Vivre avec ou sans dieux?

 

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Rien ne naît de rien

LUCRECE : Disciple d'Epicure (342-270 A.C.N.) et, à travers celui-ci, de Démocrite (né vers 460 A.C.N.), il a écrit un poème philosophique et didactique en 6 chants De rerum natura à la gloire d'Epicure et de sa conception du monde. Resté à l'écart de la vie troublée de son époque, il a une ambition : libérer l'humanité par la connaissance. En s'inspirant de la doctrine d'Epicure, il tente d'arracher l'homme à ses passions, à ses craintes, à ses superstitions. La morale épicurienne est fondée sur la sensation, sur le réel; les dieux sont relégués loin de la terre, ils ne sont pas intervenus dans la création de l'univers (ils n'en ont pas besoin et il est mal fait), ils ne s'occupent pas des affaires humaines.
Lucrèce veut anéantir chez les hommes la terreur que leur inspirent les dieux. Pour cela, il se fonde sur un principe de la physique d'Epicure : tout, dans la nature, est formé par des agrégats d'atomes, sans intervention divine.
Dans le chant I, après une invocation à Vénus, source de toute vie, Lucrèce expose les principes qu'Epicure a reconnus dans le monde:
1. Rien ne naît de rien, rien ne s'anéantit;
2. La matière est faite d'atomes et de vide;
3. En dehors des atomes et du vide, il n'y a rien.

 Hunc igitur terrorem animi tenebrasque necessest
non radii solis neque lucida tela diei
discutiant, sed naturae species ratioque.
Principium cuius hinc nobis exordia sumet,
nullam rem e nihilo gigni divinitus unquam.
Quippe ita formido mortales continet omnes,
quod multa in terris fieri caeloque tuentur
quorum operum causas nulla ratione videre
possunt, ac fieri divino numine rentur.
Quas ob res, ubi viderimus nil posse creari
de nihilo, tum quod sequimur iam rectius inde
perspiciemus, et unde queat res quaeque creari,
et quo quaeque modo fiant, opera sine divum.

LUCRÈCE
, de rerum natura, I, 146-158

necesse est : est construit sans "ut" (parataxe)
quorum operum : rejet de l'antécédent dans la proposition relative et attraction de l'antécédent au cas du pronom relatif = opera quorum

     vocabulaire

Ce ne sont pas les rayons du soleil ni les traits lumineux du jour qu’il faut pour dissiper cette terreur et ces ténèbres de l'âme mais la vision de la nature et son explication raisonnée. Le principe dont nous nous servirons comme point de départ, c'est que rien ne peut être engendré de rien par une intervention divine. Car si la crainte retient tous les mortels, c'est que sur la terre et dans le ciel ils voient beaucoup de choses dont ils ne peuvent en aucune façon apercevoir les causes et ils pensent que cela arrive par une puissance divine. C’est pourquoi, quand nous aurons vu que rien ne naît de rien, alors nous verrons plus facilement ce que nous cherchons : d’où provient chaque chose et comment toutes choses se forment, sans l’aide des dieux.

LUCRÈCE, de rerum natura, I, 146-158

 

L'avenir de la science

Si, comme Burke l'a soutenu, "notre ignorance des choses de la nature était la principale cause de l'admiration qu'elles nous inspirent, si cette ignorance devenait pour nous la source du sentiment du sublime", on pourrait se demander si les sciences modernes, en déchirant le voile qui nous dérobait les forces et les agents des phénomènes physiques, en nous montrant partout une régularité assujettie à des lois mathématiques, et par conséquent sans mystère, ont avancé la contemplation de l'univers, et servi l'esthétique, en même temps qu'elles ont servi la connaissance de la vérité. Sans doute les patientes investigations de l'observateur, les chiffres qu'accumule l'astronome, les longues énumérations du naturaliste ne sont guère propres à éveiller le sentiment du beau : le beau n'est pas dans l'analyse ; mais le beau réel, celui qui ne repose pas sur les fictions de la fantaisie humaine, est caché dans les résultats de l'analyse. Disséquer le corps humain, c'est détruire sa beauté ; et pourtant, par cette dissection, la science arrive à y reconnaître une beauté d'un ordre bien supérieur et que la vue superficielle n'aurait pas soupçonnée. Sans doute ce monde enchanté, où a vécu l'humanité avant d'arriver à la vie réfléchie, ce monde conçu comme moral, passionné, plein de vie et de sentiment, avait un charme inexprimable, et il se peut qu'en face de cette nature sévère et inflexible que nous a créée le rationalisme, quelques-uns se prennent à regretter le miracle et à reprocher à l'expérience de l'avoir banni de l'univers. Mais ce ne peut être que par l'effet d'une vue incomplète des résultats de la science. Car le monde véritable que la science nous révèle est de beaucoup supérieur au monde fantastique créé par l'imagination. On eût mis l'esprit humain au défi de concevoir les plus étonnantes merveilles, on l'eût affranchi des limites que la réalisation impose toujours à l'idéal, qu'il n'eût pas osé concevoir la millième partie des splendeurs que l'observation a démontrées. Nous avons beau enfler nos conceptions, nous n'enfantons que des atomes au prix de la réalité des choses.

Ernest RENAN (1830)

ac, conj. : et, et aussi
animus, i, m. : le coeur, la sympathie, le courage, l'esprit
caelum, i, n. : le ciel
causa, ae, f. : la cause, le motif; l'affaire judiciaire, le procès; + Gén. : pour
contineo, es, ere, tinui, tentum : contenir, maintenir
creo, as, are : 1. créer, engendrer, produire 2. nommer un magistrat
cuius, 1. GEN. SING. du pronom relatif 2. idem de l'interrogatif 3. faux relatif = et eius 4. après si, nisi, ne, num = et alicuius
de, prép. + abl. : au sujet de, du haut de, de
dies, ei, m. et f. : le jour
discutio, is, ere, ussi, ussum : dissiper
divinitus, adv. : d'origine divine
divinus, a, um : divin
divum, = deorum
divus, a, um : divin
e, prép. : + Abl. : hors de, de
et, conj. : et. adv. aussi
exordium, i, n. : le début
fio, is, fieri, factus sum : devenir, passif de facere : être fait
formido, inis, f. : la crainte, la peur, l'effroi, la terreur
gigno, is, ere, genui, genitum : engendrer, faire naître
hic, haec, hoc : adj. : ce, cette, ces, pronom : celui-ci, celle-ci
hinc, adv. : d'ici
iam, adv. : déjà, à l'instant
igitur, conj. : donc
in, prép. : (acc. ou abl.) dans, sur, contre
inde, adv. : de là, donc
ita, adv. : ainsi, de cette manière ; ita... ut, ainsi que
lucidus, a, um : brillant, éclatant, plein de lumière
modus, i, m. : la mesure, la limite, la manière
mortalis, e : mortel
multus, a, um : en grand nombre (surtout au pl. : nombreux)
natura, ae, f. : la nature
necesse, adj. inv. : inévitable, inéluctable, nécessaire
neque, adv. : et ne pas
nihilum, i, n. : rien
nil, indéfini : rien
non, neg. : ne...pas
nos, nostrum : nous, je
nullus, a, um : aucun
numen, inis, n. : l' assentiment, la volonté ; la volonté des dieux, la puissance divine; un dieu, une divinité
ob, prép. : + Acc : à cause de
omnis, e : tout
opera, ae, f. : le soin, l'effort (operam dare : se consacrer à)
opus, operis, n. : le travail (opus est mihi = j'ai besoin)
perspicio, is, ere, spexi, spectum : examiner
possum, potes, posse, potui : pouvoir
principium, ii, n. : 1. le commencement 2. le fondement, l'origine (principia, orum : la première ligne, le quartier général)
quaeque, NFS ou NFPL ou NNPL ou ACCNPL de quisque : chaque, chacun
quas, 1. ACC. FEM. PL. de pronom relatif. 2. ACC. FEM. PL. de l'adjectif ou du pronom interrogatif. 3. Après si, nisi, ne, num = aliquas 4. Faux relatif = et eas.
queo, is, ire, ii ou ivi, itum : pouvoir
quippe, inv. : car, assurément
quo, 1. Abl. M. ou N. du pronom relatif. 2. Abl. M. ou N. du pronom ou de l'adjectif interrogatif. 3. Faux relatif = et eo. 4. Après si, nisi, ne, num = aliquo. 5. Adv. =où ? (avec changement de lieu) 6. suivi d'un comparatif = d'autant 7. conj. : pour que par là
quod, 1. pronom relatif nom. ou acc. neutre singulier : qui, que 2. faux relatif = et id 3. conjonction : parce que, le fait que 4. après si, nisi, ne, num = aliquod = quelque chose 5. pronom interrogatif nom. ou acc. neutre sing. = quel?
quorum, 1. GEN. MASC. ou N. PL. du relatif. 2. GEN. MASC. ou N. PL. de l'adjectif ou du pronom interrogatif. 3. Après si, nisi, ne, num = aliquorum. 4. Faux relatif = et eorum.
radius, ii, m. : le rayon
ratio, onis, f. : la raison, le raisonnement, le compte
rectius, adv. : mieux, plus correctement
reor, reris, reri, ratus sum : croire
res, rei, f. : la chose, l'événement, la circonstance, l'affaire judiciaire; les biens
sed, conj. : mais
sequor, eris, i, secutus sum : 1. suivre 2. poursuivre 3. venir après 4. tomber en partage
sine, prép. : + Abl. : sans
sol, solis, m. : le soleil
species, ei, f : l'apparence, l'aspect
sum, es, esse, fui : être
sumo, is, ere, sumpsi, sumptum : 1. prendre, se saisir de 2. choisir 3. s'arroger, s'attribuer 4. admettre
telum, i, n. : le trait (javelot ou flèche)
tenebrae, arum, f. : les ténèbres
terra, ae, f. : la terre
terror, oris, m. : la terreur, l'effroi, l'épouvante
tueor, eris, eri, tuitus sum : 1. regarder, observer 2. veiller sur, protéger
tum, adv. : alors
ubi, adv. : où; conj. quand
video, es, ere, vidi, visum : voir (videor, eris, eri, visus sum : paraître, sembler)
unde, adv. : d'où?
unquam, inv. : une seule fois ; avec une négation : jamais
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