Helmold

HELMOLD DE BOSAU

 

Chronique des Slaves : VIII

Oeuvre numérisée et traduite par Marc Szwajcer

 

 

 

 

HELMOLD DE BOSAU

 

CHRONIQUE DES SLAVES

 

 

 

 

 

Irruptio Ungarorum. Capitulum octavum.

Itaque regnante Conrado orta est Ungarorum gravis irruptio, qui non solum nostram Saxoniam aliasque cis Renum provincias, verum etiam trans Renum Lotharingiam et Franciam demoliti sunt. Tunc incensis ecclesiis cruces a barbaris truncatae et ludibrio habitae, sacerdotes ante altaria trucidati, clerus vulgo mixtus aut interfectus aut in captivitatem ductus. Cuius signa furoris ad nostram duraverunt etatem. Dani quoque Slavos auxilio habentes, primo Nordalbingos, deinde Transalbianos Saxones vastantes, magno Saxoniam terrore quassabant. Apud Danos eo tempore Worm regnavit, crudelissimus, inquam, vermis et Christianis non mediocriter infestus. Ille Christianitatem quae in Dania fuit prorsus demolire molitus sacerdotes a finibus suis depulit, plurimos etiam per tormenta necavit. At vero Heinricus rex, filius Conradi, iam tunc a puero timens Deum et in eius misericordia omnem ponens fiduciam, Ungaros quidem maximis preliis triumphavit, Boemos et Surabos ab aliis regibus edomitos et ceteros Slavorum populos uno grandi prelio ita percussit, ut ceteri, qui perpauci remanserant, et regi tributum et Deo Christianitatem ultro promitterent. Deinde cum exercitu Daniam ingressus Worm regem primo impetu adeo perterruit, ut imperata se facere mandaret et pacem supplex deposceret. Sic Heinricus rex victor apud Sleswich, quae nunc Heidebo dicitur, regni terminos ponens, ibi et marchionem statuit et Saxonum coloniam habitare precepit.

Videns igitur sanctissimus archiepiscopus Unni, qui Reinwardo successit in cathedram, misericordia Dei nostri et virtute regis Heinrici Danorum Slavorumque pertinaciam esse edomitam ostiumque fidei in gentibus apertum esse, omnem suae diocesis latitudinem elegit per se ipsum circuire. Multis igitur religiosis comitatus pervenit ad Danos, ubi tunc crudelissimus Worm regnavit; et illum quidem pro ingenita flectere nequivit sevicia, filium autem Haroldum convertit et fidelem Christo perfecit, ita ut Christianitatem, quam pater eius semper odio habuit, ipse servari publice permiserit, quamvis ipsemet baptismi sacramentum nondum perceperit. Ordinatis itaque in regno Danorum per singulas ecclesias sacerdotibus sanctus Dei multitudinem credentium commendasse fertur Haroldo. Cuius etiam fultus adiutorio et legato omnes insulas Danorum penetravit, ewangelizans verbum Dei et fideles, quos invenit illic captivos, in Christo confortans.

Deinde vestigia secutus magni predicatoris Anscarii, remigans mare Balthicum, non sine labore pervenit ad Byrcam principalem Suediae civitatem, quo iam post obitum sancti Anscarii nemo doctorum annis septuaginta venire ausus est preter solum, ut legimus, Reimbertum. Est autem Byrca opidum Gothorum celeberrimum, in medio Suediae positum, quod tractus quidam Balthici maris alluit, reddens portum optabilem, quo omnes Danorum, Norveorum itemque Slavorum ac Semborum naves aliique Scithiae populi pro diversis commerciorum necessitatibus sollempniter convenire solent. In eo igitur portu confessor Domini egressus insolita populos appellare cepit legacione. Quippe Sueones et Gothi propter varia temporum pericula et regum cruentam feritatem Christianae religionis penitus obliti fuerunt, sed favente gratia Dei a sancto patre Unni denuo ad fidem revocati sunt. Perfecto igitur legacionis suae ministerio, cum iam redire disponeret ewangelista Dei, egritudine correptus apud Byrcam fessi corporis sarcinam deposuit. Obiit autem peracto boni certaminis cursu anno dominicae incarnacionis nongentesimo XXX° sexto. Cui successit in cathedra venerabilis Adheldagus.

 

 

HELMOLD DE BOSAU

 

Chapitre VIII.

 

L’invasion des Hongrois.

Pendant le règne de Conrad, eut lieu une terrible invasion de Hongrois ; elle ravagea non seulement notre Saxe et les autres provinces, mais aussi la Lotharingie et la Francie au-delà du Rhin. A cette époque les églises furent incendiées, les croix brisées par les barbares portés à la violence, les prêtres assassinés devant leurs autels, les clercs rassemblés au peuple, soit pour être exécutés ou emmenés en captivité. Les traces de cette fureur subsistent encore de nos jours. Les Danois aidés des Slaves, pillèrent également en premier les Nordalbingiens[1] puis dévastant les Saxons Transalbiens avant de porter une grande terreur en Saxe. Gorm[2] régnait alors sur les Danois, c’était le ver le plus sauvage,[3] et je le dis, ce n’était pas le moins hostile envers les chrétiens. Dans sa volonté de détruire complètement le christianisme au Danemark, il avait expulsé les prêtres de son territoire et même en avait fait tuer bon nombre par la torture. Alors le roi Henri, fils de Conrad, enfant ayant grandi dans la crainte de Dieu, et reposant tous ses espoirs dans sa miséricorde, vainquit les Hongrois dans de grandes batailles et triompha. Il gagna de cruelles batailles sur les Bohémiens et les Sorabes,[4] mata d’autres rois, et infligea un choc si effrayant aux autres tribus slaves, qui restaient peu nombreuses, qu’elles payèrent un tribut au roi et promirent d’accepter le christianisme. Henri marcha ensuite avec son armée vers le Danemark et, par sa première attaque, il terrifia tant le roi Gorm, que ce dernier reconnut son pouvoir et demanda humblement la paix. C’est ainsi que le roi Henri, vainqueur, fixa la frontière du royaume au Schleswig, appelé maintenant Heidebo,[5] y installa un margraviat et y implanta une colonie de Saxons.

Le très saint archevêque Unni,[6] qui avait succédé à Reginwart[7] en chaire, apprenant que la miséricorde de notre Seigneur et les vertus du roi Henri avaient surmonté l’obstination des Slaves et des Danois, et ouvert les portes de l'adoption de la foi, décida de faire un tour complet de son diocèse. Accompagné de nombreux prêtres, il alla chez les Danois, où régnait alors le très cruel Gorm ; en raison de sa sauvagerie innée il ne pouvait pas plier, mais son fils Harold[8] se convertit et devint un fidèle du Christ de sorte le christianisme, contre lequel la haine de son père existait toujours, fut publiquement autorisé, bien que le sacrement du baptême n’ait pas été reçu. Installant ainsi des prêtres dans toutes les églises du Danemark, ce saint personnage recommanda, dit-on, la multitude des croyants à Harold, soutenu par son aide et accompagné de ses envoyés. Il eut aussi à cœur de pénétrer toutes les îles des Danois, évangélisant par la Parole de Dieu et les croyants, rencontrés là-bas, se réconfortaient dans le Christ de leur captivité.

Puis, il suivit les traces du grand prédicateur de l'Evangile, saint Anskar, allant à travers la mer Baltique, et arrivant difficilement à Byrca,[9] capitale de la Suède, où, depuis la mort de saint Anskar, aucun autre enseignant de la Parole de Dieu n’avait osé venir depuis soixante-dix ans si ce n’est comme nous le lisons Rimbert.[10] Byrca est toutefois une ville des Goths très connue, elle est située au centre de la Suède, sur un bras de la mer Baltique, et fournit un port toujours rêvé, en raison des différentes affaires commerciales, à tous les navires Danois, Norvégiens, Slaves et autres, Sembi[11] et divers peuples scythiques. Dans ce port débarquèrent alors le confesseur du Seigneur se mit à appeler les gens d'une manière insolite. Les Suédois et les Goths à cause des nombreux dangers de l'époque et à cause de la fureur sanguinaire de leurs rois, avaient tout à fait oublié la religion chrétienne. Mais par la grâce de Dieu et la faveur du saint père Unni, ils revinrent à nouveau à la foi. Après avoir été l'évangéliste de Dieu comme messager du Seigneur et se disposant à rentrer, il fut soudainement atteint par la maladie à Byrca et y laissa son corps fatigué. Il mourut après avoir achevé son noble combat dans l'année 936 de l'Incarnation du Seigneur. Le vénérable Adaldag[12] lui succéda.

 

 


 

[1] Latinisation pour les Saxons habitant les zones "au nord de l'Elbe".

[2] Gorm « le Vieux » (~875-958), roi du Danemark vers 900-936. Fils de Hardeknut Sigurdsson.

[3] Helmold fait un jeu de mot entre le nom du roi, Worm en latin, et le mot vermis, ver.

[4] Anciens slaves de l’Elbe.

[5] Haddebye (anciennement Haithabu, Heidebo, Hethaebye), la plus vieille église du duché, sur les rives de la rivière Schlei, en face de la ville de Schleswig, district de Gottorf, Arensh., Prieuré de Gottorf. Très probablement une chapelle fut fondée par Anschaire, archevêque de Hambourg qui vint ici au début du 9e siècle, y prêcha le dogme chrétien et, dit-on baptisa de nombreux anciens adeptes du paganisme à cet endroit sur la rivière Schlei qui à ce jour porte le nom "Hillige Oehr".

[6] Unni fut, de 916 ou 918 à 936, archevêque de Brême et de Hambourg. On ne sait rien de son passé. Il mourut le 17 Septembre 936. Sa tête fut ramenée à Brême et enterrée devant le maître-autel de la cathédrale de Brême. Sa tombe à Birka fut longtemps considérée comme un site sacré.

[7] Archevêque en 916, ou bien de 916 à 918.

[8] Harald Ier Blåtand à la dent bleue (910-986) fut roi de Danemark en 940. Fils de Gorm « le Vieux » et de Thyra Klacksdotti, il impose le christianisme dans son royaume, fait la conquête du sud de la Norvège et combat les Vendes.

[9] Birka fut l'une des premières villes de Suède. Elle se trouvait sur l'île de Björkö dans l'actuelle commune d'Ekerö non loin de Stockholm. Le nom de Birka est une latinisation (via Birca) de Björkö.

[10] Rimbert (Rembertus Hamburgensis), homme de confiance et successeur en 865 d’Anschaire ou Ansgard, sur le siège épiscopal de Brême Hambourg. Il a écrit la Vita Anskarii.

[11] Les Sembi ou Prussiens sont un peuple plus humain (homines humanissimi), écrit Adam de Brême vers 1075. Ils vont aider ceux qui sont en péril en mer ou qui sont attaqués par des pirates.

[12] Adaldag (c. 900 - 28 avril 988) fut le septième archevêque de Hambourg-Brême, de 937 jusqu'à sa mort. Il était de noble naissance, parent et élève de l'évêque Adalward de Verden et devint chanoine de Hildesheim. Otton Ier le fit son chancelier et notaire, immédiatement après son adhésion, et, à la mort de l'archevêque Unni en 936, proposa sa candidature au siège vacant.