mihi enim attribui oportebit, item Bibulo. Sed non dubito quin senatus consultum expeditum sit in quo praesertim sit compendium populi. De Torquato probe. De Masone et Ligure, cum venerint. De illo quod Chaerippus (quoniam hic quoque 'πρόσνευσιν sustulisti), o provincia! etiamne hic mihi curandus est? Curandus autem hactenus ne qutd ad senatum 'consule!' aut 'numera!' nam de ceteris sed tamen commode, quod cum Scrofa. De Pomptino recte scribis. Est enim ita ut, si ante Kal. Iunias Brundisi futurus sit, minus urgendi fuerint M'. Anneius et <L. >Tullius. Quae de Sicinio audisti ea mihi probantur, modo ne illa exceptio in aliquem incurrat bene de nobis meritum sed considerabimus, rem enim probo. De nostro itinere quod statuero, de quinque praefectis quid Pompeius facturus sit cum ex ipso cognoro faciam ut scias. De Oppio bene curasti quod ei de DCCC exposuisti idque, quoniam Philotimum habes, perfice et cognosce rationem et ut agam planius, si me amas, prius quam proficiscaris effice. Magna me cura levaris. habes ad omnia. Etsi paene praeterii chartam tibi deesse. Mea captio est, si quidem eius inopia minus multa ad me scribis. Tu vero aufer ducentos; etsi meam in eo parsimoniam huius paginae contractio significat. Dum acta et rumores vel etiam si qua certa babes de Caesare exspecto. Litteras et aliis et Pomptino de omnibus rebus diligenter dabis.

192. —A ATTICUS. Bénévent, mai.

A. V, 4. Je suis arrivé à Bénévent le 5 des ides de mai; j'y ai trouvé la lettre dont vous me parliez dans une précédente, à laquelle je répondis, à Trébule, ce jour-là môme, par Pontius. J'ai reçu de plus deux autres lettres de vous à Bénévent; l'une m'a été remise au lever du jour par Funisulanus, et l'autre par Tullius, mon secrétaire. Mille remercîments de vos soins pour la première et la plus importante de mes recommandations. Mais voici votre départ, et mes espérances diminuent; on insiste, et j'incline à accepter, non que le parti me convienne absolument, mais faute de mieux. — Quant à l'autre personne qui vous paraîtrait, dites-vous, disposée à se mettre sur les rangs, ma fille en voudra-t-elle? j'en doute, et c'est, comme vous le dites, ce qu'on ne peut guère savoir. Moi personnellement, je ne suis pas difficile. Mais vous serez absent et je ne suis pas là pour régler tout. Ayez égard à cette circonstance. Car s'il n'y avait que l'un de nous deux absent, n'importe lequel, Servilia s'en mêlant, il y aurait probabilité de conclure avec Servius, tandis qu'aujourd' hui, en supposant que l'affaire convînt, je ne vois pas par quel moyen on pourrait la traiter. — J'arrive ii la lettre que Tullius m'a apportée. Vous avez fait merveille auprès du Marcellus. Écrivez-moi si le décret est rendu; et, s'il ne l'est pas encore, insistez pour eu finir; il faut bien de toute nécessité qu'on règle cet article, pour moi, comme pour Bibulus. Mais je ne doute pas que le sénatus-consulte n'ait été vite expédié, puisqu'on a pu se passer du peuple. Vous avez fort bien fait ma petite commission au sujet de Torquatus. Pour Mason et Ligur, voyons-les venir. Quant aux plaintes de Chérippus,oh! les charges! encore un point où vous refusez de vous prononcer. Faut-il donc que je m'en casse la tête? Oui, il le faut, de peur qu'au sénat quelqu'un ne vienne à dire aux voix' ou l'appel ! Pour le reste mais c'est heureux cependant qu'il ait parlé à Scrofa. Je suis de votre avis sur Pomptinius, mais s'il arrive à Brindes avant les kalendes de juin, il est inutile de presser tant Annius et Tullius. J'adopte volontiers les observations de Sicinius, pourvu que st-s amendements ne fassent point de tort à mes amis. Il y faudra réfléchir, mais j'adopte le principe. Je vous dirai la route que je compte suivre. Vous saurez aussi la résolution de Pompée sur les cinq préfets, aussitôt qu'il m'en aura lui-même fait part. Je ratifie la promesse que vous avez faite à Appius de lui payer huit cents sesterces ; profitez du séjour de Philotime, arrêtez les comptes, voyez le chiffre; et, pour demander plus encore à votre amitié, terminez tout avant votre départ. Vous me soulageriez d'un grand poids. — Je crois avoir répondu à tout : ah ! j'allais oublier un article, le papier qui vous a manqué, c'est-à-dire le vol que vous m'avez fait. Si vous aviez été moins gêné, votre lettre n'aurait-elle pas été plus longue? Eh. bien, prenez sur mon compte deux cents sesterces. Mais ne voilà-t-il pas que mes lignes serrées montrent chez moi le même esprit d'économie; et que je n'ai plus de place pour les nouvelles et les on dit. Mandez-moi ce que vous saurez de César; et plus tard, par Pomptinius, des détails sur tout ce qui se passe, je vous prie.

5. Scr. Venusiae ii aut prid. Id. Mai. A. 703 (51).

 CICERO ATTICO SAL.

Plane deest quod scribam; nam nec quod mandem habeo (nihil enim praetermissum est), nec quod narrem (novi enim nihil), nec iocandi locus est; ita me multa sollicitant. Tantum tamen scito, Idibus Maus nos Venusia mane proficiscentis has dedisse. Eo autem die credo aliquid actum in senatu. Sequantur igitur nos tuae litterae quibus non modo res omnis sed etiam rumores cognoscamus. Eas accipiemus Brundisi; ibi enim Pomptinum ad eam diem quam tu scripsisti exspectare consilium est. Nos Tarenti quos cum Pompeio διαλόγους de re publica habuerimus ad te perscribemus. Etsi id ipsum scire cupio quod ad tempus recte ad te scribere possim, id est quam diu Romae futurus sis, ut aut quo dem posthac litteras sciam aut ne dem frustra. Sed ante quam proficiscare, utique explicatum sit illud HS xx et DCCC. Hoc velim in maximis rebus et maxime necessariis habeas, ut quod auctore te velle coepi adiutore adsequar.
 

193. - A ATTICUS. Venouse, mai.

A. V, 5. Je suis à court, absolument. Mes recommandations, je vous les ai faites ; de nou- 185 elles, il n'y en a point. Quant aux plaisanteries, j'ai l'esprit à bien autre chose. Sachez seulement que c'est ce matin, jour des ides de mai, partant de Venouse, que je vous écris. Je crois que vous avez séance au sénat aujourd'hui. Cela fournira matière à vos lettres. Les faits et les on dit, je veux tout savoir. — Je recevrai votre courrier à Brindes, où j'ai résolu d'attendre Pomptinius jusqu'au jour par vous indiqué. Quand j'aurai vu Pompée à Tarente, je vous ferai part de nos entretiens sur la république. Cependant je désire savoir l'époque jusqu'à laquelle je puis vous écrire, c'est-à-dire combien de temps encore vous resterez à Rome; j'écrirai jusqu'à votre départ, pas au delà. Avant de partir, terminez, je vous prie, pour les huit cent vingt mille sesterces ; mettez cette affaire au nombre des plus pressées et des plus importantes pour moi. Vous m'avez le premier poussé dans cette voie, il faut m'y soutenir jusqu'au bout.

6 Scr. Tarenti xiv K. Iun. A. 703 (51).

CICERO ATTICO SAL.

Tarentum veni at d. xv Kal. Iunias. Quod Pomptinum statueram exspectare, commodissimum duxi dies eos quoad ille veniret cum Pompeio consumere eoque magis quod ei gratum esse id videbam, qui etiam a me petierit ut secum et apud se essem cotidie. Quod concessi libenter. Multos enim eius praeclaros de re publica sermones accipiam, instruar etiam consiliis idoneis ad hoc nostrum negotium. Sed ad te brevior iam in scribendo incipio fieri dubitans Romaene sis an iam profectus. Quod tamen quoad ignorabo, scribam aliquid potius quam committam ut tibi cum possint reddi a me litterae non reddantur. Nec tamen iam habeo quod aut mandem tibi aut narrem. Mandavi omnia; quae quidem tu, ut polliceris, exhauries. Narrabo cum aliquid habebo novi. Illud tamen non desinam, dum adesse <te> putabo, de Caesaris nomine rogare ut confectum relinquas. Avide exspecto tuas litteras et maxime ut norim tempus profectionis tuae.

194. — A ATTICUS. Tarente, mai.

A. V, 6. Me voici à Tarente depuis le 15 des kalendes de juin. En attendant Pomptinius, j'ai jugé à propos de passer le temps avec Pompée, à qui je crois avoir fait plaisir ; il m'a demandé de le voir tous les jours, et je ne me suis pas fait prier. J'attends de lui bien des choses intéressantes sur la république : et en même temps de bons conseils pour mes nouvelles fonctions. — Dans l'incertitude où je suis de votre séjour à Rome ou de votre départ, j'abrège dès à présent ma correspondance ; toutefois tant que je ne sais rien positivement, je continue de vous écrire plutôt que de laisser partir un courrier sans lettre. Aujourd'hui je n'ai rien, pas môme une anecdote à vous raconter. Vous avez mes instructions, et vous ne manquerez pas de pourvoir à tout, comme vous me l'avez promis. Quand j'aurai du nouveau, je vous l'écrirai. Il y a cependant une affaire dont je ne cesserai de vous parler, tant que je vous croirai à Rome ; c'est la créance de César. Libérez-moi, je vous en conjure, avant de partir. J'attends vos lettres avec impatience, surtout pour savoir l'époque de votre départ.

7 Scr. Tarenti xi K. Iun. A. 705 (49).

 CICERO ATTICO SAL.

Cotidie vel potius in dies singulos breviores litteras ad te mitto; cotidie enim magis suspicor te in Epirum iam profectum. Sed tamen ut mandatum scias me curasse, quo de ante, ait se Pompeius quinos praefectos delaturum novos vacationis iudiciariae causa. Ego cum triduum cum Pompeio et apud Pompeium fuissem, proficiscebar Brundisium a. D. xi Kal. Iunias. Civem illum egregium relinquebam et ad haec quae timentur propulsanda paratissimum. Tuas litteras exspectabo cum ut quid agas tum <ut> ubi sis sciam.

195. — A ATTICUS. Tarente, 20 mai.

A. V, 7. Chaque fois que je vous écris, c'est-àdire, chaque jour, mes lettres deviennent plus courtes; c'est que chaque fois que je vous écris, je me figure un peu plus que vous êtes parti pour l'Épire. Vous saurez cependant que votre recommandation n'a pas été oubliée. J'ai parlé à Pompée de vos préfets; cinq seront nommés, le même nombre qu'auparavant, mais ils n'auront ni le droit de rendre la justice ni l'exemption du service militaire : c'est la condition de Pompée. J'ai 'passé trois jours chez lui et avec lui. Je pars pour Brindes aujourd'hui 13 des kalendes de juin. Je l'ai quitté plein de patriotisme et où ne peut mieux disposé à faire tête aux dangers qui nous menacent. Je soupire après vos lettres. J'ai besoin de savoir où vous êtes et ce que vous faites.

8 Scr. Brundisi iv aut iii Nonn. Iun. A. 703 (51).

 CICERO ATTICO SAL.

Me et incommoda valetudo, <e> qua iam emerseram utpote cum sine febri laborassem, et Pomptini exspectatio de quo adhuc ne rumor quidem venerat, tenebat duodecimum iam diem Brundisi; sed cursum exspectabamus. Tu si modo es Romae (vix enim puto), sin es, hoc vehementer animadvertas velim. Roma acceperam litteras Milonem meum queri per litteras iniuriam meam quod Philotimus socius esset in bonis suis. Id ego ita fieri volui de C. Duroni sententia quem et amicissimum Miloni perspexeram et talem virum qualem tu iudicas cognoram. Eius autem consilium meumque hoc fuerat, primum ut in potestate nostra esset res, ne illum malus emptor alienus mancipiis quae permulta secum habet spoliaret, deinde ut Faustae .quoi cautum ille esse voluisset ratum esset. Erat etiam illud ut ipsi nos si quid servari posset quam facillime servaremus. Nunc rem totam perspicias velim; nobis enim scribuntur saepe maiora. Si ille queritur, si scribit ad amicos, si idem Fausta vult, Philotimus, ut ego ei coram dixeram mihique ille receperat, ne sit invito Milone in bonis. Nihil nobis fuerat tanti. Sin haec leviora sunt, tu iudicabis. Loquere cum Duronio. Scripsi etiam ad Camillum, <ad Caelium>, ad Lamiam eoque magis quod non confidebam Romae te esse. Summa erit haec. Statues ut ex fide, fama reque mea videbitur.

198. — A ATTICUS. Brindes, juin.

A. V, 8. Je suis retenu à Brindes depuis douze jours, d'abord par une indisposition dont je me suis débarrassé promptement, parce qu'il ne s'y est pas mêlé de lièvre, et puis, par le désir de voir Pomptinius dont je n'ai pas même entendu parler. J'attends d'heure en heure le moment du départ. — Êtes-vous à Rome? j'en doute; mais si vous y êtes, voici ce que je vous recommande instamment : ma correspondance de Rome m'apprend que Milon me fait dans ses lettres un grief d'avoir permis à Philotime d'entrer en participation dans l'achat de ses biens. En cela je n'ai agi que de l'avis de Duronius que je regarde comme l'un des hommes les plus dévoués à Milon, et qui a justifié tout à fait à mes yeux l'opinion que vous en avez vous-même. Son plan et le mien étaient d'abord de nous rendre maîtres de l'affaire; d'empêcher qu'elle ne tombât aux mains de quelque étranger avide auquel Milon ne pourrait rien soustraire du grand nombre d'esclaves qu'il a avec lui. Ensuite, nous voulions, et en cela nous ne faisions que suivre un vœu de Milon lui-même, assurer la dot de Fausta sa femme ; notre désir enfin était, autant que possible, de sauver pour lui quelques débris. Il faut que vous tâchiez de savoir ce qu'au fond il y a de vrai dans ce qu'on me mande ; car en écrivant on grossit souvent les choses. Si en effet Milon se plaint dans ses lettres, et si tel est le désir de Fausta, il faut que Philo- 158 time, ainsi qu'il a clé expressément convenu entre nous à mon départ, abandonne une affaire où il ne peut rester malgré Milon. Aussi bien je n'y ai pas grand intérêt. Si la chose est moins grave, voyez ce qu'il faut faire. Ayez un entretien avec Duronius. J'écris aussi à Camille et à Lamia. J'ai dû le faire, ne sachant si vous êtes à Rome. En résumé voici mon mot : Agissez dans le sens de mon honneur, de ma réputation et de mes intérêts.

9 Scr. Acti xvii. K. Quint. A. 703 (51).

 CICERO ATTICO SAL.

Actium venimus a. D. xvii Kal. Quintilis, cum quidem et Corcyrae et Sybotis muneribus tuis quae et Araus et meus amicus Eutychides opipare et φιλοπροσηνέστατα nobis congesserant epulati essemus Saliarem in modum. Actio maluimus iter facere pedibus qui incommodissime navigassemus, et Leucatam flectere molestum videbatur, actuariis autem minutis Patras accedere sine impedimentis non satis visum est decorum. Ego, ut saepe tu me currentem hortatus es, cotidie meditor, praecipio meis, faciam denique ut summa modestia et summa abstinentia munus hoc extraordinarium traducamus. Parthus velim quiescat et fortuna nos iuvet, nostra praestabimus. Tu quaeso quid agas, ubi quoque tempore futurus sis, qualis res nostras Romae reliqueris, maxime de XX et DCCC cura ut sciamus. Id unis diligenter litteris datis quae ad me utique perferantur consequere. Illud tamen, quoniam nunc abes cum id non agitur, aderis autem ad tempus, ut mihi recepisti, memento curare per te et per omnis nostros, in primis per Hortensium, ut annus noster maneat suo statu, ne quid novi decernatur. Hoc tibi ita mando ut dubitem an etiam te rogem ut pugnes ne intercaletur. Sed non audeo tibi omnia onera imponere; annum quidem utique teneto. Cicero meus, modestissimus et suavissimus puer, tibi salutem dicit. Dionysium semper equidem, ut scis, dilexi, sed cotidie pluris facio et me hercule in primis quod te amat nec tui mentionem intermitti sinit.
 

200. — A ATTICUS. Rome, juin.

A. V, 9. Nous voici à Actium depuis le 17 des kalendes de juin. A Corcyre et à Sybote, wous avons fait chère de Saliens, grâce à votre munificence et aux bons soins d'Arcus et de mon ami Eutychides qui nous avaient largement et splendidement pourvus. J'ai préféré la route de terre; la traversée aurait été fatigante et je répugnais à doubler la presqu'île de Leucate; et puis abordera Fatras dansées chétives embarcations et sans aucune suite, c'eût été peu convenable. Je n'oublie pas les conseils que vous m'avez si souvent donnés pendant mes voyages ; je les médite; j'en pénètre mes subordonnés et me fais une loi de les suivre. Vous me verrez mettre dans mes fonctions autant de modération que de désintéressement. Que les Parthes ne bougent point ; que la fortune me seconde, et je réponds de moi. Donnez-moi, je vous prie, de vos nouvelles ; dites-moi où vous comptez aller; combien de temps vous serez absent, dans quel état vous avez laissé mes affaires à Rome, et surtout si vous avez fini l'affaire des vingt mille et des neuf cent mille sesterces. Il ne faut pour me satisfaire qu'une lettre bien remplie et qui me soit fidèlement remise. Ce n'est pas tout cependant. Ne m'avez-vous pas écrit que durant votre absence, il ne se ferait rien, et que vous arriveriez à temps pour vous occuper de moi? Eh bien ! je réclame vos soins, le concours de vos amis, d'Hortensius en première ligne; qu'on s'en tienne à la durée d'un an; qu'on ne change rien au décret. Telles sont mes instructions positives. J'ai même hésité si je ne vous prierais pas d'empêcher qu'il y ait intercalation, mais je n'ai pas osé pousser si loin l'exigence. J'insiste seulement pour qu'il n'y ait qu'une année. Mon fils vous envoie un salut. C'est un enfant doux et charmant. Il y a longtemps que j'aime Dyonisius, vous le savez; mais, je l'aime chaque jour davantage, je vous le jure, en le voyant vous chérir comme il le faut et vouloir toujours que nous parlions de vous.

10 Scr. Athenis prid. K. Aut K. Quint. A. 703 (51).

CICERO ATTICO SAL.

Vt Athenas a. D. Vi Kal. Quintilis veneram, exspectabam ibi iam quartum diem Pomptinum neque de eius adventu certi quicquam habebam. Eram autem totus, crede mihi, tecum et, quamquam sine iis per me ipse, tamen acrius vestigiis tuis monitus de te cogitabam. Quid quaeris? Non me hercule alius ullus sermo nisi de te. Sed tu de me ipso aliquid scire fortasse mavis. Haec sunt. Adhuc sumptus nec in me aut publice aut privatim nec in quemquam comitum. Nihil accipitur lege Iulia, nihil ab hospite. Persuasum est omnibus meis serviendum esse famae meae. Belle adhuc. Hoc animadversum Graecorum laude et multo sermone celebratur. Quod superest, elaboratur in hoc a me, sicut tibi sensi placere. Sed haec tum laudemus cum erunt perorata. Reliqua sunt eius modi ut meum consilium saepe reprehendam quod non aliqua ratione ex hoc negotio emerserim. O rem minime aptam meis moribus! o illud verum ἔρδοι τις! dices 'quid adhuc? Nondum enim in negotio versaris?' sane scio et puto molestiora restare. Etsi haec ipsa fero equidem fronte, ut puto, et vultu bellissime sed angor intimis sensibus; ita multa vel iracunde vel insolenter vel in omni genere stulte insulse adroganter et dicuntur et tacentur cotidie; quae non quo te celem non perscribo sed quia δυσεξείλητα sunt. Itaque admirabere meam βαθύτητα cum salvi redierimus; tanta mihi μελέτη huius virtutis datur. Ergo haec quoque hactenus; etsi mihi nihil erat propositum ad scribendum, quia quid ageres, ubi terrarum esses, ne suspicabar quidem. Nec hercule umquam tam diu ignarus rerum mearum fui, quid de Caesaris, quid de Milonis nominibus actum sit; ac non modo nemo domo <sed> ne Roma quidem quisquam, ut sciremus in re publica quid ageretur. Qua re si quid erit quod scias de iis rebus quas putabis scire me velle, per mihi gratum erit si id curaris ad me perferendum. Quid est praeterea? Nihil sane nisi illud. Valde me Athenae delectarunt urbe dumtaxat et urbis ornamento et hominum amore in te et in nos quadam benevolentia; sed .multum ea philosophia sursum deorsum, si quidem est in Aristo, apud quem eram. Nam Xenonem tuum vel nostrum potius Quinto concesseram, et tamen propter vicinitatem totos dies simul eramus. Tu velim cum primum poteris tua consilia ad me scribas, ut sciam quid agas, ubi quoque <tempore>, maxime quando Romae futurus sis.

201. — A ATTICUS. Athènes, juin.

A. V, 10. Je suis arrivé à Athènes le 7 des kalendes de juillet. Voilà quatre jours que j'y attends Pomptinius et je ne sais rien encore de son arrivée. Ma pensée, je vous le jure, est toujours avec vous. De moi-même certes je penserais à vous, mais en face de ce qui parle ici aux yeux, comment ne pas y penser mille fois davantage? Que voulez-vous que je vous dise? vous seul remplissez mes entretiens. Mais peut-être souhaitez-vous savoir aussi un mot de ce qui me touche personnellement. Je n'ai pas encore imposé la moindre charge pour moi ou les miens ni aux villes, ni aux particuliers. Allocations légales de la loi Julia, prestations bénévoles de mes hôtes, je refuse tout. On comprend autour de moi combien cette réserve intéresse ma gloire, et l'on s'y soumet. Aussi jusqu'ici tout va à merveille. Je vois ma conduite appréciée par les Grecs qui ne tarissent pas d'éloges sur mon compte. Je me prépare à suivre vos conseils, en tout ce que j'aurai à faire. Mais attendons la fin ; il sera temps alors déchanter victoire. Sous beaucoup d'autres rapports, j'en suis au regret de n'avoir pas trouvé moyen d'échapper à cette mission. Qu'elle va mal à mes habitudes! et qu'on a bien raison de dire, chacun son métier. Je vous entends d'ici : « Mais à peine en avez-vous tâté. » C'est possible, et je crois volontiers que le plus fort me reste à faire. Cependant quoique je fasse assez bien, ce me semble, bon cœur et bonne mine à mauvais jeu, au fond, je n'eu suis pas moins au supplice. Il y a tant de haine, d'insolence, de sottise, d'orgueil dans tout ce qu'on dit et dans tout ce qu'on ne dit pas. Si je suis si peu explicite, ne croyez pas que je me cache de vous ; mais ce sont choses à renfoncer en soi-même. A mon retour, si j'en réchappe, vous admirerez mon impassibilité profonde. Je n'ai eu que trop d'occasions de mettre cette vertu en pratique. Assez sur ce chapitre. Cependant que vous écrire? Je ne soupçonne pas même ce que vous faites, ni en quel lieu du monde vous respirez. Par Hercule, je ne suis jamais resté si longtemps dans l'ignorance de mes affaires. Qu'y a-t-il de décidé sur la créance de César; sur celle de Milon? Ici pas un voyageur, pas même un vain bruit qui vienne me donner des nouvelles de la république. Si vous savez quelque chose qui m'importe, vous m'obligerez essentiellement dénie l'écrire. — Que vous dire encore? Rien, sinon que dans Athènes tout me charme, la ville toute seule, les monuments, 190 l'amour qu'on y a pour vous, la bienveillance qu'on me témoigne, et par-dessus tout la philosophie. Si celle du pour ou du contre est quelque part, c'est à coup sûr chez mon hôte Aristus. J'ai cédé à Quintus, Xénon votre ami, notre ami veux-je dire. Mais nous sommes voisins et nous passons nos journées l'un chez l'autre. Écrivez-moi le plus tôt possible et dites-moi vos projets : que je sache ce que vous faites, où vous êtes, et surtout quand vous serez à Rome.

11 Scr. Athenis pr. Non. Quint. A. 703 (51).

CICERO ATTICO SAL.

Hui ! totiensne me litteras dedisse Romam, cum ad te nullas darem? At vero posthac frustra potius dabo quam, si recte dari potuerint, committam ut non dem. Ne provincia nobis prorogetur, per fortunas! dum ades, quicquid provideri <poterit> provide. Non dici potest quam flagrem desiderio urbis, quam vix harum rerum insulsitatem feram. Marcellus foede in Comensi. Etsi ille magistratum non gesserat, erat tamen Transpadanus. Ita mihi videtur non minus stomachi nostro <quam> Caesari fecisse. Sed hoc ipse viderit. Pompeius mihi quoque videbatur, quod scribis a Varronem dicere, in Hispaniam certe iturus. Id ego minime probabam; qui quidem Theophani facile persuasi nihil esse melius quam illum nusquam discedere. Ergo Graecus incumbet. Valet autem auctoritas eius apud illum plurimum. Ego has pr. Nonas Quintilis proficiscens Athenis dedi, cum ibi decem ipsos fuissem dies. Venerat Pomptinus, una Cn. Volusius; aderat quaestor; tuus unus Tullius aberat. Aphracta Rhodiorum et dicrota Mytilenaeorum habebam et aliquid ἐπικώπων. De Parthis erat silentium. Quod superest, di iuvent! Nos adhuc iter per Graeciam summa cum admiratione fecimus, nec me hercule habeo quod adhuc quem accusem meorum. Videntur mihi nosse nostram causam et condicionem profectionis suae; plane serviunt existimationi meae. Quod superest, si verum illud est οἵαπερ ἡ δέσποινα, certe permanebunt. Nihil enim a me fieri ita videbunt ut sibi sit delinquendi locus. Sin id parum profuerit, fiet aliquid a nobis severius. Nam adhuc lenitate dulces sumus et, ut spero, proficimus aliquantum. Sed ego hanc, ut Siculi dicunt, ἀνεξίαν in unum annum meditatus sum. Proinde pugna ne, si quid prorogatum sit, turpis inveniar. Nunc redeo ad quae mihi mandas. In praefectis excusatio iis, quos voles deferto. Non ero tam μετέωρος quam in Appuleio fui. Xenonem tam diligo quam tu, quod ipsum sentire certo scio. Apud Patronem et reliquos barones te in maxima gratia posui et hercule merito tuo feci. Nam mihi Ister dixit te scripsisse ad se mihi ex illius litteris rem illam curae fuisse, quod ei pergratum erat. Sed cum Patro mecum egisset ut peterem a vestro Ariopago ὑπομνηματισμὸν tollerent quem Polycharmo praetore fecerant, commodius visum est et Xenoni et post ipsi Patroni me ad Memmium scribere, qui pridie quam ego Athenas veni Mytilenas profectus erat, ut is ad suos scriberet posse id sua voluntate fieri. Non enim dubitabat Xeno quin ab Ariopagitis invito Memmio impetrari non posset. Memmius autem aedificandi consilium abiecerat; sed erat Patroni iratus. Itaque scripsi ad eum accurate; cuius epistulae misi ad te exemplum. Tu velim Piliam meis verbis consolere. Indicabo enim tibi, tu illi nihil dixeris. Accepi fasciculum in quo erat epistula Piliae. Abstuli, aperui, legi. Valde scripta est συμπαθῶς. Brundisio quae tibi epistulae redditae sunt sine mea, tum videlicet datas cum ego me non belle haberem. Nam illam νομαναρια me excusationem.ne acceperis. Cura ut omnia sciam sed maxime ut valeas.

203. — A ATTICUS. Athènes, 6 juillet

A. V, 11. Quoi ! je viens d'écrire à Rome lettre sur lettre et pas une pour vous ! on ne m'y prendra plus. Mille fois plutôt perdre mes lettres que de manquer désormais une occasion ! Qu'on ne me proroge pas au nom du ciel ! Vous êtes encore à Rome; empêchez-le à tout prix. II n'y a pas de mots pour exprimer combien je soupire après Rome, et combien je suis dégoûté de cette fade vie de province. — Marcellus a bien indignement traité cet habitant de Côme ! Cet homme avait beau ne pas être magistrat, il était transpadan, et cet acte n'irritera pas moins notre ami que César : c'est son affaire après tout. — Comme le dit Varron, je crois certainement à Pompée l'intention de partir pour l'Espagne; et c'est ce que je n'approuve pas du tout. Il m'a été facile de démontrer à Théophane que le mieux était de ne pas s'éloigner; avis au Grec, lui dont l'influence est prépondérante auprès de Pompée. — Je vous écris la veille des nones de juillet, au moment de quitter Athènes. J'y suis depuis dix jours, tout autant. Pomptinius est arrivé; avec lui, Cn. Volnsius; mon questeur s'y trouve aussi. Il ne manque absolument que votre Tullius. J'ai des vaisseaux plats de Rhodes, d'autres à double rang, de Mitylène, et quelques bâtiments de transport. Aucune nouvel le des Parthes. Les dieux me soient en aide jusqu'au bout ! — Je traverse la Grèce aux cris d'admiration des habitants. Je vous jure que ma suite en est encore à me donner un sujet de plainte. Tous me connaissent; ils savent quelle est ma position, et avec quelles intentions je suis parti. Us ne songent qu'a me faire honneur; et il en sera ainsi jusqu'au bout, s'il faut en croire le proverbe grec : tel maître, etc. ; car je ne ferai certes rien dont ils puissent s'autoriser pour mal faire. Si ce n'est pas assez, je saurai me montrer sévère. Jusqu'à présent les moyens de douceur m'ont réussi; cependant, comme on ledit quelquefois, je ne suis en fonds de vertu que pour un on. Poussez donc ferme à mon rappel ; car si on me prorogeai! delà démon année, je ne réponds plus de moi. — J'arrive maintenant à vos commissions : à moins que je n'aie encore quelque excuse valable à vous présenter pour ces préfets, nommez-moi ceux que vous désirez; vous ne me trouverez pas inabordable pour tous comme pour Appuléius. Xénon m'est aussi cher qu'à vous-même, et je suis sûr qu'il n'en doute point. Je vous ai mis au mieux dans l'esprit de Patron et du reste de la secte. C'était justice. N'aviez-vous pas vous-même à trois reprises mandé à Patron qu'en me chargeant de son affaire je n'avais d'autre but que de lui être agréable : c'est lui qui me l'a dit. Patron désire que je demande à votre aréopage la révocation d'un acte passé sous la préture de Polycharme. Xénon, et Patron en est tombé d'accord, a cru qu'il fallait au préalable écrire à Memmius qui était parti pour Mitylène, la veille de mon arrivée à Athènes, et le prier d'envoyer son consentement à ses agents ; il affirme que sans cela ou n'obtiendra rien de l'aréopage. Memmius a renoncé à ses projets de constructions, mais il en veut à Patron. Aussi j'ai cru devoir soigner ma lettre. Je vous en envoie copie. Dites, je vous prie, à Pilia les choses les plus aimables pour la consoler... la consoler de quoi? Voici le motif; mais gardez-moi le secret. Un paquet m'a été remis, celui où était sa lettre. J'ai tout rompu, tout ouvert, tout lu. Sa lettre est vraiment touchante. Peut-être avez-vous reçu vos lettres de Brindes et rien de moi. Je n'étais pas à mon aise. Vous n'aviez qu'à ne pas vouloir de mon excuse νομαναδρίαν. Dites-moi, je vous prie, ce qui se passe; et sur toutes choses, portez-vous bien.

12 Scr. In medio mari med. M. Quint. A. 703 (51).

 CICERO ATTICO SAL.

Negotium magnum est navigare atque id mense Quintili. Sexto die Delum Athenis venimus. Pr. Nonas Quintilis a Piraeo ad Zostera vento molesto, qui nos ibidem Nonis tenuit. Ante viii Idus ad Ceo iucunde; inde Gyarum saevo vento non adverso; hinc Syrum, inde Delum, utroque citius quam vellemus, cursum confecimus. Nam nosti aphracta Rhodiorum; nihil quod minus fluctum ferre possit. Itaque erat in animo nihil festinare nec me Delo movere nisi omnia ἄκρα Γυρέων pura vidissem. De Messalla ad te statim ut audivi de Gyaro dedi litteras et id ipsum consilium nostrum etiam ad Hortensium cui quidem valde συνηγωνίων. Sed tuas de eius iudici sermonibus et me hercule omni de rei publicae statu litteras exspecto πολιτικώτερον quidem scriptas, quoniam meos cum Thallumeto nostro pervolutas libros, eius modi inquam litteras ex quibus ego non quid fiat (nam id vel Helonius, vir gravissimus, potest efficere, cliens tuus) sed quid futurum sit sciam. Cum haec leges, habebimus consules. Omnia perspicere poteris de Caesare, de Pompeio, de ipsis iudiciis. Nostra autem negotia, quoniam Romae commoraris, amabo te, explica. Cui rei fugerat me rescribere, de strue laterum, plane rogo, de aqua, si quid poterit fieri, eo sis animo quo soles esse; quam ego cum mea sponte tum tuis sermonibus aestimo plurimi. Ergo tu id conficies. Praeterea si quid Philippus rogabit quod in tua re faceres, id velim facias. Plura scribam ad te cum constitero. Nunc eram plane in medio mari.

205. — A ATTICUS. En pleine mer, loin de Délos, juillet.

A. V, 12. C'est une terrible chose que la mer, et en juillet; encore six jours pour aller d'Athènes à Délos! La veille des nones de juillet, nous n'allâmes que du Pirée à Zosteros, ayant le mauvais vent qui nous retint toute la journée du lendemain. Le 8 des ides, temps charmant pour arriver à Céos. De Céos un vent violent, sans être contraire, nous a conduits plus vite que nous ne voulions, d'abord à Gyaros, puis à Scyros et enfin à Délos. Vous connaissez les vaisseaux plats de Rhodes; rien ne résiste moins au gros temps. Aussi je ne veux point me presser et ne quitterai Délos qu'après avoir bien consulté toutes les girouettes. J'ai appris l'affaire de Messalla à Gyaros, et je vous écris sur-le-champ. J'en ai dit également mon avis à Hortensius, dont je partage là-dessus le chagrin. Mandez-moi ce qu'on dit de ce jugement et faites-moi connaître où nous en sommes en général. Je veux une lettre sentant l'homme politique qui a feuilleté avec Thalumète ce que j'ai écrit sur ce sujet; une lettre, dis-je, qui m'apprenne non pas seulement ce qui se passe, car votre client Hélénius, l'homme important s'il eu fut, pourrait en faire autant, mais où je puisse voir les événements à venir. Au moment où vous me lirez, on aura des consuls. Vous devez avoir une opinion faite sur cela, sur Pompée, sur les tribunaux. Puisque vous restez a Rome, soyez assez bon pour finir mes affaires. J'ai oublié de vous parler de cet ouvrage en brique. Je vous le recommande. S'il y a moyen d'avoir de l'eau, faites pour le mieux selon votre coutume. J'y ai toujours tenu, j'y tiens bien plus depuis que je vous vois y mettre tant de prix. Tâchez donc d'y réussir. Si Philippe recourt à votre crédit, ne le refusez pas, je vous prie. Je vous écrirai plus longuement quand je serai a demeure. En ce moment je suis au milieu des flots.

13 Scr. Ephesi vii K. Sext. A. 703 (51).

CICERO ATTICO SAL.

Ephesum venimus a. D. xi Kal. Sextilis sexagesimo et quingentesimo post pugnam Bovillanam. Navigavimus sine timore et sine nausea sed tardius propter aphractorum Rhodiorum imbecillitatem. De concursu legationum, privatorum et de incredibili multitudine quae mihi iam Sami sed mirabilem in modum Ephesi praesto fuit aut audisse te puto aut 'quid ad me attinet?' verum tamen decumani <quasi> venissem cum imperio, Graeci quasi Ephesio praetori se alacres obtulerunt. Ex quo te intellegere certo scio multorum annorum ostentationes meas nunc in discrimen esse adductas. Sed ut spero, utemur ea palaestra quam a te didicimus omnibusque satis faciemus et eo facilius quod in nostra provincia confectae sunt pactiones. Sed hactenus, praesertim cum cenanti mihi nuntiarit Cestius se de nocte proficisci. Tua negotiola Ephesi curae mihi fuerunt, Thermoque, tametsi ante adventum meum liberalissime erat pollicitus tuis omnibus, tamen Philogenem et Seium tradidi, Apollonidensem Xenonem commendavi. Omnino omnia se facturum recepit. Ego praeterea rationem Philogeni permutationis eius quam tecum feci edidi. Ergo haec quoque hactenus. Redeo ad urbana. Per fortunas! quoniam Romae manes, primum illud praefulci atque praemuni quaeso ut simus annui, ne intercaletur quidem. Deinde exhauri mea mandata maximeque si quid potest de illo domestico scrupulo quem non ignoras, dein de Caesare cuius in cupiditatem te auctore incubui nec me piget. Et si intellegis quam meum sit scire et curare quid in re publica fiatfiat autem? Immo vero etiam quid futurum sit, perscribe ad me omnia, sed diligentissime imprimisque ecquid iudiciorum status aut factorum aut futurorum etiam laboret. De aqua, si curae est, si quid Philippus aget animadvertes.

206. — A ATTICUS. Ephèse, juillet.

A. V, 13. Je suis arrivé à Ephèse le 11 des kalendes d'août, cinq cent soixante jours après le combat de BovilIa. Ma traversée a été sans dangers et sans nausées, mais fort lente, 194 grâce aux bateaux plats de Rhodes. Vous aurez su, je pense, quel concours de députations et de citoyens, quels flots de population se sont portés à mon passage, d'abord à Samos, puis, de plus belle, à Ephèse. Qu'importé au surplus! pourtant si. Écoutez ! j'ai trouvé pour moi chez les fermiers publics et chez les Grecs d'Ephèse la même ardeur que pour un gouverneur de la province et pour le préteur de la ville. Mais comprenez que me voilà mis en demeure d'appliquer ce que je professe depuis tant d'années. Eh bien ! j'ai été à votre école et j'y ai profité, j'espère. Il y aura justice pour tous, et d'autant plus aisément que, dans ma province, les villes et les agents du trésor sont convenus d'abonnements fixes ; je ne puis vous en dire plus long. Cestius part cette nuit et c'est à mon souper seulement qu'il est venu m'avertir. — Je n'ai rien négligé pour vos intérêts à Éphèse ; même avant mon arrivée, Thermus avait été parfait pour vos amis. Je lui ai présenté Séius et Philogène, je lui ai recommandé Xénon d'Apollonide. Il fait son affaire de toutes vos affaires. J'ai donné de plus à Philogène le compte des avances que vous m'avez faites, mais sur ce point aussi j'ajourne les détails. Je reviens aux affaires de la ville. Par tous les Dieux ! puisque vous restez à Rome, prenez bien vos précautions pour que l'on ne me donne pas une seconde année, et même pour qu'il n'y ait pas cette année d'intercalation. D'ailleurs, n'oubliez aucune de mes commissions ; surtout si vous y pouvez quelque chose, celle qui touche à mon intérieur et qui me pèse, vous entendez ; puis César à qui je me suis livré : vous l'avez voulu et je ne m'en plains pas. Enfin vous savez touchant les affaires politiques ! si je dois être curieux de ce qui se fait; que dis-je, de ce qui se fait? je veux que vous m'écriviez même ce qui est à faire, et de point en point. Avant tout, parlez-moi des procès jugés ou en instance. S'occupe-t-on aussi de mon eau? Philippe a-t-il fait quelque chose? Donnez-y un coup d'œil, je vous prie.

14 Scr. Trallibus vi K. Sext. A. 703 (51).

CICERO ATTICO SAL.

Ante quam aliquo loco consedero, neque longas a me neque semper mea manu litteras exspectabis; cum autem erit spatium, utrumque praestabo. Nunc iter conficiebamus aestuosa et pulverulenta via. Dederam Epheso pridie; has dedi Trallibus. In provincia mea fore me putabam Kal. Sextilibus. Ex ea die, si me amas, παράπηγμα ἐνιαύσιον commoveto. Interea tamen haec mihi quae vellem adferebantur, primum otium Parthicum, dein confectae pactiones publicanorum, postremo seditio militum sedata ab Appio stipendiumque eis usque ad Idus Quintilis persolutum. Nos Asia accepit admirabiliter. Adventus noster nemini ne minimo quidem fuit sumptui. Spero meos omnis servire laudi meae. Tamen magno timore sum sed bene speramus. Omnes iam nostri praeter Tullium tuum venerunt. Erat mihi in animo recta proficisci ad exercitum, aestivos mensis reliquos rei militari dare, hibernos iuris dictioni. Tu velim, si me nihilo minus nosti curiosum in re publica quam te, scribas ad me omnia quae sint, quae futura sint. Nihil mihi gratius facere potes; nisi tamen id erit mihi gratissimum, si quae tibi mandavi confeceris imprimisque illud ἐνδόμυχον, quo mihi scis nihil esse carius. Habes epistulam plenam festinationis et pulveris; reliquae subtiliores erunt.

209. — A ATTICUS. Tralles, juillet.

A. V, 14. Tant que je ne poserai nulle part, Vous n'aurez que des lettres de quelques lignes et pas toujours de ma main. Mais une fois casé, je reprends mes habitudes. Nous cheminons par la chaleur et la poussière. J'ai daté précédemment d'Ephèse; cette fois, c'est de Tralles que je vous écris. Je compte arriver dans ma province le jour des kalendes d'août. Marquez, je vous prie, ce jour-là sur votre indicateur. Au surplus, d'après mes nouvelles tout se présente assez bien. D'abord, les Parthes ne remuent pas. En second lieu, les villes se sont abonnées. Enfin Appius a mis ordre à la sédition des troupes; elles sont payées jusqu'aux ides. — On me fait en Asie un accueil admirable. Personnellement j'ai eu soin de n'être à charge à qui que ce fût. Quant à ma suite, sa tenue me fait honneur. Toute ma crainte est qu'il n'en soit pas constamment de même; je l'espère néanmoins. Tous ont rejoint, excepté votre ami Tullius. Je me décide à aller droit au camp. Là je donnerai le reste de la campagne à l'administration militaire; et l'hiver sera consacré aux affaires civiles. — En fait de nouvelles politiques, ma curiosité égale au moins la vôtre. Événements, prévisions, écrivez-moi tout ; vous ne sauriez m'obliger davantage, à moins toutefois de m'apprendre que mes commissions sont faites; notamment cette affaire d'intérieur qui me touche de si près. Voilà qui sent terriblement la hâte et la poussière. Je mettrai plus d'ordre par la suite.

15 Scr. Laodiceae iii Non. Sext. A. 703 (51).

CICERO ATTICO SAL.

Laodiceam veni pridie Kal. Sextilis. Ex hoc die clavum anni movebis. Nihil exoptatius adventu meo, nihil carius. Sed est incredibile quam me negoti taedeat, non habeat satis magnum campum ille tibi non ignotus cursus animi et industriae meae, praeclara opera cesset. Quippe, ius Laodiceae me dicere, cum Romae A. Plotius dicat, et, cum exercitum noster amicus habeat tantum, me nomen habere duarum legionum exilium? Denique haec non desidero, lucem, forum, urbem, domum, vos desidero. Sed feram ut potero, sit modo annuum. Si prorogatur, actum est. Verum perfacile resisti potest, tu modo Romae sis. Quaeris quid hic agam. Ita vivam ut maximos sumptus facio. Mirifice delector hoc instituto. Admirabilis abstinentia ex praeceptis tuis, ut verear ne illud quod tecum permutavi versura mihi solvendum sit. Appi vulnera non refrico, sed apparent nec occuli possunt. Iter Laodicea faciebam a. D. Iii Non. Sextilis, cum has litteras dabam, in castra in Lycaoniam. Inde ad Taurum cogitabam, ut cum Moeragene signis collatis, si possem, de servo tuo deciderem.

Clitellae bovi sunt impositae; plane non est nostrum onus.

Sed feremus, modo, si me amas, sim annuus adsis tu ad tempus ut senatum totum excites. Mirifice sollicitus sum quod iam diu mihi ignota sunt ista omnia. Qua re ut ad te ante scripsi, cum cetera tum res publica cura ut mihi nota sit. Plura scribam tarde tibi redditu iri, sed dabam familiari homini ac domestico, C. Andronico Puteolano. Tu autem saepe dare tabellariis publicanorum poteris per magistros scripturae et portus nostrarum dioecesium.
 

 

212. — A ATTICUS. Laodicée, août.

A. V, 15. Je suis arrivé à Laodicée la veille des kalendes d'août. Mettez un clou à dater de ce jour. Jamais je ne vis empressement ni démonstrations pareilles. Mais vous ne sauriez croire combien je m'ennuie déjà de mon rôle. Il n'y a pas là carrière pour cette activité, d'esprit que vous me connaissez. Mon mérite principal reste inutile. Juger les affaires de Laodicée, tandis quePlotius juge celles de Rome; commander deux misérables légions, tandis que notre ami se voit à la tête d'une si belle armée ; ce n'est pas tout cela au surplus qui cause mon regret. Le grand jour, Rome, ma maison, vous tous, voilà ce qui me manque. Je supporterai cet exil tant bien que mal, pourvu qu'il ne dure pas plus d'une année. S'il y a prorogation, c'en est fait de moi. Mais rien de plus facile que d'y parer, vous étant à Rome. — Vous me demandez comment je vis? à très-grands frais; et j'y prends, je vous assure, un plaisir infini. D'ailleurs désintéressement absolu, suivant vos maximes; à tel point que je crains que, pour vous rembourser, il ne faille que j'emprunte. Je n'élargis pas les plaies qu'Appius a faites ; mais elles sont si visibles! je ne puis faire qu'on n'ait des yeux. Je pars de Laodicée le 3 des nones d'août pour visiter mon camp dans la Lycaonie. De là je marche au mont Taurus, enseignes déployées, pour sommer Méragène de me rendre votre esclave. « Tout cela me va comme une selle à un bœuf. Le fardeau n'est pas fait pour mes épaules. » II faut le porter cependant; mais si vous m'aimez, faites que dans un an j'en sois quitte. Trouvez-vous là au moment et chauffez le sénat. Mon inquiétude est au comble. Voilà un siècle que je ne sais rien de ce qui se passe. Je vous renouvelle ma prière ; ne me laissez pas sans nouvelles politiques et autres. Je vous écrirais plus au long, mais cette lettre vous arrivera si tard. Je profite du départ d'un ami, d'un homme à mol, Andronicus de Pouzzol. Remettez vos dépêches aux messagère des fermiers publics. Elles m'arriveront par les préposés aux revenus des divers ressorts de la province.

16 Scr. In itinere a Synnada ad Philomellum inter a. D. V et iii Id. Sext. A. 703 (51).

CICERO ATTICO SAL

Etsi in ipso itinere et via discedebant publicanorum tabellarii et eramus in cursu, tamen surripiendum aliquid putavi spati, ne me immemorem mandati tui putares. Itaque subsedi in ipsa via, dum haec quae longiorem desiderant orationem summatim tibi perscriberem. Maxima exspectatione in perditam et plane eversam in perpetuum provinciam nos venisse scito pridie Kal. Sextilis, moratos triduum Laodiceae, triduum Apameae, totidem dies Synnade. . Audivimus nihil aliud nisi imperata ἐπικεφάλαια solvere non posse, ὠνὰς omnium venditas, civitatum gemitus, ploratus, monstra quaedam non hominis sed ferae nescio cuius immanis. Quid quaeris? Taedet omnino eos vitae. Levantur tamen miserae civitates quod nullus fit sumptus in nos neque in legatos neque in quaestorem neque in quemquam. Scito non modo nos foenum aut quod e lege Iulia dari solet non accipere sed ne ligna quidem, nec praeter quattuor lectos et tectum quemquam accipere quicquam, multis locis ne tectum quidem et in tabernaculo manere plerumque. Itaque incredibilem in modum concursus fiunt ex agris, ex vicis, ex domibus omnibus. Me hercule etiam adventa nostro reviviscunt. Iustitia, abstinentia, clementia tui Ciceronis [itaque] opiniones omnium superavit. Appius ut audivit nos venire, in ultimam provinciam se coniecit Tarsum usque. Ibi forum agit. De Partho silentium est, sed tamen concisos equites nostros a barbaris nuntiabant ii qui veniebant. Bibulus ne cogitabat quidem etiam nunc in provinciam suam accedere; id autem facere ob eam causam dicebant quod tardius vellet decedere. Nos in castra properabamus quae aberant tridui.

213. — A ATTICUS. En route de Synnade au camp, août.

A. V, 16. Je me suis croisé en route avec les messagers des fermiers publics. Votre recommandation m'est alors revenue à l'esprit ; et, bien qu'en pleine marche, j'ai fait halte aussitôt pour vous tracer, sur le bord du chemin, ce peu de mots qui demanderait un plus long détail. — C'est la veille des kalendes d'août que je suis arrivé dans mon gouvernement, au milieu d'une attente des plus vives. J'ai trouvé la province ruinée, abîmée à ne s'en relever jamais. J'ai passé trois jours à Laodicée, autant à Apamée, autant à Synnade. Partout même concert de plaintes. Payement de la capitation impossible ! revenus engagés ! populations gémissantes, éplorées ! Un monstre et non un homme a passé par là. Que voulez-vous? ils en ont pris la vie en dégoût. — Du moins est-ce un soulagement pour ces pauvres villes de n'avoir à défrayer ni moi, ni mes lieutenants, ni mon questeur, ni qui quo ce soit des miens. Nous ne recevons point de fourrages, ni aucune des allocations de la loi Julia; pas même le bois. Dans les logements on nous fournit quatre lits, rien au delà, et le plus souvent nous couchons sous latente. Aussi quelle affluence prodigieuse des campagnes, des bourgs, de toutes les habitations ! Nous arrivons: ce peuple semble renaître; tout cela grâce à la justice, au désintéressement, à l'humanité de votre Cicéron. Il a surpassé l'attente de tous. — Appius, à mon approche, s'est jeté à l'extrême frontière de la province. Il est à Tarse, où il tient ses assises. Point de nouvelles des Parthes. Cependant les barbares auraient maltraité notre cavalerie, disent les gens qui arrivent de la frontière. Bibulus ne fait pas encore mine d'aller prendre possession de sa province. On prétend que c'est pour y rester plus t.ird. Moi, je me hâte d'arriver à mon camp dont je ne suis plus qu'à deux journées.

 

17 Scr. In itinere ad castra inter iv Id. A prid. Id. Sext. A. 703 (51).

CICERO ATTICO SAL.

Accepi Roma sine epistula tua fasciculum litterarum; in quo, si modo valuisti et Romae fuisti, Philotimi duco esse culpam, non tuam. Haud epistulam dictavi sedens in raeda, cum in castra proficiscerer a quibus aberam bidui. Paucis diebus habebam certos homines quibus darem litteras. Itaque eo me servavi. Nos tamen, etsi hoc te ex aliis audire malo, sic in provincia nos gerimus, quod ad abstinentiam attinet, ut nullus terruncius insumatur in quemquam. Id fit etiam et legatorum et tribunorum et praefectorum diligentia; nam omnes mirifice συμφιλοδοξοῦσιν gloriae meae. Lepta noster mirificus est. Sed nunc propero. Perscribam ad te paucis diebus omnia. Cicerones nostros Deiotarus filius, qui rex ab senatu appellatus est, secum in regnum. Dum in aestivis nos essemus, illum pueris locum esse bellissimum duximus. Sestius ad me scripsit quae tecum esset de mea domestica et maxima cura locutus et quid tibi esset visum. Amabo te, incumbe in eam rem et ad me scribe quid et possit et tu censeas. Idem scripsit Hortensium de proroganda nostra provincia dixisse nescio quid. Mihi in Cumano diligentissime se ut annui essemus defensurum receperat. Si quicquam me amas, hunc locum muni. Dici non potest quam invitus a vobis absim; et simul hanc gloriam iustitiae et abstinentiae fore inlustriorem spero si cito decesserimus, id quod Scaevolae contigit qui solos novem mensis Asiae praefuit.  Appius noster cum me adventare videret, profectus est Tarsum usque Laodicea. Ibi forum agit, cum ego sim in provincia. Quam eius iniuriam non insector. Satis enim habeo negoti in sanandis vulneribus quae sunt imposita provinciae; quod do operam ut faciam quam minima cum illius contumelia. Sed hoc Bruto nostro velim dicas, illum fecisse non belle qui adventu meo quam longissime potuerit discesserit.

214. — A ATTICUS. En route pour le camp, août.

A. V, 17. Je viens de recevoir un paquet de lettres de Rome, et pas une de vous ! Si vous n'êtes ni malade, ni absent, il y a, à coup sûr, de la faute de Philotime plutôt que de la vôtre. Je dicte en voiture, me dirigeant vers le camp dont jj ne suis qu'à deux journées. Dans peu je pourrai mettre mes lettres eu mains sûres, et je me réserve pour ce moment. — Voici ce qu'il vaudrait mieux que vous apprissiez par d'autres que par moi. Mais je veux que vous sachiez notre désintéressement, et que pas un des miens n'impose une obole à qui que ce soit : mes lieutenants, mes. tribuns et jusqu'à mes préfets, y tiennent la main. Tousse montrent jaloux de travailler à ma gloire. Votre Lepta est admirable. Mais le temps me presse. Je vous en écrirai plus long sous quelques jours. —Le jeune Déjotarus, récemment décoré du titre de roi par le sénat, vient d'emmener nos deux Cicérons dans ses états. J'ai pensé qu'ils seraient là au mieux, tandis que je tiendrai campagne. — Sextius m'a fait part de sa conversation avec vous et de votre manière de voir sur cette affaire de famille, mon plus grand souci. Ah ! veuillez vous en occuper sérieusement, je vous prie. Que je sache sur quoi compter et quel est votre avis en définitive. Sextius me mande aussi qu'Hortensias lui aurait dit je ne sais quoi sur la possibilité d'une prorogation. Lui, qui m'avait tant promis à Cumes de ne rien épargner pour mon rappel au bout de l'année. Parez à cela, si vous m'aimez. Les mots ne peuvent dire ce que je souffre loin de vous tous. Dans l'intérêt même de ma réputation d'intégrité et de désintéressement, il importe de ne pas prolonger mon séjour. Scévola eut cet avantage do n'avoir qu'un gouvernement de neuf mois en Asie. Dès que mon Appius a su que j'approchais, vite il s'est enfui de Laodicée jusqu'à Tarse. Il y rend encore la justice, nonobstant ma présence dans la province. Je lui passe volontiers cette usurpation. Il m'a bien assez laissé- à faire pour guérir les plaies de son administration. Je travaille à sauver son honneur de mon mieux. Mais je veux que Brutus sache de vous qu'il s'est tenu loin de moi autant qu'il a pu. Cela n'est pas bien.

 

18 Scr. In castris ad Cybistra xi K. Oct. A. 703 (51).

 CICERO ATTICO SAL.

Quam vellem Romae esses, si forte non es! nihil enim certi habebamus nisi accepisse nos tuas litteras a. D. xiiii Kal. Sextil. Datas, in quibus scriptum esset te in Epirum iturum circiter Kal. Sextil. Sed sive Romae es sive in Epiro, Parthi Euphraten transierunt duce Pacoro, Orodis regis Parthorum filio, <cum> cunctis fere copiis. Bibulus nondum audiebatur esse in Syria; Cassius in oppido Antiochia est cum omni exercitu, nos in Cappadocia ad Taurum cum exercitu ad Cybistra; hostis in Cyrrhestica quae Syriae pars proxima est provinciae meae. His de rebus scripsi ad senatum, quas litteras, si Romae es, videbis putesne reddendas et multa, immo omnia, quorum κεφάλαιον ne quid inter caesa et porrecta, ut aiunt, oneris mihi addatur aut temporis. Nobis enim hac infirmitate exercitus inopia sociorum, praesertim fidelium, certissimum subsidium est hiems. Ea si venerit nec illi ante in meam provinciam transierint, unum vereor ne senatus propter urbanarum rerum metum Pompeium nolit dimittere. Quod si alium ad ver mittit, non laboro, nobis modo temporis ne quid prorogetur. Haec igitur, si es Romae; sin abes aut etiam si ades, haec negotia sic se habent. Stamus animis et, quia consiliis, ut videmur, bonis utimur, speramus etiam manu. Tuto consedimus copioso a frumento, Ciliciam prope conspiciente, expedito ad mutandum loco, parvo exercitu sed, ut spero, ad benevolentiam erga nos consentiente. Quem nos Deiotari adventu cum suis omnibus copiis duplicaturi eramus. Sociis multo fidelioribus utimur quam quisquam usus est; quibus incredibilis videtur nostra et mansuetudo et abstinentia. Dilectus habetur civium Romanorum; frumentum ex agris in loca tuta comportatur. Si fuerit occasio, manu, si minus, locis nos defendemus. Qua re bono animo es. Video enim te et, quasi coram adsis, ita cerno συμπάθειαν amoris tui. Sed te rogo, si ullo pacto fieri poterit, si integra in senatu nostra causa ad Kal. Ianuarias manserit, ut Romae sis mense Ianuario. Profecto nihil accipiam iniuriae, si tu aderis. Amicos consules habemus, nostrum tribunum pl. Furnium. Verum tua est opus adsiduitate, prudentia, gratia. Tempus est necessarium. Sed turpe est me pluribus verbis agere tecum. Cicerones nostri sunt apud Deiotarum sed, si opus erit, deducentur Rhodum. Tu si es Romae, ut soles, diligentissime, si in Epiro, mitte tamen ad nos de tuis aliquem tabellarium, ut et <tu> quid nos agamus et nos quid tu agas quidque acturus sis scire possimus. Ego tui Bruti rem sic ago ut suam ipse non ageret. Sed iam exhibeo pupillum neque defendo; sunt enim negotia et lenta et inania. Faciam tamen satis tibi quidem cui difficilius est quam ipsi; sed certe satis faciam utrique.

219. — A ATTICUS. Au camp de Cybistre en Capapdoce, septembre.

A. V, 18. Que je voudrais vous savoir à Rome ! Peut-âtre y êtes-vous encore. Tout ce que j'en sais, c'est que j'ai reçu deux lettres de vous datées du 14 des kalendes d'août m'annonçant votre intention de partir pour l'Épire vers les kalendes du même mois. Mais que vous soyez à Rome, que vous soyez en Épire, ce qui est certain, c'est que les Parthes, et à leur tête Pacorus, fils de leur roi Orode, ont passé l'Euphrate avec toutes leurs forces. On n'entend pas parler de la venue de Bibulus en Syrie. Cassius s'est renfermé dans Antioche avec son corps d'armée. Moi je suis campé à Cybistre près du Taurus, en Cappadoce. L'ennemi occupe la Cyrrestique, partie de la Syrie limitrophe de ma province. J'écris ces détails au sénat. Lisez ma lettre, si vous êtes encore à Rome; voyez s'il est bon qu'elle parvienne, et avisez à tout ce qu'il faut faire. Gare surtout qu'une extension de ma charge et de sa durée ne survienne tout à coup « entre la victime et le sacrificateur,» comme on dit. Si faible en troupes et en alliés, en alliés sûrs du moins, mon meilleur moyen de défense est l'hiver. L'hiver une fois venu avant toute irruption dans ma province, je n'ai plus qu'une crainte, c'est que l'état menaçant de la capitale n'empêche le sénat de laisser partir Pompée. Au surplus, vienne mon successeur au printemps, je m'inquiète peu du reste. Le tout est d'éviter une prorogation quelconque. Voilà ce que je vous recommande, si vous êtes à Rome. Mais à Rome ou ailleurs, encore faut-il que vous sachiez où j'en suis. Le cœur ne me manque pas. Et comme mes mesures sont, je crois, bien prises, j'ai bon espoir, dût-on en venir aux mains. Je suis avantageusement posté, largement approvisionné, à portée de la Cilicie, maître de tous mes mouvements. Je n'ai qu'une poignée d'hommes, mais qui, si je ne m'abuse, me sont dévoués du premier au dernier. Mes forces vont être doublées par la jonction de Déjotarus avec tout son monde. La fidélité des alliés m'est assurée comme elle ne le fut jamais. Ils ne reviennent pas de ma douceur et de mon désintéressement. Je fais prendre les armes aux citoyens romains; on transporte le blé dans les places. Enfin me voilà prêt, suivant l'occurrence, ou à prendre l'offensive ou à faire bonne défense dans mes positions. Ainsi rassurez-vous, vous, dont Je vois d'ici tout comme si vous étiez devant mes yeux, la sollicitude et les alarmes. Mais je vous en prie, en supposant que le sénat n'ait rien décidé pour moi avant les kalendes de janvier, ne laissez point passer le mois sans revenir à Reine. Je ne crains rien, si je vous ai là. J'aurai pour moi les consuls ainsi que le tribun Furuius. Mais votre zèle, votre prudence, votre crédit sont mes plus sûrs auxiliaires. Mettez le temps à profit. Je serais honteux de dire un mot de plus. — Nos deux Cicérons sont auprès de Déjotarus. Je les enverrai ù Rhodes, au besoin. Si vous êtes à Rome, écrivez-moi aussi exactement que de coutume. Si vous êtes en Épire, ne laissez pas de m'envoyer un messager de temps à autre, afin que nous sachions réciproquement, vous ce qui m'arrive, mol ce que vous faites ou ferez. Je prends les intérêts de Brutus plus chaudement qu'il ne ferait lui-même. J'abdique la tutelle. Je renonce à défendre mon pupille. Ce sont des affaires qui ne finissent pas et dont il n'y a rien à tirer. Mais Brutus sera content. Vous le serez aussi, vous qui n'êtes pas si aisé à satisfaire. Vous le serez tous deux.

19 Scr. In castris ad Cybistin x K. Oct. A. 703 (51).

CICERO ATTICO SAL.

Obsignaram iam epistulam eam, quam puto te modo perlegisse scriptam mea manu in qua omnia continentur, cum subito Apellae tabellarius a. D. xi Kal. Octobris septimo quadragesimo die Roma celeriter (hui tam longe!) mihi tuas litteras reddidit. Ex quibus non dubito quin tu Pompeium exspectaris dum Arimino rediret et iam in Epirum profectus sis, magisque vereor, ut scribis, ne in Epiro sollicitus sis non minus quam nos hic sumus. De Atiliano nomine scripsi ad Philotimum ne appellaret Messallam. Itineris nostri famam ad te pervenisse laetor magisque laetabor si reliqua cognoris. Filiolam tuam tibi iam Romae iucundam esse gaudeo, eamque quam numquam vidi tamen et amo et amabilem esse certo scio. Etiam atque etiam vale. De Patrone et tuis condiscipulis quae de parietinis in Melita laboravi ea tibi grata esse gaudeo. Quod scribis libente te repulsam tulisse eum qui cum sororis tuae fili patruo certarit, magni amoris signum. Itaque me etiam admonuisti ut gauderem; nam mihi in mentem non venerat. 'non credo' inquis. Vt libet; sed plane gaudeo, quoniam τὸ νεμεσᾶν interest τοῦ φθονεῖν.
 

225. — A ATTICUS. Cilicie, Septembre.

A. V, 19. Vous avez probablement reçu ma dernière lettre qui est de ma main et très-détaillée. Au moment où je la fermais est arrivé le messager d'Appius avec la vôtre du 11 des ka- 209 lendes d'octobre. Il a été quarante sept jours en route, et n'a pas perdu son temps. Quelle cruelle distance ! Vous aurez attendu, je le vois bien, que Pompée fût revenu d'Ariminum, et à présent vous ôtes parti pour l'Épire. Je vous crois sans peine, vous n'y serez pas plus tranquille que nous. J'ai écrit à Philotime de ne point assigner Messalla pour la dette d'Attilius. Je suis flatté que vous ayez su par la renommée l'accueil que j'ai reçu durant la marche ; mais je le serai encore plus si elle vous apprend le reste. Le cœur vous parle donc pour cette petite fille qui est restée à Rome. A la bonne heure 1 Je l'aime bien, moi qui ne l'ai jamais vue ; et je suis persuade qu'elle le mérite. Continuez à vous bien porter. Quant à Patron et à vos chers condisciples, vous voyez qu'au milieu de la guerre, je n'ai pas négligé les ruines de la demeure de votre Épicure, et je suis fort aise d'avoir pu vous être agréable en cela. Eh bien ! vous applaudissez donc à cette nouvelle déconvenue d'un homme jadis en concurrence avec l'oncle de votre neveu. Voilà une grande preuve d'amitié ; mais vous me faites penser a m'en réjouir. Je n'y songeais pas. Je n'en crois rien, me direz-vous. Tout comme il vous plaira. Je m'en réjouis en vérité, mais par esprit de justice et non par ressentiment, ce qui est tout autre chose.

20 Scr. In Cilicia inter a. D. xii et iv K. Ian. A. 703 (51).

CICERO ATTICO SAL.

Saturnalibus mane se mihi Pindenissitae dediderunt septimo et quinquagesimo die postquam oppugnare eos coepimus. 'qui malum! isti Pindenissitae qui sunt?' inquies; 'nomen audivi numquam.' quid ego faciam? Num potui Ciliciam Aetoliam aut Macedoniam reddere? Hoc iam sic habeto nec hoc exercitu <nec> hic tanta negotia geri potuisse. Quae cognosce ἐν ἐπιτομῇ; sic enim concedis mihi proximis litteris. Ephesum ut venerim nosti, qui etiam mihi gratulatus es illius diei celebritatem qua nihil me umquam delectavit magis. Inde <in> oppidis iis quae erant mirabiliter accepti Laodiceam pridie Kal. Sextilis venimus. Ibi morati biduum perinlustres fuimus honorificisque verbis omnis iniurias revellimus superiores, quod idem <Colossis>, dein Apameae quinque dies morati et Synnadis triduum, Philomeli quinque dies, Iconi decem fecimus. Nihil ea iuris dictione aequabilius, nihil lenius, nihil gravius. Inde in castra veni a. D. VII Kalendas Septembris. A. D. III exercitum lustravi apud Iconium. Ex his castris, cum graves de Parthis nuntii venirent, perrexi in Ciliciam per Cappadociae partem eam quae Ciliciam attingit, eo consilio ut Armenius Artavasdes et ipsi Parthi Cappadocia se excludi putarent. Cum dies quinque ad Cybistra [Cappadociae] castra habuissem, certior sum factus Parthos ab illo aditu Cappadociae longe abesse, Ciliciae magis imminere. Itaque confestim iter in Ciliciam feci per Tauri pylas. Tarsum veni a. D. III Nonas Octobris. Inde ad Amanum contendi qui Syriam a Cilicia in aquarum divertio dividit; qui mons erat hostium plenus sempiternorum. Hic a. D. Iii Idus Octobr. Magnum numerum hostium occidimus. Castella munitissima nocturno Pomptini adventu, nostro matutino cepimus, incendimus. Imperatores appellati sumus. Castra paucos dies habuimus ea ipsa quae contra Darium habuerat apud Issum Alexander, imperator haud paulo melior quam aut tu aut ego. Ibi dies quinque morati direpto et vastato Amano inde discessimus. Interim (scis enim dici quaedam πανικά, dici item τὰ κενὰ τοῦ πολέμου) rumore adventus nostri et Cassio qui Antiochia tenebatur animus accessit et Parthis timor iniectus est. Itaque eos cedentis ab oppido Cassius insecutus rem bene gessit. Qua in fuga magna auctoritate Osaces dux Parthorum vulnus accepit eoque interiit paucis post diebus. Erat in Syria nostrum nomen in gratia. Venit interim Bibulus; credo, voluit appellatione hac inani nobis esse par. In eodem Amano coepit loreolam in mustaceo quaerere. At ille cohortem primam totam perdidit centurionemque primi pili nobilem sui generis Asinium Dentonem et reliquos cohortis eiusdem et Sex. Lucilium, T. Gavi Caepionis locupletis et splendidi hominis filium, tribunum militum sane plagam odiosam acceperat cum re tum tempore. Nos ad Pindenissum, quod oppidum munitissimum Eleutherocilicum omnium memoria in armis fuit. Feri homines et acres et omnibus rebus ad defendendum parati. Cinximus vallo et fossa; aggere maximo, vineis, turre altissima, magna tormentorum copia, multis sagittariis, magno labore, apparatu multis sauciis nostris, incolumi exercitu negotium confecimus. Hilara sane Saturnalia militibus quoque quibus equis exceptis reliquam praedam concessimus. Mancipia venibant Saturnalibus tertiis. Cum haec scribebam, in tribunali res erat ad HS CXX. Hinc exercitum in hiberna agri male pacati deducendum Quinto fratri dabam; ipse me Laodiceam recipiebam. Haec adhuc. Sed ad praeterita revertamur. Quod me maxime hortaris et quod pluris est quam omnia, in quo laboras ut etiam Ligurino Μώμῳ satis faciamus, moriar si quicquam fieri potest elegantius. Nec iam ego hanc continentiam appello, quae virtus voluptati resistere videtur. Ego in vita mea nulla umquam voluptate tanta sum adfectus quanta adficior hac integritate, nec me tam fama quae summa est quam res ipsa delectat. Quid quaeris? Fuit tanti. Me ipse non noram nec satis sciebam quid in hoc genere facere possem. Recte πεφυσίωμαι. Nihil est praeequis carius. Interim haec λαμπρά. Ariobarzanes opera mea vivit, regnat; ἐν παρόδῳ consilio et auctoritate et quod insidiatoribus eius ἀπρόσιτον me non modo ἀδωροδόκητον praebui regem regnumque servavi. Interea e Cappadocia ne pilum quidem. Brutum abiectum quantum potui excitavi; quem non minus amo quam tu, paene dixi quam te. Atque etiam spero toto anno imperi nostri terruncium sumptus in provincia nullum fore. Habes omnia. Nunc publice litteras Romam mittere parabam. Vberiores erunt quam si ex Amano misissem. At te Romae non fore! sed est totum <in eo> quid Kalendis Martiis futurum sit. Vereor enim ne cum de provincia agetur, si Caesar resistet, nos retineamur. His tu si adesses, nihil timerem. Redeo ad urbana quae ego diu ignorans ex tuis iucundissimis litteris a. D. V Kal. Ianuarias denique cognovi. Eas diligentissime Philogenes, libertus tuus, curavit perlonga et non satis tuta via perferendas. Nam quas Laeni pueris scribis datas non acceperam. Iucunda de Caesare et quae senatus decrevit et quae tu speras. Quibus ille si cedit, salvi sumus. Incendio Plaetoriano quod Seius ambustus es minus moleste fero. Lucceius de Q. Cassio cur tam vehemens fuerit et quid actum sit aveo scire. Ego cum Laodiceam venero, Quinto sororis tuae filio togam puram iubeor dare; cui moderabor diligentius. Deiotarus cuius auxiliis magnis usus sum ad me, ut scripsit, cum Ciceronibus Laodiceam venturus erat. Tuas etiam Epiroticas exspecto litteras, ut habeam rationem non modo negoti verum etiam oti tui. Nicanor in officio est et a me liberaliter tractatur. Quem, ut puto, Romam cum litteris publicis mittam, ut et diligentius perferantur et idem ad me certa de te et a te referat. Alexis quod mihi totiens salutem adscribit est gratum; sed cur non suis litteris idem facit quod meus ad te Alexis facit? Phemio quaeritur κέρας. Sed haec hactenus. Cura ut valeas et ut sciam quando cogites Romam. Etiam atque etiam vale. Tua tuosque Thermo et praesens Ephesi diligentissime commendaram et nunc per litteras ipsumque intellexi esse perstudiosum tui. Tu velim, quod antea ad te scripsi, de domo Pammeni des operam ut quod tuo meoque beneficio puer habet cures ne qua ratione convellatur. Vtrique nostrum honestum existimo; tum mihi erit pergratum.

233. — A ATTICUS. Au camp devant Pindenissum, Décembre.

A. V, 20. Pindénissum s'est rendu à moi le matin des Saturnales après quarante-sept jours de siège. Mais quoi, qu'est-ce? oui, qu'est-ce que Pindénissum? allez-vous dire ; c'est la première fois que j'entends ce nom-là. Que voulez-vous? Je n'y puis que faire. La Cilicie n'est pas une Étolie, une Macédoine, et mettez-vous bien dans l'esprit que je n'ai pas une armée à faire de ces merveilles. Je vais tout vous dire en abrégé. Votre lettre dernière m'autorise à être bref. Vous savez quelle entrée j'ai faite à Éphèse; j'ai même reçu vos félicitations sur cette glorieuse journée. Jamais je n'éprouvai de plaisir plus vif. De là, toujours mieux accueilli de ville en ville, j'arrivai à Laodicée, la veille des kalendes d'août. J'eus deux jours de véritable triomphe. Sans récriminer contre personne, j'ai réparé bien du mal. J'ai séjourné cinq jours à Apamée, trois à Synnade, cinq à Philomèle et dix à Iconium. Partout j'ai déployé dans l'exercice du pouvoir judiciaire toute l'équité, toute l'humanité, toute la dignité possible. Le 7 des kalendes de septembre, je joignis l'armée et passai une revue sous les murs d'Iconium. Là je reçus de fâcheuses nouvelles des Parthes, et je me dirigeai aussitôt sur la Cilicie, à travers la partie de la Cappadoce qui en est limitrophe. Cette marche avait pour but de faire croire au roi d'Arménie Artavasde, et aux Parthes eux-mêmes, que je voulais effectivement couvrir la Cappadoce. Après avoir campé cinq jours à Cybistre, j'eus la certitude que les Parthes étaient bien loin et qu'ils faisaient mine d'en vouloir à la Cilicie. Moi aussitôt de me porter vers la Cilicie en passant les défilés du Taurus.—J'arrivai le 3 des uones d'octobre à Tarse, d'où je m'avançai vers le mont Amanus qui sépare la Syrie de la Cilicie et présente un de ses versants à chacun des deux pays. Les peuplades qui l'habitent sont en guerre éternelle avec nous. Le 3 des ides d'octobre, j'eus avec eux un engagement où ils perdirent beaucoup de monde. Je leur pris et brûlai plusieurs forts à la suite d'une attaque opérée de nuit par Pomptinius, et d'une autre exécutée par moi à la pointe du jour. Mes soldats me saluèrent împerator. Je m'établis ensuite quelques jours près d'Issus sur l'emplacement même du camp d'Alexandre, qui était un autre général que vous et moi. Après avoir ravagé le mont Amanus cinq jours durant, j'opérai ma retraite. A la guerre, il y a, vous savez, ce qu'on appelle terreur panique, ce qui veut dire qu'on s'effraye à vide. Au bruit de mon approche, voilà le cœur qui revient à Cassius presque bloqué dans Antioche, et l'épouvante qui se met parmi les Parthes. Ils se retirent ; Cassius les suit et remporte un avantage signalé. Osace, général des Parthes, en grande considération chez eux, fut blessé dans cette retraite, et mourut peu de jours après. Mon nom est béni dans toute la Syrie. — Là-dessus Bibulus est arrivé au mont Amanus. Il ne voulait pas, je crois, paraître rester en arrière. Il désirait des lauriers et pensait n'avoir qu'à se baisser et en prendre. Loin de là, dans une rencontre au même mont Amanus, il a perdu sa première cohorte en entier, tous ses centurions au nombre desquels se trouve Asiuius Denton des primipilaires, l'officier le plus distingué du grade, et Sex. Lucilius tribun, fils de T. Gavius Cépion, homme riche et considéré. C'est un vilain échec et qui arrive mal.—De mon côté, j'allai mettre le siège devant Pindénissum, la plus forte de toutes les villes libres de la Cilicie, ennemie des Romains dans tous les temps, et dont la population féroce et aguerrie était au mieux préparée à se défendre. Je traçai mes lignes, ouvris la tranchée, construisis un tertre, des mantelets, une très-haute tour ; et à grand renfort de machines et de gens de trait, ne ménageant l'appareil ni les fatigues, j'en suis enfin venu à bout; mes blessés sont nombreux, mais je n'ai perdu personne. Voilà d'assez belles saturnales. J'ai abandonné aux troupes tout le butin, les chevaux exceptés. Au moment ou je vous écris, le troisième jour des saturnales, les esclaves sont en vente devant mon tribunal, et le produit s'élève déjà à douze millions de sesterces. L'armée hivernera sous les ordres de Quintus dans les cantons les plus remuants. Moi je vais me reposer à Laodicée.—Voilà pour le courant. Mais retournons un peu en arrière. Vous me conseillez absolument, et je vois que c'est chez vous une idée fixe, vous me conseillez de ne pas donner prise à la censure la plus maligne. Je vous jure sur ma tête, qu'il n'y a à mordre sur aucun point. Je ne veux plus appeler continence la vertu qui consiste à résister à la volupté. Car de ma vie je ne sentis de volupté plus douce qu'en restant ainsi maître de moi. Je jouis du bien que j'ai fait, plus encore que de l'honneur qui m'en revient; et pourtant l'honneur est immense. Que vous dirai-je ? C'était une occasion superbe. Je ne me connaissais pas moi-même. Je ne savais pas ce dont j'étais capable en ce genre. Maintenant je puis justement me pavaner. Certes, il n'y eut jamais rien au monde de plus beau ; et de la gloire au milieu de tout cela! Par moi, Ariobarzane vit et règne. Je n'ai fait que passer, mais ma voix, ma seule présence, et ma vertu inflexible, inabordable aux séductions de ses perfides ennemis, ont fait le salut d'un roi et d'un royaume. Je n'emporte pas une obole de la Cappadoce. Seulement, j'ai cherché autant que je l'ai pu à faire revivre certaines créances bien désespérées de ce Brutus qui m'est aussi cher qu'à vous ; j'allais dire aussi cher que vous. Enfin j'espère que mou année ne coûtera pas un denier à la province. Je vous ai tout dit. Je prépare mon rapport officiel pour le sénat. Il sera plus long et plus intéressant que si je l'eusse daté du mont Amanus. Mais quoi ! vous ne serez pas à Rome ! Si vous y-étiez du moins aux kalendes de mars ! Tout dépend de là; car je crains fort, quand on va s'occuper des provinces, de voir César résister, et moi par suite obligé de rester ici. Si vous étiez là, je serais tranquille. — Parlons de Rome. J'étais depuis longtemps sans nouvelles. Votre aimable lettre y a pourvu. Elle m'a été fidèlement remise, le 5 des kalendes de juin, par votre affranchi Philogène, après un long et dangereux voyage. Celle que vous avez confiée aux esclaves de Lénius ne m'est pas encore parvenue. Je vois avec plaisir le décret du sénat concernant César, et la confiance que vous montrez à ce sujet. S'il veut bien se soumettre, nous sommes sauvés. Séius s'est donc brûlé au même feu que Plétorius. Je n'en suis pas fâché. A quelle occasion Luccéius a-t-il donc fait cette sortie contre Q. Cassius? Je veux absolument connaître les détails.— Je suis chargé, à mon retour à Laodicée, de faire prendre la robe virile à votre neveu Quintus. Je tâcherai de le maintenir un peu dans les voies de discrétion. Déjotarus, dont les secours m'ont été si utiles, doit amener les deux jeunes gens à Laodicée. J'attends des lettres d'Épire avec impatience. De vous, je veux tout savoir; affaires et loisirs. Nieanor fait bien son devoir ; et n'a pas à se plaindre de moi. J'ai l'intention de le charger de mon rapport au sénat; l'expédition en sera plus sûre, et puis j'aurai par lui des nouvelles de vous directement et indirectement. Je remercie votre Alexis des souvenirs que je ne manque presque jamais de trouver de lui dans vos .lettres. Mais pourquoi ne m'écrit-il pas lui-même, comme le fait pour vous, mou Alexis à moi? (Tiron). On est à la recherche d'un cor pour Phémius. Mais en voilà bien assez. Portez-vous bien et mandez-moi quand vous comptez être à Rome. Adieu, adieu. — J'ai fait toutes vos recommandations à Thermus en passant à Ephèse, et je les lui rappelle par écrit. Je suis certain qu'il vous porte un vif intérêt. Je vous ai déjà parlé de la maison de Pammène. Faites, je vous prie, qu'on ne lui enlève, sous aucun prétexte, un gage qu'il tient de vous et de moi. Nous devons nous en faire tous deux un point d'honneur, et ce sera m'obliger moi sensiblement.

21 Scr. Laodiceae Id. Febr. A. 704 (50).

CICERO ATTICO SAL.

Ite in Epirum salvum venisse et, ut scribis, ex sententia navigasse vehementer gaudeo, non esse Romae meo tempore pernecessario submoleste fero. Hoc me tamen consolor uno: spero te istic iucunde hiemare et libenter requiescere. C. Cassius, frater Q. Cassi familiaris tui, pudentiores illas litteras miserat de quibus tu ex me requiris quid sibi voluerint quam eas quas postea misit, quibus per se scribit confectum esse Parthicum bellum. Recesserant illi quidem ab Antiochia ante Bibuli adventum sed nullo nostro εὐημερήματι; hodie vero hiemant in Cyrrhestica, maximumque bellum impendet. Nam et Orodi regis Parthorum filius in provincia nostra est, nec dubitat Deiotarus, cuius filio pacta est Artavasdis filia ex quo sciri potest, quin cum omnibus copiis ipse prima aestate Euphraten transiturus sit. Quo autem die Cassi litterae victrices in senatu recitatae sunt, datae Nonis Octobribus, eodem meae tumultum nuntiantes. Axius noster ait nostras auctoritatis plenas fuisse, illis negat creditum. Bibuli nondum erant adlatae; quas certo scio plenas timoris fore. Ex his rebus hoc vereor ne cum Pompeius propter metum rerum novarum nusquam dimittatur, Caesari nullus honos a senatu habeatur, dum hic nodus expediatur, non putet senatus nos ante quam successum sit oportere decedere nec in tanto motu rerum tantis provinciis singulos legatos praeesse. Hic ne quid mihi prorogetur, quod ne intercessor quidem sustinere possit, horreo atque eo magis quod tu abes qui consilio, gratia, studio multis rebus occurreres. Sed dices me ipsum mihi sollicitudinem struere. Cogor ut velim ita sit; sed omnia metuo. Etsi bellum ἀκροτελεύτιον habet illa tua epistula quam dedisti nauseans Buthroto, tibi, ut video et spero, nulla ad decedendum erit mora.' mallem 'ut video,' nihil opus fuit ut spero.' Acceperam autem satis celeriter Iconi per publicanorum tabellarios a Lentuli triumpho datas. In his γλυκύπικρον illud confirmas moram mihi nullam fore; deinde addis, si quid secus, te ad me esse venturum. Angunt me dubitationes tuae; simul et vides quas acceperim litteras. Nam quas Hermonis centurionis caculae ipse scribis te dedisse non accepi. Laeni pueris te dedisse saepe ad me scripseras. Eas Laodiceae denique, cum eo venissem, iii Idus Februar. Laenius mihi reddidit datas a. D. x Kal. Octobris. Laenio tuas commendationes et statim verbis et reliquo tempore re probabo. Eae litterae cetera vetera habebant, unum hoc novum de Cibyratis pantheris. Multum te amo quod respondisti M. Octavio te non putare. Sed posthac omnia quae recta non erunt pro certo negato. Nos enim et nostra sponte bene firmi et me hercule auctoritate tua inflammati vicimus omnis (hoc tu ita reperies) cum abstinentia tum iustitia, facilitate, clementia. Cave putes quicquam homines magis umquam esse miratos quam nullum terruncium me obtinente provinciam sumptus factum esse nec in rem publicam nec in quemquam meorum praeter quam in L. Tullium legatum. Is ceteroqui abstinens sed Iulia lege transitans, semel tamen in diem, non ut alii solebant omnibus vicis (praeter eum semel nemo accepit), facit ut mihi excipiendus sit, cum terruncium nego sumptus factum. Praeter eum accepit nemo. Has a nostro Q. Titinio sordis accepimus. Ego aestivis confectis Quintum fratrem hibernis et Ciliciae praefeci. Q. Volusium tui Tiberi generum, certum hominem sed mirifice etiam abstinentem, misi in Cyprum ut ibi pauculos dies esset, ne cives Romani pauci qui illic negotiantur ius sibi dictum negarent; nam evocari ex insula Cyprios non licet. Ipse in Asiam profectus sum Tarso Nonis Ianuariis, non me hercule dici potest qua admiratione Ciliciae civitatum maximeque Tarsensium. Postea veroquam Taurum transgressus sum, mirifica exspectatio Asiae nostrarum dioecesium quae sex mensibus imperi mei nullas meas acceperat litteras, numquam hospitem viderat. Illud autem tempus quotannis ante me fuerat in hoc quaestu. Civitates locupletes ne in hiberna milites reciperent magnas pecunias dabant, Cyprii talenta Attica cc; qua ex insula (non ὑπερβολικῶς sed verissime loquor) nummus nullus me obtinente erogabitur. Ob haec beneficia quibus illi obstupescunt nullos honores mihi nisi verborum decerni sino, statuas, fana, τέθριππα prohibeo nec sum in ulla re alia molestus civitatibussed fortasse tibi qui haec praedicem de me. Perfer, si me amas; tu enim me haec facere voluisti. Iter igitur ita per Asiam feci ut etiam fames qua nihil miserius est, quae tum erat in hac mea Asia (messis enim nulla fuerat), mihi optanda fuerit. Quacumque iter feci, nulla vi, nullo iudicio, nulla contumelia, auctoritate et cohortatione perfeci ut et Graeci et cives Romani qui frumentum compresserant magnum numerum populis pollicerentur. Idibus Februariis, quo die has litteras dedi, forum institueram agere Laodiceae Cibyraticum et Apamense, ex Idibus Martiis ibidem Synnadense, Pamphylium (tum Phemio dispiciam κέρας, Lycaonium, Isauricum; ex Idibus Maiis in Ciliciam, ut ibi Iunius consumatur, velim tranquille a Parthis. Quintilis, si erit ut volumus, in itinere est per provinciam redeuntibus consumendus. Venimus enim <in> provinciam Laodiceam Sulpicio et Marcello consulibus pridie Kalendas Sextilis. Inde nos oportet decedere a. D. III Kalendas Sextilis. Primum contendam a Quinto fratre ut se praefici patiatur, quod et illo et me invitissimo fiet. Sed aliter honeste fieri non potest, praesertim cum virum optimum Pomptinum ne nunc quidem retinere possim. Rapit enim hominem Postumius Romam, fortasse etiam Postumia. Habes consilia nostra; nunc cognosce de Bruto. Familians habet Brutus tuus quosdam creditores Salaminiorum ex Cypro, M. Scaptium et P. Matinium; quos mihi maiorem in modum commendavit. Matinium non novi, Scaptius ad me in castra venit. Pollicitus sum curaturum me Bruti causa ut ei Salaminii pecuniam solverent. Egit gratias. Praefecturam petivit. Negavi me cuiquam negotianti dare (quod idem tibi ostenderam Cn. Pompeio petenti probaram institutum meum, quid dicam Torquato de M. Laenio tuo, multis aliis?); sin praefectus vellet esse syngraphae causa, me curaturum ut exigeret. Gratias egit, discessit. Appius noster turmas aliquot equitum dederat huic Scaptio per quas Salaminios coerceret, et eundem habuerat praefectum; vexabat Salaminios. Ego equites ex Cypro decedere iussi. Moleste tulit Scaptius. [sect. 11] quid multa? Ut ei fidem meam praestarem, cum ad me Salaminii Tarsum venissent et in iis Scaptius, imperavi ut pecuniam solverent. Multa de syngrapha, de Scapti iniuriis. Negavi me audire; hortatus sum, petivi etiam pro meis in civitatem beneficiis ut negotium conficerent, dixi denique me coacturum. Homines non modo non recusare sed etiam hoc dicere, se a me solvere quod enim praetori dare consuessent, quoniam ego non acceperam, se a me quodam modo dare atque etiam minus esse aliquanto in Scapti nomine quam in vectigali praetorio. Conlaudavi homines. 'recte' inquit Scaptius, 'sed subducamus summam. Interim cum ego in edicto translaticio centesimas me observaturum haberem cum anatocismo anniversario, ille ex syngrapha postulabat quaternas. 'quid ais?' inquam, 'possumne contra meum edictum?' at ille profert senatus consultum Lentulo Philippoque consulibus, VT QVI CILICIAM OBTINERET IVS EX ILLA SVNGRAPHA DICERET. Cohorrui primo; etenim erat interitus civitatis. Reperio duo senatus consulta isdem consulibus de eadem syngrapha. Salaminii cum Romae versuram facere vellent, non poterant, quod lex Gabinia vetabat. Tum iis Bruti familiares freti gratia Bruti dare volebant quaternis, si sibi senatus consulto caveretur. Fit gratia Bruti senatus consultum, VT NEVE SALAMINIS NEVE QVI EIS DEDISSET FRAVDI ESSET. Pecuniam numerarunt. At postea venit in mentem faeneratoribus nihil se iuvare illud senatus consultum, quod ex syngrapha ius dici lex Gabinia vetaret. Tum fit senatus consultum, VT EX EA SVNGRAPHA IUS DICERETUR, <non ut alio iure ea syngrapha> esset quam ceterae sed ut eodem. Cum haec disseruissem, seducit me Scaptius; ait se nihil contra dicere sed illos putare talenta cc se debere; ea se velle accipere; debere autem illos paulo minus. Rogat ut eos ad ducenta perducam. 'optime' inquam. Voco illos ad me remoto Scaptio. 'quid? Vos quantum' inquam 'debetis?' respondent cvi. Refero ad Scaptium. Homo clamare. 'quid? Opus est' inquam 'rationes conferatis.' adsidunt, subducunt; <ad> nummum convenit. Illi se numerare velle, urgere ut acciperet. Scaptius me rursus seducit, rogat ut rem sic relinquam. Dedi veniam homini impudenter petenti; Graecis querentibus, ut in fano deponerent postulantibus non concessi. Clamare omnes qui aderant, <alii> nihil impudentius Scaptio qui centesimis cum anatocismo contentus <non> esset, alii nihil stultius. Mihi autem impudens magis quam stultus videbatur; nam aut bono nomine centesimis contentus non erat aut non bono quaternas centesimas sperabat. Habes meam causam. Quae si Bruto non probatur, nescio cur illum amemus. Sed avunculo eius certe probabitur, praesertim cum senatus consultum modo factum sit, puto, postquam tu es profectus, in creditorum causa ut centesimae perpetuo faenore ducerentur. Hoc quid intersit, si tuos digitos novi, certe habes subductum. In quo quidem, ὁδοῦ πάρεργον, <L.> Lucceius M. F. Queritur apud me per litteras summum esse periculum ne culpa senatus his decretis res ad tabulas novas perveniat; commemorat quid olim mali C. Iulius fecerit cum dieculam duxerit; numquam rei publicae plus. Sed ad rem redeo. Meditare adversus Brutum causam meam, si haec causa est contra quam nihil honeste dici potest, praesertim cum integram rem et causam reliquerim. Reliqua sunt domestica. De ἐνδομύχῳ probo idem quod tu, Postumiae filio, quoniam Pontidia nugatur. Sed vellem adesses. A Quinto fratre his mensibus nihil exspectaris; nam Taurus propter nives ante mensem Iunium transiri non potest. Thermum, ut rogas, creberrimis litteris fulcio. P. Valerium negat habere quicquam Deiotarus rex eumque ait <a> se sustentari. Cum scies Romae intercalatum sit necne, velim ad me scribas certum quo die mysteria futura sint. Litteras tuas minus paulo exspecto quam si Romae esses sed tamen exspecto.
 

255. — CICÉRON A ATTICUS. Laodicée, 13 février.

A. V. 21. J'apprends avec plaisir que vous êtes arrivée en Épire en bonne santé et que votre navigation a été heureuse : si je regrette beaucoup que vous ne soyez pas à Rome quand vous m'y seriez si nécessaire, je m'en console par l'espoir que vous ne passerez pas l'hiver en Épire, où vous ne trouveriez ni agrément ni tranquillité d'esprit. — La lettre de Cassius, père de Q. Cassius votre ami, était fort modeste au prix de celle qu'il a écrite depuis, et où il dit qu'il a mis fin à la guerre des Parthes. Ceux-ci étaient, il est vrai, retirés d'Antioche avant l'arrivée de Bibulus, mais nous n'en sommes pas plus en sûreté; car ils ont pris leurs quartiers d'hiver dans la Cyrrhestique, et l'on est à la veille d'une grande guerre. Le fils du roi Orode est sur les terres de l'empire, et Déjotarus ne doute pas, car il a pu le savoir d'Artavasde, dont la fille est promise à son fils, que le roi lui-même ne passe l'Euphrate avec toutes ses troupes au commencement de la campagne. Le jour même qu'on lut dans le sénat la lettre triomphante de Cassius, c'est-à-dire le 7 d'octobre, on y lut aussi la mienne, où j'annonçais la guerre. Axius notre ami m'écrit que mon rapport a obtenu toute la confiance refusée au sien. Les lettres de Bibulus n'étaient pas encore arrivées; je suis certain qu'elles annonceront les mêmes dangers. — Ce que je crains de tout cela, c'est qu'on ne retienne Pompée à Rome, dans l'appréhension de quelque trouble, si le sénat ne veut rien accorder à César, et que, pendant ces incertitudes, le sénat n'ordonne que nous ne partirons pas avant l'arrivée de nos successeurs, pour éviter de confier à des lieutenants, dans de telles conjonctures, des provinces aussi importantes. Je tremble que, si l'on veut proroger mon gouvernement, personne n'ose s'y opposer, surtout pendant que vous serez absent, vous dont la prudence, le crédit et le zèle lèveraient bien des obstacles. Mais vous me direz que je cherche à m'inquiéter. C'est malgré moi, et je voudrais bien que ce fût sans sujet ; mais je crains tout. Vous me rassurez cependant à la fin de la lettre que vous avez écrite en débarquant à Buthrote : «Je compte et j'espère que vous pour« rez revenir bientôt. » Je compte, suffisait ; pourquoi ajouter j'espère?—J'ai reçu assez promptement, à Iconium, par les exprès des fermiers publics, une autre lettre datée du jour du triomphe de Lentulus, et où vous me confirmez la même espérance mêlée de crainte; je ne dois, y dites-vous, appréhender aucune prolongation; vous ajoutez ensuite que, si les choses tournent autrement, vous viendrez me trouver. Cette incertitude est pour moi un supplice. Vous voyez par cette réponse quelles lettres j'ai reçues de vous; Hermon, l'affranchi du centurion Camula, ne m'a pas encore remis celle que vous me dites lui avoir donnée. Pour celle dont vous aviez chargé les gens de Lénius, comme vous me l'avez écrit plusieurs fois, Lénius me l'a enfin rendue à mon arrivée à Laodicée, le 22 de septembre, quoiqu'elle fût datée du 11 de février. J'ai aussitôt convaincu Lénius du pouvoir que ces recommandations ont sur moi, et la suite le lui prouvera. Cette lettre ne m'apprenait rien de nouveau, I si ce n'est ce qui regarde les panthères de Cibyre. 240 Je vous approuve fort d'avoir répondu à M. Octavius que vous ne pensiez pas que la chose fût possible. En tout, quand vous douterez, niez comme si vous ne doutiez pas. Je puis vous protester, et vous saurez par vous-même que personne n'a porté plus loin que moi le désintéressement', la justice, l'affabilité, la douceur. J'ai suivi en cela mon inclination, et surtout vos conseils. Vous ne sauriez croire combien l'on a été charmé de voir que, depuis mon gouvernement, aucun des miens n'ait rien demandé, ni en son nom, ni au nom de l'État, excepté le lieutenant L. Tullius, qui, réservé sur tout le reste, s'est fait donner ce que la loi Julia lui permettait d'exiger, mais seulement dans les endroits où il couchait, et non pas, comme tant d'autres, dans tous les bourgs indifféremment. Il est le seul qui ait reçu quelque chose. C'est à Q. Titinius que je dois ce honteux présent. — La campagne finie, j'ai laissé à mon frère Quintus le soin de mettre l'armée en quartiers d'hiver dans la Cilicie, et j'ai envoyé dans l'île de Cypre pour quelques jours Q. Volusius, gendre de votre .ami Tibérius, et celui de nies officiers dont je suis le plus sûr, et dont le désintéressement est le plus complet. Quoique les citoyens romains qui y trafiquent soient en petit nombre, il ne faut pas qu'ils se plaignent d'avoir manqué déjuges, car ils ont le droit de ne pas sortir de l'île. — Pour moi, je suis parti de Tarse le 5 de janvier; je ne puis exprimer avec quels témoignages d'admiration j'ai été reçu dans celte ville et dans toutes celles de la Cilicie. Quand j'eus passé le mont Taurus, je fus accueilli avec un empressement extraordinaire de tous les peuples de ma province d'Asie qui, pendant six mois de mon gouvernement, n'avaient reçu de ma part ni lettres, ni hôte quelconque. Mes prédécesseurs, au contraire, vendaient chaque année aux villes riches, pour de fortes sommes, le droit de ne loger pendant l'hiver aucune troupe. La seule île de Cypre payait deux cents talents attiques, et moi, pendant mon année, je n'en tirerai pas un sesterce ; ce n'est pas une hyperbole', mais la vérité. Pour ces bienfaits qui les étonnent, je n'accepte d'eux que leurs remercîments, et je refuse tous les honneurs qu'ils veulent me décerner, statues, temples, arcs de triomphe. Enfin je ne suis en aucune manière à chargea la province, mais je vous le suis peut-être à vous-même, en me vantant ainsi ; supportez-le en raison de votre amitié pour moi et de mon obéissance à vos conseils. Je vous dirai donc que la famine même, le plus grand de tous les maux, est devenue pour moi dans ma province où la moisson avait manqué entièrement!, une circonstance heureuse. Partout où je me suis présenté, je suis parvenu sans menace, sans violence, sans contrainte, et par la seule autorité de mes exhortations, à engager ceux des Grecs et des citoyens romains qui avaient fait des provisions de blé, à en fournir à chaque ville une quantité suffisante. — Je commencerai aujourd'hui, jour des ides de février, à régler à Laodicée, les affaires de Cibyre et d'Apamée. Aux ides de mars, je réglerai, dans la même ville, celle de Synnade et de Pamphylie (je ferai alors chercher un cor pour Phémius); et finissant par celle de Lycaonie et d'Isaurie, je partirai aux ides de mai pour la Cilicie, où je passerai tout le mois de juin. Je voudrais bien que les Parthes ne fissent aucun mouvement; j'emploierais, dans ce cas-là, le mois de juillet à traverser la province pour mon retour; car je 241 suis entré la veille des kalendes d'août, sous le consulat de Sulpicius et de Marcellus, et je veux la quitter le 4 des kalendes. Il me faudra auparavant obtenir de mon frère Quintus qu'il reste en qualité de lieutenant; je n'aurai pas moins de peine que lui à m'y résoudre; mais l'honneur ne me laisse pas d'autre parti, surtout lorsque Pomptinius, le seul qui convient, ne veut pas même attendre mon départ ; Postumius le rappelle à Rome; peut-être aussi Poslumia. — Voilà mes plans. Il faut maintenant vous faire juger des plaintes de votre ami Brutus. Il m'a fort recommandé M. Scaptius, et P. Matinius, de Cypre, créanciers de la ville de Salamine. Je n'ai point vu le dernier : pour Scaptius, il m'est venu trouver dans mon camp, et je lui ai promis qu'à la considération de Brutus, j'aurais soin de le faire payer. Il me remercia, et me demanda une place de préfet. Je lui répondis que je n'en voulais donner à aucun négociant, comme je vous l'avais marqué à vous-même; que Cn. Pompée, m'ayant adressé la même demande, avait approuvé ma résolution; enfin, que j'avais fait un refus semblable à Torquatus, pour M. Lénius. votre ami, et à beaucoup d'autres encore. Que s'il ne voulait être préfet qu'afin d'assurer sa créance, je lui répondais qu'il serait payé sans cela. Il se retira, après m'avoir remercié. Vous saurez qu'Appius avait donné à ce Scaptius quelques compagnies de cavalerie pour tenir Salamine dans le devoir, et qu'il l'avait fait préfet. Scaptius abusait de son autorité. Je fis retirer ces troupes de l'île de Cypre. Il m'en voulut beaucoup. Pour finir en deux mots, je lui tins parole, et les députés de Salamine m'étant venu trouver à Tarse, avec lui, je leur enjoignis de le payer. Ils se plaignirent longuement de l'intérêt qu'il exigeait, et de ses vexations. Je feignis de n'en rien savoir, et je les exhortai, je les priai même, en considération des services que j'avais rendus à leur ville, de terminer cette affaire. J'ajoutai que j'userais de mon autorité. Non-seulement ils ne firent aucune résistance, mais ils me direntque je servirais à les acquitter; que puisque je n'avais point voulu recevoir l'argent qu'ils avaient coutume de donner au préteur, cette somme leur suffirait et au delà pour payer Scaptius. Je les approuvai. Bien, dit Scaptius ; mais comptons. J'avais fixé dans mon édit, comme d'autres gouverneurs, l'intérêt de l'argent à un pour cent par mois, en ajoutant au bout de l'année l'intérêt au principal : Scaptius réclamait quatre pour cent. — Quelle est cette prétention? lui dis-je : puis-je aller contre mon édit? — II me produisit aussitôt un sénatus-consulte, du consulat de Lentulus et de Philippus, qui portait, « que les gouverneurs de Cilicie auraient égard en justice à cette obligation. «Cela me fit trembler d'abord car c'était la perte de cette ville : mais je découvris deux sénatus consultes de la même époque sur ce traité. Les Salaminiens voulaient emprunter de l'argent à Rome, pour payer leurs impositions; mais comme la loi Gabinia le défendait, les amis de Brutus, qui offraient de leur en prêter à quatre pour cent par mois, demandaient pour leur sûreté un sénatus-consulte, que Brutus leur fit obtenir. Ils comptèrent l'argent, mais ils firent ensuite réflexion que la loi Gabinia défendait de recevoir en justice ces sortes d'obligations, et qu'ainsi le premier sénatus-consulte ne leur suffisait pas. Ils en obtinrent donc un autre, qui déclarait leur obligation recevable en justice. J'ex- 242 pliquai à Scaptius les intentions du sénat. Il me prit alors en particulier, et me dit qu'il ne faisait aucune objection ; que, de cette manière, ce qui lui était dû n'allait pas tout à fait jusqu'à deux cents talents; mais que, puisque les députés de Salamine croyaient les devoir, il me priait de les lui faire donner. Fort bien, lui dis-je, et l'ayant fait retirer, j'appelai près de molles députés. Combien devez-vous? leur demandai-je. Ils me répondirent : cent six talents. J'en instruisis Scaptius ; il commença à faire grand bruit. A quoi bon ces cris? lui dis-je; il s'agit de régler vos comptes. Ils s'asseyent, font la supputation, et tombent d'accord de part et d'autre. Les députés se disposent à compter l'argent, et pressent Scaptius de le recevoir; mais il me prit de nouveau en particulier, et me pria de laisser cette affaire indécise. Je n'ai pu tenir à l'impudence de cet homme, et malgré les plaintes de nos Grecs, qui demandaient à mettre l'argent en dépôt dans un temple, je ne voulus pas y consentir. Tous ceux qui étaient présents se récrièrent sur l'effronterie de Scaptius, qui osait refuser un intérêt aussi élevé; d'autres traitaient cette prétention de folie. Pour moi, je le trouve plus impudent que fou ; car si ses débiteurs sont bons, il est toujours sûr d'avoir un pou r cent d'intérêt ; et s'il hasarde quelque chose, il espère aussi se faire payer sur le pied de quatre pour cent. — Voilà ma justification ; si Brutus me condamne encore, je ne sais pas pourquoi nous l'aimons. Je suis du moins certain que son oncle ne me condamnera pas; maintenant surtout qu'un sénatus-consulte, depuis votre départ, à ce que je crois, a fixe l'intérêt de l'argent a un pour cent par mois, et défendu d'ajouter les intérêts au principal. Vous voyez bien, vous qui savez compter, de combien ce que j'accorde à Scaptius monte plus haut. A propos de cela, Luccéius me dit dans une de ses lettres qu'il craint bien que tous ces décrets ne nous mènent à une banqueroute générale, et il me rappelle tout le mal que fit autrefois G. César par un simple délai de quelques jours, qui faillit tout perdre. Mais je reviens à cette affaire. Pensez bien à plaider ma cause contre Brutus; cela ne vous sera pas fort difficile, car on ne peut rien alléguer contre moi de raisonnable. Après tout, rien n'est changé. — Je finis par mes affaires de famille. Je pense comme vous sur celle que vous savez; il faudra songer au fils de Postumia, puisque Pontidia ne conclut rien ; mais je voudrais que vous fussiez à Rome. N'attendez aucune lettre de mon frère Quintus d'ici à quelques mois ; car les neiges rendent le Taurus impraticable jusqu'au mois de juin. J'ai écrit plusieurs fois à Thermus sur vos affaires, comme vous m'en priez. Le roi Déjotarus me dit que P. Valérius n'a rien, et que ses bienfaits le soutiennent. Quand vous saurez s'il y aura cette année intercalation à Rome, je vous prie de me le mander; écrivez-moi aussi quel jour auront lieu les mystères. Je compte un peu moins sur vos lettres que si vous étiez à Rome ; cependant j'y compte toujours.