Le droit romain à travers le temps

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Période royale
Épisode des Horaces et des Curiaces : le procès d'Horace

TITE-LIVE : Tite-Live est né à Padoue, mais a vécu à Rome au temps d'Auguste. C'était un honnête homme, un patriote enthousiaste, un admirateur du temps passé ; il est l'auteur d'une Histoire romaine en 142 livres allant des origines de Rome jusqu'à 9 P.C.N. et dont il reste 35 livres.

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Sous le règne de Tullus Hostilius (672-640), une guerre éclate entre Rome et Albe-la-Longue. Les deux cités sont parentes et la guerre semble fratricide. Pour éviter une trop grande effusion de sang, on décide de confier le sort de la guerre à trois champions de chaque parti, les Horaces pour Rome, les Curiaces pour Albe. Rome l'emporte : les trois Curiaces sont tués, un seul Horace survit et rentre en triomphe dans la ville. Il tue sa soeur qui pleure un des Curiaces, son fiancé; pour ce crime, il doit être jugé.

 Atrox visum est id facinus patribus plebique, sed recens meritum facto obstabat. Tamen raptus in ius ad regem. Rex, ne ipse tam tristis ingratique ad vulgus iudicii, ac, secundum iudicium, supplicii auctor esset, concilio populi advocato : "Duumviros", inquit, "qui Horatio perduellionem iudicent, secundum legem facio". Lex horrendi carminis erat : duumviri perduellionem iudicent; si a duumviris provocarit, provocatione certato; si vincent, caput obnubito ; infelici arbori reste suspendito; verberato vel intra pomerium vel extra pomerium. Hac lege duumviri creati, qui se absolvere non rebantur ea lege, ne innoxium quidem, posse; cum condemnassent, tum alter ex iis : "P. Horati, tibi perduellionem iudico", inquit; "i, lictor, colliga manus." Accesserat lictor iniiciebatque laqueum. Tum Horatius, auctore Tullo, clemente legis interprete : "Provoco", inquit. Ita provocatione certatum ad populum est.

 vocabulaire

Ce crime (d'Horace) parut atroce aux patriciens et aux plébéiens, mais son mérite récent s'opposait à son acte. Malgré tout, on le traîna devant le tribunal royal. Mais le roi, lui, ne souhaitait pas prendre l'initiative d'un procès si regrettable et si impopulaire, nin non plus celle du supplice qui suivrait le jugement; aussi convoqua-t-il l'assemblée populaire. "Je nomme, dit-il, conformément à la loi, des duumvirs chargés de juger Horace pour haute trahison". Cette loi était formulée en termes effrayants : "Que les duumvirs jugent la haute trahison; s'il y a appel contre eux, qu'un débat s'engage grâce au droit d'appel; si les duumvirs l'emportent, qu'on voile la tête du coupable; qu'on le suspende par une corde au poteau d'infamie; qu'on le frappe soit à l'intérieur, soit à l'extérieur du pomérium". Par celle loi furent donc nommés les duumvirs : ils estimaient qu'avec une telle loi, ils ne pouvaient absoudre même un innocent. Comme ils avaient prononcé la condamnation, l'un d'eux déclara : "Publius Horatius, je te déclare coupable de haute trahison. Va, licteur, lie-lui les mains". Le licteur s'était approché et déjà lui passait la crode. Horace alors, sur le conseil de Tullus, interprète clément de la loi, dit : "Je fais appel". Et ainsi, grâce au droit d'appel, le débat s'engagea devant le peuple. TITE-LIVE, I,26, 5-8.
in ius rapere : traîner en justice
ingratus
ad
+ Acc : mal vu de
secundum
+ Acc :
lieu : le long de , temps : immédiatement après , fig. : selon, d'après
iudicare
alicui perduellionem : déclarer quelqu'un coupable d'attentat contre l'Etat
provocarit
= provocaverit (ad populum)
le sujet est reus sous-entenduhorrendi carminis : génitif de qualité ou explicatif
si vincent (duumviri)
caput obnubito (ei lictor)
certato, obnubito, suspendito, verberato
: impératifs futurs, 3ème Sing (archaïsme fréquent dans les textes de loi)
obnubito caput
: le condamné a la tête voilée parce qu'il est consacré aux divinités infernales

FUSTEL DE COULANGES, La Cité Antique, Hachette, 1952, p. 218, évoque les premiers temps du droit:

"Chez les Grecs et chez les Romains, comme chez les Hindous, la loi fut d'abord une partie de la religion. Les anciens codes des cités étaient un ensemble de rites, de prescriptions liturgiques, de prières, en même temps que de dispositions législatives. Les règles du droit de propriété et du droit de succession y étaient éparses au milieu des règles relatives aux sacrifices, à la sépulture et au culte des morts".

A cette époque, le rôle du roi dans l'Etat est fort comparable à celui du père dans la famille :

1) Le pater familias a tous les droits sur les meubles morts ou vivants (= esclaves, animaux) et les personnes. Si on envisage la peine de mort pour la femme ou les enfants, il doit consulter le conseil des proches mais n'est pas tenu de suivre leur avis. (cf. GIRARD, Manuel élémentaire de droit romain, Rousseau, 1911).

2) Le roi est dans la même situation : son conseil est le sénat, dont il n'est pas obligé non plus de suivre les avis. Cette royauté n'est pas absolue : le roi ne peut changer la loi sans l'accord des comices curiates.

Pour certains auteurs (notamment FUSTEL DE COULANGES, p. 223), des lois écrites auraient déjà existé à l'époque royale, mais en très petit nombre, brièvement formulées et conservées dans les livres sacrés. Pour d'autres, le droit n'est pas écrit avant les XII Tables (cf. VILLERS, Rome et le droit privé, pp. 20-21); existe seul le ius non scriptum (= mos maiorum) : cette tradition gardera toujours le droit au plus grand respect:

JULIEN, Digestes, L. 84 (= D.1.,3,32) :

"Dans les affaires pour lesquelles on ne s'appuie pas sur des lois écrites, il faut suivre ce qui a été introduit par les moeurs et la coutume; et si cela fait défaut, alors on se rapportera à des solutions analogues; et si cela aussi manque, alors on suivra le droit appliqué à Rome. La coutume invétérée est non sans raison gardée comme une loi; c'est ce que nous appelons le droit établi par les moeurs. En effet, puisque les lois ne nous obligent que parce qu'elles ont été reçues par une décision du peuple, c'est à bon droit que tous doivent tenir ce que le peuple a approuvé sans que ce soit mis par écrit. Quelle différence, en effet, y a-t-il à ce que le peuple exprime sa volonté par un vote ou par des actes et des faits ?

C'est pourquoi il est admis de la façon la plus régulière que les lois sont abrogées non seulement par le vote ou par le législateur mais aussi par un consentement tacite général, qui est la désuétude". (cf. GAUDEMET, Le droit privé romain, Libr. Armand Colin, p. 212, texte 4).

Les premières lois, dites "lois royales" ne peuvent être attribuées aux rois légendaires dont elles portent le nom. Leur nature et leur date sont discutées. Ainsi on attribue à Romulus l'organisation du patronat (pour souder deux classes qui tendaient déjà à s'opposer: devoir essentiel du patron = assistance en justice, qui donne naissance au métier d'avocat - nombreux devoirs du client), la réglementation de l'exposition des nouveaux-nés (cf. DENYS D'HALICARNASSE, II, 15,2) et de la répudiation :

PLUTARQUE, Romulus, 22,3 : "Romulus établit aussi plusieurs lois, entre autres une loi rigoureuse qui défendait à la femme d'abandonner son mari, mais permettait au mari de répudier sa femme pour cause d'empoisonnement d'enfant, ou de subsitution de clefs, et pour cause d'adultère. S'il la renvoyait pour un autre motif, la loi ordonnait qu'une partie de son bien fût dévolue à sa femme et l'autre consacrée à Déméter; s'il avait répudié sa femme, il devait offrir un sacrifice aux dieux infernaux". (trad. Budé)

Quant au droit d'appel (provocatio), il est présenté comme existant déjà à l'époque royale; en fait, il est sans doute beaucoup plus récent.

Toutes ces lois sont donc très peu sûres. Avec les XII Tables, nous arriverons sur un terrain plus solide.

 
 a, prép. : + Abl. : à partir de, après un verbe passif = par
absoluo, is, ere, solui, solutus : laisser libre, acquitter
ac, conj. : et, et aussi
accedo, is, ere, cessi, cessum : 1. aller vers, s'approcher de, marcher sur 2. venir s'ajouter, s'ajouter
ad, prép. : + Acc. : vers, à, près de
aduoco, as, are : convoquer, appeler
alter, era, erum : autre de deux
arbor, oris, f. : l'arbre
atrox, ocis : 1 - funeste, effrayant, dur, cruel, atroce, violent, impitoyable, farouche. - 2 - en bonne part : rigide, inflexible, rigoureux. - 3 - énergique, violent (style).
auctor, oris, m. : 1. le garant 2. la source 3. le modèle 4. l'auteur, l'instigateur
caput, itis, n. :1. la tête 2. l'extrémité 3. la personne 4. la vie, l'existence 5. la capitale
carmen, minis, n. : - a - le chant (vocal ou instrumental). - b - le vers, le poème, la partie d'un poème, la poésie, la poésie lyrique, le chant. - c - la prédiction. - d - les paroles magiques, l'enchantement, le charme. - e - la formule (religieuse ou judiciaire), la sentence, la maxime, l'article (d'une loi).
certo, as, are : combattre, concourir
clemens, entis, adj. : doux, bon, clément, indulgent, paisible
colligo, is, ere, legi, lectum :1. recueillir, ramasser 2. rassembler, relever, réunir 3. resserrer, contracte - colligo,as, are : - a - attacher, lier ensemble, réunir, unir. - b - lier, enchaîner, entraver.
concilium, ii, n. : - 1 - la jonction, la réunion, l'assemblage, la société. - 2 - l'assemblée délibérante, le conseil. - 3 - le ressort judiciaire, la juridiction. - 4 - le liseron (plante).
condemno, as, are : condamner
creo, as, are : 1. créer, engendrer, produire 2. nommer un magistrat
cum, inv. :1. Préposition + abl. = avec 2. conjonction + ind. = quand, lorsque, comme, ainsi que 3. conjonction + subj. : alors que
duumuir, duumuiri, m. : le duumvir (membre d'une commission de deux personnes)
ea, 1. ablatif féminin singulier, nominatif ou accusatif neutres pluriels de is, ea, id (ce, cette, le, la...) 2. adv. : par cet endroit
eo, is, ire, iui, itum : aller
ex, prép. : + Abl. : hors de, de
extra, prép. + acc. : en dehors de, à l'exception de adv. : au dehors, à l'extérieur (extra quam : excepté que, à moins que)
facinus, oris, n. : 1. l'action, l'acte 2. le forfait, le crime
facio, is, ere, feci, factum : faire
factum, i, n. : le fait, l'action, le travail, l'ouvrage
hic, haec, hoc : adj. : ce, cette, ces, pronom : celui-ci, celle-ci
Horatius, ii, m. : Horace
horrendus, a, um : horrible, terrible, terrifiant
id, nominatif - accusatif neutre singulier de is, ea, is : il, elle, le, la, ce, ....
iis, datif ou ablatif pluriels de is, ea, id : le, la, les, lui... ce,..
in, prép. : (acc. ou abl.) dans, sur, contre
infelix, icis : - 1 - improductif, infécond, stérile. - 2 - qui essuie des échecs, malheureux, infortuné. - 3 - qui rend malheureux, déplorable, misérable, triste. - 4 - qui porte malheur, de mauvais augure, sinistre, fatal, funeste.
ingratus, a, um : 1 - désagréable, déplaisant, pénible. - 2 - ingrat, non reconnaissant; qui ne rapporte pas, infructueux, stérile, qui ne répond pas à l'attente. - 2 - qui a éprouvé de l'ingratitude, qu'on a payé d'ingratitude.
iniicio, is, ere, ieci, iectum :- tr. - 1 - jeter dans ou sur, jeter. - 2 - mettre sur, appliquer, adapter. - 3 - jeter, envoyer, inspirer, susciter.
innoxius, a, um : 1 - qui ne fait pas de mal, inoffensif. - 2 - innocent, honnête. - 3 - sans subir de mal, intact, non endommagé. - 4 - probe, vertueux.
inquit, vb. inv. : dit-il, dit-elle
interpres, etis, m. : l'intermédiaire, le négociateur, l'interprète, le traducteur
intra, prép. : + acc. : à l'intérieur de
ipse, a, um : (moi, toi, lui,...) même
ita, adv. : ainsi, de cette manière ; ita... ut, ainsi que
iudicium, ii, n. : le jugement, la décision, le procès (devant un tribunal)
iudico, as, are : 1. juger, faire office de juge 2. rendre un jugement 3. requérir 4. décider
ius, iuris, n. : le droit, la justice
laqueus, i, m. : le lacet, le filet
lex, legis, f. : la loi, la (les) condition(s) d'un traité
lictor, oris, m. : le licteur
manus, us, f. : la main, la petite troupe
meritum, i, n. : le mérite, la conduite
ne, 1. adv. : ... quidem : pas même, ne (défense) ; 2. conj. + subj. : que (verbes de crainte et d'empêchement), pour que ne pas, de ne pas (verbes de volonté) 3. adv. d'affirmation : assurément 4. interrogatif : est-ce que, si
non, neg. : ne...pas
obnubo, is, ere, nupsi, nuptum : couvrir d'un voile
obsto, as, are, stiti, staturus : faire obstacle à, gêner
P, abréviation de Publius
pater, tris, m. : le père, le magistrat
perduellio, ionis, f. : le crime de haute trahison
plebs, plebis, f. : la plèbe
pomerium, i, n. : le pomérium (espace consacré en dehors des murs de Rome, où il n'était pas permis ni de bâtir, ni de cultiver)
populus, i, m. : 1. le peuple - 2. f. : le peuplier
possum, potes, posse, potui : pouvoir
prouocatio, ionis, f. : 1. la provocation, le défi 2. l'appel, le droit d'appel
prouoco, as, are : appeler dehors, provoquer, exciter, rivaliser ; en appeler , prendre partie
qui, 1. nominatif masculin singulier ou nominatif masculin pluriel du relatif 2. idem de l'interrogatif 3. après si, nisi, ne, num = aliqui 4. faux relatif = et ei 5. interrogatif = en quoi, par quoi
quidem, adv. : certes (ne-) ne pas même
rapio, is, ere, rapui, raptum : 1. emporter 2. ravir, voler, piller 3. se saisir vivement de
recens, entis : frais, jeune, récent, dispos
reor, reris, reri, ratus sum : - 1 - compter, calculer. - 2 - penser, croire, juger, estimer.
restis, is, f. : la corde
rex, regis, m. : le roi (Rex, Regis : Rex)
se, pron. réfl. : se, soi
secundum, A - adv : derrière, en second lieu; immédiatement après. B - + acc. : - 1 - après, à la suite de, derrière (en parl. d'un lieu). - 2 - après, immédiatement après (en parl. du rang). - 3 - après (en parl. du temps). - 4 - en suivant, le long de, auprès de. - 5 - au fig. selon, suivant, conformément à, en conséquence de, en faveur de, à l'avantage de.
sed, conj. : mais
si, conj. : si
si, conj. : si
sum, es, esse, fui : être
supplicium, i, n. : l'offrande, le sacrifice, la peine, le supplice
suspendo, is, ere, di, sum : suspendre
tam, adv. : si, autant
tamen, adv. : cependant
tristis, e : 1. triste, affligé 2. sombre, sévère, morose
tu, tui : tu, te, toi
Tullus, i, m. : Tullus (troisième roi de Rome)
tum, adv. : alors
uel, adv. : ou, ou bien, même, notamment (uel... uel... : soit... soit...)
uerbero, as, are : - tr. - frapper, battre, fouetter, maltraiter (en paroles), rabrouer
uideo, es, ere, uidi, uisum : voir (uideor, eris, eri, uisus sum : paraître, sembler)
uinco, is, ere, uici, uictum : vaincre
uulgus, i, n. : la foule, le commun des hommes (in uulgus : dans la foule, dans le public)
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