Helmold

HELMOLD DE BOSAU

 

Chronique des Slaves : LXXXIX

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

 

HELMOLD DE BOSAU

 

CHRONIQUE DES SLAVES

 

 

 

CHRONICA SLAVORUM

De Alberto Urso. Capitulum LXXXVIIII.

In tempore illo orientalem Slaviam tenebat Adelbertus marchio, cui cognomen Ursus, qui etiam propicio sibi Deo amplissime prosperatus est in funiculo sortis suae. Omnem enim terram Brizanorum, Stoderanorum multarumque gentium habitantium iuxta Habelam et Albiam misit sub iugum et infrenavit rebelles eorum. Ad ultimum deficientibus sensim Slavis misit Traiectum et ad loca Reno contigua, insuper ad eos qui habitant iuxta occeanum et patiebantur vim maris, videlicet Hollandros, Selandros, Flandros, et adduxit ex eis populum multum nimis et habitare eos fecit in urbibus et oppidis Slavorum. Et confortatus est vehementer ad introitum advenarum episcopatus Brandenburgensis necnon Havelbergensis, eo quod multiplicarentur ecclesiae, et decimarum succresceret ingens possessio. Sed et australe litus Albiae ipso tempore ceperunt incolere Hollandrenses advenae; ab urbe Saltvedele omnem terram palustrem atque campestrem, terram quae dicitur Balsemerlande et Marscinerlande, civitates et oppida multa valde usque ad saltum Boemicum possederunt Hollandri. Siquidem has terras Saxones olim inhabitasse feruntur, tempore scilicet Ottonum, ut videri potest in antiquis aggeribus, qui congesti fuerant super ripas Albiae in terra palustri Balsamorum, sed prevalentibus postmodum Slavis Saxones occisi, et terra a Slavis usque ad nostra tempora possessa. Nunc vero, quia Deus duci nostro et ceteris principibus salutem et victoriam large contribuit, Slavi usquequaque protriti atque propulsi sunt, et venerunt adducti de finibus occeani populi fortes et innumerabiles et obtinuerunt terminos Slavorum et edificaverunt civitates et ecclesias et increverunt diviciis super omnem estimacionem.

 

 

 

LXXXIX.[1]

 

Albert l’Ours.

L’Esclavonie orientale était alors le domaine du margrave Adelbert, surnommé l’Ours,[2] prince que Dieu dans sa faveur avait comblé d’une immense fortune et qui tenait sous sa domination tout le territoire des Brizans, des Stodéraniens,[3] comme aussi plusieurs autres nations établies près des rivières le Havel et l’Elbe. Il avait soumis et presqu’entièrement détruit les Slaves rebelles.[4] Enfin, comme les Slaves avaient progressivement disparu, il envoya des émissaires à Utrecht et dans les lieux qui avoisinent le Rhin, dans ceux qu’entoure la mer, en Hollande, en Zélande et en Flandre dont les habitants souffraient beaucoup de ce voisinage incommode, et ils en emmenèrent une nombreuse population, laquelle fut éparpillée dans les bourgs et les villes qu’avaient occupés les Slaves ; c’est ainsi que les évêques de Brandebourg et de Havelberg se sont si fortement améliorés par le grand nombre églises qui y furent bâties et l’augmentation du chiffre des dîmes qui leur furent payées. Les Hollandais arrivés à cette époque possédèrent et habitèrent les bords méridionaux de l’Elbe depuis la ville de Saleveldele, Soltwedel et toutes les terres marécageuses et les plaines nommées Balsemerlande et Marscimerlande[5] ; plusieurs villes et villages jusqu’à la forêt de Bohême leur furent aussi concédés ; anciennement et au temps des Othons, ce territoire était habité par les Saxons, comme le prouvent les anciennes digues élevées sur les bords de l’Elbe dans le marais de Balsamer. Les Slaves, qui avaient détruit les Saxons,[6] l’occupèrent après eux jusqu’au moment où le Seigneur donnant au duc et aux autre princes le salut et la victoire, ils furent décimés et chassés à leur tour et que des peuplades nombreuses et pleines de forces[7] vinrent des confins de l’Océan, s’implantèrent sur les terrains qu’ils avaient occupés et y bâtirent des villes et des églises et s’enrichirent outre mesure.

 

[1] Ce chapitre est un extrait du livre de François Joseph de Smet, Dissertation sur l'émigration des Belges et Hollandais vers l'Allemagne au XIIe siècle, 1851.

Les notes sont en grande partie issues de l’article de James Westfall Thomson, Dutch and Flemish colonization in Mediaeval Germany, publié dans l’American Journal of Sociology, vol. 24, 1918/1919, où une traduction en anglais de ce chapitre existe également.

[2] Vers 1157.

[3] Albert Ier de Brandebourg, aussi appelé Albert Ier l’Ours (vers 1100 – 18 novembre 1170).

Issu de deux familles puissantes, les Ballenstädt par son père et les Billung par sa mère, Albert Ier reçut de Lothaire de Supplinbourg la petite région de Salwedel plus tard appelée Altmark à l’ouest de l’Elbe à partir de laquelle il étendit ses conquêtes : il s’empara de Havelberg en 1137, et de la Prignitz.

Il participa à la croisade contre les Wendes dans l’armée de l’empereur de Conrad III en 1148 et à l’expédition de Frédéric Barberousse en 1157 contre la Pologne.

Il se lia d’amitié avec Pribislav, prince slave des Havellanes, qui se convertit au christianisme et lui légua son pays (la Marche du Nord) et sa capitale Brandebourg en l’absence d'héritier. Il prit alors en 1157 le titre de margrave de Brandebourg.

Il construisit des forteresses, réaffirma l’autorité de l’Église et intégra l’aristocratie slave dans la noblesse allemande. Wikipédia

[4] Petites tribus appartenant à la branche baltique des Slaves.

[5] Albert l’Ours récupéra Brandebourg en 1157.

[6][6] Balsemerlande, Pagus Belxa,  était un territoire autour de Stendal dans le diocèse de Halberstadt. On suppose que Marscinerlande était situé entre Arnesburg et Werben.

[7] Ceci se rapporte à la grande révolte des Slaves en 1066.

[8] Référence à Joël, I, 6 :

Un peuple attaque mon pays

Il est puissant et innombrable.