Flodoard GUILLAUME DE TYR

 

HISTOIRE DES CROISADES

 

LIVRE I (CHAPITRES I à  XV)

(suite et fin du livre 1)

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

 

HISTOIRE

 

DES

 

FAITS ET GESTES

 

DANS LES REGIONS D'OUTRE-MER,

 

DEPUIS LE TEMPS DES SUCCESSEURS DE MAHOMET JUSQU'A L'AN 1184

 

par

 

GUILLAUME DE TYR


 

NOTICE SUR

 

Guillaume de Tyr

 

ARCHEVÊQUE DE TYR

 

L’EUROPE toute entière a pris part aux Croisades; mais c’est à l’histoire de France bien plus qu’à toute autre que se rattache celle de ces grandes expéditions. Un pèlerin français, Pierre l'ermite, a prêché la première Croisade; c’est en France, au concile de Clermont, qu’elle a été résolue; un prince dont le nom est demeuré français, Godefroi de Bouillon, l’a commandée; le royaume de Jérusalem a parlé la langue de nos pères; les Orientaux ont donné à tous les européens le nom de Francs; pendant deux siècles, la conquête ou la défense de la Terre-Sainte se lie étroitement à tous les sentiments, à toutes les idées, à toutes les vicissitudes de notre patrie; un roi de France, Saint-Louis, est le dernier qui ait rempli l’Orient de sa gloire. Enfin, parmi les historiens des Croisades, la plupart et les plus illustres, Jacques de Vitry, Albert d’Aix, Foulcher de Chartres, Guibert de Nogent, Raoul de Caen, Ville-Hardouin, Joinville et tant d’autres sont des Français.

 

Quelques savants ont soutenu que Guillaume de Tyr l’était également; d’autres ont revendiqué pour l’Allemagne l’honneur de lui avoir donné naissance. L’une et l’autre prétention paraissent mal fondées. En plusieurs endroits de son livre, notamment dans sa préface, Guillaume parle de la Terre Sainte comme de sa patrie; Hugues de Plagon[1], son continuateur, le fait naître à Jérusalem, et Etienne de Lusignan, dans son Histoire de Chypre, le dit parent des rois de Palestine. On s’est étonné à tort de ces incertitudes et du silence des chrétiens d’Orient sur l’origine et la vie du prince de leurs historiens. C’est à des temps de loisir et de paix qu’il appartient de recueillir avec soin de tels détails et de veiller à la mémoire d’un écrivain. Presque étrangers dans leur nouvelle patrie, assiégés dans leur royaume comme des bourgeois dans les murs de leur ville, sans cesse en proie aux plus cruelles souffrances et à des périls croissants, les chrétiens d’Orient ne pensèrent jamais qu’à se recruter et se défendre; la vie de ce peuple, la durée de cet Empire fut un long accès de dévotion et de gloire; l’accès passé, l’Empire tomba, le peuple lui-même périt; et tant qu’il vécut, toute sécurité dans le présent, toute confiance dans l’avenir lui fut inconnue. Une société ainsi violente et transitoire peut avoir ses historiens; les grandes choses n’en manquent jamais; mais l’historien lui-même est sans importance aux yeux de ceux qui l’entourent, et nul ne songe à conserver des souvenirs qui n’intéressent que lui. 

Aussi est-ce uniquement de Guillaume de Tyr lui-même que nous recevons quelques renseignements sur sa vie; il les a semés dans son ouvrage, sans dessein et par occasion, pour indiquer comment il a été informé des événements qu’il raconte. Nous y voyons qu’il était enfant, vers l'an 1140, et qu’en 1162, au moment du divorce du roi Amaury et d’Agnès d’Édesse, il étudiait les lettres en Occident, probablement à Paris. De retour à Jérusalem, il obtint la faveur d’Amaury, et dut à sa protection, en 1167, l’archidiaconat de la métropole de Tyr. Mais, en l’élevant aux dignités ecclésiastiques, le roi n’avait point l’intention de se priver de son secours dans les affaires civiles. Dans le cours de la même année, il l’envoya en ambassade à Constantinople, auprès de l’empereur Manuel Comnène, pour conclure avec ce prince l’alliance qu’il avait lui-même proposée à Amaury contre le sultan d’Égypte. Après s’être acquitté de cette mission, Guillaume, se livrant aux devoirs de son archidiaconat, eut quelques différends avec Frédéric, archevêque de Tyr, et se rendit à Rome, en 1169, pour les faire juger. Ce fut à son retour de Rome que le roi Amaury lui confia l’éducation de son fils Baudouin, alors âgé de neuf ans[2]. Ce prince étant monté sur le trône à la mort de son père, en 1173, le crédit de Guillaume devint plus grand encore; dans le cours de cette même année, il fut nommé chancelier du royaume, à la place de Rodolphe évêque de Bethléem, et au mois de mai 1174, les suffrages du clergé et du peuple l’élevèrent, avec l’assentiment du roi, a l’archevêché de Tyr[3].  

On verra, dans son histoire même, quelle part importante il prit dès lors aux affaires publiques, et avec quelle fermeté il défendit le pouvoir du roi son élève contre d’ambitieux rivaux. En 1178, il s’éloigna de la Terre-Sainte pour aller à Rome assister au troisième concile de Latran: " Si quelqu’un, dit-il, veut connaître les statuts de ce concile, les noms, le nombre et les titres des évêques qui y ont assisté, qu’il lise l’écrit que nous en avons soigneusement rédigé, à la demande des Saints-Pères qui s’y trouvaient présents, et que nous avons fait déposer dans les archives de la sainte église de Tyr, parmi les autres livres que nous y avons apportés".  Le concile fini, il se mit en route pour la Palestine, avec le comte Henri de Champagne qui s’y rendait suivi d’un nombreux cortège de chevaliers. Mais à Brindes, Guillaume s’en sépara et passa à Constantinople pour y traiter, avec l’empereur Manuel, les affaires, soit du royaume de Jérusalem, soit de sa propre église. Il y demeura sept mois et son séjour fut grandement utile, dit-il, aux intérêts dont il était chargé. De retour en Syrie, il s’acquitta, tant auprès du roi que du patriarche de Jérusalem, de diverses missions qu’il avait reçues de l’empereur, et rentra à Tyr après vingt-deux mois d’absence. 

Ici Guillaume cesse de nous fournir aucun renseignement sur sa vie; son histoire s’arrête en 1183, et, à partir de cette époque, les faits épars que nous recueillons d’ailleurs sur ce qui le concerne sont pleins de contradictions et d’incertitudes. D’après l’un de ses continuateurs dont nous publierons l’ouvrage à la suite du sien, il eut de violents débats avec le patriarche de Jérusalem, Héraclius, dont il avait combattu l’élection et refusait de reconnaître l’autorité. Guillaume se rendit à Rome pour faire juger sa querelle, et il y fut si bien accueilli du pape et des cardinaux qu’Héraclius, craignant que son rival n’obtint sa déposition, envoya secrètement à Rome un de ses médecins avec ordre de l’empoisonner, ce qu’il exécuta. Ce fait, s’il était vrai, ne pourrait guère être placé plus tard que vers l'an 1184; or, on trouve, en 1188, Guillaume, archevêque de Tyr, prêchant la Croisade aux rois de France et d’Angleterre, Philippe-Auguste et Richard Cœur-­de-Lion, sous le fameux ormeau dit de la conférence, entre Gisors et Trie. Tout porte à croire que ce Guillaume est le même que notre historien, et qu’après la prise de Jérusalem par Saladin, il avait passé les mers pour solliciter les secours des princes d’Occident. C’est là, du reste, la dernière trace qu’on rencontre de son existence. Quelques savants ont prétendu qu’il mourut octogénaire à Tyr, en 1219. Mais leur opinion est victorieusement repoussée par une charte de l'an 1193 qui nous apprend qu’un autre prélat occupait alors le siège de Tyr. Guillaume était donc mort à cette époque. Nous n’avons aucune autre donnée qui détermine avec plus de précision le terme de sa vie et nous fasse connaître ses derniers travaux. 

Il avait écrit, nous dit-il lui-même, deux grands ouvrages, entrepris l'un et l’autre à la sollicitation du roi Amaury qui avait fourni à l'historien tous les secours dont il avait pu disposer. Le premier comprenait l’histoire des Arabes, depuis la venue de Mahomet  jusqu’en 1184[4]; livre précieux sans doute, puisque Guillaume avait eu connaissance d’un grand nombre de manuscrits arabes qu’il ne nomme point, mais où il avait dû puiser des renseignements importants. Soit que cet ouvrage ait été perdu, soit qu’il existe encore ignoré dans la poussière de quelque grande bibliothèque, il n’a jamais été publié. Le second est l’histoire des Croisades depuis le temps des successeurs de Mahomet jusqu’à l'an 1183, dont nous donnons ici la traduction. Il est divisé en 23 livres. Dans les quinze premiers qui vont jusqu'en 1142, l’historien raconte des événements qu’il n’avait point vus, mais sur lesquels il avait recueilli les traditions les plus circonstanciées et les plus exactes. Les huit derniers renferment l’histoire de son propre temps. 

Il est difficile de déterminer avec précision à quelle époque Guillaume entreprit ce grand travail. On peut conjecturer cependant que ce fut vers l'an 1169, au moment où le roi Amaury lui confia l’éducation de son fils. Il suspendit et reprit deux fois son ouvrage, interrompu sans doute par les missions dont il fut chargé, soit à Constantinople, soit en Occident. Arrivé à l’époque ou le royaume de Jérusalem penchait vers sa ruine, où chaque événement lui portait un coup qui semblait et qui présageait en effet le coup mortel, une profonde tristesse s’empara de l’historien, et il l'exprime, en commençant son vingt-troisième livre, avec un amer pressentiment de maux plus grands encore que ceux dont il se prépare à parler. Soit que cette tristesse ou des circonstances extérieures l'aient empêché de continuer, le vingt-troisième livre s'arrête au premier chapitre, et l'archevêque de Tyr, qui eut la douleur de voir Jérusalem retomber aux mains des infidèles, s'épargna du moins celle de le raconter.

    C'est avec raison qu'on s'est accordé à lui donner le titre de Prince des historiens des Croisades. Nul n'a décrit avec plus de détails et de vérité, d'une façon à la fois plus simple, plus grave et plus sensée, ces brillantes expéditions, les mœurs des Croisés, les vicissitudes de leur sort, tous les incidents de cette grande aventure. Chrétien sincère et partageant du fond du cœur les croyances et les sentiments qui avaient poussé les Chrétiens à la conquête de la Terre-Sainte, Guillaume raconte leurs triomphes ou leurs revers avec une joie ou une tristesse patriotique; et assez éclairé cependant pour ne point s'abuser sur la marche des événements, il ne dissimule ni les vices ni les fautes des hommes, et les expose avec sincérité, sans jamais croire que la sainteté de la cause chrétienne en soit altérée, en sorte qu'on trouve à la fois dans son livre une conviction ferme et un jugement qui ne manque ni d'impartialité ni de droiture. Son érudition historique et géographique, quoique fort défectueuse, est supérieure a celle des autres écrivains de la même époque; sa crédulité est moins absolue; on reconnaît aisément qu'il n'a pas, comme tant d'autres, passé en pèlerin sur les lieux où les événements se sont accomplis, qu'il a recueilli des récits divers, et juge les faits après avoir assisté à leurs conséquences. On peut dire enfin de lui que, de son temps, nul n'a fait aussi bien, et que son livre est encore, pour nous, celui où l'histoire des Croisades se fait lire avec le plus d'intérêt et de fruit.

Il fut publié, pour la première fois, à Bâle, en 1549, in-folio, par Philibert Poyssenot de Dôle. Henri Pantaléon en donna une nouvelle édition dans la même ville en 1564, et y joignit l'un des continuateurs de Guillaume, Hérold, dont nous parlerons ailleurs. Enfin, Bongars, après en avoir revu le texte sur plusieurs manuscrits, l'inséra dans le tome 2 de ses gesta Dei per Francos. C'est sur cette édition qu'a été faite la traduction que nous publions aujourd'hui. 

En 1573, Gabriel Dupréau en donna à Paris une version française, sous le titre de Franciade orientale; mais cette version, pleine, de fautes et maintenant illisible, n'a jamais obtenu ni mérité aucune estime. Nous avons joint à la notre un assez grand nombre de notes, géographiques surtout, pour faire connaître la position et le nom actuel des principaux lieux dont Guillaume de Tyr fait mention. C'est la partie la plus obscure de l'histoire des Croisades, et malgré nos recherches, nous regrettons de n'avoir pu résoudre toutes les difficultés. 

Nous avons laissé subsister dans le texte les noms orientaux tels que les a écrits l'historien, mais en ayant soin d'indiquer dans de courtes notes, autant du moins que nous l'avons pu et que le permet l'incertitude de l'orthographe, les noms véritables. Nous avons également relevé les principales erreurs de chronologie et d'histoire, non dans le dessein de rectifier pleinement les inexactitudes du récit de Guillaume de Tyr, mail pour faire disparaître les lacunes et les méprises qui en rendraient l'intelligence difficile au lecteur. 

La bibliothèque du roi possède un beau manuscrit de Guillaume de Tyr, et dix-huit exemplaires d'une version française qui mérite d'être consultée. Il en existe également deux traductions italiennes, l'une de Joseph Horologgi, publiée à Venise, in-4°., en 1562; l'autre de Thomas Baglioni, publiée aussi à Venise, in-4°., en 1610, et inférieure, dit-on, à la précédente. Nous regrettons de n'avoir pu nous les procurer.


F. G.


 

[1] C’est le nom que lui donne Meusel dans sa Bibliotheca historica, tom. 2, part. 2, pag. 294. Selon d’autres, c’est Bernard le trésorier. Nous en parlerons en publiant son ouvrage, ainsi que de Jean Hérold, autre continuateur de Guillaume de Tyr.

[2] Dans la Biographie universelle, à l'article Guillaume de Tyr, article rédigé d’ailleurs avec beaucoup d’exactitude et de soin, M. Michaud rapporte à l'an 1167 l’élévation de Guillaume aux fonctions de gouverneur du prince Baudouin. Il ne peut les avoir reçues qu’en 1169, car Baudouin était né en 1160, et Guillaume dit lui-même (liv. 21 ) qu’il avait neuf ans lorsqu'il lui fut confié. On voit d’ailleurs que, de 1167 à 1169, Guillaume fit plusieurs voyages à Constantinople et à Rome, voyages qu’il n’eut guère pu concilier avec l’éducation du jeune prince.

[3] Dans l'article que je viens de citer, M. Michaud place en 1173 l’élévation de Guillaume a l’archevêché de Tyr. Cela ne se peut; Baudouin iv fut couronné le 15 juillet 1173, et Guillaume dit formellement qu’il fut nommé archevêque de Tyr au mois de mai do l’année suivante.

[4] M. Michaud dit que cette histoire s’étendait depuis le règne de Mahomet jusqu’au temps des Croisades. Guillaume dit formellement, dans sa préface, qu’elle allait depuis le temps du séducteur Mahomet jusqu’à la présente année, qui est l'an 1184 de l’incarnation de Notre Seigneur, embrassant ainsi un espace de 570 ans, espace compris en effet, à peu de chose près, entre la date de l’hégire et l’an 1184 de Jésus-Christ.

 

 

 

 

GUILLELMUS TYRENSIS

HISTORIA RERUM GESTARUM  IN PARTIBUS TRANSMARINIS

INCIPIT PROLOGUS.

WILLELMUS, Dei patientia sanctae Tyrensis Ecclesiae minister indignus, venerabilibus in Christo fratribus, ad quos praesens opus pervenerit, aeternam in Domino salutem.

Periculosum esse et grandi plenum alea regum gesta describere, virorum prudentium nemo est qui dubitet. Nam, ut laborem, juge studium, perennes vigilias, quibus hujusmodi solent indigere negotia, penitus omittamus, duplex historiographis certum est imminere praecipitium: quorum vix est, ut alterutrum declinare valeant. Effugientes enim Charybdim, Scyllam incurrunt, quae succincta canibus, non minus novit procurare naufragia. Aut enim rerum gestarum veritatem prosequentes, multorum in se conflabunt invidiam; aut indignationis gratia leniendae, rerum occultabunt seriem in quo certum est non deesse delictum. Nam rerum veritatem studiose praeterire, et occultare de industria, contra eorum officium esse dignoscitur. Ab officio autem cadere, procul omni dubio, culpa est; si tamen vere dicitur officium, congruus actus uniuscujusque personae, secundum mores et instituta patriae. Rerum autem incontaminatam prosequi gestarum seriem, et veritatis regulam non deserere, res est quae indignationem solet saepius excitare, juxta illud quod vetere proverbio dici solet: Obsequium amicos, veritas odium parit.

Aut igitur a suae professionis cadent officio, obsequium praestantes indebitum; aut rei veritatem prosequentes, odium, cujus ipsa mater est, eos oportebit sustinere. Haec nimirum frequentius ita sibi solent adversari, et se mutua importunitate reddere molesta. Nam juxta Ciceronis nostri sententiam: Molesta est veritas, siquidem ex ea nascitur odium, quod est amicitiae venenum; molestius tamen obsequium, quod vitiis indulgens, amicum sinit ire praecipitem: quod in se videtur implere, qui obsequii gratia, contra officii debitum supprimit veritatem.

Nam eorum qui adulationis studio rerum gestarum articulis involvunt impudenter mendacia, tam detestabile factum creditur, ut nec scriptorum numero debeant sociari. Si enim rerum veritatem gestarum occultare secus est, et deficiens a scriptoris officio, multo fortius peccatum reputabitur, mendacii naevum veris immiscere; et quod a vero deficit, credulae pro vero posteritati contradere. Ad haec, nihilominus aeque vel amplius formidabile historiarum scriptoribus solet discrimen occurrere, totis viribus fugiendum; videlicet, ne rerum gestarum dignitas, sermonis ariditate et oratione jejuna sui dispendium patiatur. Verba enim rebus, de quibus agitur, decet esse cognata; nec a materiae nobilioris elegantia, scriptoris linguam degenerare. Unde magnopere cavendum ne amplitudo materiae tractatus debilitate succumbat, et vitio narrationis exeat macilentum vel debile, quod in sui natura pingue solidumque subsistit. Nam, ut ait orator eximius in Tusculanarum primo: Mandare quemquam litteris cogitationes suas, qui eas nec disponere nec illustrare possit, nec delectatione aliqua lectorem allicere, hominis est intemperanter abutentis et litteris et otio. Hoc igitur dilemma et multiplicitatem periculi, in praesenti nobis videmur incidisse.

Nam in opere quod gestamus prae manibus, multa de regum moribus, et vita, et corporum habitudine, sive commendabilia, sive notae subjacentia, prout rerum gestarum series videbatur deposcere, interseruimus; quae eorum posteri relegentes, impatienter fortasse portabunt, et adversus chronographum praeter meritum incandescent; aut invidum aut mendacem reputabunt, quorum utrumque (vivit Dominus) tanquam rem fugimus agere pestilentem. Nam de reliquo jam non licet ambigere; quod ad impar opus impudenter enitimur, et quod ad rerum dignitatem nostra non satis accedit oratio. Nonnihil est tamen quod egimus. Nam et in picturis rudes, et ad artis arcana nondum admissi, luteos primum solent colores substernere, et prima lineamenta designare quibus manus prudentior, fucis nobilioribus decorem consuevit addere consummatum. Primo enim, summo labore jecimus fundamenta, quibus sapientior architectus, observata veritatis regula, quam in nullo deseruimus, egregio tractatu, artificiosa magis poterit superaedificare triclinia.

Inter tot igitur periculorum insidias et anceps discrimen, tutius fuerat quievisse, silendumque erat, et otium calamis indicendum; sed urgentissimus instat amor patriae, pro qua vir bene dispositus etiam (si id necessitatis articulus exigat) vitam tenetur impendere. Instat, inquam, et auctoritate qua praeeminet, imperiose praecipit, ut quae apud se centum pene annorum gesta sunt curriculis, silentio sepulta, non patiamur sentire posse oblivionis incommodum; sed styli exarata diligenter officio, posteritatis memoriae conserventur. Paruimus igitur, et manus dedimus ei, cui nostram non satis honeste negare poteramus operam; non multum attendentes quid de nobis censura sit posteritas; et quid in tam excellente materia exsanguis nostra mereatur oratio. Paruimus sane, utinam tam efficaciter quam libenter; utinam tam commendabiliter quam devote: natalis soli magis tracti dulcedine, quam vires cum assumpto labore compensantes; non ingenii ope freti, sed pii fervore affectus, et charitatis sinceritate.

Accessit praeterea domini Almarici regis (cujus anima sancta requie perfruatur) illustris memoriae, et inclytae in Domino recordationis jussio, non facile negligenda, et instantia multiplex, quae ad id ipsum nos maxime impulit, cujus etiam rogatu, ipso Arabica exemplaria ministrante, aliam Historiam a tempore seductoris Mahumeth, usque in hunc annum, qui est nobis ab Incarnatione Domini 1184, per annos quingentos septuaginta decurrentem conscripsimus: auctorem maxime secuti virum venerabilem Seith, filium Patricii, Alexandrinum patriarcham. In hac vero, nullam aut Graecam, aut Arabicam habentes praeducem scripturam, solis traditionibus instructi, exceptis paucis quae ipsi oculata fide conspeximus, narrationis seriem ordinavimus, exordium sumentes ab exitu virorum fortium, et Deo amabilium principum, qui a regnis Occidentalibus, vocante Domino, egressi, terram promissionis, et pene universam Syriam in manu forti sibi vindicaverunt: et inde usque ad regnum domini Balduini IV, qui in ordine regum, computato domino duce Godefrido, qui primus regnum obtinuit, locum habuit septimum; per annos LXXXIV cum multa diligentia protraximus historiam.

Et, ut ad pleniorem status Orientalium regionis, lectori nihil deesse possit intelligentiam studioso, paucis et succincte praemisimus, quo tempore et quanto, servitutis jugum passa fuerit; quae fuit hoc medio tempore fidelibus in ea degentibus inter infideles conditio, et quae fuerit occasio, ut post tam longa continuae servitutis tempora, Occidentalium principes regnorum ad eorum liberationem exciti, tantum sibi peregrinationis onus assumpserint.

Quod si quis ad nostras occupationes respiciat, quorum multiplicitate fatigamur plurimum; tum circa egregiam et a Deo custoditam Tyrorum metropolim, cui non de meriti electione, sed sola Domini patientia praesidemus; tum circa domini regis negotia, in cujus sacro palatio cancellarii fungimur dignitate; et circa necessitates alias, quae solito majores emergunt: ad indulgendum erit proclivior, si forte in opere praesenti occurrerit, unde justius offendatur. Occupatus enim circa plurima animi motus interior, ad discutienda diligentius singula solet debilior consurgere; et partitus, tantam singulis non potest impendere diligentiam, quantam totus apud se residens, uniformis, consuevit unicis et singularibus aptare studiis. Unde et facilius meretur veniam.

Distinximus autem volumen universum in libros XXIII eorumque singulos certis designavimus capitulis, quo lectori facilius quidquid de articulis historiae sibi viderit necessarium, occurrat: propositum habentes, vita comite, quae deinceps nostris temporibus rerum futurarum depromet varietas, his quae praemisimus addere; et numerum augere librorum, pro quantitate occurrentis materiae.

Certum porro tenemus, nec nos haec fallit opinio, quod nostrae imperitiae testem producimus opus praesens. Et qui latere possumus silentes, nostrum scribendo prodimus defectum, dum officium, charitatis amplectimur; magis tamen volumus absque ea quae inflat inveniri, quam ea quae aedificat carere. Nam sine illa plures ingressi ad nuptias, mensa regis inventi sunt digni; qui autem sine hac inventus est inter convivas, audire meruit: Quomodo hoc intrasti non habens vestem nuptialem? quod ne nobis accidat, avertat qui solus potest, miserator et misericors Dominus.

Scientes tamen, quoniam multiloquio non solet deesse peccatum; et miseri hominis lingua in lubrico posita, poenam facile meretur, invitamus fraterne, et exhortamur in Domino nostrum lectorem, ut cum justum reprehensionis locum invenerit, charitate media, utatur ea licenter, et de nostra correctione, sibi acquirat aeternae vitae praemium: memorque nostri in suis orationibus impetret apud Dominum, ut quidquid in opere praesenti deliquimus, nobis non imputet ad mortem, sed de gratuita bonitate et inolita pietate clementer indulgeat Salvator mundi, cujus tribunal nos miseri et inutiles in domo ejus servi, accusantem supra modum verentes conscientiam, non immerito formidamus.

 

PREFACE

DE

GUILLAUME DE TYR

Qu'il soit périlleux et grandement difficile de raconter les actions des rois, c'est ce dont aucun homme sage ne peut douter. Sans parler des travaux, des recherches, des longues veilles  qu'exige une telle entreprise, les historiens marchent entre deux précipices, et ils ont grande peine à éviter l'un ou l'autre. S'ils veulent fuir Charybde ils tombent dans Scylla, qui, avec sa ceinture de chiens, n'est pas moins féconde en naufrages. Ou ils recherchent en effet la vérité sur tous les événements, et alors ils soulèvent contre eux la haine de beaucoup de gens; ou, pour échapper à toute colère, ils dissimulent une partie de ce qui s'est passé; et c'est là bien certainement un grave délit, car on sait que rien n'est plus contraire à leur office que de passer artificieusement sous silence et de cacher à dessein ce qui est vrai; or, manquer à son office, c'est à coup sûr une faute, puisque l'office de chacun c'est la conduite qui lui convient, selon sa situation, les mœurs et les lois de sa patrie. 

Mais, en revanche, rapporter sans aucune altération tout ce qui s'est fait et ne jamais s'écarter de la vérité, c'est une chose qui excite communément la colère, selon ce vieux proverbe: « La complaisance procure des amis, et la vérité enfante la haine. » 

Ainsi, ou les historiens manqueront au devoir de leur profession en montrant une complaisance illégitime; ou, s'ils demeurent fidèles à la vérité, ils auront à supporter la haine dont elle est la mère; ce sont là les deux périls qu'ils encourent et qui les travaillent tour â tour péniblement. Notre Cicéron dit en effet: « La vérité est fâcheuse, car elle enfante souvent la haine, ce poison de l'amitié; mais la complaisance est plus fâcheuse encore, car, par notre indulgence pour les vices d'un ami, nous le laissons courir à sa ruine ». Paroles qui se rapportent évidemment à celui qui, par complaisance et contre son devoir, passe sous silence la vérité. 

Quant à ceux qui par flatterie mêlent impudemment des mensonges à leurs récits, c'est, comme on sait, une action si détestable qu'ils ne méritent pas d'être comptés au nombre des historiens; si l'omission de la vérité est en effet une faute contraire au devoir de l'historien, combien plus grave sera le péché de mêler le faux au vrai et de transmettre à la postérité crédule le mensonge au lieu de la vérité? 

Il est encore un autre écueil, autant et peut-être même plus redoutable, que les historiens doivent fuir de tout leur pouvoir; c'est que la dignité des actions ne soit obscurcie et abaissée par la sécheresse du langage et la pauvreté du récit; les paroles doivent convenir aux choses dont il s'agit, et il ne faut pas que le langage de l'écrivain demeure au dessous de la noblesse du sujet. Il faut donc prendre bien garde que la grandeur du sujet ne disparaisse par suite de la faiblesse de l'ouvrier, et que des faits grands et importants en eux-mêmes ne deviennent petits et misérables par le vice de la narration; car, ainsi que le dit l'illustre orateur dans le premier livre de ses Tusculanes: « Confier à l'écriture ses pensées quand on ne sait ni les bien disposer, ni les présenter avec éclat, ni attirer le lecteur par le charme de la parole, c'est la conduite d'un homme qui abuse follement des lettres et de son loisir. » 

Nous nous sommes trouvé dans le présent ouvrage particulièrement exposé à ces périls nombreux et contradictoires; nous y avons rapporté en effet, sur le caractère, la vie et les habitudes des rois, et à mesure que la série des événements nous a paru l'exiger, beaucoup de choses soit louables, soit blâmables, que leurs descendants liront peut-être avec humeur, et ils s'irriteront injustement contre l'historien, ou le jugeront menteur et haineux, vice que, Dieu le sait, nous nous sommes efforcé d'éviter comme une peste fatale. Nous ne saurions nier, d'ailleurs, que nous avons audacieusement entrepris un ouvrage au dessus de nos forces, et que notre langage n'est point au niveau de la grandeur des événements; ce que nous avons fait est pourtant quelque chose. De même, en effet, que les hommes peu exercés à peindre, et qui ignorent les secrets de l'art, ont coutume de tracer seulement les premiers linéaments du tableau, et de n'y mettre que des couleurs ternes auxquelles une main plus habile vient ensuite ajouter l'éclat et la beauté, de même nous avons posé avec grand soin, et en observant scrupuleusement la vérité, des fondements sur lesquels un plus savant architecte pourra élever avec art un bel et grand édifice. 

Parmi tant de difficultés et de périls, il eût été plus sûr de demeurer en repos, de nous taire et de laisser notre plume oisive; mais l'amour de la patrie nous pressait, de la patrie pour laquelle un homme de bien, si la nécessité l'exige, est tenu de donner sa vie. Cet amour nous commandait, avec l'autorité qui lui appartient, de ne pas laisser ensevelir dans le silence et tomber dans l'oubli les choses qui se sont passées autour de nous durant un espace d'environ cent ans, de les raconter avec soin et d'en conserver le souvenir pour la postérité; nous avons donc obéi et avons mis la main à une œuvre que nous ne pouvions honnêtement refuser,  nous inquiétant peu de ce que la postérité pensera de nous, et de l'éloge ou du blâme que, dans un si brillant sujet, pourra mériter notre récit; nous avons obéi; et plaise à Dieu que ce soit avec autant de succès que de zèle, avec autant de mérite que de dévouement ! Nous avons cédé au doux plaisir de parler de notre terre natale, bien plutôt que nous n'avons mesuré nos forces avec le travail que nous entreprenions, nous confiant non dans notre génie, mais dans la ferveur et la sincérité de nos sentiments. 

A ces motifs sont venus s'ajouter les ordres du seigneur roi Amaury, d'illustre et pieuse mémoire, dont puisse l'âme jouir du repos éternel ! Ce sont ses instances répétées qui nous ont surtout déterminé à cette entreprise. C'est aussi à sa demande et à l'aide des écrits arabes qu'il nous a fournis, que nous avons composé une autre histoire depuis le temps du séducteur Mahomet jusqu'à cette année qui est la 1184e depuis l'incarnation de N. S., ouvrage qui comprend un espace de 570 ans et dans lequel nous avons principalement suivi pour guide le vénérable Seith (01), patriarche d'Alexandrie. Quant à l'histoire dont il s'agit ici, n'ayant pour nous guider aucun ouvrage grec ni arabe, et instruit seulement par les traditions, à l'exception de quelques événements que nous avons vus de nos propres yeux, nous avons commencé notre récit au moment du départ des vaillants guerriers et des princes chéris de Dieu, qui, sortant à la voix du seigneur des royaumes d'Occident, se sont emparés, le glaive à la main, de la Terre-Promise et de presque toute la Syrie. Nous avons continué avec grand soin notre histoire depuis cette époque jusqu'au règne du seigneur Baudouin 4e, qui, en comptant le seigneur duc Godefroi, premier possesseur du royaume de Jérusalem, est monté le septième sur le trône, ce qui fait un espace de 84 ans. 

Afin que rien ne manque au lecteur curieux pour la pleine connaissance de l'état des pays d'Orient, nous avons exposé d'abord et en peu de mots à quelle époque et combien durement ces contrées ont subi le joug de la servitude; quelle fut alors, au milieu des infidèles, la condition des fidèles qui les habitaient, et à quelle occasion, après un si long esclavage, les princes des royaumes d'Occident, s'armant pour, leur délivrance, entreprirent ce pèlerinage lointain et laborieux. 

Que si le lecteur considère nos travaux, et combien ils pèsent sur nous en grand nombre, soit pour l'illustre métropole de Tyr dont nous occupons le siège, non à cause de notre mérite, mais par la seule grâce du Seigneur, soit pour les affaires du seigneur roi, dans le palais duquel nous remplissons les fonctions de chancelier, soit pourtant d'autres nécessités qui chaque jour s'élèvent plus pressantes que de coutume, il sera porté à l'indulgence s'il rencontre dans le présent ouvrage quelque faute dont il ait droit de s'offenser. L'esprit occupé d'un si grand nombre d'objets devient plus lent et plus faible dans l'examen de chacun en particulier, et, se partageant entre tous, il ne peut donner à chacun autant de soin qu'il le ferait s'il recueillait toutes ses forces vers un seul but et se dévouait tout entier à une seule étude. A ce titre, nous obtiendrons plus facilement l'indulgence. 

Nous avons divisé cet ouvrage en vingt-trois livres et chaque livre en un certain nombre de chapitres, afin que le lecteur trouve plus facilement ce qu'il jugera à propos de chercher dans les diverses parties de notre histoire. Nous avons dessein, si Dieu nous donne vie, d'ajouter à ce que nous avons déjà écrit le récit des faits qu'amèneront de notre temps les vicissitudes de l'avenir, et d'augmenter le nombre des livres selon que l'exigera le sujet. 

Nous tenons pour assuré et sommes bien certain de ne pas nous tromper en ceci que nous produisons dans cet ouvrage un témoin de notre impéritie; nous révélons en écrivant une faiblesse que nous aurions pu cacher en gardant le silence; mais nous nous acquittons d'un devoir de charité et nous aimons mieux qu'on nous trouve dépourvu de la science qui enorgueillit que de la charité qui édifie. Plusieurs qui ont manqué de la première n'ont pas laissé d'être admis au festin et jugés dignes de s'asseoir à la table du roi; mais celui qui, sans posséder la seconde, s'est rencontré au milieu des convives, a mérité qu'on lui adressât ces paroles: « Comment êtes-vous entré en ce lieu sans avoir la robe nuptiale  (02) ?» Que le Seigneur miséricordieux écarte de nous ce mal, car lui seul le peut! 

Sachant néanmoins que les longs discours ne «seront point exempts de péché (03), et que la langue des misérables mortels, toujours en péril d'erreur, devient aisément coupable, nous invitons fraternellement et exhortons pieusement notre lecteur, s'il trouve dans cet ouvrage un juste sujet de blâme, de ne s'y livrer qu'avec mesure et charité, afin qu'en nous reprenant, il acquière lui-même des droits à la vie éternelle. Qu'il se souvienne de nous dans ses prières et obtienne du Seigneur que toutes les fautes qu'ici nous pourrons avoir commises ne nous soient pas imputées à mort; que bien plutôt le Sauveur du monde, dans son inépuisable et gratuite bonté, nous accorde sa clémence; misérable et inutile serviteur dans sa maison, nous nous courbons avec respect à la voix d'une conscience qui nous accuse, et redoutons avec grande raison son tribunal. 


 

 LIBER PRIMUS.

CAPUT PRIMUM. Quod tempore Heraclii Augusti, Homar filius Catab, tertius post Mahumeth, dux Arphum, universam occupavit Syriam.

Tradunt veteres historiae, et id ipsum etiam habent Orientalium traditiones, quod tempore quo Heraclius Augustus Romanum administrabat imperium, Mahumeth primogeniti Satanae (qui se prophetam a Domino missum mentiendo, Orientalium regiones, et maxime Arabiam seduxerat) ita invaluerat doctrina pestilens, et disseminatus languor ita universas occupaverat provincias, ut ejus successores jam non exhortationibus vel praedicatione, sed gladiis et violentia in suum errorem populos descendere compellerent invitos. Cum enim praedictus Augustus, victor reversus de Perside (unde crucem Domini cum gloria reportaverat) adhuc in Syria moram faceret, et per Modestum, virum venerabilem, quem Hierosolymis ordinaverat episcopum, ecclesiarum ruinas, quas Cosroe, Persarum satrapa nequissimus hostiliter dejecerat, in priorem statum, datis sumptibus necessariis, reformari praecepisset. Homar, filius Catab, a praedicto seductore tertius, erroris et regni successor, cum infinitis Arabum copiis, egregiam Palaestinorum urbem Gazam jam occupaverat violenter. Unde postmodum Damascenorum fines cum suis legionibus et infinita multitudine, quam secum trahebat, ingressus, Damascum expugnaverat, praedicto imperatore adhuc in Cilicia rei exitum exspectante. Quod cum ei nuntiaretur quod Arabes in tantam elati superbiam, et e sua multitudine praesumentes, Romanorum fines invadere, et eorum urbes sibi vindicare non vererentur, videns quod ei vires non suppeterent ad occurrendum tantae multitudini, et ut eorum comprimeret insolentiam, maluit ad propria sospes redire, quam viribus imparibus, bellorum se dubiis committere casibus. Sic ergo eo discedente, qui afflictis civibus tenebatur patrocinium ministrare, Arabum invaluit violentia, ita ut subito et infra tempus modicum, a Laodicia Syriae usque in Aegyptum, universas occupaverint regiones. Quis autem fuerit praedictus Mahumeth, et unde, et quomodo ad hanc proruperit insaniam, ut se prophetam mentiri et a Deo missum dicere praesumeret; cujus porro vitae et conversationis; quandiu regnaverit, et ubi; et quos demum habuerit successores; et quomodo pene orbem universum pestiferis ejus repleverint dogmatibus, qui eum in eodem errore secuti sunt, alibi disseruimus diligenter, sicut ex subsequentibus datur intelligi manifeste.

 

HISTOIRE DES CROISADES

LIVRE PREMIER.

CHAPITRE I.

On lit dans les histoires anciennes, et les traditions des Orientaux rapportent également, qu'au temps où l'empereur Héraclius gouvernait l'Empire romain, la doctrine empestée de Mahomet, ce premier-né de Satan, qui s'était dit faussement prophète envoyé par le Seigneur, et avait séduit les contrées de l'Orient et principalement de l'Arabie, s'était déjà répandue de tous côtés: en même temps toutes les provinces de l'Empire étaient tombées dans un tel état de langueur et de faiblesse que les successeurs de Mahomet, renonçant aux exhortations et à la prédication, n'employaient plus que le fer et la violence pour imposer aux peuples leurs erreurs. L'empereur Héraclius, revenant victorieux de son expédition en Perse et rapportant en triomphe la croix du Seigneur, s'était arrêté en Syrie: il avait ordonné à Modeste, homme vénérable qu'il venait de nommer évêque de Jérusalem, de faire relever les églises que le méchant satrape de Perse, Cosdroé (04), avait renversées, et s'était chargé de pourvoir à toutes les dépenses de leur restauration. Omar, fils de Catab, troisième successeur du séducteur Mahomet, héritier de ses erreurs et de son royaume, et suivi de troupes innombrables d'Arabes, avait déjà occupé de vive force la belle ville de Gaza en Palestine. De là, ayant franchi les frontières du pays de Damas, avec ses légions et la multitude de peuple qu'il traînait à sa suite, il avait mis le siège devant Damas, tandis que l'empereur attendait encore en Cilicie l'issue de cette entreprise. Lorsqu'on annonça à celui-ci que les Arabes, enflés d'orgueil et se confiant en leur nombre, ne craignaient pas même d'envahir les frontières de l'Empire et de s'emparer des villes qui lui appartenaient, l'empereur reconnaissant qu'il n'avait point assez de troupes pour s'opposer à de si nombreuses bandes et réprimer leur insolence, prit le parti de se retirer en sûreté chez lui, pour ne pas se livrer aux chances incertaines de la guerre, avec des forces aussi disproportionnées. Celui qui était tenu de prêter son assistance aux citoyens affligés s'étant ainsi retiré, la violence des Arabes ne fît que s'accroître et en peu de temps ils occupèrent tous les pays qui s'étendent depuis Laodicée de Syrie jusqu'en Egypte. J'ai exposé avec soin dans un autre écrit ce qu'avait été ce Mahomet, d'où il était, et comment il en était venu à ce degré de folie de se dire faussement prophète, et d'oser s'annoncer pour envoyé de Dieu ; j'ai dit quelles furent sa vie et ses paroles, combien de temps il avait régné et en quels lieux, et enfin quels avaient été ses successeurs ; j'ai raconté aussi comment ils avaient infecté le monde presque entier de sa doctrine, et quels étaient ceux qui l'avaient adoptée; la suite du présent ouvrage servira à prouver encore mieux tout ce que j'ai rapporté ailleurs.

 

CAPUT II.

Quae fuit occasio, quod ita subito Orientem occupavit; et quod idem Hierosolymam veniens, templum Domini reaedificari praecepit.

Cooperabatur sane ad eorum propositum, quod paucis ante annis praedictus Cosroe, eamdem Syriam violenter ingressus, urbes dejecerat, concenderat suburbana; et ecclesias subvertens, populum captivaverat; et, Urbe sancta effracta, hostiliter in ea triginta sex civium millia gladio perimens, crucem Dominicam et loci ejusdem episcopum Zachariam, cum residuo populi tam urbis quam regionis universae secum transtulit in Persidem. Hic enim rex Persarum potentissimus, domini Mauritii Augusti (cujus adeo familiaris fuit beatus papa Gregorius, ut unum de liberis ejus de sacro fonte susciperet) filiam nomine Mariam in uxorem duxit; cujus gratia conjugii, lavacrum regenerationis adeptus est, fuitque Romanorum amicissimus, quandiu praedictus vixit imperator. Quo demum a Phoca Caesare, qui eidem postmodum in imperio successit, proditiose interfecto, abominatus eorum perfidiam, qui tam nefarium hominem, et adhuc domini sui caede cruentatum, super se regnare passi fuerant, quasi occultae societatis reos et illius sceleris habentes conscientiam: imperii fines violenter ingressus est, in res eorum violenter desaeviens, soceri necem, uxore stimulante, ultum iri desiderans: subactisque caeteris regionibus, quae Romanorum suberant ditioni, novissime Syriam, ut praemisimus, obtinuit, populis ejus aut peremptis gladio, aut secum in Persidem deductis.

Ingressi ergo Arabes, terram habitationibus reperientes vacuam, majorem subjiciendi eam sibi repererunt opportunitatem. Sic ergo urbem Deo amabilem, Hierosolymam videlicet, paribus calamitatibus involutam comprehendentes, populo, qui in ea orat modico, ut eis factus tributarius extremis conditionibus deserviret, pepercerunt, permittentes eis suum habere episcopum et ecclesiam, quae, ut praedictum est, dejecta fuerat, reparare, et religionem libere conservare Christianam.

Dum autem in eadem civitate princeps supra nominatus moram faceret, coepit diligenter a civibus percunctari, et maxime a viro venerabili Sophronio, ejusdem loci episcopo (qui Modesto piae memoriae jam defuncto successerat) ubinam esset locus in quo templum Domini fuerat, quod a Tito Romano principe, cum ipsa urbe dirutum fuisse legitur: qui ostendentes ei locum designaverunt, aliqua vetusti operis exstantia vestigia demonstrantes, ubi sumptibus qui sufficere possent ad impensam designatis et convocatis artificibus, subjecta pro votis materia tam ex marmorum diversitate quam ex lignorum differentia multiplici, templum aedificari praecepit. Quo postea infra modicum tempus, juxta conceptum mentis feliciter consummato, quale hodie Hierosolymis esse dignoscitur, multis et infinitis ditavit possessionibus, unde suppeterent facultates ad habenda perpetuo ejusdem sarta tecta, et vetera renovanda, et continenda luminaria per manum eorum qui in eodem templo deservirent. Quae autem sit illius forma, et quae operis elegantia, quoniam pene omnibus notum est, non est praesentis tractare negotii. Exstant porro in eodem templi aedificio, intus et extra, ex opere Musaico, Arabici idiomatis litterarum vetustissima monumenta, quae illius temporis esse creduntur: quibus et auctor, et impensarum quantitas, et quo tempore opus incoeptum, quoque consummatum fuerit, evidenter declaratur.

 

CHAPITRE II.

 D'autres événements avaient concouru au succès des entreprises de ces peuples. Peu d'années auparavant, le même Cosdroé, dont je viens de parler, était entré à main armée en Syrie, renversant les villes, portant le fer et le feu dans les campagnes, détruisant les églises et réduisant les peuples en captivité: les portes de la ville sainte avaient été brisées, trente-six mille citoyens y avaient péri sous le glaive de l'ennemi qui, en se retirant, avait transporté en Perse la croix du Seigneur et emmené l'évêque Zacharie, suivi des débris de toute la population, tant de la cité que de tout le pays environnant. Ce très puissant roi de Perse épousa Marie fille de l'empereur Maurice (avec lequel le bienheureux pape Grégoire était tellement lié qu'il tint un de ses enfants sur les fonts de baptême): en faveur de ce mariage, le roi reçut le sacrement de régénération et demeura ami intime des Romains, tant que vécut l'empereur son beau père. Celui-ci ayant été traîtreusement assassiné par le César Phocas, qui lui succéda dans l'Empire, le roi des Perses ayant en horreur la perfidie de ceux qui souffraient la domination d'un homme si criminel, encore couvert du sang de son maître, s'avouant ainsi en quelque sorte coupables avec lui d'une alliance secrète, et se sentant complices de son forfait, médita, à l'instigation de sa femme, de venger la mort de son beau-père; il entra à main armée sur le territoire de l'Empire, et répandit partout ses fureurs: après avoir subjugué les autres contrées soumises à la domination romaine, il occupa enfin la Syrie, ainsi que nous l'avons dit plus haut, et détruisit la population soit par le fer, soit en emmenant de nombreux captifs en Perse.

Les Arabes entrés en Syrie et la trouvant dépeuplée, saisirent cette facile occasion de s'en rendre maîtres. La ville chérie de Dieu, Jérusalem, fut en proie aux mêmes calamités [05]; ils épargnèrent la faible population qui s'y trouvait encore, pour la rendre tributaire à des conditions très onéreuses, et lui permirent d'avoir son évêque, de rebâtir l'église qui avait été renversée, et de continuer à pratiquer librement la religion chrétienne.

L'empereur Héraclius, lorsqu'il s'arrêta dans cette ville, ainsi que je l'ai rapporté, s'informa avec grand soin auprès de tous les citoyens, et en particulier auprès d'un homme vénérable, Sophronius, alors évêque (qui venait de succéder à Modeste de pieuse mémoire), du lieu même où avait été le temple du Seigneur, que le prince romain Titus avait détruit en même temps que la ville. On lui en fit voir l'emplacement, où l'on reconnaissait encore quelques vestiges de cet antique monument: l'empereur en ordonna la reconstruction et assigna des fonds suffisants pour la dépense [06]; on convoqua des ouvriers, on rassembla une grande quantité de matériaux, des marbres et des bois de toute espèce. Cet ouvrage fut heureusement terminé en peu de temps, selon les intentions du fondateur, et tel qu'on le voit encore aujourd'hui à Jérusalem: l'empereur le dota d'un nombre infini de possessions, afin que ceux qui seraient chargés du service du temple eussent toutes les ressources convenables pour conserver à perpétuité les toitures dans le même état, pour renouveler tout ce qui viendrait à vieillir, et pour entretenir les luminaires. Presque tout le monde sait quelle est la forme de ce temple, on connaît l'élégance du travail, en sorte qu'il n'est pas nécessaire que j'en parle en détail. On trouve encore dans cet édifice, intérieurement et au dehors, des monuments très anciens, en lettres de l'idiome arabe, à la façon des mosaïques, et l'on croit que ces monuments remontent à l'époque de la construction: ils font connaître avec certitude quel en fut l'auteur, quelles sommes on y dépensa, en quelle année commença le travail et en quelle année il fut terminé.

CAPUT III.

Quanto tempore sub alternis dominiis Syria jugum passa est servitutis: et quomodo fidelibus, qui sub infidelium ditione degebant, utilis fuit amicitia magnifici imperatoris Caroli, cum Aarum rege Persarum contracta.

Sic igitur civitate Deo amabili et sacrosancta, peccatis nostris exigentibus, infidelium subjecta hostium ditioni, jugum indebitae servitutis continuis passa est laboribus per annos quadringentos nonaginta; conditionibus tamen alternis. Nam frequenti rerum mutatione, dominos mutavit frequentius; secundum quorum dispositionem, plerumque lucida, plerumque nubila recepit intervalla; et aegrotantis more, temporum praesentium, gravabatur aut respirabat qualitate. Plenius tamen convalescere non poterat, quae infidelium principum et populi sine Deo, dominatione premebatur violenta.

Diebus tamen illius admirabilis et praedicandi viri, Aarum videlicet, qui cognominatus est Ressith, qui universo praefuit Orienti (cujus liberalitatem et urbanitatem praecipuam, et mores singulariter commendabiles, universus etiam usque hodie Oriens admiratur, et praeconiis attollit immortalibus) interventu piissimi et immortalis memoriae viri, domini videlicet imperatoris Caroli (qui mutuam, intercurrentibus nuntiis frequentibus, inter se gratiam et mirabili subnixam foedere, conciliaverant), plebi Dei tranquillitas praestita est, et favor principis clementer indultus ad multam consolationem; ita ut magis sub imperatore Carolo, quam sub dicto principe degere viderentur. De quo ita legitur in Vita praedicti viri gloriosi: Cum Aarum, rege Persarum, qui, excepta India, totum pene Orientem tenebat, talem habuit in amicitia concordiam, ut is gratiam ejus, omnium qui in toto orbe terrarum erant regum ac principum amicitiae praeponeret, solumque illum honore ac magnificentia sibi colendum judicaret. Ac proinde cum legati ejus, quos cum donariis ad sacratissimum Domini ac Salvatoris nostri sepulcrum locumque resurrectionis miserat, ad eum venissent, et ei domini sui voluntatem indicassent, non solum quae petebantur fieri permisit, sed etiam sacrum illum et salutarem locum, ut illius potestati ascriberetur, concessit, et revertentibus legatis suos adjungens, inter vestes et aromata, et caeteras Orientalium terrarum opes, ingentia illi dona direxit: cum ei ante annos paucos, eum quem tunc solum habebat, roganti mitteret elephantem.

Nec solum iis qui Hierosolymis habitabant sub infidelium potestate fidelibus, verum et iis qui in Aegypto et in Africa sub impietate degebant Sarracenorum, suarum largitionum frequenter dirigebat solatia, et pietatis opera porrigebat; sicut in ejus Vita legitur, quae habet ita: Circa pauperes sustentandos, et gratuitam liberalitatem (quam Graeci eleemosynam vocant) devotissimus, ut non in patria solum et in regno suo id facere curaverit, verum trans maria, in Syria et Aegypto atque Africa, Hierosolymis, Alexandriae atque Carthagini, ubi Christianos in paupertate vivere compererat, penuriae eorum compatiens, pecuniam mittere solebat. Ob hoc maxime transmarinorum regum amicitias expetens, ut Christianis sub eorum dominatu degentibus, refrigerium aliquod ac relevatio proveniret.

Quod autem et quantis rerum, temporum et dominiorum variis permutationibus hoc medio tempore flagellata fuerit, tam praedicta Dei cultrix civitas quam universa ei adjacens regio, si quis scire desiderat, eam relegat historiam, quam nos De gestis Orientalium principum, a tempore praedicti seductoris Mahumeth usque in hunc praesentem diem, qui est nobis ab Incarnatione Domini 1182, per annos quingentos septuaginta seriem rerum complexam, cum multo labore confecimus.

CHAPITRE III.

La ville agréable et spécialement consacrée à Dieu se trouvant ainsi, en expiation de nos péchés, soumise à la domination des infidèles, subit pendant quatre cent quatre-vingt-dix ans le joug d'une injuste servitude, et fut travaillée de souffrances continuelles, cependant avec de grandes vicissitudes. Elle changea fréquemment de maîtres, par suite de l'extrême mobilité des événements; suivant les dispositions de chacun d'eux, elle eut quelquefois des intervalles lucides, d'autres fois des jours chargés de nuages, et, comme un malade, elle était oppressée ou respirait plus librement, selon l'état du temps. Il était impossible qu’elle ne se relevât jamais complètement, tant qu'elle avait à gémir sous la domination violente des princes infidèles et d'un peuple qui n'avait pas de Dieu.

La nation du Seigneur recouvra cependant la tranquillité du vivant de cet homme admirable et digne de louanges, Haroun, surnommé Raschid, qui gouverna tout l'Orient [07], dont aujourd'hui encore tout l'Orient admire la libéralité, l'extrême douceur, les mœurs singulièrement recommandables, et qu'il célèbre par des éloges immortels. Ces bons traitements étaient dus à l'intervention d'un homme très pieux et d'immortelle mémoire, l'empereur Charles. Ces deux souverains s'adressaient mutuellement de fréquents messages; ils vécurent constamment en bonne intelligence, et consolidèrent leur amitié par un traité admirable. Cette faveur de leur prince fut pour les habitants de Jérusalem une source de grandes consolations, si bien qu'on eût dit qu'ils vivaient sous la domination de l'empereur Charles; plus que sous celle de leur souverain. Voici ce qu'on lit dans la vie glorieuse de cet homme [08]: « Il fut lié d'une amitié si intime avec Haroun, roi des Perses, qui gouvernait tout l'Orient, à l'exception de l'Inde, que celui-ci préférait ses bonnes grâces à la bienveillance de tous les rois et princes du monde, et le jugeait seul digne de ses respects et des actes de sa munificence. Aussi, lorsque les ambassadeurs que Charles avait envoyés avec des présents au sépulcre très sacré de Notre-Seigneur et Sauveur, et au lieu même de la résurrection, furent arrivés chez Haroun, et lui eurent fait part du désir de leur maître, non seulement il permit de faire ce qu'on lui demandait, mais même il voulut que le lieu sacré, berceau du salut, fût placé sous l'autorité de Charles: lorsque les ambassadeurs repartirent, Haroun leur adjoignit les siens, et envoya à Charles de superbes présents en vêtements, en aromates et en toutes les richesses que produit la terre de l'Orient. Peu d'années avant, il lui avait envoyé un éléphant, que Charles lui avait demandé, le seul qu'il eût en ce moment.

Charles consolait fréquemment par ses largesses et par ses couvres pieuses non seulement ceux des fidèles qui vivaient à Jérusalem sous la domination des infidèles, mais encore ceux qui, en Égypte et en Afrique, étaient soumis aux impies Sarrasins. On lit dans sa vie le passage suivant: « Plein de zèle pour le soulagement des pauvres, il prenait soin de répandre ses libéralités, que les Grecs ont appelées (aumônes), non seulement dans sa patrie et dans son royaume, mais encore au-delà des mers, en Syrie, en Égypte, en Afrique, à Jérusalem, à Alexandrie, à Carthage; partout où il parvenait à découvrir des Chrétiens vivant dans la pauvreté, il prenait compassion de leurs maux, et leur envoyait souvent de l'argent. Il recherchait l'amitié des rois d'outre-mer, surtout dans l'intention que les Chrétiens soumis à leur domination pussent obtenir quelque soulagement et quelques secours [09] ».

Ceux qui désireront connaître avec plus de détail tout ce que la ville de Dieu et la contrée environnante eurent à souffrir durant cette période intermédiaire, et Par suite des nombreuses vicissitudes de temps, d'événements et de dominations, n'ont qu'à lire l'histoire que nous avons écrite, après bien des soins et des fatigues, sur les faits et gestes des princes de l'Orient, depuis la venue de Mahomet jusqu'au temps actuel, l'an 1182 de l'incarnation de N. S. Cette histoire embrasse une période de 570 ans.

CAPUT IV

Quomodo in potestatem devenit Aegyptii caliphae, et quomodo Heque nequissimo regnante, servitutis jugum super fideles factum sit intolerabilius; et de ruina ecclesiae Hierosolymitanae.

Porro per idem tempus inter Aegyptios et Persas aemula nimis et pertinax erat de monarchia contentio. Ministrabat autem odiorum fomitem et incentivum majus, contradictoriarum observantia traditionum, qua usque hodie uterque populus contentionibus reciprocis sacrilegos se appellant, sibi non communicantes invicem, ita ut etiam nominibus velint habere differentiam. Qui enim Orientalium superstitionem sequuntur, lingua eorum Sunni dicuntur; qui vero Aegyptiorum traditiones praeferunt, appellantur Siha, qui nostrae fidei magis consentire videntur. Quae autem sit inter eos erroris differentia, non est praesentis temporis edocere.

Tandem vero Aegyptiorum regno invalescente, et usque Antiochiam provincias et regiones occupante, cum caeteris in ejus Urbs sancta, legibus communibus, descendit potestatem. Sub quo principatu (sicuti captivis solent aliquando tempora indulgentiora concedi) a suis anxietatibus coepit aliquantulum esse remissius, quousque consummata hominum nequitia exigente, eidem regno Hequen calipha praefectus est. Hic et praedecessorum suorum et successorum pariter longe vincens malitiam, factus est posteris et ejus insaniam legentibus solemnis fabula. Adeo enim in omni impietate et nequitia singularis exstitit, ut ejus vita Deo et hominibus odibilis speciales exigat tractatus. Hic inter caetera, quae perniciosa plurima praeceperat, ecclesiam Dominicae Resurrectionis (quae per venerabilem virum Maximum, ejusdem loci episcopum, praecipiente domino Constantino Augusto aedificata fuerat, postea per reverendissimum Modestum tempore domini Heraclii reparata) funditus dejici mandavit. Cujus praecepti rescriptum quidam ejus procurator, praeses videlicet Ramulensis, Hyaroe nomine, ad se directum suscipiens, praedicta ecclesia usque ad solum diruta, jussionem regiam effectui mancipavit. Praeerat vero ea tempestate eidem ecclesiae vir venerabilis Orestus nomine, ejusdem nequissimi regis avunculus, matris ejusdem frater. Hoc autem ideo fecisse dicitur, ut suae perfidiae populis infidelibus daret argumentum. Objiciebatur enim ei Christianitatis titulus, eo quod ex matre Christiana natus esset; quam quasi crimen a se volens depellere, praedictum facinus ausus est perpetrare, nihil arbitratus superesse calumniae, quod in ejus personam impingi posset, quodque ejus aemulis pateret ad morsum, ex quo religionis fontem Christianae, fidei catholicae cunabula dejecisset.

CHAPITRE IV.

Durant ce temps, les Égyptiens et les perses soutinrent avec acharnement une longue querelle de rivalité et de puissance; leurs haines mutuelles étaient entretenues et animées par l'attachement de chacun de ces peuples à des traditions contradictoires. Aujourd'hui encore, par suite de ces croyances diverses, chacun des deux traite l'autre de sacrilège; ils n'ont aucune relation entre eux, et vont jusqu'à vouloir aussi être distingués par des noms divers. Ceux qui suivent la superstition des Orientaux s'appellent dans leur langue sunni; ceux qui préfèrent les traditions des Égyptiens se nomment siha, et ceux-ci paraissent s'accorder mieux avec notre foi. Il serait hors de notre sujet d'exposer leurs différentes erreurs [10].

Avec le temps, le royaume d'Égypte s'étant fort accru, et ayant enfin occupé les provinces et toutes les contrées qui s'étendent jusqu'à Antioche, la ville sainte tomba aussi en son pouvoir, et fût soumise à la loi commune. Elle commença, sous ce nouveau gouvernement, à respirer un peu de ses longues angoisses, comme il arrive parfois aux captifs de trouver quelque adoucissement à leur sort. Mais enfin la méchanceté toujours croissante des hommes appela le règne du calife Hakem en Égypte [11]. Il se montra beaucoup plus pervers que tous ses prédécesseurs et ses successeurs, et il est devenu un objet de scandale pour tous ceux qui ont pu lire l'histoire de ses folies. Son impiété et sa méchanceté l'ont tellement distingué entre tous les autres, que sa vie, également odieuse à Dieu et aux hommes, ne pourrait être racontée que dans un ouvrage tout particulier. Entre plusieurs ordres également funestes qu'il fit exécuter, il prescrivit de détruire de fond en comble l'église de la Résurrection du Seigneur, qui avait été construite par le vénérable Maxime, évêque de Jérusalem, d'après les ordres de l'empereur Constantin, et que le respectable Modeste avait fait réparer sous le règne de l’empereur Héraclius. Un de ses intendants, gouverneur de Ramla  [12], et nommé Hyaroe, ayant reçu le rescrit par lequel cette destruction était ordonnée, exécuta les volontés royales, et fit raser l'église [13]. A la même époque, cette église était gouvernée par le vénérable Oreste, oncle maternel de ce méchant roi. On dit que ce prince se porta à cette mesure pour donner à ses peuples infidèles un gage de son infidélité; on lui reprochait d'être chrétien, parce qu'il était né d'une mère chrétienne. Voulant repousser cette inculpation, il ne craignit pas de commettre ce sacrilège, et pensa que la calomnie n'aurait plus rien à dire contre lui, et que ses rivaux ne trouveraient plus aucun sujet de l'attaquer, aussitôt qu'il aurait détruit cette source de la religion chrétienne et ce berceau de la foi catholique.

 

CAPUT V. Quae erat conditio fidelium per illud tempus inter infideles.

Ab ea die coepit fidelium in eadem civitate multo deterior esse conditio, tum ex dolore justissimo, quem ex casu sanctae Resurrectionis ecclesiae conceperant; tum ex multiplicatis angariis geminata molestia. Nam praeter enormitatem tributorum et vectigalium, quae ab eis praeter morem et contra privilegia a suis praedecessoribus indulta exigebantur, solemnitates etiam interdixerat, quas usque ad illum diem sub aliis principibus, et in occulto et palam satis libere celebraverant. Quoque dies erat celebrior, eo arctius domiciliorum suorum septis cohibebantur, nec in publicum audebant comparere, domi etiam non tutum dabatur eis habere refugium, sed jactu lapidum et sordium immissione, et violentis irruptionibus, quanto dies erat solemnior, tanto amplius molestabantur. Ad haec et pro quolibet verbo levi, ad quamlibet accusatoris alicujus suggestionem, sine causae cognitione rapiebantur ad cruces et supplicia, bona confiscabantur, auferebantur possessiones, filiique eorum et filiae rapti de domibus parentum, flagellis aliquando, nonnunquam blandimentis et promissionibus apostatare cogebantur, aut patibulis affigi. Qui autem pro tempore erat illis patriarcha, is primum injurias excipiebat et opprobria; tum eos et publice et secretius ad longanimitatem invitans, pro temporalibus quae patiebantur malis, coronas promittebat sempiternas. Cujus verbis et exemplo commoniti, transitorias pro Christo contemnentes injurias, se invicem mutua charitate consolabantur. Referre per singula longum esset, quanta in propriis corporibus praedicti servi Dei pertulerint tormenta, ut haeredes fierent in domo Domini, et ut leges aemularentur paternas. Unum tamen de tot millibus, exempli gratia, producamus in medium, ut per haec deprehendat vestra dilectio, quam ex frivolis causis ad ultima supplicia rapiebantur.

Quidam civis ex infidelibus nostros odio persequens insatiabili, vir perfidus et nequam, ut eis aliquid ad mortem moliretur, morticinum canis clam projecit in atrium templi, in cujus munditia conservanda, ejus custodes et universa civitas omnem impendebant sollicitudinem. Mane facto, qui orationis gratia accesserunt ad templum, reperientes immundum cadaver et fetens, pene ad insaniam versi, universam urbem repleverunt clamoribus. Concurrit subito populus universus, et omnes asserunt pro constanti, Christianos hoc fecisse. Quid plura? Decernitur interitus universis, et tam piaculare flagitium morte piandum judicatur. Fideles porro de sua confidentes innocentia, mortem pro Christo parati erant subire. Dumque adessent spiculatores eductis gladiis ut populum interimerent, obtulit se adolescens plenus spiritu, dicens: Periculosum est, fratres, si ita perit omnis haec ecclesia. Expedit magis ut unus moriatur pro populo, et non tota gens pereat. Concedite mihi, ut mei habeatis annuam in benedictione memoriam, et generi meo honor in perpetuum debitus conservetur; ego vero, auctore Domino, hanc a vobis stragem depello. Susceperunt igitur gratanter verbum, et quod ille petierat, ultro concedunt. Et ut in Ramis palmarum ad perennem ejus memoriam, contribules ejus olivam, quae Domini nostri Jesu Christi significativa est, introducant in civitatem, in processione solemni, confirmant. Quo facto, praedictus adolescens primatibus se offert civitatis, reum se confitetur, et omnes alios astruit innocentes. Quod audientes judices, aliis absolutis, illum gladio exposuerunt. Et ita pro fratribus animam ponens, cum pietate dormitionem accepit, optimam in Domino habens repositam gratiam.

 

CHAPITRE V.

Dès lors la condition des fidèles de Jérusalem commença à empirer beaucoup, tant à cause de la juste douleur que leur donnait la ruine de la sainte église de la Résurrection, que par suite de toutes les vexations et charges auxquelles ils furent chaque jour plus exposés. En outre des énormes impôts et des tributs qu'on exigeait d'eux, fort au-delà des usages et malgré les privilèges qui leur avaient été accordés par les prédécesseurs du roi, ce monarque leur interdit l'exercice des solennités que jusqu'à ce jour ils avaient pratiquées sous d'autres princes assez librement, tantôt en secret, tantôt tout à fait ouvertement, Plus un jour était célèbre, plus ils étaient tenus étroitement enfermés dans leurs habitations; ils n'osaient paraître en public; leurs maisons mêmes ne leur offraient pas un refuge tranquille: on leur jetait des pierres et toutes sortes d'ordures; on les attaquait avec violence, et ces persécutions étaient constamment plus actives dans les jours des plus grandes solennités. Outre cela, sur la moindre indiscrétion de parole, sur la plus légère suggestion d'un accusateur quelconque, les fidèles étaient enlevés, traînés à la croix et au supplice, sans que jamais on fit connaître aucun motif; on confisquait leurs biens, on les dépouillait de tout ce qu'ils possédaient. Les fils et les filles étaient enlevés à la maison paternelle; tantôt le fouet, tantôt les flatteries et les promesses les entraînaient à l'apostasie, ou bien on les suspendait à la potence. Le patriarche qui vivait alors à Jérusalem était le premier à subir lui-même toutes ces injures, toutes ces violences; il exhortait les fidèles à la patience, en public et plus encore en secret, et leur promettait des couronnes éternelles pour les maux temporels qu'ils avaient à endurer. Avertis par ses paroles et son exemple, méprisant pour l'amour du Christ leurs souffrances passagères, ils se consolaient réciproquement par des œuvres de charité. Il serait trop long de raconter tous les tourments que ces serviteurs de Dieu eurent à supporter dans leurs propres personnes, pour hériter de la maison du Seigneur, et demeurer fidèles aux lois de leurs ancêtres. Entre des milliers d'exemples que je pourrais citer, j'en choisirai un seul qui suffira pour montrer sur quels frivoles prétextes on les envoyait au dernier supplice.

Un citoyen de la classe des infidèles, animé d'une haine insatiable contre les nôtres, homme perfide et méchant, cherchant un moyen de jeter la mort dans leurs rangs, vint en secret déposer le cadavre d'un chien à la porte d'un temple [14]. Les gardiens et tous les habitants de la ville mettaient un grand prix à conserver cette entrée pure de toute souillure. Le lendemain matin, ceux qui se rendaient à ce temple pour la prière ayant rencontré ce cadavre immonde et puant, devinrent presque fous, et remplirent toute la ville de leurs clameurs. Un peuple immense accourt aussitôt, et de toutes parts on affirme que ce sont les chrétiens qui ont commis ce crime. Qu'est-il besoin d'en dire davantage ? On déclare qu'un tel forfait ne peut être expié que par la mort; on ordonne que tous les fidèles subiront le supplice. Ceux-ci, se confiant en leur innocence, étaient tout préparés à périr pour le Christ. Tandis que les soldats armés de leurs épées s'avançaient pour donner la mort aux chrétiens, un jeune homme plein de courage dit à ses compagnons: « Mes frères, il serait trop dangereux que l'Église toute entière vînt à périr; il est plus convenable qu'un seul meure pour le peuple, et que la race soit sauvée. Promettez-moi d'accorder tous les ans des bédictions à ma mémoire, et de rendre éternellement à ma famille les honneurs qui lui seront dus. Pour moi, avec l'aide de Dieu, je vais détourner le carnage de vos têtes ». Les fidèles accueillent ces paroles avec reconnaissance, et lui promettent d'accomplir ce qu'il a demandé. En conséquence, ils arrêtent que, pour conserver éternellement sa mémoire, les gens de sa tribu porteront désormais dans la procession solennelle, et au milieu des rameaux de palmier, l'olive qui est le signe de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Aussitôt le jeune homme se présente devant les magistrats, et se déclarant coupable, affirme en même temps l'innocence de tous les autres. Les juges ayant entendu sa déposition, prononcent l'acquittement de tous les fidèles, et envoient le jeune homme à la mort. Renonçant à la vie pour le salut de ses frères, il s'endormit avec piété, car il avait choisi la meilleure part dans le sein du Seigneur [15].

 

 CAPUT VI.

Quomodo patri nequam, filius Daber egregius moderator regni successit: et precibus domini Romani, Constantinopolitani imperatoris, reaedificatur ecclesia, cooperante Joanne Carianite, Constantino monacho necessaria ministrante.

Adfuit tandem divina clementia, et afflictorum miserta, consolationem intulit non modicam rebus desperatis. Praedicto enim principe nequam rebus humanis exempto, cessavit ex parte quassatio, filio ejus Daher regnum obtinente. Hic siquidem ad petitionem domini Romani imperatoris Constantinopolitani (qui cognominatus est Heliopolitanus, cum quo etiam foedus quod pater ejus violaverat resarciens, contraxerat amicitiam) praedictam ecclesiam reaedificandi fidelibus concessit potestatem. Qua concessa, cognoscens plebs fidelium, quae Hierosolymis habitabat, quod ad tanti operis restaurationem eorum vires non sufficerent, missis nuntiis ad praedicti Romani successorem, dominum Constantinum monomachum, qui tunc agebat in sceptris, precibus porrectis, humiliter significant in quanto moerore et in quanta desolatione post ecclesiam dirutam populus consedisset: orant affectuosissime, ut ad reaedificationem ecclesiae, imperialis munificentiae liberalem porrigeret manum. Procurabat autem eorum legationem quidam Joannes cognomento Carianitis, Constantinopolitanus natione, nobilis quidem secundum carnem, sed moribus multo nobilior. Hic postposita saeculi dignitate, Christum secutus, religionis assumpto habitu, Hierosolymis pauper pro Christo habitabat. Missus ergo, debita instantia, sollicitudine non pigra, apud eumdem dominum imperatorem fideliter elaborans, obtinuit, ut ad opus praedicti aedificii de proprio fisco, idem Deo amabilis Augustus, sumptus necessarios et sufficientes ministrari praeciperet. Impetrata ergo pro voto fidelis populi postulatione, laetus Hierosolymam reversus est. Ubi nuntiato itineris successu, et precum porrectarum exauditione, universum clerum et populum, quasi de gravi aegritudine convalescentes recreavit. Praeerat autem eidem ecclesiae tunc vir venerabilis, Nicephorus patriarcha. Sic ergo obtenta licentia, et sumptibus de imperiali aerario ministratis, eam quae nunc Hierosolymis est, sanctae Resurrectionis aedificaverunt ecclesiam, anno ab Incarnatione Domini 1048, ante urbis liberationem annis LI, tricesimo vero septimo postquam diruta fuerat. Qua constructa, contra imminentia pericula, et mille mortis discrimina consolationem receperunt. Non tamen cessabant adversus eumdem populum fidelem frequentes injuriae et angariarum nova genera; sputa, colaphi, vincula, carceres; ad ultimum, suppliciorum omne genus, quibus populus Dei incessanter affligebatur. Nec solum iis qui in eadem urbe erant, sed etiam iis qui in Bethlehem et Thecua, ubi soli habitabant fideles, idem cauterium imprimebatur. Quoties enim novus accedebat praeses, et missus a calipha recens dirigebatur procurator, toties contra Dei populum novae struebantur calumniae, et varia extorquendi inveniebantur argumenta. Et quoties a domino patriarcha et populo communiter aliquid volebant violenter exigere, si aliquo casu eorum differebatur postulatio, statim minabantur ecclesiam dejicere. Idque pene annis patiebantur singulis, confingentibus praesidibus se hujusmodi rescriptum a regia directum celsitudine habere prae manibus, ut si aliquam difficultatem vel moram in praestandis tributis aut vectigalibus praesumerent adnectere, eorum statim usque ad solum dirutae deponerentur ecclesiae. Quandiu tamen Aegyptiorum aut Persarum praevaluit regnum, sub eorum imperio fideles melioribus usi sunt conditionibus.

At vero postquam Turcorum invalescere iterum coepit regnum, et eorum viatus super Aegyptiorum et Persarum fines ampliari, et in eorum Urbs sancta decidit potestatem, per triginta octo annos, quibus eam detinuerunt occupatam, majoribus molestiis coepit populus Dei fatigari; ita ut leve ducerent, quod sub Aegyptiorum vel Persarum jugo pertulerant.

 

CHAPITRE VI

Cependant la clémence divine, prenant en compassion les maux des affligés, leur envoya quelque consolation dans cet état déplorable: le méchant prince Hakem sortit de ce monde. Les souffrances cessèrent en partie sous le règne de son fils Daher[13]. Il permit aux fidèles de rebâtir, l'église de la Résurrection, sur les instances que lui adressa l'empereur de Constantinople, Romain, surnommé l'Héliopolitain [17], avec lequel il s'était lié d'amitié, après avoir rétabli les articles d'un traité d'alliance que son père avait violé. La race des fidèles qui habitaient Jérusalem, ayant obtenu cette autorisation, mais reconnaissant en même temps que ses ressources trop modiques ne pouvaient lui permettre d'exécuter une telle entreprise, envoya des députés au successeur de l'empereur Romain dont je viens de parler, le seigneur Constantin Monomaque qui portait alors le sceptre [18]. Ceux-ci, lui adressant humblement la parole, et porteurs des prières de leurs frères, lui dirent que le peuple avait vécu dans la douleur et la désolation depuis la destruction de l'Église, et le supplièrent de leur tendre une main libérale, et de déployer sa munificence impériale pour aider à relever l'édifice renversé. Cette députation était conduite par Jean, surnommé Carianite, né à Constantinople, noble selon la chair, mais plus noble encore par les mœurs. Il avait renoncé aux dignités du siècle pour suivre le Christ, et prenant l'habit religieux, il était allé vivre pauvre à Jérusalem pour l'amour du Seigneur. Envoyé à Constantinople, et déployant avec activité son zèle et sa sollicitude auprès de l'empereur, il accomplit fidèlement sa mission, et obtint de ce souverain agréable à Dieu qu'il donnât l'ordre de fournir de son propre trésor toutes les sommes nécessaires pour la reconstruction de l'église. Les vœux du peuple fidèle ainsi accomplis, Jean retourna avec joie à Jérusalem. Le récit qu'il fit de l'heureux résultat de son voyage ranima tout le clergé et le peuple, comme un convalescent se relève à la suite d'une grave maladie. L'Église était, à cette époque, gouvernée par un homme vénérable, le patriarche Nicéphore. Le trésor impérial ayant fourni les sommes dont on avait besoin, ainsi que l'empereur l'avait promis, on fit construire l'église de la Sainte Résurrection, telle qu'on la voit maintenant à Jérusalem, l'an 1048 de l'incarnation, cinquante et un ans avant la délivrance de la ville, et trente-sept ans après la destruction de l'ancienne église. Les fidèles trouvèrent dans cet événement une consolation à tous leurs maux et à tous les dangers qui menaçaient leur vie. Ils n'avaient pas cessé en effet d'être en butte à toutes sortes d'affronts; on inventait sans cesse de nouveaux tourments, on leur crachait au visage, on les battait, on les chargeait de fers, on les jetait dans les cachots; enfin le peuple de Dieu était affligé sans relâche de calamités de toute espèce. Les fidèles qui occupaient les villes de Bethléem et de Thécué [19], étaient soumis aux mêmes tribulations. Toutes les fois qu'il arrivait un nouveau gouverneur, ou que le calife envoyait un autre intendant, on imaginait de nouvelles calomnies, de nouveaux moyens d'exaction. Lorsqu'on voulait faire subir quelque violence au patriarche ou au peuple, si, par hasard, ceux-ci mettaient le moindre délai à se soumettre, ils étaient aussitôt menacés de la destruction de l'église. Ces menaces se renouvelaient presque tous les ans, et les gouverneurs feignaient toujours d'avoir en main des ordres expédiés, disaient-ils, par le souverain lui-même, par lesquels il leur était enjoint de raser les églises si les chrétiens s'avisaient d'opposer quelque résistance ou le moindre retard au paiement des tributs et de toutes les autres charges qu'on leur imposait.

Tant que les Perses ou les Égyptiens eurent la prééminence dans l'Orient, les fidèles eurent cependant moins à souffrir que lorsque les Turcs, ayant étendu leur empire, commencèrent à se rapprocher des frontières de ces peuples: enfin, lorsque les Turcs se furent emparés de la ville sainte, et pendant les trente-huit années qu'ils la conservèrent, le peuple de Dieu fut: encore plus cruellement persécuté, et en vint à trouver léger le joug qu'il avait eu précédemment à supporter.

 

 

CAPUT VII

De ortu et prima origine gentis Turcorum.

Et quoniam de gente Turcorum frequenter nobis in opere praesenti erant dicenda quamplurima, quae ipsi contra nostros, nostrique adversus eos viriliter magnificeque saepius gesserunt; et adhuc proterve nimis in nostrorum impugnatione perseverant: non videtur alienum a nostro proposito, de ortu et prima origine gentis hujus, et processu ad hunc excellentiae gradum, in quo jam multis annis stetisse leguntur, aliquid praesenti interserere narrationi.

Gens igitur Turcorum, seu Turcomannorum (nam ab eodem habuerunt originem) ab initio septentrionalis fuit, inculta penitus, et certam non habens sedem.

Vagabantur etenim, et passim circumferebantur, pascuorum sectantes commoditatem, non habentes urbes vel oppida, vel alicubi manentem civitatem. Volentes autem proficisci, incedebant simul qui ex eadem tribu erant, aliquem de majoribus contribulium suorum habentes quasi principem, ad quem universae quae in eadem tribu simul emergebant, referebantur quaestiones; cujusque dicto ab utraque dissonantium parte parebatur; cujusque non impune licebat examen declinare. Migrantes autem, universam secum suam substantiam transferebant, equitia, greges, et armenta, servos et ancillas; nam in his eorum omne consistebat peculium: nusquam agriculturae dantes operam; emptionum et venditionum ignorantes contractus, sed solis permutationibus, vitae sibi comparantes necessaria. Volentes autem alicubi, locorum herbidorum amoenitate tracti, tabernacula figere, et ad tempus aliquod moram sine molestia facere, per quosdam ex suis, qui videbantur prudentiores, regionum principes solebant convenire et pactis initis sub placitis conditionibus, et certa tributorum praestatione, sub principe qui regioni praeerat, moram juxta condictum habebant in pascuis et nemoribus.

Accidit autem quod illius populi multitudo maxima ab aliis seorsum incedens, Persarum ingressi fines, regionem invenerunt sibi aptissimam. Datoque regi, qui erat pro tempore, secundum quod inter eos ab initio convenerat, tributo, per annos aliquot moram ibi habuerunt diuturniorem. Augebatur autem eorum populus in immensum, et multiplicationis eorum non erat finis; ita ut regi et indigenis, mentem quodammodo habentibus praesagam, suspecta nimis esset eorum embola. Unde factum est, quod habito consilio violenter a regni finibus eos per se propellere, decreverant. Sed mutato consilio visum est eis expedientius, ut multiplicatis angariis, et consuetis pressionibus, novis irregulariter superadditis eos fatigarent, usque dum sponte sine coactione discederent. Cumque jam annis pluribus injuriarum pondus et tributorum enormitatem exactorum sustinentes, diutius tolerare nolle, communicato decernerent consilio, et hoc regi esset compertum, missa voce praeconia, jussi sunt a regno infra certum tempus discedere universo. Transeuntesque fluvium Cobar, qui regnum ex ea parte limitabat, ubi vident solito liberius et diligentius suorum infinitam multitudinem; nam prius seorsum habitantes, sui nec numerum noverant, nec potentiam: mirati sunt quomodo tantus tamque innumerabilis populus alicujus principum aliquando tolerare potuerit superbiam, et angariarum et tributorum acerbitatem portare. Visumque est eis absque dubio, quod et Persarum populo, et qualibet natione nec numero nec viribus essent impares; nihilque eis ad obtinendas violenter finitimas regiones deesset aliud, quam id quod more aliorum populorum sibi regem non haberent. Volentes igitur votis consonis sibi regem creare, describentes suorum universam multitudinem, repererunt in eis centum familias caeteris splendidiores; quarum quamlibet sagittam unam praeceperunt afferre, et juxta numerum familiarum centum sagittarum colligaverunt manipulum. Quem operientes, vocaverunt quemdam puerulum innocentem, praecipientes ei, ut immissa manu sub velamento, quo praedictarum latebat manipulus sagittarum, eo unam educeret solam, ea conditione ut de ea familia rex assumeretur, cujus sorte sagitta exiret. Factumque est casu, quod puer eduxit sagittam familiae Selducorum. Unde constitit apud omnes, sicuti prius ordinatum fuerat, quod ex ea tribu princeps futurus crearetur. Praeceptum est iterum, ut ex eadem tribu centum eligerentur, qui et aetate et moribus, et virtute caeteros anteirent suos contribules; utque singuli singulas afferrent sagittas, offerentium habentes inscripta nomina. Factoque ex eis iterum manipulo, et diligenter cooperto vocatus est iterum puer, vel idem qui et prius, vel alius fortasse ejusdem innocentiae: cui similiter persuasum est, ut unam ex eis educeret: eduxitque unam cui inscriptum erat nomen Selduc. Erat autem is vir speciosus admodum, nobilis et in sua tribu praeclarus, provectae aetatis, sed integer viribus, et in re militari multam habens experientiam; quique tota corporis habitudine magni principis praetenderet elegantiam. Hunc ergo de communi decreto sibi praeficientes, in throno sublimaverunt regio, eam quae debetur regibus, ei exhibentes reverentiam, et ad ejus implenda imperia, foedere complacito et juramentis corporaliter praestitis se obligantes. Ille autem statim collata sibi satis pro imperio utens potestate, missa voce praeconia, edici publice mandat, ut retransito flumine et transmissis legionibus universis, Persarum fines, unde prius exierant, occupent violenter, et adjacentia sibi vindicent regna, ne de caetero compellantur regiones exteras errabundi circuire, et aliarum nationum tolerare fastus importabiles. Factumque est, quod infra paucos annos non solum Persarum, verum etiam universa Orientalium regna sibi subjugaverunt, subacta Arabum et aliarum nationum, quae principatus obtinebant, violentia. Sicque populus vilis et abjectus ad tantum subito culmen evolavit, quod universum occupavit Orientem.

Idque factum est vix triginta aut quadraginta annis, antequam nostri Occidentales principes peregrinationis iter, de quo hic agendum est, arriperent. Utque aliqua esset differentia saltem nominis inter eos qui sibi regem creaverant, et per hoc ingentem erant gloriam consecuti; et eos, qui in suo ruditate adhuc permanent, priorem vivendi modum non deserentes, dicuntur isti hodie Turci; illi vero prisca appellatione Turcomanni.

Subactis itaque regnis Orientalibus, adjecerunt etiam, ut potentissimum Aegyptiorum regnum invaderent: descendentesque in Syriam, Hierosolymam cum quibusdam aliis finitimis urbibus, violenter subjugaverunt sibi, fideles quos in ea repererant habitatores, durioribus solito aggravantes molestiis, et angariarum multiplicitate fatigantes, ut praemisimus.

CHAPITRE VII

Comme, dans le cours de cet ouvrage, j'aurai souvent à parler de ce qu'ont fait les Turcs contre les nôtres et des grands et magnifiques exploits que les nôtres ont faits contre eux, comme d'ailleurs ils ne persévèrent que trop audacieusement à nous attaquer, il ne sera pas hors de propos d'insérer ici quelques détails sur l'origine de ce peuple, et sur la marche des événements qui l'ont fait parvenir an degré de puissance qu'il occupe depuis longues années.

La race des Turcs ou Turcomans (car ils ont la même origine) était, dans le principe, une nation septentrionale, tout à fait barbare et sans résidence fixe.

Les Turcs vagabonds se transportaient çà et là, cherchant partout de bons pâturages, n'ayant nulle part ni ville, ni établissement, ni cité permanente. Lorsqu'ils voulaient partir, ceux de la même tribu s'avançaient ensemble, ayant à leur tête un des hommes les plus considérables de leur tribu, comme une sorte de prince: toutes les contestations qui s'élevaient dans la même tribu lui étaient soumises, l'une et l'autre des parties intéressées obéissaient à sa décision, et nulle d'elles n'aurait impunément tenté de s'y soustraire. Dans leurs émigrations, ils transportaient avec eux toutes leurs richesses, leurs haras, leur gros et leur menu bétail, leurs esclaves, hommes et femmes c'était ce qui composait leur fortune. D'ailleurs, en aucun lieu ils ne s'adonnaient à l'agriculture; ils ignoraient complètement les contrats de vente et d'achat, et ne se procuraient que par voie d'échange tout ce qui pouvait être nécessaire à leur subsistance. Lorsque de bons herbages leur inspiraient le désir de dresser leurs tentes en un lieu, et de s'y arrêter quelque temps sans être troublés, ils avaient coutume d'envoyer quelques-uns de ceux qu'ils jugeaient les plus sages dans leur tribu, au prince du pays où ils arrivaient; ils concluaient des traités sous les conditions agréées réciproquement, s'engageaient à payer au prince certaines redevances stipulées, et alors ils demeuraient là selon les conventions, vivant au milieu des pâturages et des forêts.

Une multitude innombrable de ces Turcs, ayant marché en avant, et séparée du reste de la population, arriva sur les frontières de la Perse, et y trouva un pays qui lui convenait parfaitement. Ils payèrent au roi qui gouvernait alors le tribut dont ils étaient convenus dès leur arrivée, et y demeurèrent pendant quelques années, plus longtemps qu'ils n'avaient coutume de faire. Leur population s'accrut considérablement, et il n'y avait pas de raison pour qu'elle n'augmentât à l'infini. Le roi et les indigènes, ayant en quelque manière le pressentiment de l'avenir, commencèrent à redouter cet accroissement. On tint conseil, et on résolut de les expulser à main armée des frontières du royaume. Cependant on changea bientôt d'avis: on jugea qu'il serait plus prudent de les fatiguer par toutes sortes d'exigeantes, et d'ajouter de nouvelles charges irrégulières à celles qu'on leur imposait d'habitude, jusqu'à ce qu'ils prissent d'eux-mêmes le parti de se retirer. Pendant plusieurs années, ils supportèrent tous ces affronts et l'énorme fardeau des tributs qu'on leur arrachait; mais enfin, ils arrêtèrent dans leurs conseils de ne plus s'y soumettre, et le roi de Perse en ayant été informé, leur envoya un héraut, avec l'ordre d'avoir à sortir de ses États dans le délai qui leur fut assigné. Ils traversèrent le fleuve Cobar [20], qui de ce côté formait la limite de l'empire, et ce fut pour eux une occasion de voir plus facilement, et mieux qu'ils n'avaient pu jusqu'alors, l'immensité de leur population comme ils avaient toujours vécu séparés les uns des autres, ils ne connaissaient ni leur nombre, ni leur puissance. Ils s'étonnèrent alors qu'un peuple aussi considérable eût pu supporter les mépris d'un prince quelconque, et se soumettre a tant de persécutions, à des tributs si onéreux. Ils reconnurent avec certitude qu'ils n'étaient inférieurs en nombre ni en force au peuple de Perse, ni à aucune autre nation; qu'enfin il ne leur manquait, pour occuper à main armée les pays voisins, qu'un roi tel que les autres peuples en avaient. S'étant donc arrêtés d'un commun accord au projet de se donner un roi, ils firent une revue complète de leur immense population, et y reconnurent cent familles plus illustres que les autres. Ils ordonnèrent alors que chacune de ces familles apporterait une flèche, et on forma ainsi un faisceau de cent flèches. Le faisceau fut recouvert; on fit venir un jeune enfant innocent, on lui prescrivit de passer la main sous le voile, et d'en retirer une seule flèche, après avoir publiquement arrêté que celle que le sort amènerait désignerait la famille dans laquelle on prendrait le roi. L'enfant tira la flèche de la famille des Seljouk. Il fut alors convenu entre tous, conformément à la décision préliminaire, que le roi futur serait pris dans cette tribu. Puis on décida de la même manière que l'on élirait dans la même tribu les cent hommes qui seraient reconnus élevés au dessus des autres par leur âge, leurs mœurs et leurs vertus; que chacun d'eux apporterait sa flèche, avec son nom inscrit au dessus: on forma un nouveau faisceau qui fut recouvert avec beaucoup de soin: l'enfant (le même ou peut-être un autre) reçut également l'ordre de retirer une flèche, et celle qu'il amena portait encore le nom de Seljouk [21]. Seljouk était un homme très considérable, noble et illustre dans sa tribu, d'un âge avancé, mais conservant encore toute sa vigueur; il avait une grande expérience militaire, et, par son bel extérieur, possédait la majesté d'un grand prince. Les Turcs le mirent à leur tête d'un consentement unanime, l'élevèrent sur le trône royal, lui rendirent aussitôt tous les témoignages de respect qui sont dus aux rois, et chacun adoptant le traité d'union, vint s'engager de sa personne, et par serment, à obéir aux ordres du nouveau souverain. Celui-ci usant sans retard du pouvoir qui venait de lui être conféré, expédia de tous côtés des hérauts, et fit proclamer que l'on eût à repasser le fleuve; qu'après l'avoir traversé, toutes les légions eussent à occuper à main armée le pays des Perses, qu'on avait abandonné peu auparavant, et à s'emparer en même temps de tous les royaumes environnants, de peur que le peuple ne fût forcé de nouveau à errer dans des régions éloignées, et à subir le joug insolent d'une mitre nation. En peu d'années ils conquirent, non seulement le royaume des Perses, mais même tous les autres royaumes de l'Orient; car ils domptèrent les Arabes et les autres nations en possession de l'empire. Ainsi un peuple vil et abject parvint rapidement au plus liant degré de puissance, et domina dans l'Orient.

Ces événements arrivèrent environ trente on quarante ans avant que nos princes d'Occident entreprissent le pèlerinage dont je vais écrire l'histoire. Et afin qu'il y eût au moins une différence de noms entre les hommes de cette race qui, s'étant donné un roi, avaient obtenu une gloire immense, et ceux qui, n'abandonnant pas leur ancienne manière de vivre, étaient restés dans leur grossièreté primitive, les premiers prirent le nom de Turcs, les autres conservèrent leur ancien nom de Turcomans.

Les Turcs, après avoir subjugué tout l'Orient, firent une invasion dans le puissant royaume d'Égypte; ils descendirent en Syrie, s'emparèrent de vive force de Jérusalem [22] et de quelques autres villes maritimes; et, comme je l'ai déjà dit, les fidèles qu'ils y trouvèrent furent soumis à un joug beaucoup plus dur et subirent des vexations et des exactions bien plus cruelles que celles qu'ils avaient éprouvées jusque-là.

 

CAPUT VIII.

Quot et quantis vitiis per illud tempus subjectus esset mundus.

Nec solum in Oriente ita fideles ab impiis opprimebantur, verum in Occidente et in omni pene orbe terrarum, maxime inter eos qui fideles dicebantur, fides defecerat, et Domini timor erat de medio sublatus: perierat de rebus justitia, et aequitate subacta, violentia dominabatur in populis. Fraus, dolus et circumventio late involverant universa. Virtus omnis locum dederat et cesserat quasi inutilis, malitia subintrante. Videbatur sane mundus declinasse ad vesperam; et Filii hominis adventus secundus fore vicinior. Nam multorum refrixerat charitas, et fides non inveniebatur super terram: confusis ordinibus cuncta ferebantur, et in chaos pristinum mundus videbatur redire velle. Majores enim principes, qui subjectos ad pacem tenebantur dirigere, neglecto pacis foedere, pro causis levibus contendentes ad invicem, regiones tradebant incendiis, praedas passim exercebant, pauperum bona impiis satellitibus suis exponebant ad rapinam; non erant tutae alicujus facultates inter tot insidias; causa sufficiens putabatur, ut ad carceres quis traheretur, aut vincula, et in proprio corpore indignos sustineret cruciatus, quod aliquid habere crederetur. Ecclesiarum et monasteriorum non parcebatur praediis, nec sanctorum possessionibus conferebant aliquid a piis principibus indulta privilegia; sed nec immunitatem solitam, et pristinam sibi vindicabant dignitatem. Effringebatur sane sanctuarium, et usibus dedicata coelestibus vi rapiebantur utensilia. Non distinguebat sacrum a profano manus sacrilega; sed sublata differentia, praedae patebant altarium vestes, amictus sacerdotum et vasa Domini. De gremio divinae domus, de adytis penitioribus, de basilicarum atriis, qui ad eas confugerant, ad mortem trahebantur et supplicia. Vias quoque publicas accincti gladio grassatores improbi obsidebant, iter agentibus praetendentes insidias, ubi nec peregrinis, nec viris parcebatur religiosis. Sed nec urbes nec oppida ab iis importunitatibus vacabant, in quibus sicarii vicos omnes et plateas suspectas reddebant innocentibus. Quo quis erat insontior, eo pluribus subjacebat insidiis. Fornicationum etiam genus quodlibet, quasi res licita, passim et sine rubore exercebatur impune. Sed nec inter affines aut propinquos, tuta erant matrimoniorum foedera. Amica coelestibus et Deo placens, quasi res vilis, jussa migrare erat continentia. Nec parcimoniae aut sobrietati locus erat, ubi luxus, et ebrietas, et pernox alea praeoccupaverant aditus atque atria possidebant. Nec clerus a populo vita nobiliore differebat, sed sicut in propheta legitur: Sicut populus, ita et sacerdos. Nam episcopi negligentes facti erant; canes muti, non valentes latrare; personarum acceptores, oleo peccatoris impinguentes capita sua, commissa ovilia lupis venientibus, mercenariorum more, deserebant. Et illius verbi immemores Dominici, quo dicitur: Accepistis gratis, gratis date ; Simoniacam non declinabant haeresim, Giezi sordibus et macula foedati. Quid plura? ut in summa dicatur: Omne in praecipiti vitium stetit, et: Omnis caro corruperat viam suam. Nec pronos ad malum revocare poterant Domini comminantis prodigia in coelo sursum, et signa in terra deorsum. Erant enim pestilentiae et fames, terroresque de coelo, et terraemotus magni per loca ; et caetera quae Dominus in Evangelio diligenter enumerat. Sed obstinati in operibus mortuis, quasi sus in volutabro ; et quasi jumenta putrescebant in stercore suo, pia Domini longanimitate abutentes; quasi quibus a Domino diceretur: Percussi eos, et non doluerunt; curavi eos, et non sunt sanati.

CHAPITRE VIII.

Ce n'était pas seulement en Orient que les fidèles étaient ainsi opprimés par les impies; en Occident et presque dans le monde entier, principalement parmi ceux qui s'appelaient fidèles, la foi avait failli et toute crainte de Dieu avait disparu. Il n'y avait plus de justice dans les affaires du monde, l'équité avait fait place à la violence qui seule régnait au milieu des peuples. La fraude, le dol, la fourberie s'étaient établis de toutes parts; toute vertu s'était retirée et paraissait presque devenue inutile, tant la méchanceté avait pénétré partout; il semblait que le monde tendît à son déclin et que la seconde arrivée du Fils de l'Homme dût être prochaine. La charité d'un grand nombre d'hommes s'était éteinte; on ne trouvait plus de foi sur la terre; la confusion des rangs confondait toutes choses; on eût dit que le monde allait rentrer dans l'antique chaos. Les plus grands princes, qui étaient tenus de gouverner leurs sujets dans les voies de la paix, oubliant les termes de leur alliance, se querellant à l'envi sur les plus frivoles motifs, livraient des contrées entières à la flamme, exerçaient çà et là leurs rapines et sacrifiaient les biens des pauvres aux fureurs de leurs impies satellites. Au milieu de tant de périls nul n'avait ses richesses en sûreté; aussitôt qu'un homme était présumé posséder quelque chose, c'était un prétexte suffisant pour le traîner dans les cachots, le charger de fers et lui faire subir dans sa personne les plus indignes tortures. Les biens des églises et des monastères n'étaient pas mieux à l'abri les privilèges accordés par des princes pieux ne conféraient plus aucun avantage aux propriétés des saints; elles n'étaient plus admises à revendiquer leurs premières immunités et leur dignité passée. Le sanctuaire même était brisé par la violence; on enlevait de vive force tous les objets consacrés à l'usage du ciel; des mains sacrilèges ne distinguaient plus le sacré du profane, et, dans cette confusion, les voiles de l'autel, les vêtements des prêtres, les vases du Seigneur étaient livrés en proie à tout venant. Ceux qui se réfugiaient au centre même de la maison de Dieu, dans le sanctuaire impénétrable, dans les porches des basiliques, en étaient arrachés avec violence pour être traînés à la mort et aux, supplices; les routes publiques étaient de tous côtés couvertes de brigands armés, qui tendaient des embûches aux voyageurs et n'épargnaient ni les pèlerins, ni les religieux. Dans les villes et dans tous les lieux fermés on n'était pas plus à l'abri de l'insulte; les rues, les places, infestées d'assassins, ne pouvaient plus être fréquentées par les honnêtes gens; plus un homme était innocent, plus il se trouvait exposé à toutes sortes de trahisons. De tous côtés on se livrait impunément et sans aucune retenue à tous les dérèglements du libertinage, comme si c'eût été une chose tout à fait permise. Les liens du mariage n'étaient plus sacrés, même entre les parents et les alliés. La chasteté y vertu chérie des esprits célestes et de Dieu, avait été expulsée de partout comme stupide et sans valeur, L'économie et la sobriété ne pouvaient plus trouver place lorsque le luxe, l'ivrognerie, la passion insatiable du jeu occupaient toutes les avenues et pénétraient dans l'intérieur de toutes les maisons. Le clergé ne se distinguait pas du peuple par une vie plus régulière s selon les paroles du prophète: Le prêtre sera comme le peuple [23] Les évêques étaient devenus négligents, vrais chiens muets qui ne savaient plus aboyer, faisant acception des personnes, arrosant leur tête de l'huile des pécheurs, et comme des mercenaires livrant aux loups dévorants les brebis qui leur étaient confiées, oubliant ces paroles du Seigneur, qui a dit: Donnez gratuitement ce que vous avez reçu gratuitement[24].  Ils ne fuyaient point les œuvres hérétiques de la simonie, et se souillaient de toutes sortes d'ordures. Enfin, et pour tout dire en un mot: La terre était corrompue devant Dieu et remplie d'iniquités[25]. Les prodiges menaçants que le Seigneur faisait apparaître dans le ciel et sur la terre ne pouvaient même arrêter ceux qui se précipitaient ainsi dans le mal. On voyait régner partout la peste et la famine; on apercevait d'effrayants météores; on éprouvait en tous lieux des tremblements de terre et tous les autres fléaux que le Seigneur énumère avec soin dans l'Évangile [26] ;   s'obstinant dans leurs œuvres moites, comme le pourceau dans sa fange[27] ;  ils pourrissaient tels que les animaux dans leur fumier, et abusaient de l'extrême patience du Seigneur, semblables à ceux de qui il a été dit: Vous les avez frappés, et ils ne l'ont point senti; vous les avez brisés de coups, et ils n'ont point voulu se soumettre au châtiment[28].

 

 

CAPUT IX.

Quomodo peccatis exigentibus, Persae usque ad Hellespontum universas occupaverunt regiones.

His igitur et hujusmodi ad iracundiam provocatus Dominus, non solum eos qui in terra promissionis erant fideles, praedictae jugum servitutis patiebatur portare, et supra vires molestiis fatigari multiplicibus; verum et aliis qui adhuc sua videbantur libertate gaudere, et quibus certum erat omnia pro votis succedere, suscitavit adversarium, flagellum populorum, malleum universae terrae. Regnante enim apud Graecos Romano, qui cognominatus est Diogenes, et cum omni prosperitate Constantinopolitanum administrante imperium, egressus est de intimis finibus Orientis, Persarum et Assyriorum satrapa potentissimus, Belpheth nomine, infinitam incredularum nationum secum trahens multitudinem, quae numerum diceretur excedere, et universam terrae superficiem operiret. Ascendens ergo in curribus et equis, in gregibus et armentis, et magnifico nimis apparatu fines ingressus est imperii, cuncta sibi subjiciens a suburbanis campestribus, usque ad urbes muratas et oppida munitissima. Non erat qui resisteret; non erat qui pro salute, pro liberis et conjugibus, et (quod gravius est) pro libertate contendens, se opponeret. Interea nuntiatur imperatori gladius incumbens, vis major, et hostilis exercitus Christianum devastans imperium; qui, pro republica sollicitus, expeditiones convocat equitum, et peditum colligit copias, quantas imminens compellebat necessitas, et quantas universum imperium poterat ministrare. Quid plura? Congregatis legionibus et equitatu copioso, hostibus procedit obviam; et imperii penetralia jam tenenti, et ad interiora jam progresso, in manu forti, sed favore divino destitutus occurrit. Certatur utrinque acerrime, et copiis pene paribus, sed odiis majoribus, qualia sacrilegii dolor et zelus fidei solet suggerere. Quid multa? Perit Christianus exercitus, fidelium prosternitur acies; sanguis Christi redemptus sanguine ab impiis effunditur; quodque miserabilius est, capitur imperator. Redit qui evaserat particulatim exercitus, confusionem quae acciderat nuntians. Consternati sunt qui hoc audierunt, in gravia se dantes lamenta, et de vita et salute desperantes. Interea vir infidelis, sed magnificus, de tanto elatus successu et de collata victoria factus sublimior, imperatorem sibi praecepit praesentari; et in contumeliam nominis et fidei Christianae sedens in throno regio, eum mandat pedibus subjici; et scabelli vice, coram positis principibus, ascendens et descendens, corpore utitur imperiali; tandemque pro tanto obsequio eum libertati restituens, cum paucis ex suis magnatibus, qui cum eo capti fuerant, abire permisit.

Hoc vero audientes principes imperii, alium sibi praeficiunt: indignum arbitrantes, ut qui tam indigna in proprio pertulerat corpore, in sceptris ageret et dignitate fungeretur Augustali: insuper privatum oculis et ignominiose tractatum, vitam vix indulserunt agere privatam. Princeps autem supra nominatus, proposito libere satisfaciens suo, universas a Laodicia Syriae usque ad Hellespontum, qui Constantinopoli praeterlabitur, itinere dierum triginta in longitudine, decem vero vel quindecim in latitudine, occupavit regiones, cum suis civitatibus et municipiis, universo populo captivato. Tradidit eos Dominus in manus inimici, et dominati sunt eorum qui oderunt eos. Inter quas nobilis et eximia provinciarum multarum moderatrix, princeps civitas, Principis apostolorum sedes prima, capta est; sed novissima; et facta est infidelibus serviens sub tributo. Sic igitur Celessyriam, utramque Ciliciam, Isauriam, Pamphyliam, Lyciam, Pisidiam, Lycaoniam, Cappadociam, Galatiam, et utrumque Pontum, Bithyniam, et Asiae Minoris partem, nobiles provincias, et omni commoditate insignes, plebibus refertas fidelibus, infra modicum tempus in suam jurisdictionem recepit; captivans populos, ecclesias dejiciens, et cultum Christianum furore persequens exterminato. Quod si copiam habuisset navium, ipsam urbem regiam sibi procul omni dubio subjecisset. Tantam enim Graecis incusserat formidinem, ut vix regiae civitatis se crederent moenibus, et maris interpositi non satis tutum arbitrarentur praesidium.

Haec igitur et similia populo fideli, qui Hierosolymis et in finibus ejus habitabat, miseriarum addebant cumulum et in desperationis abyssum demergebant. Nam imperio prius in prosperis constituto, sicut praemissum est, non deerat eis ab imperiali domo frequens in necessitatibus solatium; et imperii status integer et incolumis, et vicinarum urbium felix successus, et Antiochiae potissimum, spem aliquam libertatis aliquando futurae, in eis confovebant. At nunc tam suam quam aliorum gerentes sollicitudinem, et sinistris rumoribus usque ad supremum defectum fatigati, mortem magis quam vitam optantes, in se ipsis liquefientes tabescebant de perpetua servitute securi.

CHAPITRE IX

La colère du Seigneur ainsi provoquée ne se contenta pas que les fidèles qui habitaient la Terre promise eussent à supporter le joug d'une pénible servitude et des persécutions presque au dessus des forces humaines; elle fit plus, et suscita un puissant adversaire, fléau des peuples, enclume qui pesa sur toute la terre, contre ceux qui semblaient encore jouir de leur liberté et de qui l'on eût pu dire que tout prospérait selon leurs vœux. Tandis que Romain, surnommé Diogène, régnait sur les Grecs et gouvernait l'empire de Constantinople au sein d'une grande prospérité [29] , le puissant satrape des Perses et des Assyriens, nommé Belpheth [30] ,  sortit des frontières les plus reculées de l'Orient, traînant à sa suite une multitude de nations, dépourvues de toute croyance, qu'il serait impossible d'énumérer, et qui eussent pu suffire à couvrir la face de la terre. Suivi de ses chars et de ses chevaux, de gros et de menu bétail, marchant dans un grand appareil de magnificence, le satrape s'avança vers les frontières de l'Empire, soumettant tout ce qui se présentait devant lui, depuis les campagnes et les villages jusqu'aux villes entourées de murs et aux places les plus fortes. Nul n'entreprenait de résister, nul ne cherchait à s'opposer à son passage, ni à combattre pour sa vie, sa femme et ses enfants, ni mente (ce qui est bien plus précieux encore) pour sa liberté. Cependant on annonce à l'empereur le glaive qui le menace, la violence qui s'approche, l'armée ennemie qui dévaste l'empire chrétien. Inquiet du salut de l'État, l'empereur prépare des corps de cavalerie, rassemble des légions de fantassins; il en appelle autant que le danger imminent paraît l'exiger, autant que peut en fournir l'Empire tout entier. Les légions réunies, et une nombreuse cavalerie mise en mouvement, il marche à la rencontre de l'ennemi; celui-ci avait déjà franchi les frontières et s'avançait dans l'intérieur; l'empereur l'aborde, fort du nombre de ses troupes, mais dépourvu de l'assistance divine. Des deux côtés on combat avec ardeur, les forces sont à peu près égales, mais d'un côté on remarque une haine plus vive, telle que l'inspirent d'ordinaire la douleur du sacrilège et le zèle de la foi. Pourquoi m'arrêter plus longtemps ? L'armée chrétienne succombe, les rangs des fidèles sont renversés, le sang racheté par le sang du Christ coule sous le fer des impies, et, ce qui est plus déplorable encore, l'empereur est fait prisonnier. Ceux de l'armée qui ont pu s'échapper un à un reviennent et racontent leur désastre. Tous ceux qui l'apprennent sont consternés, s'abandonnent à la plus vive douleur et désespèrent de la vie et du salut. Cependant l'infidèle, déployant sa magnificence, le cœur enflé d'un tel succès, devenu plus orgueilleux à la suite de la victoire, ordonne que l'empereur se présente devant lui. A la honte du nom et de la foi des chrétiens, assis sur son trône royal, il veut que le captif se prosterne à ses genoux; le corps même de l'empereur lui sert de marchepied pour descendre de son trône et pour y remonter en présence des princes assemblés pour prix de tant de soumission il lui rend enfin la liberté et lui permet de partir avec quelques uns de ses grands, compagnons de sa captivité.

Les princes de l'Empire, ayant appris ces détails, se donnent aussitôt un autre souverain, jugeant que celui qui avait eu à supporter tant d'affronts en sa personne était devenu indigne de porter le sceptre et d'occuper le rang suprême: on lui arracha même les yeux, on le combla d'ignominies; à peine lui permit-on de vivre désormais en simple particulier. Dès ce moment le prince ennemi, accomplissant sans obstacle ses desseins, occupe toutes les contrées qui s'étendent depuis Laodicée de Syrie jusqu'à l'Hellespont qui baigne les murs de Constantinople, dans un espace de trente journées de marche en longueur et de dix à quinze journées en largeur; les cités tombent entre ses mains, et les peuples qui les habitent sont captifs. Le Seigneur les livra entre les mains des nations, et ceux qui les haïssaient eurent l'empire sur eux[31] . Parmi elles, la plus noble, la plus élevée, celle qui commandait à de nombreuses provinces, la cité principale, premier siège du prince des apôtres, succombe enfin, la dernière de toutes, et devient esclave des infidèles, à la charge de payer un tribut. A la suite de cette invasion, la Coelésyrie, les deux Cilicies, l'Isaurie, la Pamphilie, la Lycie, la Pisidie, la Lycaonie, la Cappadoce, la Galatie, les deux Ponts, la Bithynie, une partie de l'Asie-mineure, illustres provinces, riches en toutes sortes de biens, remplies de peuples fidèles, tombent en peu de temps au pouvoir du vainqueur; les peuples sont déclarés captifs, les églises sont renversées, le culte chrétien est persécuté avec une fureur d'extermination. Sans doute si l'ennemi eût eu des vaisseaux à sa disposition, la ville royale elle-même n'eût point échappé à la conquête; ses progrès avaient répandu une telle terreur parmi les Grecs qu'ils n'osaient se confier en leurs remparts; la mer même qui les séparait leur semblait une défense insuffisante.

 

Tant d'événements et tous les malheurs qui les suivirent, mirent le comble à la misère des fidèles qui habitaient Jérusalem et les environs, et les plongèrent dans l'abyme du désespoir. Tant que l'Empire avait prospéré, ainsi que je l'ai dit tout à l'heure, la maison impériale ne laissait pas de leur fournir de puissantes consolations, au milieu de leurs maux la bonne situation de l'Empire encore intact de toutes parts, l'état prospère des villes voisines et principalement d'Antioche, ranimaient en eux l'espoir de recouvrer tôt ou tard leur liberté. Maintenant accablés du poids de leurs propres maux et de ceux des autres, abattus à l'excès par les bruits sinistres qui se répandaient de tous côtés, désirant la mort plus que la vie, ils se consumaient misérablement dans leur douleur, comptant désormais sur une éternelle servitude.

 

CAPUT X.

Quomodo per idem tempus fidelium turbae ad Urbem sanctam accedebant, et qua conditione habebantur tam intus quam extra: et quomodo in manus Turcorum iterum restituta est civitas.

Inter has tam periculosi temporis insidias, accedebat tam Graecorum quam Latinorum gratia devotionis, ad loca venerabilia multitudo nonnulla, quibus per mille mortis genera, perque hostium regiones ad urbem accedentibus, negabatur introitus, nisi in porta aureus, qui pro tributo constitutus erat, janitoribus daretur. Sed qui in itinere cuncta perdiderant, et vix cum incolumitate membrorum ad loca pervenerant optata, unde tributum solverent, non habebant. Sic ergo fiebat, ut ante urbem ex talibus, mille vel plures collecti, et exspectantes introeundi licentiam, fame et nuditate consumpti deficerent. Hi, tam viventes quam mortui, miseris civibus intolerabili erant oneri. Nam et viventes alere, et cibo quocunque modo sustentare satagebant; et mortuos sepulturae tradere nitebantur, cum tamen eis supra vires sua essent negotia. Quibus autem solito pretio, urbem dabatur ingredi, hi majorem civibus ingerebant sollicitudinem, timentibus, ne forte deambulantes incaute, tanquam loca sancta visere volentes, sputis et alapis afficerentur; ad postremum autem, ne clam suffocati interirent. Unde haec mala praevenire cupientes, peregrinos ad loca sancta volentes properare, cives de eorum vita et incolumitate, charitate fraterna solliciti, eorum sequebantur vestigia, timentes ne quid eis sinistri casus accideret. Erat tamen in civitate monasterium Amalfitanorum, quod usque hodie cognominatur Sanctae Mariae de Latina; et juxta illud xenodochium, ubi erat oratorium modicum, in honore beati Joannis Eleymon Alexandrini patriarchae, ad curam abbatis praedicti monasterii respiciens, in quo hujusmodi miseris sic advenientibus, tam de monasterio quam de fidelium largitionibus, eis utcunque alimonia ministrabatur. Nam de mille vix unus accedebat, qui sibi sufficere posset. Amissis enim viaticulis, laborum immensitate consumpti, vix incolumes evadere poterant. Igitur nec foris nec domi quies erat civibus, quibus mors diebus imminebat singulis; et quolibet mortis genere deterior, servitus dura et intolerabilis incumbebat. Accedebat etiam ad miseriarum cumulum, quod ecclesias eorum, quas cum tot et tantis laboribus reparaverant et conservaverant, reparatas violenter ingressi, et dum divina celebrarentur, cum furore et strepitu terrorem fidelibus incutientes, super altaria sedebant, nullam facientes locorum differentiam; subvertebant calices et vasa divinis obsequiis mancipata pedibus conculcantes, confringebant marmora, clerum contumeliis et verberibus afficientes. Ipsum quoque dominum patriarcham, qui erat pro tempore, quasi vilem et abjectam personam, de sede propria per barbam et capillum, in solum dabant praecipitem. Plerumque etiam raptum, et quasi vile mancipium tractum, sine causa detrudebant in carcerem, ut sic populum affligerent patri compatientem.

Hoc igitur tam dirae servitutis genus, plebs Deo devota, per hos quadringentos, ut praemisimus, et nonaginta annos, pia longanimitate perferens, gemitibus et lacrymosis suspiriis, et jugi precum instantia, clamabat ad Dominum, ut correctis parcens, ab eis iracundiae suae flagella clementer averteret. In profundum enim malorum descenderant; unde et abyssus abyssum invocans, abyssus miseriarum abyssum misericordiarum, ab eo qui Deus est totius consolationis, meruit exaudiri. Hos enim tandem de sede gloriae suae Dominus misericorditer respiciens, finem tantis laboribus volens imponere, consolationem eis juxta eorum desideria, paterna provisione, procurare disposuit. Cujus modum et divinae dispositionis ordinationem, qua diutinam plebi suae relevare voluit afflictionem, hoc praesenti opere, ad Christi fidelium perpetuam memoriam, scribere proposuimus.
 

CHAPITRE X.

Au milieu des dangers de toute espèce de cette époque de calamités, une multitude de Grecs et de Latins venaient par dévotion visiter les saints lieux. Après avoir échappé à mille chances de la mort et traversé des contrées ennemies, ceux qui se présentaient aux portes de la ville ne pouvaient y pénétrer s'ils ne payaient aux préposés une pièce d'or, exigée à titre de tribut. Mais ayant tout perdu en chemin, ne parvenant qu'avec beaucoup de peine à se sauver de leur personne, et à atteindre le terme si désiré, ils ne pouvaient avoir de quoi acquitter l'impôt. Il en résultait que des milliers de pèlerins, rassemblés dans les environs de la ville, attendant la permission d'entrer, réduits bientôt à une nudité absolue, succombaient, de faim et de misère. Les vivants et les morts étaient également un fardeau intolérable pour les malheureux citoyens de la ville. A peine pouvaient-ils suffire aux soins d'assurer aux vivants une nourriture quelconque; il leur fallait encore faire de nouveaux efforts pour donner la sépulture aux morts; tant de travaux étaient au dessus de leurs forces. Ceux qui, ayant acquitté le droit de péage, obtenaient la permission d'entrer, étaient encore pour leurs frères un sujet de plus vives sollicitudes. On craignait sans cesse qu'en se promenant sans précaution, comme pour visiter les lieux saints, ils ne fussent frappés, souffletés, conspués, ou même enfin assassinés ou étouffés en secret. Pleins de zèle pour prévenir ces malheurs, animés d'une sollicitude fraternelle, les citoyens suivaient sans cesse les traces des pèlerins qui allaient visiter les lieux saints, pour veiller à leur sûreté et les défendre de toutes les embûches. Il y avait dans la ville le monastère des Amalfitains, surnommé aujourd'hui encore monastère de sainte Marie Latine, et à côté un hôpital où se trouvait un petit oratoire, fondé en l'honneur du bienheureux Jean Eleymon, patriarche d'Alexandrie, et confié aux soins de l'abbé du monastère. Les malheureux voyageurs recevaient en ce lieu quelques aumônes provenant soit du monastère, soit des largesses des fidèles. Sur mille pèlerins, à peine un seul pouvait-il suffire lui même à ses besoins, car ils avaient perdu toutes leurs provisions de voyage et ce n'était qu'avec peine qu'ils s'étaient sauvés de leur personne, à travers tant de dangers et de fatigues. Ainsi les citoyens n'avaient aucun repos ni dehors ni chez eux: la mort les menaçait chaque jour, et ce qui est pire qu'une mort quelconque, ils succombaient sous le poids d'une servitude intolérable. Enfin, pour mettre le comble à toutes ces misères, leurs églises qu'ils avaient réparées et conservées, non sans d'extrêmes difficultés, étaient chaque jour exposées à de violentes agressions. Tandis qu'on célébrait le service divin, les infidèles, répandant la terreur parmi les chrétiens à force de cris et de témoignages de fureur, entraient inopinément, venaient s'asseoir jusque sur les autels, sans faire la moindre différence d'une place à une autre; ils renversaient les calices, foulaient aux pieds les vases consacrés au service du Seigneur, brisaient les marbres, accablaient le clergé d'insultes et de coups. Le seigneur patriarche lui-même était traité par eux comme une personne vile et abjecte; ils le saisissaient par la barbe on par les cheveux, le précipitaient du haut de son siège et le renversaient par terre. Souvent encore ils s'emparaient de sa personne, et le traînant comme un vil esclave, ils le jetaient sans motifs au fond d'un cachot, afin d'affliger le peuple par les souffrances de son pasteur.

Telle fut la cruelle servitude que le peuple consacré à Dieu eut à souffrir dans cet intervalle de quatre cent quatre-vingt-dix ans que j'ai indiqué plus haut. Il la supporta avec une pieuse patience, élevant vers le ciel ses gémissements et ses profonds soupirs, y joignant d'ardentes prières et criant au. Seigneur, pour le supplier de vouloir bien dans sa clémence épargner ceux qui seraient corrigés et éloigner d'eux le fléau de sa colère. Ils étaient parvenus au comble des maux, et comme l'abîme appelle l'abîme [32] , cet abîme de misères appelait un abîme de miséricordes. Ils méritèrent enfin d'être exaucés par celui qui est le Dieu de toute consolation. Du haut de son trône de gloire, le Seigneur daignant jeter sur eux un regard de compassion, résolut de mettre un terme à tant de souffrances, et se disposa dans sa paternelle bonté à leur envoyer les secours auxquels ils avaient aspiré. C'est pour en perpétuer le souvenir parmi les fidèles serviteurs du Christ que j'entreprends, dans cet ouvrage, de raconter le mode et tous les détails de cette puissante intervention, par laquelle Dieu voulut relever son peuple de ses longues douleurs.

CAPUT XI.

De adventu viri Dei, Petri Eremitae; et collatione ejus, et venerabilis viri Simeonis patriarchae Hierosolymorum.

Per idem igitur tempus, cum Deo placens praedicta civitas tantis, ut praemisimus, subjecta esset molestiis, inter eos qui orationis gratia, et causa devotionis ad loca accedebant venerabilia, sacerdos quidam, Petrus nomine, de regno Francorum, de episcopatu Ambianensi, qui et re et nomine cognominabatur Eremita, eodem fervore tractus, Hierosolymam pervenit. Erat autem hic idem statura pusillus, et quantum ad exteriorem hominem, persona contemptibilis. Sed Major in exiguo regnabat corpore virtus. Vivacis enim ingenii erat; et oculum habens perspicacem, gratumque, et sponte fluens ei non deerat eloquium. Hic, lege communi semelque proposita Christianis introire volentibus, dato tributo, urbem ingressus, hospitio susceptus est apud quemdam fidelem, qui et ipse de numero erat Christi confessorum. A quo de eorum conditione diligenter percunctans (sicuti vir industrius erat) ab eo non solum de praesenti periculo temporis, verum etiam et de persecutione, quam passi fuerant progenitores, a multis retro temporibus, plenius edoctus est; et si quid defuit ad plenam verbo factam eruditionem, id postea fides oculata complevit. Nam moram faciens in civitate, et ecclesias circuiens, didicit ipse plenius, quod prius verbo referentibus aliis comprehenderat. Audiens vero quod ejusdem civitatis patriarcha vir esset religiosus et timens Deum, volens cum eo conferre de praesenti rerum statu, et de quibusdam aliis ab eodem perfectius edoceri, accessit ad eum, praeseusque constitutus per fidelem interpretem mutuis sunt confabulationibus recreati. Erat autem nomen patriarchae Simeon; qui ex verbo Petri colligens, quod vir esset circumspectus et rerum multarum habens experientiam, potens quoque in opere et sermone, familiarius coepit exponere universa, quae populum Dei in civitate commorantem acrius affligebant. Dumque Petrus, fraterno compatiens dolore, lacrymas continere non posset, quaereretque diligentius, utrum aliqua salutis via contra haec mala ingruentia reperiri possit; respondit vir justus: Petre, lacrymas nostras, gemitus et suspiria peccatis nostris praepedientibus, exaudire dedignatur justus et misericors Dominus; nondum enim ad plenum purgata est nostra iniquitas, unde necdum flagella quiescunt. Sed si vester verus Dei cultor populus (cujus per superabundantem Domini misericordiam vires sunt adhuc integrae; et nostris hostibus formidabile, longe lateque floret imperium) praesentibus fraterna pietate compati vellet, et remedium procurare his quae nos premunt calamitatibus; aut saltem pro nobis apud Christum vellet intercedere; spes esset nobis, afflictionem nostram in proximo finiri. Nam de Graecorum imperio, licet et consanguinitate et loco nobis sint propinquiores, et divitiis abundent amplius, nulla nobis spes est de caetero, ut inde nobis aliquam habeamus consolationem. Vix enim sibi sufficiunt: omnisque eorum, ut audivisse potest vestra fraternitas, virtus emarcuit, ita ut infra paucos annos plus quam dimidium amiserint imperii. Cui Petrus: Noveris, Pater sancte, quod si Ecclesia Romana et Occidentis principes, hujus calamitatis quam patimini, diligentem et fide dignum habuerint instructorem, procul omni dubio, et verbo quantocius et opere his malis vestris tentarent remedia procurare. Scribe ergo diligentius tam domino papae et Ecclesiae Romanae, quam regibus et principibus Occidentis, et scriptum sigilli tui auctoritate corrobora. Ego vero, pro remedio animae meae, hunc laborem mihi assumere non refugio; sed, auctore Domino, paratus sum omnes convenire, omnes sollicitare, instantius aerumnarum vestrarum immensitatem protestari, et ad properandum remedium diligenter singulos invitare. Placuit sermo, et visus est bonus in oculis tam domini patriarchae, quam eorum qui assistebant fidelium; et depensis ingentibus gratiarum actionibus viro Dei, pro sua compassione, tradunt scriptum postulatum.
 

CHAPITRE XI.

Au temps donc ou la ville agréable à Dieu était, comme je l'ai dit, en proie à tant de souffrances, parmi ceux qui allaient accomplir l'œuvre de la dévotion et de la prière, en visitant les lieux saints, un prêtre nommé Pierre, né dans le royaume des Francs et dans l'évêché d'Amiens, ermite autant de fait que de nom, attiré par la même ardeur, arriva à Jérusalem. C'était un homme de très petite stature et dont l'extérieur n'offrait qu'un aspect misérable: mais une force supérieure régnait dans ce corps chétif. Il avait l'esprit vif, l'œil pénétrant, le regard agréable, et parlait avec facilité et abondance. Selon la loi commune imposée à tous les chrétiens qui voulaient entrer, il acquitta à la porte de la ville le tribut qu'on exigeait, et reçut l'hospitalité chez un fidèle qui était lui-même au nombre des confesseurs du Christ; s'informant avec empressement de la situation des chrétiens auprès de son hôte qui était aussi un homme actif et zélé, il apprit de lui non seulement tout ce qui se rapportait aux malheurs présents, mais encore tous les détails des persécutions que leurs ancêtres avaient eu à supporter depuis longues années; s'il manquait quelque chose à ce récit, le témoignage de ses propres yeux ne tarda pas à l'instruire complètement. Ayant fait quelque séjour dans la ville, et visitant toutes les églises, Pierre y trouva l'entière confirmation de tout ce que ses frères lui avaient raconté. Comme il apprit aussi que le patriarche de Jérusalem était un homme religieux et plein de la crainte du Seigneur, il désira conférer avec lui de l'état présent des affaires, et s'instruire plus en détail sur quelques autres points: il alla donc le trouver, lui fut présenté par un fidèle ami, et tous deux se réjouirent mutuellement de leurs conférences. Le patriarche s'appelait Siméon reconnaissant au langage de Pierre que c'était un homme de prudence, rempli d'expérience dans les choses du monde, puissant par les œuvres autant que par les paroles, il en vint bientôt à causer plus familièrement avec lui, et lui exposa en détail tous les maux qui affligeaient profondément le peuple de Dieu, habitant de la Cité Sainte. Pierre en l'écoutant se sentait ému d'une compassion fraternelle, et dans sa douleur il ne pouvait contenir ses larmes; puis il demanda avec sollicitude si l'on ne pouvait trouver aucune voie de salut pour échapper à tant de calamités ? L'homme juste lui répondit: «Pierre, nos péchés sont l'unique obstacle à ce que le Seigneur juste et miséricordieux daigne entendre nos gémissements et nos soupirs, et sécher nos larmes: nous n'avons point encore dépouillé complètement notre iniquité, aussi les fléaux du ciel continuent de nous frapper. Mais l'abondante miséricorde du Seigneur conserve encore intactes les forces de votre peuple, et là fleurit de tous côtés un empire formidable à nos ennemis; si votre peuple, sincère serviteur de Dieu, animé d'une piété fraternelle, voulait compatir à nos calamités et nous procurer quelque soulagement, si du moins il voulait intercéder pour nous auprès du Christ, nous conserverions encore quelque espoir de voir prochainement le terme de nos misères. L'Empire des Grecs, en effet, quoiqu'il soit beaucoup plus rapproché de nous, autant par les liens du sang que par les contrées qu'il occupe, et quoique les richesses y abondent, ne peut nous offrir ni sujet d'espérance ni motif de consolation. A peine se suffisent-ils à eux-mêmes: toute leur force s'est éteinte, ainsi que vous pouvez l'avoir entendu dire, mon frère, à tel point que dans l'espace de peu d'années, ils ont perdu plus de la moitié de leur Empire ».

Pierre lui répondit: « Apprenez, saint père, que si l'Église romaine et les princes d'Occident étaient instruits par un homme actif et digne de foi de toutes vos calamités, il est hors de doute qu'ils tenteraient d'y apporter remède autant par leurs paroles que par leurs oeuvres. Écrivez donc au plutôt au seigneur pape et à l'Église romaine, aux rois et aux princes de l'Occident, et renforcez votre témoignage écrit de l'autorité de notre sceau. Moi, je ne me refuse point à m'imposer une tâche pour le salut de mon âme: avec l'aide du Seigneur, je suis tout prêt à les aller trouver tous, à les solliciter, à leur représenter avec le plus grand zèle l'immensité de vos maux, et à les prier chacun de hâter l'époque de votre soulagement ». Cette réponse fut accueillie avec joie et parut satisfaisante au patriarche, aussi bien qu'aux fidèles qui l'entendirent. On rendit mille actions de grâces à l'homme de Dieu, et le patriarche lui remit l'écrit qu'il avait demandé.

CAPUT XII.

Revelatio quae facta est eidem Petro, in ecclesia Sanctae Resurrectionis.

Vere magnus es, Domine Deus noster, et misericordiarum tuarum non est finis. Vere, Jesu bone, non erit in te sperantibus confusio. Nam unde huic egeno et inopi, et rerum necessariarum suffragiis destituto peregrinanti, et a patriis finibus longe posito, tanta fiducia, ut supra vires negotium sibi audeat assumere et de voti consummatione habeat fiduciam? nisi quod in te, protectorem suum, jactaverat cogitatum; nisi quod charitatis ardore succensus, fratribus compatiens, proximum tanquam se ipsum diligens, legem implere satagebat? Vires non suppetunt, suadet tamen charitas. Et licet durum et impossibile videretur, quod fratres injungebant, amor Dei et proximi leve facit, quia fortis est, ut mors, dilectio. Fides igitur per dilectionem operans est, quae apud te meretur: et merita, apud te non sunt otiosa. Unde nec diu fluctuare permittis servum tuum; sed te ipsum manifestas ei et tua eum revelatione solidas, ne vacillet, Apocalypsim insinuans, per quam exsurgat fortior ad opus charitatis implendum. Accidit enim quadam die, dum praedictus Dei famulus pro reditu ad propria et pro implenda legatione assumpta, amplius solito esset sollicitus, ad fontem misericordiarum tota devotione recurrens, ecclesiam Dominicae Resurrectionis ingressus est. Ubi cum pernoctans, orationibus vigiliisque fatigatus esset impendio, labore victus, in pavimento decubuit, ut somno satisfaceret irruenti. Cumque sopor (ut solet) se infudisset altius, visus est ei Dominus noster Jesus Christus, quasi coram positus astitisse, et eamdem injunxisse legationem dicens: Surge, Petre, propera; et quae tibi sunt injuncta, intrepidus perage: ego enim tecum ero. Tempus est enim ut purgentur sancta, et servis meis subveniatur.

Expergefactus Petrus, et visione quam viderat confortatus in Domino, factus ad obediendum proclivior, et divinam admonitionem secutus, moras rumpit impiger, ad redeundum accinctus. Peractis igitur de more orationibus, sumptaque a domino patriarcha licentia et impetrata benedictione ad mare descendit, navem ibi reperiens mercatorum, qui in Apuliam transfretare proposuerant. Quam ingressus, et prospera usus navigatione, Barum pervenit. Inde Romam profectus, dominum papam Urbanum circa partes illas reperit, cui domini patriarchae et fidelium qui Hierosolymis habitabant, litteras porrigit; eorumque exponit miserias et abominationes quae in locis sanctis fiebant a gentibus immundis; et injunctam sibi tam fideliter, quam prudenter, exsequitur legationem.
 

CHAPITRE XII.

Certes, vous êtes grand, Seigneur notre Dieu, et vos miséricordes sont infinies ! Certes, bon Jésus, ceux qui espèrent en vous ne tomberont point dans la confusion ! D'où vient à ce pauvre pèlerin, dénué de toute ressource et transporté bien loin des frontières de sa patrie, une confiance si grande qu'il ose essayer une entreprise tellement au dessus de ses forces, et espérer l'accomplissement de ses désirs ? si ce n'est qu'il avait porté toute sa pensée vers vous, son protecteur, et qu'embrasé du feu de la charité, compatissant aux maux de ses frères, aimant son prochain comme lui-même, il lui suffisait d'accomplir la loi ? Les forces sont peu de chose, mais la charité persuade. Ce que ses frères lui prescrivaient pouvait paraître difficile et même impossible, mais l'amour de Dieu et du prochain le lui rend léger, parce que l'amour est fort comme la mort[33]. C'est la foi animée de la charité qui sert auprès de vous [34]  et les mérites que vous accueillez ne demeurent pas sans fruit. Aussi vous ne permettez pas que votre serviteur reste longtemps indécis; vous-même vous vous manifestez à lui; vous le fortifiez par votre révélation, afin qu'il ne vacille point, et lui inspirant votre esprit caché, vous faites qu'il se relève plus fort, afin qu'il accomplisse l'œuvre de charité. Un jour, tandis que ce serviteur de Dieu était animé d'une sollicitude plus vive que d'ordinaire, songeant à son retour dans son pays et à l'accomplissement de sa mission, il voulut recourir avec une entière dévotion à la source de toute miséricorde, et entra dans l'église de La Sainte Résurrection. La nuit étant survenue, fatigué de ses oraisons et de ses longues veilles, et vaincu par cette fatigue, il s'étendit sur le pavé, pour s'abandonner au sommeil qui l'accablait. Lorsque son assoupissement, fut parvenu an plus haut degré (comme il arrive toujours en une telle situation), il lui sembla plue Notre-Seigneur Jésus-Christ était comme placé devant, lui et lui donnait la même mission, disant

« Lève-toi, Pierre, hâte-toi: exécute avec intrépidité ce qui t'a été prescrit: je serai avec toi, car il est temps de purger les lieux saints et de secourir mes serviteurs ». Pierre s'étant levé, fortifié par cette vision du Seigneur, plus ardent désormais à l'obéissance et suivant les avertissements divins, renonce à tout délai et se dispose à repartir. Après avoir fait ses prières d'usage, pris congé du seigneur patriarche et reçu sa bénédiction, il se rend au bord de la mer et y trouve un navire de marchands qui se disposaient à mettre à la voile pour la Pouille. Il entre dans le vaisseau et arrive à Pavie, à la suite d'une heureuse navigation. De là il part pour Rome et trouve dans les environs le seigneur pape Urbain; il lui présenté les lettres du patriarche et des fidèles de Jérusalem, lui expose leurs misères, les abominations que commettent dans les lieux saints des nations impures, et s'acquitte de se mission avec autant de fidélité que de prudence.

CAPUT XIII.

De controversia inter imperatorem Henricum, et Gregorium papam septimum: et quomodo Urbanus ejus successor, Petrum ab Jerosolymis reversum, benigne suscepit.

Porro per annos ante aliquot, Henricus Teutonicorum rex, et idem Romanorum imperator, a domino Gregorio papa septimo, hujus Urbani praedecessore passus fuerat quaestionem et controversiam non modicam, super annulo defunctorum episcoporum, et baculo. Inoleverat enim consuetudo, praesertim in imperio, quod defungentibus ecclesiarum praelatis, annulus et virga pastoralis ad dominum imperatorem dirigebatur. Unde postmodum unumquemlibet de familiaribus et capellanis suis investiens, ad ecclesiam vacantem dirigebat, ut ibi pastoris fungeretur officio, non exspectata cleri electione. Quod dominus papa contra omnem fieri honestatem considerans, et jura in eo facto conculcari ecclesiastica perpendens, semel, secundo ac tertio eumdem imperatorem commonuit, ut a tam detestabili desisteret praesumptione. Quem praececeptis salutaribus commonitum, cum revocare non posset, vinculo anathematis innodavit. Quod factum nimis indigne ferens imperator, Romanam coepit Ecclesiam persequi, et domino papae Guibertum Ravennatem archiepiscopum, virum litteratum et locupletem nimis, suscitavit adversarium. Qui de viribus imperatoris praesumens et de multitudine divitiarum confisus, excluso violenter praedicto venerabili viro, sedem invasit apostolicam: ita delirus et ab intellectus sinceritate deficiens, ut id se esse crederet, quod falso dicebatur. Cumque prius infelix mundus in maligno positus, vias sequeretur periculosas, ut praediximus, et inutiles, hujus schismatis occasione ad deteriora declivis, omnem Dei et hominum post tergum dederat reverentiam, noxia sequens et declinans salutaria. Capiebantur pontifices; et quilibet ecclesiarum praelati, tanquam homicidiorum rei, mancipabantur carceribus, bonis eorum confiscatis, quicunque imperatori in hac sua perversitate non erant consentientes. Nec solum ad tempus eis irrogabantur injuriae, verum exclusis in perpetuum, intrudebantur successores. Fugiens igitur dominus papa Gregorius imperatoris indignationem, in Apuliam secesserat, ubi a domino Roberto Guischardi, Apuliae duce honeste susceptus est, et benigne tractatus, cujus etiam beneficio praedicti imperatoris manus evaserat. Tandem Salernum veniens, ibi diem vitae clausit extremum: ubi et sepultus est. Cui, post dominum Victorem, qui solis duobus mensibus post eum sedem obtinuerat, successit dominus praedictus Urbanus, qui Henrici nihilominus, praedicti Henrici successoris, in eadem malitia obstinati, furorem declinans, locis munitioribus apud suos fideles delitescebat, nusquam plene securus. Hic in illa sua adversitate constitutus, praedictum Petrum virum venerabilem ab Hierosolymis reversum, jam dictae legationis fungentem officio benigne suscepit; et ei in verbo, cujus bajulus erat, se fidelem cooperatorem tempore accepto repromisit. Petrus autem omnem transcurrens Italiam, zelo divino succensus, Alpes transiens, Occidentales principes omnes singulatim circuit, instat sollicitus, increpat, arguit; atque cooperante gratia, monendo quibusdam persuadet, ut fratribus in tanta afflictione positis subvenire non differant; et loca sancta, quae Dominus propria dignatus est illustrare praesentia, infidelium spurcitiis diutius profanari non permittant. Nec visum ei sufficere, quod hoc apud principes disseminaret, nisi etiam et plebes et inferioris manus homines, ad id ipsum piis exhortationibus animaret. Percurrens ergo nationes, pie sollicitus, et regna, pauperibus et abjectissimis personis, legationi suae fideliter satisfaciens, id ipsum evangelizabat. Cui tantam gratiam, ejus fidei meritum respiciens, contulerat Dominus, ut raro unquam sine fructu populus conveniret. Fuitque domino papae, qui eum ultra montes sine dilatione sequi decreverat, in eodem verbo plurimum necessarius. Nam praecursoris functus officio, auditorum mentes ad obediendum praeparaverat, ut facilius idem persuadere volens, obtineret propositum, et universorum animos ad se compendiosius inclinaret.
 

CHAPITRE XIII.

Quelques années auparavant, le pape Grégoire, prédécesseur d'Urbain, avait, après de longues contestations, vivement poursuivi Henri, roi des Teutons et empereur des Romains, au sujet de l'anneau et de la crosse des évêques défunts. Par suite d'une ancienne habitude, invétérée surtout dans l'Empire, on envoyait à l'empereur l'anneau et la crosse pastorale, après la mort des prélats de chaque église. Aussitôt, et sans attendre l'élection du clergé, l'empereur chargeait un homme quelconque, choisi par ses familiers et ses chapelains, de remplir les fonctions de pasteur dans l'Église vacante. Le pape jugeant qu'un tel procédé était contraire à toute honnêteté et foulait aux pieds les droits de l'Église, envoya trois avertissements consécutifs à l'empereur, pour l'inviter à renoncer à cette détestable prétention. Après l'avoir ainsi prévenu par de salutaires conseils ne pouvant le persuader, il l'enchaîna du moins parles liens de l'anathème. L'empereur, irrité de ce traitement, commença à persécuter l'église romaine: il suscita un adversaire au pape dans la personne de Guibert, archevêque de Ravenne, homme lettré et extrêmement riche. Celui-ci se confiant aux farces de l'empereur et à l'immensité de ses richesses, déposséda par la violence l'homme vénérable qui occupait le siège apostolique, envahit le Saint-Siège même, et dépourvu de toute droiture d'esprit, il en vint à ce point de délire de se croire réellement élevé au rang qu'on lui attribuait par un impie mensonge. Comme le monde, livré au mal, ainsi que je l'ai dit, suivait alors des voies pleines de danger, et qui ne pouvaient porter aucun bon fruit, ce schisme nouveau le poussa encore plus dans ses mauvais penchants; il perdit entièrement tout respect de Dieu et des hommes, ne recherchant que ce qui était nuisible et rejetant tous les moyens de salut. On arrêtait les évêques; les prélats des églises, quels qu'ils fussent, poursuivis comme s'ils eussent été coupables d'homicide, étaient jetés dans des cachots et voyaient tous leurs biens confisqués, dès qu'ils refusaient d'approuver l'empereur dans sa perversité. Et ce n'était pas seulement des affronts passagers qu'ils avaient à subir, on les chassait pour toujours de leurs églises, on leur substituait des intrus. Le pape Grégoire, fuyant l'indignation de l'empereur, s'était retiré dans la Pouille. Il y avait été reçu honnêtement et traité avec bonté par Robert Guiscard, duc de ce pays, aux bons offices duquel il devait déjà d'avoir échappé aux mains de l'empereur. Puis s'étant rendu à Salerne, il y atteignit le terme de sa vie et y fut enseveli. Après Victor, qui n'occupa le siège que deux mois, il eut pour successeur Urbain, qui, pour échapper à la fureur de Henri, successeur de l'autre Henri, et persévérant dans les mêmes voies, vécut aussi caché dans des lieux forts, au milieu de ses fidèles, sans trouver nulle part un asile parfaitement sûr. Ce fut au sein même de ces adversités qu'il reçut et traita avec bonté Pierre l'ermite, lorsque celui-ci vint s'acquitter de sa mission: il lui promit au nom du Verbe, dont il était l'appui, de se montrer, au temps nécessaire, coopérateur fidèle de son dessein. Pierre, embrasé du zèle divin, parcourt toute l'Italie, franchit les Alpes, visite successivement tous les princes de l'Occident, se transporte en tous lieux, presse, gourmande, insiste avec fermeté et parvient, avec le secours de la grâce, à persuader à quelques-uns qu'il importe de se hâter pour subvenir aux pressants besoins de ceux de leurs frères qui succombent à l'oppression, et de ne pas souffrir que les lieux saints, que le Seigneur daigna illustrer de sa présence, demeurent plus longtemps exposés aux profanations et aux impuretés des infidèles. Il juge même qu'il ne suffit pas de porter ses avertissements chez les princes, et qu'il convient de faire entendre les mêmes exhortations aux peuples et à tous les hommes de condition inférieure. Pieux solliciteur, il parcourt tous les pays, visite tous les royaumes, s'acquitte de sa mission auprès des pauvres et des hommes les plus obscurs, et évangélise de toutes parts. Le Seigneur, reconnaissant le mérite d'une foi si ardente, lui avait conféré tant de grâce qu'il était rare qu'il échouât complètement dans aucune de ses tentatives auprès des peuples. Il fut donc extrêmement utile au pape, qui avait résolu de le suivre sans délai par delà les monts. Remplissant les fonctions de précurseur, il prépara les esprits de ses auditeurs à l'obéissance, afin que celui qui entreprendrait de les persuader parvint plus facilement à son but, et déterminât plus promptement toutes les volontés.

 

CAPUT XIV.

De ingressu domini Urbani papae ad partes ultra montanas, et synodo apud Clarummontem habita.

Anno igitur ab Incarnatione Domini 1095, indictione IV, regnante domino Henrico quarto, Teutonicorum rege, et eodem Romanorum imperatore, anno regni ejus quadragesimo tertio, imperii vero duodecimo: illustri quoque Francorum rege domino Philippo, Henrici filio, regnante in Francia, praedictus dominus Urbanus, videns hominum malitiam modum excessisse, et cuncta ferri deorsum, quasi ad malum prona, post concilium quod ex universa Italia, ad corrigendos excessus hominum necessarium valde, apud Placentiam celebraverat, imperatoris praedicti indignationem fugiens, discedens ab Italia, Alpes transcendit, regnum Francorum ingressus. Ubi videns, sicut et prius audierat, divina passim conculcari monita, doctrinam Evangelii sordere, fidem periisse, charitatem et omnem periclitari virtutem; econtrario autem adversae potestatis et principis tenebrarum longe lateque nimis patere imperium: anxius plurimum, sicut ex officii debito tenebatur, quomodo tot vitiorum monstris, tot peccatorum prodigiis posset occurrere, quae ita miserabiliter pullulabant, et orbem involverant universum concilium generale, prius apud Vigiliacum, deinde apud Podium, convocare disposuit. Sed novissime apud Clarummontem Alverniae civitatem, divina comite gratia, ex universis transalpinarum partibus provinciarum, mense Novembre, episcoporum et abbatum convenit sacer conventus, in nomine Domini, praesentibus etiam praedictarum partium nonnullis principibus. Ubi, ordinatis de praelatorum Ecclesiae et virorum Deum timentium consilio institutionibus, quae ad erigendum labentis Ecclesiae statum videbantur respicere; et promulgatis canonibus, qui ad morum aedificationem et corrigendam delictorum enormitatem poterant proficere; et qui pacem, suggerente Petro Eremita, quae de rebus perierat, reformarent, qui verbo sibi injuncto debitam gerebat sollicitudinem; novissime ad hanc exhortationem se convertit, dicens:
 

CHAPITRE XIV.

[1095.]L'an mil quatre-vingt-quinzième de l'incarnation de Notre-Seigneur, à la quatrième indiction, sous le règne, de Henri 4, roi des Teutons et empereur des Romains (c'était la quarante-troisième année de son règne, et la deuxième de son élévation à l'empire); l'illustre roi des Francs, Philippe, fils de Henri, régnant dans le même temps en France; le seigneur pape Urbain, voyant que la méchanceté des hommes avait dépassé toute borne, que tout ordre était renversé, et que toutes choses ne tendaient plus qu'au mal, après avoir tenu à Plaisance un concile qu'il avait convoqué pour toute l’Italie (et qui, certes, était bien nécessaire pour réprimer les excès de tout genre), quitta l'Italie pour fuir le courroux de l'empereur, traversa les Alpes et entra dans le royaume des Francs. Il y reconnut, selon qu'il l'avait déjà entendu dire, que toutes les lois divines étaient foulées aux pieds, la doctrine de l'Évangile méconnue et méprisée, la foi, la charité et toutes les vertus éteintes dans les cœurs; qu'en même temps, l'empire de la puissance ennemie et du prince des ténèbres s'étendait de toutes parts. Cherchant avec anxiété, ainsi qu'il y était obligé par son office, les moyens de s'opposer à tant de vices monstrueux, à cette énorme quantité de péchés qui pullulaient en tous sens, et envahissaient le monde entier, il résolut de convoquer un concile général qui dut se rassembler d'abord à Vézelay, ensuite au Puy. Mais par une nouvelle décision, le collège sacré des évêques et des abbés, venus de toutes les divisions des provinces Transalpines, se réunit, par la grâce de Dieu, à Clermont, ville d'Auvergne, dans le mois de Novembre. Quelques-uns des princes qui régnaient dans ces diverses contrées y assistèrent aussi. Après avoir, de l'avis des prélats et des hommes craignant Dieu, arrêté les décisions qui paraissaient les plus propres à relever l'Église chancelante, et promulgué les canons qui furent jugés les plus utiles pour l'édification des mœurs, pour la réforme des énormes délits, et surtout pour le rétablissement de la paix, qui semblait disparue de ce monde, comme le disait Pierre l'ermite, toujours zélé pour l'accomplissement de son œuvre, le seigneur Urbain adressa une exhortation au concile assemblé, et parla en ces termes:

CAPUT XV.

Exhortatio domini papae ad populum, pro via Hierosolymitana.

Nostis, fratres dilectissimi, et vestram nosse id expedit charitatem, quomodo humani generis Reparator, pro nostra omnium salute carnem assumens, et homo inter homines conversatus, terram promissionis, quam pridem patribus promiserat, propria illustravit praesentia; et assumptae dispensationis operibus, et crebra simul miraculorum exhibitione reddidit specialiter in ignem. Id enim et Veteris et Novi, pene in omnibus syllabis, docet series Testamenti. Quadam sane dilectionis praerogativa certum est eam dilexisse, ita, quod eam orbis partem, imo particulam, haereditatem suam dignatus est appellare, cum ejus sit omnis terra et plenitudo ejus. Unde per Isaiam ait: Haereditas mea Israel ; et item: Vinea Domini Sabaoth, domus Israel est. Et licet totam, in partem praecipuam, sibi dedicaverit ab initio, peculiarius tamen Urbem sanctam sibi adoptavit in propriam, testante Propheta, qui ait: Diligit Dominus portas Sion super omnia tabernacula Jacob. De qua gloriosa dicuntur, videlicet quod in ea docens, passus, et resurgens Salvator, salutem operatus est in medio terrae: ad hoc a saeculis praeelecta, ut tantorum esset conscia, et cella familiaris mysteriorum. Electa nimirum: quod ipse qui elegit, testatur, dicens: Et de Hierusalem civitate quam elegi, veniet vobis Salvator. Quam etsi peccatis inhabitantium id exigentibus, justo judicio suo in manus impiorum saepius tradi permiserit Deus, et durae jugum servitutis ad tempus eam sustinere passus sit; non tamen arbitrandum est, quod eam quasi a se repudiatam abjecerit. Cum scriptum sit: Flagellat Deus omnem filium quem recipit ; illi vero thesaurizat iram, cui dicit: Recessit zelus meus a te, jam amplius non irascar tibi. Diligit ergo eam, nec intepuit erga eam dilectionis fervor, cui dicit: Eris corona gloriae in manu Domini, et diadema regni in manu Dei tui; et non vocaberis amplius desolata, sed vocaberis voluntas mea in ea, quia complacuit Domino in te. Haec igitur salutis nostrae incunabula, Domini patriam, religionis matrem, populus absque Deo, ancillae filius Aegyptiae, possidet violenter; et captivatis liberae filiis, extremas imponit conditiones, quibus versa vice merito servire tenebatur. Sed quid scriptum est? Ejice ancillam, et filium ejus. Sarracenorum enim gens impia, et mundanarum sectatrix traditionum, loca sancta, in quibus steterunt pedes Domini, jam a multis retro temporibus violenta premit tyrannide, subactis fidelibus et in servitutem damnatis. Ingressi sunt canes in Sancta, profanatum est sanctuarium; humiliatus est cultor Dei populus; angarias patitur indignas genus electum; servit in luto et latere regale sacerdotium; princeps provinciarum, facta est sub tributo, civitas Dei. Cujus non liquefiat anima? cujus non tabescant praecordia, his ad animum recurrentibus? Quis haec siccis oculis audire potest, fratres charissimi? Templum Domini, de quo zelans Dominus vendentes ejecit et ementes, ne domus Patris ejus fieret spelunca latronum, factum est sedes daemoniorum. Id ipsum enim et Mathathiam sacerdotem magnum, sanctorum progenitorem Machabaeorum, ad zelum accendit commendabilem, sicut ipse testatur, dicens: Templum Domini quasi vir ignobilis; vasa gloriae ejus abducta sunt captiva. Civitas Regis regum omnium, quae aliis regulas intemeratae tradidit fidei, gentium superstitionibus cogitur invita deservire. Sanctae Resurrectionis ecclesia, requies dormientis Domini, eorum sustinet imperia, foedatur spurcitiis, qui resurrectionis non habebunt participium, sed stipula ignis aeterni, perennibus deputabuntur incendiis. Loca venerabilia divinis deputata mysteriis, quae Dominum in carne susceperunt hospitem, signa viderunt, senserunt beneficia, quorum omnium in se plena fide praetendunt argumenta, facta sunt gregum praesepia, stabula jumentorum. Laudabilis populus, cui benedixit Dominus exercituum, sub angariarum et sordidarum praestationum pondere gemit fatigatus; rapiuntur eorum filii, matris Ecclesiae chara pignora, ut gentium immunditiis deserviant, et nomen Dei vivi abnegent vel ore blasphement sacrilego, compelluntur; aut impia detestantes imperia, caeduntur gladiis more bidentium, sanctis martyribus sociandi. Non est sacrilegis locorum differentia, non est personarum respectus: in sanctuariis occiduntur sacerdotes et levitae; coguntur virgines fornicari, aut per tormenta perire; nec matronis aetas maturior suffragatur. Vae nobis, qui in hanc tam periculosi temporis descendimus miseriam, quam in spiritu praevidens electus a Domino David rex fidelis, deplorat dicens: Deus, venerunt gentes in haereditatem tuam, polluerunt templum sanctum tuum. Et item: Populum tuum humiliaverunt, et haereditatem tuam vexaverunt. Utquid, Domine, irasceris in finem, accendetur velut ignis ira tua? Ubi sunt misericordiae tuae antiquae, Domine? Verumne est quod dicitur: Non obliviscetur misereri Deus, non continebit in ira sua misericordias suas? Recordare quid acciderit nobis; intuere, et vide opprobrium nostrum. Vae nobis, ut quid nati sumus videre corruptionem populi nostri, et contritionem civitatis sanctae; et sedere illic cum dantur in manibus inimicorum sancta? Vos igitur, dilectissimi, armamini zelo Dei. Accingimini unusquisque gladio suo super femur suum potentissime. Accingimini, et estote filii potentis. Melius est enim mori in bello, quam videre mala gentis nostrae et sanctorum. Si quis zelum legis Dei habet, adjungat se nobis. Subveniamus fratribus nostris. Disrumpamus vincula eorum, et projiciamus a nobis jugum ipsorum. Egredimini, et Dominus erit vobiscum. Arma quae caede mutua illicite cruentastis, in hostes fidei et nominis Christiani convertite. Furta, incendia, rapinas, homicidia, et caetera qualia qui agunt, regnum Dei non possidebunt, hoc Deo beneplacito redimite obsequio; ut delictorum, quibus Dominum ad iracundiam provocastis, celerem indulgentiam pro vobis obtineant haec pietatis opera, et deprecatio collata sanctorum. Monemus igitur et exhortamur in Domino, et in remissionem peccatorum injungimus, ut fratribus nostris, et coelestis regni cohaeredibus (omnes enim sumus invicem membra, haeredes quidem Dei, cohaeredes autem Christi) qui Hierosolymis et in finibus ejus habitant, afflictioni et laboribus compatientes, infidelium insolentiam (qui sibi regna, principatus et potestates subjicere contendunt) debita compescatis animadversione; et illis totis viribus occurratis, quibus est propositum, nomen delere Christianum. Alioquin futurum est, ut in proximo Ecclesia Dei jugum indebitae perferens servitutis, fidei sentiat dispendium, praevalente gentilium superstitione. In quanta enim positi sint afflictione, noverunt ex vobis nonnulli, qui haec quae loquimur, oculata conspexerunt fide, et praesens illorum per manum Petri, viri venerabilis, qui praesens est, ad nos delata docet epistola. Nos autem, de misericordia Domini et beatorum Petri et Pauli apostolorum auctoritate confisi, fidelibus Christianis, qui contra eos arma susceperint, et onus sibi hujus peregrinationis assumpserint, injunctas sibi pro suis delictis poenitentias relaxamus. Qui autem ibi in vera poenitentia decesserint, et peccatorum indulgentiam et fructum aeternae mercedis se non dubitent habituros. Interim vero eos qui ardore fidei ad expugnandos illos laborem istum assumpserint, sub Ecclesiae defensione, et beatorum Petri et Pauli protectione, tanquam verae obedientiae filios recipimus; et ab universis inquietationibus, tam in rebus quam in personis statuimus manere securos. Si vero quisquam molestare eos interim ausu temerario praesumpserit, per episcopum loci excommunicatione feriatur: et tandiu sententia ab omnibus observetur, donec et ablata reddantur, et de illatis damnis congrue satisfiat. Episcopi vero et presbyteri, qui talibus fortiter non restiterint, officii suspensione multentur, donec misericordiam sedis apostolicae obtineant.

His dictis, finem dicendi fecit, praecipiens iis qui aderant, ecclesiarum praelatis, ut ad propria reversi, cum omni instantia et debita sollicitudine plebes suas ad idem hortentur et invitent diligentius. Iis dictis finem dicendi fecit, et soluta synodo valedicentes ad invicem, ad propria sunt reversi: ante omnia, juxta statuta synodi fideliter laborantes, ut pax (quae verbo vulgari treuga dicitur) ab omnibus observetur illibata, ne ire volentibus, et ad necessaria discurrere, ullum ministraretur impedimentum.
 

CHAPITRE XV.

« Vous savez, mes frères bien-aimés, et il convient que votre charité n'oublie jamais, que le Rédempteur du genre humain se revêtissant de chair pour le salut de tous, et devenu homme parmi les hommes, a illustré par sa présence la terre de promission, qu'il avait jadis promise aux patriarches; il l'a rendue surtout célèbre par les œuvres qu'il y accomplit, et par la fréquente manifestation de ses miracles. L'ancien, comme le nouveau Testament, nous l’enseignent à chaque page, à chaque syllabe. Il est certain qu'il a accordé à cette portion infiniment petite du globe un privilège tout particulier de prédilection, puisqu'il daigne l'appeler son héritage, tandis que toute la terre et tout ce qu'elle contient lui appartiennent. Ainsi a-t-il dit par la bouche d'lsaïe: Israël est ma maison et mon héritage [35], et encore: la maison d'Israël est la vigne du Seigneur des armées [36]. Et quoique, dès le principe, il eût spécialement consacré toute cette contrée, cependant il adopta plus particulièrement encore la ville sainte, comme lui appartenant en propre, témoin le prophète qui dit: Le Seigneur aime les portes de Sion plus que toutes les tentes de Jacob [37] .C'est d'elle qu'on dit des choses glorieuses, savoir, qu'enseignant, souffrant, ressuscitant dans cette ville, le Sauveur y opéra le salut au milieu de toute la terre. Elle était élue à travers les siècles pour devenir le témoin, le théâtre habituel de tant de miracles. Élue sans doute, car celui qui élit l'a attesté lui-même, en disant: C'est de la ville de Jérusalem que j'ai élue, que vous viendra le Sauveur. Quoiqu'en expiation des péchés de ses habitants, Dieu ait permis par un juste jugement qu'ils aient été souvent livrés aux mains des impies, et que la ville ait subi pour un temps le joug d'une dure captivité, il ne faut pas croire cependant qu'il l'ait rejetée loin de lui, comme pour la répudier; car il est écrit: Le Seigneur châtie celui qu'il aime [38].  Celui-là au contraire amasse des trésors de colère, à qui il a dit: Je ferai cesser mon indignation à votre égard; mon zèle et ma jalousie se retirera de vous[39Il l'aime donc toujours; la ferveur de son amour ne s'est point éteinte envers celle à qui il a dit: Vous serez une couronne de gloire dans la main du Seigneur, et un diadème royal dans la main de votre Dieu. On ne vous appellera plus la répudiée, et votre terre ne sera plus appelée la terre déserte; mais vous serez appelée ma bien-aimée, et votre terre la terre habitée, parce que le Seigneur a mis son affection en vous[40]. Ce berceau de notre salut, cette patrie du Seigneur, cette mère de la religion, un peuple sans Dieu, le fils de l'Egypte esclave, l'occupe par là violence. Les fils de la ville libre sont en captivité, ils subissent la plus dure condition, de la part de celui qui était tenu à juste titre de les servir. Mais qu'est-ce qui est écrit ? Chassez cette servante avec son fils[41]. La race impie des Sarrasins, sectateurs de traditions mondaines, accable d'une cruelle tyrannie, et depuis de longues années, les lieux saints, où ont posé les pieds du Seigneur. Elle a subjugué les fidèles et les a condamnés à l'esclavage. Les chiens sont entrés dans les lieux sacrés, le sanctuaire a été profané, le peuple adorateur de Dieu a été humilié; la race des élus subit d'indignes persécutions, le collège royal des prêtres sert dans la fange; la cité de Dieu, la reine des nations a été soumise à un tribut. Quelle âme ne serait émue, quel cœur ne se sentirait amolli, en pensant à toutes ces choses ? Qui pourrait, mes frères chéris, demeurer les veux secs en apprenant tout cela ? Le temple de Dieu, d'où le Seigneur, rempli de zèle, chassa les vendeurs et les acheteurs, pour que la maison de son père ne devint pas une caverne de larrons, ce temple est devenu la demeure des démons. Un fait semblable excita jadis un zèle louable chez Mattathias-le-Grand, prêtre, père des saints Macchabées: Le temple de la ville sainte, disait-il, est traité comme un homme infâme; les vases consacrés à sa gloire ont été enlevés comme des captifs[42]. La ville du roi des rois, qui transmit aux autres les préceptes d'une foi pure, a été contrainte malgré elle de servir aux superstitions des Gentils. L'église de la Sainte Résurrection, lieu de repos du Seigneur endormi, reçoit leurs lois, et est souillée des ordures de ceux qui ne participeront point à la résurrection, qui sont destinés à entretenir un incendie sans fin, à servir de paille au feu éternel. Les lieux vénérables consacrés aux mystères divins, qui prêtèrent l'hospitalité au Seigneur revêtu de chair, qui virent ses miracles, qui éprouvèrent ses bienfaits dont chaque fidèle reconnaît la preuve dans la sincérité de sa foi, sont devenus les crèches des bestiaux, les étables des chevaux. Le peuple digne de louanges, que le Seigneur des armées a béni, gémit et succombe sous le poids des outrages et des exactions les plus honteuses. Ses fils sont enlevés, gage précieux de l'Église leur mère; on les excite à se soumettre aux impuretés des autres peuples, à renier le nom du Dieu vivant, ou à le blasphémer d'une bouche sacrilège; ou bien, s'ils détestent l'empire de l'impiété, ils périssent sous le fer comme des brebis, dignes d'être associés aux saints martyrs. Il n'est pour ces hommes aucune différence, ni de lieux, ni de personnes: les prêtres et les lévites sont assassinés dans le sanctuaire, les vierges sont contraintes à se prostituer, ou périssent au milieu des tourments, l'âge même ne met pas les matrones à l'abri de semblables injures. Malheur à nous qui sommes parvenus à l'excès de misère de ces temps pleins de périls, que le roi fidèle David, élu par le Seigneur, déplorait dans sa prévoyance prophétique, en disant: O Dieu, les nations sont entrées dans votre héritage, elles ont souillé votre saint temple[43]. et ailleurs: Ils ont, Seigneur, humilié et affligé votre peuple, ils ont accablé votre héritage[44]. Jusqu'à quand, Seigneur, vous mettrez-vous en colère, comme si votre colère devait être éternelle [45] ? Où sont, Seigneur, vos anciennes miséricordes [46]? Ce qui a été dit, n'est-il pas vrai ? Dieu oubliera-t-il sa bonté compatissante ? Et sa colère arrêtera-t-elle le cours de ses miséricordes[ 47]. Souvenez-vous de ce qui nous est arrivé, considérez et regardez l'opprobre où nous sommes [48] ? Malheur à moi ! Suis-je donc né pour voir l’affliction de mon peuple, et le renversement de la ville sainte, et pour demeurer en paix, lorsqu'elle est livrée entre les mains de ses ennemis [49] ! Vous donc, mes frères bien-aimés, armez-vous du zèle de Dieu; que chacun de vous ceigne ses reins d'une puissante épée. Armez-vous, et soyez fils du Tout-Puissant. Il vaut mieux mourir dans la guerre, que voir les malheurs de notre race et des lieux saints. Si quelqu'un a le zèle de la loi de Dieu, qu'il se joigne à nous; allons secourir nos frères. Rompons leur lien, et rejetons loin de nous leur joug [50]. Marchez, et le Seigneur sera avec vous. Tournez contre les ennemis de la foi et du nom de Christ, ces armes que vous avez injustement ensanglantées du meurtre de vos frères. Ceux qui commettent le larcin, l'incendie, le rapt, l'homicide, et d'autres crimes, ne posséderont point le royaume du ciel; rachetez-vous par de bons services qui seront agréables à Dieu, afin que, ces œuvres de piété, jointes à l'intercession de tous les saints, vous obtiennent promptement l'indulgence pour tous les péchés par lesquels vous avez provoqué la colère divine. C'est au nom du Seigneur, et pour la rémission des péchés, que nous invitons et exhortons tous nos frères, à prendre compassion des douleurs et des fatigues de leurs frères, cohéritiers du royaume céleste (car nous sommes tous et à l'envi héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ [51]. qui habitent à Jérusalem et dans les environs, et à s'opposer, avec une haine bien méritée, à l'insolence des infidèles, qui s'efforcent de subjuguer les royaumes, les principautés, les puissances. Rassemblez toutes vos forces pour résister à ceux qui ont résolu de détruire le nom chrétien. Si vous ne faites ainsi, il arrivera bientôt que l'Église de Dieu aura à subir un joug qu'elle ne mérite point, la foi décroîtra sensiblement, et la superstition des Gentils prévaudra. Quelques-uns de ceux devant qui nous parlons ont pu voir de leurs propres yeux l'extrême affliction de leurs frères; cette lettre qui nous a été apportée de leur part, par un homme vénérable, appelé Pierre, nous l'apprend encore mieux. Quant à nous, nous confiant aux miséricordes du Seigneur, et nous appuyant sur l'autorité des bienheureux apôtres, Pierre et Paul, nous remettons aux chrétiens fidèles qui prendront les armes contre ces ennemis, et s'acquitteront de la tâche de ce pèlerinage, les pénitences qui leur ont été imposées pour leurs péchés. Que ceux qui seront morts dans ces lieux avec un véritable repentir ne doutent point qu'ils obtiendront indulgence pour leurs péchés, et qu'ils gagneront les fruits des récompenses éternelles. Pendant ce temps, ceux qui, dans l'ardeur de leur foi, auront entrepris cette expédition, nous les recevons sous la protection de l'Église, des bienheureux Pierre et Paul, comme des enfants de la vraie obéissance, et nous les déclarons spécialement à l'abri de toute vexation, soit dans leurs biens, soit dans leurs personnes. Si cependant quelqu'un avait la téméraire audace de les molester, qu'il soit frappé d'excommunication par, l'évêque de son diocèse, que cette sentence soit observée de tous, jusqu'à ce que ce qui aura été enlevé soit restitué, et qu'il ait été satisfait aux dommages par une indemnité convenable. Qu'en même temps, les évêques et les prêtres, qui ne résisteraient pas avec force à de telles entreprises, soient punis de la suspension de leurs fonctions, jusqu'à ce qu'ils obtiennent la miséricorde du siège apostolique ».

Il dit, et ordonne à tous les prélats des églises qui étaient présents de retourner dans leurs diocèses et d'appliquer toute leur sollicitude au soin d'exciter leurs peuples par les plus vives instances à suivre les mêmes oies. Le synode dissous, tous prennent congé les uns des autres et retournent chez eux; ils partent résolus, sur toute chose, à faire observer par tous les fidèles cette paix que tous les statuts du synode viennent de prescrire, et qu'on appelait dans le langage ordinaire treuga, la trêve de Dieu, afin que ceux qui voudront partir n'éprouvent aucun empêchement.

 

(01) Seïd-ben-Batrik, plus connu sous le nom d'Eutychius.

(02) Evang. sel. S. Matth. chap. 22, V. 22.

(03)  Proverb. chap. 10, v. 19.

(04) Chosroès.

(05)   En 638

(06) En 628

(07) De l'an 786 à l'un 809.

(08) Dans la Vie de Charlemagne par Eginhard, page 139.

(09) Voyez la Vie de Charlemagne par Eginhard, page 151.

(10) Les Shiites, ou sectateurs d'Ali, pensent que si Mahomet est l'apôtre de Dieu, Ali est son vicaire, et que les trois premiers Califes, Abubeker, Omar et Othman ont été des usurpateurs. Les Sonnites regardent Abubeker, Omar, Othman et Ali comme légitimes successeurs du prophète, mais pensent que l'ordre de sainteté a déterminé l'ordre de succession, et ne placent par conséquent Ali que le dernier.

(11)  Hakem Bamrillah, troisième calife Fatimite en Égypte qui régna de l'an 996 à l'an 1021.

(12)  Ville située près de Jaffa, qu'il ne faut point confondre avec l'ancienne Rama sur le mont Ephraïm, et dont l'antiquité ne remonte pas au-delà du commencement du huitième siècle.

(13) En 1009.

(14) Une mosquée.

(15)  Est-il nécessaire d'avertir que c'est là le fait qui a fourni au Tasse l'admirable épisode d'Olinde et Sophronie ?

(16) Daller Ledinillah, quatrième calife fatimite en Egypte qui régna de l'an 1021 à l'an 1036.
 

(17) Romain Argyre, empereur de l'an 1028 à l'an 1034.

(18)  Empereur d'Orient de l'an 1042 à l'an 1054.

(19) Thécué ou Thekoa, à deux lieues environ de Bethléem, vers le sud-est.

(20) Entre la Mésopotamie et la Perse; c'est le fleuve auprès duquel, selon l'écriture, Ezéchiel eut ses visions. (Ezéchiel, chap. 1, v. I).

(21)Il s'agit ici de Togrul-Bey, fils de Michel, fils de Seljouk, qui fut en effet le premier sultan des Turcs, et régna sur eux de 1038 à 1063.

(22) En 1076.

(23) Osée, chap. 4, V. 9.

(24) Ev. sel. S. Math. chap. 10, v. 8

(25) Genèse, chap. 6, v. 11.

(26) Ev. sel. S. Math, chap. 24, v. 7,

(27)  Epit. de S. Pierre, chap. 2, V. 22.

(28) Jérémie, chap. 5, v. 3.

(29)  De 1068 à 1071

(30)  Alp-Arslan, second sultan des Turcs, qui régna de 1063 à 1072.

(31)  Psaum. 105, v. 39.

(32) Psaum. 41, v. 8.

(33)   Cantique des Cantiques, chap. 8, v.6.

(34) Epît. de S. Paul aux Galates,chap. 5, v.6.

(35) lsaïe, chap. 19, V. 25

(36)   Ibid. chap. 5, v. 7.

(37)  Psaum 86, v. 1.

(38). Epît. de S. Paud aux Hébreux, chap. 12, V. 6.

(39)  Ézéchiel, chap. 16, v. 42.

(40)  lsaie, chap. 62, v. 3, 4

(41) Genèse, chap. 21, v. 10.

(42)    Macchabées. I. 1, chap. 2, v. 8,9

(43) Psaum. 78, v. 1.

(44) Psaum. 93, v. 5.

(45) Psaum. 78, v. 5.

(46). Psaum. 88, v. 48.

(47)  Psaum. 76, v. 9.

(48)  Lament, de Jérémie, chap. 5, v. 1

(49)  Macchabées. I. 1, chap. 2, v. 7

(50)  Psaum. 2, v. 3.

(51) Epît de S. Paul aux Romains, chap. 8, v. 17