Helmold

HELMOLD DE BOSAU

 

Chronique des Slaves : LI

Oeuvre numérisée et traduite par Marc Szwajcer

XLXI-LLII

 

 

 

HELMOLD DE BOSAU

 

CHRONIQUE DES SLAVES

 

 

De Herico. Capitulum LI.

Videns ergo Hericus, frater Kanuti natus de concubina, quia refriguit cesaris ira, cepit armari in ultionem fraterni sanguinis currensque terra et mari congregavit multitudinem Danorum execrantium inpiam mortem Kanuti. Sumptoque regio nomine cepit frequentibus bellis incursare Magnum, sed superatus, sed fugatus est. Unde etiam Hericus Hasenvoth, id est pes leporis, propter fugam continuam appellatus est. Dania tandem exturbatus confugit in civitatem Sleswich. Illi autem memores bonorum, quae impenderat eis Kanutus, receperunt virum, parati pro eo ferre mortem et exterminium. Quam ob rem Nicolaus et filius eius Magnus preceperunt omni populo Danorum, ut descenderent ad pugnam Sleswich, crevitque obsidio in inmensum. Porro lacus ille, qui civitati adiacet, glacie concretus pervius erat, impugnaveruntque civitatem terra marique. Tunc Sleswicenses miserunt nuntios ad comitem Adolfum offerentes ei centum marcas, ut cum gente Nordalbingorum civitati presidio foret. Sed et Magnus tantumdem obtulit, ut bello abstineret. Inter haec comes incertus, quid ageret, consuluit maiores provinciae. Illi consuluerunt civitati subveniendum, eo quod mercibus eius sepe potirentur. Congregato igitur exercitu Adolfus comes transiit Egdoram fluvium, visumque ei fuit paululum subsistendum, quousque universus conveniret exercitus, eundumque in terram hostilem cum diligenti caucione. Sed populus predarum avidus retineri non potuit; tanta festinantia preterlapsi sunt, ut venientibus primis ad silvulam Thievela, novissimi Egdoram fluvium vix attingerent. Audito igitur Magnus comitis adventu elegit de exercitu mille loricatos abiitque in occursum exercitus, qui exierat de Holzatia, et commisit cum eis prelium. Et fugatus est comes, percussique populi Nordalbingorum attritione maxima. Comes autem et quotquot fugerant de acie reversi per Egdoram salvati sunt. Magnus igitur potitus victoria reversus est ad obsidionem, frustrato tamen labore; nam neque civitate neque hoste potitus est. Laxata enim hieme pariter et obsidione Hericus elapsus venit in maritimam Sconiae regionem, conquerens ubique innoxiam fratris cedem et proprias calamitates. Audiens igitur Magnus, quia comparuit Hericus, accedente estate direxit expedicionem in Sconiam cum innumera classe. At ille consederat e regione stipatus accolarum, licet brevi, numero. Soli enim Sconenses universis Danis restiterant. Cum igitur Magnus in sacro die pentecosten aciem urgeret ad congressum, dixerunt ad eum venerabiles pontifices: “Da gloriam Deo celi et habe reverentiam diei tantae et quiesce hodie, pugnaturus in crastinum”. Qui monita contempnens aggressus est prelium. Produxitque Hericus exercitum suum et occurrit ei in manu valida. Ceciditque Magnus in die illa, percussaque sunt universa Danorum agmina a viris Sconensibus et ad internicionem deleta. Et factus est Hericus ea victoria insignis, et creatum est ei nomen novum, ut Hericus Emun, hoc est memorabilis, appellaretur. Porro Nicolaus rex senior navi elapsus venit Sleswich percussusque est a viris civitatis in gratiam victoris. Ultusque est Dominus sanguinem Kanuti, quem interfecit Magnus, prevaricator iurisiurandi, quod iuravit. Et regnavit Hericus in Dania, generavitque ex concubina Thunna filium nomine Suein. Sed et Kanuto erat filius nobilis Waldemarus, Magnus quoque genuit Kanutum. Remanseruntque haec regalia incrementa Danorum populis, in quibus exercerentur, ne forte amisso usu preliandi quandoque insolescerent. Solis enim civilibus bellis prepollent.

 

LI.

Eric.[1]

 

Voyant la colère de César refroidie, Eric, frère de Knut né d'une concubine, commença à prendre les armes pour venger son frère de sang. Se hâtant sur terre et sur mer, il rassembla un grand nombre de Danois qui exécraient la mort impie de Knut. Il prit le titre de roi et attaqua fréquemment Magnus,[2] bataille après bataille, mais il fut vaincu et mis en fuite. A cause de cela, Eric fut aussi appelé Hasenvoth, c'est-à-sire pied-de-lièvre à cause de ces fuites continuelles. Expulsé enfin du Danemark, il se réfugia dans la ville de Schleswig. Les habitants, n’ayant pas oublié les faveurs que Knut leur avait attribuées, le reçurent et furent prêts à supporter pour lui la mort et la destruction. Là-dessus, Nicolas[3] et son fils Magnus ordonnèrent à tous les Danois de faire la guerre avec Schleswig, et le siège devint interminable. Lorsque le lac jouxtant la ville fut gelé et donc franchissable, ils prirent d'assaut la ville par terre et par mer. Alors les gens de Schleswig envoyèrent des messagers au comte Adolphe, lui offrant cent marks s'il venait avec le peuple Nordalbingien au secours de la ville. Mais Magnus lui offrit tout autant pour qu’il s’abstienne. Incertain, le comte consulta les anciens de la province. Ils lui dirent qu'il devait aller au secours de la ville car il avait souvent obtenu d’elle des marchandises. Donc quand le comte Adolphe eut rassemblé une armée, il traversa la rivière Eider, mais il lui parut qu'il devait attendre un peu jusqu'à ce que l'armée entière ait pu se regrouper et qu'il devait alors procéder avec prudence dans une terre considérée comme ennemie. Mais il ne put retenir le peuple, avide de butin. Ils allèrent de l'avant avec une telle vitesse que lorsque le premier entra dans les bois de Thievel, le dernier avait à peine atteint la rivière Eider. Dès que Magnus entendit parler de l'approche du comte, il choisit dans ses troupes un groupe de mille hommes équipés et alla à la rencontre de l'armée qui venait de Holzace ; il engagea le combat avec eux. Le comte fut mis en fuite et le peuple Nordalbingien subit un choc très important. Toutefois, le comte et tous ceux qui avaient fuit du combat se retirèrent en traversant l'Eider en sûreté. Après avoir ainsi obtenu la victoire, Magnus retourna à son siège, mais il fut frustré de tels efforts, car il ne devint maître ni de la ville, ni de l'ennemi. Une fois l'hiver achevé le siège s’acheva, et Eric s'éclipsa vers les régions côtières de la Scanie, se plaignant partout de la mort de son frère innocent et de ses propres malheurs. En apprenant qu’Eric était dans les environs, Magnus à l'approche de l'été, mena une expédition en Scanie avec une multitude de navires. Bien que suivie que par un petit nombre d’habitants, Eric prit position en face de lui. Les Scaniens résistèrent seuls à tous les Danois. Comme Magnus voulait lancer ses forces le saint jour de la Pentecôte, les vénérables évêques lui dirent: Laissez cette grande fête au Dieu des cieux. Reposez-vous aujourd'hui, vous combattrez demain. Mais il méprisa leurs admonestations et engagea la bataille. Eric fit aussi sortir son armée et le combattit avec une importante force. Ce jour-là Magnus fut abattu et toute la force des Danois fut vaincue et détruite par les hommes de la Scanie.[4] Par cette victoire, Eric se rendit célèbre et on inventa un nouveau nom pour lui: on l’appela Emun, c'est-à-dire le Mémorable. Nicolas, l’ancien roi, s’échappa par bateau et vint à Schleswig, où il fut massacré par les citoyens de la ville en l’honneur du vainqueur. Ainsi l'Éternel vengea le sang de Knut assassiné par Magnus, qui avait violé le serment prêté. Ensuite, Eric régna au Danemark et eut d'une concubine Thunna, un fils nommé Svein.[5] Knut[6] eut également un fils, le noble Waldemar,[7] et Magnus, lui aussi engendra un fils nommé Knut.[8] Cette descendance royale fut laissée au peuple Danois afin qu’elle put exercer le pouvoir, sans rien perdre de son habileté à la guerre et parfois de son arrogance. Les Danois ne se distinguent que par leurs guerres civiles.


 

 

 

 

[1] Erik II Emune (le Mémorable) roi de Danemark de 1134 à 1137.

[2] Magnus Ier le Fort (der Starke) (tué le 4 juin 1134) roi de Suède 1125 à 1130.

[3] Niels Ier.

[4] L’armée d’Eric II Emune qui s’était installé à Lund, renforcée par 300 chevaliers allemands mercenaires inflige le 4 juin 1134 à Fotevik près de Skanör en Scanie une sanglante défaite à l’armée royale dans laquelle Magnus Nilsson est tué avec cinq évêques et de nombreux nobles danois.

[5] Svein III Grathe ou Svend Grade (~ 1127 - 1157) fut co-prince danois de 1146 à 1157 avec Knut VI et Valdemar le Grand. Quand son père, Éric II de Danemark fut tué en 1137 Svein était trop jeune pour être roi. Eric Lam reçut la couronne, et envoya Svein à la cour de l’empereur Conrad III, où il se lia d'amitié avec le neveu du roi, le jeune Frédéric de Souabe (plus tard l'empereur Frédéric Barberousse).

[6] Knud Lavard (1096-1131) prince danois. Duc de Sud Jutland de 1115 à 1131, Roi des Obodrites de 1129/1130 à 1131. Il était le fils légitime du roi Éric Ier de Danemark et de la reine Bodil Thrugosdatter. Il naquit le 12 mars ou avril 1096. En 1115 le successeur de son père, son oncle, le roi Niels de Danemark lui accorde de le titre de duc de Jutland-du-Sud.

[7] Valdemar Ier de Danemark (1131- 12 mai 1182), également connu sous le nom de Valdemar le Grand, a régné sur le Danemark de 1157 à 1182.

[8] Knut V de Danemark (appelé Knut III par certains auteurs) (1130-1157), co-roi de Danemark de 1154 à 1157.