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LÉON LE SAGE

  

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

LE

LIVRE DU PRÉFET

ou

 

L’ÉDIT DE L’EMPEREUR LÉON LE SAGE

 

SUR LES CORPORATIONS DE CONSTANTINOPLE

 

TRADUCTION FRANÇAISE DU TEXTE GREC DE GENÈVE

par

 

JULES  NICOLE

Professeur à la Faculté des Lettres

 

 

AVEC UNE INTRODUCTION ET DES NOTES EXPLICATIVES

 

 

 

 

 

GENÈVE & BALE

GEORG & C°, LIBRAIRES-ÉDITEURS

Lyon, même maison

 

1894

 


 

INTRODUCTION

I

L’empereur d’Orient Léon VI, dit le Sage ou le Philosophe, était fils de Basile I le Macédonien et de l’impératrice Eudoxie. Il eut pour maître, le célèbre patriarche Photius, qu’il déposa en arrivant au pouvoir. Son règne de vingt-cinq années (886-911) ne fut marqué par aucun événement de grande signification. Peu fait pour la politique ou pour la guerre, il consacra le meilleur de son temps à la composition d’oeuvres de tout genre : ses travaux juridiques sont les seuls importants, bien que ses essais de théologie, dont le caractère contraste singulièrement avec celui de sa vie privée, lui aient valu une place dans l’Encyclopédie des Pères grecs.

Basile I avait entrepris une codification nouvelle des lois de l’empire; Léon VI acheva cet immense recueil et le publia : ce sont les soixante livres des Basiliques. On lui doit aussi un certain nombre d’ordonnances, entre autres celles qui ont pour objet les corporations de Constantinople et dont je présente aujourd’hui au lecteur la traduction française, d’après le texte original retrouvé par moi, il y a deux ans, à la Bibliothèque de notre ville. On ne le connaissait jusque-là que par les juristes byzantins, qui en ont cité une douzaine de paragraphes. Or, le manuscrit de Genève n’en contient pas moins de cent soixante-quatorze.

Les corporations de Constantinople avaient pour grand-maître l’illustrissime préfet de la ville. Leur recrutement, l’élection de leurs chefs, les rapports entre elles, toute leur vie organique enfin reposait sur lui et dépendait de lui. C’est lui qui les représentait vis-à-vis du gouvernement et, dans la plupart des cas, vis-à-vis de la population étrangère; c’est lui qui jugeait et punissait les infractions aux règlements dont le réseau compliqué les enserrait. Naturellement, l’empereur est au-dessus du préfet; l’empereur le nomme, l’investit, peut d’un moment à l’autre lui reprendre la ceinture, insigne de ses fonctions. Mais la puissance suprême de l’empereur reste à l’état d’axiome dans presque tout le Livre : il est rare qu’il descende de la haute sphère où il plane. Pour employer la comparaison que Léon VI a risquée lui-même en écrivant sa préface, il a édicté la loi comme Dieu a gravé les tables du Décalogue: c’est le Préfet qui en est le dépositaire visible et qui la fait exécuter. On comprend donc le titre de Livre du Préfet que porte l’Edit de Léon dans le manuscrit de Genève.

L’Edit contient vingt-deux chapitres, dont vingt correspondent chacun à un corps de métier différent. Toutes les corporations n’y figurent pas, tant s’en faut. Il comptait probablement à l’origine un plus grand nombre de chapitres; mais il est certain que, déjà au XIVe siècle, le texte en était réduit à ses limites actuelles. Tel que nous le possédons, ce document offre pour l’histoire de la civilisation au Moyen-Âge et pour l’étude du droit commercial et pénal byzantin un très grand intérêt. Mais ce n’en est pas le seul titre, ni même le titre principal à notre attention.

II

Sous quel jour nous montre-t-il la Constantinople industrielle et commerciale du IXe siècle ? C’est le paradis du monopole, du privilège et du protectionnisme. Non seulement les portes de communication entre les différents métiers y sont hermétiquement fermées de par la loi, mais l’exercice de chacun d’eux y est soumis à mille conditions restrictives. L’Etat se mêle de tout; il contrôle tout; il entre quand il lui plait dans les ateliers, fouille les magasins, inspecte les livres de comptes. Il règlemente tout. Tel produit doit être vendu tel jour, à telle place, à tel prix. On tarife le bénéfice du patron et le salaire de l’ouvrier. Le manufacturier ne peut acheter directement sa matière première, ni la choisir à son gré; il n’a son mot à dire ni sur la qualité, ni même sur la quantité de ses approvisionnements : c’est la corporation qui achète en bloc les arrivages ; lui, n’a qu’à verser tant à la masse et à recevoir ce que lui dispensent les hasards de la distribution entre les membres du collège. Bien entendu, le recrutement de la corporation n’est pas libre ; bien entendu aussi, on ne laisse pas les patrons régler directement avec les ouvriers les clauses des contrats de louage, ni former le nombre d’apprentis qu’ils jugent nécessaire.

Le rôle de l’Etat ne s’en tient pas là. Afin de conserver à la capitale la possession exclusive de certains procédés industriels, on traite les étrangers en suspects, on limite étroitement leur droit de séjour, on les parque dans des hôtelleries espionnées par la police, on fixe un maximum pour la valeur des marchandises qu’ils peuvent emporter.

Cette règlementation a pour instruments toute une armée de fonctionnaires aux ordres du préfet. Son substitut, ses officiers, ses inspecteurs, ses agents subalternes se vouent à une surveillance incessante, que les chefs des corporations sont tenus de seconder de tout leur pouvoir. Mais l’inquisition du préfet compte encore bien d’autres auxiliaires, autant en réalité qu’il y a de fabricants et de marchands à Constantinople, et cela grâce à un moyen très simple et très peu coûteux :la dénonciation mutuelle. La loi en fait une obligation absolue à tous les membres des corps de métiers.

Comme sanction à cet ensemble de mesures, des pénalités, dont la profusion et la rigueur sont en raison directe des absurdes exigences de la loi. Amendes énormes, confiscation, bannissement, flagellation, tonsure: voilà les recettes ordinaires qu’emploie le préfet pour rappeler ses administrés au respect de leurs devoirs. Les deux dernières peines surtout reviennent à tout propos. Qu’il s’agisse d’un notaire qui a omis une formule dans la rédaction d’un acte, d’un cabaretier dont les brocs ne portent pas l’estampille préfectorale, ou d’un maquignon qui s’est adjugé une obole de trop sur le prix d’un cheval vendu par son entremise, le fouet et les ciseaux marquent le coupable d’une double flétrissure.

L’histoire du Bas-Empire nous apprend quelles furent les conséquences économiques et politiques d’un régime qui tuait, dans tous les rangs de la grande année du travail, toute liberté et toute dignité. On n’ignore pas ce que devint Constantinople, la première ville du monde, rendez-vous de l’Asie et de l’Europe, comme de la civilisation antique et de la civilisation chrétienne. Ses industries, si jalousement protégées, émigrèrent l’une après l’autre en Occident, suivies de près par son commerce; ses richesses tarirent et sa force de résistance contre les ennemis du dehors s’affaiblit de plus en plus, jusqu’au jour de la catastrophe définitive.

III

Les anciens comprenaient l’histoire comme un trésor d’enseignements pratiques. Sous l’influence de cette conception, ils ont souvent donné au genre historique un caractère d’utilitarisme incompatible avec l’idée puis juste et puis élevée qu’ont les modernes de sa véritable mission. Nous demandons simplement à l’histoire de nous dire la vérité sur les faits. Mais le désintéressement absolu que nous attendons de son témoignage n’en diminue pas l’utilité. Il est devenu bien plus utile au contraire, puisqu’il est nécessairement plus complet, les modernes recueillant avec soin une foule d’informations que les anciens négligeaient, comme peu instructives à leur point de vue. Mieux qu’autrefois l’histoire saura nous apprendre à nous inspirer des expériences heureuses du passé et surtout à n’en pas répéter les expériences malheureuses.

A cet égard, il serait difficile d’exagérer la valeur pratique de l’Edit de Léon le Sage, que pas un historien n’avait seulement mentionné.

De nos jours, toute une école politique réclame en fait le rétablissement des corporations et l’ingérence générale de l’Etat dans le domaine de la production et de l’échange. Des mêmes causes naîtraient les mêmes effets. On dira que les conditions de l’expérience sont différentes, que l’on est bien résolu à marcher pas à pas dans la voie l’on veut nous engager et que, d’ailleurs, la distance est grande entre le plus hardi des programmes nouveaux et le système dont la réalisation s’étale à toutes les pages de l’Edit. Je crois les conditions de l’expérience très différentes en effet, car elles sont bien pires. Quel pays offrirait maintenant une situation économique comparable à celle qui permit à Constantinople de braver si longtemps les dangers du système? Et puis ce qui est plus grave encore tandis que c’était alors un souverain, placé au-dessus et en dehors de la mêlée, qui réglait l’organisation du travail par des mesures législatives où l’on ne découvre du moins aucune acception de partis ni de classes, aujourd’hui c’est d’un parti que viendrait l’initiative des prétendues innovations; c’est une classe, en conflit avec les autres, qui imposerait ses volontés en invoquant ses intérêts. Tyrannie cent fois plus lourde et plus stérilisante que celle d’un homme. Quant à la marche prudente de l’idée, tout le monde sait combien la réaction, une fois lancée, tarde peu à précipiter son mouvement, surtout lorsque c’est au nom du progrès qu’on l’a déchaînée; on sait aussi avec quelle facilité elle entraîne ceux qui, au départ, se faisaient forts de la modérer. Sans contredit, elle aurait une distance énorme à franchir avant de nous ramener à l’état de choses qui florissait en Orient sous Léon VI, et la route lui serait barrée par toutes les garanties de liberté que les peuples chrétiens ont mis dix siècles à conquérir. Mais ces garanties tiendraient-elles longtemps contre des attaques dont les protestations du sens commun ne feraient, comme toujours, qu’exaspérer la violence. Et, en supposant même que la réaction s’arrêtât au quart du chemin, à travers quelles ruines accumulées ne faudrait-il pas remonter la pente !

 

Genève, 15 avril 1894.

JULES NICOLE.

 

J’ai publié l’année dernière, sous les auspices de l’Institut National genevois, le texte grec de l’Edit de Léon VI, avec une traduction latine. La préface de cet ouvrage et les notices qui le complètent traitent quelques-unes des questions de critique et d’histoire que soulèvent certains passages du Livre. J’ai condensé les résultats de ces études dans les notes de la présente édition française. D’autre part, j’ai dûment tenu compte, en la préparant, des remarques qui m’ont été faites au sujet de l’édition gréco-latine, de celles en particulier dont je suis redevable à l’illustre doyen des byzantinistes . Zachariae de Lingenthal.

Ma tâche restait difficile, malgré ce précieux recours : je crois l’avoir remplie avec conscience et j’espère qu’on ne lira pas sans profit les pages qui suivent.


 

PRÉFACE

Après avoir créé l’ensemble des choses et fait régner dans l’univers l’ordre et l’harmonie, Dieu grava de son propre doigt la Loi sur les Tables et la plaça en pleine lumière, pour qu’elle empêchât, par une heureuse discipline, les membres de la famille humaine de se ruer honteusement les uns sur les autres et les plus forts d’écraser les plus faibles. Il voulut que tout fût pesé entre eux à une juste balance. C’est pourquoi il a paru bon à Notre Sérénité[1] de formuler aussi, dans les termes qu’on va lire, les dispositions qui découlent de la Loi, afin que le genre humain soit gouverné comme il sied et que personne n’opprime personne.

CHAPITRE I.

DES TABULAIRES OU NOTAIRES.

§ 1. Un tabulaire ne peut être élu sans une délibération et un vote du primicier et des autres membres du collège des tabulaires. Il faut en effet qu’il connaisse parfaitement les lois, qu’il ait une écriture excellente, qu’il ne soit ni bavard, ni insolent, ni de moeurs déréglées, mais que son caractère commande le respect, que son jugement soit sain, qu’il joigne l’instruction à l’intelligence, qu’il ait la parole aisée et qu’il possède une parfaite correction de style, qualité sans laquelle les fraudes qui peuvent altérer la teneur ou la ponctuation d’un texte l’embarrasseraient très facilement. Si un tabulaire était jamais convaincu de contrevenir de ce chef à la loi et aux instructions écrites émanées de l’autorité, ceux qui auront témoigné en sa faveur seraient responsables.

§ 2. — Le candidat doit savoir par coeur les quarante titres du Manuel et connaître les soixante livres des Basiliques;[2] il doit aussi justifier de la culture générale sans laquelle il pourrait commettre des erreurs en dressant ses actes et pécher contre le style. On lui accordera le temps nécessaire pour faire pleinement la preuve de ses aptitudes physiques et intellectuelles. Il rédigera un acte, séance tenante, devant les membres du collège, pour les garantir contre toute surprise fâcheuse de sa part. Si, malgré cette précaution, il lui arrivait d’être pris en faute, qu’il soit chassé de son siège.

§ 3. — Voici comment on procédera à l’élection. Après la déposition des témoins et l’examen du candidat, celui-ci se présentera, revêtu du manteau, devant le très illustre préfet, avec le corps des tabulaires et le primicier, lesquels jureront, en invoquant Dieu et le salut des empereurs, que ni la faveur, ni l’intrigue, ni aucune considération de parenté ou d’amitié n’ont valu au candidat d’être appelé à occuper un siège, mais bien sa vertu, son instruction, son intelligence et sa capacité à tous égards. Après la formalité du serment, le Préfet en exercice confirmera au tribunal préfectoral l’élection du candidat, qui fera dès lors partie du collège des tabulaires et sera compté pour un des leurs. En sortant du tribunal, il se rendra dans l’église la plus voisine de son domicile, et là, en présence de tous les tabulaires revêtus de leurs manteaux, il ôtera son manteau, mettra un surplis et sera consacré par une prière du prêtre. Tous les tabulaires, revêtus de leurs manteaux, lui feront alors cortège, le primicier en personne tenant l’encensoir et en lançant la fumée vers le nouvel élu, qui aura la Bible dans les mains et la portera devant lui. Les voies droites où il devra marcher seront symbolisées par cette fumée d’encens montant tout droit en face du Seigneur. C’est dans ce pompeux appareil que l’élu ira prendre possession du siège qui viendra de lui échoir, et aussi qu’il retournera chez lui, pour festoyer et se réjouir avec toute l’assistance.

§ 4. — S’il arrive qu’un tabulaire doive manquer mine procession impériale[3] ou une représentation, à l’Hippodrome, une réunion convoquée par le très illustre préfet ou une séance réglementaire quelconque, il aura à payer d’avance quatre cératies[4] aux officiers du préfet et une somme égale aux membres du collège. Que si son absence se justifie par une raison évidente et plausible, exempte de tout caractère intéressé, il sera, sur l’avis du primicier, déclaré à l’abri de toute poursuite.

§ 5. — Si un tabulaire, convoqué par le primicier pour affaire urgente, fait défaut par trois fois, il aura à payer deux cératies la première fois, quatre la seconde et six la troisième.[5] Mais si c’est par insolence ou mépris qu’il agit de la sorte, le préfet le mettra à la raison.

§ 6. — Si un tabulaire est mandé pour dresser’ tel ou tel acte, et qu’ensuite on en mande un autre, ils instrumenteront tous les deux et se partageront également les honoraires. Mais si l’un des deux tabulaires se présente sans avoir été mandé, qu’on le renvoie les mains vides et qu’il soit de plus battu de verges. Si, pendant la rédaction de l’acte, l’un des tabulaires se retire de son plein gré, il n’aura pas droit pour cela à la moindre rémunération.

§ 7. — Lorsqu’un tabulaire appelé à dresser un contrat fera valoir, pour se dérober, un motif plausible et appellera un autre tabulaire à sa place, celui-ci touchera les deux tiers des honoraires, le troisième tiers revenant à celui-là.

§ 8. — Si un tabulaire, mandé expressément, a fait le projet d’un acte, et qu’un second tabulaire, mandé après le premier, prépare le même acte et le dresse en entier, ce second tabulaire touchera le montant total des honoraires, s’il ignorait que l’acte et déjà été préparé par l’autre; mais s’il le savait, il n’en touchera que le tiers, le reste étant remis au premier tabulaire appelé; si les deux tabulaires ont été appelés en même temps, l’ordre de préséance déterminera lequel des deux doit céder la place à l’autre, et ils toucheront chacun la moitié des honoraires.

§ 9. — Quand un tabulaire s’approchera du siège d’un autre tabulaire, si ce dernier néglige de se porter à sa rencontre pour lui faire honneur, il pavera une amende de six cératies. Même amende à quiconque n’observera pas, en se mettant à table, l’ordre de préséance, à quiconque aussi s’exprimera d’une façon outrageante pour l’un de ses confrères. Si l’outrage va jusqu’aux voies de fait, le délinquant sera mis à la raison par le préfet.

§ 10. — S’il s’élève quelque léger conflit entre notaires à propos d’une écriture ou d’un règlement d’honoraires, le primicier tranchera le différend; si le conflit est de nature grave, le primicier fera son rapport au préfet, et celui-ci prononcera. La partie condamnée qui ne se soumettra pas à la sentence du primicier, payera trois sous d’or.

§ 11. — Si un tabulaire a quelque sujet de plainte contre un de ses confrères, il recourra d’abord au primicier, puis à l’instance supérieure du préfet. Faute de suivre cette procédure, il sera débouté.

§ 12.—Le tabulaire doit, séance tenante, devant les personnes qui l’ont appelé pour rédiger un acte et devant leurs témoins, apposer à l’acte la formule requise par la loi et clore l’acte, afin que les opérations soient inattaquables. Tout contrevenant sera mis à la raison par le préfet, qui le fera fouetter et raser.[6]

§ 13. — Toute chaire ancienne de maître de droit ou de maître[7] sera pourvue par ordre du très illustre préfet. Mais chaque titulaire sera d’abord désigné par les votes réunis des tabulaires, de leur primicier, des maîtres de droit et des maîtres. Il payera pour soit entrée, si c’est un maître de droit, deux sous d’or au primicier et quatre sous d’or[8] à l’assemblée; si c’est un maître, un sou d’or au primicier et deux sous d’or à l’assemblée.

§ 14. — Tout tabulaire nouvellement élu payera comme droit d’entrée trois sous d’or au primicier, un sou d’or à chacun des tabulaires et six sous d’or pour la table.[9]

§ 15. — Si un maître de droit se permet de rédiger des actes sans l’ordre exprès du préfet et sans avoir été élu par les notaires à la suite d’un examen, il sera fouetté et chassé de sa chaire.

S 16. — Les maîtres de droit et les maîtres ne doivent admettre aucun enfant sorti d’une autre école, avant qu’il y ait passé le temps pour lequel il a payé la finance scolaire. Si ses parents veulent l’en retirer, trouvant qu’il n’y est pas dûment suivi, ils ne pourront le faire qu’au su du primicier.

§ 17. — Les scribes des tabulaires ne doivent rien faire contre l’avis de leurs maîtres. Si l’un d’eux se rend coupable de ce chef il sera frappé d’une amende, puis chassé et ne pourra rentrer chez aucun membre du collège.

§ 18. — Il est défendu aux scribes de rédiger la formule légale d’un acte, ce droit étant réservé exclusivement aux tabulaires.

§ 19. — Le tabulaire payera sur ses propres honoraires à son scribe deux cératies par sou d’or [10]

§ 20. — Si un tabulaire a la clientèle d’une maison ecclésiastique ou d’une maison seigneuriale, d’un monastère ou d’un asile de vieillards, et qu’un autre tabulaire essaye de l’y supplanter sans raison valable, celui-ci, le délit une fois reconnu, sera passible d’une amende de dix sous d’or.[11]

§ 21. — Si le primicier se trouve empêché par la maladie, la vieillesse ou quelque infirmité, de remplir les devoirs de sa charge, il prendra sa retraite, touchera la finance qui lui est dite en sa qualité d’ex-primicier, et celui qui sera installé à sa place remplira les mêmes fonctions.

§ 22. — Quand il s’agira d’élire un primicier, le tabulaire que désigne son rang dans le collège sera nommé par le préfet, si le collège tout entier témoigne que le candidat est digne de ces fonctions. S’il se trouve que son caractère l’en rende indigne, on lui préférera le tabulaire qui vient en second ou en troisième lieu dans l’ordre de préséance, et il remerciera les tabulaires placés désormais sous sa direction.

§ 23. — Que le nombre total des notaires n’excède pas vingt-quatre. Le préfet en exercice n’aura pas le droit d’en nommer davantage, sous prétexte de s’adjoindre des conseillers. S’il contrevient à cet ordre, il sera dépouillé de sa ceinture et de sa dignité. Autant d’études, autant de notaires.

§ 24. — Défense à tout tabulaire de prendre un scribe à son service avant de l’avoir présenté à la corporation et ait primicier, en témoignant qu’il est digne de remplir un semblable office. Chaque tabulaire n’aura qu’un scribe.

§ 25. — Pour la perception de leurs honoraires, les tabulaires se conformeront aux règles suivantes. Si la valeur stipulée dans l’acte qu’il aura dressé est égale ou inférieure à cent sous d’or,[12] le tabulaire touchera invariablement douze cératies.[13] Si elle est supérieure[14] ............................ il touchera un soit d’or; si elle dépasse encore ce chiffre, il touchera deux sous d’or. Ses honoraires n’iront jamais au-delà et ne varieront point suivant la condition ou la fortune de son client, qu’il s’agisse d’actes de vente ou de constitution de dot, de testaments ou de conventions. Quiconque demandera plus que ne comporte le tarif ci-dessus, sera chassé de son siège et mis à la raison par le préfet. Mais si l’on offre à un tabulaire une gratification, et qu’il ne l’ait ni réclamée ni recherchée, il pourra la prendre sans crainte d’être inquiété. Quand les émoluments des tabulaires atteignent un taux trop élevé, il arrive que leurs clients, à bout de ressources, laissent les actes dans les études, que, par trait de temps, ils oublient ce qu’ils avaient consenti, et qu’alors des querelles et des contestations surgissent entre citoyens.

§ 26. — A la mort d’un tabulaire, tous ses confrères, revêtus de leurs manteaux, se rassembleront pour l’accompagner jusqu’à sa dernière demeure, afin que ses obsèques soient célébrées avec un éclat digne des fonctions auxquelles il avait été appelé. Quiconque négligera ce devoir sans excuse valable et pour un motif intéressé, payera six cératies.[15]

CHAPITRE II.

DES ARGENTIERS OU ORFÈVRES.

1. — Nous décrétons qu’il est permis aux argentiers d’acheter, quand on les y invitera, les articles qui rentrent dans leur spécialité, comme l’or, l’argent, les perles, les pierres précieuses. Ils ne pourront acheter ni cuivre, ni tissus de lin, ni en général les articles dont le commerce appartient plutôt à d’autres marchands. Mais cette défense ne s’étend pas à ce qu’ils voudront acquérir pour leur propre usage.

§ 2. — Quand ils ont à estimer des articles à vendre, les argentiers ne doivent pas en rabaisser ou en exagérer le prix au préjudice des vendeurs, mais en donner la juste estimation. Que si, en pareille occasion, l’un d’eux agit de mauvaise foi, il payera au vendeur une somme équivalente à l’estimation qu’il aura faite.

§ 3. — Les jours de marché, suivant l’ancienne coutume, les argentiers se tiendront dans leurs boutiques, avec les gens préposés à la garde de leurs comptoirs, sur lesquels les sous d’or seront changés d’avance en milliarises. Ils achèteront tout article rentrant dans leur spécialité qui pourra leur être offert.

§ 4. — Quand un argentier aura connaissance qu’une femme offre en vente des matières d’or ou d’argent, des perles ou des pierres précieuses, il doit en avertir le préfet, de peur que ces articles ne soient exportés chez les nations étrangères à l’empire.

§ 5. — Quiconque altérera de l’argent non monnayé pour le mettre en oeuvre et le vendre, aura la main coupée.

§ 6. — Pour faciliter les moyens de découvrir les vols, toute personne étrangère à la ville qui offrira de vendre quelque matière d’or ou d’argent, travaillée ou non, aura à en indiquer la provenance et sera désignée à l’attention du chef de la corporation.

§ 7. Tout argentier qui achètera quelque objet sacré, intact ou non, sans le déclarer au préfet, sera passible de confiscation,[16] ainsi que le vendeur.

§ 8. — Nous ordonnons qu’il soit défendu à tout orfèvre, de condition libre ou de condition servile, d’acheter pour les besoins de son métier plus d’une livre d’or non monnayé, que le métal soit travaillé ou non.

§ 9. — Tout orfèvre qui prendra livraison pour son travail de plus d’une livre d’or non monnayé et qui ne le déclarera pas sur le champ au chef des orfèvres, deviendra, s’il est esclave, propriété un fisc; s’il est libre, il sera fouetté et payera une livre d’or d’amende.

§ 10. — Quiconque voudra monter un atelier d’argentier, devra, s’il est esclave, avoir pour caution son maître, celui-ci justifiant d’une fortune suffisante; s’il est de condition libre, il apportera la caution de cinq personnes, qui courront les mêmes risques, naturellement, que le sujet cautionné par elles.

§ 11. — Nous ordonnons qu’il ne soit pas permis à un orfèvre de travailler l’or ou l’argent à son domicile : ce travail doit se faire dans les ateliers sis Rue Centrale.[17] Défense également d’admettre personne dans la corporation des orfèvres sans l’aveu du préfet.

§ 12. — Les argentiers ne doivent pas, sans l’aveu du préfet, s’absenter pour faire des estimations; ils ne doivent pas non plus, quand ils en font, se prendre de querelle les uns avec les autres. Pour tout délit de ce genre, ils seront fouettés, rasés, et on les rayera du rôle de la corporation.

CHAPITRE III.

DES BANQUIERS OU CHANGEURS.

§ 1. — Quiconque veut être admis dans la corporation des banquiers doit fournir le témoignage d’hommes honorables et honnêtes, qui répondent pour lui qu’il ne fera rien contre les ordonnances, c’est-à-dire qu’il ne limera ou ne rognera ni sous d’or, ni milliarises, q’il n’en frappera pas de faux et que, si un service public l’empêche de vaquer lui-même à ses affaires, il n’installera aucun de ses esclaves à sa banque pour la diriger à sa place, ce qui pourrait entraîner de graves abus. Tout contrevenant aura la main coupée.

§ 2. — Les changeurs sont tenus de dénoncer au préfet les sacculaires[18] qui stationnent sur les places et dans les rues, et qu’il faut empêcher de rien faire contre l’ordre et le devoir. Que s’ils négligent sciemment de les dénoncer, ils seront passibles de la peine susdite.

§ 3. — Les changeurs ne décompteront rien sur la pièce d’un milliarise, si elle est de bon aloi et qu’elle porte l’effigie impériale authentique; ils la prendront pour l’équivalent exact de vingt-quatre oboles. Si la pièce d’un miiliarise n’est pas de bon aloi, ils la prendront pour ce qu’elle vaut, estimation faite. Les contrevenants seront fouettés, rasés et subiront la confiscation.

§ 4. — Tout banquier doit avoir à son service deux hommes chargés d’empiler la monnaie. Il les cautionnera, et si l’un d’eux vient à enfreindre les ordonnances, le banquier qui aura répondu pour lui sera passible comme lui de la peine susdite.

§ 5. — Tout changeur qui recevra une pièce fausse d’un sou d’or ou d’un milliarise et qui ne déclarera pas au préfet cette pièce et son possesseur, sera fouetté, rasé et banni.

§ 6. — Défense aux banquiers de remettre des livres de compte ou du numéraire à leurs gens et d’installer ceux-ci sur les places ou dans les rues, pour toucher les bénéfices qu’ils pourraient réaliser. Il leur est également défendu de quitter leurs banques et de céder leur place à d’autres, même les jours de largesses[19] ou pour lie service de l’empereur. Tout contrevenant sera fouetté, rasé et subira la confiscation.

CHAPITRE IV.

DES VESTIOPRATES OU MARCHANDS DE SOIERIES.

§ 1. — Les vestioprates achèteront les vêtements de soie. Ils n’en achèteront pas d’autres, sauf ceux qui leur seront nécessaires pour leur propre usage; encore leur est-il interdit de les revendre. Il leur est interdit également de livrer aux personnes étrangères à la ville des articles prohibés,[20] autrement dit des pourpres grand modèle rouges ou violettes,[21] de petur qu’elles ne soient expédiées hors de l’empire. Tout contrevenant sera fouetté et passible de confiscation.

§ 2. — Les vestioprates, de condition libre ou servile, qui achètent à des nobles, à des séricaires ou à n’importe qui des vêtements estimés plus de dix sous d’or,[22] les déclareront au préfet pour qu’il sache où ces articles doivent être vendus. Les contrevenants seront passibles des peines susdites.

§ 3. — Sera puni quiconque n’aura pas déclaré au préfet des pourpres pêche ou des pourpres deux tiers rouges,[23] manteaux ou robes.

§ 4. — On sera puni quand on n’aura pas déclaré au préfet, pour qu’il le marque de sa bulle, un article destiné aux nations étrangères à l’empire.

§ 5. — Pour être admis dans la corporation des vestioprates, il faut d’abord que cinq membres de cette corporation témoignent devant le préfet que le postulant est digne d’exercer le métier. Il sera admis alors, ouvrira un magasin et fera le commerce. Le droit d’entrée à payer par lui à la corporation sera de six sous d’or.

§ 6. — Pour se porter acquéreur d’un atelier de vestioprate, il faut payer un droit de dix sous d’or. La recommandation du préfet est nécessaire.

§ 7. — Tout individu exerçant à la fois le métier de vestioprate et celui de séricaire, sera mis en demeure de choisir un de ces deux métiers, à l’exclusion de l’autre. Quiconque se permettra nonobstant d’exercer les deux métiers à la fois, sera passible de la peine susdite (§ 1).

§ 8. Il convient de s’assurer exactement que les étrangers qui logent dans les hôtelleries[24] n’achètent pas de vêtements prohibés, ni de vêtements sans couture, à moins que ce ne soit pour leur usage personnel auquel cas, les articles achetés par eux devront avoir été confectionnés à Constantinople. A leur départ, les étrangers seront désignés à l’attention du préfet, pour que celui-ci ait connaissance des marchandises qu’ils auront achetées. Quiconque les aidera à éluder cette enquête, sera fouetté, rasé et subira la confiscation.

§ 9. — Tout vestioprate qui, par des moyens avoués ou secrets, fera hausser le loyer d’un autre vestioprate, sera fouetté, rasé et subira la confiscation.

CHAPITRE V.

DES PRANDIOPRATES OU MARCHANDS DE CONFECTIONS

IMPORTÉES DE SYRIE.

§ 1: — Que les prandioprates ressortissent à un seul et même exarque[25] désigné par le préfet. Qu’il leur soit interdit de traiter le genre d’affaires réservé aux vestioprates et d’acheter autre chose que les diverses confections de provenance syrienne et les vêtements de soie importés de Séleucie ou de telle autre localité. Que ceux qui agiront contrairement à ces prescriptions soient fouettés, rasés et chassés de la corporation.

§ 2. — Les arrivages destinés aux prandioprates doivent être déposés en bloc dans une hôtellerie, où tous les membres de la corporation se réuniront pour se les partager. On procédera de même pour les articles sarrasins, — vêtements de dessous, manteaux de laine rayés, robes chinées ou moirées, robes à manches (tissu simple ou tissu double), confections de Bagdad (tissu simple ou tissu double). — Toits les prandioprates auront le droit d’acheter ces articles. Ils se les partageront avec les marchands syriens séjournant depuis dix ans au moins dans la capitale. Pour la vente, ils se tiendront tous dans la même région de l’Embole,[26] ait lieu de se disperser çà et là. Quiconque ne voudra pas se conformer à ces prescriptions, subira la peine susdite.

§ 3. — A l’ouverture du marché, que tous les membres de la corporation se cotisent, chacun suivant ses moyens, pour l’achat de tout l’arrivage, qui sera réparti ensuite, par les soins de l’exarque, proportionnellement à la mise de chacun.

§ 4. — Quelle que soit l’importance d’un arrivage de marchandises syriennes, le corps des prandioprates achètera tous les vêtements de qualité supérieure ou inférieure composant cet arrivage; si ce sont des articles de parfumerie et de teinturerie, ils seront tous achetés par les parfumeurs. Si, en dehors de ces deux corporations, un noble ou, en général, un habitant de la ville désire se porter directement acquéreur d’une partie de l’arrivage, il sera libre d’acheter tout ce qui pourra être consommé dans sa propre maison.

§ 5. — Les Syriens venus à Constantinople avec des marchandises ne doivent pas séjourner plus d’un trimestre dans les hôtelleries. C’est dans ce délai de trois mois qu’ils auront à vendre leurs articles et à faire leurs achats. Tous les articles étrangers que leurs clients leur auront laissés pour compte, ils les déclareront à l’exarque, qui statuera pour le mieux à cet égard. Tous ceux qui oseront contrevenir à ces prescriptions, seront fouettés, rasés et subiront la confiscation.

CHAPITRE VI.

DES MÉTAXOPRATES OU MARCHANDS DE SOIE GRÈGE.

§ 1. — Que les métaxoprates n’exercent que leur métier et qu’ils l’exercent publiquement dans les locaux qui leur sont attribués. Tout contrevenant sera fouetté, rasé et banni.

§ 2. — Tout métaxoprate qui prendra un ouvrier à ses gages, ne doit faire accord avec lui que pour un mois. Il ne lui payera d’avance qu’un salaire de trente jours au plus, celui que l’ouvrier peut gagner en travaillant un mois entier. Quiconque aura payé l’ouvrier pour un temps plus long, perdra cet excédant de salaire.

§ 3. — Défense à tout métaxoprate de prendre à son service un ouvrier à gages employé par un autre métaxoprate, avant que cet ouvrier ait travaillé chez ce dernier le temps correspondant au salaire qu’il en a reçu. Tout contrevenant subira la perte de la part de salaire que l’ouvrier avait reçue sans l’avoir gagnée.

§ 4. — Pour chaque quintal de soie grège, les métaxoprates payeront un cératie aux exarques. Tous ceux dont les poids et les balances ne porteront la bulle du préfet, seront fouettés et rasés.

§ 5. — Les individus venus du dehors avec de la soie grège et demeurant dans les hôtelleries n’auront aucun droit de vente à paver. Ils ne paieront que pour leur loyer et leur temps de séjour. Ceux qui achètent de la soie grège n’ont pas non plus de droit à payer.

§ 6. — Pour être admis dans la corporation des métaxoprates, il faut d’abord le témoignage d’hommes honorables et honnêtes, certifiant la bonne réputation du postulant. On pourra alors être admis, en payant dix sous d’or à la corporation.

§ 7. — Si un métaxoprate veut établir un de ses esclaves, en le chargeant d’exercer le métier à sa place, il se portera son garant et sera passible des mêmes peines que lui, s’il vient à commettre quelque acte délictueux.

§ 8. — Tous les membres de la corporation, à l’ouverture du marché, se cotiseront, chacun suivant ses moyens, pour l’achat de la soie grège, dont la répartition se fera ensuite proportionnellement à la mise de chacun.

§ 9. — S’il arrive à quelque riche métaxoprate de revendre à de plus pauvres que lui de la soie grège achetée à des gens venus du dehors, le bénéfice qu’il réalisera ne doit pas excéder un milliarise[27] par soit d’or.

§ 10. — Tout métaxoprate qui, moyennant salaire, fera venir en son propre nom de la soie grège pour quelque personnage riche ou puissant ou pour un séricaire, sera fouetté, rasé et cessera d’appartenir à la corporation.

§ 11. — Quiconque usera de dol pour élever le prix d’un achat de soie grège, après avoir reçu de l’acheteur les arrhes du marché, sera condamné à les perdre.

§ 12. — Tout métaxoprate convaincu de voyager hors de la ville pour acheter de la soie grège, cessera d’appartenir à la corporation.

§ 13. — Les métaxoprates vendront la soie grège sur la voie publique, et non dans leur domicile privé, de peur que cet article ne se vende secrètement aux individus qui n’ont pas le droit de l’acheter. Tout contrevenant sera fouetté et rasé.

§ 14. — Les mélathraires[28] n’achèteront pas, publiquement ou en secret, de la soie épurée. Les contrevenants seront passibles de la peine susdite.

§ 15. — Défense aux métaxoprates de vendre de la soie grège à des Juifs ou à des marchands qui la revendraient hors de la ville. Les contrevenants seront fouettés et rasés.

CHAPITRE VII.

DES CATARTAIRES OU APPRÊTEURS DE SOIE.

§ 1. — Les catartaires achèteront la quantité de soie grège importée du dehors qu’ils pourront apprêter. S’ils vendent de la soie grège sans l’avoir apprêtée, ou si, sous le couvert de quelque riche personnage, ils en achètent pour en faire provision, ils seront fouettés, rasés et cesseront d’exercer le métier.

§ 2. — Quand les catartaires peu fortunés ou les marchands de soie grège qui ne figurent pas dans la corporation des métaxoprates, se trouvent hors d’état de s’approvisionner directement sur les arrivages de soie grège et achètent cet article à des métaxoprates, ils ne payeront à ceux-ci, pour leur commission, qu’un milliarise par sou d’or.

§ .3. — Si un catartaire de condition libre veut être admis dans la corporation des métaxoprates, on portera d’abord sa demande à la connaissance du préfet, et des témoignages produits par lui-même certifieront qu’il a renoncé à travailler la soie grège. Après quoi, il pourra être admis dans la dite corporation, en payant le droit règlementaire, c’est-à-dire dix sous d’or.[29]

§ 4. — Défense aux catartaires d’acheter de la soie grège quand et comment bon leur semble. Ils attendront d’y être invités par !es métaxoprates et se joindront à eux pour faire les achats de soie grège,[30] au prix que les deux corporations auront fixé ensemble et qu’ils ne devront ni élever ni abaisser.

§ 5. — Au moment d’acheter la quantité de soie grège qu’ils veulent apprêter, les catartaires se feront inscrire dans les registres du préfet, en certifiant qu’ils ne sont pas de condition servile, ni dénués de toute ressource, et qu’ils ont la réputation d’honnêtes gens. Faute de ces garanties, la soie grège pourrait perdre de sa valeur en se détaillant trop, ou bien être employée sans qu’on sache comment, ou bien enfin tomber entre des mains profanes et indignes.

§ 6. — Tout catartaire qui revendra de la soie grège au détail, contrairement aux ordonnances, qui se montrera bavard, grossier ou brouillon, ou qui s’abaissera jusqu’à des injures ou à des voies de fait, sera chassé de la corporation et ne pourra plus vendre de la soie.

CHAPITRE VIII.

DES SÉRICAIRES OU FABRICANTS DE SOIERIES.

§ 1. — Défense aux séricaires de confectionner les pourpres dites prohibées, soit, dans la catégorie des grands pailes de dessus ou de dessous, ceux qui sont d’une seule couleur, comme aussi ceux où le pourpre alterne avec le vert foncé ou le jaune en demi-teinte. Ils pourront confectionner les pourpres pêche dans lesquelles cette couleur est combinée avec d’autres, les turbans communs à la mode slave, coupés de bandes écarlates. Les pourpres pêche et les robes fines de deux grands palmes[31] seront déclarés au préfet, ainsi que les pailes valant plus de dix sous d’or, fussent-ils de plusieurs couleurs.

§ 2. — Défense à tout noble, comme à tout simple particulier, de confectionner un paile de pourpre de six ou huit lès. Cette défense ne s’étend pas aux pailes de dix ou douze lès, pourvu qu’ils soient teints en véritable pourpre, qu’ils soient de petit modèle et qu’ils ne rentrent pas dans la catégorie de ceux que le préfet pourra réserver pour l’usage de la maison de l’empereur. Elle s’étend aux pailes arrondis par le bas, réservés à l’usage du prince, exception faite de ceux de modèle moyen qui forment des plis sur la tunique, comptent au moins dix lès et sont teints de diverses couleurs. Quiconque sera convaincu de confectionner les articles que nous interdisons, subira la confiscation et cessera d’exercer le métier.

§ 3. — Quiconque refusera l’accès de ses ateliers à l’inspecteur des milles et à l’inspecteur des tissus, ou qui vendra à des personnes étrangères à la ville un paile valant plus de dix sous d’or, sera fouetté et rasé.

§ 4. — Quiconque teindra de la soie grège avec du suc de murex,[32] ou la convertira en pourpres bicolores, tricolores ou deux tiers rouges, aura la main coupée.

§ 5. — Quiconque vendra des articles à des étrangers à l’insu du préfet, subira la confiscation.

§ 6. —Quiconque exercera à la fois le métier de séricaire et celui de vestioprate, sera mis en demeure de choisir l’un des deux, à l’exclusion de l’autre.

§ 7. — Tout séricaire qui vendra un esclave, un ouvrier, ou un contremaître à des personnes étrangères à la ville ou à l’empire, aura la main coupée.

§ 8. — Les séricaires achèteront la soie grège au métaxoprates.[33] S’ils l’achètent à des personnes étrangères à la ville, ils seront fouettés, rasés et cesseront d’exercer le métier.

§ 9. — Si l’on trouve dans les magasins des séricaires des pailes en rouleaux non marqués de la bulle du préfet, ces pailes seront confisqués et l’ouvrier qui les aura reçus et roulés subira la confiscation.

§ 10. — Si un séricaire reçoit chez lui un ouvrier qu’il sait être au service d’un autre séricaire et qui n’a pas encore fini chez ce dernier le temps pour lequel il a été payé, il sera passible d’une amende équivalente à la somme que l’ouvrier n’avait pas gagnée par son travail.

§ 11. — Quiconque portera au magasin impérial des vêtements confectionnés hors de la ville, sera fouetté et rasé.

§ 12. — Tout séricaire qui prendra un ouvrier à ses gages ne doit lfaire accord avec lui que pour un mois. Il ne lui pavera d’avance que le salaire de trente jours au plus, celui que l’ouvrier peut gagner en travaillant un mois entier. Quiconque aura payé l’ouvrier pour un temps plus long, perdra cet excédant de salaire.

§ 13. — Quiconque voudra monter un atelier, devra, s’il est de condition libre, être cautionné par cinq personnes; si c’est un esclave, son maître le cautionnera, en justifiant de ressources suffisantes. Dans l’un et l’autre cas, les garants courront les mêmes risques et seront passibles des mêmes peines que le sujet cautionné par eux, lequel en entrant dans la corporation, payera un droit de trois sous d’or.[34]

CHAPITRE IX.

DES OTHONIOPRATES OU LINGERS.

§ 1. — Que les lingers achètent librement tout le lin tissé provenant du Strymon, du Pont, de Cérasonte ou de n’importe quelle région, et qu’ils en fournissent aux vestioprates pour la doublure des tuniques dites de Bambycé[35] et, en général, à toutes les personnes qui voudront en acheter, mais à condition que ces acheteurs n’en revendent rien à d’autres. La présente disposition ne doit empêcher qui que ce soit d’acheter pour son usage particulier les articles de lin aux marchands qui les apportent du dehors.

§ 2.—Si, en temps de foire, un linger use de dol avec un acheteur qui lui a déjà remis les arrhes du marché, qu’il soit fouetté, rasé et qu’il subisse la perte de sa marchandise.

§ 3. — A l’ouverture du marché, que tous les membres de la corporation se cotisent, chacun suivant ses moyens, et que la répartition de l’achat se fasse proportionnellement à la mise de chacun.

§ 4. — Quiconque intriguera pour faire hausser le loyer d’un atelier, afin de s’y installer lui-même, sera fouetté, rasé et cessera d’exercer le métier.

§ 5. — Défense aux lingers de faire provision de monnaie pour l’écouler quand elle est rare. Ils doivent la remettre aux banquiers. Il leur est également défendu de retenir toute pièce d’un tétartère[36] ou de deux quarts marquée de l’effigie impériale authentique. Quiconque sera convaincu de commettre un délit pareil, subira la peine susdite.

§ 6. — Quand un Bulgare ou, en général, un individu quelconque non sujet de l’empire apportera en ville du lin ou du miel, pour se procurer tels ou tels articles en échange, que les lingers et les épiciers s’adjoignent quelques représentants des métiers qui peuvent fournir ces articles-là, — pourpres de six aunes au plus, confections de provenance syrienne, vêtements de soie — et qu’ils se rendent en leur compagnie auprès de ces étrangers, pour entrer tous ensemble en affaire, avec l’aveu du préfet. Que les représentants des autres métiers prélèvent sur l’achat la quantité de lin et de miel dont ils auront besoin, et qu’ils abandonnent le reste aux lingers et aux épiciers, qui leur remettront un cératie par sou d’or,[37] comme rémunération de leurs bons offices. Quiconque aura contrevenu à ces prescriptions, sera fouetté, rasé et chassé de sa corporation.

§ 7. — Défense à ceux qui tissent le lin dans la ville de l’exposer en vente dans leurs ateliers ou sur leurs banques. C’est sur leurs épaules qu’ils doivent porter les articles qu’ils vendront les jours de marché. Sont soumis à la même règle ceux qui fabriquent le linge et ceux qui l’achètent dans les hôtelleries, ou le font venir du dehors. Tout contrevenant sera passible de la peine susdite.

CHAPITRE X.

DES PARFUMEURS.

§ I. — Que chaque parfumeur ait sa place à lui et n’use de dol envers aucun de ses concurrents. Que les membres de la corporation empêchent, en se surveillant les uns les autres, que leurs marchandises ne soient avilies ou trop détaillées. Qu’ils ne tiennent dans leurs magasins aucun article d’épicerie, aucune basse marchandise. Ce qui sent bon ne saurait, en effet, avoir commerce avec ce qui sent mauvais. Qu’ils vendent du poivre, du nard, de la cannelle fine, du bois d’aloès, de l’ambre, du musc, de l’encens, de la myrrhe, du baume, de la bette odorante, de la mélisse, de l’assa, de la thapsie, de l’hysope, enfin de toute substance rentrant dans la parfumerie ou la teinturerie. Que leurs tables et leurs bocaux soient lacés sur une ligne comprise entre le Grand-Milliaire[38] et l’image vénérée du Christ notre Dieu qui surmonte le Portique de Bronze,[39] afin qu’une agréable odeur s’élève jusqu’à cette image, en embaumant aussi le vestibule du Palais impérial. Quiconque contreviendra à ces prescriptions, sera fouetté, rasé et banni.

§ 2. — Lorsque les articles ci-dessus énumérés arrivent du pays des Chaldes,[40] de Trébizonde ou d’un autre lieu, les parfumeurs les achèteront aux marchands qui les ont apportés, et qui leur vendront chaque article au jour fixé par le règlement. Défense de faire provision de ces marchandises pour en tirer un bénéfice exagéré, quand elles sont rares, ou d’en élever le prix plus qu’il ne convient. Défense aux marchands qui les apportent de séjourner dans la capitale au-delà d’un trimestre ; ils les vendront à bref délai et retourneront chez eux. Quiconque aura contrevenu à ces prescriptions, sera passible de la peine susdite.

§ 3. — Que tout parfumeur qui, par des moyens avoués ou secrets, fera hausser le loyer d’un autre parfumeur, soit fouetté, rasé et chassé de la corporation.

§ 4. — Tout parfumeur convaincu d’avoir limé ou rogné du numéraire, retenu un tétartère ou une pièce de deux quarts portant l’effigie impériale authentique, ou accumulé de la monnaie de cuivre pour l’échanger contre des pièces d’argent, au lieu de la remettre aux banquiers, dont il aura usurpé ainsi l’offre, sera passible de la peine susdite.

§ 5. — Tout parfumeur et, en général, tout artisan convaincu d’user de dol pour surfaire le prix d’un article, quand ce prix aura été convenu avec l’acheteur et que celui-ci lui aura déjà remis les arrhes du marché, sera condamné à une amende équivalente à la somme remise par l’acheteur. Défense à tout membre de la corporation d’acheter les articles qui rentrent dans la spécialité des épiciers et se pèsent avec une romaine. Les parfumeurs n’achèteront que des articles qui se pèsent avec une balance à deux plateaux. Quiconque contreviendra à ces prescriptions, subira la susdite.

§ 6. — Si un parfumeur exerce aussi le métier d’épicier, on lui donnera à choisir l’un de ces deux métiers et on lui interdira l’exercice de l’autre.

CHAPITRE XI.

DES CÉRULAIRES OU FABRICANTS DE CIERGES.

§ 1. — Les fabricants de cierges travailleront chez eux, dans leurs ateliers, et non sur la voie publique ou dans des locaux non réservés à leur usage. Il leur est défendu d’employer des esclaves ou des apprentis à vendre ici ou là leurs marchandises, comme aussi de faire venir secrètement de la cire brute ou déjà mise en oeuvre. Qu’une distance de trente toises sépare leurs ateliers les uns des autres, excepté ceux qui sont attenants à Sainte-Sophie. Tous les individus qui, n’ayant pas d’ateliers à eux, font le métier de cérulaires, soit sur la place du marché, soit dans les rues, seront conduits devant le préfet, qui les punira comme ils le méritent.

§ 2. — Il est défendu aux cérulaires d’exercer aucun autre métier que le leur. Les contrevenants à cette défense seront fouettés, rasés et subiront la confiscation.

§ 3. — Que les cérulaires achètent librement la cire importée du dehors et aussi la cire et l’huile provenant des églises. Ils achèteront toute la quantité d’huile que nécessitera l’exercice de leur métier, mais ils n’en feront pas provision pour les temps de disette. Tout contrevenant sera fouetté, rasé et subira la confiscation.

§ 4. — Tout cérulaire convaincu de falsifier la cire en y mêlant, soit de mauvais résidus d’huile ou de cire, soit de la graisse animale, sera passible de la peine susdite.

§ 5. — Quand on aura fait pacte avec un cérulaire pour un achat de cire ou d’huile et qu’on lui aura remis les arrhes du marché, s’il use de dol pour élever le prix de sa marchandise, il sera frappé d’une amende de douze sous d’or.[41]

§ 6. — Quiconque changera frauduleusement par l’emploi du feu le calibre ou la longueur des cierges, sera fouetté, et on l’empêchera de continuer ces manoeuvres-là.

§ 7. — Que tout cérulaire qui, par des moyens avoués ou secrets, fera hausser le loyer d’un autre cérulaire, soit fouetté et paye une amende de dix sous d’or.[42]

§ 8. — Tout épicier qui achètera de la cire brute, soit à des marchands étrangers, soit dans une église, afin de la revendre au détail, sera dénoncé au préfet et subira la confiscation.

§ 9. — Tout cérulaire qui aura une romaine non marquée de la bulle du préfet, ou qui retiendra un tétartère ou une pièce de dix quarts portant l’effigie impériale authentique, sera passible de la peine susdite.

CHAPITRE XII.

DES SAVONNIERS.

§ 1 — Quiconque, sans l’aveu du préfet ou du prostat en exercice, enseignera le métier à une personne quelconque ne faisant pas partie de la corporation, payera une amende de vingt-cinq sous d’or.[43]

§ 2. — Quand la corporation des savonniers veut s’adjoindre un nouveau membre, il faut d’abord qu’elle le désigne au préfet. Il peut alors être admis par la corporation et ouvrir un atelier, après avoir produit des témoins en sa faveur et fourni une caution, comme garantie de son obéissance complète aux ordonnances. Qu’il paye six sous d’or au trésor public et six sous d’or[44] au vestiaire impérial. On chassera de la corporation quiconque aura osé s’y introduire sans se conformer à ces conditions.

§ 3. — Tout savonnier qui voudra ouvrir un nouvel atelier, doit l’installe une distance d’au moins sept coudées[45] et douze pieds de son premier atelier. S’il l’installe à une distance moindre, il payera une amende de vingt-quatre sous d’or[46] et sera chassé de la corporation.

§ 4. — Défense à tout savonnier de vendre du savon gaulois ou de livrer du savon à des revendeur qui n’appartiendraient pas à la corporation. Tout contrevenant sera passible de la peine susdite.

§ 5. — Quiconque usera de dol en faisant un achat de cendre, payera une amende de douze sous d’or.[47]

§ 6. — S’il arrive qu’un individu n’appartenant pas à la corporation des savonniers achète du savon à des marchands étrangers, afin de le revendre, on lui confisquera tout ce qu’il aura acheté.

§ 7. — Quiconque sera convaincu d’introduire de la lessive de savon dans n’importe quel domicile, soit par complaisance, soit par déférence, soit par intérêt, pour attirer sur quelqu’un la malveillance ou l’opprobre, subira la peine des homicides.[48]

§ 8. — Quiconque fabriquera du savon avec de la graisse animale pendant le Saint Carême ou, en général, pendant les jours maigres et souillera ainsi ses ouvriers, sera fouetté, rasé et ne pourra plus exercer le métier.

§ 9. — Quiconque vendra du savon en se servant d’une romaine non marquée de la bulle du préfet, sera mis au nombre des esclaves impériaux, s’il est esclave; s’il est de condition libre, il subira la confiscation.

 

CHAPITRE XIII.

DES ÉPICIERS.

§ 1. — Les épiciers tiendront boutique par toute la ville, aussi bien sur les places que dans les rues, afin que l’on puisse se procurer facilement les choses nécessaires à la vie. Qu’ils vendent de la viande, du poisson salé, de la farine, du fromage, du miel, de l’huile d’olive, des légumes de toute espèce, du beurre, de la poix sèche et de la poix liquide, de l’huile de cèdre, du chanvre, de l’étoupe de lin, du gypse, de la vaisselle de terre, des bouteilles, des clous, tous les articles enfin qui se pèsent avec une romaine et non avec une balance à deux plateaux. Défense leur est faite de vendre aucun article qui rentre dans la spécialité des parfumeurs, des savonniers, des lingers, des cabaretiers ou des bouchers. Quiconque aura contrevenu à ces prescriptions, sera fouetté, rasé et banni.

§ 2. — Tout épicier qui aura des poids ou des mesures non marquées de la bulle du préfet, qui limera du numéraire, qui retiendra un tétartère ou une pièce de deux quarts portant l’effigie impériale authentique, sera fouetté, rasé et banni.

§ 3. — Tout épicier convaincu d’user de dol dans un achat et de surfaire un prix convenu, payera une amende de dix sous d’or.[49] Sera frappé de la même amende quiconque mettra en vente ses marchandises en dehors de son magasin un dimanche ou un autre jour férié.

§ 4. — Les épiciers surveilleront les articles de leur spécialité provenant du dehors, afin que tout individu qui, appartenant ou non à la corporation, ferait provision de ces articles pour les temps de disette, soit dénoncé au préfet et châtié par lui.

§ 5. — Les épiciers vendront leurs articles au détail avec un bénéfice de deux milliarises[50] seulement par sou d’or. Si la vérification de leurs pesées prouve qu’ils réalisent un bénéfice plus considérable, ils seront fouettés, rasés et cesseront d’exercer le métier.

§ 6. — Tout épicier qui, par des moyens avoués oui secrets, fera hausser le loyer d’un autre épicier, sera passible de la peine susdite.

CHAPITRE XIV.

DES SELLIERS.

§ 1. — Les selliers seront soumis aux ordres et à l’autorité du préfet dans l’accomplissement de tout service public, et c’est lui qui désignera leur chef. Hors de là, ils ne relèvent pas de lui. Toutes les fois que leur travail est requis pour le service de l’empereur, c’est au protostatore on grand écuyer qu’ils ont à obéir, le préfet étant avisé. Comme bénéfice, ils toucheront tout ce que l’empereur, dans sa bienveillance, voudra bien leur donner. Il leur est interdit de faire venir une plus grande quantité de cuirs qu’ils n’en doivent employer pour leur ouvrage.

§ 2. — Défense aux selliers de se réunir aux peaussiers en un seul et même collège. Ils auront leur chef particulier, nommé par le conseil du préfet. Les peaussiers auront aussi leur chef; ils travailleront avec les selliers, mais ne feront que mettre en oeuvre la matière qui leur sera livrée par les tanneurs et prépareront les cuirs pour la cordonnerie, non pour la carrosserie. Les tanneurs, qui travaillent les cuirs bruts, auront le même chef que les peaussiers et ressortiront au même assesseur;[51] mais ils formeront un ordre à part : la distinction entre les tanneurs et les peaussiers doit être maintenue. Quiconque aura contrevenu à ces prescriptions, ne sera pas seulement passible de peines corporelles, mais de plus cessera d’exercer son métier.

CHAPITRE XV.

DES BOUCHERS.

§ 1. — Défense aux bouchers d’acheter des porcs. Ils se rendront au Stratégion[52] et, au su du préfet, ils achèteront, la taxe d’un sou d’or[53] une fois payée, toutes les têtes de bétail marquées par ses ordres.

§ 2. — Les bouchers achèteront et vendront aux prix fixés d’après la qualité du bétail. Ils égorgeront et dépèceront en présence du préfet un des animaux de chaque lot ; ils auront pour eux la tête, les pieds et les viscères de l’animal abattu et vendront le reste à un taux réglé sur le prix d’achat.

§ 3. — Défense aux bouchers d’attendre à Nicomédie ou en d’autres villes les marchands qui viennent du dehors vendre les troupeaux de moutons. Qu’ils aillent les joindre au-delà du Sangarius,[54] afin que la viande se vende à meilleur marché. La différence de prix qui en résultera doit profiter aux bouchers et non aux marchands.

§ 4. — Que les marchands de moutons vendent leurs bêtes à certains acheteurs et ne fassent le commerce que par leur intermédiaire. Ils n’empêcheront pas les campagnards de venir dans la capitale et d’y vendre leurs moutons.

§ 5. — Les marchands de moutons vendront les moutons au Stratégion, jusqu’au premier jour du Carême, et les agneaux sur la place du Taure,[55] de Pâques à la Pentecôte, en payant la taxe du sou d’or pour les moutons et celle du centième pour les agneaux. Moutons et agneaux seront d’abord comptés et marqués par ordre du préfet.

§ 6. — Défense aux bouchers d’acheter des porcs et de tenir provision de leur viande. Tous ceux qui seront convaincus de contrevenir à cette défense seront fouettés, rasés et bannis.

CHAPITRE XVI.

DES MARCHANDS DE PORCS.

§ 1. — Les charcutiers ne pourront exercer le métier qu’après avoir produit des témoins attestant leur bonne réputation.

§ 2. — Tous ceux qui achètent, égorgent et vendent des porcs doivent faire leurs achats sur la place du Taure. Quiconque se portera hors de la ville à la rencontre des marchands de porcs et y fera ses achats, quiconque aussi les fera secrètement, dans un des quartiers de la ville, ou vendra à des prix trop élevés, sera fouetté, rasé et chassé de la corporation.

§ 3. — Les chefs de la corporation des marchands de porcs signaleront au préfet les individus qui viennent en ville avec des troupeaux de porcs, afin qu’on les empêche de vendre aux épiciers, la vente devant se faire publiquement sur la place du Taure. Tout contrevenant sera fouetté et rasé.

§ 4. — Tout marchand de porcs qui introduira ses bêtes dans la maison d’un noble, pour les vendre en secret, sera passible de la peine susdite.

§ 5. — Ceux qui égorgent et vendent des porcs ne doivent pas tenir de provisions en réserve pour les temps de disette. Tout contrevenant sera passible de la peine susdite.

§ 6. — Tout marchand de porcs qui sera trouvé en possession d’une romaine non marquée de la bulle du préfet, ou qui fera faux poids, sera passible de la peine susdite.

CHAPITRE XVII.

DES MARCHANDS DE MARÉE.

§ 1. — Que les marchands de marée stationnent dans les grandes halles de la ville et y vendent le poisson, chaque halle ayant son chef chargé de voir à quel prix la pèche a été achetée en mer et à quel prix la vente en est faite. Ces chefs prélèveront un bénéfice d’un milliarise par sou d’or.[56]

§ 2. — Défense aux marchands de marée de saler le poisson et de le vendre à des étrangers pour l’exportation. Ils auront cependant le droit de vendre le poisson qui reste sur le marché et qui pourrait se gâter.

§ 3. — Les marchands de marée achèteront, sur les côtes et dans les échelles, aux embarcations à l’ancre. Ils n’iront point directement aux pêcheries pour acheter en pleine mer, mais attendront que les pécheurs aient abordé. Il ne faut point en effet que la vente du poisson se fasse trop en détail. Leur bénéfice sera de deux oboles par sou d’or, le chef de la corporation touchant quatre oboles.[57]

§ 4. — Que les chefs de la corporation des marchands de marée aillent quotidiennement, au point du jour, trouver le préfet pour lui dire la quantité de thons[58] pris pendant la nuit, afin que la vente se fasse dans la ville, aux prix fixés par le préfet. Tout contrevenant sera fouetté, rasé et chassé de la corporation.

CHAPITRE XVIII.

DES BOULANGERS.

§ 1. — Que les boulangers fassent leurs pesées d’après le prix d’achat du blé, en se réglant sur les ordres du préfet. Qu’ils achètent le blé dans les magasins de l’assesseur par quantités correspondant toujours à un sou d’or de taxe, et qu’après l’avoir moulu et transformé en pâte fermentée, ils calculent leur bénéfice, à raison d’un cératie et deux milliarises par sou d’or, le cératie pour le bénéfice net, les deux milliarises pour l’entretien des ouvriers et celui des bêtes employées à la meule, ainsi que pour le chauffage du four et les frais d’éclairage.

§ 2. — Que les boulangers ne soient astreints à aucun service public, ni eux ni leurs bêtes, pour qu’ils ne soient jamais arrêtés dans la fabrication du pain.

§ 3. — Que les boulangers aient leurs fours dans des locaux qui ne soient placés au-dessous d’aucune habitation; cela, à cause des matières inflammables dont ils se servent pour chauffer. Que les particuliers eux-mêmes ne tiennent leurs provisions de sarments et de papier qu’en des lieux découverts ou des locaux en pierre de taille, de peur que ces matières combustibles n’allument des incendies dans la ville.

§ 4. — Que les boulangers se rendent auprès du préfet, toutes les fois qu’il y a hausse ou baisse du prix des blés, afin que, par les soins de l’assesseur, le poids du pain soit réglé sur la valeur du blé.

§ 5. — Que le plus grand ordre règne partout.[59] A partir de ce jour, quiconque essayera de faire hausser le loyer d’un atelier ou qui, convoitant les articles en vente chez tel ou tel marchand, tentera d’en abaisser le prix au-dessous du tarif, pour les avoir à meilleur compte, quiconque aussi exerçant déjà un métier, voudra en exercer un autre et refusera de choisir entre les deux et de se livrer exclusivement à celui qu’il aura choisi, en portant son choix à la connaissance du préfet, sera, une fois reconnu coupable, fouetté, rasé, promené à travers la ville,[60] puis banni à perpétuité.

CHAPITRE XIX.

DES CABARETIERS.

§ 1. — Quand le vin arrive dans la capitale, que les chefs de la corporation des cabaretiers aillent aussitôt prévenir le préfet, pour qu’il en fixe le prix de vente. L’assesseur recevra immédiatement l’ordre d’obliger les cabaretiers à mettre les mesures et les vases, dont ils se servent pour vendre le vin, en rapport avec le prix auquel ils l’auront acheté. La mesure doit compter trente livres et la mine trois livres.

§ 2. — Tout cabaretier convaincu de faire hausser le loyer d’un cabaret, afin de s’y installer lui-même, sera fouetté et rasé.

§ 3. — Défense aux cabaretiers, les jours de grande fête et les dimanches, d’ouvrir leurs cabarets et de vendre du vin ou des vivres avant huit heures du matin. Le soir, dès huit heures, ils auront à les fermer et à y éteindre toits les feux. Si, en effet, les habitués de ces établissements avaient le droit d’y aller la nuit, après y avoir passé la journée, il en résulterait que, sous l’influence de l’ivresse, ils se livreraient en toute impunité à des violences et à des rixes.

§ 4. — Tout cabaretier qui, pour la vente de son vin, se servira de vases non marqués de la bulle obligatoire, sera fouetté, rasé et chassé de la corporation.

CHAPITRE XX.

DU SUBSTITUT AU PRÉFET.

§ 1. — Que le préfet de la ville ait un substitut, désigné et présenté par lui à l’empereur. Ce substitut sera chargé de signaler au préfet tous les individus qui arrivent à Constantinople et y apportent telle ou telle espèce de marchandise, de quelque lieu ou de quelque contrée qu’ils viennent. Il visitera les marchandises apportées par ces individus et règlera les conditions auxquelles ils pourront les vendre. Le substitut marquera pour leurs opérations une certaine limite de temps et, ce terme écoulé, il les conduira devant le préfet, en produisant le compte des marchandises qu’ils auront achetées, afin que nul article prohibé ne sorte de la capitale.

§ 2. — Que le préfet de la ville ne permette pas aux gens venus du dehors avec telle ou telle marchandise de séjourner plus de trois mois dans la capitale. Qu’il leur signifie d’avoir, avant ce terme, à vendre les articles qu’ils ont apportés, à se procurer ceux dont ils ont besoin et à sortir de la ville. S’il s’en trouve qui aient prolongé leur séjour au-delà du délai prescrit, ils seront fouettés, rasés, on confisquera leurs marchandises et on les chassera de la ville.

§ 3. — Si, à la connaissance du substitut au préfet, tels ou tels individus accaparent des articles importés, afin de les vendre en temps de disette, et qu’ils pratiquent quelque négoce frauduleux allant au préjudice de tous, il les dénoncera au préfet, pour qu’ils soient fouettés, rasés et que l’on confisque les articles mis par eux en réserve.

CHAPITRE XXI.

DES MAQUIGNONS.

§ 1. — Le nom seul que portent les membres de cette corporation indique assez le métier qu’ils exercent : ils s’efforcent de faire disparaître ce qui existe.[61] Il leur est absolument défendu d’acheter des animaux en dehors de ceux qui restent sur le marché, quand les acheteurs les ont laissés pour compte aux vendeurs. Ils ont alors à déclarer la qualité de chaque animal, car c’est là le propre de leur métier. Que si, sur la foi de leur témoignage, il se présente un acquéreur, et que le propriétaire de l’animal consente à le céder, le maquignon, qui leur a servi d’intermédiaire, recevra comme courtage un cératie pour chaque animal, aussi bien des étrangers en séjour à Constantinople que des habitants de cette ville.

§ 2. — Si un maquignon se porte acquéreur d’un animal, à l’insu de celui qui devait l’acheter, et qu’il le lui cède, il recevra six oboles par sou d’or.[62]

§ 3. — Défense aux maquignons et à tous les marchands de bétail de vendre, en dehors du marché de l’Amastriane,[63] dans les rues et les ruelles de la ville. Ce genre d’affaires ne peut être traité par eux qu’en cet endroit, de peur que les animaux soustraits ou détournés ne se vendent subrepticement.

§ 4. — Les maquignons doivent se tenir sur le marché aux animaux, pour en signaler les vices à ceux qui veulent les acheter. Tout maquignon qui aura fait à l’acheteur une déclaration mensongère et l’aura pris au piège, sera passible d’une amende équivalente à la valeur de l’animal.

§ 5. — Que les vendeurs déclarent les vices apparents ou cachés de leurs animaux. Si les acheteurs ont consenti au marché, et que le prix convenu n’ait pas été consigné, ils pourront exercer le droit de rédhibition, mais jusqu’à la foire suivante seulement et à la condition de faire connaître la raison pour laquelle ils invoquent ce droit. Si le prix qu’ils ont donné a été consigné, que l’accord entre le vendeur et l’acheteur reste entièrement valable.

§ 6. — Si, après la vente d’un animal, il se trouve qu’il avait un vice caché, l’acheteur aura six mois pour obliger le vendeur à le reprendre. Passé ce terme, on ne pourra plus que diminuer le prix de vente, à moins que l’acheteur ne soit un soldat.

§ 7. — Que chaque maquignon figure sous un chiffre particulier dans les registres du préfet. Si tel ou tel individu désire exercer le métier et qu’il en exerce déjà un autre, il devra préalablement renoncer à celui-ci.

§ 8. — Les individus exerçant un autre métier que celui de maquignons et désireux d’acheter des animaux pour leur propre usage, peuvent en acheter sans nul empêchement.

§ 9. — Défense aux maquignons de circonvenir les gens venus du dehors avec des animaux et d’accaparer ce genre de négoce, afin d’acheter à bon compte et de vendre puis cher qu’il ne convient. Ils ne pourront pas non plus se porter hors de la ville pour acheter les animaux avant qu’ils y arrivent; tous les achats devront se faire sur le marché de l’Amastriane.

§ 10. — Le chef de la corporation ne recevra de chaque maquignon que douze oboles[64] par année pour les frais de la cérémonie et l’entretien de l’égout.[65] Chaque fois qu’il aura retrouvé un animal volé, il recevra quatre milliarises[66] par sou d’or sur la valeur de l’animal. Chaque fois qu’il aura été pris pour juge d’un litige entre l’acheteur et le vendeur, il recevra six oboles[67] au plus sur la somme adjugée à ce dernier. Quiconque osera contrevenir à ces prescriptions, sera fouetté, rasé et subira la confiscation.

CHAPITRE XXII.

DE ENTREPRENEURS DE TOUTE CATÉGORIE,[68]

MENUISIERS, GYPIERS, MARBRIERS, SERRURIERS, PEINTRES ET AUTRES

§ 1. — Les menuisiers, gypiers, marbriers et, en général, les artisans qui se chargent d’un travail, ne doivent pas, une fois les conditions réglées et les arrhes reçues, quitter ce travail pour en commencer un autre, avant d’avoir terminé celui-là. Que si l’artisan est forcé de s’interrompre, faute de matériaux et par la négligence du maître de l’entreprise, le nécessaire pour mener à bonne fin son travail ne lui étant pas fourni, dans ce cas, l’artisan, quelque métier qu’il exerce, avertira le maître par voie de déclaration ou, en son absence, en s’adressant à des témoins. Que si le maître tarde à s’exécuter, l’artisan portera plainte au préfet et, avec son aveu, pourra commencer un autre travail.

§ 2. — Lorsque les susdits entrepreneurs, agissant par cupidité ou par malice, abandonneront le travail dont ils s’étaient chargés et en commenceront un autre, le maître aura le droit de protester devant des auditeurs,[69] en rappelant l’accord conclu par écrit ou verbalement entre les deux parties. Que si les entrepreneurs se refusent néanmoins à remplir les conditions du contrat, qu’il porte plainte au préfet et s’adresse à un autre entrepreneur; quant à ceux qui auront violé le pacte, pour les mettre à la raison, on les rasera et on les bannira, on leur fera restituer au maître tout ce qu’ils en auront reçu à titre de salaire et on ne les payera naturellement pas pour l’ouvrage déjà fait. Mais si le maître n’a pas les matériaux nécessaires, les entrepreneurs pourront, après l’avoir averti, commencer d’autres travaux, car il ne faut pas que les artisans manquent d’occupation et n’aient pas de quoi vivre.

§ 3. — Quand un artisan, qui veut multiplier ses travaux pour que tout le monde s’adresse à lui, essaye de circonvenir celui-ci, de tromper celui-là ou qu’il lui arrive de provoquer une hausse des salaires en faisant croire, à force de sots discours, qu’ils n’avaient pas été fixés par un accord équitable, le préfet sera saisi de l’affaire et, s’il se trouve que l’entreprise était trop considérable et qu’elle entraînait un préjudice pour l’artisan, ou que le maître de l’entreprise a changé en bien ou en mal les conditions de l’arrangement qu’il avait consenti d’abord, ou encore qu’on ne pouvait juger d’avance des proportions réelles du travail, le préfet fera procéder par des artisans experts à une estimation portant, soit sur les modifications que le travail aura subies, soit sur tel ou tel accident qu’on n’avait pu prévoir. Que l’on suive pour tout contrat de louage les règles prescrites par la loi pour les ventes et achats et, s’il est prouvé que le contrat a bien été observé tel qu’il avait été passé, mais que le salaire convenu n’atteint pas la moitié du chiffre raisonnable, le contrat sera annulé et le travail estimé à sa valeur. Si le salaire convenu excède la moitié de ce chiffre, l’artisan sera payé au taux du contrat. Enfin, s’il y a eu augmentation ou modification du travail, elle sera estimée.

§ 4. — Ceux qui construisent des murs, des coupoles en pierre de taille ou des voûtes, doivent offrir toute garantie d’expérience dans ce genre de travaux, de peur que les fondations ne s’affaissent et que ce qui est bâti dessus ne penche ou ne se dérange. Si, avant le terme de dix années et sans cause imputable à la colère de Dieu, la construction vient à s’écrouler, celui qui l’a élevée la relèvera à ses propres dépens. Si c’est un travail considérable, dont la valeur excède une livre d’or, l’entrepreneur qui s’en était chargé la refera gratis avec les mêmes ouvriers, le propriétaire ne fournissant que les matériaux. Pour toute construction faite avec de la terre, le terme sera de six années seulement et si, avant ce terme, elle vient à s’écrouler par la faute du constructeur, celui-ci la relèvera gratis. Les entrepreneurs devront tous sans distinction se soumettre à ces prescriptions; s’ils y contreviennent, ils seront fouettés, rasés et subiront la confiscation.

 


 

[1] Notre Sérénité. Dans nos recueils de Novelles ou Constitutions impériales, le premier empereur qui se désigne ainsi lui-même est Constantin Porphyrogénète (912-959), fils de Léon le Sage. Ce qui ne signifie nullement que la préface de l’Edit n’ait pas Léon pour auteur.

[2] Les soixante livres des Basiliques. Le vaste recueil juridique préparé sous le règne de Basile I, achevé et promulgué sous celui de Léon VI. Quant au Manuel, c’est le recueil sommaire en 40 titres, plus connu sous le nom de Prochiron : il fut publié par Basile I, entre 870 et 878. Nous possédons ce Manuel, ainsi que la majeure partie des Basiliques.

[3] Il s’agit moins ici d’une procession impériale, dans le sens général du terme grec, que d’une certaine cérémonie célébrée à Sainte-Sophie en présence de l’empereur. Dans son ouvrage sur le cérémonial de la cour byzantine, Constantin Porphyrogénète la décrit minutieusement, ainsi que la réunion des corps officiels sur les gradins de l’Hippodrome.

[4] Quatre cératies = fr. 2,60. Voici le système monétaire byzantin réduit à ses éléments les plus usuels le sou d’or se divisait en 12 milliarises. Le milliarise en 2 cératies, le cératie en 12 folles ou oboles. Le sou d’or valant fr. 15,56 de notre monnaie, le milliarise valait à peu près fr. 1,30 ; le cératie fr. 0,65 et le folle ou obole 5 centimes et demi.

[5] 2 cératies fr. 1,30; cératies = fr. 2,60; 6 cératies = fr. 3,90.

[6] On entend ici, comme dans tous les passages du Livre où revient cette formule pénale, une ablation complète de la barbe et des cheveux.

[7] Les Maîtres de droit initiaient à la connaissance du droit les aspirants au notariat cl les préparaient sur cette matière aux examens d’admission, dont le § 2 de ce chapitre expose le programme. Quant aux maîtres, ils leur enseignaient probablement les humanités, comprises aussi dans le champ des épreuves à subir devant le collège des notaires. Voir sur toute cette question la Notice 11 de l’édition gréco-latine et la Novelle de l’empereur Constantin Monomaque relative è l’institution d’une chaire de droit au bénéfice de Jean Xiphilin. On remarquera que, dans ce paragraphe, les chaires anciennes de maîtres de droit et de maîtres sont seules en cause. C’est que la nomination aux chaires nouvelles est réservée à l’empereur, comme leur création.

[8] 2 sous d’or = fr. 31,12; 4 sous d’or = fr. 62,24.

[9] 6 sous d’or = fr. 93,36.

[10] C’est-à-dire le 8 ½ pour cent.

[11] 10 sous d’or = fr. 155,60.

[12] 100 sous d’or = fr. 1556.

[13] 12 cératies, soit un demi sou d’or. = fr. 7,78.

[14] Manque dans le texte un membre de phrase indiquant le chiffre maximum de la somme stipulée, supérieure à 400 sous d’or, à laquelle correspondait l’émolument d’un sou d’or touché par le notaire. C’était sans doute un maximum de 200 sous d’or = fr. 3112.

[15] Fr. 3,90.

[16] Sera passible de confiscation. Ce genre de pénalité revient souvent dans le Livre, sans qu’il soit toujours possible d’en apprécier la nature d’une manière exacte. Tantôt, comme ici, c’est la confiscation totale des biens qui semble prononcée; tantôt c’est la confiscation d’une certaine quantité de marchandises; dans tel ou tel cas enfin, il s’agit plutôt d’une amende que le délinquant payait au fisc et qui variait selon les circonstances.

[17] Rue Centrale. La Rue Centrale ou Mésé, la principale artère industrielle et commerciale de Constantinople, partait du Palais de l’Empereur, à l’extrémité E. de la ville (non loin de ce que nous appelons aujourd’hui la Pointe du Sérail), décrivait un vaste demi-cercle en traversant plusieurs grandes places et allait aboutir à la porte S.-O. ou Porte-Dorée, près du château des Sept-Tours et de la mer. C’était Rue Centrale que le préfet avait son quartier général; c’était là aussi la voie que suivait, en entrant par la Porte-Dorée, le cortège des empereurs ou de leurs généraux, au retour des campagnes victorieuses.

[18] Les sacculaires. Sortes de changeurs marrons, qui rôdaient sur la voie publique, chargés de leurs sacs de monnaie. On les voit encore dans la plupart des villes de l’Orient.

[19] Les jours de largesses. Jours des distributions faites au peuple par l’empereur.

[20] Des articles prohibés. On appelait ainsi certaines étoffes de pourpre qui étaient réservées soit aux habitants de la capitale, à l’exclusion des provinciaux, soit aux sujets grecs, à l’exclusion des étrangers.

[21] Des pourpres rouges ou violettes. Deux sortes de pourpres furent, dès l’année 383, réservées par un édit de Gratien à l’usage exclusif de l’empereur. La première était la pourpre de Tyr ou pourpre rouge foncé, obtenue en plongeant la soie ou la laine, d’abord dans le suc à demi cuit du coquillage dit pelagia (le murex bandaris de nos naturalistes), puis dans le suc du buccin. La seconde était la pourpre violette, qu’on obtenait par un bain simple dans un mélange de murex bandaris et de buccin. Pour les autres pourpres, ou plongeait la soie ou la laine dans du suc de murex plus ou moins dilué et combiné avec différentes substances colorantes. Le bain n’était jamais simple alors, mais double ou même triple. C’est à cette catégorie qu’appartenaient, par exemple, les pourpres pêche dont il est question en plusieurs passages du Livre. (Voir pour les détails, la notice V jointe au texte de l’édition gréco-latine, p. 92 et suivantes).

[22] Fr. 155,60.

[23] Deux tiers rouges. Les Byzantins, dans leur terminologie technologique, graduent arithmétiquement l’intensité des teintes. On en verra d’autres exemples plus loin.

[24] Les hôtelleries. Ce sont les Kans actuels de Constantinople et des autres villes d’Orient, vastes édifices où les marchands étrangers, arrivés en caravanes, déposent leurs ballots et logent eux-mêmes au besoin.

[25] Le titre donné aux chefs des corporations n’est pas toujours le même. Le chef des tabulaires s’appelle primicier, ceux des prandioprates et des métaxoprates sont des exarques, ceux des savonniers, des selliers, des marchands de porcs, des marchands de marée et des maquignons sont des prostats. A ces appellations diverses correspondaient, dans la hiérarchie officielle, certaines différences dont il n’est guère facile de se rendre compte. Souvent, d’ailleurs, le Livre ne donne aux chefs de tel ou tel corps de métier aucun titre proprement dit. Enfin, le nombre des chefs varie. Tandis que la plupart des corporations n’en ont qu’un chacune, celle des métaxoprates en a au moins deux, celle des marchands de marée, tout un groupe : par contre, un seul chef commande à la fois aux peaussiers et aux tanneurs. (Voir la Notice III de l’édition gréco-latine).

[26] Embole désigne proprement un portique ou marché couvert. C’est le bazar oriental moderne. Dans lequel des nombreux emboles de Constantinople les prandioprates exposaient-ils leurs articles? Rien ne l’indique dune façon précise, mais certains indices font penser que c’était non loin du Palais Impérial.

[27] Le 8 ½ pour cent.

[28] Les mélathraires. Ce terme ne se rencontrant qu’ici, il est difficile d’en déterminer le sens. Le plus probable est que nous avons là un nom populaire donné aux métaxoprates. (Voir la Notice I).

[29] Fr. 155,60.

[30] Du moment que les apprêteurs pouvaient s’approvisionner directement de soie grège, aussi bien que les métaxoprates eux-mêmes. On se demande en quoi consistait le monopole de ces derniers. La solution vraisemblable du problème est celle-ci : c’étaient les métaxoprates de Constantinople qui, seuls, fournissaient de soie grège le filatures établies dans les provinces.

[31] Deux grands palmes ne faisant qu’un pied et demi, le chiffre de deux est faux, à moins qu’il n’indique une dimension autre que la longueur de la robe.

[32] Avec du suc de murex. Le texte grec dit avec du sang. C’est ainsi que Pline appelle sanguis le suc du précieux coquillage. Il se peut d’ailleurs que le législateur ne distingue pas ici entre le suc du murex et celui du buccin, les deux substances étant à peu près aussi sacrées l’une que l’autre et ne s’employant jamais l’une sans l’autre.

[33] On ne voit pas bien au premier abord pourquoi les séricaires avaient besoin de soie non apprêtée. Ils s’en servaient sans doute pour la garniture de certaines confections.

[34] Fr. 46,68.

[35] Les tuniques dites de Bambycé. Elles étaient faites d’une espèce particulière de lin. Bambycé est le nom d’une ville de Syrie où on les fabriqua d’abord.

[36] Tétartère. Quelques auteurs byzantins racontent que l’empereur Nicéphore Phocas (963-969) fit frapper sous ce nom une monnaie d’un aloi inférieur à celui du sou d’or, auquel, dans les payements de l’Etat, comme dans les largesses impériales, il la substitua ingénieusement, afin d’obvier aux embarras du fisc. Mais les critiques n’avaient pas attendu, pour suspecter leur témoignage, la publication du Livre, où nous voyons que l’on connaissait le tétartère près d’un siècle avant le règne de Nicéphore. Il semble probable que, sous Léon VI, c’était une monnaie équivalente ou à peu près au sou d’or, mais affectée, comme la pièce divisionnaire de deux quarts qui figure régulièrement à sa suite dans le Livre, à un usage spécial et restreint. Valeur plus représentative que réelle, les marchands n’avaient pas le droit de la garder en caisse. Peut-être la mesure financière dont Nicéphore eut l’initiative consistait-elle dans un abaissement de l’aloi du tétartère et dans le cours forcé de cette monnaie, (Voir l’Introduction et la Notice IV de l’édition gréco-latine).

[37] Le 8 ½ pour cent.

[38] Le Milliaire ou Mille d’or, à l’Ouest de l’Augusteion ou Place impériale, entre le Grand Palais et l’Hippodrome, marquait le point de départ de toutes les routes de l’empire. C’était un somptueux portique orné d’une horloge et de belles statues, au nombre desquelles figuraient celles de Constantin le Grand, de sa mère Ste-Hélène, de Trajan et d’Adrien. Ces magnificences n’empêchaient pas le Milliaire d’Or de servir souvent de pilori.

[39] Le Portique de Bronze ou Chalcé, vestibule du Palais impérial, datait du règne d’Anastase I (491-518). Il tombait en ruines vers le milieu du 9e siècle Basile I le restaura. Au-dessus de la porte principale, s’élevait une image gigantesque du Christ : c’était une icône en mosaïque, recouverte ordinairement d’un voile. Abattue par Léon l’Arménien (813-820), un des princes iconoclastes, elle avait été relevée, une trentaine d’années avant Léon VI, par Théodora, veuve de l’empereur Théophile.

[40][40] Les Chaldes habitaient un des districts montagneux du Pont, au nord de Trébizonde.

[41] = fr. 186,72.

[42] = fr. 155,60.

[43] Fr 389.

[44] 6 sous dor = fr. 93,36.

[45] La coudée = 2 pieds.

[46] Fr. 373.

[47] Fr. 186,72.

[48] Quelle est la nature du délit qui fait l’objet de ce paragraphe, rédigé en termes si peu explicites? L’extrême rigueur de la peine invoquée montre qu’il s’agit de cas fort graves. On sait que la lessive de savon, c’est-à-dire le liquide alcalin obtenu par le mélange de carbonate de soude ou de potasse avec de la chaux vive et employé de tout temps dans la fabrication du savon, constitue un poison énergique. C’est donc probablement l’introduction malicieuse d’une substance toxique chez des particuliers, et les préjudices qui en pouvaient résulter pour leur réputation, qui préoccupent ici le législateur. Des cas récents d’intoxication par la lessive de savon avaient sans doute alarmé la police de Constantinople. D’ailleurs, la vigilance de l’autorité sur ce point était d’autant plus naturelle que les médecins et les vétérinaires byzantins recommandaient le dit produit chimique pour le traitement de certaines maladies. Peut-être aussi l’employait-on comme philtre.

[49] Fr. 155,60.

[50] A peu près le 16 ¾ pour cent.

[51] L’assesseur. Le Livre parle encore de l’assesseur des cabaretiers et de celui des boulangers, sans entrer d’ailleurs dans aucune explication suffisante sur la compétence de ce personnage. Aux termes employés dans les trois passages où il est question de lui, il paraît certain que la plupart des corps de métiers, sinon tous, avaient chacun le leur. On voit aussi que ses fonctions étaient distinctes de celles du chef de la corporation et qu’elles avaient plus d’importance. Il est probable que l’assesseur représentait l’autorité préfectorale auprès de la corporation et servait de conseil judiciaire à celle-ci.

[52] Le Stratégion. Grand marché situé sur la Corne d’Or, dans la partie E. de la ville, droit en face de Galata, tout près de l’endroit où a été bâtie la mosquée de la Sultane Validé.

[53] La taxe du sou d’or. Le terme employé dans le texte grec est d’une concision énigmatique. Nous avons là, selon toute probabilité, une locution fiscale. A un nombre x de têtes de gros bétail aurait correspondu une taxe d’un sou d’or (fr. 15,56), payée au fisc par les bouchers, le nombre de têtes qui composait le lot de bétail variant suivant les circonstances et faisant, à l’ouverture de chaque marché, l’objet d’une décision du préfet. Un peu puis loin (§ 5), nous voyons que le fisc prélevait la même taxe sur un lot de moutons, tandis qu’il n’en touchait que le centième pour un lot d’agneaux. Enfin, au chapitre XVIII, les boulangers achètent le blé dans les greniers de l’assesseur par quantités correspondantes aussi à un sou d’or de taxe.

[54] Nicomédie, aujourd’hui Isnikmid, à 70 kilomètres E. de Constantinople, était avec Nicée et Prusa (Brousse) la ville principale de la Bithynie. Le Sangarius, que les bouchers doivent franchir pour joindre les marchands de moulons, coule à 30 kilomètres E. de Nicomédie. Les autres villes, dont il est question ici, sont évidemment en deçà de ce fleuve.

[55] Place ou marché du Taure. Création de Théodose I, comme le grand forum, situé un peu plus à l’Est, qui portait le nom de cet empereur. Le Séraskiérat (ministère de la guerre) s’élève aujourd’hui sur l’emplacement du Taure.

[56] Un peu plus du 8 ½ %.

[57] Deux oboles... quatre oboles par sou d’or. Un peu moins du ¾ et du 1 ½ pour cent. Ces bénéfices sont comptés sur les prix payés aux pêcheurs, sans préjudice, pour les chefs de halle, du 8 ½ % dont il est question au § 1.

[58] Les écrivains anciens partent déjà de grandes pêcheries de thons à l’entrée du Bosphore.

[59] Tout ce paragraphe est relatif, non pas spécialement aux boulangers, mais à toutes les corporations en général. Par ce caractère de généralité, comme aussi par la différence notable entre les peines prononcées à la fin du paragraphe et celles qui, dans les autres parties du Livre, punissent des délits identiques, ce texte tranche nettement avec le reste de l’Edit. Léon VI avait utilisé des recueils antérieurs, et nous avons sans doute ici l’épilogue récapitulatif d’un de ces recueils. La date relativement ancienne de ce passage ressort de la gravité plus grande des Sanctions pénales.

[60] Dans le grec, cette promenade s’appelle ironiquement le triomphe. On asseyait ou l’on couchait le coupable sur un âne ou un chameau et on lui faisait parcourir lentement les rues de la ville, sous les huées et les outrages de la foule.

[61] Le nom populaire donné aux maquignons signifie proprement trou, fosse : de là ce rapprochement étymologique entre les maquignons, chargés de liquider les chevaux, ânes ou mulets laissés pour compte i leurs propriétaires après marché conclu, et les fosses, où disparaît toute chose.

[62] Un peu plus du 2 %.

[63] Le marché de l’Amastriane. À l’O. du Taure, devait son nom, suivant la légende, à un natif de la ville d’Amastris, en Paphlagonie, mort dans ce quartier de Constantinople. C’était là qu’on exécutait les hautes oeuvres, là aussi qu’on brûla les ossements de l’empereur iconoclaste Constantin VI, dit Copronyme.

[64] = 66 centimes.

[65] L’égout de la place de l’Amastriane ou marché aux chevaux. Quant la fête religieuse, si étrangement accolée à la voirie de ce marché, il se peut que ce soit la grande procession mentionnée au § 4 du chapitre des tabulaires. Nous savons que tous les corps de métiers y prenaient part.

[66] = fr. 5,19.

[67] = 33 centimes.

[68] Tout ce chapitre a été copié, sans changement notable, par Constantin Harménopoule (XIVe siècle), dans son Manuel de droit.

[69] Auditeurs. Il ne s’agit pas de simples témoins auriculaires, mais de juges.