Rome, cité des jeux |
Introduction
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Avant d'entreprendre l'étude des textes relatifs
aux "jeux", il est important de rappeler quelques notions essentielles
à propos de l'origine, de l'importance, de l'organisation et des aléas de ce
que nous appelons communément aujourd'hui "jeux du cirque".
Ce bref rappel évitera que l'on se pose les mêmes questions à propos de
chaque texte et il éclairera la compréhension par l'explication préalable de
certains termes techniques.
1. ORIGINE DES JEUX
D'origine étrusque, les jeux avaient, au départ,
un caractère privé et ils étaient surtout offerts à l'occasion des funérailles
(ludi funebres).
En effet, les Romains avaient repris aux Etrusques l'usage barbare d'immoler sur
le tombeau des guerriers morts des prisonniers de guerre ou des esclaves.
En 264 ACN, aux funérailles de J. Brutus, ses fils, révoltés de la cruauté
de ces sacrifices humains et craignant néanmoins de manquer aux Mânes de leur
père, choisirent de faire combattre les captifs par couples autour du bûcher
funèbre. Les Romains s'engouèrent pour ces spectacles et les combats se
multiplièrent avec une telle profusion qu'Auguste et Tibère furent obligés de
régler par des lois sévères la durée des jeux et le nombre de ses acteurs.
Les ludi circenses sont en principe les jeux qui se déroulent au Cirque;
ils consistent en courses de chevaux. Les munera (devoirs rendus aux
morts) ou combats de gladiateurs ont lieu à l'amphithéâtre. Le plus célèbre
est sans conteste le COLISÉE (ou amphithéâtre flavien) de Rome qui pouvait
accueillir plus de 50.000 spectateurs. Il fut construit sur l'ordre de Vespasien
et inauguré en 80. Au fil du temps la spécialisation du Cirque et du Colisée
va s'effacer.
On le voit, de tels édifices capables d'accueillir, comme le Cirque, jusqu'à
250.000 personnes, pouvaient rivaliser avec les plus grands stades modernes.
2. ORGANISATION DES JEUX
La célébration des jeux relevait du culte et
avait originellement un caractère sacral : leur date figurait au calendrier
officiel et ils se déroulaient à l'occasion de grandes fêtes religieuses.
Mais il y avait aussi des jeux publics exceptionnels ou offerts par des
particuliers.
Les grands jeux annuels (au nombre de 6) revenaient à date fixe : parmi ceux-ci
les ludi Romani ou Magni, en l'honneur de Jupiter, célébrés
pour la première fois par Romulus (ils permirent l'enlèvement des Sabines),
les ludi Apollinares, dédiés à Apollon, les ludi Megalenses en
l'honneur de Cybèle, les Floralia en l'honneur de Flore et les Cerealia
en l'honneur de Cérès.
La saison des jeux commençait à l'équinoxe de printemps et finissait avant
l'hiver; pendant ces huit mois, 67 jours étaient consacrés aux jeux périodiques.
Mais ils vont se multiplier à la fin de la République, et, sous l'Empire, on
comptera jusqu'à 175 jours de jeux.
Sous la République, c'étaient les édiles qui avaient la charge d'organiser
les jeux et les plus importants étaient accompagnés de représentation théâtrales.
Sous l'Empire, lorsque le prince avait décidé de donner des jeux
extraordinaires, il nommait des curateurs aux jeux, chargés de les préparer.
Les dépenses des jeux étaient supportées par le Trésor mais bon nombre de
magistrats y laissèrent leur fortune dans le but de s'attirer la faveur du
peuple.
Les empereurs ont vite compris la dimension politique des jeux; c'était
l'occasion de manifester au peuple leur puissance et leur générosité. En plus
de l'occasion gratuite de se distraire, la foule y trouvait une recherche
d'originalité évidente : distribution de cadeaux, de repas gratuits, de fruits
exotiques, de vin... Et si les spectacles sont une occasion pour les empereurs
de se montrer à leurs sujets, ces derniers trouvent là le moyen de s'exprimer
(les assemblées populaires ont disparu) et de se sentir les maîtres du monde.
Constantin les supprimera en 325 de notre ère.
Les jeux commençaient par une procession religieuse (pompa) qui en
rappelait le caractère religieux. Cette procession accompagnait le président
(personne qui organisait les jeux) debout sur son char; elle traversait le Forum
dont les maisons et les monuments étaient décorés. Le défilé comprenait les
magistrats, les sénateurs, les athlètes, des musiciens, des enfants, des
danseurs, des chanteurs et les statues des dieux (portées dans des litières ou
sur les épaules) escortées par les prêtres. Des satyres et des silènes
couraient autour du cortège; aux carrefours, des marchands ambulants et des
mimes agrémentaient la cérémonie de leurs facéties.
Arrivée au cirque, la pompa faisait le tour de l'arène, les images des
dieux étaient installées sur la spina et un sacrifice était célébré.
3. LES JEUX DE GLADIATEURS
Après le défilé solennel, les combattants dont
des esclaves portaient les armes venaient saluer le prince de la fameuse formule
"Ave, Caesar, morituri te salutant".
Dès qu'un homme tombait, le public surexcité criait "Hoc habet (il
a son compte)" et son sort dépendait de l'humeur de la foule et de celle
du prince.
Si tous, le doigt levé, agitaient leurs mouchoirs et criaient : Mitte,
la mort était épargnée au vaincu; si, au contraire, ils tournaient le pouce
vers le bas (pollice verso) en hurlant "Jugula (égorge-le)",
le malheureux était achevé. Au départ, les gladiateurs étaient des
prisonniers de guerre, des esclaves, des malfaiteurs qui payaient ainsi leurs
crimes, mais parfois aussi des professionnels qui s'exerçaient à leur dur métier
dans des écoles spéciales (ludi), casernes organisées militairement,
sous la direction d'instructeurs (lanistae), d'entraîneurs, de médecins.
Mais plus tard on vit dans l'arène des sénateurs, des femmes et même certains
empereurs poussés là par l'attrait du sang, du danger, du succès.
Le moment où le gladiateur tombé allait être achevé par son adversaire était
théâtral : les hérauts du cirque annonçaient la mise à mort par des
sonneries de trompettes et le vainqueur, faisant tournoyer son épée d'un geste
triomphant, la plongeait dans la gorge du malheureux au milieu des acclamations.
Il y avait plusieurs sortes de gladiateurs :
- les rétiaires, simplement armés d'un filet et d'un trident
- les samnites lourdement équipés (épée, casque, bouclier long)
- les thraces plus légèrement armés (casque, sorte de cimeterre,
bouclier long)
- les gaulois appelés myrmillons sous l'empire.
Les uns luttaient à pied, les autres à cheval (equites) ou du haut d'un
char (essedarii). Ils s'affrontaient par couples, soit appariés, soit
disparates et tirés au sort.
4. LES COURSES DE CHARS
Les courses de chars constituaient un autre
attrait du cirque. Les cochers (aurigae, agitatores) conduisaient les
quadriges debout sur leur char et les meilleurs d'entre eux acquéraient une
grande popularité; leur nom était sur toutes les lèvres et dans tous les
coeurs.
Les auriges de métier étaient de basse condition mais, comme pour les
gladiateurs, la passion du cirque s'était emparée de la haute société et
l'empereur Néron descendit plusieurs fois dans l'arène comme cocher.
Les cochers portaient les couleurs des partis sportifs (factiones) , aux
quatre "factions" traditionnelles dont les couleurs représentaient,
à l'origine, les saisons (bleu "veneta" : hiver, vert
"praesina" : printemps, rouge "russata"
: été, blanc "albata" : automne), Domitien en ajouta
deux : la pourpre "purpurea" et la dorée "aurata".
Les cochers étaient coiffés d'un casque de métal et vêtus d'une courte et élégante
tunique de la couleur de leur "faction", maintenue au corps par des
sangles. Chaque "faction" avait ses fanatiques. Ainsi, Caligula avait
donné tout son coeur aux "verts".
La rivalité entre auriges était des plus vives et se muait fréquemment en
haines personnelles.
Les chars sortis des remises (carceres) et alignés, le signal du départ
était donné par le président à l'aide de la mappa, serviette blanche
qu'on jetait dans le cirque. Chaque course comprenait un certain nombre de tours
et le passage le plus difficile était le virage de la meta (borne de
pierre en forme de cône à pointe arrondie, placée à chacune des deux extrémités
de la spina élevée au milieu de l'arène dans le sens longitudinal).
Pour gagner du temps, il fallait prendre le tournant à la corde en essayant d'éviter
un véhicule rival ou la borne elle-même : un choc à cet endroit pouvait
briser le moyeu de la roue ou faire capoter le char (naufragium).
La course se déroulait dans le sens inverse des aiguilles d'une montre.
5. LES CHASSES
La première chasse (venatio) remonte aux
jeux organisés en 186 ACN.
C'étaient de véritables chasses aux fauves : tigres, panthères, lions affamés
sortaient des caves pour être mis à mort par le bestiarius après un
"jeu" qui peut nous faire penser aux corridas. Ou bien, excités les
uns contre les autres, ces animaux s'entretuaient à qui mieux mieux.
Le bestiaire combattait sans armure, vêtu seulement d'une tunique courte, les
jambes nues parfois couvertes de bandages.
C'est par centaines et même par milliers que les bêtes sauvages étaient
massacrées au cours de ces manifestations : 5.000 lors de l'inauguration de
l'amphithéâtre de Titus, 11.000 à l'occasion des victoires de Trajan en
Dacie!
6. LES COMBATS NAVALS (naumachiae)
Simulacre de combat naval, ce spectacle
typiquement romain était offert au peuple de façon exceptionnelle, comme
surcroît de fête par un grand personnage (César en 46, Sextus Pompée), mais
surtout par les empereurs du premier siècle PCN. Le combat est toujours censé
reproduire une bataille historique où s'affrontent gladiateurs et criminels revêtus
de costumes historiques.
Ils étaient 19.000 à la naumachie de Claude.
Le lieu de combat peut être une étendue d'eau naturelle comme le lac Fucin, un
bassin construit à cette effet, le stade ou l'amphithéâtre, inondés pour
l'occasion.
7. LES EXÉCUTIONS PUBLIQUES
Les exécutions publiques faisaient également
partie des jeux du cirque.
Les condamnés étaient jetés ad bestias ou mis à mort de façon
atroce. Parmi les mises en scène les plus appréciées qui accompagnaient les
exécutions, figuraient des spectacles qui finissaient par le meurtre ou le
massacre et la mort du protagoniste.
Ainsi, la reproduction, au réel, de la scène de Mucius Scaevola en présence
de Porsenna : un héroïque Mucius, impassible, se laissait brûler le bras sous
les yeux admiratifs des spectateurs remplis de sympathie. En réalité, il ne
pouvait faire autrement sous peine d'être brûlé vif dans une cape de poix.
D'autres finissaient sur la croix après maintes atrocités. C'est ainsi aussi
que les premiers chrétiens furent amenés dans l'arène pour y
"combattre" des fauves.
Cet abominable engouement des Romains pour les jeux du cirque nous fait horreur.
Ces spectacles de violence et de sang déchaînaient les pires instincts et la
foule, excitée par sa soif de crimes autant que par son esprit de compétition,
donc de volonté d'écraser l'autre, devenait incontrôlable.
Tacite rapporte un incident tragique qui se produisit sous Néron au cours de
jeux à Pompéi.
Les Pompéiens et les Nucériens, venus en grand nombre assister aux spectacles
de l'amphithéâtre, se mirent à échanger des railleries. Les esprits s'échauffèrent.
On en vint aux mains : on se lança d'abord des pierres puis, on se battit à
coups de couteaux. Une mêlée furieuse s'ensuivit et les Nucériens, inférieurs
en nombre, eurent le dessous. Ils abandonnèrent le terrain en laissant des
morts et des blessés. Néron punit les Pompéiens en interdisant les jeux pour
dix ans mais des graffiti sur les murs témoignent, aujourd'hui encore, de la
fierté ressentie par les habitants de la ville lors de cette affaire.