Flodoard ORDERIC VITAL

 

HISTOIRE DE NORMANDIE

 

DEUXIEME PARTIE : LIVRE V (PARTIE I)

livre IV partie II - LIVRE V : PARTIE II

Œuvre mise en page par Patrick Hoffman

Texte latin de Migne.

 

ORDERIC VITAL

COLLECTION

DES MÉMOIRES

RELATIFS

A L'HISTOIRE DE FRANCE.

 

HISTOIRE DE NORMANDIE,

PAR ORDERIC VITAL, TOME II.

 

 

 

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LIBER QUINTUS.

I. Prologus.

Majorum exempla sectantes, lethale otium indesinenter debemus devitare, utilique studio et salubri exercitio ferventer insudare: quibus intenta mens a vitiis emundatur et in omne nefas vitali disciplina gloriose armatur. In desideriis est, ut ait Salomon, omnis otiosus (76) . Et: Desideria occidunt pigrum (Prov. XXI, 25) . Piger nimirum et otiosus est, qui, bona voluntate carens, sponte vitiis submissus est. Miserabiliter segnitie premi judicatur, qui in lege Domini die ac nocte, id est in prosperis et adversis, non meditatur, nec insidiis seu luctatibus Satanae reluctando resistere conatur, ut supernae vocationis bravium adipisci mereatur. Hunc procul dubio nociva desideria occidunt, dum in bono torpentem ad scelus pertrahunt, et per amplam proprii libitus viam in barathrum perditionis immergunt. Majores igitur nostri pigritiam et otiositatem, animae inimicam, penitus condemnant, suosque sequaces ad commodum laborem et exercitium verbis et exemplis invitant. Et in hac re non solum Christiani, sed etiam poetae gentiles consonant. Ait enim Virgilius:

Quid labor aut benefacta juvant? labor omnia vincit
Improbus, et duris urgens in rebus egestas .

Ovidius quoque libidini resistere volentem sic instruit contra Venerem, dicens:

Otia corrodunt mentes et corpora frangunt.
Fac fugias monitis otia prima meis.
Otia si tollas, periere Cupidinis arcus,
Contemptaeque jacent et sine luce faces .

Haec et alia hujusmodi diligenter perpendens, pater Guarine, aliquid quod aliquibus in domo Dei fidelibus prosit seu placeat, decrevi simpliciter edere, arreptum vero sedimen vigilanter tenere, ne cum servo torpente pro absconso in terra talento damner, Domino ad judicium veniente. Primo itaque praeceptis venerandi Rogerii abbatis, et postea vestris optavi parere, opusculum incipiens de statu Uticensis Ecclesiae, quod priores nostri sese mutuo exhortati sunt facere, sed nullus eorum voluit hoc incipere. Nam quisque silere quam loqui maluit, et securam quietem edaci curae transactas res indagandi praeposuit. Libenter quippe legissent actus abbatum, fratrumque suorum, et parvarum collectionem rerum suarum, quae ab egenis sed devotis fundatoribus tenuiter auctae sunt ingenti sollicitudine Patrum; sed ad dictandi seu scribendi sedimen suum renuerunt curvare ingenium. Tandem ego de extremis Merciorum finibus decennis Angligena huc advectus, barbarusque et ignotus advena callentibus indigenis admistus, inspirante Deo, Normannorum gesta et eventus Normannis promere scripto sum conatus. Jam duos, opitulante Deo, libellos edidi, quibus de reparatione sedis nostrae et de tribus abbatibus nostris, cum quibusdam casibus temporis illius breviter inserui, veraciter allegans, prout ab annosis senioribus diligenter exquisivi.

Amodo tertium ab anno Incarnationis Dominicae 1075 libellum exordiar, et de abbate meo ac Uticensi concione et de rebus per XII annos, scilicet usque ad Guillelmi regis obitum, gestis loquar. A praefato nempe anno placet inchoare praesens opusculum, quo in hanc lucem XIV Kalendas Martii matris ex utero profusus sum, Sabbatoque sequentis Paschae apud Ettingesham, in ecclesia Sancti Eattae confessoris, quae sita est super Sabrinam fluvium, per ministerium Ordrici sacerdotis sacro fonte renatus sum. Post quinquennium Siwardo nobili presbytero litteris erudiendus a genitore traditus sum, cujus magisterio prima percipiens rudimenta quinque annis subjugatus sum. Undecimo autem aetatis meae anno pro amore Dei a proprio genitore abdicatus sum, et de Anglia in Normanniam tenellus exsul, ut aeterno regi militarem, destinatus sum. Deinde a venerabili Patre Mainerio susceptus, monachilis habitus trabea togatus, sinceroque monachorum conventui foedere indissolubili sociatus, jam XLII annis leve jugum Domini gratanter bajulavi, et cum coaevis meis, secundum Regulae institutionem, in via Dei pro posse meo alacriter ambulavi; ecclesiasticum morem et servitium ediscere laboravi, et semper ad aliquid utile ingenium applicavi.

Si pontifices nostri aliique rectores orbis tantae sanctitatis essent ut pro illis et per illos miracula divinitus fierent, sicut olim ab antiquis Patribus crebro facta sunt, atque sparsim diffusa per codices, lectorum corda suaviter imbuunt, et gloriam priorum miranda magistrorum signa praesentibus recolunt, excusso torpore, memetipsum exercerem, et digna relatu notitiae posterorum avidae scripto transmitterem.

Verum quia nunc est illa tempestas, qua multorum refrigescit charitas et abundat iniquitas, sanctitatis indicia cessant miracula, et multiplicantur facinora ac luctuosa in mundo querimonia. Historiographis ad scribendum uberius thema dant praesulum litigia et cruenta principum praelia, quam theologorum syntagmata, vel xerophagorum parcimonia sive prodigia. Antichristi tempus appropinquat, ante cujus faciem, ut Dominus beato Job insinuat, praecedet egestas miraculorum, nimiumque in his qui carnaliter amant seipsos, grassabitur rabies vitiorum. Nunc audacter in nomine Domini prosequar quod coepi, venerabilis abba, benigniter fisus quod vestra corriget solertia quidquid mea deliquerit inscitia.

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LIVRE CINQUIÈME.

 

Imitateurs fidèles de nos ancêtres, nous devons sans cesse éviter la dangereuse oisiveté, et nous livrer avec ferveur aux études utiles et aux salutaires exercices: l'ame occupée de ces choses se purifie des vices, et se trouve glorieusement armée, contre tous les crimes, d'une sagesse pleine de vie. Tout homme oisif, comme dit Salomon, est en proie à ses desirs. Et, comme il le dit encore, les desirs tuent le paresseux. Celui-là est paresseux et oisif qui, manquant de bonne volonté, se livre de lui-même aux vices. On juge que la paresse accable misérablement l'homme qui ne médite pas jour et nuit, c'est-à-dire, dans le bonheur comme dans l'adversité, les saintes lois du Seigneur, et qui n'essaie pas de résister, en luttant fortement, aux piéges et aux attaques de Satan, afin de mériter le prix de sa vocation céleste. De coupables desirs donnent, sans nul doute, la mort à celui qui, engourdi dans la prospérité, se laisse entraîner au crime et se plonge, par la voie oblique de ses propres passions, dans le gouffre de la perdition. Aussi nos ancêtres condamnent, comme véritablement ennemies, la paresse et l'oisiveté de l'ame, et engagent par les paroles et par l'exemple leurs sectateurs à se livrer aux avantages du travail et de l'étude. Sur ce point non seulement les chrétiens, mais aussi les poètes gentils sont parfaitement d'accord. En effet, Virgile s'exprime ainsi:

Quid labor, aut benefacta juvant?.........

......... Labor omnia vincit

Improbus, et duris urgens in rebus egestas1.

Ovide aussi nous instruit contre Vénus, si nous voulons résister à nos passions; il dit:

Otia corrodunt mentes et corpora frangunt.

Fac fugias monitis otia prima meis.

Otia si tollas, periere Cupidinis arcus,

Contemptœque jacent, et sine luce, faces2.

Père Guérin, en considérant attentivement ces choses et plusieurs autres du même genre, je me suis déterminé à mettre au jour avec simplicité un travail utile et agréable aux fidèles de la maison de Dieu, et à observer avec vigilance les maximes que j'en recueillerais, afin que, lorsque le Seigneur procédera au jugement dernier, je ne sois pas condamné pour avoir caché mon talent dans la terre, comme le serviteur négligent. J'ai desiré obéir d'abord aux ordres du vénérable abbé Roger, et ensuite me conformer aux vôtres, en commençant, sur l'état de l'église d'Ouche, cet opuscule que nos prieurs se sont mutuellement engagés à faire, mais qu'aucun d'eux n'a jusqu'à présent entrepris. Chacun a mieux aimé garder le silence que parler, et préféré un tranquille loisir aux soins dévorans qu'exige la recherche des choses passées. Quoiqu'ils eussent lu volontiers tout ce qu'ont fait nos abbés et leurs frères; quoiqu'ils eussent voulu voir se former ce recueil de choses qui se sont peu à peu augmentées, grâces à la grande sollicitude des Pères, par les soins de fondateurs pauvres mais pieux, cependant ils ont refusé de ployer leur génie au travail, de dicter ou d'écrire le résultat de leurs réflexions. Enfin, moi Vital, moi Anglais, qui ai, dès l'âge de dix ans, été conduit ici de l'extrême frontière de la Mercie, étranger barbare et inconnu, mêlé à des peuples remplis d'esprit, je m'efforce de mettre par écrit, avec l'inspiration de Dieu, en faveur des Normands, les exploits et les événemens qui concernent la Normandie. Déjà secondé par Dieu même, j'ai publié deux livres, dans lesquels j'ai parlé en peu de mots de la restauration de notre maison, et de trois de nos abbés, ainsi que de certains événemens du temps; j'ai dû parler avec vérité, puisque je me suis diligemment enquis à ce sujet auprès des vieillards les plus chargés d'années.

Je commencerai mon troisième livre à partir de l'an de l'Incarnation du Sauveur 1076: je parlerai de mon abbé3, du couvent d'Ouche, et des affaires qui ont eu lieu pendant le cours de douze années, c'est-à-dire, jusqu'à la mort du roi Guillaume4. J'éprouve du plaisir à commencer ce travail à l'année dont il s'agit, qui est celle où je suis sorti du sein maternel pour voir la lumière, le 14 des calendes de mars (16 février): le samedi de la pâque suivante, je renaquis dans la sainte fontaine du baptême, par le ministère du prêtre Orderic, auprès d'Ettingham, dans l'église du confesseur saint Eatt, située sur la rivière de Saverne. Cinq ans après, je fus remis par mon père, pour être instruit dans les lettres, au noble prêtre Siward, sous lequel je passai cinq années à apprendre mes premiers rudimens. Parvenu à l'âge de onze ans, pour l'amour de Dieu, je quittai ma patrie; jeune et tendre exilé, je passai d'Angleterre en Normandie, et je fus destiné à combattre pour le monarque éternel. Ensuite, reçu par le vénérable père Mainier, revêtu des insignes de la robe monacale, lié par un pacte indissoluble à la pure association des moines, j'ai déjà, depuis quarante-deux ans, porté avec joie le joug léger du Seigneur, et j'ai marché avec mes contemporains gaîment, et selon mon pouvoir, dans la voie de Dieu, selon les institutions de ma règle. J'ai travaillé à apprendre les usages et le service de l'Eglise, et toujours j'ai appliqué mon esprit à quelque chose d'utile.

Si nos pontifes et les autres chefs du monde jouissaient d'une assez grande sainteté pour que Dieu daignât opérer pour eux et par eux les miracles qu'avaient coutume de faire nos anciens pères, et qui, racontés dans les livres, pénètrent avec suavité le cœur des lecteurs; certain que les prodiges des anciens maîtres rendent leur gloire respectable aux hommes du temps présent, je m'exercerais moi-même à bannir toute langueur, et je transmettrais par écrit, à l'avide postérité, des choses dignes d'être rapportées.

Mais comme nous sommes dans un temps où la charité du plus grand nombre se refroidit et où l'iniquité abonde, les miracles, indices de sainteté, ont cessé, et les crimes ainsi que les sujets de deuil se multiplient de toutes parts. Les historiographes trouvent plus abondamment une matière à exploiter, dans les discussions des prélats, dans les combats sanglans des princes, que dans les dogmes des théologiens ou dans la sobriété et les prodiges des ermites. Le temps de l'Ante-Christ approche: devant lui, comme le Seigneur l'a dit au bienheureux Job, les miracles cesseront, et la rage des vices s'emparera, outre mesure, de ceux qui s'aiment charnellement. Maintenant, vénérable abbé, je poursuivrai hardiment, au nom du Seigneur, ce que j'ai entrepris, me confiant avec bonté sur votre habileté qui corrigera les erreurs qui auraient pu échapper à mon ignorance.

II. Eventus varii in Normannia.

Anno ab Incarnatione Domini 1075, indictione XIII, Guillelmus rex Fiscanni sanctum Pascha celebravit, Ceciliamque filiam suam per manum Joannis archiepiscopi Deo consecrandam obtulit. Quae cum grandi diligentia in coenobio Cadomensi educata est et multipliciter erudita, ibique sanctae et individuae Trinitati dicata, sub venerabili Mathilde abbatissa virgo permansit, sanctae Regulae fideliter subjugata. Defuncta vero praedicta matre post annos XLVII regiminis sui, haec successit, et fere XIV annis sanctimonialium regimen laudabiliter gessit, annoque Dominicae Incarnationis 1127, III Idus Julii, de hoc saeculo migravit. Sic quinquaginta duobus annis habitu et ordine, studioque pio laudabiliter monacha, postquam a patre oblata est Deo, servivit, annoque XXVI regni Henrici fratris sui obiit .

Dum rex Guillelmus in Neustria consisteret, terramque suam cum Dei auxilio contra omnes adversarios tutaret, praesules Anglorum Lanfrancus Cantuariensis et Thomas Eboracensis atque Remigius Lincoliensis Romam abierunt, et a domno Gregorio papa senatuque Romano honorificentissime suscepti sunt. De divitiis Anglicis larga munera cupidis Romanis ubertim dederunt, suaque sic largitate, cum facundia geminaque scientia mirabiles Latiis visi sunt. Legationes Guillelmi regis, quas antistites jam dicti cum muneribus detulerunt, papa clerusque Romanus gratantissime susceperunt, et privilegia, quae per eos petierat, antecessoribus suis olim concessa, libenter annuerunt.

Anno ab Incarnatione Domini 1077, indictione XV, praefati pontifices alacriter Roma redierunt, in quorum adventu rex et omnes indigenae Normannici magnifice laetati sunt. Tunc basilicae plures in Normannia cum ingenti tripudio dedicatae sunt; ad quas rex et regina, cum filiis suis Rodberto atque Guillelmo, et ingenti frequentia optimatum et populorum, adfuerunt. Matrices ecclesiae Bajocensis et Ebroicensis episcopatus et Beccensis coenobii dedicatae sunt in honore sanctae Dei genitricis et perpetuae virginis Mariae.

Eodem quoque anno coenobialis basilica in honore sancti Stephani protomartyris apud Cadomum dedicata est; cui a rege et proceribus ejus locuples dos atque multarum copia gazarum data est. Harum dedicationes ecclesiarum Joannes Rothomagensis archiepiscopus et suffraganei ejus episcopi Normanniae solemniter egerunt; cum quibus reverendi metropolitae Lanfrancus et Thomas, et multi abbates, et mira populorum multitudo adfuerunt.

Venerabilis Herluinus abbas, dedicata Beccensi ecclesia, valde gavisus est, visoque quod vehementer in hoc saeculo desideraverat, ulterius inter mortales commorari dedignatus est. Hic anno Dominicae Incarnationis 1034, aetatis vero suae XL, saecularem militiam deseruit, vitam mutavit, et a domno Herberto Lexoviensi episcopo sacrae religionis habitum suscepit. Deinde post tres annos ab eodem praesule ordinatus est, atque abbas constitutus est. Inde initium Beccense coenobium coepit habere. Denique anno Dominicae Incarnationis 1078, aetatis autem suae LXXXIV, monachatus vero XLIV, VII Kalendas Septembris defunctus est, et in capitulo monachorum honorifice tumulatus est. Et interpositis paucis diebus post mortem ejus, Anselmus, qui tunc erat prior ejusdem loci, abbas est electus. Sequenti anno, in festivitate Sancti Petri, quae dicitur cathedra, a domno Gisleberto Ebroicensi episcopo consecratus est abbas in Beccensi basilica. Hic mona chile jugum anno vitae suae XXVII subiit, et tribus annis monachus claustralis sine praelatione vixit. Deinde post Lanfrancum XV annis prior exstitit, aliisque XV annis post Herluinum primum abbatem Beccensium abbas floruit. Inde ad archiepiscopatum Cantuariae, post venerabilem Lanfrancum, assumptus est; quem XVI annis rexit, et multa adversa perpessus est. Septimo decimo archiepiscopatus anno, monachatus autem XLIX aetatisque suae LXXVI, XI Kal. Maii, feria IV [1109] ante Coenam Domini transiit e mundo.

L'an de l'Incarnation du Seigneur 1075, 13e de l'indiction, le roi Guillaume célébra à Fécamp la sainte fête de Pâques, et, par les mains de l'archevêque Jean, il offrit pour la consacrer à Dieu sa fille Cécile. Elevée avec grand soin dans le monastère de Caen, et instruite en divers genres de science, elle y fut consacrée à la sainte et indivisible Trinité, y resta vierge sous la vénérable abbesse Mathilde, et ne cessa d'être fidèle au joug des saintes règles. Cette abbesse étant morte après quarante-sept ans de gouvernement, Cécile lui succéda; et, pendant près de quatorze ans, mérita beaucoup d'éloges pour sa manière de diriger ses religieuses; puis elle quitta ce siècle l'an de l'Incarnation du Seigneur 1127, le 3 des ides de juillet (13 juillet). Ainsi, depuis le moment où elle fut offerte à Dieu par son père, comme religieuse, elle servit dignement le ciel pendant cinquante-deux ans dans toute la piété de l'ordre, de l'habit et de la foi. Sa mort eut lieu l'an vingt-sixième du règne de son frère Henri.

Pendant que le roi Guillaume restait en Neustrie et prenait toutes les précautions nécessaires pour mettre, avec l'aide de Dieu, ses Etats en sûreté contre ses ennemis, les prélats d'Angleterre, Lanfranc de Cantorbéry, Thomas d'Yorck, et Remi de Lincoln, se rendirent à Rome, et furent reçus avec les plus grands honneurs par le seigneur pape Grégoire VII et par le sénat romain. Ils offrirent abondamment, à l'avidité romaine, les présens considérables de l'opulence anglaise, et se firent admirer à Rome autant par leurs largesses que par leur éloquence et leurs sciences tant sacrée que profane. Le pape et le clergé romain accueillirent avec un extrême plaisir les messages du roi Guillaume, dont les prélats que nous venons de citer avaient été porteurs en même temps que des présens; ils accordèrent volontiers les priviléges demandés et qu'autrefois leurs prédécesseurs avaient donnés.

L'an de l'Incarnation du Seigneur 1077, 15e de l'indiction, les prélats revinrent gaîment de Rome. A leur arrivée, le roi et tous les Normands se livrèrent à tous les transports de la joie. Alors on dédia en Normandie avec une grande satisfaction plusieurs basiliques; à cette cérémonie assistèrent le roi ainsi que la reine avec leurs fils Robert et Guillaume, et un nombreux concours de grands et de peuples. Les églises mères des évêchés de Bayeux, d'Evreux et du couvent du Bec furent dédiées en l'honneur de Marie, mère de Dieu, toujours vierge.

La même année, l'église du couvent de Caen fut dédiée en l'honneur de saint Etienne, premier martyr; le roi et les grands lui firent de riches présens, et donnèrent des sommes d'argent considérables. Ces dédicaces d'églises furent faites avec solennité par Jean, archevêque de Rouen, et par les évêques de Normandie ses suffragans. Indépendamment d'une admirable multitude de gens, les respectables métropolitains Lanfranc et Thomas y assistèrent.

Le vénérable abbé Herluin éprouva beaucoup de joie de la dédicace de l'église du Bec; ayant vu ce qu'il desirait vivement dans le siècle, il ne daigna pas rester plus long-temps parmi les hommes. L'an de l'Incarnation du Seigneur 1034, à l'âge de quarante ans, il avait abandonné la milice du siècle, changé de vie et reçu l'habit de la sainte religion des mains d'Herbert, évêque de Lisieux. Trois ans après, il fut ordonné par le même prélat et institué abbé. C'est alors que commença d'exister le monastère du Bec. Enfin l'an de l'Incarnation du Seigneur 1078, à l'âge de quatre-vingt-quatre ans, et la quarante-quatrième année de sa profession, le 7 des calendes de septembre (26 août), il mourut et fut honorablement inhumé dans le chapitre des moines. Peu de jours après sa mort, Anselme, qui était prieur du même lieu, fut élu abbé. L'année suivante, à la fête de saint Pierre, que l'on appelle la Chaire5, il fut consacré abbé dans l'église du Bec par le seigneur Gislebert, évêque d'Evreux. A l'âge de vingt-sept ans, il s'était soumis au joug monacal, et avait vécu trois ans moine cloîtré sans être promu à aucune dignité. Ensuite, après Lanfranc, il fut prieur durant quinze années, et pendant quinze autres années abbé du Bec, après Herluin, qui le premier avait occupé ce poste. C'est là qu'il fut pris pour succéder au vénérable Lanfranc sur le siége archiépiscopal de Cantorbéry, qu'il occupa seize ans au milieu de beaucoup de désagrémens. La dix-septième année de son archiépiscopat, la quarantième de sa profession monacale, et la soixante-dix-septième de son âge, le 11 des calendes de mai (21 avril), la quatrième férie avant la Cène du Seigneur, ce prélat quitta le monde.

 

III. Miserabilis eventus Lexovii factus. Mors Hugonis Lexoviensis episcopi.

Quia imperiti homines fraudulenta prosperitate nimis extolluntur, varioque adversitatum flatu fragiles ut arundo facile hac et illac agitantur, ideo moderator omnium Deus aspera blandis provide intromiscet, ut mobiles mortalium ausus comprimat ac salubriter temperet. Unde dum Guillelmus rex saeculari pompa multum tumeret, et populus Neustriae multimodo luxu foedus maderet, nec sibi futura pro ingenti scelerum congerie provideret, terribilis tonitrui fragor in sanctuario Lexoviensis basilicae personuit, et plebem in ecclesia pontificali astantem intolerabilis ictus fulminis prostravit. Nam, quodam Dominico die, in aestate, dum mane celebrarentur sacrae mysteria missae, et infulatus presbyter nomine Herbertus astaret ad altare, ingens coruscatio repente facta est, quam formidabilis sonus et gravis ictus illico subsecutus est. Crucem, quae super pulpitum turris stabat, percussit, confregit et dejecit. Deinde terribiliter in aedem sanctam descendit et super Crucifixum irruit, eique manum et pedem percussit, miroque modo ferreos de cruce clavos evulsit. Tenebrosa caligo visus trementium hebetavit, et scintillans ignis per totam basilicam volavit, et octo viros unamque mulierem peremit. Barbas et penes aliosque pilos virorum et mulierum exussit, teterrimumque fetorem vulgi naribus infudit. Una mulier nomine Maria in angulo ecclesiae non sine magno pavore stetit, totumque populum quasi exanimem per pavimentum jacentem, pavens ipsa, prospexit.

Eventus hujuscemodi ante Nativitatem Sancti Joannis Baptistae contigit, et mox eodem tempore Hugo Lexoviensis episcopus aegrotare coepit. Mense Julio, languore ingravescente, mortem praesul inevitabilem sibi adesse persensit, seseque, ut Dei servus ad Domini sui curiam iturus, solerter circumspexit, et pro villicatione sua rationem redditurus in timore magno se praeparavit. Confessione et poenitentia purgatus, oratione et fletuum imbre ablutus, salutaris mysterii communione feliciter instructus, clericos et laicos, qui secum erant, commonuit, absolvit, benedixit. Ad ultimum vero rem quamdam, unde praecipue moestus erat, recoluit, pro qua omnes sibi astantes sic exoravit: Viam universae carnis scio me ad praesens ingressurum; sed valde contristor quod a sede mea elongatus sum, nec video sponsam meam, cui, ordinante Deo, fere XL annis legitime conjunctus sum. Unde nunc precor vos omnes, quos olim amavi, nutrivi, promovi et honoravi, ut me hinc ejiciatis, et ad charissimam sponsam meam me deducatis. Ecclesiam Sancti Petri principis apostolorum, quam venerabilis Herbertus praedecessor meus coepit, perfeci, studiose adornavi, honorifice dedicavi, et cultoribus necessariisque divino servitio vasis, aliisque apparatibus copiose ditavi. Hanc coelesti Domino supplex commendo, et in ejus gremio recumbere desidero, ibique secundum Salvatoris adventum exspectabo. His dictis, omnes protinus consurgunt, decenti ad gestandum ferculo praesulem imponunt, et de vico qui Pons-Episcopi dicitur, Lexovium deducunt, ipsique illustres clerici et honorabiles laici amatissimum Patrem devehunt. Tandem, dum festinare ad urbem nituntur, morte obiter accelerante, in quamdam planitiem herbosam digrediuntur, ibique cum lacrymis et orationibus exitum praesulis sui sub divo praestolantur.

Sol erat in Cancro radians splendore corusco:
Sparsis pontificem velat radiis morientem.

In tanta claritate et loci amoenitate nobilis antistes Hugo collocatus jacuit, et inter manus suorum Deo commendatus XVI Kal. Augusti exspiravit.

Sic obiit nostro vir non reparabilis aevo,
Gemma sacerdotum, patriaeque decus Pater Hugo.

Summus pontifex Christus, cujus vices ad horam in terris gessit, semper ei propitius sit! Pons-Episcopi quatuor leucis distat a Lexovio. In campo secus viam, ubi flamen occubuit, crux erecta est, quae usque hodie Crux-Episcopi nuncupata est. Corpus vero ejus Lexovium delatum est, sed sepultura ejus usque ad VIII dies, pro litigio canonicorum et monacharum, protelata est. Clerici enim in episcopio eum sepelire volebant; sed sanctimoniales simul acerrime prohibentes, dicebant: Pater noster Hugo abbatiam Sanctae Mariae dominae nostrae construxit, nos illuc ad Dei famulatum aggregavit, ac ut pater filias in timore Dei nos educavit. In ecclesia quam condidit, locum sepulturae sibi, memor mortis, elegit. Aeterna morte puniatur, qui soma Patris nostri filiabus suis auferre conatur! Rothomagum igitur ad curiam regis itur, et ab utrisque partibus querimonia depromitur; sed regalis censura fragiliori magis sexui compatitur. Denique rex accersito Joanni archiepiscopo commendat ut Lexovium celeriter adeat, et episcopi corpus in oratorio Sanctae Mariae decenter sepeliat. At ille, quia ferox et turgidus erat, et noxium rancorem jamdudum contra praefatum praesulem animo gesserat, regis praeceptum furibundus contempsit, nec ad tumulandum coepiscopum suum ire voluit. Qui dum de curia regis per urbem super mulam suam rediret, tumideque loquens de causis imminentibus, domui suae appropinquaret, divino nutu subita passio illum percussit, turba palam spectante, ad terram dejecit, biennioque quo postmodum vixit, elinguem reddidit. Tunc Gislebertus, Ebroicensis episcopus cum multo fidelium agmine Lexovium vadit, et corpus episcopi, astante Roberto Aucensi comite, qui germanus ejus erat, in choro sanctimonialium convenienter sepelivit. Mausoleo tanti pontificis congruus lapis appositus est, et epitaphium adonico metro, quod dactylo spondaeoque constat, editum, in laminis cupri litteris aureis sic exaratum est:

Hic jacet Hugo Lexoviensis clarus honore
Pontificatus, nobilis aeque sanguine patrum.
Praeditus idem stemmate morum non sine bino
Munere sensus, religione glorificandus.
Transitus ejus rege Philippo, tum Gilielmus
Rex erat Anglus, luce sequenti Phaebus inivit
Signa Leonis, det Deus isti gaudia coeli. Amen.

Comme les hommes sans expérience se laissent trop séduire par le leurre de la prospérité, et que sous le souffle variable de l'infortune ils sont facilement agités çà et là comme de frêles roseaux, Dieu, modérateur de toutes choses, a eu soin de mêler le bien au mal pour rabattre et régulariser salutairement les entreprises mobiles des mortels. Aussi, pendant que le roi Guillaume éprouvait un grand orgueil des pompes de ce siècle, et que le peuple de Normandie se livrait à un luxe extraordinaire, et ne prévoyait pas ce qui pouvait par la suite résulter d'un tel amas de crimes, tout à coup un terrible fracas de tonnerre retentit dans le sanctuaire de la cathédrale de Lisieux, et, sous les coups redoublés de la foudre, le peuple fut renversé sur le pavé de ce temple. Un certain jour de dimanche, comme on célébrait le matin les mystères de la sainte messe, et qu'un prêtre mîtré nommé Herbert se trouvait à l'autel, il parut tout à coup un éclat très-brillant, qui fut à l'instant suivi d'un bruit formidable et d'une forte détonation. La foudre atteignit, brisa et renversa la croix qui était sur la tour; puis descendit effroyablement dans l'église, tomba sur le crucifix, lui frappa les pieds et les mains et arracha, d'une manière singulière, les clous de fer de la croix. Un brouillard ténébreux aveugla l'assistance épouvantée; une flamme étincelante parcourut l'édifice et tua huit hommes et une femme. Elle brûla sur tout leur corps et la barbe et les cheveux des hommes et des femmes, et répandit partout la plus fétide odeur. Une femme, nommée Marie, resta non sans un grand effroi dans un coin de l'église, et vit tout ce peuple comme inanimé, étendu sur le pavé.

Cet événement arriva avant la Nativité de saint Jean-Baptiste. Bientôt après Hugues, évêque de Lisieux, tomba malade. Au mois de juillet, le mal s'étant accru, le prélat sentit que la mort inévitable approchait; il vit clairement que comme serviteur de Dieu, il fallait se rendre à la cour de son Seigneur, et il se prépara en grande crainte à rendre compte de son administration. Purgé par la confession et la pénitence, lavé par la prière et par des torrens de larmes, heureusement instruit par la communion du salutaire mystère, il fit une exhortation aux clercs et aux laïques qui se trouvaient auprès de lui, leur donna l'absolution et sa bénédiction. Au dernier moment, principalement affligé d'une certaine affaire, il implora tous les assistans ainsi qu'il suit: «Je sais que je vais dans ce moment entrer dans la voie de toute chair; mais je m'attriste surtout de ce que je suis loin de mon siége et ne vois pas l'épouse à laquelle, par l'ordre de Dieu, j'ai été uni légitimement pendant près de quarante ans. C'est pourquoi je vous prie tous, vous que j'ai autrefois aimés, nourris, élevés et honorés, de me tirer de ce lieu, et de me conduire à mon épouse très-chère. J'ai terminé l'église de Saint-Pierre, prince des Apôtres, que mon vénérable prédécesseur Herbert avait commencée; j'ai mis beaucoup de soin à l'orner; je l'ai dédiée honorablement; je l'ai abondamment enrichie de prêtres, de vases nécessaires au service divin, et de toutes les autres choses propres à augmenter son éclat. Je la recommande en suppliant au céleste maître; je desire reposer dans son sein et y attendre le second avènement du Sauveur.» A ces mots, chacun se leva soudain; on plaça le prélat sur un brancard pour le transporter; et du bourg que l'on appelle Pont-l'Evêque, on le conduisit à Lisieux, où il fut porté comme un père bien aimé, par des prêtres illustres et d'honorables laïques. Enfin, pendant que l'on tâchait de gagner la ville, la mort accélérant sa venue, on se rendit dans une plaine couverte d'herbe, et on y attendit en plein air, au milieu des prières et des larmes, la mort du prélat. Le soleil, qui était parvenu au signe du cancer, brillait du plus vif éclat, et de ses rayons épars couvrit comme d'un voile le pontife expirant6. Le noble évêque Hugues, placé dans ce lieu agréable et bien éclairé, s'étendit; et s'étant remis à Dieu dans les mains des siens, rendit l'ame le 16 des calendes d'août (17 juillet).

Ainsi mourut un homme dont la perte en ce siècle est irréparable, Hugues notre père, la perle des prêtres et l'honneur de la patrie7.

Que le Christ, ce pontife souverain, dont il fit les fonctions sur la terre jusqu'à sa dernière heure, lui soit toujours propice! Le Pont-l'Evêque est éloigné de quatre lieues de la ville de Lisieux. Le long du chemin, dans le champ où l'évêque mourut, on érigea une croix qui, jusqu'à ce jour, a été appelée la croix de l'Evêque. Le corps fut apporté à Lisieux; mais, à cause de la difficulté qui s'éleva entre les chanoines et les religieuses, l'inhumation fut différée pendant dix-huit jours. Les clercs voulaient l'ensevelir dans l'évêché; mais les religieuses s'y opposaient fortement, et disaient: «Notre père Hugues a construit cette abbaye en l'honneur de sainte Marie, notre Dame; il nous a réunies ici pour servir Dieu, et nous a élevées dans la crainte du Seigneur, comme un père dirige ses filles. Songeant à la mort, il avait fait choix du lieu de sa sépulture dans cette église qu'il avait fondée. Soit puni de mort éternelle celui qui veut enlever à ses filles le tombeau de leur père.» On se rendit à Rouen, à la cour du roi, et chacun des deux partis exposa ses sujets de plainte; le jugement royal fut favorable au sexe le plus fragile. Guillaume ordonna à l'archevêque Jean de se rendre en, toute hâte à Lisieux, et d'y ensevelir comme il convenait le corps de l'évêque, dans l'oratoire de Sainte-Marie. Cet archevêque, fier et arrogant, et qui depuis long-temps nourrissait dans son cœur une haine coupable contre l'évêque de Lisieux, plein de fureur, méprisa les ordres du roi, et ne voulut pas aller inhumer son co-évêque. Il revenait de la cour du roi, traversant la ville sur sa mule, et parlait fort haut de l'événement présent; il était très-près de son logis lorsque, par la permission de Dieu, il fat saisi d'une douleur violente qui, devant la foule assemblée, le renversa par terre: il vécut encore deux ans, mais sans pouvoir parler. Alors Gislebert, évêque d'Evreux, se rendit à Lisieux avec un nombreux concours de fidèles, et, en présence de Robert, comte d'Eu, frère de Hugues, il inhuma le corps du prélat, comme il convenait, dans le chœur des religieuses. On plaça sur le mausolée de ce grand pontife une pierre décente, et l'on grava en lettres d'or sur des lames de cuivre l'épitaphe suivante en vers adonaïques, qui consistent en un dactyle et un spondée:

«Ci-gît Hugues, évêque de Lisieux, illustre par ses honneurs, noble par son pontificat et par le sang de ses pères. Il fut doué d'une grande pureté de mœurs; il reçut le double don de l'esprit et du sentiment; sa piété lui attira beaucoup de gloire. Lorsqu'il mourut, Philippe régnait en France et Guillaume en Angleterre. Le lendemain le soleil entra au signe du lion. Que Dieu lui accorde les joies du ciel! Ainsi soit-il.»

 

 

IV. Gislebertus Maminotus Hugonis successor.

Ad regendum Lexoviensem praesulatum Gislebertus, cognomento Maminotus, regis archiater et capellanus electus est, et a Michaele Abrincatensi episcopo, in praesentia domni Joannis archiepiscopi, qui jam, ut diximus, obmutuerat, consecratus est. Hic filius Roberti de Curvaspina strenui militis fuit, XXIII annis episcopatum tenuit, et Ecclesiae res potenter obtinuit. Artis medicinae peritissimus erat, sed semetipsum in pontificatu nunquam satis curare poterat. Scientia litterarum et facundia pollebat, divitiis et deliciis indesinenter affluebat, propriae voluntati et carnis curae nimis serviebat. Otio et quieti affatim studebat, ludisque alearum et tesserarum plerumque indulgebat. In cultu ecclesiastico erat piger et negligens, sed ad venatum, aviumque capturam promptus et fervens. Saecularibus itaque exercitiis et actibus omni vita sua inhaesit, et sic usque ad decrepitam aetatem vixit. Plura de actibus ejus scribere possum, sed reprimo calamum, quia ab ipso ad subdiaconatus gradum cum aliis, ut opinor, plus quam trecentis promotus sum. Unde sicut quaedam de illo protuli reprehensibilia, sic decet ut laudabilia promam et imitabilia. Eleemosynas pauperibus libenter porrigebat, largitate et dapsilitate solerter et honorifice vigebat. In judicio veritatem subtiliter investigabat, et rectitudinem procaciter defendere satis inhiabat, justitiamque cunctis postulantibus gratis exhibebat. Peccatores reatus suos humiliter confitentes dulciter suscipiebat, et vere poenitentibus rectum et salubre consilium provide suggerebat. Sacros ordines et dedicationes et alia hujusmodi ministeria religiose et sollicite peragebat; sed ad haec agenda lentus erat et vix assurgebat, nec, nisi multis multorum precibus incitatus cogeretur, inchoare volebat. In Ecclesia Lexoviensi eo tempore honorabiles erant personae et illustres archidiaconi atque canonici, Guillelmus de Glandivilla decanus et archidiaconus, Richardus de Ansgeriivilla et Guillelmus Pictavinus archidiaconi, Goisfredus de Tregavilla thesaurarius, Turgisus cantor et Radulfus filius ejus, aliique plures quos Hugo educaverat, officiisque datis ecclesiasticis honoraverat. Hos nimirum praefatus successor ejus sibi copulavit, fertilique documento arithmeticae et astronomiae et multiplicis physicae, aliarumque profundarum rerum erudivit, et familiares collegas conviviorum et colloquiorum sibi benigniter applicavit.

Gislebert, surnommé Maminot, médecin et chapelain du roi, fut choisi pour gouverner l'église de Lisieux; il fut consacré par Michel, évêque d'Avranches, en présence de l'archevêque Jean, qui, comme nous l'avons dit, était devenu muet. Gislebert était fils de Robert de Courbépine, chevalier distingué; il occupa vingt-trois ans l'évêché de Lisieux, et gouverna parfaitement les affaires de l'église. Très-habile dans l'art de la médecine, il ne put toutefois, pendant son pontificat, se donner assez de soins à lui-même. Il excellait dans la science des lettres et dans l'éloquence; il ne se lassait pas d'accroître ses richesses et ses délices; il tenait fortement à ses volontés, et prenait trop de soin de sa personne; l'oisiveté et le repos faisaient l'objet de ses vœux, et souvent il se plaisait à jouer aux dés et aux autres jeux de hasard. Il était paresseux et négligent pour le culte ecclésiastique, mais plein d'ardeur et d'activité pour chasser et prendre des oiseaux. Toute sa vie il fut attaché aux exercices et aux affaires du siècle, et c'est ainsi qu'il vécut jusqu'à la décrépitude de l'âge. Je pourrais raconter plusieurs de ses actions; mais j'arrête ma plume, parce que j'ai été promu par lui au sous-diaconat, avec plus de trois cents autres ecclésiastiques, autant qu'il m'en souvient. Comme j'ai rapporté de lui certaines choses qui sont répréhensibles, il convient que je fasse connaître ce qu'il a fait de louable et digne d'être imité. Il faisait volontiers aumône aux pauvres; il était honorable et savait distribuer ses largesses avec magnificence. Dans ses jugemens il recherchait habilement la vérité, aspirait à défendre courageusement la vertu, et rendait gratuitement la justice à tous ceux qui s'adressaient à lui; il accueillait avec douceur ceux qui lui confessaient humblement leurs fautes, et donnait avec zèle aux véritables pénitens de sages et salutaires conseils. C'était avec piété et sollicitude qu'il conférait les ordres sacrés, qu'il faisait les dédicaces et procédait aux autres cérémonies du même genre. Mais, dans ces choses, il se montrait lent, et avait peine à s'y déterminer: il ne voulait pas les commencer à moins qu'il ne fût pressé par les instantes prières de beaucoup de personnes. L'église de Lisieux possédait à cette époque d'honorables personnes, des archidiacres et des chanoines illustres, tels que Guillaume de Glandeville, doyen et archidiacre, Richard d'Angerville et Guillaume-le-Poitevin, archidiacres8; Goisfred Trégaville, trésorier, Turgis, chantre, Radulphe son fils, et plusieurs autres que Hugues avait élevés et pourvus d'emplois honorables. Son successeur se les attacha et les instruisit avec succès dans l'arithmétique, l'astronomie, la physique et d'autres sciences profondes; il en fit ses amis, et se plaisait à les réunir avec bonté et familièrement à sa table et à ses conversations.

 

V. Joannes Rothomagensis archiepiscopus. Guillelmus ejus successor.

Anno ab Incarnatione Domini 1079, Joannes archiepiscopus octavo anno regiminis sui defunctus est, et in baptisterio basilicae ad aquilonem tumulatus est. Monumentum ejus ex albo lapide factum est, in quo hujusmodi epitaphium solerter insertum est.

Metropolita tuus jacet hic, urbs Rothomagensis,
Culmine de summo quo moriente ruis.
Ecclesiae minuuntur opes, sacer ordo tepescit,
Provida religio quem sua constituit.
Haec neglecta diu canonum decreta reformans
Instituit caste vivere presbyteros.
Dona Dei sub eo venalia nulla fuere,
Hinc et opes largas contulit Ecclesiae.
Lingua diserta, genus, sapientia, sobria vita
Huic fuit, exiguus quem tegit iste lapis.
Nona dies Septembris erat, cum carne Joannes
Exspoliatus abit. Sit sibi vera quies! Amen.

Defuncto Joanne metropolitano, Guillelmus Cadomensis abbas canonice electus est, et de monasterio suo, ubi regulariter ut probatus monachus Deo famulabatur, ad tutandam Rothomagensem Ecclesiam adductus est. In ecclesia Sanctae Dei genitricis Mariae a magno Gisleberto Ebroicensi episcopo consecratus est, et XLVI post beatum Nigasium, quem sanctus Dionysius Parisiensis pontifex primum praesulem Rodomensibus praefecit, Rothomagensem metropolim sortitus est. Hic bonus et jucundus ac mansuetus exstitit, gregemque sibi divinitus commissum XXXII annis custodivit. Matricem basilicam omnimodis ornatibus cultui divino necessariis affatim locupletavit, et claustrum episcopii domosque convenientes a fundamentis eleganter renovavit. Corpus sancti Romani praesulis de propria aede in metropolitanam basilicam gloriose transtulit, et in scrinio auro argentoque cum pretiosis lapidibus operose cooperto reverenter locavit. Solemnitatem quoque ejus X Kal. Novembris per totam dioecesim suam festive celebrari constituit, et generali edicto festivam stationem ad sancti pontificis corpus extra urbem singulis annis fieri decrevit; ad quam parochianos pene omnes monitis et absolutionibus atque benedictionibus invitavit. Monachis et clericis, omnibusque sibi subjectis ut dulcis pater blandiens profuit. Psalmis et hymnis et canticis spiritualibus, sacrisque mysteriis indesinenter sese mancipavit. Omnis ab illo fraus et amaritudo procul fuerunt. Nullum quaerebat laedere, sed quibusque indigentibus, prout ratio jubebat, succurrere. Cantor peritissimus erat, aptissimamque ad canendum vocem habebat. In usu ecclesiastico doctissime instructus erat, et ad praedicandum indoctis verbum Dei, clara idoneaque locutione vigebat. Patientia et benignitate cunctos secum coessentes mulcebat, magnamque partem oneris sui decanis et archipresbyteris sine invidia distribuebat, bonosque nihilominus ad participationem honoris avide asciscebat.

L'an de l'Incarnation du Seigneur 1079, l'archevêque Jean mourut après avoir gouverné son église pendant douze ans, et fut inhumé dans le baptistaire de son église, vers le nord. Son tombeau fut construit en pierre blanche, sur laquelle on grava habilement l'épitaphe qui suit:

«Cité de Rouen, ton métropolitain repose ici. Sa mort t'a fait tomber du haut de ta grandeur. La puissance de l'Eglise s'affaiblit; la ferveur des ordres sacrés se refroidit, malgré les soins que la religion a pris pour les établir. Ce prélat, remettant en vigueur les décrets des canons négligés trop long-temps, prescrivit aux prêtres de vivre chastement. De son temps, les grâces de Dieu cessèrent d'être vénales, et c'est ainsi qu'il rendit à l'Eglise les plus grands services. Cet homme, que recouvre une simple pierre, fut éloquent, grave, sage et sobre. Septembre était parvenu à son neuvième jour lorsque Jean se dépouilla de la chair. Puisse-t-il obtenir le véritable repos! Ainsi soit-il!»

L'archevêque Jean étant mort, Guillaume, abbé de Caen, fut élu canoniquement, et conduit de son monastère, où il servait Dieu régulièrement comme un digne moine, à l'église de Rouen, qui fut confiée à ses soins. Il fut consacré par le grand Gislebert, évêque d'Evreux, dans l'église de Sainte-Marie mère de Dieu, et fut le quarante-sixième archevêque de Rouen depuis saint Nicaise, que saint Denis, premier pontife de Paris, avait donné pour évêque aux Rouennais. Guillaume était bon, gai et doux. Il garda pendant trente-deux ans le troupeau que Dieu lui avait confié. Il enrichit la basilique métropolitaine de tous les ornemens nécessaires au culte divin, et rebâtit avec élégance le cloître de l'évêché et les bâtimens convenables. Ce fut lui qui transféra glorieusement le corps de l'évêque saint Romain de sa propre église à la cathédrale; il le plaça avec respect dans une châsse d'or et d'argent, recouverte de pierres précieuses avec beaucoup d'art. Il fit célébrer la fête de cette solennité dans tout son diocèse, le 10 des calendes de novembre (28 octobre); il ordonna par décret général que l'on fît annuellement hors la ville une station au corps du saint pontife, et il invita presque tous ses paroissiens à s'y trouver, par des avis, des absolutions et des bénédictions. Comme un tendre père, ce prélat se montra toujours affable aux moines, aux clercs et à tous ses subordonnés. Il s'occupa sans cesse des psaumes, des hymnes, des cantiques spirituels et des mystères sacrés. La fraude et la haine étaient loin de son cœur: il ne cherchait à blesser personne et faisait secourir les indigens autant qu'il le pouvait. Chantre très-habile, il avait reçu de la nature une très-belle voix. Très-instruit dans les matières ecclésiastiques, il prêchait la parole de Dieu avec beaucoup de clarté et de convenance. Par sa patience et sa bonté, il faisait le charme de ceux qui vivaient avec lui; il remettait sans jalousie une grande partie de son fardeau à ses doyens et aux archiprêtres, et admettait avec empressement les gens de bien à participer à sa fortune.

VI. Juliobonense concilium.

Anno ab Incarnatione Domini 1080, rex Guillelmus in festivitate Pentecostes apud Illebonam resedit, ibique Guillelmum archiepiscopum et omnes episcopos et abbates, comitesque cum aliis proceribus Normanniae simul adesse praecepit. Ut rex jussit, factum est. Igitur octavo anno papatus domini Gregorii papae septimi, celebre concilium apud Juliam-Bonam celebratum est, et de statu Ecclesiae Dei, totiusque regni, providentia regis cum baronum suorum consilio utiliter tractatum est. Statuta vero concilii, sicut ab iis qui interfuerunt, veraciter adnotata sunt, volo hic inserere, ut posteri discant quales in Normannia leges fuerunt sub Guillelmo rege.

1. Pax Dei, quae vulgo trevia dicitur, sicut ipse princeps Guillelmus eam in initio constituerat, firmiter teneatur, et per singulas parochias dictis excommunicationibus renovetur. Qui vero servare contempserint, vel aliquatenus fregerint, episcopi, secundum quod prius statutum est, eos judicando justitiam faciant. Si quis vero episcopo suo inde inobediens fuerit, domino, in cujus terra habitat, episcopus hoc demonstret, et ille subdat eum episcopali justitiae. Quod si et dominus facere contempserit, regis vicecomes, per episcopum inde requisitus, omni remota excusatione faciat.

2. De his, qui de parentela sua uxores tenent, vel uxores parentum suorum, episcopi canonicam justitiam exsequantur. Rex enim inde nullum sustinet vel tuetur, sed potius episcopos adjuvando admonet ut lex Dei firmiter teneatur.

3. Presbyteri, diaconi, subdiaconi et omnes canonici et decani nullam omnino feminam habeant. Quod si aliquis post eamdem culpam visus fuerit incurrisse, si per ministros episcopi inde prius fuerit accusatus, in curia episcopi se purgabit. Si vero parochianorum vel dominorum suorum aliquis eum prius accusaverit, habeat accusatus inducias ut cum episcopo possit loqui; et si se purgare voluerit, in eadem parochia cui servit, praesentibus parochianis pluribus, ante episcopi ministros et eorum judicio se purgabit. Si vero purgare se non potuerit, Ecclesiam perdet irrecuperabiliter. Hoc praedictus rex statuit, non perenniter episcopis suis auferendo debitam justitiam, sed quia episcopi eo tempore minus quam convenisset inde fecerant, donec ipse eorum videns emendationem eis redderet pro benefacto, quod tunc de manu eorum temporaliter tulerat pro commisso.

4. Nullus laicus in redditibus altaris, vel in sepultura, vel in tertia parte decimae aliquid habeat; nec pecuniam pro horum venditione vel donatione aliquatenus habeat; nec presbyter inde servitium faciat, nisi legationem domini sui portet, ita ut in eadem die ad servitium Ecclesiae revertatur; et ad orationes, per Normanniam solummodo, victum domini sui habens, si dominus voluerit, secum vadat; servitium Ecclesiae presbyter interim curet.

5. Presbyteri ab episcopis vel ab eorum ministris, praeter justos redditus, episcopi vi vel minis nihil dare cogantur. Propter eorum feminas nulla pecuniae emendatio exigatur.

Archidiaconi per archidiaconatus suos semel in anno presbyterorum suffraganeorum suorum vestimenta et calices et libros videant, designatis ab episcopo in unoquoque archidiaconatu solummodo tribus locis, ubi vicini presbyteri ad haec monstranda convocentur.

Quod cum archidiaconus ad haec videnda venerit, a presbyteris qui conveniunt, triduo, si expedit, victum habeat sibi quinto.

6. Si presbyter forisfacturam fecerit de forestis regis vel baronum ejus, nullam inde emendationem habebit episcopus.

7. Presbyteri semel in anno, circa Pentecosten, cum processionibus suis ad matrem ecclesiam veniant, et de singulis domibus cerae denerata, vel idem valens ad illuminandam ecclesiam altari offeratur.

Quod qui facere noluerit, a presbytero suo per ministerium suum cogatur hoc solvere sine emendatione pecuniae. Laicus presbyterum non det vel adimat ecclesiae, nisi ex consensu praesulis. Quem tamen, si recipiendus est, episcopus non repellat; et si repellendus est, non retineat.

8. In coemeteriis ecclesiarum, quae in civitatibus vel castellis vel burgis sunt, quidquid episcopi tempore Rodberti comitis vel Guillelmi regis, ejus consensu, habuerunt, episcopi rehabeant. In coemeteriis vero, quae in marchis sunt, si guerra fuerit, et aliqui ad habitandum ibi faciant mansionem dum guerra duraverit, et ipsi propter guerram in atrio manserint, nullam forisfacturam ab eis episcopus habebit, nisi quam habuisset antequam ad atrium confugissent. Cum autem pax facta fuerit, qui propter guerram illuc confugerant, de atrio exire cogantur aut episcopalibus legibus supponantur. Qui vero in praedictis coemeteriis antiquitus manserunt, in antiqua quietudine permaneant.

9. Ecclesiae villarum quantum coemeterii tempore Rodberti comitis habuerunt, vel usque ad illud supra scriptum concilium habuerunt, tantum habeant; et in eis illas consuetudines habeant episcopi, quas tempore Rodberti comitis vel Guillelmi regis, ejus consensu, habuerunt, nisi episcopi, concedente rege Guillelmo, aliquam quietudinem fecerint.

Si post concilium aliqua nova fit ecclesia intra villam, faciat episcopus coemeterium consideratione dominorum et parochianorum ejusdem ecclesiae. Si vero extra villam nova fit ecclesia, undique habebit quinque perticas coemeterii.

10. Si donatur monachis ecclesia, presbyter qui eamdem tenet ecclesiam, honorifice teneat quidquid de eadem ecclesia habuit, antequam monachi eam haberent; et tanto melius quanto sanctioribus associatur hominibus. Eo autem mortuo, vel aliquatenus deficiente, abbas idoneum quaerat presbyterum, et episcopo eum vel per se, vel per nuntium suum, ostendat. Quem, si recipiendus est, episcopus recipiat. Si vero presbyter cum monachis religiose vivere voluerit, videat ut ecclesia, quam episcopali licentia intravit, honeste tractetur, tam in vestimentis quam libris et caeteris ecclesiae serviendae necessariis, secundum ejusdem ecclesiae facultatem. Quod si presbyter cum monachis vivere noluerit, tantum det ei abbas de bonis ecclesiae, unde et bene vivere et ecclesiae servitium convenienter valeat presbyter adimplere. Quod si abbas facere noluerit, ab episcopo convenienter cogatur ut faciat. Presbyter vero episcopo suo juste subditus sit, et episcopales redditus persolvat. Quae vero superabundant, in usus monasterii sui abbas habeat. Hoc idem in ecclesiis canonicorum observetur.

11. Violatio ecclesiae et atrii, sicut superius determinatum est, et commissa pro quibus divinum officium remanet, episcopis per pecuniam emendetur. Assultus in ecclesiae itinere, similiter.

Si quis iratus persequitur alium in atrium vel in ecclesiam, similiter.

Si laicus arat vel aedificat in atrio sine licentia pontificali, similiter.

Si clericus raptum fecerit vel furtum, vel aliquem percusserit, aut vulneraverit, aut occiderit; si duellum sine licentia episcopi susceperit, aut namnum ceperit, aut assultum fecerit, aut aliquid injuste saisierit, aut incendium fecerit, aut manupastus ejus, aut habitator atrii, similiter episcopis per pecuniam emendetur.

Si clericus adulterium fecerit aut incestum fecerit, similiter.

Si presbyter de ministerio suo forisfecerit, similiter

Presbyteri, qui ad synodum venire neglexerint, similiter.

Et qui synodum et circatam statutis terminis non reddiderit, similiter.

Si clericus coronam suam dimiserit, similiter.

Si monachus vel monacha, qui sunt sine regula, habitum suum dimiserint, similiter.

Si presbyteri praeter treviae Dei infractores et latrones sine licentia episcopi excommunicaverint, similiter.

Si erraticum habere, quod vulgo Weridif dicitur, in curiam sacerdotis vel clerici, qui in atrio maneant, venerit, vel in eleemosynam ejusdem ecclesiae, vel in atrium episcopi erit.

Si quid per contentionem in domo presbyteri vel clerici vel in atrio sacerdotali vel clerico vel eorum manupasto relictum fuerit, episcopi erit.

Si quid in ecclesia vel in atrio inveniatur, vel relinquatur, episcopi erit.

Si quis presbyterum aut monachum aut monacham assallierit, aut percusserit, aut ceperit, aut occiderit, aut domos eorum in atrio incenderit, similiter emendabit.

Si quid in ecclesia vel in atrio inveniatur, vel relinquatur, episcopi erit.

Si quis adulterium vel incestum fecerit, vel cum matrina vel cum matre vel filiola coierit, similiter. Si mulier hoc idem fecerit, similiter.

 Si quis uxorem suam, vel si qua mulier virum suum sine judicio praesulis reliquerit, similiter.

Qui mortuos consulunt, vel maleficia tractant, similiter.

Qui intentum sibi crimen inficians vel negans, ferri judicio convincitur, excepta Dei trevia, similiter. Qui justitiae resistens, excommunicari se patitur, similiter.

Parochianorum crimina episcopo pertinentia, ubi consuetudo fuit, episcoporum judicio examinentur.

Si contradictio judicationis facta fuerit, ante episcopum definiatur.

Si ferri judicium fuerit judicatum, apud matrem ecclesiam terminetur.

Si plana lex facienda erit, ibi fiat ubi placitum prius fuit.

In parochia episcopi sine licentia ejus nullus audeat praedicare.

Qui in praedictas culpas inciderit, si sponte ad poenitentiam venerit, poenitentia ei pro qualitate criminis injungatur, et pecunia nullatenus exigatur.

Si laicus raptum in atrio fecerit, episcopo emendabit.

Si vero alibi fecerit, quocunque modo faciat, episcopus nihil habebit.

12. Has consuetudines habeant episcopi in illis locis, in quibus eas, tempore Rodberti comitis vel Guillelmi regis, ejus concessione, hactenus habuerunt. Quae vero quieta fuerunt, eam quietudinem habeant, quam huc usque solide tenuerunt. In his omnibus justitiis et consuetudinibus rex sibi retinet quod huc usque habuit.

Si presbyter domini sui judicium contradixerit de ecclesiastica causa, et eum, in curiam episcopi eundo, injuste fatigare fecerit, domino suo X solidos emendabit.

Si episcopi aliquid, quod hic non sit scriptum, in regis curia monstrare possunt se habuisse tempore Rodberti comitis vel Guillelmi regis, ejus concessione, rex eis non tollit quin habeant; tantummodo illud nullatenus saisiscant, donec in curia ejus monstrent quod habere debeant. Similiter et laicis propter hoc scriptum rex nil tollit, quod in curia ejus monstrare possint episcopos non debere habere; tantummodo episcopos inde non disaisiscant, donec in curia regis monstratum sit quod episcopi inde habere non debeant.

Haec synodus in vico regali secus Sequanam celebrata est, ubi antiqua urbs fuit, quae Caletus ab incolis dicta est; a qua circumjacens pagus a mari usque in Talaucium Calcegius usque hodie appellatus est. Hanc, ut in antiquis Romanorum legitur gestis, Caius Julius Caesar obsedit, et pro nimia bellatorum obstinatione intus acerrime repugnantium subvertit. Deinde, postquam hostes ibidem ad libitum compressit, considerata opportunitate loci, praesidium Romanorum provide constituit, et a nomine suo Juliam-Bonam quam barbari nunc corrupto nomine Ille-Bonam nuncupant, appellavit. Denique idem Caesar omnem Neustriam solerter exploravit, et super Sequanam fluvium urbem Rothomagum construi praecepit in loco aptissimo, ubi ad orientale caput urbis Albula fluvius cum Rodebecco, et ab occasu Marrona in Sequanam diffluit. Rodomus autem quasi Romanorum domus ab ipsis conditoribus appellata est; ubi legio Quiritum, provinciales undique gubernans et comprimens, tute commorata est.

L'an de l'Incarnation du Seigneur 1080, le roi Guillaume passa les fêtes de la Pentecôte à Lillebonne, et y convoqua l'archevêque Guillaume, tous les évêques, les abbés, les comtes et les autres grands de la Normandie. Les ordres du roi furent exécutés. En conséquence, la huitième année du pontificat du pape Grégoire VII, on tint à Lillebonne un concile célèbre; on s'y occupa utilement, par la sagesse du roi et de l'avis de ses barons, de ce qui concernait l'état de l'Eglise et du royaume. Je vais insérer ici les statuts de ce concile tels qu'ils ont été recueillis avec sincérité par ceux qui étaient présens, afin que la postérité puisse savoir quelles furent, sous le roi Guillaume, les lois en Normandie.

I. La Paix de Dieu, que l'on appelle vulgairement la Trêve de Dieu, sera observée exactement de même que le prince Guillaume l'avait d'abord établie; elle sera renouvelée dans chaque paroisse avec les excommunications. Ceux qui dédaigneront de l'observer, ou qui l'enfreindront en quelque point que ce soit, seront remis, pour être jugés, à la justice de l'évêque, ainsi qu'il a été statué antérieurement. Si quelqu'un se montre désobéissant à son évêque, celui-ci le dénoncera au seigneur sur la terre duquel habite le délinquant, afin qu'il soit remis à la justice épiscopale. Si le seigneur refuse de le faire, le vicomte du roi requis par l'évêque le fera sans aucun délai.

II. Les évêques exerceront la justice canonique contre ceux qui retiennent des épouses de leur parenté ou les épouses de leurs parens; car le roi ne soutient ni ne protège aucun de ceux qui sont dans ce cas: au contraire, il avertit et seconde les évêques, afin que la loi de Dieu soit strictement observée.

III. Les prêtres, les diacres, les sous-diacres, les chanoines et les doyens n'auront absolument aucune femme chez eux. Si quelqu'un est reconnu pour être retombé dans la même faute, et s'il a été d'abord accusé par les officiers de l'évêque, c'est devant lui qu'il devra se défendre. Si quelqu'un des paroissiens ou des seigneurs l'accuse le premier, il lui sera accordé un délai, afin qu'il puisse s'entretenir avec son évêque; si un clerc veut se purger de l'accusation, il sera libre de le faire dans la paroisse où il est attaché, en présence de plusieurs des paroissiens, devant les délégués de l'évêque, qui le jugeront. S'il ne peut se justifier, il perdra son église sans pouvoir y rentrer. Le roi statue ainsi sur ce point, non pour ôter à perpétuité à ses évêques l'exercice de leur justice, mais parce que les évêques ont fait moins qu'ils n'eussent dû dans ce temps, et jusqu'à ce que, voyant leur changement de conduite, il puisse leur rendre, comme bienfait, ce que pour un temps il a retiré de leurs mains.

IV. Aucun laïque n'aura rien, ni dans les revenus de l'autel, ni dans les sépultures, ni dans le tiers des dîmes; il ne recevra rien du prix de leur vente. Que le prêtre ne fasse aucun service, si ce n'est de porter un message de son seigneur; mais qu'alors il retourne le même jour au service de son église et à ses prières; que si son seigneur l'exige, il aille avec lui, mais seulement en Normandie, et vivant aux dépens de son seigneur: cependant un autre prêtre prendra soin du service de l'église.

V. Les prêtres ne seront forcés ni par violence ni par menace de fournir rien aux évêques ou à leurs officiers au delà de leurs justes revenus. On n'exigera d'eux aucune amende d'argent pour les femmes qu'ils entretiendraient.

VI. Les archidiacres visiteront, une fois par an, dans leur archidiaconat, les vêtemens, les calices et les livres des prêtres leurs suffragans, après que les évêques auront désigné, dans chaque archidiaconat, trois lieux seulement où les prêtres du voisinage seront convoqués pour cette visite.

VII. Quand l'archidiacre viendra pour visiter ces objets, il recevra pour lui cinquième, s'il convient, pendant trois jours, les vivres nécessaires de la part des prêtres qui seront assemblés.

VIII. Si un prêtre a forfait dans les forêts du roi ou de ses barons, l'évêque ne recevra rien de l'amende.

IX. Tous les ans, vers la Pentecôte, les prêtres iront en procession à l'église dont ils dépendent, et, pour l'illuminer, il sera offert à l'autel pour chaque maison une denarate9 de cire ou sa valeur. Celui qui refusera de le faire, sera contraint par son prêtre à fournir cette redevance, sans amende d'argent.

X. Un laïque ne donnera ni n'ôtera à l'église son prêtre, à moins que ce ne soit du consentement de l'évêque. Cependant, si le prêtre mérite d'être reçu, l'évêque ne le repoussera pas, comme il ne le retiendra pas s'il mérite d'être écarté.

XI. Dans les cimetières des églises qui sont au sein des cités, des châteaux ou des bourgs, les évêques auront de nouveau tout ce dont ils jouissaient du temps du comte Robert, ou du consentement du roi Guillaume.

XII. Quant aux cimetières qui sont situés dans les marches, si la guerre a lieu et si quelqu'un s'y fait une demeure pendant la durée de la guerre, et réside, pour cette cause, dans ce lieu sacré, l'évêque ne pourra poursuivre contre lui aucune amende autre que celle à laquelle il aurait eu droit avant son séjour en ce lieu. Quand la paix sera faite, ceux qui avaient fui à cause de la guerre, seront forcés de sortir de l'asile sacré et replacés sous les lois épiscopales. Mais ceux qui auront de toute antiquité habité ces cimetières continueront d'y rester tranquilles comme par le passé.

XIII. Les églises des campagnes conserveront l'étendue de cimetière qu'elles possédaient du temps du comte Robert, ou jusqu'à ce concile; les évêques y jouiront des droits dont ils étaient en possession du temps du comte Robert, ou du consentement du roi Guillaume, à moins que ces évêques, du consentement du même roi, n'aient donné quelque quittance.

XIV. Si, après ce concile, quelque nouvelle église s'établit dans un village, l'évêque placera le cimetière à la commodité des seigneurs et des paroissiens. Si la nouvelle église s'établit loin des habitations, elle aura autour d'elle cinq perches de cimetière.

XV. Si l'on donne une église à des moines, le prêtre qui occupe cette église jouira de tout ce qui lui revenait avant que les moines la possédassent, et d'autant mieux qu'il est associé à des hommes plus saints. S'il vient à manquer par mort ou autrement, l'abbé cherchera un prêtre convenable, et le présentera à l'évêque, soit par lui-même, soit par un délégué; s'il est recevable, l'évêque le recevra. Si le prêtre veut vivre religieusement avec les moines, il avisera à ce que l'église, où il sera entré avec la permission de l'évêque, soit traitée convenablement tant en vêtemens qu'en livres et autres objets nécessaires au service de l'église, selon les moyens dont elle dispose. Si le prêtre ne veut pas vivre avec les moines, l'abbé lui fournira, des biens de l'église, de quoi vivre convenablement et de manière qu'il puisse faire décemment le service de son église. Si l'abbé n'y consent pas, il y sera contraint par l'évêque selon les convenances. Le prêtre sera justement soumis à son évêque, et lui payera les redevances épiscopales. Le surplus sera consacré par l'abbé à l'usage de son monastère. La même chose sera observée dans les églises des chanoines.

XVI. La violation de l'église et du parvis, comme il a été déterminé ci-dessus, et toutes actions propres à interrompre le service divin, seront punies d'amende pécuniaire par les évêques. Il en sera de même de toute voie de fait sur le chemin de l'église.

XVII. La même peine sera infligée à quiconque poursuivra avec colère une autre personne, soit dans l'église, soit dans le parvis.

XVIII. Si un laïque laboure ou bâtit dans le parvis sans la permission de l'évêque, même peine.

XIX. Si un clerc fait un larcin ou un vol, ou frappe quelqu'un, ou le blesse, ou le tue; s'il accepte un duel sans la permission de son évêque, s'il enlève des objets donnés en nantissement, s'il attaque quelqu'un, s'il saisit quelque chose injustement, s'il met le feu, soit lui, soit un homme à ses gages, soit un habitant du parvis, même peine.

XX. Si un clerc commet un adultère ou un inceste, semblable peine.

XXI. Si un prêtre forfait à son ministère, semblable peine.

XXII. Les prêtres qui négligeront de se rendre au synode encourront la même peine.

XXIII. Celui qui n'assistera pas au synode, et ne fera pas la tournée dans les termes prescrits, sera puni de la même manière.

XXIV. Si un clerc quitte sa tonsure, semblable peine.

XXV. Si un moine ou une religieuse, qui ne sont soumis à aucune règle spéciale, quittent leur habit, semblable peine.

XXVI. Si des prêtres, sans la permission de l'évêque, excommunient d'autres personnes que les infracteurs de la trêve de Dieu et les voleurs, semblable peine.

XXVII. Si des épaves, que l'on appelle vulgairement weridifs10, viennent se rendre dans la cour du prêtre ou du clerc qui habite dans le parvis, ils appartiendront à l'église ou à l'évêque.

XXVIII. Il en sera de même de ce qui aurait pu être abandonné par suite d'une querelle dans la maison d'un prêtre ou d'un clerc, ou dans le parvis, pour l'un des deux ou pour quelqu'un de leurs gens.

XXIX. Si quelqu'un assaillit11 un prêtre, un moine ou une religieuse; s'il les frappe, les prend ou les tue, ou s'il incendie leurs maisons situées dans le parvis, il sera mis à l'amende.

XXX. Si quelque chose est trouvée dans l'église ou dans son parvis, elle appartiendra à l'évêque.

XXXI. Si quelqu'un commet un adultère ou un inceste, soit avec sa marraine, soit avec sa mère, soit avec sa fille, semblable peine.

XXXII. Si une femme en fait autant, semblable peine.

XXXIII. Si un mari quitte sa femme, ou la femme son mari sans la permission de l'évêque, semblable peine.

XXXIV. Ceux qui consultent les morts ou font des maléfices, semblable peine.

XXXV. Si quelqu'un désavoue ou nie le crime qui lui est imputé, et qu'il en soit convaincu par le jugement du fer, si ce n'est pendant la trêve de Dieu, semblable peine.

XXXVI. Celui qui résistant à la justice souffre qu'on l'excommunie, semblable peine.

XXXVII. Les crimes des paroissiens, qui sont de la compétence de l'évêque, comme c'est l'usage, seront examinés par le jugement des évêques.

XXXVIII. S'il y a opposition au jugement, que l'affaire soit terminée devant l'évêque.

XXXIX. Si le jugement du fer a été prescrit par jugement, il s'exécutera devant l'église.

XL. S'il y a lieu à se purger par jugement, on se rendra où l'on a d'abord plaidé.

XLI. Que personne ne se permette de prêcher dans la paroisse de l'évêque sans sa permission.

XLII. Celui qui commettra les fautes dont on vient de parler, pourvu qu'il vienne de lui-même à la pénitence, la subira selon la gravité du crime, et il ne sera exigé de lui aucune somme d'argent.

XLIII. Si un laïque commet un vol dans le parvis, il sera soumis à l'amende au profit de l'évêque.

XLIV. Si le vol a eu lieu ailleurs, de quelque manière que ce soit, l'évêque n'aura rien.

XLV. Les évêques percevront les droits de douane dans les mêmes lieux où ils les ont eus du temps du comte Robert, ou par la concession du roi Guillaume. Quant aux choses qui en sont quittes, elles auront cette exemption, comme elles l'ont eue jusqu'à ce jour. Dans toutes ces justices et droits, le roi se retient ce qu'il a possédé jusqu'à ce moment.

XLVI. Si un prêtre pour une affaire ecclésiastique est en instance contre son seigneur, et le fatigue injustement en l'appelant devant l'évêque, il payera par amende dix sous à son seigneur.

XLVII. Si les évêques peuvent prouver devant la cour du roi qu'ils ont possédé du temps du comte Robert, ou par la concession du roi Guillaume, quelque chose qui ne soit pas écrit ici, le roi ne leur en conteste pas la propriété; mais ils ne doivent pas s'en saisir, jusqu'à ce qu'ils aient prouvé à sa cour qu'ils doivent l'avoir. Il en est de même des laïques auxquels le roi ne retire, par le présent décret, rien de ce qu'ils pourront prouver à sa cour que les évêques n'ont pas droit de posséder: toutefois les évêques n'en seront pas dessaisis12, jusqu'à ce que les laïques prouvent à la cour du roi que les évêques ne doivent pas le retenir.

Ce synode fut célébré sur le bord de la Seine, dans un bourg royal13 où fut autrefois l'antique ville que les habitans appelaient Calet, d'où le pays circonvoisin, depuis la mer jusqu'à Talou14, a été appelé Caux15. Comme on lit dans les anciens livres qui traitent des exploits des Romains, Caïus Jules-César assiégea cette ville et la détruisit pour se venger de l'excessive obstination des assiégés, qui se défendirent très-vivement dans l'intérieur de la place. Ensuite, ayant, suivant ses desirs, puni ses ennemis, et considérant les avantages du lieu, il y bâtit provisoirement un fort pour y établir les Romains, et l'appela de son nom Julia-Bona, dont les Barbares ont, par la corruption du mot, fait sortir celui de Lillebonne. César parcourut exactement toute la Neustrie, et fit bâtir sur le fleuve de la Seine la ville de Rouen, dans un lieu très-avantageux, où les rivières d'Aubette16 et de Robec17 coulent pour aller se jeter dans la Seine à l'orient, tandis que la Maronne18 coule à l'occident. Cette ville fut appelée par ses fondateurs Rodomus, comme pour signifier la maison des Romains (Romanorum Domus). Là se fixa en sûreté une légion romaine, pour gouverner et contenir les provinces d'alentour19.

VII. De Rothomagensi civitate. De Ebroicensi civitate. Gesta B. Taurini.

Rodomensis civitatis populis est ac negotiorum commerciis opulentissima, portus quoque confluentia et rivorum murmure ac pratorum amoenitate jucundissima, fructuum et piscium, cunctarumque rerum exuberantia ditissima, montibus et silvis undique circumdata, muris ac vallis et propugnaculis validissima, moeniis et aedificiis domorum ac basilicarum pulcherrima. Ad hanc a sancto Dionysio, tempore Domitiani Caesaris, beatus Nigasius episcopus cum sociis suis destinatus est; sed obiter in quodam foro, quod Scamnis dicitur, a Sisinnio Fescennino comprehensus est, et constanter in fide Christi perseverans, cum Quirino presbytero ac Scuviculo diacono, V Idus Octobris decollatus est. Corpora vero eorum avibus, improbis canibus, ferisque voranda a persecutoribus derelicta sunt; sed jussu omnipotentis Dei ab angelis intacta custodita sunt. Deinde, postquam profani satellites recesserunt, succedenti nocte, sancti martyres divina ope mirabiliter erecti sunt, et, apprehensis capitibus suis, fluvium Eptam vado hominibus incognito transierunt, et in insula ejusdem fluminis amoenissima requieverunt. Ob memoriam sanctorum, ille locus extunc usque in hodiernum diem Vani, id est vadum Nigasii, nuncupatus est, in quo Deus martyrum meritis multa beneficia fideliter poscentibus largitus est. Prisca gentilitas, obiter martyrizato praedicatore, Rothomagum diu possedit, et innumeris idolorum spurcitiis usque ad sanctum Mellonem archiepiscopum replevit.

Eo tempore fides Christi Evanticorum, id est Ebroas urbem, super Ittonam fluvium sitam, possidebat et salubriter illuminabat. Nam illuc beatus Taurinus a Dionysio Machario directus fuerat, et a Deo confortatus multa miracula fecerat. Deus enim cum eo semper erat, et omnia opera ejus gloriose dirigebat; pro quo dura et aspera hujus saeculi aequanimiter perferrebat. Romanum Tarquinium patrem suum, Euticiamque matrem piissimam, Christi cultricem, cum aliis amicis et cognatis Romae reliquerat; et jussu Clementis papae, cum Dionysio Ionico Gallias tenellus exsul penetrarat. Grassante nimium secunda persecutione, quae sub Domitiano in Christianos furuit, praedictus Dionysius Parisiensis episcopus Taurinum filiolum suum jam quadragenarium, praesulem ordinavit, et vaticinatis pluribus quae passurus erat, Ebroicensibus in nomine Domini direxit. Viro Dei ad portas civitatis appropinquanti, daemon in tribus figmentis se opposuit, scilicet in specie ursi et leonis et bubali, terrere athletam Christi voluit. Sed ille fortiter ut inexpugnabilis murus in fide perstitit, et coeptum iter peregit, hospitiumque in domo Lucii suscepit. Tertia die, dum Taurinus ibidem populo praedicaret, et dulcedo fidei novis auditoribus multum placeret, dolens diabolus Eufrasiam Lucii filiam vexare coepit et in ignem dejecit. Quae statim mortua est; sed paulo post, orante Taurino ac jubente ut resurgeret in nomine Domini, resuscitata est. Nullum in ea signum adustionis apparuit. Omnes igitur hoc miraculum videntes subito territi sunt, et obstupescentes, in Jesum Christum crediderunt. In illa die CXX homines baptizati sunt, octo caeci illuminati et quatuor muti sanati, aliique plures ex diversis infirmitatibus in nomine Domini sunt curati.

Deinde Taurinus fanum Dianae intravit, Zabulumque coram populo visibilem astare in virtute Dei coegit; quo viso, ethnica plebs valde timuit. Nam manifeste apparuit eis Aethiops niger ut fuligo, barbam habens prolixam, et scintillas igneas ex ore mittens. Deinde angelus Domini splendidus ut sol advenit, cunctisque cernentibus, ligatis a dorso manibus daemonem abduxit. In illa igitur die duo millia virorum baptizati sunt, et omnes infirmi ope divina curati sunt. Haec Deodatus Eufrasiae frater vidit et credidit, et baptizatus presbyterque factus, haec veraciter scripto retulit. Tunc Taurinus foedum Dianae fanum intravit exorcismis et orationibus emundavit, Deoque templum in honore sanctae Dei genitricis Mariae dedicavit. Deinde coepit circumquaque idola destruere et ecclesias Christo consecrare, omnem dioecesim circumire, canonice ordinare, hospitalitatem in omnibus constituere.

Invidus Satan tot bona videns doluit, variisque machinationibus virum Dei laedere sategit, et multos in illum adversarios excitavit. Duo magi, Cambisses et Zaraa sacerdotes Dianae fuerunt, visaque conversione populi ad Deum, ingemuerunt, et XX discipulos suos, ut Taurinum perimerent, concitaverunt. Qui venientes, a viro Dei a longe visi et cogniti sunt; ipsoque crucis signum contra illos faciente, illico fixi steterunt. Illo iterum jubente soluti sunt, et provoluti pedibus ejus crediderunt, et in nomine sanctae et individuae Trinitatis baptizati sunt. Magi autem, ut sua figmenta nihil in militem Christi valere compererunt, propriis se cultris interemerunt. Interea Licinius consul famam beati pontificis audivit, ipsumque sibi Gisaico villa praesentari fecit. Qui, cum traheretur, obvium habuit unum paralyticum, sororemque ejus caecam, surdam et mutam. Protinus ille aquam benedixit, aegros perfudit et mox sanitati restituit. Carnifices hoc viderunt et in Dominum statim crediderunt. Dum praesul et consul de idololatria et theusebia procaciter altercarentur, et praesul jussu consulis irrationabiliter furentis nudus virgis caederetur, Deum fideliter deprecatus est, et mox voce de coelo ad eum missa confortatus est. Manus quoque carnificum statim aruerunt; Licinius vero Leonillam uxorem suam, quia loquebatur pro viro Dei, ira succensus jussit cruciari.

Dum haec agerentur, nuntius venit, dicens filium ejus in venatione circa castellum Alerci praecipitio mortuum cum armigero suo. Licinius ergo cum omni exercitu suo nimis contristatus est, et virum Dei, quem cruciare coeperat, nutu Dei rogare coactus est. Taurinus autem, postquam in ecclesia Sanctae Mariae prostratus oravit, cum populo ad corpora defunctorum perrexit. Ibi devote Deo supplicavit, finitisque precibus manum Marini juvenis consobrini sui apprehendit, eumque in nomine Domini a morte resuscitavit. Quod Licinius et uxor ejus et omnes optimates ejus videntes gavisi sunt, et procidentes ad praesulis pedes, sacrum sibi baptisma dari petierunt. Baptizati sunt itaque in illa die mille ducenti viri.

Deinde Marino poscenti pro armigero suo Taurinus acquievit, ad corpus accessit, Deum invocavit, Paschasium inclamavit et in virtute Dei vitae restauravit. Ambo sibi superstites vivis retulerunt quae defuncti apud inferos viderunt. Paschasius Marino praedixit quod in die quo albas deponeret moreretur; quod ita factum est. Nam Marinus levi febre correptus est, et octava die baptismatis mortuus est. His aliisque multis miraculis Taurinus, Ebroarum primus pontifex, claruit, et multa millia hominum ad cognitionem veritatis et justitiae perduxit. Denique, dum Sixtus papa in sede apostolica resideret, et Aelius Adrianus rempublicam gubernaret, plenus dierum et virtutum, Taurinus III Idus Augusti de coelo vocatus est, et ecclesia, populo astante, densa odoriferaque nebula repleta est. Transacto unius horae spatio, nebula recessit, et pontifex in cathedra sedens, et quasi orans manibus extensis, oculisque ad coelum versis, apparuit. Ingens luctus parochianorum casu pastoris factus est, jussuque angeli qui populo in specie viri honorabilis apparuerat extra urbem quasi ad tertiam partem milliarii ad occidentem vir Dei sepultus est. Locus ille diu postmodum sine honore habitus est. Sed nunc ibi gratia Dei electus grex monachorum in militia salubri constitutus est. In sepelitione venerabilis episcopi res accidit inusitata. Dum in mausoleo praesul ex more poneretur, populusque nimis fleret, ille quasi vivus de fossa erigens se, ait: Filioli mei, quid hoc facitis? Nolite timere. Justum virum audite. Et, inclinato capite, siluit. Sepulto itaque servo Christi, dixit ad populum angelus Dei: Recedite velociter, ne involvamini ab hostibus. Nunc civitas ista subvertetur, sed nullus vestrum periclitabitur. Per multa tempora incognitus erit locus iste. His dictis, nusquam comparuit, et completa sunt omnia ut praedixit. Nam sepulcrum sancti antistitis et anniversarium transitus ejus diu homines latuerunt. Signa quoque nonnulla per eum apud Ebroas adhuc quotidie fiunt. Daemon enim, quem de Dianae fano expulit, adhuc in eadem urbe degit, et in variis frequenter formis apparens, neminem laedit. Hunc vulgus Gobelinum appellat, et per merita sancti Taurini ab humana laesione coercitum usque hodie affirmat. Et quia jussis sancti antistitis sua frangendo simulacra obsecundavit, in barathrum non statim mersus fuit; sed in loco ubi regnaverat poenas luit, videns salvari homines quibus jamdudum ad detrimentum multimode insultavit.

Fertur aliud ab incolis, et est verum, quod in Ebroicensi urbe animal vivere nequit venenatum. Nam pinguis humus imbuta fluentis Ittonae fluminis colubros et serpentes pariebat, et hujusmodi animantibus Ebroica civitas nimis abundabat. Civibus autem pro tali peste conquerentibus, deprecatus est Dominum beatus Taurinus ut urbem ab hoc incommodo liberaret, nec ulterius venenatum reptile intra moenia urbis vivere sineret. Oravit et exauditus est. Si casu coluber seu bufo in fasciculo herbae defertur, statim, dum intra muros urbis venerit, moritur.

Post longum tempus religio Christiana crevit, et clerus Ebroicensis cum fidelibus indigenis primi praesulis sui Taurini polyandrum quaesivit, Deoque monstrante, invenit. Deinde reverenter de terra levatum est, et post aliquod tempus a fidelibus Fiscannum translatum est. Ibi venerabile coenobium monachorum, ad Deitatis cultum jugiter agendum, constructum est, ibique in capsa pretiosa sancti viri corpus veneranter aptatum est.

Almi Taurini praesulis precibus et meritis nos Deus eruat ab omni veneno vitiorum, et perfecto sanctarum decoret nos jubare virtutum, et in sanctis mansionibus suorum conjungat collegio sanctorum, ubi possimus ipsum Regem regum digniter laudare per omnia saecula saeculorum! Amen.

Aelio Adriano et Antonino Pio imperantibus, rabie hostili novella Christianitas in Gallia vehementer attrita est, et sancta mater Ecclesia per annos fere CLX admodum humiliata est. Nulla nobis historia manifeste prodit quae gens illa fuerit, vel unde venerit, sive sub quo principe vel tyranno saevierit; quae intolerabiliter Christianos et idololatras oppresserit. In plurimis tamen gestis sanctorum illius temporis liquido patescit quod sub praedictis principibus quidam crudelis et barbarus exercitus regnum Galliae nimis attriverit. Eo tempore nullus rex in Gallia erat, sed imperator Romanorum a Caio Julio Caesare Cis-Alpinis omnibus imperabat, et praesides aliasque potestates singulis urbibus ad libitum suum dirigebat.

Silentium de Deo magnum fuit in Neustria post obitum sancti praesulis Taurini, usque ad tempora Diocletiani et Maximiani; a quibus facta est decima clades furoris diabolici, quae gravius ac diuturnius aliis saeviit in Ecclesiam Christi. Caeterum ille, qui suis semper se adfuturum esse promisit, in immensis tribulationum procellis sponsam suam mirabiliter confortavit ac liberavit, protexit ac exaltavit, et honorabilibus triumphis palam magnificavit. Insuper aeterno diademate coram patre suo in coelesti Jerusalem remunerabit. Ergo quam tantum diligit, inter furias persequentium paedagogis illustribus destitui diu non desiit.

La ville de Rouen est très-peuplée et très-riche par différens genres de commerce; elle est très-agréable à cause de l'affluence de bâtimens qui se réunissent dans son port, par le murmure de ses eaux courantes et par l'agrément de ses prairies. Une grande abondance de fruits, de poissons et de toutes sortes de denrées ajoute encore à son opulence. Les montagnes et les forêts dont elle est entourée de toutes parts, les murs, les retranchemens et les autres constructions militaires, la rendent très-forte. Elle reçoit beaucoup de lustre de ses édifices ainsi que de l'aspect de ses maisons et de ses églises. Ce fut vers elle que saint Denis, du temps de l'empereur Domitien, envoya l'évêque Nicaise avec ses compagnons; mais, pendant leur voyage, Nicaise fut arrêté dans un certain lieu qu'on appelle Ecaux20 par Sisinnius Fescenninus, et, persévérant constamment dans la foi du Christ, il fut décollé avec le prêtre Quirin et le diacre Scunicule21, le 5 des ides d'octobre (11 octobre). Les persécuteurs de ces saints firent abandonner leurs corps aux oiseaux de proie, aux chiens dévorans et aux autres bêtes féroces pour leur servir de pâture; mais, par l'ordre de Dieu tout-puissant, ils furent conservés intacts, grâces aux soins des anges. Quand les satellites profanes se furent retirés, les saints martyrs se levèrent miraculeusement la nuit suivante, par le secours de Dieu; puis, ayant pris leur tête, ils passèrent la rivière d'Epte vers un gué jusqu'alors inconnu aux hommes et se reposèrent dans une île très-agréable que forme cette rivière. En mémoire de ces saints, ce lieu a conservé jusqu'à ce jour le nom de Gâni22, c'est-à-dire gué Nicaise. Par les mérites de ces martyrs, Dieu accorda beaucoup de bienfaits à ceux qui l'imploraient avec foi. Les anciens Gentils, après le martyre de leurs prédicateurs, possédèrent long-temps la ville de Rouen et la remplirent des innombrables ordures de leurs idoles jusqu'à l'époque de saint Mellon archevêque.

Dans ce même temps, la foi du Christ avait conquis la ville des Evantiques, c'est-à-dire d'Evreux23, laquelle est située sur la rivière d'Iton, et y répandait ses lumières. En effet, le bienheureux Taurin y avait été envoyé par Denis Macaire, et, avec l'aide de Dieu, avait fait de nombreux miracles; car Dieu était toujours avec lui et dirigeait glorieusement toutes ses œuvres. C'est ce qui lui avait fait choisir courageusement les souffrances et les tourmens de ce siècle. Il avait laissé à Rome son père Romain Tarquin, et sa mère Eutychie, très-pieuse adoratrice du Christ, avec plusieurs autres personnes qui étaient de ses amis ou de ses parens. Par l'ordre du pape Clément, ce jeune et agréable voyageur s'était rendu dans les Gaules avec le Grec Denis. Lorsque la seconde persécution exerça ses rigueurs contre les chrétiens sous l'empire de Domitien, ce Denis, promu à l'évêché de Paris, ordonna évêque Taurin qu'il aimait comme son fils, et qui était déjà parvenu à l'âge de quarante ans, et, après lui avoir prédit tout ce qu'il aurait à souffrir, il l'envoya au nom du Seigneur auprès des habitans d'Evreux. Comme l'homme de Dieu s'approchait des portes de la ville, le démon se présenta devant lui sous trois formes différentes: il voulut effrayer le champion du Christ en s'offrant à ses yeux comme un ours, comme un lion et comme un buffle; mais Taurin, semblable à un mur inexpugnable, résista fortement dans la foi et reçut l'hospitalité dans la maison de Lucius. Le troisième jour, comme Taurin prêchait le peuple d'Evreux, et que ses nouveaux auditeurs éprouvaient un grand plaisir à recevoir les douceurs de la foi, le diable, plein d'affliction, se mit à tourmenter Euphrasie, fille de Lucius, et la jeta dans le feu. Elle mourut aussitôt: mais, peu après, Taurin s'étant mis en prières et ayant ordonné à cette fille de ressusciter, elle revint à la vie au nom du Seigneur. On ne trouva en elle aucun signe de brûlure. Tous ceux qui virent ce miracle éprouvèrent une terreur soudaine, et dans leur stupeur crurent au Seigneur Jésus-Christ. Ce même jour, cent vingt hommes furent baptisés, huit aveugles rendus à la lumière, quatre muets recouvrèrent la parole, et beaucoup d'autres personnes affligées de diverses infirmités revinrent à la santé au nom du Seigneur.

Taurin entra ensuite dans le temple de Diane, et, par la vertu de Dieu, força le diable de se rendre visible au peuple. A cette vue, toute la population païenne fut saisie d'une grande frayeur; car il leur apparut clairement sous la forme d'un Ethiopien noir comme la suie, ayant la barbe longue, et jetant par la bouche des étincelles de feu. Ensuite un ange du Seigneur arriva brillant comme le soleil, et, aux regards de tout le monde, emmena le démon les mains liées derrière le dos. Dans le cours de cette journée deux mille hommes furent baptisés, et tous les malades furent guéris par le secours divin. Déodat, frère d'Euphrasie, vit ces choses; il crut, fut baptisé, et, devenu prêtre, il rapporta avec vérité par écrit ce dont il avait été témoin. Alors Taurin fit son entrée dans le hideux temple de Diane, le purifia par ses exorcismes, ses prières, et le consacra au service divin en l'honneur de sainte Marie mère de Dieu. Il se mit ensuite à détruire les idoles dans tout le pays aux environs, à consacrer des églises au Christ, à visiter tout son diocèse, à faire des ordinations canoniques, et à établir des hôpitaux en tous lieux.

L'envieux Satan s'affligea de voir tant de bien; il essaya de porter atteinte à l'homme de Dieu, par diverses machinations, et suscita contre lui beaucoup d'ennemis. Deux magiciens, Cambisses et Zaraa, étaient prêtres de Diane. Ils gémirent de voir le peuple se convertir à Dieu, et engagèrent vingt de leurs disciples à tuer Taurin. Dès leur arrivée, l'homme de Dieu les vit de loin et les reconnut; faisant contre eux le signe de la croix, il les força aussitôt de rester immobiles. A son ordre ils redevinrent libres, se jetèrent à ses pieds, crurent et furent baptisés au nom de la sainte et indivisible Trinité. Quand les magiciens virent que leurs artifices étaient impuissans contre le soldat du Christ, ils se tuèrent de leurs propres couteaux. Cependant le comte24 Licinius entendit parler du bienheureux pontife, et se le fit présenter dans sa maison de Gisai25. Comme on y conduisait Taurin, il rencontra un paralytique dont la sœur était aveugle, sourde et muette. Aussitôt il bénit de l'eau, en versa sur les malades, et ils recouvrèrent la santé. Les bourreaux virent ce miracle et crurent aussitôt au Seigneur. Le prélat et le comte disputèrent vivement sur l'idolâtrie et la croyance de Dieu; le comte ordonna, dans les transports déraisonnables de sa fureur, de dépouiller Taurin et de le frapper de verges. Le saint prélat pria Dieu avec fidélité, et fut reconforté par une voix qui se fit entendre du ciel. Les mains des bourreaux se desséchèrent à l'instant. Licinius, enflammé de colère contre sa femme Léoville, parce qu'elle parlait en faveur de l'homme de Dieu, le fit livrer aux tortures.

Pendant que ces événemens se passaient, un courrier vint lui dire que son fils s'était tué avec son écuyer en tombant dans un précipice, comme il était à la chasse aux environs du château d'Alerce26. Licinius et toute sa suite furent vivement affligés, et, par la permission divine, il fut contraint de prier l'homme de Dieu, qu'il avait commencé à faire torturer. Taurin se prosterna dans l'église de Sainte-Marie, se mit à prier, et, réuni au peuple, se rendit auprès des corps des deux défunts. Etant là, il supplia dévotement le Seigneur, termina sa prière, prit la main du jeune Marin, son cousin, et le ressuscita de la mort au nom du Sauveur. Ce qu'ayant vu Licinius, sa femme et tous les grands, ils se réjouirent, et, tombant aux pieds du prélat, le prièrent de leur conférer le saint baptême. Ce jour-là on baptisa douze cents hommes.

Cédant à la demande formée par Marin en faveur de son écuyer, Taurin s'approcha du corps de cet homme, invoqua Dieu, appela à haute voix Paschase, et le rendit à la vie par la puissance de Dieu. Ces deux hommes, ressuscités, rapportèrent aux vivans ce qu'étant morts ils avaient vu dans les enfers. Paschase prédit à Marin qu'il mourrait le jour où il quitterait le blanc27. C'est ce qui arriva en effet: Marin fut saisi d'une légère fièvre, et mourut le huitième jour de son baptême. Ce fut par ces miracles et beaucoup d'autres que Taurin, premier ëvêque d'Evreux, acquit une brillante réputation, et conduisit à là connaissance de la vérité et de la justice plusieurs milliers d'hommes. Lorsque le pape Sixte était assis sur le siége apostolique, et qu'Elius Adrien gouvernait la république, Taurin, plein de jours et de vertus, fut appelé au ciel le 3 des ides d'août (11 août); et aussitôt, en présence du peuple, l'église fut remplie d'un nuage épais et odoriférant. Au bout de l'espace d'une heure, la nuée se dissipa, et l'on vit le pontife assis dans sa chaire et comme priant, ayant les mains étendues et les yeux tournés vers le ciel. La mort du pasteur accabla d'un deuil profond tous les paroissiens. Par l'ordre d'un ange qui apparut au peuple, sous la forme d'une personne de haut rang, l'homme de Dieu fut enseveli hors la ville, à environ un tiers de mille vers l'Occident. Ce lieu resta long-temps négligé; mais maintenant, par la grâce de Dieu, un troupeau de moines choisis y est établi, afin d'y combattre pour le salut. Il arriva une chose extraordinaire lors de l'inhumation de ce vénérable évêque. Pendant que, suivant l'usage, on le déposait dans le mausolée et que le peuple se livrait à une douleur excessive, on le vit tout à coup se lever vivant de sa fosse; il dit: «Mes enfans, que faites-vous? Ne craignez rien; écoutez cet homme qui vous parle.» Il inclina la tête et garda le silence. En effet, aussitôt que le serviteur du Christ fut enseveli, l'ange de Dieu dit au peuple: «Retirez-vous promptement de peur d'être enveloppés par les ennemis; cette ville est près d'être bouleversée, mais aucun de vous n'éprouvera de danger. Pendant long-temps ce lieu restera inconnu.» A ces mots on ne le revit plus, et tout ce qu'il avait prédit recut son accomplissement. En effet, le tombeau du saint prêtre et l'anniversaire de sa mort furent long-temps dérobés à la connaissance des hommes; mais, par la révélation de Dieu, ils obtinrent ensuite une glorieuse manifestation. Journellement il se fait encore à Evreux de nombreux miracles par l'intercession de ce saint. Le démon qu'il avait expulsé du temple de Diane resta long-temps dans la même ville, et se présenta fréquemment sous diverses formes, mais il ne put nuire à personne. Le vulgaire l'appelle Gobelin28, et assure que, jusqu'à ce jour, les mérites de saint Taurin l'ont empêché de nuire aux hommes: comme il avait obéi aux ordres du saint évêque en brisant ses propres statues, il ne fut pas à l'instant replongé dans l'enfer, mais il subit sa peine dans le lieu où il avait régné, et vit sauver les hommes auxquels il avait si souvent insulté en travaillant de tant de manières à leur perte.

Les habitans rapportent, et ce fait est vrai, qu'il ne peut vivre aucun animal venimeux dans la ville d'Evreux, quoique le sol naturellement gras du pays, baigné par le cours de la rivière d'Iton, produisît beaucoup de couleuvres ainsi que de serpens, et que la ville d'Evreux fût remplie de ces animaux. A la demande des citoyens qui se plaignaient amèrement d'une telle peste, saint Taurin pria le Seigneur de délivrer la ville de cette calamité, et de ne pas permettre qu'à l'avenir aucun reptile venimeux pût pénétrer dans les murs de la ville. La prière du saint fut exaucée. Si par hasard une couleuvre ou un crapaud se trouve apporté dans quelque paquet d'herbe, dès qu'il a pénétré dans l'enceinte d'Evreux, il meurt sur-le-champ.

Long-temps après, la religion chrétienne prit de l'accroissement; et le clergé d'Evreux, réuni aux fidèles du pays, fit la recherche du tombeau de son premier évêque Taurin, et le trouva par la grâce de Dieu, qui le fit connaître. Le corps fut tiré de terre avec beaucoup de respect, et transféré peu de temps après par les fidèles dans la ville de Fécamp. On y construisit un vénérable couvent de moines pour rendre continuellement hommage à Dieu, et le corps du saint homme y fut placé respectueusement dans une châsse précieuse.

Par les prières et les mérites du pieux prélat Taurin, que Dieu nous délivre de tout le venin des vices, qu'il nous décore de l'éclat parfait des saintes vertus, et qu'il nous réunisse dans les demeures célestes à la société de ses saints, afin que nous puissions dignement chanter les louanges du Roi des rois pendant tous les siècles des siècles! Ainsi soit-il!

Sous l'empire d'Ælius Adrien et d'Antonin-le-Pieux, la rage des ennemis frappa vivement dans les Gaules le christianisme naissant, et la sainte mère Eglise reçut de grandes humiliations pendant cent soixante ans. Nous ne voyons clairement dans aucune histoire quelle fut la nation qui opprima d'une manière intolérable les Chrétiens et les idolâtres, ni d'où elle vint, ni sous quel prince ou quel tyran elle exerça ses fureurs. Dans les actes de plusieurs saints de ce temps, on voit clairement que, sous ces princes, une armée barbare et cruelle ravageait horriblement les Gaules. Dans ce temps, cette contrée n'avait aucun monarque: elle était gouvernée par les empereurs des Romains, ainsi que les autres Cisalpins, depuis la conquête de Jules César, et leurs gouverneurs ou tous autres magistrats commandaient dans chaque ville à leur gré.

On ne s'occupa guère de Dieu dans la Neustrie, après la mort du saint évêque Taurin, jusqu'au temps de Dioclétien et de Maximien, qui exercèrent la dixième persécution de fureur diabolique, dont fut frappée l'église du Christ, plus durement et plus longtemps que par les autres. Au reste, celui qui a promis d'assister constamment les siens dans les affreuses tempêtes des tribulations a reconforté admirablement son épouse; il l'a délivrée, protégée et élevée; il l'a manifestement glorifiée par de brillans triomphes. Il la récompensera du diadême éternel dans la céleste Jérusalem. Ainsi il n'a pas voulu que celle qu'il a tant aimée manquât de maîtres illustres au milieu de la fureur des persécutions.

VIII. Mallonus et Avicianus apostoli Normanniae. Disticha in honore XLVII primorum Rothomagensium praesulum.

Dum decima persecutio per decem annos Christianis fortiter immineret, et innumera martyrum millia multis suppliciorum generibus trucidaret, et cruore pretioso gloriose decorata ad coelos transmitteret, Quintinus et Lucianus, Valerianus, Rufinus et Eugenius, Mallonus et Avicianus, aliique plures de clero et nobilitate Romanorum Roma exierunt, et fiducialiter verbum Dei praedicantes per Gallias diffusi sunt. Tunc Quintinus Ambianis, et Lucianus expetiit Belvacum, et Mallonus cum Aviciano et quibusdam aliis idoneis viris Rothomagum.

Diocletiano et Herculio Maximiano regni fasces sponte deponentibus, Constantius vir magnae civilitatis suscepit imperium in occiduis partibus quod deposuerat Herculius. Is erga homines multa clementia, erga Deum vero religione utebatur maxima. Nam neque ex consortii rabie, ut Caesariensis Eusebius allegat, regnum suum piorum sanguine maculaverat, neque orationum domus et conventicula Christicolarum, ut Maximianus fecerat, hostili vastatione destruxerat. Hic in Neustria civitatem condidit, quam a nomine suo Constantiam nominavit, et in ipsa provincia concubinam nomine Helenam habuit, ex qua Constantinum magnum, conditorem postea Constantinopolis, genuit. In illo tempore venerabilis Mallonus cum aliis quibusdam fidelibus Rothomagum incoluit, et primus ibi, volente Deo, pontificalem cathedram obtinuit; post quem usque in hodiernum diem metropolitana dignitas ibidem consistit. Sex autem urbes ei subjacent: Belocasium, id est Bajocas; Evanticorum, id est Ebroas, Luxovium, Abrincas, Constantia; Salarium, id est Sagium. Ecclesia Rothomagensium jam XLVI pontifices habuit, et clerus ejusdem ad notitiam posterorum de singulis praesulibus distichon heroicum edidit, quod huic operi charitative per ordinem inserere cum quibusdam necessariis additamentis mihi non pigebit.

Antistes sanctus Mallonus, in ordine primus,
Excoluit plebem doctrina Rothomagensem.

Hic tempore Eusebii papae et Melchiadis claruit, undecimoque Kal. Novembris ad Dominum migravit, et in crypta in basilica S. Gervasii martyris extra urbem sepultus diu jacuit. Mausoleum vero ejus ibidem usque hodie servatum est, sed corpus ejus post multum temporis pro timore Dacorum inde ablatum est, et in castellum Vilcassini, quod Pontisera vocatur, translatum est. Illic in regia nomini ejus dicata veneranter servatur, eique conventus canonicorum celebriter famulatur.

Post hunc, praecipuus, devotus et Avicianus
Obtinuit regimen, curam quoque rexit herilem.

Hic Arelatensi interfuit concilio, quod factum est tempore Silvestri papae, sub Constantino Augusto, qui coepit imperare anno ab Urbe condita 1061. Tunc Nicaena synodus CCCXVIII Patrum celebrata est, inter quos Nicolaus Myrreorum Lyciae, aliique praecellentissimi praesules micuerunt.

Successit praesul fulgens virtute Severus,
Moribus insignis, commissis ac sibi mitis.

Hic XV annis, tempore Constantini et Constantii, sub Marco papa et Julio floruit. Tunc Maximinus Treverorum et Hilarius Pictavorum, Athanasius Alexandrinorum, Eusebius Vercellensium et Dionysius Mediolanensium praesules, ut astra claruerunt.

Eusebius, dulcis et in ordine pontificali
Constans, enituit virtutum floribus almis.

Hic XXV annis, tempore Liberii papae et Felicis, sub Constantino, Juliano Apostata, Joviniano et Valentiniano fulsit.

Marcellinus huic successit munere Christi,
Pastor praecipuus, morum probitate decorus.

Hic XX annis, tempore Damasi papae, regnantibus Valentiniano et Valente cum Gratiano et Valentiniano, in Ecclesia bene laboravit. Tunc Antonius monachus, Aegyptiorum clarissimus obiit. Caesaraugustae Petrus insignis orator claruit. Ambrosius Mediolanensis inexpugnabilis murus Arianis oppositus est. Constantinopolitana synodus CII Patrum contra Macedonium et Eunomium sub Damaso papa celebrata est.

Pervigil in populo Petrus dignus quoque custos,
Sancte commissum sibi rexit pontificatum.

Hic XIX annis, tempore Siricii papae et Anastasii, sub Theodosio et Arcadio claruit. Tunc Martinus Turonensis et Maurilius Andegavensis, Basilius Caesariensis, et insignis orator Augustinus Hipponensis, et Hieronymus divinae legis interpres micuerunt.

Victricius, victor vitiorum fortis et ultor,
Ecclesiam Domini mandatis imbuit almis.

Hic XI annis, tempore Innocentii papae, sub Arcadio et Honorio floruit. Tunc Donatus Epiri episcopus et Joannes Jerosolymitanus fulserunt. Inventio corporis S. Stephani protomartyris facta est, revelante Deo Luciano Caphargamalae presbytero. Tunc Orosius presbyter, qui librum De Ormesta mundi scripsit, ab Augustino ad Hieronymum pro quibusdam profundis quaestionibus missus, Lucianum adiit; a quo reliquias S. Stephani, Avito presbytero missas, in Hispaniam primus intulit.

Successit praesul huic Innocentius almus,
Ecclesiam recreans Domini, plebemque reformans.

Hic IX annis, tempore paparum Zozimae, Bonifacii et Coelestini, sub Honorio et Theodosio Arcadii filio viguit. Tunc synodus Ephesina ducentorum episcoporum, cui Cyrillus praefuit Alexandrinus, aggregata est. Ad Scotos in Christum convertendos, ordinatus a papa Coelestino, Palladius primus episcopus mittitur.

Eloquiis plenus sacris, successit Evodus,
Fortis et innocuus, prudens, pius atque modestus.

Hic VIII annis, tempore Coelestini et Sixti paparum, floruit. Tunc Galli contra Romanos rebellaverunt, quibus Franci, de Trojanorum stirpe orti, sociati sunt, qui pariter juncti Francum Ferramundum, Sunnonis ducis filium, sibi regem praefecerunt. Maximus, Taurinensis episcopus, in sermonibus componendis facundus habetur.

Praefuit Ecclesiae sanctus Silvester honeste ;
Quam juste rexit, prudens et amplificavit.

Hic VIII annis, tempore Leonis papae, Clodione et Meroveo regnantibus in Francia, claruit.

Praesul Malsonus, divino dogmate fultus,
Exstitit in populo venerabilis undique pastor.

Hic IX annis, sub Martiano et Valentiniano, viguit, quando Leo papa contra Euticem et Dioscorum apud Chalcedonem synodum DCXXX episcoporum celebravit. Tunc Hengist et Horsa, cum Saxonibus et Anglis, tribus longis navibus in Britanniam advecti sunt, et a Vortigerno rege contra Pictos suscepti sunt. Tunc Germanus Autissiodorensis mirabiliter floruit.

Inclytus antistes, populi custos quoque perpes,
Suscepit sedem Germanus pontificalem.

Hic VIII annis, Childerico imperante Gallis et Leone Latinis, claruit. Tunc Theodorus episcopus Syriae ecclesiasticam Historiam scripsit, a fine librorum Eusebii usque ad tempus suum, id est usque ad imperium Leonis, sub quo mortuus est.

Commissos coluit Crescentius ac decoravit
Moribus egregiis, virtuteque crescere fecit.

Hic XXVI annis, tempore Hilarii papae et Simplicii, regnante Leone, fulsit. Tunc Childericus Merovei filius in Gallia regnavit.

Fulsit Gildardus, pastor sacer atque benignus,
Dapsilis et constans, verbi quoque lumine flagrans.

Hic XV annis, tempore Felicis, Gelasii, Anastasii et Symmachi paparum, sub Zenone Augusto emicuit, et beatum Laudum Constantiniensem episcopum consecravit. Tunc Remigius Remensis et Solemnis Carnotensis ac Vedastus Atrebatensis claruerunt, et Merovingum Clodoveum regem Francorum anno ab Incarnatione Dominica 488 baptizaverunt. Tertio postmodum anno, Mamertus Viennensis archiepiscopus ob imminentem cladem solemnes litanias, id est rogationes, ante Ascensionem Domini instituit. Victorius Paschalem cyclum DXXXII annorum, papa Hilario jubente, scripsit. Odoacer rex Gothorum Romam obtinuit, quam exinde reges eorum Theodericus Triarius et Theodericus Walamer diutius tenuere. Honericus rex Vandalorum Arianus in Africa, diffugatis plus CCCXXXVI episcopis catholicis, ecclesias eorum clausit, variisque plebem suppliciis affecit. Gildardus Rothomagensis et Medardus Suessionensis Nectardo Noviomensi patre et Protagia matre nati sunt, amboque VI Idus Junii ad Dominum migraverunt.

De illis nempe insignis Audoenus sic versificavit.

Hi sunt Gildardus fratres gemini atque Medardus.
Una dies natos utero viditque sacratos,
Albis indutos, et ab ista carne solutos.

Flavius insignis virtutum flore refulsit;
Commissosque sibi divina lege replevit.

Hic XXXV annis, tempore Symmachi, Hormisdae, Joannis, Felicis, Bonifacii, Joannis et Agapiti paparum, sub Anastasio et Justino seniore ac Justiniano floruit. Defuncto Clodoveo, Sigismundus, Childebertus, aliique filii ejus successerunt. Lotharius autem, omnibus superstes, annis LI in Francia regnavit; cujus tempore Launomarus et Ebrulfus, aliique sancti viri in regno ejus floruerunt. Transamundus Vandalorum rex ecclesias catholicas clausit, et CCXX episcopos exsilio Sardiniam misit, quibus papa Symmachus omni anno pecunias et vestes ministravit. Anastasius imperator, quia haeresi favens Eutycetis catholicos insecutus est, divino fulmine periit. Joannes papa sub Justino seniore Constantinopoli caecum illuminavit; quem, dum Ravennam rediret, Theodericus peremit. Symmachum quoque patricium et Boetium necavit; et ipse, anno sequente, subita morte periit. Cui nepos ejus Athalaricus in regnum successit. Hildericus Vandalorum rex episcopos ab exsilio reverti et ecclesias instaurare praecepit, post annos LXXVI haereticae profanationis. Benedictus abbas virtutum gloria claruit, quas beatus papa Gregorius in libro Dialogorum scripsit. Belisiarius patricius a Justiniano in Africam missus, Vandalorum gentem delevit, Gelismerum regem eorum captum Constantinopolim misit. Carthago quoque anno excessionis suae XCVI recepta est. Dionysius Parvus Paschales circulos scribit, incipiens ab anno Dominicae Incarnationis 532; quo anno codex Justiniani promulgatus est. Victor Capuanus episcopus, librum de Pascha scribens, Victorii arguit errores. Cassiodorus senator et Priscianus grammaticus et Arator subdiaconus claruerunt.

Occubuit martyr Praetextatus, Fredegundis
Reginae monitu, pro Christi nomine Jesu.

Hic XLVIII annis, tempore Agapiti, Silverii, Vigilii, Pelagii, Joannis et Pelagii paparum, sub Justino et Tiberio Constantino floruit. Narses patritius Totilam Gothorum regem in Italia superavit et occidit. Gens Longobardorum, comitante fame et mortalitate, omnem invadit Italiam, regi Albuino subjecta.

Ecclesiam rexit multis Melantius annis.
Subjectos docuit, juste quoque vivere fecit.

Hic XII annis, tempore Pelagii, Benedicti et Gregorii magni doctoris, Mauricio primo Graecorum Romanis imperante, Rodomensibus praefuit; sed indigne, quia proditor Praetextati, ut ferunt, magistri sui fuerat; quem Fredegundis, uxor Hilperici regis, occidi fecerat.

Pendant que la dixième persécution menaçait rigoureusement les Chrétiens, durant le cours de dix années, et faisait périr par toutes sortes de supplices d'innombrables milliers de martyrs, qu'elle envoyait aux lieux décorés glorieusement de leur précieux sang; Quentin et Lucien, Valérien, Rufin, Eugène, Mellon, Avicien, et plusieurs autres personnages qui appartenaient au clergé et à la noblesse romaine, quittèrent Rome et se répandirent dans les Gaules pour yprêcher avec confiance la parole de Dieu. Quentin se rendit à Amiens, et Lucien à Beauvais; Mellon, Avicien, et quelques autres hommes distingués passèrent à Rouen.

Dioclétien et Hercule Maximien ayant déposé volontairement les faisceaux de la puissance, Constance, prince d'une grande bonté? prit l'empire en Occident, après l'abdication d'Hercule. Il témoignait aux hommes une grande clémence, à Dieu une profonde piété. Ainsi que l'atteste Eusèbe de Césarée, Constance n'avait pas, malgré la fureur de ses collègues, souillé son règne du sang des hommes pieux, ni détruit par une dévastation furieuse, comme l'avait fait Maximien, les oratoires et les lieux de réunion des chrétiens. Il fonda en Neustrie une ville, que de son nom il appela Coutance. Ce fut dans cette province qu'il prit pour concubine Hélène, dont il eut le grand Constantin, qui depuis fonda Constantinople. Dans ce temps-là, le vénérable Mellon, avec quelques autres fidèles, se fixa à Rouen, et, suivant la volonté de Dieu, y occupa le premier la chaire pontificale. Depuis ce prélat jusqu'à ce jour, cette ville a conservé la dignité métropolitaine. Elle a pour suffragantes les six villes des Béiocases29, c'est-à-dire Bayeux, des Evantiques, c'est-à-dire Evreux, de Lisieux30, d'Avranches, de Coutances, et des Salariens31, c'est-à-dire Seès. L'église de Rouen a déjà eu quarante-six évêques; le clergé y a publié32 pour l'instruction de la postérité, un distique héroïque sur chacun de ces évêques: je vais les placer dans cet ouvrage, agréablement et par ordre, avec quelques additions indispensables.

I.

Antistes sanctus Mallonus, in ordine primus,
Excoluit plebem doctrina Rotomagensem.

(Le saint prélat Mallon, le premier dans l'ordre des évêques de Rouen, en instruisit le peuple par sa doctrine).

Il brilla du temps du pape Eusèbe et de Melchiade, et se rendit auprès du Seigneur le 11 des calendes de novembre (22 octobre). Il resta long-temps enseveli hors la ville, dans une crypte de l'église du saint martyr Gervais. Son mausolée s'y est conservé jusqu'à ce jour; mais le corps en fut enlevé après y être longtemps resté, par la crainte que l'on eut des Danois. Il fut transféré dans une ville forte du Vexin, que l'on appelle Pont-Oise. On l'y conserve respectueusement dans une église bâtie en son honneur, et un couvent de chanoines y célèbre ses louanges.

II.

Post hunc, prœcipuus devotus et Avidianus
Obtinuit regimen, curam quoque plebis herilem.

(Après Mallon, le grand et dévot Avidien gouverna l'église, et comme un bon maître prit soin du peuple).

Il assista au concile d'Arles33, qui eut lieu du temps du pape Silvestre, sous l'auguste Constantin, qui commença à régner l'an de Rome 1061. Ce fut alors que fut tenu le concile de Nicée34 par trois cent dix-huit Pères, parmi lesquels brillèrent principalement Nicolas, évêque de Myrre en Lycie, et plusieurs autres prélats d'un mérite éminent.

III.

Successiftprœsul fulgens virtute Severus,
Moribus insignis, commissis ac sibi mitis.

(Il eut pour successeur Séver, prélat éclatant par sa vertu, distingué par ses mœurs, et comme à lui-même doux au troupeau qu'on lui confia).

Il fleurit pendant quinze ans, du temps de Constantin et de Constance, sous les papes Marc et Jules. Alors brillèrent comme des astres les évêques Maximin à Trêves, Hilaire à Poitiers, Athanase à Alexandrie, Eusèbe à Verceil, et Denis à Milan.

IV.

Eusebius, dulcis et in ordine pontificali
Constans, enituit virtutum floribus almis.

(Eusèbe, si doux et si constant dans les devoirs du pontificat, reçut un vif éclat des fleurs précieuses de ses vertus).

Il brilla vingt-cinq ans du temps des papes Libère et Félix, sous les règnes de Constantin, de Julien l'apostat, de Jovien et de Valentinien.

V.

Marcellinus huic successit munere Christi,
Pastor prœcipuus, morum probitate decorus.

(Par les faveurs du Christ, Marcellin lui succéda, pasteur distingué, et qu'embellissait l'excellence de ses mœurs).

Il travailla pour le bien de l'Eglise pendant vingt ans, du temps du pape Damase, sous les règnes de Valentinien35 de Valens, de Gratien et de Valentinien36. Alors Antoine, le plus illustre des moines d'Egypte, vint à mourir; Pierre, orateur distingué, brilla à Saragosse. Ambroise de Milan s'opposa aux Ariens comme un mur insurmontable. On célébra à Constantinople, sous le pape Damase, un concile de cent cinquante Pères contre Macédonius et Eunomius.

VI.

Pervigil in populo Petrus, dignus quoque custos,
Sancte commissum sibi rexit pontijicatum.

(Pierre, qui toujours veilla pour son peuple, comme un digne gardien, occupa saintement la chaire qui lui fut confiée).

Pendant dix-neuf ans il brilla du temps des papes Cirice et Anastase, sous Théodose et Arcadius. C'est alors que jetèrent un si vif éclat Martin, évêque de Tours, Maurice d'Angers, Bazile de Césarée, l'excellent orateur Augustin d'Hippone, et saint Jérôme l'interprète des lois divines.

VII.

Victricius, victor vitiorum fortis et ultor,
Ecclesiam Domini mandatis imbuit almis.

(Victrice, vainqueur courageux et vengeur des vices, imbut l'église de Dieu de ses pieux préceptes).

Il fleurit vingt-trois ans du temps du pape Innocent, sous Arcadius et Honorius. Alors on vit briller saint Donat, évêque d'Epire, et Jean, éyêque de Jérusalem; alors se fit l'invention du corps de saint Etienne, premier martyr, d'après la révélation que Dieu en fit à Lucius, prêtre de Caphargamala. Alors le prêtre Orose, qui a écrit le livre de Qrmesta mundi, envoyé par Augustin auprès de Jérôme pour lui demander la solution de quelques questions profondes, alla trouver Lucius qui lui remit pour le prêtre Avitus les reliques de saint Etienne qu'il porta en Espagne.

VIII.

Successit prœsul huic Innocentius almus,
Ecclesiam recreans Domini, plebemque reformans.

(Le pieux prélat Innocent fut le successeur de Victrice; il rétablit l'église du Seigneur, et réforma les mœurs du peuple).

Il fut évêque pendant huit ans, du temps des papes Zozime, Boniface et Célestin, sous les règnes d'Honorius et de Théodose, fils d'Arcadius. A cette époque, sous la présidence de Cyrille d'Alexandrie, un concile de deux cents évêques se réunit à Ephèse. Palladius, premier évêque des Ecossais, ordonné par le pape Célestin, leur fut envoyé pour les convertir au Christ.

IX.

Eloquiis plenus sacris, successit Evodus,
Fortis et innocuus, prudens, pius atque modestus.

(Evode, doué d'une sainte éloquence, se distingua par son courage, sa bonté, sa prudence, sa piété et sa modestie).

Il fut florissant pendant sept années, du temps des papes Célestin et Sixte. A cette époque, les Gaulois se révoltèrent contre les Romains, et s'allièrent aux Francs qui descendaient des Troyens37; toujours unis, ils établirent pour roi le franc Ferramond38, fils du duc Sunnon. On remarque alors Maxime, évêque de Turin, si éloquent dans la composition des sermons.

X.

Prœfuit Ecclesiœ sanctus Silvester honore
Quam juste rexit prudens et amplificavit.

(Saint Silvestre présida avec honneur l'Eglise, que dans sa prudence il gouverna justement et qu'il combla de biens).

Il brilla seize ans, du temps du pape Léon, pendant que Clodion et Mérovée régnaient en France.

XI.

Prœsul Malsonus, divino dogmate fultus,
Extitit in populo, venerabilis undique pastor.

(Le prélat Malson, fort des dogmes divins, se montra pour le peuple un pasteur vénérable).

Il gouverna neuf ans son église sous l'empire de Martien et de Valentinien39, lorsque le pape Léon réunit cinq cent trente évêques au concile de Chalcédoine contre Eutychès et Dioscore. Alors Hengist et Horsa passèrent dans la Grande-Bretagne avec les Saxons et les Angles, portés sur trois navires de forme longue, et ils furent employés par le roi Vortigerne contre les Pietes. Alors Germain d'Auxerre fleurit admirablement.

XII.

Inclytus antistes, populi custos quoque perpes,
Suscepit sedem Germanus poniificalem.

(Prêtre illustre, gardien assidu de son peuple, Germain occupa le siége pontifical).

Ce prélat brilla onze ans, pendant que Childéric donnait des lois aux Français et Léon aux Latins. C'est à cette époque que Théodore, évêque de Syrie, écrivit son Histoire ecclésiastique, à partir de la fin des livres d'Eusèbe jusqu'à son temps, c'est-à-dire, jusqu'au règne de l'empereur Léon40, sous lequel il mourut.

XIII.

Commissos coluit Crescentius ac decoravit
Morïbus egregiis, virtuleque crescere fecit.

(Crescence prit un grand soin des fidèles qui lui furent confiés; il les décora de bonnes mœurs et les fit croître en vertu).

II répandit un grand éclat pendant vingt-six ans, du temps des papes Hilaire et Simplice, et sous le règne de Léon. Alors Childéric, fils de Mérovée, régna en France.

XIV.

Fulsit Gildardus, pastor sacer atque benignus,
Dapsilis et constans, verbi quoque luminejlagrans.

(Gildard, pasteur saint et bienveillant, constant et généreux, brilla vivement par les lumières de la parole).

Il gouverna quarante-six ans41 du temps des papes Félix, Gélase, Anastase et Symmaque, sous l'auguste Zénon; il consacra saint Lô, évêque de Coutance. A cette époque brillèrent sur leur chaire Remi de Rheims, Solin de Chartres, et Waâst d'Arras, qui baptisèrent le Mérovingien Clovis, roi des Francais, l'an de l'Incarnation du Seigneur 496. Trois ans après, Mamert, archevêque de Vienne, institua, à cause des massacres qui avaient lieu, de solennelles litanies, qui sont les Rogations avant l'Ascension du Seigneur. Par l'ordre du pape Hilaire, Victor écrivit son Cycle pascal de cinq cent trente-deux ans. Odoacre, roi des Goths, s'empara de Rome, que les rois de ce peuple, Théodoric Triaire et Théodoric Walamer, occupèrent ensuite long-temps. L'Arien Honeric, roi des Vandales, passa en Afrique, mit en fuite plus de trois cent trente-quatre évêques catholiques, ferma leurs églises, et fit endurer divers supplices au peuple. Gildard de Rouen et Médard de Soissons avaient pour père Nectard de Noyon, et pour mère Protagie. Tous deux se rendirent auprès du Seigneur le 6 des ides de juin (8 juin). L'illustre Ouen a composé sur ces deux frères les vers suivans:

«Gildard et Médard furent deux frères jumeaux. Un même jour les vit sortir du sein maternel, recevoir la consécration, revêtir l'aube, et quitter les liens de cette chair.»

XV.

Flavius insignis virtutum flore refulsit,
Commissosque sibi divina lege replevit.

(Flavius reçut un grand éclat de la fleur des vertus, et pénétra de la loi divine les peuples qui lui furent confiés).

Il fleurit quinze ans, du temps des papes Symmaque, Hormisdas, Jean, Félix, Boniface, Jean et Agapit, sous l'empire d'Anastase, de Justin-le-Vieux et de Justinien. A la mort de Clovis, Sigismond, Childebert, et ses autres fils, lui succédèrent. Clotaire, qui survécut à tous, régna en France cinquante-un ans; de son temps et dans ses Etats fleurirent Lanmer, Evroul et plusieurs autres saints personnages. Transamond, roi des Vandales, ferma les églises catholiques, et exila en Sardaigne deux cent vingt évêques, auxquels le pape Symmaque fournit pendant une année de l'argent et des habillemens. L'empereur Anastase mourut frappé de la foudre de Dieu, parce que, favorisant l'hérésie d'Eutychès, il avait persécuté les catholiques. Le pape Jean, sous l'empire de Justin-le-Vieux, rendit dans Constantinople la lumière à un aveugle, et fut tué par Théodoric comme il retournait à Ravenne. Théodoric fit aussi périr le patrice Symmaque et Boèce; lui-même, l'année suivante, mourut de mort subite. Il eut pour successeur son neveu Athalaric. Hilderic, roi des Vandales, rappela d'exil les évêques, et fit rétablir les églises, après soixante-quatorze ans de profanations hérétiques. L'abbé Benoît reçut beaucoup de splendeur de la gloire de ses vertus, sur lesquelles le bienheureux pape Grégoire a écrit un livre de Dialogues. Le patrice Bélisaire, envoyé en Afrique par Justinien, y détruisit les Vandales: il envoya à Constantinople leur roi Gélismer, qu'il avait fait prisonnier. Carthage fut reprise quatre-vingt-seize ans après son occupation par les barbares. Denis-le-Petit écrivit sur le Cycle pascal, commençant à l'an 532 de l'Incarnation du Seigneur, année où eut lieu la promulgation du code de Justinien. Victor, évêque de Capoue, écrivit un livre sur la Pâque pour réfuter les erreurs de Victorius. Le sénateur Cassiodore, le grammairien Priscien, et le sous-diacre Arator se distinguèrent à cette époque.

XVI.

Occubuit martyr Prœtextatus, Fredegondis
Reginœ monitu, pro Christi nomine Jesu.

(Prétextât tomba martyr par les ordres de la reine Frédégonde, pour avoir dignement soutenu le nom de Jésus-Christ).

Il fleurit pendant quarante-deux ans42, du temps des papes Agapit, Silvère, Vigile, Pélage, Jean et un autre Pelage, sous l'empire de Justin, de Tibère et de Constantin. Le patrice Narsès vainquit et tua en Italie Totila, roi des Goths. Soumis au roi Alboin, les Lombards envahirent toute l'Italie, accompagnés par la famine et la mortalité.

XVII.

Ecclesiam rexit multis Melantius annis,
Subjectos docuit, juste quoque vivere fecit.

(Mélance gouverna son église pendant plusieurs années, il instruisit ses peuples et les détermina à vivre dans l'exercice de la justice).

Il fut à la tête du diocèse de Rouen pendant douze années, du temps des papes Pélage, Benoît et Grégoire-le-Grand, docteur fameux, sous l'empire de Maurice, le premier des Grecs qui ait commandé aux Romains. Sa conduite fut indigne, parce qu'on rapporte qu'il trahit Prétextat son maître, que Frédégonde, femme du roi Chilpéric, avait fait mettre à mort.

IX. Sequentia distichorum.

Nobilis Hyldulfus praefato pontificatu
Sedit, et excoluit divini dogmata  verbi

Hic XXVIII annis, tempore Gregorii magni doctoris, Saviniani, Bonifacii, Deusdedit, Bonefacii et Honorii paparum, imperantibus Mauricio, Focate et Heraclio claruit. Tunc in Francia regnaverunt Childebertus et filii ejus Theodericus ac Theodebertus et Lotharius Magnus. In Anglia vero Aedilbertus Cantuariorum, Edwinus Nordanhimbrorum et Redualdus Gewissorum, ac Penda Merciorum; ad quos Gregorius misit praedicatores verbi Dei Augustinum, Mellitum, Joannem, aliosque plures monachos timentes Deum, per quos ad Christum Angli conversi sunt. In Italia Longobardis Autarith Cleponis filius et Ago Agilulfus, cum Theodelinda laudabili regina, praefuerunt. In Neustria, XII anno Hildeberti regis, sanctus Ebrulfus Uticensis abbas jam octogenarius IV Kal. Januarii [596] obiit. Per idem tempus Cassinense monasterium a Longobardis noctu invasum est, et fugatis monachis, tempore Boniti quinti abbatis, destructum est. Benedictus, Constantinus, Simplicius, Vitalis et Bonitus eidem coenobio jam praefuerant. Chosdroe rex Persarum gravissime rempublicam bellis attrivit, et sanctam Ecclesiam incendiis et rapinis ac caedibus vehementer afflixit. Anastasius Persa monachus cum aliis LXX glorioso martyrio coronatus est. Heraclius Persas vicit, Chosdroen occidit, crucem Domini Jerosolymis reportavit, et omnes Christianos de captivitate reduxit.

Sanctus Romanus, praeclaro nobilis actu,
Moribus emicuit, sacri quoque lumine verbi.

Hic XIII annis, tempore Honorii, Severini et Joannis paparum, Heraclio regnante, miraculis coruscavit, decimoque Kal. Novembris ad Dominum gloriose transiit. Tunc in Gallia Christiani principes vigebant Dagobertus et Lodoveus. In Anglia Osvaldus, Osvinus et Osvius. In Italia Agilulfus, Adaloaldus, Arioaldus, Rotarith et Rodoaldus. Arioaldo regnante, beatus Columbanus genere Scotus, postquam in Gallia Luxoviense monasterium construxerat, in Italia in Alpibus Cottiis Bobiense condidit.

Audoenus huic successit, pontificali
Ordine splendescens, virtutibus atque refulgens.

Hic XLIII annis, tempore Theodori, Martini, Eugenii, Vitaliani, Adeodati, Doni, Agathonis, Leonis, Benedicti et Joannis paparum, Heracleona filio Heraclii et tribus Constantinis imperantibus, insigniter fulsit, diu et bene vixit, multum laboravit, Ecclesiaeque Dei mirabiliter profuit. Vis mihi ad enarrandum deficit quanta nobilitate et sanctitate, omnique probitate vir iste viguit. Martinus papa synodum CV praesulum Romae tenuit, et postmodum pro fide catholica per Theodorum exarchum, jussu Constantini nepotis Heraclii, raptus est, et apud Chersonam relegatus, sancto fine quievit. Theodorus archiepiscopus et Adrianus abbas, vir aeque doctissimus, a Vitaliano papa missi Britanniam, plurimas Anglorum ecclesias doctrinae fruge fecundarunt. Ex quo Gregorius papa dispensatores divini seminis misit in Angliam; Augustinus et Laurentius, Mellitus Lundoniensis et Justus Rofensis, Honorius et Deusdedit Cantuariensem ecclesiam rexerunt, et Cantiae reges Edilbertum et Eadbaldum, Ercombertum et Egbertum cum subjecta gente ad fidem Christi pertraxerunt. Septimus ad praesulatum Vigardus ab Osvio et Egberto regibus electus est, et Romam ad ordinandum missus est. Ibi dum consecrationis statutum diem praestolaretur, defunctus est; pro quo Theodorus Graecus, sanctitate et sapientia praestantissimus, ordinatus est. In Neustria Philibertus, nobilitate et sanctitate et miraculorum fulgore gloriosus, permissu Lodovei regis et Baltildis reginae, coenobium DCCC monachorum apud Gemmeticum construxit; cui post aliquot annos sanctum Aichadrum, quem de Herio monasterio assumpserat, praeposuit. Tunc Guandregisilus Fontinellae monasterium condidit, ibique ad Dei militiam ferme CCCC monachos aggregavit; ex quibus postmodum Ecclesia Dei ad regimen sui plures episcopos et abbates idoneos gaudenter assumpsit. Sidonius quoque et Ribertus, Geremarus, Leudfredus, aliique plures monachi florebant in Rothomagensi dioecesi; quibus omnibus ad omne bonum favebat studium et auxilium Audoeni venerabilis archiepiscopi, sicut fervidi lectores in eorum gestis possunt lucide contemplari. In Italia, Ariperto rege post IX annos apud Ticinum defuncto, duo filii ejus adhuc adolescentuli successerunt; Godebertus quidem Ticini, Bertarith vero in civitate Mediolanensi sedem habuit regni. Non multo post Grimoaldus Beneventanorum strenuus dux Godebertum ense peremit, et Bertarith fugavit, eorumque regnum cum sorore eorum accepit, et per IX annos potenter et utiliter obtinuit. Quo mortuo, Bertarith XVIII annis regnavit, et Cunipertum filium suum, quem de Rodelinda regina susceperat, consortem regni constituit. Ambo amatores justitiae fuerunt, Deique et ejus Ecclesiae benevoli cultores, pauperumque defensores viguerunt. Alacheris Brixianus dux contra eos rebellavit, totamque regionem multoties diuque perturbavit, donec, Cuniperto pugnante, peremptus malignari desiit. Agatho papa, rogatu Constantini, Heraclii et Tiberii principum piissimorum, Joannem Portuensem episcopum et Joannem diaconum, aliosque legatos sanctae Romanae Ecclesiae Constantinopolim misit, ibique per eos concilium CL episcoporum contra Georgium patriarcham regiae urbis et Macharium Antiochiae, aliosque haereticos tenuit. Finito conflictu, Georgius correctus est et pertinax Macharius cum suis complicibus anathematizatus est.

Inclytus Ansbertus, probitatis culmine comptus,
Ecclesiam rexit quam sancte nobilitavit.

Hic XVIII annis, tempore Leonis, Benedicti, Joannis, Cononis et Sergii paparum, sub Constantino et Justiniano juniore claruit. Tunc in Gallia Lotharius, Theodericus et Hildericus regnaverunt, et majoratum domus regiae Leodegarius, Ebroinus et Pippinus primus habuerunt.

Insignis Grippo successit in ordine sancto,
Actibus egregius, meritis pastor venerandus.

Hic XXXIV annis, tempore Joannis, Sisinnii, Constantini et Gregorii paparum, floruit. Tunc Leo, Tiberius, Justinianus, Philippicus, Anastasius, Theodosius et Leo reipublicae praeerant, et in Gallia Clodoveus, Childebertus et Dagobertus junior regnabant. Reverendissimus ecclesiae Lindisfarnensis in Britannia ex anachoreta praesul Cuthbertus totam ab infantia usque ad senium vitam miraculorum signis inclytam duxit; cujus corpus, tempore Henrici regis Anglorum, Radulfus Roffensis episcopus incorruptum invenit, et vestes ejus, astante et reverenter intuente Alexandro Scotorum rege, cum monachis et clericis, mutavit.

Justus et insignis Radilandus in ordine fulsit,
Compatiens cunctis, meritisque refertus opimis.

Hic III annis, tempore Gregorii papae, floruit. Tunc Leo imperabat. Franci vero, mortuo Dagoberto, Danielem clericum in regem levaverunt. Sarraceni cum ingenti exercitu triennio Constantinopolim obsident; sed civibus magis precibus quam armis pugnantibus vincuntur, et fame, frigore, pestilentiaque periclitantes aufugiunt. Liuthprandus Longobardorum rex donationem patrimonii Alpium Cottiarum, quam Aripertus aureis scriptam litteris Romam direxerat, et ille repetierat, admonitione Gregorii papae confirmavit. Idem ossa Sancti Augustini doctoris, dato magno pretio, emit; et de Sardinia, quam Sarraceni depopulati erant, in Ticinum transtulit et honorifice condidit.

Profuit in populo Domini venerabilis Hugo,
Et tribuit sanctae subjectis dogmata vitae.

Hic consobrinus Pippini principis Francorum fuit, et VIII annis, tempore Gregorii II papae, archiepiscopus fuit. Ecclesiis etiam Parisiensi praefuit et Bajocensi, abbatiis quoque Gemmeticensi et Fontinellensi. Cujus corpus cum corpore Sancti Aicadri a Gemmeticensibus in Lotharingiam translatum est, ibique in vico qui Haspris dicitur, in territorio Cameracensi, nunc usque in scrinio argenteo honorifice servatum est. Tunc Constantinus imperabat. Anglicus Beda famulus Christi, et presbyter monasterii BB. apostolorum Petri et Pauli, quod est ad Wiremudam in Girvum, claruit. Hic in territorio ejusdem monasterii est notus, et septennis educandus reverendissimo abbati Benedicto ac deinde Ceolfrido a propinquis datus, et cunctum eo tempus vitae in ejusdem monasterii habitatione peregit, omnemque meditandi Scripturas operam dedit, et inter observantiam disciplinae regularis, et quotidianam cantandi in ecclesia curam, ut ipse scribens asserit, semper aut discere, aut docere, aut scribere dulce habuit. Nonodecimo autem vitae suae anno diaconatum, tricesimo vero presbyteratus gradum, utrumque jubente Ceolfrido abbate suo, suscepit per reverendissimi Joannis episcopi ministerium. Exinde postquam sacerdotium accepit, usque ad LIX aetatis suae annum a salubri studio non cessavit; sed multa in sanctam Scripturam ex opusculis venerabilium Patrum breviter adnotavit, et ad formam sensus ac interpretationis eorum superadjicere curavit. Laborum ejus ac studiorum fructus Ecclesiae Dei utillimus et dulcis fuit; cui de lege Dei et de necessariis indagationibus LXXII libros edidit, quos ipse omnes in calce historiae Anglorum diligenter computat et describit. Tunc in Longobardia Paulus Cassiniensis claruit monachus, et in Gallia Fortunatus poeta, Pictavorum almus episcopus.

Sedem Radbertus digne pastoris adeptus,
Viribus enituit sanctis, sancte quoque vixit.

Hic IV annis, tempore Gregorii II papae, imperante Constantino floruit. Tunc in Francia Carolus Tudites; id est Martellus, dominabatur; qui cum Eudone duce contra Sarracenos in Aquitania pugnavit, et eorum CCCLXXV millia prostravit; itemque in Narbonensi provincia fortiter eos bello repulit, et maxima caede attrivit.

Grimo, devotus pastor, pius, inclytus actu,
Suscipit Ecclesiam divino jure  regendam.

Hic IV annis, tempore Gregorii papae III, viguit. In Anglia, defuncto Berchtwaldo Dorobernensi archiepiscopo, Tatuvinus successit. Tunc duo reges Anglorum Coenredus Merciorum, et Offa filius Siheri regis orientalium Saxonum, terrena pro Christo sceptra reliquerunt, et Romam aggressi, Constantino papa benedicente, monachi facti sunt, ac ad limina apostolorum in precibus, jejuniis et eleemosynis usque ad ultimum diem permanserunt. Wilfridus venerabilis Eboracensis archiepiscopus, XLV episcopatus sui anno, in provincia Undalum, IV Idus Octobris, regnantibus Coenredo et Osrede filio Alfridi Nordanhimbrorum regis, defunctus est. Non multo post Adrianus sapientissimus abbas obiit; cui Albinus discipulus ejus multipliciter edoctus successit.

Culmine pastoris nituit Rainfridus, in omni
Actu magnificus, constructor pontificatus.

Hic XVII annis, tempore Zachariae et Stephani paparum, viguit. Carlomannus et Pippinus majoratum domus adepti sunt.

Remigius praesul, regali stirpe creatus
Devote vixit, commissos dogmatisavit.

Hic filius Caroli Martelli et frater Pippini regis fuit, ejectoque Ragenfredo, XVII annis Rothomagensem cathedram, tempore Pauli, Constantini, Stephanique paparum, obtinuit. Constantinus imperator Leonis filius Constantinopoli synodum CCCXXX episcoporum congregavit. Stephanus papa, persecutione Haistulphi Longobardorum regis vexatus, Franciam adiit, et Pippinum regem ac filios ejus Carolum et Carlomagnum consecravit. Tunc Bonefacius Maguntiae archiepiscopus et Wido Fontinellae abbas floruerunt. Constantinus et Abdallas Amiras rex Sarracenorum pariter in orthodoxos saeviunt. Leo filius Constantini LXXI loco ab Augusto regnavit annis V. Anno ab Incarnatione Domini 778 Pippinus rex VIII Kal. Octobris obiit, eique Carolus Magnus filius ejus successit.

Praesul Meinardus, bonitatis odore refertus
Subjectos docuit, vitiorum sorde piavit.

Hic VIII annis, tempore Adriani papae, claruit. Carolus VI anno regni sui Romam vadit; inde reversus Papiam cepit, Desiderium regem Longobardorum, qui multas persecutiones Adriano papae fecerat, captivum in Franciam duxit, et filius ejus Adalgisum de Italia expulit. Iste nimirum Desiderius tricesimus primus rex Longobardorum fuit, et in illo regia dignitas pro sceleribus suis defecit, nec unquam postea proprium regem habuit; sed regibus Francorum aut imperatoribus Alemannorum gens Longobardorum semper subdita fuit. Primi duces Guinilorum Ibor et Aio fuerunt, qui cum matre sua Gambara de Scandinavia insula sorte Guinilos eduxerunt. Deinde reges eorum isti fuerunt, Agelmundus, Lamissio, Lethu, Hildehoc et Godehoc, Claffo et Tato, Wacho, Waltarith, Audon et Alboinus. Agelmundus Longobardos adduxit in Bulgariam, Audoin in Pannoniam, et Alboin, adjuvante Narsete patricio, in Italiam. Postquam Alboinus rex ab Helmechis armigero suo, instinctu Rosemundae conjugis suae, peremptus est, Clepo electione populi regno potitus est. Post quem Flavius Autarith filius ejus regnavit, qui Theodelindam Garibaldi regis Bajoariorum filiam uxorem duxit. Autarith post sex annos regni sui veneno periit, et Agilulfus Ago Taurinacius dux reginam et regnum obtinuit, moriensque post XXV annos filio suo Adoloaldo regnum reliquit. At postquam Adoloaldus cum matre sua Theodelinda decem annis regnavit, super Longobardos Arioaldus XII annis regnum tenuit; cui Rotharith viribus fortis, sed Arianae haereseos perfidia maculatus, successit. Hic, ubi XVI annis regnavit, Rodoaldo filio suo regnum dimisit; qui post V annos (86) , dum in moechia reperiretur, a rivali percussus Longobardo interiit. Aripertus autem, Gundualdi filius, Theodelindae reginae nepos, successit, et post IX annos moriens filiis suis Bertharith ac Godiberto regnum dimisit. Porro Grimoaldus Beneventanorum dux Rodelindam Ariperti regis filiam conjugem accepit, et fratres ejus Godibertum ense peremit, atque Bertharith de regno fugavit. Quo post IX annos mortuo, Bertharith regnum recepit, et Garibaldum Grimoaldi filium, qui post patrem tribus mensibus regnarat, exturbavit. Post XVIII annos Bertharith, Cunipertus XII annis regnavit; quo defuncto, in duobus annis IV reges gens Longobardorum habuit, id est Liutpertum Cuniperti filium, et Raginbertum ducem Taurinensium Godiberti filium, et Aripertum ejus filium, et Rotharith ducem Bergamensium. Denique Aripertus fortior omnibus Liutpertum et Rotharith occidit; Ansprandum vero nutritium Liutperti de insula Commacina fugavit, et Sigisbrandum filium ejus oculis privavit, novemque annis postmodum regnavit, sanctoque Petro plura, quae antecessores ejus abstulerant, reddidit. Ipse postea, in Pado dum nataret, gravatus auro corruit, et suffocatus aquis interiit. Ansprandus autem vir sapiens tribus solummodo mensibus regnavit, et Liutprandus audax filius ejus fere XXXII annis in solio regni sedit. Hildebrandus nepos ejus in regem levatus est, sed ante biennium defunctus est. Deinde filii Penmonis Forojuliani ducis, Ratchisus et Haistulfus, regnaverunt; quorum prior sponte diadema deposuit, et monachus Romae factus est. Haistulfus vero, tempore Stephani papae, multis modis Ecclesiae Dei adversatus est, sed ad ultimum justo Dei judicio, in venatione, ictu sagittae percussus est. Ad extremum dux Desiderius, adminiculante Stephano papa, rex factus est Longobardorum, et, adepto regno, persecutus est papam et clerum, plebemque Romanorum. Unde Adrianus papa coactus est expetere vires Francorum: quibus destructum est et dejectum usque hodie cornu saevitiae regni Longobardorum. Hoc tempore Meinardi Rothomagensis archiepiscopi, anno ab Incarnatione Domini 774, contigit.

Praesul successit cui Guillebertus, in omni
Constans et lenis, populi pastorque fidelis.

Hic XLVIII annis, tempore Adriani, Leonis, Stephani et Paschalis paparum, claruit. Tunc Constantinus, Leo, Nicephorus et Stauratius filius ejus, Michael, Leo et Michael Augusti Constantinopoli florerebant. Carolus rex Francorum mire viguit, et probitas ejus laudabiliter excrevit. Pampeloniam destruxit, Caesaraugustam obsidione subjugavit, Wasconiam, Hispaniam, Saxoniam subegit et Bajoariam Sclavorum, qui Vulti dicuntur, et Hunnorum regiones devastavit. Tempore Constantini et Irenae matris ejus, Constantinopoli quidam lapideam invenit arcam, et in ea virum jacentem cum hac scriptura: Christus nascetur ex Maria Virgine, et credo in eum. Sub Constantino et Irene imperatoribus, o sol, iterum me videbis. Sub Leone papa terrae motus magnus factus est qui pene totam Italiam concussit, et tectum ecclesiae B. Pauli cum suis trabibus magna ex parte dejecit. Anno ab Incarnatione Domini 800, indictione VIII, Carolus rex a Leone papa imperator consecratus est, et a Romanis Augustus appellatus est. Completis in regno XLVII annis, Carolus obiit, et Ludovicus filius ejus XXVII annis regnavit, cui Guillebertus archiepiscopus a secretis fuit.

suite

XVIII.

Nobilis Hildulfus prœfato pontificatu
Sedit, et excoluit divini dogmata verbi.

(Hildulfe, que le pontificat rendit illustre, monta sur le siège de Rouen, et mit en valeur les dogmes de la parole divine).

Ce prélat brilla beaucoup pendant vingt-huit ans, du temps du docteur Grégoire-le-Grand, et des autres papes Savinien, Boniface, Dieudonné, Boniface et Honorius, sous le règne de Maurice, de Phocas et d'Héraclius. Alors régnèrent en France Childebert et son fils Téoderic, Théodebert et Lothaire-le-Grand43. En Angleterre, le trône était occupé par Edilbert à Kent, Edwin en Northumbrie, Reduald en Wessex, et Penda chez les Merciens. Grégoire leur envoya, pour leur prêcher la parole divine, Augustin, Mellitus, Jean, et plusieurs autres moines craignant Dieu, qui convertirent les Anglais à la foi du Christ. Les Lombards en Italie eurent pour chefs Autarith, fils de Clépon, et Agon Agilulfe avec Théodeline, reine digne d'éloges. La douzième année du règne de Childebert, saint Evroul, abbé d'Ouche, mourut, déjà octogénaire, en Neustrie, le 4 des calendes de janvier (29 décembre). Dans le même temps, le monastère du Mont-Cassin fut envahi de nuit par les Lombards, et détruit, après la dispersion des moines, du temps de Bonitus, cinquième abbé de ce couvent, à la tête duquel avaient été Benoît, Constantin, Simplice, Vital et Bonitus. Cosdroe44 roi des Perses, fit une guerre très-fâcheuse à la république, et affligea beaucoup la sainte Eglise par l'incendie, la rapine et le massacre. Anastase, moine de Perse, reçut la couronne glorieuse du martyre avec soixante-dix autres fidèles. Héraclius vainquit les Perses, tua Cosdroe, rapporta à Jérusalem la croix du Seigneur, et ramena de captivité tous les chrétiens.

XIX.

Sanctus Romanus prœclaro nobilis actu,
Moribus emicuit, sacri quoque lumine verbi.

(Saint-Romain, qu'ennoblirent ses éclatantes actions, brilla beaucoup par ses mœurs ainsi que par les lumières de la parole sacrée).

Pendant treize années il jeta un grand éclat par ses miracles, du temps des papes Honorius, Severin et Jean, sous le règne d'Héraclius, et passa glorieusement au Seigneur le 10 des calendes de novembre (23 octobre). Alors Dagobert et Clovis, princes chrétiens, régnaient dans les Gaules; en Angleterre, Osvald, Osvin et Osvius; en Italie, Agilulfe, Adoloald, Arioald, Rotarith et Rodald. Sous le règne d'Arioald, le bienheureux Colomban, originaire d'Ecosse, après avoir fondé en France le monastère de Luxeuil45, éleva celui de Bobbio dans les Alpes Cottiennes.

XX.

Audoenus huic successit pontificali
Ordine splendescens, virtutibus atque refulgens.

(Ouen succéda à Romain, illustre dans l'ordre des évêques et distingué par ses grandes vertus).

Durant quarante ans il brilla d'une manière insigne, du temps des papes Théodore, Martin, Eugène, Vitalien, Adeodat, Donus, Agathon, Léon, Benoît et Jean, sous l'empire d'Héracléon, fils d'Héraclius, et sous celui des trois Constantin. Ce prélat vécut longtemps et bien, travailla beaucoup et rendit d'admirables services à l'Eglise de Dieu. Les forces me manquent pour raconter par combien de noblesse, de sainteté et de mérites de toute espèce cet évêque se distingua. Le pape Martin tint à Rome un concile de cent cinq évêques; peu de temps après, son attachement à la foi catholique occasionna son enlèvement, qui eut lieu par l'ordre de Constantin, neveu d'Héraclius, et qui fut effectué par l'exarque Théodore: relégué à Cherson, il y fit une sainte fin, et y repose. L'archevêque Théodose et l'abbé Adrien, hommes également très-savans, furent envoyés par le pape Vitalien dans la Grande-Bretagne, où ils fécondèrent, par la culture de la doctrine divine, plusieurs églises anglaises. Ensuite le pape Grégoire fit passer en Angleterre plusieurs dispensateurs de la divine semence. Augustin et Laurent, Mellitus de Londres, Juste de Rochester, Honorius et Dieudonné, gouvernèrent l'église de Cantorbéry, et conduisirent à la foi du Christ, avec les peuples qui leur étaient soumis, les rois de Kent, Edilbert et Eadbald, Ercombert et Egbert. Vigard fut choisi pour septième prélat de ce siége, par les rois Osvius et Egbert, qui l'envoyèrent à Rome pour se faire ordonner. Il y mourut pendant qu'il attendait le jour fixé pour sa consécration: on ordonna à sa place un Grec nommé Théodore, homme très-distingué par sa sainteté et sa sagesse. Dans la Neustrie, Philibert, que comblèrent de gloire sa noblesse, sa sainteté et l'éclat de ses miracles, fonda, avec la permission du roi Clovis et de la reine Bathilde, un couvent à Jumiège, pour recevoir huit cents moines: quelques années après, il mit à la tête de cette maison saint Aichadre, qu'il avait tiré du couvent de Noirmoutier46. Alors Wandrille47 bâtit un monastère à Fontenelles, et y réunit, pour la milice de Dieu, près de quatre cents moines, parmi lesquels l'Eglise prit avec satisfaction, pour la gouverner, plusieurs évêques et plusieurs abbés très-capables. On voyait fleurir alors dans le diocèse de Rouen Sidoine, Ribert, Gérémar, Leufroi et plusieurs autres moines, tous favorisés, pour toutes sortes de biens, par le zèle et l'assistance du vénérable archevêque Ouen, ainsi que tout lecteur avide d'instruction peut le voir clairement dans leur histoire. En Italie, le roi Aripert étant mort au bout de neuf ans à Pavie, ses deux fils, encore fort jeunes, lui succédèrent: Godebert s'établit à Pavie, Bertarith fixa le siége de son gouvernement dans la ville de Milan. Peu après, Grimoald, vaillant duc de Bénévent, tua d'un coup d'épée Godebert, mit Bertarith en fuite, s'empara de leur trône et de leur sœur, et gouverna neuf ans avec force et succès. A sa mort, Bertarith régna dix-huit ans, et s'associa son fils Cunipert, qu'il avait eu de la reine Rodelinde: ils aimèrent tous deux la justice, et n'hésitèrent pas à se montrer fortement serviteurs bienveillans de Dieu et de son église, ainsi que protecteurs des pauvres. Alacheris, duc de Brescia, se révolta contre eux. Il troubla beaucoup et long-temps tout le pays, jusqu'à ce que, tué dans un combat par Cunipert, il trouvât le terme de sa méchanceté. A la prière de Constantin, d'Héraclins et de Tibère, princes très-pieux, le pape Agathon envoya à Constantinople Jean, évêque de Porto, sur le Tibre, le diacre Jean et plusieurs autres légats de la sainte Eglise romaine; par leur intermédiaire, il assembla un concile de cent cinquante évêques contre George patriarche de la cité royale, Macaire, évêque d'Antioche, et plusieurs autres hérétiques. A la fin des débats, George se rétracta; mais Macaire, qui se montra opiniâtrément attaché à ses opinions, fut, ainsi que ses complices, frappé d'anathême.

XXI.

Inclytus Ansbertus, probitatis culmine comptus,
Ecclesiam rexit quam sancte nobilitavit.

(L'illustre Ansbert, comblé de tout mérite, gouverna son église et l'ennoblit saintement).

Il brilla pendant dix-huit ans, du temps des papes Léon, Benoît, Jean, Conon et Serge, sous l'empire de Constantin et de Justinien-le-Jeune. Alors régnaient en France Lothaire48, Thierri et Childéric. Les maires du palais étaient Léger, Ebroin et le prince Pepin.

XXII.

Insignis Gripp0 successit in ordine sancto,
Actibus egregius, mentis pastor venerandus.

(Grippon, prélat distingué, succéda à son tour dans cette sainte catégorie, noble pasteur dan» ses actions et vénérable par ses mérites).

Il fleurit vingt-quatre ans, du temps des papes Jean Sisinnius, Constantin et Grégoire. Alors Léon, Tibère, Justinien, Philippique, Anastase, Théodose et Léon gouvernaient la république. Clovis, Childebert et Dagobert-le-Jeune régnaient en France. En Angleterre, le très-révérend Cuthbert, devenu d'anachorète évêque de l'église de Lindisfarn, illustra toute sa vie, depuis l'enfance jusqu'à la vieillesse, par d'éclatans miracles. Sous le règne de Henri, roi des Anglais, Radulf, évêque de Rochester, trouva son corps intact: il changea ses vêtemens, assisté par des moines et des clercs, en présence et sous les regards respectueux d'Alexandre, roi des Ecossais.

XXIII.

Justus et insignis Radilandus in ordine fulsit,
Compatiens cunctis, meritisque refertus opimis.

(Le juste et grand Radiland brilla dans l'épiscopat, compatissant pour tout le monde, et rempli de mérites éminens).

Ce prélat fleurit pendant trois années, du temps du pape Grégoire II. Alors Léon gouvernait l'empire. Les Français élevèrent au trône des rois, à la mort de Dagobert, le clerc Daniel. Les Sarrasins, avec une nombreuse armée, assiégèrent Constantinople pendant trois ans; mais ils furent vaincus par les citoyens, qui combattirent contre eux beaucoup plus par les prières que par les armes; ils prirent la fuite au milieu des périls, de la famine, du froid et de la peste. Liutprand, roi des Lombards, confirma, de l'avis du pape Grégoire, la donation du patrimoine des Alpes Cottiennes, qu'Aripert avait envoyée à Rome écrite en lettres d'or, et qu'il avait ensuite annulée. Il acheta pour une somme d'argent les os du docteur saint Augustin; il les transfera à Pavie, et les y plaça honorablement, après les avoir retirés de la Sardaigne, que les Sarrasins avaient ravagée.

XXIV.

Profuit in populo Domini venerabilis Hugo,
Et tribuit sanctœ subjectif dogmata vitœ.

(Le vénérable Hugues servit beaucoup le peuple du Seigneur, et prodigua à ses sujets les dogmes de la sainte vie).

Il était cousin de Pepin, prince des Français; il fut archevêque pendant huit ans, du temps du pape Grégoire. Il gouverna les églises de Paris et de Bayeux, ainsi que les abbayes de Jumiège et de Fontenelles. Son corps fut transporté en Lorraine avec le corps de saint Aichadre par les moines de Jumiège; placé dans une châsse d'argent, il a été conservé jusqu'à ce jour dans un lieu que l'on appelle Aspes49, dans le territoire de Cambrai. C'était sous le règne de Constantin. L'anglais Béde, serviteur du Christ, et prêtre du couvent des saints apôtres Pierre et Paul, jeta un grand éclat à Weremuth. Il naquit sur le territoire de ce monastère; dès l'âge de sept ans, il fut instruit par le révérend abbé Benoît, et ensuite par Céolfride. Il habita toute sa vie dans ce même monastère; il y donna tous ses soins à la méditation des Ecritures; il trouva de grandes douceurs, comme il le dit lui-même, à apprendre, à enseigner ou à écrire, partageant son temps entre l'observance de la discipline régulière et l'occupation journalière de chanter à l'église. Dans la dix-neuvième année de sa vie, il fut promu au diaconat, et à trente ans à la prêtrise: ce fut d'après les ordres de Céolfride, son abbé, que le très-révérend évêque Jean lui conféra l'un et l'autre ministère. Ensuite, ayant reçu le sacerdoce, il n'interrompit pas ses salutaires études jusqu'à l'âge de cinquante-neuf ans; il tira des ouvrages des vénérables Pères beaucoup de notes concises sur la sainte Ecriture, et prit soin de les ajouter aux textes pour en faire saisir le sens et l'interpréter. Le fruit de ses travaux et de ses études fut très-utile et agréable à l'Eglise de Dieu. Il publia soixante-douze livres sur la loi de Dieu et sur les recherches nécessaires pour l'entendre: il les dénombre tous et les décrit avec soin à la fin de son Histoire des Anglais. Alors brilla en Lombardie le moine Paul du Mont-Cassin, et en France le poète Fortunat, pieux évêque de Poitiers.

XXV.

Sedem Radbertus digne pastoris adeptus
Viribus enituit sanctis, sancte quoque vixit.

(Radbert, qui acquit dignement le siège de pasteur, se distingua par les forces de la sainteté, et vécut aussi saintement).

Il fleurit quatre ans, du temps du pape Grégoire II, et sous l'empire de Constantin. Alors en France commandait Charles-le-Marteau50, c'est-à-dire, Martel, qui, réuni au duc Eudes, livra aux Sarrasins une bataille en Aquitaine, et leur tua trois cent soixante-quinze mille hommes; dans la province de Narbonne, il les battit encore vaillamment, et les repoussa après en avoir fait un grand carnage.

XXVI.

Grimo, devotus pastor, pius, inclytus actu,
Suscipit Ecclesiam divino jure regendam.

(Grimon, dévot pasteur, homme pieux et célèbre par ses bonnes actions, se chargea du soin de gouverner l'Eglise suivant les lois de Dieu).

Il occupa le pouvoir pendant quatre ans, du temps de Grégoire III. En Angleterre, Berchtwald, archevêque de Cantorbéry, étant venu à mourir, Tatwin lui succéda. C'est alors que les deux rois anglais, Coenred, roi de Mercie, et Ofia, fils de Siher, roi des Saxons orientaux, quittèrent leur sceptre terrestre pour le Christ, se rendirent à Rome, reçurent la bénédiction du pape Constantin, se firent moines, et, fixés aux portes des Apôtres, vécurent jusqu'à leurs derniers jours dans les prières, les jeûnes et les aumônes. Wilfrid, vénérable archevêque d'Yorck, mourut l'an quarante-cinq de son épiscopat, le 4 des ides d'octobre (12 octobre), dans la province d'Undalum51, sous le règne de Coenred et d'Osred, fils d'Alfred, roi de Northumbrie. Peu après mourut le très-sage abbé Adrien, qui eut pour successeur Albin, son disciple, homme très-instruit en tout genre.

XXVII.

Culmine pastoris nituit Rainfridus, in omni
Actu magnificus, constructor pontificatus.

(Sur le siège du pasteur, Rainfroi se montra magnifique dans toutes ses actions, et travailla à reconstruire l'édifice du pontificat).

Il gouverna pendant dix-sept ans, du temps des papes Zacharie et Etienne. Carloman et Pepin étaient alors maires du palais.

XXVIII.

Remigius prœsul, regali stirpe creatus,
Devote vixit, commisses dogmatisavit.

(Le prélat Remi, issu du sang des rois, vécut dévotement et fit connaître les dogmes saints à son troupeau).

Il était fils de Charles-Martel et frère du roi Pepin: après l'expulsion de Rainfroi, il gouverna pendant dix-sept ans l'église de Rouen, du temps des papes Paul, Constantin et Etienne. L'empereur Constance, fils de Léon, convoqua à Constantinople un concile de trois cent trente évêques. Le pape Etienne, tourmenté par les persécutions d'Astolphe, roi des Lombards, passa en France, et y consacra le roi Pepin et ses fils Charles et Charlemagne. Alors Boniface, archevêque de Mayence, et Gui, abbé de Fontenelles, vivaient avec distinction; Constantin et l'émir Abdalla, roi des Sarrasins, rivalisèrent de cruauté contre les orthodoxes. Léon, fils de Constantin, le soixante-onzième empereur depuis Auguste, régna cinq ans. L'an de l'Incarnation du Seigneur 678, le 8 des calendes d'octobre (24 septembre), le roi Pepin mourut, et eut pour successeur son fils Charlemagne.

XXIX.

Prœsul Mainardus, bonitatis odore refertus,
Subjectos docuit, vitiorum sorde piavit.

(Le prélat Mainard, tout parfumé de bonté, enseigna les fidèles, elles purifia de l'ordure des vices).

Il brilla huit ans, du temps du pape Adrien. L'an six de son règne, le roi Charlemagne s'empara de Rome. A son retour il prit Pavie, conduisit prisonnier en France Didier, roi des Lombards, qui avait fait éprouver de grandes persécutions au pape Adrien, et chassa d'Italie son fils Adalgise. Ce Didier fut le trente-unième roi des Lombards: en lui cessa la dignité royale à cause de ses forfaits, et depuis ils n'eurent plus de roi de leur nation; ils furent toujours soumis désormais aux rois des Français ou aux empereurs des Allemands. Les premiers chefs lombards furent Ibor et Aïon, qui avec leur mère Gambara les amenèrent de l'île de Scandinavie52; ensuite ils eurent pour rois Agelmond, Lamission, Lethu, Hildehoc et Godehoc, Claffon etCaton, Wachon, Waltarith, Audouin et Alboin. Agelmond conduisit les Lombards en Bulgarie, Audouin en Pannonie, et Alboin en Italie. Secondé par le patrice Narsès, le roi Alboin, ayant, d'après l'inspiration de sa femme Rosemonde, été tué par Helméchis, son écuyer, Clépon, élu par le peuple, monta sur le trône. Après lui Flavius Autarith, son fils, régna et prit pour femme Théodelinde, fille de Garibald, roi des Boïens. Autarith périt empoisonné an bout de six ans de règne, et Agilulfe Agon, duc de Turin, s'empara de la reine et du royaume, et,mourant vingt-cinq ans après, laissa son royaume à son fils Adoloald. Celui-ci ayant régné dix ans avec sa mère Théodelinde, Arioald posséda le royaume des Lombards pendant douze ans, et eut pour successeur Rotharith, prince puissant, mais souillé de la perfidie de l'hérésie d'Arius: après un règne de seize années, il laissa son royaume à son fils Rodoald qui, cinq ans après, surpris en adultère, fut tué par le Lombard Rival. Aripert, fils de Gondoald, neveu de la reine Théodelinde, régna ensuite, et, mourant neuf ans après, laissa son royaume à ses fils Bertarith et Godibert. Cependant Grimoald, duc des Bénéventins, épousa Rodelinde, fille du roi Aripert, fit périr par le glaive son frère Godibert, et chassa du trône son autre frère Bertarith. Grimoald étant mort neuf ans après, Bertarith monta sur le trône et chassa Garibald, fils de Grimoald, qui avait régné durant trois mois après la mort de son père. Bertarith régna dix-huit ans, et Cunipert douze. A la mort de ce dernier, les Lombards eurent pendant deux ans quatre rois à la fois, savoir, Liutpert, fils de Cunipert, Ragimpert, duc de Turin, fils de Godibert, Aripert son fils, et Rotarith, duc de Bergame. Enfin Aripert l'ayant emporté sur ses rivaux, tua Liutpert et Rotarith; il chassa de l'île Comacine53 Ansprand, qui avait pris soin de l'enfance de Liutpert, fit crever les yeux à son fils Sigisbrand, régna ensuite pendant neuf ans, et rendit à saint Pierre plusieurs domaines qui avaient été ravis par ses prédécesseurs. Ensuite, comme il nageait dans le Pô, chargé d'or, il s'y enfonça, et, suffoqué par les eaux, y périt. Ansprand, homme sage. ne régna que trois mois, et son fils Liutprand, prince entreprenant, occupa le trône pendant près de trente-deux ans. Son neveu Hildebrand fut élevé à la royauté, mais il mourut avant deux ans. Ensuite Rathchise et Astolphe, fils de Penmon, duc de Frioul, prirent la couronne que le premier déposa volontairement pour se faire moine à Rome.

Astolphe persécuta beaucoup l'Eglise du Seigneur de toutes les manières, du temps du pape Etienne; mais enfin, par un juste jugement de Dieu, il fut tué à la chasse d'un coup de flèche. Enfin le duc Didier, secondé par le pape Etienne, devint roi des Lombards, et, lorsqu'il fut parvenu au trône, il persécuta le pape, le clergé et le peuple de Rome. C'est ce qui détermina le pape Adrien à implorer l'assistance des Français, qui détruisirent et ont renversé jusqu'à ce jour la puissance cruelle du royaume des Lombards. C'est du temps de Mainard, archevêque de Rouen, que cet événement arriva l'an de l'Incarnation du Seigneur 774.

XXX.

Prœsul successit cui Gillebertus, in omni
Constans, et lenis populi pastorque fidelis.,

(Alors succéda Gillebert, prélat constant et doux en toute chose, et pasteur fidèle de son peuple).

Il brilla quarante-huit ans du temps des papes Adrien, Léon, Etienne et Pascal. Alors fleurissaient à Constantinople les Augustes Constantin, Léon54, Nicéphore, Staurace son fils, Michel55, Léon56 et Michel57. Charles58, roi des Français, signala sa vaste puissance, et par son grand mérite si digne d'éloge accrut son empire sur tous ses voisins. Il détruisit Pampelune, assiégea et prit Sarragosse, subjugua la Gascogne, l'Espagne, la Saxe et la Bavière; il dévasta le pays des Slaves que l'on appelle Voultes59, et celui des Huns. Du temps de Constantin60 et de sa mère Irène, on trouva à Constantinople une cassette de pierre qui contenait un homme étendu avec cette inscription: «Le Christ naîtra de la Vierge Marie, et je crois en lui. O soleil, vous me reverrez sous l'empire de Constantin et d'Irène.» Sous le pontificat de Léon, un grand tremblement de terre ébranla presque toute l'Italie, et renversa en grande partie le toit de l'église de Saint-Paul avec ses poutres. L'an 800 de l'Incarnation du Seigneur, le roi Charles fut consacré empereur par le pape Léon et proclamé Auguste par les Romains. Après avoir accompli un règne de quarante-sept ans, ce monarque mourut. Louis son fils régna vingt-sept ans, et eut pour secrétaire l'archevêque Gislebert.

suite

(1 Georg., liv. i.

(2) De Remed. Amoris.

(3) Mainier qui mourut en 1089.

(4 Le 9 septembre 1087.

(5) La Chaire de saint Pierre était fêtée à Antioche le 22 février, et à Rome le 18 janvier.

(6Ce sont deux vers:

Sol erat in canero radiant splendore corusco,

Spartis pontificem velat radiis morientem.

(7Deux autres vers:

Sic obiit nostro vir non reparabilis œvo,

Gemma sacerdotum, patriœque decus pater Hugo.

(8Ou Guillaume de Poitiers, né à Préaux, près de Pont-Audemer. Orderic Vital parle de cet auteur dans le livre IV, ci-dessus.

(9Denerata, valeur d'un denier.

(10) Bétail égaré.

(11) Si quis assallieritt...

(12) Episcopos inde non disaisiscant....

(13Invico reguli.... Sigebert l'appelle aussi Sedes regia.

(14Talaucium. On lit dans d'autres auteurs Talogium. C'est le comté de Tellau ou plutôt Talou, qui prit ensuite le nom de comte d'Arques, vers le Xe siècle.

(15 Le mot Caletes, dans Jules-César, désigne les habitans du territoire que nous appelons le pays de Caux. Quant à une prétendue ville nommée Caletus, comme le dit ici Orderic Vital, et comme l'a répété Nagerel, on ne trouve nulle part aucune trace d'une semblable dénomination pour un tel lieu.

(16) Albula.

(17) Rodebeccum.

(18) Ou Bapaume.

(19) Il serait difficile de découvrir où Orderic Vital a puisé toutes les erreurs qu'il raconte ici sur Lillebonne et sur la fondation de la ville de Rouen.

(20) Scancius, et non pas Scamnis, comme on lit dans le texte de Duchesne, page 554. On ecrit aujourd'hui plus communément Ecos. Cette commune est dans l'arrondissement d'Andelys, departement de l'Eure.

(21 Saint-Nicaise ou Nigaise; Saint-Cerin ou Quirin (Quirinus); SaintEscobille ou Egobille (Seuniculus, Seuviculus, Scubilius, etc.).

(22)Vani, id est vadum Nigasii.

(23 C'est l'ancien Medinlanum Eburovicum. Il était situé au Vieil-Evreux, à deux lieues sud-est de la ville actuelle.

(24Consul.

(25 In Gizaico villa. Dans l'arrondissement de Bernai.

(26Castellum Alerci. Peut-être est-ce Alisai dans l'arrondissement de Louviers.

(27) D'après le dix-neuvième canon du concile de Rouen de 1o63, conforme aux usages d'alors, les nouveaux baptisés restaient pendant huit jours vêtus de la robe blanche qu'ils avaient reçue dans cette cérémonie.

(28) Le Gobelin, démon très-facétieux, est encore connu en Normandie. Dans le département de l'Orne, on le désigne aussi sous le nom de cheval Bayard. M. Louis du Bois a inséré un chapitre sur le Gobelin, dans la grande Statistique du département de l'Orne, qu'il rédiga en 1807; il a reparu en partie dans les Annuaires du même département, et dans le tome Ier des Archives Normandes en 1824.

(29 Biducasses, Viducasses ou Bajocasses.

(30Luxovium.

(31) Salarium.

(32C'est donc à tort que le P. Pommeraye, dans son Histoire des archevêques de Rouen, attribue ces distiques à Orderic Vital.

(33 En 314.

(34) En 325.

(35) Valentinien Ier.

(36 Valentinien II.

(37) Presque tous nos vieux historiens donnent, comme on sait, cette origine à la nation française.

(38Pharamond.

(39)   Valentinien II.

(40) Leon Ier.

(41Les Benedictins qui préparaient une édition d'Orderic Vital, au commencement du siècle dernier, ont corrigé les dates de cet auteur en ce qui concerne les évêques Pierre, Victrice, Sylvestre, Gildard, Flavius et Evode. Nous avons cru devoir adopter leurs corrections qui sont très fondées.

(42 On lit ailleurs quarante-huit ans.

(43) Clotaire II.

(44) Chosroès ou Khosron.

(45) Orderic Vital emploie indifféremment le mot Luxovium pour Lisieux et pour Luxeuil.

(46) Herium monasterium.

(47) Guandregesilus, et ailleurs Wandegesilus.

(48) Clotaire III.

(49) Haspis.

(50Tudites.

(51) Undalum. Mot défiguré sans doute par les copistes.

(52) La Scandinavie n'était pas une île: on avait désigné sous ce nom la Suède, la Norwège, et quelquefois d'une manière vague les pays du nord jusqu'à la mer Glaciale.

(53) Ile qui à donné son nom au lac de Côme, anciennement lac Larius.

(54) Léon Chazare.

(55) Michel Curopalate.

(56) Léon l'Arménien.

(57Michel-le-Bègue.

(58) Charlemagne.

(59) Vulti ou Wiltzi.

(60Constantin V.