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EURIPIDE

 

 

 

CHAPITRE QUATORZIÈME.

ION.

 

traduction de la pièce

Parmi les tragédies d'Euripide, il en est plusieurs dont je ne puis mieux d'abord indiquer le caractère, qu'en leur donnant, avec La Harpe, mais dans une acception moins défavorable, le nom de tragédies romanesques.

Le roman n'était point encore connu des Grecs; mais, ce qui partout l'a fait naître, cet intérêt qui attache tous les hommes à un développement d'aventures hors du cours ordinaire des choses, ne pouvait leur être étranger. Il y avait déjà du roman dans les plus anciennes légendes de leur mythologie; il dut y en avoir dans la poésie qu'elle leur inspira.

Toutefois, cet élément, qui s'y trouvait mêlé, y fut d'abord comme inaperçu. La singularité des situations semblait effacée par la vérité des sentiments. On ne s'avisa que plus tard, quand l'expression de la nature humaine commença à s'épuiser, de la subordonner elle-même à ce qui auparavant lui servait seulement d'occasion, à une ingénieuse, une intéressante combinaison d'incidents. Émouvoir le coeur avait été, au commencement, l'ambition des poètes ; ils se proposèrent ensuite, de préférence, d'amuser l'imagination.

L'histoire de l'épopée des Grecs offrirait une première preuve de cette révolution du goût, si, comme on le pense assez généralement, la pathétique Iliade avait précédé, dans l'ordre du temps, la conteuse Odyssée. L'histoire de leur tragédie, autant du moins que nous la pouvons connaître par les monuments qui nous en restent, nous la montre, avec une incontestable évidence, dans le passage de la simplicité d'Eschyle et de Sophocle à la complication nouvelle introduite par Euripide.

Nous l'avons vu constamment occupé d'animer la scène, d'étendre la fable, de renforcer l'intrigue. Il donne aux moeurs des traits plus naïfs, plus familiers, plus près de la réalité, à la passion un mouvement plus rapide, plus impétueux ; il multiplie les personnages, il entasse les tableaux; enfin, par le choix de certains sujets et la disposition du drame où il les expose, il excite, plus qu'on ne l'avait encore fait, l'attente et la surprise.

De là ces espèces nouvelles qu'il apporte au genre de la tragédie : tragédies remplies tout entières de l'histoire d'une passion ; tragédies à événements et à spectacle ; tragédies d'un intérêt complexe et multiple, formées soit par le mélange de deux actions distinctes, soit d'une suite de tableaux uniformes ; enfin, tragédies composées surtout pour le plaisir de la curiosité, bizarres, étonnantes, en un mot, romanesques.

Une pièce de théâtre qui n'est qu'un roman a bien peu de valeur. Les émotions qu'elle donne ne peuvent se renouveler ; le dénouement lui enlève tout son charme; pour elle, point de lendemain, point d'avenir. Il n'en est pas ainsi des romans d'Euripide, qui joignent à une invention spirituelle et piquante l'éclat du coloris, la vérité naïve de la touche. L'heureux accord de mérites si divers me paraît caractériser surtout sa tragédie d'Ion, son chef-d'oeuvre en ce genre.

Si l'on ne s'attache qu'à la fable, rien de plus merveilleux ; si l'on ne regarde que les moeurs, rien de plus rapproché de la nature. Le style participe de ce double caractère, tour à tour, ou plutôt tout à la fois noble et touchant, magnifique et familier. Le pathétique des situations est adouci par l'attente d'une conclusion heureuse, et cette impression mixte de crainte présente et de confiance dans l'avenir donne à l'ouvrage une ressemblance de plus avec les compositions romanesques.

Voilà un bien long prologue de critique, avant d'arriver à celui du poète, car mes lecteurs savent, de reste, sans que je doive m'arrêter à le leur répéter, qu'aucune de ses pièces n'est sans prologue, excepté l'Iphigénie en Aulide, qui, sans doute, a perdu le sien (01); le Rhésus, qui en a eu deux, également perdus (02). L'Ion avait grand besoin d'une préface de cette sorte, non pas que la fable soit aussi embrouillée qu'il a plu à La Harpe de le dire, afin de s'épargner la fatigue d'une analyse, mais parce qu'elle ne peut être comprise, comme on le verra, sans la connaissance préalable du lien secret qui unit les personnages, et que cette connaissance est même nécessaire à l'intérêt des scènes qui les rapprochent (03).

Quels sont donc ces personnages et que sont-ils l'un à l'autre? Mercure, qui a joué un rôle important dans leur histoire, se charge de l'apprendre aux spectateurs.

Créuse, fille d'Erechtée, roi d'Athènes, a eu d'Apollon un fils, qu'elle a exposé pour cacher sa honte, mais qui, secrètement transporté, par les soins de son père, dans le temple de Delphes, y a été recueilli et élevé. Devenu grand, on l'a attaché au culte du dieu, dont il ignore, ainsi que ses bienfaiteurs, qu'il a reçu la naissance. Cependant Créuse a été donnée en mariage à Xuthus, fils d'Éole, roi des Achéens, pour le récompenser d'un service important rendu aux Athéniens dans une guerre contre les habitants de l'Eubée. Après plusieurs années d'une union stérile, les deux époux, affligés de se voir sans héritiers, viennent à ce sujet consulter l'oracle de Delphes. Voilà donc la mère et le fils en présence, par une rencontre qui n'est pas toute fortuite. C'est Apollon qui dirige ces événements ; il veille sur la destinée de son enfant, et ne se propose rien moins que de le faire reconnaître par Xuthus.

Pour ne pas trouver trop ridicule et trop comique la situation où va se trouver placé le roi d'Athènes, il faut se reporter aux moeurs mythologiques, telle que la tragédie antique nous les retrace. Dans l'Oreste, Ménélas rappelle à Tyndare, comme un titre d'honneur, que Jupiter est entré dans sa couche (04). Dans Hercule furieux, Amphitryon se glorifie d'une pareille disgrâce (05). On pensait alors ce que Molière a fait dire au roi des dieux :

Qu'un partage avec Jupiter
N'a rien du tout qui déshonore (06).

Sosie a déjà des scrupules plus modernes, quand il s'écrie ironiquement :

Le grand dieu Jupiter nous fait beaucoup d'honneur (07)

La première scène de l'Ion, qui nous montre le jeune prêtre s'acquittant, le matin, des fonctions de son ministère, est d'une poésie fort originale, mais aussi fort difficile à rendre. La traduction, où j'ai essayé de la reproduire, ne donnera qu'une bien faible idée de la grâce, de l'onction touchante avec lesquelles Euripide a su y exprimer le lever du soleil de la Grèce, la pompe riante du culte de Delphes, enfin la sainteté sacerdotale unie à la candeur du jeune âge :

« Déjà le soleil fait briller son char au-dessus de la terre; les astres du ciel fuient, devant ses rayons, dans le sein de la nuit sacrée; et les inaccessibles sommets du Parnasse, tout à coup éclairés, reçoivent les premiers cette lumière qui charme les mortels. Cependant la fumée de la myrrhe vole vers la voûte du temple; assise sur le trépied divin, la prêtresse va faire entendre aux Grecs les chants prophétiques que lui dicte Apollon. Ô vous, citoyens de Delphes, ministres du Dieu, allez vers la source argentée de Castalie, et, lavés dans ses pures eaux, entrez au sanctuaire. Que votre bouche s'abstienne de toute sinistre parole; qu'elle ne s'ouvre que pour annoncer à ceux qui les implorent de favorables oracles ! Moi, je m'occuperai de ces soins qui depuis mon enfance sont commis à mon zèle. Purifier avec des branches de laurier le seuil de cette sainte demeure, le décorer de guirlandes, y répandre une fraîche rosée, en écarter avec mes flèches la foule des oiseaux qui pourraient profaner la sainteté des offrandes, voilà mon office; c'est à moi, orphelin, et sans mère, et sans père, de servir humblement le temple qui m'a nourri.

« Viens donc, nouvel ornement de la terre, superbe laurier, viens, prête-moi ton ministère pour effacer les souillures de ce sol révéré. Ô rameaux cueillis près du temple, dans les jardins du dieu, en ce lieu où, entretenue par de célestes rosées, une source éternelle arrose la chevelure sacrée du myrte, c'est avec vous que je balaye ce vestibule d'Apollon, tous les jours, au premier essor de l'aile rapide du Soleil, empressé de remplir ma tâche accoutumée. 0 Péan ! ô Péan ! béni, béni sois-tu, fils de Latone !

« Le noble emploi, ô Phébus, de veiller ainsi à ta porte, d'honorer le siège de tes oracles! De quel juste orgueil ils me remplissent ces devoirs serviles que rendent mes mains, non pas aux hommes, mais aux dieux, aux dieux immortels! Oui, un tel travail fait ma gloire; jamais je ne m'en lasserai. Phébus, ne suis-je pas ton fils? ne te dois-je pas des jours que tu soutiens? après tant de bienfaits, il m'est bien permis d'appeler du nom de père le dieu qu'on adore en ce temple. Ô Péan! ô Péan ! béni, béni sois-tu, fils de Latone ! »

Je ne puis me défendre d'interrompre un moment la citation, pour faire remarquer que, dans ces derniers vers  (08), l'expression du respect filial d'Ion pour le dieu qui véritablement est son père, comme nous en a instruits par avance, et fort utilement, le prologue, a quelque chose de bien ingénieux et de bien touchant.

« Mais, c'est assez traîner ces feuillages de laurier. Il faut maintenant, de ces vases d'or qu'a remplis la fontaine de Castalie, épancher d'humides libations. Allons, répandons-les d'une main innocente et pure. Oh! que puissent mes jours s'écouler ainsi tout entiers au service d'Apollon ! Puissé-je ne le quitter du moins que sous d'heureux auspices!

« Mais quoi! déjà accourent, déjà ont quitté leurs retraites les oiseaux du Parnasse. Oiseaux, je vous le défends, ne vous posez point sur ce faîte superbe; n'entrez point dans cette riche enceinte. Mon arc va t'atteindre, héraut de Jupiter, dont toute la troupe ailée fuit les serres victorieuses. Et toi, cygne, qui vogues, comme en ramant, vers l'autel, porte ailleurs tes pieds de pourpre : ta lyre, émule de celle d'Apollon, ne te déroberait point à mes traits. Fuis, te dis-je, gagne à. tire-d'aile les marais de Délos, ou bien ton sang étouffera tes chants harmonieux. Et cet autre oiseau qui s'approche! que veut-il? suspendre à la voûte un lit de chaume pour sa jeune famille? Tremble au frémissement de cet arc. N'entends-tu pas? Va-t'en sur les bords de l'Alphée, ou dans les bosquets de Corinthe, te livrer aux travaux maternels, et ne profane plus les offrandes et la demeure de Phébus (09). Ma main se refuse à vous ôter la vie, oiseaux qui nous apportez les paroles et la volonté des dieux. Mais il faut bien que je m'acquitte envers Phébus des soins que je lui dois, que je serve qui me nourrit (10). »

Démétrius d'Alexandrie, le rhéteur du second siècle de notre ère, a cité ce morceau comme très favorable à l'art du comédien, par la grande variété de mouvements et de poses qu'il offre à son imitation (11). Il en est dans le nombre qui ont quelque chose de bien familier, malgré la magnificence lyrique qui les décore. Euripide n'a pas craint de représenter son héros balayant le seuil du temple d'Apollon. Barthélemy (12), plus timide, en lui empruntant ce qu'il dit des fonctions du néocore, a supprimé cette humble circonstance.

Une autre scène succède, d'une invention non moins naïve. Les femmes de Créuse, précédant leur maîtresse, s'approchent du temple et regardent avec curiosité les bas-reliefs ou les peintures (13), ou les tapisseries (14), on ne sait lequel, qui ornent ses portiques extérieurs. Tout le monde se rappelle que Virgile dans l'Énéide (15) a profité deux fois de cette donnée heureuse ; mais, selon son usage, en l'embellissant encore par des traits de sentiment. C'est l'image des malheurs de Troie, c'est sa fa-mille, c'est lui-même qu'Énée voit représentés sur les murs du temple où il attend Didon. Si l'on adoptait la conjecture ingénieuse et vraisemblable d'un commentateur d'Euripide (16), cette scène, si agréable en elle-même, aurait eu pour les Athéniens un intérêt particulier : elle leur aurait offert la description d'un portique élevé par eux près du temple de Delphes, au commencements de la guerre du Péloponnèse, à l'occasion d'un avantage remporté sur les Lacédémoniens (17). Un tel genre de flatterie, fréquent chez les tragiques d'Athènes, et dont nous trouverons tout à l'heure dans cette même pièce un autre exemple, ne va guère sans anachronisme. Il est ici question d'une représentation des travaux d'Hercule, que les annales mythologiques font naître pourtant après Ion.

Cette scène épisodique où l'arrivée de Créuse est annoncée, se prolonge encore quelques moments (18), comme pour augmenter l'impatience qu'a le spectateur de la voir paraître. Il n'y a pas au théâtre de situations plus attachantes que celles où s'abordent ainsi des personnages qui ont un vif intérêt à se connaître et qui s'ignorent. On suit avec une curiosité inquiète un entretien dont chaque mot rapproche ou recule l'instant de la découverte. Telle est, dans l'OEdipe Roi, la scène fameuse de la double confidence, telle est, dans l'Ion, la scène qui nous occupe en ce moment. La marche est la même des deux côtés, mais l'impression diffère, douloureuse et terrible chez Sophocle (19), douce et touchante chez Euripide.

Le dialogue est conduit avec un art singulier. Il commence, comme c'est l'usage, par quelques paroles indifférentes, mais qui, mettant les interlocuteurs sur la trace de leurs misères secrètes, semblent devoir à chaque instant provoquer une explication. Bientôt des questions plus directes les amènent à des réponses plus précises, et, sans se reconnaître encore, ils aperçoivent cependant entre eux des rapports bien étranges.

Le jeune prêtre a demandé à la reine d'Athènes ce qui l'amène à Delphes avec le roi son époux, et sur quoi ils veulent consulter l'oracle. Elle a répondu, ce que nous savons déjà, qu'unis depuis plusieurs aimées, ils sont sans postérité, et que, dans leur malheur, l'idée leur est venue de s'adresser au dieu. « Ainsi, reprend Ion, vous n'avez jamais été mère ? - Apollon le sait, » réplique Creuse (20) avec un admirable à-propos. Le reste n'est pas moins frappant :

ION.

Hélas! parmi tant de prospérités, quel sujet de tristesse !

CRÉUSE.

Mais vous-même, qui êtes-vous? Que celle qui vous a mis au jour me semble heureuse!

ION.

On m'appelle le serviteur du dieu, et je le suis, ô femme!

CRÉUSE.

Lui avez-vous été donné par la ville, ou bien vendu comme esclave?

ION.

Je l'ignore; tout ce que je sais, c'est que j'appartiens à Apollon.

CRÉUSE.

Je vous plains à mon tour, ô étranger!

ION.

Il est triste en effet de ne pas connaître quelle mère vous a donné la vie, de quel père on est né.

CRÉUSE.

Est-ce en ce temple que vous faites votre demeure?

ION.

Ma maison est celle du dieu, partout où m'y surprend le sommeil.

CRÉUSE.

Et quand y êtes-vous venu? dans votre enfance? dans un âge plus avancé?

ION.

Je ne faisais que de naître, à ce qu'on assure.

CRÉUSE.

Quelle est, parmi les femmes de Delphes, celle qui vous a nourri de son lait?

ION.

Jamais femme ne m'offrit sa mamelle. C'est ici qu'on m'a élevé.

CRÉUSE.

Qui donc, infortuné? Quel rapport entre son sort et le mien !

ION.

La prêtresse de Phébus. Elle me tient lieu de mère.

CRÉUSE.

Mais vous avez atteint l'âge d'homme. Qui pourvoit à vos besoins?

ION.

Ces autels qui me nourrissent, les dons des étrangers, jusqu'à ce jour.

CRÉUSE.

Malheureuse, quelle qu'elle soit, celle qui vous fit naître!

ION.

Peut-être dut-elle rougir de ma naissance !

CRÉUSE.

Vous possédez sans doute quelque bien? Ces vêtements annoncent l'aisance.

ION.

Je les dois au dieu que je sers.

CRÉUSE.

N'avez-vous point cherché à découvrir vos parents?

ION.

Je n'avais, pour cette recherche, aucun indice.

CRÉUSE.

Hélas! je sais une femme bien malheureuse et comme votre mère.

ION.

Laquelle? Apprenez-moi. Venez à mon aide, de grâce !

CRÉUSE.

C'est pour elle que je me suis rendue ici....

ION.

Dans quel dessein? Si je pouvais vous servir?

CRÉUSE.

Pour obtenir une secrète réponse.

ION.

Et sur quoi? Dites seulement, le reste me regarde.

CRÉUSE.

Écoutez donc. Mais je n'ose. La honte m'arrête.

ION.

Que faire alors? C'est une déesse peu secourable.

CRÉUSE.

Cette femme, cette amie, eut commerce avec Apollon.

ION.

Avec Apollon ! une mortelle ! que dites-vous, étrangère?

CRÉUSE.

Le dieu la rendit mère d'un fils.

ION.

Non : cela ne peut être. C'est là le crime d'un homme et non pas d'un dieu.

CRÉUSE.

Ce qu'elle raconte n'est que trop véritable. Elle eut ensuite bien à souffrir.

ION.

Et quoi donc? l'épouse d'un dieu !

CRÉUSE.

Elle exposa son fils....

ION.

Cet enfant, où est-il? voit-il encore la lumière?

CRÉUSE.

Qui le sait? c'est ce que je viens demander à l'oracle.

ION.

Mais, s'il n'est plus, comment pense-t-on qu'il ait pu périr

CRÉUSE.

Elle craint qu'il ne soit devenu la proie des bêtes sauvages.

ION.

Et qui le lui fait croire ?

CRÉUSE.

Lorsqu'elle revint à la place où elle l'avait mis, elle ne le trouva plus.

ION.

Y vit-elle des traces de sang?

CRÉUSE.

Non, à ce qu'elle assure; et cependant elle visita soigneusement les lieux d'alentour.

ION.

Quel temps s'est écoulé depuis qu'a ainsi disparu cet enfant malheureux?

CRÉUSE.

S'il vivait, il serait à peu près de votre âge (21).

Que d'art et de naturel dans ce dialogue ! N'y voit-on pas, comme je l'ai annoncé, se révéler à demi le secret de la mère et du fils, et approcher par degrés une reconnaissance que le poète aura l'art d'interrompre et de suspendre par des incidents habillements ménagés.

Ion est touché du malheur de Créuse ; car, comme il le fera entendre plus tard, il ne lui a point échappé que, sous un autre nom, elle a raconté sa propre histoire. Il lui refuse cependant le service qu'il lui avait d'abord offert ; il craindrait, dit-il, d'offenser le Dieu en l'interrogeant témérairement sur ce qui lui est si peu honorable.

Cependant Xuthus arrive. Il s'était arrêté à consulter l'oracle de Trophonius, duquel il a appris, pour toute réponse, que ni lui ni la reine ne retourneraient chez eux sans enfants. Cette réponse équivoque, que chacun des deux époux interprète secrètement selon ses désirs, les remplit d'espérance. Xuthus d'après le privilège accordé aux hommes par les usages du temple de Delphes, va chercher dans le sanctuaire même d'Apollon un second oracle qui confirme et explique le premier ; pour Créuse, elle se rend aux autels sur son invitation, pour y offrir un sacrifice. Ion, resté seul, s'entretient, tout en vaquant aux soins de son ministère sacré, de ce que lui a révélé l'étrangère, et, malgré sa piété, il se laisse aller (22) à quelques réflexions hardies, celles du poète, et même du philosophe, autant et plus encore que du personnage, sur les exemples criminels que les dieux donnent parfois aux mortels. Le choeur, de son côté, dans de fort belles strophes, exprime un vif désir de voir s'accomplir les voeux de ses maîtres, voeux qui s'accordent assez mal, comme on l'a vu, mais qu'Apollon trouvera moyen de concilier.

En effet, Xuthus reparaît bientôt plein de joie. Le dieu lui a déclaré que la première personne qui s'offrirait à ses yeux en sortant du temple serait son fils. Il rencontre le jeune néocore et le salue de ce nom. Une explication., assurément fort nécessaire, le rapproche-ment de certaines circonstances, de certaines dates, donnent à l'oracle du dieu une vraisemblance dont se con-tentent, sans un trop rigoureux examen, les deux parties intéressées. Cependant, le roi d'Athènes veut à l'instant emmener le fils qui lui est rendu. Celui-ci se détourne avec embarras ; de tristes et sages réflexions troublent le plaisir que lui cause l'heureux changement de sa fortune. Voici sa réponse, d'une éloquence simple et pénétrante, et fort convenablement remplie de .ces moralités qui étaient dans le génie Euripide, et qu'il n'a pas toujours aussi bien placées (23) :

« Les choses paraissent tout autres, lorsqu'elles sont encore loin, ou qu'on les voit de près. Sans doute j'embrasse avec transport l'heureuse fortune qui me fait retrouver un père. Il me vient cependant d'importunes pensées, que je dois vous dire. Je sais que l'illustre Athènes se vante d'être la fille du sol, de ne devoir à aucun autre peuple son origine. Et moi j'y paraîtrai avec une double tache, un père étranger, une naissance illégitime. Que si, sentant ce qui me manque, je m'humilie, je m'efface, on me traitera d'homme de rien. Si, au contraire, m'élançant aux premiers rangs, je prétends être quelque chose, j'encourrai la 'haine des petits, naturellement ennemis de la puissance. Quant aux sages qui, pouvant parler, préfèrent garder le silence, et ne s'empressent pas de courir aux affaires, ils riront entre eux de ma folie, et me blâmeront de ne point savoir rester en repos loin du trouble et des dangers de la vie publique. Je veux que je parvienne à me placer parmi les grands, parmi les hommes d'État, je n'en serai que plus en butte à la malignité des jugements. Car il en est ainsi, mon père : ceux qui ont le gouvernement, les honneurs, ne voient dans leurs rivaux que des ennemis. Et puis j'arriverais dans une maison étrangère, auprès d'une femme privée d'enfants, qui, après avoir partagé votre disgrâce, n'aurait point de part à votre bonheur, et s'entretiendrait amèrement de son infortune et de son chagrin. Comment pourrais-je éviter sa haine, lorsqu'elle me verrait assis à vos pieds, et elle-même dépourvue d'un bien qui vous serait accordé? Ou bien vous vous détourneriez de moi pour vous attacher à votre épouse; ou, me donnant la préférence, vous rempliriez de trouble votre maison. Que de fois le fer, le poison n'ont-ils pas servi la vengeance de femmes offensées! D'ailleurs, mon père, je l'avoue, je plains votre compagne, condamnée à vieillir dans la stérilité; elle ne méritait pas, fille de si nobles pères, de rester sans enfants. Pour la royauté, c'est à tort qu'on la vante. Elle a des dehors qui plaisent, mais au dedans qu'elle est triste ! Est-ce être heureux que de passer sa vie dans la crainte, dans les soupçons? Oh! je préfère une vie privée, avec le bonheur, au plaisir d'être roi, s'il faut mettre sa joie dans de criminels amis, s'il faut haïr les gens de bien, par crainte de mourir. Vous allez me dire que les plaisirs de l'opulence compensent tous ces ennuis; qu'être riche est chose bien douce. Je n'aimerais guère, pour sauver mon or, prêter sans cesse l'oreille au bruit et me consumer en soins. Une fortune médiocre, mais paisible, me plairait davantage. Et voyez, mon père, quel est Ici mon bonheur! D'abord le doux loisir, si cher à l'homme; ensuite peu de soucis. Nul méchant ne se trouve sur mon chemin : je n'ai point ce déplaisir insupportable de céder le pas à qui vaut moins que moi. C'est au culte des dieux, c'est au commerce de mortels satisfaits, que sont consacrés mes instants. Les uns partent, d'autres arrivent : toujours nouveau pour eux, comme ils le sont pour moi, je ne crains point d'être un jour moins agréable à leurs yeux. Ce que les hommes doivent le plus désirer, et ce qu'ils ne désirent pas toujours, la loi, d'accord avec la nature, m'oblige de me conserver vertueux et pur devant la divinité. Voilà, mon père, pourquoi mon sort présent me semble préférable à celui qui m'attend ailleurs. Souffrez donc que je vive pour moi. Être heureux dans la grandeur ou dans la médiocrité, n'est-ce pas toujours le bonheur (24) ? »

Ces bonnes raisons ne peuvent convaincre Xuthus ; il insiste pour que son fils, à qui il donne le nom d'Ion, en mémoire de l'heureuse rencontre qui le lui a fait retrouver, l'accompagne à Athènes. Il l'engage à se réunir une dernière fois, dans un festin, avec ses amis ; seulement il juge prudent de chercher pour cette fête quelque prétexte plausible, et de cacher quelque temps à Créuse un secret auquel elle a besoin d'être préparée. Il recommande donc au choeur le silence, sous peine de la vie. Mais celui-ci, plus attaché au sang dÉrechthée qu'à l'Achéen Xuthus, indigné de l'affront que reçoit, par l'introduction d'un étranger dans la famille royale, sa reine et sa maîtresse, se promet bien de désobéir. C'est une exception remarquable à la discrétion habituelle et souvent peu raisonnable (25) de ce personnage de convention.

Sa menace ne tarde pas à s'accomplir. Créuse, qui n'a pas abandonné le dessein de consulter l'oracle sur l'intérêt particulier dont elle est préoccupée, mais qui, nous l'avons déjà dit, ne peut pénétrer elle-même dans le sanctuaire, revient avec un vieillard qu'elle charge de ce soin. C'est un bien vieux serviteur, car il a autrefois élevé l'enfance d'Érechthée. Le poète ne manque pas d'appuyer, avec quelque complaisance, sur le tableau de sa décrépitude. Il le représente qui gravit avec peine, appuyé sur son bâton, le rude sentier du temple. Je me figure qu'on le voyait venir, avec Créuse, par l'une des montées qui de l'orchestre conduisaient sur la scène. Enfin, les voilà arrivés, et le choeur placé sur le chemin, leur révèle, après quelques hésitations qui excitent vivement leur curiosité et leur impatience, tout ce qui vient de se passer. Le vieillard y voit un jeu concerté pour placer sur le trône d'Athènes le fils de quelque esclave ; l'indignation qu'il en éprouve, comme Athénien, comme serviteur de la maison d'Érechthée, l'emporte à une violence qu'on n'aurait pas cru pouvoir attendre de son âge et de sa faiblesse. H conseille sans détour à Créuse de prévenir, par la mort de ses ennemis, le sort cruel qu'elle en doit attendre. Créuse ne répond point; elle est tout entière à l'étrange nouvelle qui vient de lui découvrir un malheur si inattendu, de détruire si cruellement tous ses plans de bonheur ; elle accuse la perfidie de son époux, l'ingratitude, la dureté d'Apollon, et, par un de ces mouvements de la nature que savait surprendre le génie pathétique des Grecs, dans le trouble de son désespoir, elle laisse échapper le secret qu'elle a gardé si longtemps, si soigneusement renfermé. Il faut voir sous quelles gracieuses images se produisent tout à coup, au milieu de la véhémence de ses plaintes et de ses reproches, les souvenirs encore chers de l'amour d'un dieu (26).

« Que faut-il faire, ô mon âme? Garder le silence? ou, surmontant ma pudeur, révéler un secret funeste? Eh! pourquoi cette contrainte? Que me veut cette importune vertu, contre laquelle je lutte encore? Mon époux ne m'a-t-il pas trahie? Je n'ai plus de maison, plus d'enfants; elles ne sont plus ces espérances que je me flattai vainement de conduire à une fin heureuse, en taisant ma disgrâce et ses déplorables suites. Non, non, je le jure..., je ne la cacherai pas plus longtemps, je me soulagerai enfin d'un pénible fardeau. Mes yeux fondent en larmes, mon coeur succombe à la douleur, quand je me vois si cruellement poursuivie et des hommes et des dieux : oui, je ne crains pas de le dire, des dieux ingrats et perfides. C'est toi..., fils de Latone, que ma voix accuse à la clarté du ciel.

« Tu vins à moi, avec ta chevelure dorée, dans tout ton éclat, lorsque je remplissais mon sein et ma robe d'une brillante moisson de fleurs, pour m'en parer; et puis tu me saisis dans tes bras, tu m'entraînas au fond d'un antre, appelant à grands cris ma mère, dieu ravisseur, possédé de la fureur de Vénus.

« Malheureuse! je donne le jour à un fils, et, par crainte de ma mère, je le dépose dans cet antre, ta couche nuptiale, où un triste hyménée t'unit une triste mortelle. Hélas! hélas! il n'est plus, les oiseaux ]'ont dévoré, mon malheureux enfant, qui est aussi le tien. Et toi cependant tu te plais aux accords de ta lyre, aux accents de ta voix (27).... »

Cette révélation imprévue étonne beaucoup le vieillard. A travers la douleur qu'elle lui cause, perce toutefois l'espérance de trouver au trône d'Érechthée un plus légitime héritier que l'étranger, fils de Xuthus. Mais cette illusion est bientôt détruite par les tristes réponses qu'obtiennent de Créuse ses pressantes questions. La malheureuse mère est forcée de redire, sans cacher comme tout à l'heure sous le nom d'une autre sa profonde confusion, comment son enfant a péri abandonné. Il n'y a pas là, certainement, une répétition que doive reprendre la critique ; bien au contraire. Et quel pathétique déchirant dans ce dialogue :

LE VIEILLARD.

Qui donc l'exposa? Ce n'est pas vous?

CRÉUSE.

Moi-même, dans l'ombre de la nuit !

LE VIEILLARD.

Eûtes-vous quelque complice?

CRÉUSE.

Le malheur et le mystère.

LE VIEILLARD.

Comment pûtes-vous abandonner votre enfant ?

CRÉUSE.

Comment? après mille cris de douleur.

LE VIEILLARD.

Hélas ! coupable mère! dieu plus coupable encore!

CRÉUSE.

Si vous l'aviez vu, comme il me tendait les bras!

LE VIEILLARD.

Il cherchait le sein et les embrassements de sa mère.

CRÉUSE.

Oui, cette place où il devait être et dont je le repoussais (28).

L'espèce d'enivrement de douleur où le sentiment de tant d'infortunes, anciennes et nouvelles, plonge la fille et le vieux serviteur d'Érechthée, les ramène l'un à proposer la vengeance, l'autre à écouter ce funeste conseil. Il veut qu'elle embrase le temple d'Apollon; elle s'y refuse par crainte religieuse : qu'elle fasse périr son époux; elle respecte encore en lui le saint noeud qui les lie. C'est Ion qui expiera les torts de Xuthus et ceux d'Apollon. Un poison sûr, que Créuse remet au vieillard, sera versé par lui dans la coupe du jeune homme, pendant le repas qu'il donne à ses amis. Cette résolution cruelle, qu'ils proclament généreuse, comme pour tromper leurs remords, dont le choeur célèbre la justice et appelle l'accomplissement avec un enthousiasme sans doute aussi peu sincère, dégrade, on ne peut le nier, des personnages qui, jusqu'ici, ont puissamment captivé l'intérêt. C'est là un défaut fort ordinaire à Euripide et qui, nous l'avons vu, lui a gâté plus d'un chef-d'oeuvre (29).

Bientôt un esclave accourt hors d'haleine, cherchant la reine d'Athènes, dont l'entreprise a été découverte, et que les juges pythiens ont condamnée à la mort. Quelque pressé qu'il soit, dans une circonstance si critique, de trouver et d'avertir sa maîtresse, il s'arrête à raconter en détail tout ce qu'il a su, tout ce dont il a été témoin. C'est une faute de goût si contraire à l'exacte vraisemblance dont se piquent les tragiques grecs, qu'on est comme obligé. de lui trouver des explications et des excuses. Ainsi, a-t-on dit, si cet esclave indique minutieusement la forme et la dimension de la salle où le jeune Ion traitait ses amis (30),c'est pour faire allusion à celles du Parthénon, qui étaient exactement les mêmes. S'il décrit les tapisseries dont l'intérieur de cette salle était orné (31), c'est pour rappeler quelques compositions célèbres du temps (32). On pourrait peut-être contester la réalité de ces intentions officieusement prêtées à Euripide ; mais ce qui est incontestable, c'est que le poète, en plaçant parmi ces décorations la peinture d'un combat entre les vaisseaux des Grecs et ceux des barbares (33), a célébré par anticipation la mémoire, si chère aux oreilles athéniennes, du triomphe de Salamine (34).

Le reste du récit est fort curieux par les détails de moeurs qu'il fait connaître ; il est en même temps fort riche d'invention et de poésie. On y apprend que le complice de Créuse s'était introduit parmi les convives d'Ion; qu'usurpant sur les jeunes gens, à la grande joie de l'Assemblée, comme Vulcain dans le premier chant de l'Iliade, les fonctions d'échanson, il était parvenu à empoisonner sa coupe. Mais un hasard heureux a mis obstacle au crime prêt à se commettre. Une parole de mauvais augure est prononcée, le jeune prêtre demande une coupe nouvelle et répand sur la terre celle qu'il tient entre ses mains, invitant ses amis à suivre son exemple. En cet instant une troupe de colombes s'abat dans la tente pour s'abreuver de la liqueur qui inonde la terre. Une d'elles expire aux pieds d'Ion dans des convulsions effrayantes, qui décèlent le poison. Le vieillard est saisi ; traîné devant un tribunal, il y avoue le crime, et celle qui l'a commandé est condamnée à expier par son supplice un attentat commis, dans un lieu saint, contre une personne sacrée. Toutes ces circonstances, fort naturelles, sont exprimées avec cette précision et cette vivacité qui distinguent la manière de conter des poètes grecs de la solennité un peu vague de nos récits tragiques. Remarquons en passant, comme un exemple du soin minutieux que donnaient les Grecs au maintien de la vraisemblance, qu'un des principaux détails de cette narration a été préparé de loin, dans le passage charmant qui nous peint Ion écartant par ses menaces, sans leur ôter la vie, les oiseaux, hôtes familiers du temple d'Apollon.

Tandis que le choeur était informé de ces événements, Créuse elle-même les avait appris. Elle vient se réfugier à l'autel d'Apollon, où celui qu'elle a voulu faire périr ne tarde pas à la poursuivre, avec tout le peuple de Delphes. Qu'on remarque l'artifice habile de cette intrigue, la plus compliquée certainement, la plus rapprochée de l'art des modernes, que nous ayons encore rencontrée dans le théâtre grec. Cette mère et ce fils, si malheureusement séparés, qui se regrettent, qui se cherchent, au moment même où une meilleure fortune les a réunis, poursuivent tour à tour la perte de ce qui leur est le plus cher au monde. Tout à l'heure c'était Créuse qui conspirait contre la vie d'Ion ; à présent c'est Ion qui réclame la mort de Créuse. L'imagination se plaît à ces alternatives, à ces révolutions ingénieusement distribuées ; elle les suit avec curiosité, mais sans trop de terreur ; car la reconnaissance qu'elle désire, qu'elle attend, ne cesse de cheminer par tous ces détours, et, quand il sera temps, l'agent, mystérieux de l'intrigue, Apollon, la conduira certainement à son terme.

Le moment est venu. La porte du sanctuaire s'ouvre tout à coup. La Pythie s'avance entre Créuse, qui tient l'autel embrassé, et Ion qui menace de l'arracher de cet asile. Elle remet à ce dernier, au nom d'Apollon, la corbeille où il fut autrefois exposé, et qui doit lui servir à retrouver sa mère. Le trouble du jeune homme en présence d'un objet qui lui rappelle un si triste souvenir, et éveille en son âme une si douce espérance, est admirablement rendu.

« Des larmes coulent de mes yeux à la vue de ce berceau où, pour cacher sa honte, me déposa secrètement celle qui m'avait fait naître. Hélas ! elle me refusa son sein, et reçu dans ce temple, enfant inconnu, j'y fus dévoué à un service obscur. Je ne me plains point d'Apollon, mais de la fortune qui m'a été cruelle. Ce temps, où, dans les bras maternels, je dus goûter les premières délices de la vie, je l'ai passé loin d'une mère, privé de cette douce nourriture que j'en attendais. Et elle, ah ! je la plains aussi d'avoir, par une disgrâce pareille, perdu les joies de la maternité. Et maintenant cet objet, qui m'est rendu, je vais l'offrir au dieu. Peut-être m'amènera-t-il à quelque triste découverte. Si j'allais me trouver le fils d'une esclave, je serais plus malheureux de connaître ma mère, que d'avoir en silence abandonné toute recherche. Reçois donc cette offrande, ô Phébus ! Mais que fais-je ? je résiste à la volonté du dieu qui m'a conservé, pour me rendre une mère, les monuments de ma naissance. Allons, ouvrons cette corbeille. Je ne puis fuir ma destinée. Oh ! pourquoi nie fûtes-vous si longtemps cachées, saintes bandelettes, liens qui entourez mes trésors? Comme ces enveloppes se sont conservées fraîches, sans doute par la volonté du dieu! Nulle souillure, nulle trace de vieillesse dans ces nœuds ; et cependant, bien des années se sont écoulées depuis qu'ils gardent leur dépôt (35) ! »

Vous avez pu suivre dans ce morceau tout le jeu de la scène ; car les Grecs n'avaient pas besoin de ces parenthèses commodes où nous indiquons la pose et quelquefois la passion même de l'acteur ; l'une et l'autre, chez eux, étaient écrites dans le rôle même. Ici on voit Ion, d'abord contempler tristement la corbeille, puis s'approcher de l'autel pour l'y déposer sans l'ouvrir, puis s'arrêter par un mouvement soudain, pour développer les bandelettes qui l'entourent, et lorsqu'elle paraît enfin à ses yeux, Créuse, dont il s'est rapproché, l'aperçoit aussi, et dès lors tout est expliqué. La mère quitte son asile et se jette dans les bras de son fils, à qui elle se fait reconnaître avec évidence, en lui annonçant d'avance les objets qu'elle a autrefois déposés dans le berceau, et dont le souvenir a dû rester profondément gravé clans son esprit (36).

Les transports de joie de Créuse, et d'Ion sont bientôt suivis, et il ne pouvait en être autrement, d'une explication embarrassante pour tous deux, et dont la naïveté est peu commune, même sur la scène grecque. Ion apprend avec chagrin qu'il n'est pas fils de Xuthus ; avec quelque orgueil, que du moins il est né d'Apollon ; cependant il en doute un peu, et sa. mère, qu'il prend à part pour la presser à ce sujet, aurait grand'peine à dissiper ses soupçons, si Minerve, au nom d'Apollon, ne venait lui confirmer la vérité de sa naissance divine. En même temps la déesse lui annonce sa gloire et celle de sa race : il régnera sur le trône d'Érechthée ; ses fils seront les fondateurs et les chefs des quatre tribus primitives (37) d'Athènes; ses petits-fils peupleront les Cyclades, et, s'étendant jusqu'en Asie, donneront son nom à l'Ionie. Ce n'est pas tout : de Créuse et de Xuthus naîtront deux fils, Dorus et Achéus, rois illustres dont l'Achaïe et la Doride recevront leurs noms. On comprend ce que ces origines devaient ajouter d'intérêt au dénoûment de la tragédie qui les célébrait. C'était, comme l'Erechlhée de notre poète (38), emprunté à la même antiquité fabuleuse, au même ordre d'aventures, et qu'on a cru (39) avoir fait partie de la même tétralogie, comme les Suppliantes et les Héraclides (40), une de ces pièces par lesquelles Euripide, ainsi que ses devanciers, les auteurs des Euménides, et de l'OEdipe à Colone, flattait habilement, chez le public qu'il attachait, qu'il touchait, le sentiment de l'orgueil national.

Quelqu'un pourrait demander pourquoi Apollon n'est pas venu lui-même annoncer tout cela. Minerve prévient la question en disant qu'il a craint de s'exposer à de trop justes reproches. Et Xuthus, pourquoi n'est-il pas présent? Est-il besoin de dire que ce bon roi ferait une figure moins convenable encore qu'Apollon, au milieu d'arrangements domestiques où se liguent pour le tromper les hommes et les dieux. N'en voulons donc pas trop au poète, qui, de son autorité privée, par un acte certainement très arbitraire, le retient depuis si longtemps sur le Parnasse, où il est allé offrir un sacrifice.

Mais, enfin, il en reviendra bientôt, et après des événements aussi publics que ceux qui ont amené la reconnaissance de Créuse et d'Ion, il ne peut manquer de découvrir la vérité et de perdre ces précieuses illusions que Minerve recommande qu'on lui conserve. A cela je ne sais guère de réponse, sinon que la pièce est finie, lorsque viennent ces réflexions, et que le poète a prudemment pris l'avance sur ses critiques.

Quant aux autres invraisemblances qu'on pourrait reprendre dans l'ouvrage, elles sont sous la sauvegarde d'Apollon qui le remplit de son invisible présence et préside à son développement. C'est même un de ses principaux mérites, que le caractère de merveille qu'y revêtent les moindres détails, comme par exemple le poison préparé pour Ion, et qu'a fourni une goutte du sang de la Gorgone, comme ces signes de reconnaissance déposés dans son berceau, et au nombre desquels se trouvent un collier en forme de serpents, image des dragons fabuleux d'Érichthonius, un rameau encore vert, après tant d'années, de l'olivier de Minerve.

Les spectateurs athéniens étaient tout disposés à admettre, avec une foi crédule, les merveilles de cette fable, que traita aussi, on le croit, soit avant, soit après Euripide, Sophocle dans sa tragédie de Créuse (41). C'était une de leurs traditions nationales et un monument la consacrait. Non loin du théâtre, sur une des pentes de l'Acropole, était un petit temple d'Apollon, construit dans la grotte même où la fille d'Erecthée avait eu, c'était la croyance commune, commerce avec le dieu (42).

Ajoutons que, quelques années plus tard, comme le raconte Plutarque (43), d'après Éphore, peu s'en fallut que Lysandre ne réussît à faire reconnaître par les prêtres de Delphes un prétendu fils d'Apollon, qui devait, en cette qualité, par la production d'anciens oracles dont il pouvait seul prendre connaissance, lui ouvrir le chemin du trône de Sparte. Les oracles étaient rédigés et vaguement annoncés ; la naissance divine du jeune fourbe déjà accréditée dans le Pont, sa patrie, allait bientôt l'être en Grèce, où on l'avait fait venir ; les prêtres de Delphes, gagnés, se préparaient à jouer leur rôle dans le dernier acte de cette audacieuse intrigue, lorsqu'elle manqua tout à coup par la timidité d'un des acteurs. Ce sont les expressions de Plutarque, qui raconte la chose comme s'il s'agissait de la chute de quelque tragédie à la manière Euripide, avec son prologue et son dénouement à machine. Dans un temps où une pareille supercherie avait quelque chance de succès, le merveilleux d'Ion était assurément fort admissible.

Nous possédons une tragédie dont la conduite est également soumise à l'influence manifeste de la divinité; qui se passe de même dans un temple; où l'on voit, comme ici, paraître un jeune lévite, dans toute l'innocence du premier âge, toute la sainteté du sacré ministère ; où par une suite d'événements non moins merveilleux, un enfant se trouve rapproché de parents cruels qui, sans le connaître, veulent le perdre, et porté, à leur confusion, sur le trône dont ils descendent. Cette tragédie, chef-d'oeuvre de notre théâtre et de tous les théâtres, diffère certainement en beaucoup de choses, mais surtout par sa gravité, sa sublimité, du drame très profane avec lequel elle offre de si frappants rapports; mais elle lui ressemble aussi en trop de points pour que cette ressemblance ne soit qu'accidentelle. Dans les morceaux que j'ai cités, et que j'ai choisis de préférence parmi les passages les plus propres à provoquer ce rapprochement, n'a-t-on pas à peu près retrouvé ce trait si connu, par exemple,

De ses bras innocents je me sentis presser;

et ces autres encore :

., . Je suis, dit-on, un orphelin
Entre les bras de Dieu jeté dès ma naissance,
Et qui de mes parents n'eus jamais connaissance.

Ce temple est mon pays, je n'en connais point d'autre.

Tous les jours je l'invoque, et d'un soin paternel
Il me nourrit des dons offerts sur son autel.

Moi, des bienfaits de Dieu je perdrais la mémoire (44) !

et plus que ces beautés de détail, quelque chose de la naïveté enfantine de Joas, de la curiosité inquiète d'Athalie, du tour si familièrement tragique die leur entretien ? N'est-il pas bien remarquable que Racine ait su ainsi mêler, à l'austère inspiration des Livres saints, les gracieux et riants souvenirs de la muse païenne, et, sous la double influence de modèles si divers, produire, sans trace d'effort, le plus original de ses chefs-d'oeuvre ? Qu'on dise après cela que l'imitation efface nécessairement les traits du génie ! Autant vaudrait prétendre que le soleil étranger, qui colore le visage d'un voyageur, change sa physionomie.

Une pièce toute mythologique, toute grecque, toute athénienne, comme l'Ion, se prêtait-elle, chez les modernes, à une imitation plus directe ? On l'a cru dans la docte Allemagne, où presque à la fois, au commencement de ce siècle, elle a été traduite par Wieland (45), qui s'en était déjà, bien des années auparavant, inspiré dans son roman d'Agathon, et plus librement reproduite, non pas seulement pour la lecture, mais pour la représentation, par W. Schlegel (46); remaniement malheureux d'ailleurs, des vices duquel l'auteur n'avait certainement pas conscience quand, assez peu de temps après, il traitait si rigoureusement Racine au nom d'Euripide (47), comme Euripide lui-même au nom de Sophocle et d'Eschyle (48). Le mouvement naturel et facile, l'intérêt de la pièce grecque, j'entends son intérêt humain, car, pour son intérêt athénien, il ne pouvait véritablement être conservé, disparaissent au milieu des développements parasites de toutes sortes, employés pour étendre la fable à la dimension, qu'elle comportait si peu, de nos cinq actes modernes. Le second s'achève à peine que déjà est à peu près épuisé ce que fournissait Euripide. Il faut insister sans mesure sur la situation pénible de la mère poursuivie par son fils; et quelle poursuite! une sorte de chasse, l'arc à la main, cet arc dont Euripide avait armé son innocent et pacifique Ion pour un autre usage. La reconnaissance opérée, il faut trouver au delà du dénouement la matière d'un cinquième acte et pour cela ramener de son sacrifice sur le Parnasse, où Euripide l'avait assez judicieusement oublié, l'embarrassant Xuthus, et lui faire subir devant les spectateurs des explications aussi fastidieuses pour eux que désagréables pour lui. Il finit d'ailleurs par s'y prêter d'assez bonne grâce, plutôt, il est vrai, comme l'Amphitryon de la tragédie grecque (49), et à plus forte raison de la comédie latine (50), que comme celui de la comédie française. Franchement, ce qui se rencontre çà et là dans l'ouvrage d'imitations exécutées avec art, de détails curieusement érudits, de traits spirituels, de vers élégants, n'est pas une compensation suffisante à la nullité dramatique, à la fatigue, à l'ennui des derniers actes, fâcheuse addition dont Schlegel, démentant sa théorie par sa pratique, a eu le tort d'appauvrir la riche simplicité d'Euripide.

Lessing (51) parle avec peu d'estime d'une Créuse anglaise, imitée de l'Ion d'Euripide, en 1754, par W. Whitehead (52). De nos jours le théâtre anglais s'est enrichi d'une tragédie intitulée Ion, comme celle Euripide, mais qui n'a avec elle aucun rapport. L'auteur désavoue lui-même toute ressemblance, sauf la première et seule donnée d'un jeune homme de naissance inconnue, élevé dans un temple. Le nouvel Ion est un héros de dévouement; habitant Argos que ravage la peste et qu'opprime le tyran Adraste, il se charge d'aller porter des remontrances au palais, malgré une menace de mort pour tout survenant. Sa vertu, ses traits, sa voix touchent Adraste, qui lui conte le roman de sa jeunesse, une épouse secrète, morte de douleur, un enfant jeté à la mer par les satellites de ses cruels parents. Sur les instances d'Ion, Adraste consent à entendre les anciens d'Argos dans une assemblée publique où sa violence oppressive prévaut sur toute plainte et sur la rumeur excitée par cet oracle rapporté de Delphes, que les maux d'Argos cesseront quand la race de ses maîtres aura péri. Suit une conspiration des jeunes Argiens pour frapper le tyran qui, cette nuit même, a prodigué le vin à ses gardes et s'est endormi ainsi qu'eux dans l'ivresse. C'est Ion que le sort désigne comme exécuteur de cet arrêt de mort et qui parvient inaperçu jusqu'au lit d'Adraste. Cependant sa compagne d'enfance, sa fiancée, Clémanthe, a su ce projet; elle l'a appris à son père, le grand prêtre, qui s'en est justement alarmé ; c'est un parricide, a-t-il dit, qu'Ion va commettre ! Ion est l'enfant d'Adraste, recueilli autrefois par lui au bord de la mer, et conservé par ses soins. Il faut se hâter de le rejoindre par le passage secret qui du temple communique au palais. Le vieillard arrive à temps pour arrêter le bras du jeune homme suspendu sur la poitrine de son père agenouillé et pour lui apprendre quel lien les unit l'un à l'autre. Adraste ne laisse pas d'être immolé par les autres conjurés; il meurt adressant de tendres adieux à son fils, auquel il lègue son pouvoir, non sans lui recommander d'en user mieux que lui-même n'a fait. Ion est aisément proclamé roi malgré une tentative de meurtre dirigée contre lui par un de ses anciens amis que ramène sa générosité. Mais il a son dessein, c'est de mourir volontairement pour son pays, accomplissant ainsi l'oracle. Dans une grande scène finale, sur la place publique, portant les insignes de la royauté, il semble accepter le pouvoir : c'est pour faire promettre aux plus dignes qu'après lui ils maintiendront la justice, l'ordre et les lois; c'est pour faire jurer au peuple de se gouverner lui-même équitablement; après quoi, il se frappe du poignard qui a tué son père et tombe soutenu par sa fiancée, apprenant, avant de mourir, que le fléau de la peste va bientôt cesser dans Argos.

Tels sont, en substance, le sujet et le plan de cette tragédie, dont l'auteur, mort en 1854 (53), M. Talfourd, longtemps avocat distingué, et depuis membre honoré de la magistrature et du parlement, a mêlé heureusement la littérature aux affaires et s'est fait par des écrits, où il ne cherchait qu'un délassement, une place assez considérable parmi les poètes et les critiques de son pays. Vers 125, il avait distribué à ses amis deux impressions de son Ion,, fruit de ses vacances., qu'il ne songeait du reste ni à publier, ni à voir représenter. En 1836, son ami, le célèbre tragédien Macready, eut l'idée d'en jouer le rôle principal dans une représentation à son bénéfice, que suivirent d'autres encore pendant le reste de la saison. Une actrice de talent se chargea du même rôle, sur la scène de Haymarcket, et le porta avec succès en Amérique. Quatre; éditions pour le public ont précédé celle que contient le recueil des oeuvres poétiques de l'auteur publié en 1844. Dans la première se lisait, au lieu de dédicace, un éloge funèbre très animé du digne maître du collège die Reading, où Talfourd a étudié, le célèbre philologue Valpy. Talfourd, du reste, n'a pas suivi la direction philologique et classique. Il s'est montré dans ses poésies l'élève de Wordsworth. Ses idées ont un tour assez austère de moralité, qu'il paraît tenir de sa famille, de ses maîtres, de sa communion religieuse, de sa profession. Acceptons les mérites et les succès de son Ion comme une sorte d'hommage indirect à l'oeuvre antique dont il n'a guère reproduit que le nom. Cette oeuvre, je pense, par des raisons sur lesquelles il n'est pas nécessaire de revenir, n'est pas destinée à retrouver désormais d'autre scène que l'imagination émue des lecteurs studieux.
 


(01) Voyez t. III, p. 8 sqq.

(02) Voyez, plus loin, livre IV, ch. xx.

(03)  C'est ce qu'a fort bien dit, avec d'autres, Lessing dans un passage intéressant de sa Dramaturgie (art. sur la Mérope de Voltaire), où il défend, à certains égards, les prologues tant attaqués d'Euripide, y voyant, ce que nous y avons vu nous-même, une sorte de préface poétique, dont le retranchement n'altérerait en rien l'économie de l'oeuvre elle-même; qui ne désintéresse, au sujet de l'événement, une curiosité vulgaire, que pour en éveiller une autre, d'un ordre plus relevé, quant à la manière dont cet événement s'accomplit; qui enfin, dans le cas particulier dont il s'agit, ajoute véritablement à l'intérêt des situations : «....Si le spectateur apprend seulement au cinquième acte qu'Ion est fils de Créuse, ce ne sera pas à ses yeux son fils, mais un étranger, un ennemi, qu'elle aura voulu mettre à mort au troisième acte ; ce ne sera plus, à ses yeux, de sa mère qu'Ion voudra se venger au quatrième acte, mais de sa meurtrière. D'où 'ultra donc la terreur et la pitié? Le pur soupçon qu'un certain assemblage de circonstances peut faire naître, le pur soupçon qu'Ion et Créuse pourraient bien s'appartenir de plus près qu'ils ne le pensent, n'aurait pas suffi pour cela. Il fallait que ce soupçon devint certitude; et si le spectateur ne pouvait acquérir cette certitude que du dehors, s'il n'était pas possible qu'il pût en avoir l'obligation à l'un des personnages agissants de la pièce, n'était-il pas mieux que le poète l'en informât de la seule manière à sa disposition, que point du tout?.... »

(04) V. 466.

(05) V. 1, etc. Voyez plus haut, p. 8 sq.

(06) Amphitryon, act. III, se 2.

(07) Ibid.

(08) V. 135 sqq.

(09) Voyez sur un autre temple plus hospitalier pour les oiseaux, que le dieu déclare ses suppliants, l'histoire d'Aristodicus, dans Hérodote, I, 158, 159.

(10) V. 82-182.

(11) Voyez l'Euripide de Boissonade, t. V, p.426, Notul. in Ion.

(12) Voyez Anacharsis, ch. XXII.

(13)  Musgrave.

(14)  Boettiger, les Furies d'après les artistes et les poètes anciens; Bœckh, Graec. trag. princ. XV.

(15) I, 456 ; VI, 13.

(16)  Musgrave. Cf. Bœckh., ibid., etc. Voyez, en dernier lieu, H. Weil, De Tragoediarum graecarum cum rebus publicis conjunctione, 1844, p. 31.

(17)  Par Phormion, dans la quatrième année de la LXXXVIIe olympiade. Voyez Thucydide, II, 84; Diodore de Sicile, XII, 48; Pausan., Phoc., XI. Au vers 1592 de la pièce, dans la mention peu nécessaire du lieu où s'était passé l'événement, du cap Rhium, on a vu une nouvelle allusion à cet événement, et une preuve de plus qu'il n'avait pas précédé de beaucoup la représentation de la tragédie elle-même. J. A. Hartung, Euripid. restitut., 1843, t. I, p. 448 sqq., Th. Fix, Euripid., éd. F. Didot, 1843, Chronol. fabul., p. X, se sont depuis, par d'autres raisons qu'il serait trop long de reproduire ici, décidés, le premier pour une date à peu près pareille, la deuxième année de la LXXXVIIIe olympiade, l'autre pour une date bien différente, une des années de la XCe olympiade.

(18) V. 183-239. Sur la distribution probable des strophes qui composent cette scène entre les divers personnages du choeur, outre Musgrave, voyez Boeckh, ibid., ch. VII.

(19) Voyez notre t. II, p. 113 sqq.

(20) V. 318 sq.

(21)  V. 308-357. Cf. Virg., Æn. III, 491 :

Et nunc, aequali tecum pubesceret aevo.

(22) V. 439 sqq. Cf. 342, 370 sqq.

(23)  Par exemple dans le discours apologétique du fils de Thésée à son père, Hippolyte v. 1011 sqq.; dans celui par lequel Jocaste s'efforce de réconcilier ses fils, Phoeniss., v. 528 sqq. Sophocle lui-même a pu être accusé de moraliser hors de propos, lorsqu'il a prêté à Créon se défendant contre les imputations d'OEdipe des raisons de ce genre, Œdip. Tyr., v. 574, sqq. Voyez, précédemment, t. lI,,p. 172; III, 59, 315 sq.

(24) V. 587-649.

(25)  Voyez Hippolyt., v. 710 sq., 889 sq; Med., 270 sq.; et, dans notre t. III, p. 57 sq., 130 sq.

(26) Ainsi, dans une admirable scène de l'Agamemnon d'Eschyle, v. 1236 sqq., Cassandre, près de sa fin, adresse à Apollon, dont l'amour et les funestes dons l'ont rendue si malheureuse, des reproches où semble percer un accent de tendresse. Voyez notre t. I, p. 324.

(27) V. 858-905.

(28)  V. 954-963.

(29) L'Oreste, par exemple. Voyez notre t. III, p. 268 sqq.

(30)  V. 1132 sqq.

(31) V. 1144 sqq.

(32) C'est l'opinion de Musgrave, de Prévost, peut-être de Barthélemy dans sa description de Delphes, il est question d'un repas sous une tente comme celle d'ion, avec les mêmes ornements (Anacharsis, ch. XXII).

(33)  V. 1158 sqq.

(34) Barnès, Beck, etc.

(35) V. 1368-1393.

(36)  Ainsi s'est opéré depuis, dans cette comédie que devaient amener les exemples d'Euripide, plus d'un dénouement. Voyez le Rudens de Plaute, imité par lui de Diphile, et sa Cistellaria, dont on ignore le modèle.

(37)  Partagées depuis, après l'expulsion des fils de Pisistrate, en dix, par Clisthène, comme le rapporte Hérodote, V, 66.

(38) Voyez sur l'Érechthée, t. I, p. 130 sqq.

(39) J. A. Hartung, ibid., p. 465 sqq.; 471 sqq.

(40) Voyez plus loin, livre IV, ch. XVIII et XIX.

(41) Voyez, sur cette tragédie, en dernier lieu, E. A. J. Ahrens, Sophocl. fragm., éd. F. Didot, 1842, p. 344 sqq.

(42) Pausan, Attic., XXVIII.

(43) Vit. Lysandr., c. 29, 30, 31.

(44) Athalie, acte I, sc. 2 ; II, 7.

(45 Dans le Nouveau Musée attique, publié avec Hottinger et Jacobs, de 1805 à 1809.

(46)  Ion, tragédie antique, Berlin, 1803.

(47). Comparaison entre la Phèdre de Racine et celle d'Euripide, 1807.

(48) Cours de littérature dramatique, 1808. En Allemagne, une réaction naturelle a fait expier à Schlegel ses jugements plus que sévères sur Euripide par des appréciations peu indulgentes de la pièce qu'il lui a empruntée. Voici comment s'exprime à ce sujet J. A. Hartung, ibid., p. 492: Magnam hæc fabula gratiam vel apud vituperatores Euripidis propter rerum elegantem implicationem iniit, quorum A. Gu. Schlegelius etiam imitatus est, sed perversissima rations; vide Herderum in opp. adartes ingenuas pertin. T. XVIII, p. 147.

(49)  Voyez plus haut, p. 8 sq.

(50) Plaut., Amphit., V, 1, 72 sqq.

(51) Dramaturgie, à l'endroit cité plus haut, p. 48.

(52) Ce poète, mort en 1785, a laissé en manuscrit le premier acte d'un Œdipe.

(53)  Voyez dans le Journal des Débats, n° du 8 avril 1854, l'intéressante nécrologie que lui a consacrée M. Philarète Chasles.