Helmold

HELMOLD DE BOSAU

 

Chronique des Slaves : CX

Œuvre numérisée et traduite par Marc Szwajcer

 

 

 

 

HELMOLD DE BOSAU

 

CHRONIQUE DES SLAVES

 

 

Reconciliacio regis Danorum et ducis. Capitulum CX.

Rex igitur Danorum perspecta calamitate gentis suae vidit tandem, quia bona est pax, et misit legatos ad fortissimum ducem rogans preberi sibi locum familiaris colloquii ad Egederam. Et venit dux ad expetitum placiti locum in nativitate sancti Iohannis baptistae. Et occurrit ei rex Danorum et exhibuit se pronum ad omnem voluntatem ducis. Et recognovit ei medietatem tributorum et obsidum, quae dederant Rani, et de erario fani equam portionem, et ad singula, quae dux iudicavit exigenda, devote paruit rex. Et renovatae sunt inter eos amiciciae, et inhibiti sunt Slavi, ne de cetero inpugnarent Daniam. Et facti sunt vultus Slavorum subtristes propter confederacionem principum. Et misit dux nuntios suos cum nuntiis regis in terram Ranorum, et servierunt ei sub tributo Rani. Et rogavit rex Danorum ducem, ut filiam suam, viduam Fretherici nobilissimi principis de Rodenburg, daret filio suo, qui iam designatus erat rex, in uxorem. Interventu itaque magnorum principum consensit dux et misit filiam suam in regnum Danorum; et facta est leticia magna omnibus populis borealium nationum, iocunditas et pax simul orta est. Et mutatum est gelidum illud frigus aquilonis in lenes austri flatus, et cessavit maris vexacio, et detumuerunt procellae tempestatum. Et pacata est via transeuntibus a Dania in Slaviam [et e converso], et ambulaverunt mulieres et parvuli per eam, eo quod submota sint offendicula, et defecerint predones in via. Omnis enim Slavorum regio incipiens ab Egdora, qui est limes regni Danorum, et extenditur inter mare Balthicum et Albiam per longissimos tractus usque Zuerin, olim insidiis horrida et pene deserta, nunc dante Deo tota redacta est veluti in unam Saxonum coloniam, et instruuntur illic civitates et oppida, et multiplicantur ecclesiae et numerus ministrorum Christi. Pribizlavus quoque, deposita diuturnae rebellionis obstinacia, sciens, quia non expedit sibi calcitrare adversus stimulum, sedit quietus et contentus funiculo portionis sibi permissae et edificavit urbes Mekelenburg, Ylowe et Rozstoc et collocavit in terminis eorum Slavorum populos.

Et quia Slavorum latrones inquietabant Teutonicos, qui habitabant Zuerin et in terminis eius, Guncelinus prefectus castri, vir fortis et satelles ducis, mandavit suis, ut, quoscumque Slavorum invenissent incedentes per avia, quibus non esset evidens ratio, captos statim suspendio necarent. Et cohibiti sunt utcumque Slavi a furtis et a latrociniis suis.

 

 

 

CHAPITRE CX.

Réconciliation entre le Duc et le roi des Danois. (Fin)

Quand il contempla l’infortune de son peuple, le roi des Danois[1] se rendit enfin compte que la paix était une bonne chose ; il envoya alors des messagers au très vaillant duc,[2] en lui demandant une conférence amicale sur l'Eider. Le duc vint à l'endroit souhaité par le roi le jour de la Nativité de Saint Jean Baptiste. Le roi des Danois le rencontra et se montra favorablement disposé à chaque proposition du duc. Il concéda à ce dernier une moitié du tribut et des otages que les Rani lui avaient donnés et une part identique du trésor du temple; le roi se conforma pieusement à chacune des exigences du duc. Leur amitié fut renouvelée et les Slaves, à l'avenir, auraient l’interdiction d’attaquer le Danemark. Le fait est que la mine des Slaves devint relativement chagrine à cause de l'accord des princes. Le duc et le roi envoyèrent ensemble leurs messagers sur la terre des Rani et les Rani lui rendirent hommage, en lui versant un tribut. Le roi des Danois demanda au duc d’accorder sa fille,[3] veuve de Frédéric, le très noble prince de Rothenburg, comme femme à son fils, déjà désigné comme roi. Après l’avis des grands princes, le duc y consentit et envoya sa fille au royaume des Danois. Et tous les peuples des nations du Nord se réjouirent beaucoup; joie et paix commencèrent en même temps. Le froid glacial du nord céda la place à la douceur du vent du sud, la mer cessa d’être contrariante et les ouragans des tempêtes diminuèrent. Et la route devint sûre pour ceux qui voyageaient entre le Danemark et la Slavie; les femmes et les petits enfants purent y aller parce que les obstacles furent enlevés et que les voleurs avaient disparu. Toute la région des Slaves, depuis l'Eider qui est la frontière au royaume des Danois et s'étend entre la Mer Baltique et l'Elbe par une très vaste terre jusqu'à Schwerin, redoutant auparavant les embuscades et presque totalement dévastée, était maintenant, grâce à la clémence de Dieu, complètement transformée en une colonie des Saxons; il y a des villages et des villes établies et le nombre d'églises et de serviteurs du Christ se multiplie. Pribizlav renonça à sa longue rébellion obstinée ; il resta tranquille et se contenta de ce qui était son sort. Il fit construire les forteresses de Mecklenburg, Ilow[4] et Rostock[5] et installa des populations slaves dans leurs limites.

Et, comme des bandits slaves inquiétaient les voisins allemands de Schwerin, Guncelinus, préfet du château, ordonna aux siens d'arrêter tous les Slaves qu'ils rencontreraient voyageant dans des lieux divers et de les pendre immédiatement. Ainsi furent supprimés les vols et les brigandages des Slaves(3)

 


 
 

[1] Valdemar le Grand.

[2] Henri le Lion.

[3] Gertrude (1155-1197), avait d’abord épousé Frédéric IV de Hohenstaufen (1145 – 1167), duc de Souabe, mort de maladie à Rome ; elle épousa ensuite Knut VI roi du Danemarck.

[4] Sans doute un château.

[5] Une ville du nord de l’Allemagne. C’est la plus grande ville de Mecklembourg-Poméranie occidentale. Rostock est située sur les bords de la rivière Warnow.

(3) Ce sont les dernières phrases de cette Chronique des Slaves.