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ÉLIEN

HISTOIRES DIVERSES

LIVRE TREIZIÈME.

1. D'Atalante. - 2. Punition de Macarée. - 3. Du tombeau de Bélus ouvert par Xerxès. - 4. Mot d'Euripide. - 5. De Laïus. - 6. Qualités particulières de quelques vins de la Grèce. - 7. Conduite d'Alexandre après la prise de Thèbes. - 8 et 9. De Lysandre, et de Lamia -10. Double mariage de Denys. - 11. Effet d'une harangue d'Isocrate. - 12. De l'astronome Méton. - 13. Mot de Ptolémée. - 14. Des poèmes d'Homère. - 15. Noms de quelques imbéciles célèbres. - 16. Des Apolloniates. - 17. Ancien adage. - 18. De Denys. - 19. Mot de Cléomène sur Homère et sur Hésiode. - 20. Mot de Cercidas mourant. - 21. De la peau du satyre Marsyas. - 22. Du temple d'Homère. - 23. De Lycurgue. - 24. De quelques législateurs pour qui les lois qu'ils avaient établies ont été funestes. - 25. Combat de Pindare avec Corinne. - 26. Profit que Diogène tira de l'exemple d’une souris. - 27. De Socrate. - 28. Mot de Diogène. - 29. Mot de Platon. - 30. Mot d’Olympias, mère d'Alexandre. - 31. De l’humanité de Xénocrate. - 32. Mot de Socrate à une courtisane. - 33. De la fortune de Rhodope. - 34. De Denys. - 35. Remèdes dont se servent les cerfs. - 36. De la mort d'Eurydice. - 37. Gélon et les conjurés. - 38. Quelques mots d'Alcibiade. - 39. D'Éphialte. - 40. Quelques mots de Thémistocle. - 41. Mot de Phocion. - 42. Beau trait de la vie d'Épaminondas. - 43. De Timothée et de Thémistocle. - 44. De Thémistocle et d'Aristide. - 45. Cruauté de Denys l’ancien. - 46. D'un dragon reconnaissant.

 

1. D'Atalante (01).

JE vais raconter ce que les Arcadiens disent d'Atalante, fille de Jasion.
Dès qu'Atalante fut née, son père ordonna qu'on l'exposât : " J'ai besoin, disait-il, non de filles, mais de garçons. " Celui que Jasion avait chargé de le délivrer de la sienne, au lieu de la faire mourir, la porta sur le mont Parthénius, et la laissa au bord d'une fontaine, voisine d'un rocher creux, au-dessus duquel s'élevait une épaisse forêt. Cette enfant destinée à la mort ne fut point abandonnée de la fortune. Une ourse, à qui des chasseurs avaient enlevé ses petits, arriva peu de temps après dans ce lieu, traînant avec peine ses pesantes mamelles, gonflées de lait. A la vue de l'enfant, elle ressentit, comme par l'inspiration des dieux, un mouvement de joie : elle lui présenta sa mamelle; et lui fournissant ainsi la nourriture qui lui manquait, elle se procurait elle-même un soulagement à ses douleurs. L'ourse continua de venir l'allaiter : mère sans famille, elle adopta un nourrisson qui ne lui appartenait pas. Les chasseurs qui lui avaient enlevé ses petits, l'épiaient assidûment : enfin, après avoir foulé les différents cantons de la forêt, pendant qu'elle était allée, suivant sa coutume, à la chasse ou au gagnage, ils emportèrent la petite fille, et lui donnèrent le nom d'Atalante : elle fut nourrie parmi eux d'aliments sauvages. Son corps s'étant formé peu à peu avec les années, elle résolut de conserver sa virginité. Dès lors, elle évita tout commerce avec les hommes, et chercha une solitude où elle pût s'établir. Elle choisit, sur les plus hautes montagnes d'Arcadie, un lieu arrosé d'eaux courantes, où régnait un air frais, toujours entretenu par l'ombre des plus grands chênes, et par le voisinage d'une épaisse forêt. Mais pourquoi n'entreprendrais-je pas de décrire l'antre d'Atalante, comme Homère a décrit celui de Calypso (02)?
Dans une vallée profonde, il y avait une vaste caverne, dont un large précipice défendait l'entrée. On y voyait le lierre embrasser les jeunes arbrisseaux, et s'élever en serpentant jusqu'au haut de leurs tiges : l'herbe tendre et touffue était émaillée de safran, d'hyacinthe, et d'autres fleurs de diverses couleurs, qui non seulement charmaient les yeux, mais parfumaient des plus douces odeurs l'air des environs : ce lieu délicieux pour tous les sens, l'était surtout pour l'odorat. Le laurier, dont la feuille toujours verte flatte agréablement la vue, y croissait de toutes parts. Au devant de la grotte était une vigne, dont les ceps, chargés de raisins bien nourris, attestaient l'industrie laborieuse d'Atalante. Les eaux limpides, aussi fraîches que la glace, soit au toucher soit au goût, y coulaient en abondance; dans leur cours, que jamais rien ne suspendait, elles arrosaient les arbres dont je viens de parler et leur donnaient une nouvelle vie. À voir ce beau lieu, qui inspirait autant de respect qu'il paraissait plein de charmes, on pouvait juger que c'était la demeure d'une chaste et modeste vierge. Les peaux des animaux qu'elle avait tués à la chasse, lui servaient de lit; elle se nourrissait de leur chair; elle ne buvait que de l'eau. Ses habits, extrêmement simples, étaient tels que ceux de Diane : " En ce point, disait-elle, j'imite la déesse, comme en voulant rester toujours vierge. " Atalante était d'une telle légèreté à la course, qu'aucun animal ne pouvait lui échapper; qu'aucun homme, si elle eût voulu se dérober à sa poursuite, n'eût pu l'atteindre. Elle fut aimée de tous ceux qui la virent, de ceux même qui n'avaient qu'entendu parler d'elle.
Essayons présentement, si on veut bien m'écouter, de peindre sa figure. Ce portrait ne saurait déplaire, puisqu'il peut me fournir des traits propres à orner mon récit. Atalante, dès sa première jeunesse, était d'une taille plus haute que ne le sont d'ordinaire les femmes faites : nulle jeune Péloponnésienne de son temps ne pouvait lui être comparée en beauté. Elle avait dans la physionomie quelque chose de mâle et de rude; ce qui lui venait, ainsi que le courage dont elle était douée, soit d'avoir été allaitée par une bête farouche, soit d'avoir vécu sur les montagnes dans un exercice continuel. Elle n'avait rien de son sexe : comment en aurait-elle eu la mollesse ? Elle n'avait point été élevée par une mère ou par une nourrice, et n'avait point passé sa vie dans un appartement. Elle n'était point grasse, et ne pouvait pas l'être, s'étant toujours occupée à fortifier son corps par la chasse et autres exercices semblables. Elle était blonde : ses cheveux devaient cette couleur à la nature, non à l'art, ni aux drogues dont les femmes savent faire usage pour se la procurer. Son teint, coloré par les rayons du soleil, paraissait d'un rouge foncé. Mais est-il une fleur aussi fraîche, aussi belle, que le visage d'une jeune vierge, sur lequel brille la pudeur ? Elle réunissait deux qualités également propres à étonner, une beauté incomparable, et un air qui inspirait la terreur. Un lâche, un efféminé, loin de prendre de l'amour pour elle en la voyant, n'aurait osé l'envisager. L'éclat que répandait toute sa figure, joint aux traces de son visage, éblouissait ceux qui la regardaient. On ne la rencontrait point sans éprouver un mouvement d'effroi : et cela venait, entre autres choses, de ce que ces rencontres étaient rares; car on ne parvenait pas facilement à la voir. Quelquefois, poursuivant une bête féroce, ou repoussant l'attaque de quelque ennemi, elle apparaissait subitement comme une étoile, au moment où l’on s'y attendait le moins; et dans sa course elle brillait comme un éclair. Mais aussitôt elle allait précipitamment se cacher, ou dans un bois planté de chênes, ou dans un taillis épais, ou dans quelque autre endroit fourré de la montagne.
Dans le voisinage d'Atalante habitaient deux centaures, Hylaeus et Rhoecus, insupportables à toute la contrée par le genre de leur débauche : ils osèrent l'aimer. Les joueuses de flûte, et les autres moyens que la jeunesse des villes emploie pour s'amuser, n'entraient pour rien dans leurs divertissements : leur plaisir était de courir au milieu de la nuit, tenant à la main des torches ardentes, dont la flamme, au premier aspect, était capable d'effrayer tout un pays; à plus forte raison, une jeune fille. Ces amants odieux, couronnés de jeunes rameaux de pin qu'ils pliaient autour de leur tête, couraient à travers les montagnes, du côté où habitait Atalante, faisant avec leurs armes un bruit continu, et mettant le feu aux arbres. C'est dans cet appareil, aussi insolent que bruyant, qu'ils portaient à l'objet de leur amour les présents qui précèdent les noces. Atalante n'ignorait pas leurs mauvais desseins : du fond de sa grotte, elle aperçut la clarté des flambeaux, et reconnut les centaures. Sans s'émouvoir, sans être épouvantée de ce qu'elle voyait, elle bande son arc : le trait part, et atteint d'une blessure mortelle celui qui s'avançait le premier. Quand le second le vit étendu par terre, il courut sur Atalante, non plus en amant passionné, mais en véritable ennemi, animé du désir de venger son compagnon, et de satisfaire sa propre fureur : un second trait, lancé par Atalante, le prévint, et le punit de son audace. Je ne m'étendrai pas davantage sur la fille de Jasion.

2. Punition de Macarée.

UN Mitylénien nommé Macarée, prêtre de Bacchus, avait la douceur et la bonté peintes sur le visage; et c'était dans le fond le plus méchant des hommes. Un étranger vint un jour le trouver, et lui donna en dépôt une grosse somme d'or, que Macarée enfouit dans un lieu secret du temple. L'étranger étant revenu, quelque temps après, demander son dépôt, Macarée, comme prêt à le lui rendre, le conduisit dans le temple, l'assassina, et après avoir déterré l'or, mit son corps à la place. Il croyait que son crime, qui était ignoré des hommes, échapperait de même aux dieux; mais il éprouva le contraire. Dans ce temps, à peu près, arriva la fête de Bacchus, connue sous le nom de Triétérique (03); Macarée la célébra par de pompeux sacrifices. Pendant qu'il se livrait aux réjouissances d'usage, ses deux fils encore enfants, qui ne l'avaient pas suivi, voulant imiter leur père en immolant comme lui des victimes, s'approchèrent de l'autel où il venait de sacrifier, et sur lequel brûlait encore le feu sacré. Le plus jeune présenta son cou : l'aîné, trouvant sous sa main le couteau qu'on avait laissé par mégarde, le saisit, et en frappa son frère qu'il immola comme une victime. A la vue de cette action, ceux qui étaient dans la maison poussèrent de grands cris; la mère les entendit : elle accourut; et voyant un de ses fils mort, l'autre ayant à la main le couteau teint du sang qu'il venait de répandre, elle prit sur l'autel un tison à moitié brûlé, et en tua le fils qui lui restait. Dès que Macarée eut appris ces affreuses nouvelles, il abandonna les mystères, courut précipitamment chez lui, transporté de colère et de rage, et tua sa femme d'un coup du thyrse qu'il portait. Le bruit de ces horreurs devint bientôt général; Macarée fut arrêté et mis à la torture : il avoua le meurtre qu'il avait commis dans le temple, et il expira dans les tourments. Quant à l'étranger qui avait été massacré, on lui rendit des honneurs publics; et par l'ordre du dieu, on lui éleva un monument. Ainsi Macarée, subissant la peine qu'il avait justement méritée, paya ses crimes, suivant l'expression d'Homère (04), non seulement de sa propre vie, mais de celle de sa femme et de ses enfants.

3. Du tombeau de Bélus ouvert par Xerxès.

XERXÈS, fils de Darius, ayant fait ouvrir le tombeau de l'ancien Bélus (05), il y trouva un cercueil de verre, qui renfermait le corps du prince, plongé dans l'huile. La caisse n'était pas pleine; il s'en fallait environ une palme que l'huile ne montât jusqu'aux bords. A côté, était une petite colonne, avec cette inscription : "Malheur à celui qui, ayant ouvert ce tombeau, ne remplira pas le cercueil." Xerxès, effrayé de ce qu'il venait de lire, ordonna qu'on y versât promptement de l'huile : comme la caisse n'était pas encore pleine, il en fit verser une seconde fois sans qu'il parût aucun accroissement dans la liqueur. Voyant alors l'inutilité de la peine qu'il prenait, il y renonça, fit refermer le tombeau, et s'en alla fort affligé. La prédiction écrite sur la colonne eut bientôt son accomplissement. Xerxès ayant marché contre les Grecs, à la tête d'une armée de sept cent mille hommes, fut malheureux dans son expédition; et de retour chez lui, il finit misérablement sa vie, assassiné pendant la nuit par son propre fils qui le surprit dans son lit (06).

4. Mot d'Euripide.

DANS un grand repas que le roi Archélaüs (07) donnait à ses amis, et où chacun se piqua de boire, Euripide qui avait bu sans ménagement, se trouva insensiblement ivre. Agathon, poète tragique (08), âgé d'environ quarante ans, était assis auprès de lui sur le même lit. Voilà qu'Euripide se jette à son cou, et l'embrasse tendrement. "Eh quoi! dit Archélaüs, Agathon vous paraît-il encore aimable ?" "Oui, par Jupiter, répondit Euripide : le printemps de la beauté n'est pas plus beau que son automne. "

5. De Laïus.

ON dit que Laïus (09), lorsqu'il enleva Chrysippe, fils de Pélops (10), donna le premier exemple d'un amour que la nature désavoue; et depuis cette époque, le même goût est regardé comme honnête chez les Thébains (11).

6. Qualités particulières de quelques vins de la Grèce.

LES vignes du territoire d'Hérée, en Arcadie, produisent un vin qui ôte aux hommes l'usage du sens et de la raison, mais qui rend les femmes fécondes.
A Thase, on fait deux sortes de vin : l'un a la propriété de procurer un sommeil doux et profond; l'autre, ennemi de la santé, cause l'insomnie et la tristesse.
Aux environs de Céraunia (12), dans l'Achaïe, on recueille un vin dont les femmes ont coutume d'user quand elles veulent se procurer l'avortement.

7. Conduite d' Alexandre après la prise de Thèbes.

LORSQUE Alexandre se fut rendu maître de Thèbes, il fit vendre tous les citoyens libres, à la réserve des prêtres : il excepta pareillement ceux avec qui son père avait été lié par l'hospitalité, et tout leur lignage (13) (on sait que Philippe, dans son enfance, avait été en otage chez les Thébains). Alexandre témoigna de même beaucoup d'égards pour les descendants de Pindare (14) : il ne laissa subsister, dans toute la ville que la maison de ce poète. Six mille Thébains perdirent la vie, et trente mille furent faits prisonniers.

8 et 9. De Lysandre, et de Lamia (15).

ON raconte que le Lacédémonien Lysandre (16) étant en Ionie, abandonna les lois de Lycurgue comme trop dures, pour se livrer à la vie voluptueuse du pays. Ce qui faisait dire à Lamia, courtisane athénienne (17) que les lions de la Grèce devenaient des renards à Éphèse (18).

10. Double mariage de Denys.

DENYS, dans un même jour, épousa deux femmes : la Locrienne Doris, et Aristomaque (19), fille d'Hipparinus et sœur de Dion. Il se partageait ainsi entre elles : l'une le suivait à l'armée; à son retour, il retrouvait l'autre.

11. Effet d'une harangue d'Isocrate.

J'AI ouï dire que l'état de servitude auquel les Perses furent réduits par les Macédoniens était l’ouvrage d'Isocrate. Le bruit d'une harangue (20) que cet orateur prononça dans la Grèce, s'étant répandu dans la Macédoine, fit naître à Philippe le dessein de porter la guerre en Asie, et après la mort de ce prince, excita son fils Alexandre, qui héritait de son trône, à exécuter ce projet.

12. De l'astronome Méton.

LORSQUE la flotte d'Athènes fut prête à faire voile vers la Sicile (21), l'astronome Méton (22), qu'on avait compris dans la liste de ceux qui devaient s'embarquer, prévoyant l'événement et craignant les dangers de la navigation cherchait à se dispenser du voyage. Comme il n'y réussissait pas, il prit le parti de contrefaire l'insensé : entre diverses extravagances qu'il crut propres à confirmer l'opinion qu'il l'était réellement, il mit le feu à sa maison, qui était dans le voisinage du Poecile (23) : sur cela, les archontes lui donnèrent son congé. À mon avis, Méton joua mieux le fou que n'avait fait Ulysse, roi d'Ithaque. Palamède découvrit la ruse d'Ulysse (24), et aucun Athénien ne s'aperçut de celle de Méton.

13. Mot de Ptolémée.

LE plus grand plaisir de Ptolémée, fils de Lagus, était de combler de richesses ceux qu'il aimait. "Il vaut mieux, disait-il, enrichir les autres que d'être riche."

14. Des poèmes d'Homère.

LES anciens chantaient les poèmes d'Homère par morceaux détachés, auxquels ils donnaient des titres qui en marquaient le sujet : par exemple, le Combat auprès des vaisseaux (25); la Dolonie (26); la Valeur d'Agamemnon (27); le Dénombrement des vaisseaux (28); la Patroclée (29); le Rachat (30); les Jeux en l'honneur de Patrocle (31); la Violation des serments (32). Voilà ce qui regarde l'Iliade. Quant à l'Odyssée, ils la divisaient ainsi : le récit de ce qui se passa à Pylos (33), à Lacédémone (34); l'Antre de Calypso (35); le Vaisseau (36); les Propos d'Alcinoüs (37); la Cyclopie (38); la Nécyie (39); l'île de Circé (40); les Bains (41); la Mort des amants de Pénélope (42); les Champs (43); Laerte (44).
Ce fut assez tard que le Lacédémonien Lycurgue, étant allé voyager en Ionie, apporta le premier dans la Grèce, comme un effet précieux, toutes les poésies d'Homère. Dans la suite, Pisistrate les ayant rassemblées, en forma l'Iliade et l'Odyssée (45).

15. Noms de quelques imbéciles célèbres.

PARMI les plus imbéciles des hommes, les poètes comiques citent Polydore, qui avait la peau si dure qu'on ne pouvait l'entamer, et Cécylion, qui s'amusait à compter les flots de la mer. Sannyrion ne l'était pas moins, s'il est vrai, comme on le dit, qu'il cherchait un escalier dans une cruche. Corébus et Mélitide passent aussi pour avoir été tout à fait dépourvus de sens.

16. Des Apolloniates.

AUX environs de la ville d'Apollonie, située à peu de distance d'Épidamne, dans le golfe Ionique, est une cavité toujours pleine de bitume, qui sort en cet endroit du sein de la terre comme l’eau jaillit d'une source. Près de là, sur une petite colline d'une médiocre étendue et de peu de circuit, on voit un feu qui ne s'éteint jamais, et qui répand une odeur mêlée de souffre et d'alun. Autour de la colline, sont des arbres fleuris et des gazons toujours verts : ni le feuillage, ni les jeunes rejetons des arbres, ne souffrent de la proximité du feu; cependant il brûle jour et nuit; et il n'avait jamais cessé, suivant la tradition des Apolloniates, avant la guerre qu'ils eurent à soutenir contre les Illyriens (46).
Les habitants d'Apollonie, par une loi pareille à celle des Lacédémoniens, interdisaient aux étrangers tout établissement dans leur ville (47). Les Épidamniens, au contraire, permettaient à tout le monde de séjourner ou de s'établir à Épidamne.

17. Ancien adage.

PHRYNICHUS tremble comme un coq. C'est un proverbe qu'on applique à ceux qui se trouvent dans une situation fâcheuse (48). En effet, lorsqu’on représenta la Prise de Milet, tragédie de Phrynichus, et que les Athéniens, affligés (49) d'une perte dont on leur rappelait le souvenir, chassèrent Phrynichus du théâtre, il fut saisi d'une telle frayeur qu'il tremblait de tous ses membres.

18. De Denys.

DENYS, tyran de Sicile, faisait grand cas du genre tragique, et n'en parlait qu'avec éloge : il composa même quelques tragédies; mais le genre comique n'était nullement de son goût. On ne doit pas s'en étonner; Denys n'aimait point à rire.

19. Mot de Cléomène sur Homère et sur Hésiode.

CLÉOMÈNE (50) disait, avec la brièveté laconique: "Homère est le poète des Lacédémoniens; Hésiode est le poète des ilotes : le premier enseigne l'art de la guerre; le second, l'agriculture.

20. Mot de Cercidas mourant.

UN Arcadien de la ville de Mégalopolis, nommé Cercidas (51), dit à ses amis, en mourant, qu’il voyait avec joie la dissolution de son corps, parce qu'il avait l'espérance de vivre dans la société du philosophe Pythagore, de l'historien Hécatée (52), du musicien Olympus (53), et du poète Homère. En achevant ces mots, il mourut (54).

21. De la peau du satyre Marsyas.

Si quelqu'un, à Célènes, joue sur la flûte un air dans le mode phrygien, auprès de la peau de Marsyas qui en fut l'inventeur, la peau s'agite; mais si on joue un air en l'honneur d'Apollon (55) elle reste immobile et insensible.

22. Du temple d'Homère.

PTOLÉMÉE Philopator ayant élevé un temple en l'honneur d'Homère, y plaça une belle statue du poète, autour de laquelle étaient représentées les villes qui se disputaient l'honneur de l'avoir vu naître (56). Mais le peintre Galaton le peignit vomissant au milieu d'une foule de poètes, qui ramassaient soigneusement tout ce qui sortait de sa bouche (57).

23. De Lycurgue.

LE Lacédémonien Lycurgue, fils d'Eunomus, qui avait voulu inspirer à ses concitoyens l'amour de la justice, en fut mal récompensé. Alcandre lui creva un œil, soit dans une embuscade, d'un coup de pierre, comme quelques-uns le disent, soit, comme d'autres le rapportent, d'un coup de bâton. Ce trait s'applique naturellement à ceux dont les projets ont des suites contraires à ce qu'ils s'étaient proposé. Suivant Éphorus (58), Lycurgue mourut en exil, s'étant opiniâtré à ne point prendre de nourriture.

24. De quelques législateurs pour qui les lois qu'ils avaient établies ont été funestes.

L'ORATEUR Lycurgue (59) avait porté une loi qui défendait aux femmes d'aller, montées sur un char, à la fête des mystères, sous peine d'une amende qu'il avait fixée. Sa femme fut la première qui viola cette loi; elle subit la peine de l'amende.
Périclès avait fait passer un décret, qui déclarait qu'on ne regarderait point comme Athénien celui qui ne serait pas né d'un père et d'une mère citoyens : ayant dans la suite perdu ses fils légitimes, il ne lui resta plus qu'un fils naturel, du même nom que lui (60). On ne peut nier que l'événement n'ait mal répondu aux vues de Périclès.
L'Athénien Clisthène (61) avait le premier introduit l'usage de l'ostracisme; il en fut la première victime.
Suivant une loi de Zaleucus (62), législateur des Locriens, tout homme convaincu d'adultère devait avoir les yeux crevés. Cette loi, par une cruelle fatalité, devint pour lui la cause d'un malheur qu'il n'avait ni craint, ni prévu. Son fils surpris en adultère, allait subir la peine imposée par la loi : Zaleucus, pour maintenir un règlement que l'approbation générale avait ratifié, et dont il était lui-même l'auteur, racheta un des yeux de son fils en donnant un des siens en échange, afin qu'au moins ce jeune homme ne fût pas totalement privé de la vue.

25. Combat de Pindare avec Corinne.

PINDARE, disputant à Thèbes le prix de la poésie, fut vaincu cinq fois par Corinne (63), au jugement d'auditeurs sans connaissance et sans goût. De là, Pindare, faisant allusion à la grossièreté des Thébains, appelait Corinne la truie béotienne.

26. Profit que Diogène tira de l'exemple d’une souris.

DIOGÈNE de Sinope, abandonné de tout le monde, vivait isolé. Trop pauvre pour recevoir personne chez lui, il n'était reçu nulle part à cause de son humeur chagrine qui le rendait le censeur continuel des paroles et des actions d'autrui. Réduit à se nourrir de l’extrémité des feuilles des arbres, sa seule ressource, Diogène commençait à perdre courage, lorsqu'une souris, s'approchant de lui, vint manger les miettes de pain (64) qu'il laissait tomber. Le philosophe, qui observait avec attention le manège de l'animal, ne put s'empêcher de rire : sa tristesse se dissipa, la gaieté lui revint. "Cette souris, dit-il, sait se passer des délices des Athéniens; et toi, Diogène, tu t'affligerais de ne point souper avec eux !" Il n'en fallut pas davantage pour rétablir le calme dans l’âme de Diogène.

27. De Socrate.

Nous savons par tradition que Socrate avait un corps robuste; et on ne peut douter qu'il n'en fût redevable à sa frugalité. Aussi, dans une maladie épidémique qui ravageait Athènes, tandis que la plupart des citoyens mouraient, ou étaient mourants, Socrate seul ne souffrit aucune altération dans sa santé. Quelle devait donc être l'âme qui habitait un corps si bien constitué ?

28. Mot de Diogène.

LORSQUE Diogène quitta sa patrie (65), il fut suivi par un de ses esclaves, nommé Manès, qui, s'étant lassé de vivre avec un tel maître, prit le parti de s'enfuir. Comme quelqu'un conseillait à Diogène de le faire chercher : "Ne serait-il pas honteux, leur répondit-il, que Manès pût se passer de Diogène, et que Diogène ne pût se passer de Manès ?" Mais, après avoir erré en différents lieux, ce fugitif vint à Delphes : il y fut déchiré par des chiens qui vengèrent ainsi Diogène de l'évasion de son esclave.

29. Mot de Platon.

PLATON disait que l'espérance est le songe d'un homme éveillé (66).

30. Mot d’Olympias, mère d'Alexandre.

QUAND Olympias, mère d'Alexandre, apprit que son fils restait depuis longtemps privé de la sépulture (67), baignée de larmes et poussant de profonds soupirs : " Ô mon fils ! s'écria-t-elle, vous aspiriez à être placé parmi les dieux : c'était l'objet de tous vos désirs. Maintenant vous ne pouvez obtenir ce qu'on accorde à tous les hommes, et à quoi tous ont un droit égal : un peu de terre et un tombeau." Olympias, en exhalant ainsi sa douleur, reprochait à son fils le vain orgueil auquel il s'était livré.

31. De l’humanité de Xénocrate.

XÉNOCRATE de Chalcédoine, disciple de Platon, avait l'âme singulièrement sensible à la pitié; et ce n'était pas seulement envers les hommes : les animaux l'ont souvent éprouvé. Un jour qu'il était assis en plein air, un moineau, vivement poursuivi par un épervier, vint se réfugier dans son sein : Xénocrate le reçut avec joie, et le tint caché jusqu'à ce que l'oiseau de proie eût disparu. Quand le moineau fut remis de sa frayeur, Xénocrate entrouvrant sa robe, le laissa s'envoler : "Je n'ai pas à me reprocher, dit-il, d'avoir trahi un suppliant."

32. Mot de Socrate à une courtisane.

XÉNOPHON rapporte que Socrate s'entretenait quelquefois avec Théodote, courtisane d'une rare beauté (68). Un jour qu'il conversait de même avec Callisto : "Fils de Sophronisque, lui dit celle-ci, savez-vous que je suis plus puissante que vous ? car vous ne pourriez me ravir aucun de mes amants; et moi, si je voulais, je vous enlèverais tous vos disciples." - " Cela est assez vraisemblable, répondit Socrate: vous menez les hommes par un chemin dont la pente est douce; et moi, je les force de suivre le sentier rude, escarpé et peu frayé, qui conduit à la vertu. "

33. De la fortune de Rhodope.

RHODOPE (69) passe pour avoir été la plus belle courtisane de l'Égypte. Un jour qu'elle était au bain, la fortune, qui se plaît à produire des événements extraordinaires et inattendus, lui procura une faveur qu'elle méritait moins par les qualités de son âme que par les charmes de sa figure. Tandis que Rhodope se baignait, et que ses femmes gardaient ses vêtements, un aigle vint fondre sur un de ses souliers, l'enleva, et l'ayant porté à Memphis, dans le lieu où Psammétique (70) était occupé à rendre la justice, le laissa tomber dans le sein du prince. Psammétique, frappé de la délicatesse de ce soulier, de l'élégance du travail, et de l'action de l'oiseau, ordonna qu'on cherchât par toute l'Égypte la femme à qui il appartenait : dès qu'on l'eut trouvée, il l'épousa.

34. De Denys.

QUAND on eut retrouvé Léon (71) après la sentence de mort que Denys avait prononcée contre lui, le tyran ordonna trois fois à ses gardes de le mener au supplice, et trois fois révoqua cet ordre. Chaque fois qu'il rappelait Léon, il l'embrassait en versant des larmes, se maudissant lui-même, et le jour où il s'empara du pouvoir souverain. Enfin, la crainte ayant pris le dessus, "Ô Léon, dit-il, il n'est pas permis que tu vives. " En même temps il ordonna qu'on le fît mourir.

35. Remèdes dont se servent les cerfs.

Au rapport des naturalistes, lorsque les cerfs ont besoin de se purger, ils mâchent de l'ache; s'ils ont été piqués par une araignée, ils mangent des écrevisses (72).

36. De la mort d'Eurydice.

OLYMPIAS ayant envoyé à Eurydice, fille de Philippe (73) et femme Illyrienne, un poignard, un cordon et de la ciguë, Eurydice choisit le cordon.

37. Gélon et les conjurés.

GÉLON, tyran de Syracuse, gouvernait ses sujets avec la plus grande douceur : cependant quelques séditieux conspirèrent contre lui. Dès que Gélon le sut, il fit assembler les Syracusains, et s'avançant tout armé au milieu d'eux, il commença par leur rappeler le souvenir des bienfaits qu'ils avaient reçus de lui. Puis il leur découvrit la conjuration; et se dépouillant de ses armes, il dit, leur adressant la parole à tous : "Me voici au milieu de vous sans défense, couvert de ma seule tunique; je me livre entre vos mains; traitez-moi comme vous le jugerez à propos." Les Syracusains, étonnés de sa fermeté, abandonnèrent les coupables à son ressentiment, et lui rendirent le pouvoir suprême : mais Gélon laissa au peuple le soin de punir les conjurés. On lui érigea une statue, qui le représentait avec une simple tunique, sans ceinture (74); monument qui perpétuait le souvenir de son amour pour le peuple, et qui devait être à l'avenir une leçon pour tous les rois.

38. Quelques mots d'Alcibiade.

ALCIBIADE était admirateur passionné d'Homère. Il entra un jour dans une école, et demanda quelque morceau de l'Iliade : le maître lui ayant répondu qu'il n'avait rien des ouvrages d'Homère, Alcibiade lui appliqua un violent coup de poing, et sortit en le traitant de maître ignorant, qui ne ferait de ses écoliers que des ignorants comme lui.
Le même Alcibiade ayant été rappelé de Sicile par les Athéniens, pour se défendre dans une affaire où il s'agissait de sa vie (75), il refusa d'obéir. "C'est une maladresse; disait-il, de chercher à se faire absoudre, quand on peut fuir (76)."; et quelqu'un lui demandant s'il ne s'en fiait pas à sa patrie dans un jugement qui intéressait sa personne : " Je ne m'en fierais pas même à ma mère (77), répondit-il; je craindrais que, par mégarde et sans le vouloir, elle me mît un caillou noir pour un blanc." Ayant su, peu de temps après, que ses concitoyens l'avaient condamné à la mort : "Je leur ferai bien voir, dit-il, que je suis encore vivant." En effet, il se retira chez les Lacédémoniens, et suscita aux Athéniens la guerre de Décélie (78).
"On ne doit point s'étonner, disait-il, si les Lacédémoniens bravent courageusement la mort dans les combats; la mort les soustrait à des lois qui les rendent malheureux : c'est pour cela qu'ils la préfèrent à la vie.
Il avait aussi coutume de dire, en parlant de lui-même, que sa vie ressemblait à celle des Dioscures; qu'il mourait et ressuscitait alternativement. "Lorsque la fortune me favorise, le peuple fait de moi un dieu; si elle m'est contraire, je diffère peu des morts. "

39. D'Éphialte.

UN général reprochait à Éphialte (79) qu'il était pauvre. "Pourquoi, repartit Éphialte, n'ajoutez-vous pas que je suis vertueux ?"'

40. Quelques mots de Thémistocle.

THÉMISTOCLE ayant aperçu à terre un collier d'or à l'usage des Perses, il s'arrêta et dit à son esclave, en lui montrant le collier : "Pourquoi ne ramasses-tu pas cette trouvaille ? Tu n'es pas Thémistocle."
Lorsque les Athéniens, après l'avoir traité ignominieusement, le rappelèrent pour les gouverner : "Je ne fais point de cas, dit-il, de gens qui se servent du même vase, tantôt pour les usages les plus bas, tantôt pour mettre du vin."
Un jour qu'il avait ouvert un avis, contraire à celui du Lacédémonien Eurybiade, celui-ci leva le bâton: "Frappe, mais écoute", lui dit Thémistocle (80). Il était persuadé que ce qu'il avait à dire, serait utile à la patrie.

41. Mot de Phocion.

PHOCION voyant pleurer ceux qui devaient mourir avec lui : "Eh quoi ! dit-il à l'un d'eux, vous n'êtes donc pas content, Thudippe, de mourir avec Phocion (81) ? "

42. Beau trait de la vie d'Épaminondas.

ÉPAMINONDAS, à son retour de Laconie, fut cité comme méritant la mort, pour avoir continué de commander l'armée Thébaine quatre mois de plus qu'il n'était permis par la loi. Il commença par exiger de ceux qui avaient partagé avec lui le commandement, qu'ils rejetassent le crime sur lui seul, comme les ayant contraints de rester malgré eux.
Puis, entrant dans le lieu où l'on rendait la justice : "Je n'ai point, dit-il, de meilleurs moyens de défense que mes actions; si vous ne les trouvez pas valables, je demande la mort. Mais je demande en même temps qu'on grave sur la colonne funèbre, qu'Épaminondas a forcé les Thébains, malgré leur résistance, de porter le fer et le feu dans la Laconie, où, depuis cinq cents ans, aucun ennemi n'avait osé pénétrer; de rebâtir Messène, démolie depuis deux cent trente ans; de rassembler dans un même lieu les Arcadiens dispersés (82); enfin, de rétablir les Grecs dans le droit de vivre suivant leurs lois." Les juges, honteux, le renvoyèrent absous. Comme il sortait du tribunal, un petit chien maltais vint le caresser en remuant la queue.
Cet animal, dit Épaminondas, est reconnaissant du bien que je lui ai fait; et les Thébains, à qui j'ai rendu les plus grands services, ont voulu m'ôter la vie."

43. De Timothée et de Thémistocle.

TIMOTHÉE, général athénien, avait la réputation d'être heureux : tous ses succès étaient attribués à la fortune; on ne lui en laissait rien. Des peintres un jour, par plaisanterie, le représentèrent dormant dans sa tente, et au-dessus de sa tête, la Fortune traînant les villes dans un filet (83). Quelqu'un demandait à Thémistocle ce qui lui avait fait le plus de plaisir, dans le cours de sa vie : "Ç'a été, répondit-il, de voir aux jeux Olympiques tous les spectateurs tourner les yeux vers moi, lorsque j'entrais dans le stade (84)."

44. De Thémistocle et d'Aristide.

THÉMISTOCLE et Aristide, fils de Lysimaque, eurent les mêmes tuteurs, furent élevés ensemble, et instruits par le même maître : néanmoins, dans leur enfance, on ne les vit jamais d'accord; et cette disposition à la mésintelligence les accompagna depuis l’âge le plus tendre jusqu'à la plus extrême vieillesse.

45. Cruauté de Denys l’ancien.

DENYS fit mourir sa mère par le poison, et laissa périr, dans un combat naval, son frère Leptine qu'il pouvait sauver (85).

46. D'un dragon reconnaissant.

DANS la ville de Patras en Achaïe, un enfant avait acheté un dragon tout petit, et le nourrissait avec le plus grand soin. Lorsque l'animal fut un peu plus fort, l'enfant lui parlait, comme s'il eût pu en être entendu : il jouait et dormait avec lui. Mais enfin, le dragon ayant pris toute sa croissance, les citoyens exigèrent qu'on l'envoyât dans quelque lieu inhabité. Il arriva dans la suite que l'enfant parvenu à l'adolescence, revenant de quelque fête avec plusieurs de ses camarades, fut attaqué par des voleurs. Aux cris dont l’air retentit, le dragon accourut, mit en fuite une partie des brigands, dévora les autres, et sauva le jeune homme (86).

 

(01) Il y a deux Atalante, que les anciens eux-mêmes, entre autres Hygin et Apollodore, ont souvent confondues, en attribuant à l’une ce qui convenait à l’autre. Celle dont il s’agit dans ce chapitre, n’est pas la plus connue : l’autre, qui était béotienne, fille de Schoenée, a rendu son nom célèbre par la course où Hippomène fut vainqueur, au moyen des trois pommes d’or qu’il jeta dans la carrière, suivant les conseils de Vénus.

(02) Odyss., liv. V, v.
L’expression d’Élien dans cet endroit me paraît mériter d’être remarqué :
oé mñnon eÞw ¥ort¯n öcevw sunteleÝn dunam¡nvn, qui non seulement pouvaient contribuer à faire fête aux yeux. J’observerai en passant que l’expression ¥ort¯ öcevw, ressemble beaucoup à celle-ci, ôfyalmÇn pan®guriw, du chap. I, liv. III.

(03) Fête qu’on célébrait tous les trois ans.

(04) Iliade, IV, 162.

(05) Cet ancien Bélus était en grande vénération chez les Babyloniens, qui le regardaient comme le fondateur de leur ville. On croit que c’est le même que Nemrrod.

(06) D’autres historiens racontent que Xerxès fut assassiné par Artaban, un de ses généraux, qui rejeta le soupçon du crime sur Darius, fils aîné de ce prince. Justin, III, 1.

(07) Sur Archelaüs, voy. le chap. 21 du liv. II; le chap. 9 du livre VIII, etc.

(08) Agathon composa aussi des comédies. Voy. le chap. 21 du liv. II.

(09) Laïus, roi de Thèbes.

(10) Pélops, roi d’un canton de la Grèce, qui de lui prit le nom de Péloponnèse.

(11) Tout le monde connaît le bataillon célèbre, connu sous le nom de Troupe des Amants.

(12) On ne connaît point de ville de ce nom dans l’Achaïe : il faut lire, d’après Athénée, Cérynia, ville située vers les frontières de l’Arcadie.

(13) Élien veut parler des descendants d’Épaminondas et de Pélopidas : ces deux grands hommes avaient exercé l’hospitalité envers Philippe, durant les trois ans qu’il demeura en otage à Thèbes.

(14) Rousseau rappelle ainsi ce trait dans son ode sur la naissance de M. le duc de Bretagne, strophe première :
(De Pindare) ce Grec vanté,
Dont l’impitoyable Alexandre,
Au milieu de Thèbes en cendre,
Respecta la postérité.

(15) Comme ces deux chapitres n’en font qu’un dans les manuscrits, et que le mot de Lamia paraît être la conclusion de l’anecdote de Lysandre, j’ai cru devoir les réunir.

(16) Voy. le chap. 20 du liv. III; le chap. 43 du liv. XII, etc. Au reste Plutarque (Vie de Sylla) venge bien Lysandre de cette imputation.

(17) Voy. sur Lamia, le chap. 17 du livre XII.

(18) Ce proverbe était plus ancien que Lamia : Aristophane l’avait employé dans la comédie de la Paix.

(19) Il y avait dans les anciennes éditions Aristénète. Mais la fille d’Hipparinus, s’appelait Aristomaque. Voy. Diodore, Plutarque, Valère-Maxime, IX, 13, ext. 4, etc. J. V. L.

(20) Isocrate passa, selon les uns, dix ans à composer cette harangue, et quinze, suivant les autres. Plutarque, Vie des Rhéteurs.

(21) Les Athéniens portaient la guerre chez les Syracusains : cette expédition ruina les forces d’Athènes et fut suivie de la prise de cette ville par les Lacédémoniens. Justin, IV, 4.

(22) Voy. sur Méton, le chap. 7 du liv. X.

(23) Le Poecile était un portique d’Athènes, où s’assemblaient les philosophes stoïciens

(24) Palamède mit Télémaque dans un sillon, au devant de la charrue avec laquelle Ulysse labourait. Hygin, Fab. 95.

(25) Iliad., liv. XIII.

(26) Ou la mort de Dolon. Iliad., liv. X.

(27) Iliad., liv. XI.

(28) Iliad., liv. II.

(29) Ou le récit de la mort de Patrocle. Iliad., liv. XVI.

(30) Du cadavre d’Hector. Iliad., liv.XXIV.

(31) Iliad., liv. XXIII.

(32) Iliad., liv. IV.

(33) Odyss., liv. III.

(34) Odyss., liv. IV.

(35)Odyss., liv. V.

(36) Qu’Ulysse construisit, et sur lequel il s’embarqua. Odyss., liv. V.

(37) Odyss., liv. VIII.

(38) Le séjour que fit Ulysse dans la caverne du Cyclope Polyphème. Odyss., liv. IX.

(39) Ou Nécyomancie, l’entretien d’Ulysse avec les morts, lorsqu’il descendit aux enfers. Odyss., liv. XI.

(40) Odyss., liv. X.

(41) D’Ulysse, où il fut reconnu par sa nourrice Euryclée. Odyss., liv. XIX.

(42) Odyss., liv. XXII.

(43) L’entretien d’Ulysse avec le berger Eumée. Odyss., liv. XIV.

(44) Ulysse reconnu par son père. Odyss., liv. XXIV.

(45) Voy. le chap. 2 du liv. VIII, ainsi que les notes.

(46) Il s'agit probablement ici de la guerre que leur fit Teuta, reine des Illyriens. Cette princesse leur inspira tant de terreur, que pour se mettre à l'abri de ses entreprises, ils se livrèrent aux Romains, environ douze ans avant la seconde guerre punique. Polyb., liv. II.

(47) On sait que par une loi de Lycurgue, les étrangers étaient bannis de Sparte. On trouvera dans le Recueil de l’Académie des Belles-Lettres, tom. XII. pag. 159 des Mém., une dissertation de M. de la Nauze sur la Xénélasie des Lacédémoniens, où la matière est épuisée.

(48) Ce proverbe était fort usité chez les Grecs : il se trouve clans Plutarque (Vie d'Alcib. ), dans les Guêpes d'Aristophane, et ailleurs. J'ai cru devoir supprimer les deux premiers mots du chapitre ƒAriymòn sfhkÇn comme absolument étrangers au proverbe, quoiqu'ils se trouvent dans quelques manuscrits et dans plusieurs des textes imprimés. Je n'ai fait en cela que suivre le sentiment de Périzonius, et de plusieurs autres commentateurs. Voy. sur Phrynichus, le chap. 8 du liv. III.

(49) La cause de la douleur des Athéniens était la crainte qu'ils avaient d'éprouver de la part des Perses le même traitement qu'avaient essuyé les Milésiens, que Darius, fils d'Hystaspe, avait fait mourir, après s'être rendu maître de leur ville, et dont il avait réduit les femmes en servitude. Aussi les Athéniens, non contents de chasser Phrynichus du théâtre, le condamnèrent à une amende de mille drachmes. Hérodote, liv. VI, C. 2I.

(50) Ce mot est emprunté des Apophtegmes Laconiques de Plutarque, où Cléomène est dit fils d'Anaxandride, pour le distinguer d'un autre Cléomène, fils de Cléombrote.

(51) Cercidas, poète et législateur des Arcadiens. Il faisait tant de cas des poésies d'Homère, qu'il ordonna qu'on mît dans son tombeau les deux premiers livres de l'Iliade. Phot. in Ptolem. Heph.

(52) Hécatée, originaire de Milet, le premier, dit-on, qui ait écrit l'histoire en prose. Il vivait du temps de Darios, fils d'Hystaspe, environ cinq siècles avant J. C. Voss., Hist. Gr.

(53) Il y a eu deux célèbres joueurs de flûte de ce nom, tous deux Phrygiens, l'un disciple de Marsyas, l'autre qui vécut quelques temps après Plutarque.

(54) Le poète Philémon portait bien plus loin son admiration pour Euripide : Si j'étais certain, dit-il dans une épigramme de l'Anthologie (pag. 244, édit. de Brodeau) que les morts fussent capables de sentiment comme quelques-uns le prétendent, je m'étranglerais, pour avoir le plaisir de voir Euripide. Grotius a traduit ainsi cette épigramme :
Si quis post mortem sensus, ut quidam putant,
Superesset, laqueo vitam finirem mihi
Libens, liceret ut spectare Euripidem.

Grot. Excerpt. ex Com. Gr., pag. 776 et 777.

(55) On connaît la fable de Marsyas, écorché vif par Apollon.

(56) Smyrne, Rhodes, Colophon, Salamine, Chio, Argos, Athènes

(57) Junius, qui rapporte ce fait, à l'article de Galaton, n'en cite point d'autre garant qu'Élien. Jun., de Pict. Ant., p. 91 du Catalogue des Artistes.

(58) Éphorus, disciple d'Isocrate, était Éolien, de la ville de Cumes : il avait écrit l'histoire de la Grèce, depuis le retour des Héraclides dans le Péloponnèse, jusqu'à son temps. Au reste, rien de plus incertain que le genre de mort de Lycurgue. Plut. et Justin.

(59) Lycurgue, Athénien, fils de Lycophron, disciple de Platon et d'Isocrate. Plutarque a écrit sa Vie.

(60) Ce trait est déjà rapporté dans le chap. 10 du liv. VI.

(61) Clisthène était par sa mère petit-fils de Clisthène, tyran de Sicyone, dont on a parlé dans le c. 24 du liv. XII. Il rétablit la démocratie dans Athènes, après l'expulsion des Pisistratides (Arist. Polit. III). Il est fort incertain si Clisthène fut l'inventeur du bannissement par l'ostracisme : les uns l'attribuent à Thésée, d'autres aux Pisistratides, particulièrement à Hipparque ou à Hippias. Meursius, Att. Leg. Lib. V.

(62) Voy. le chap. 37 du liv. II; le chap. 17 du liv. III, etc.

(63) Corinne, de la ville de Tanagra, en Béotie, était appelée la Muse lyrique.

(64) Le texte porte toè rtou yræmmasi,. Ainsi, Diogène avait au moins du pain à manger avec ses feuilles.

(65) Diogène quitta Sinope, parce qu'il était accusé d'altérer les monnaies, et d'en diminuer le poids. Diog. Laërce,

(66) Diogène Laërce donne ce mot à Aristote.

(67) Il resta dans cet état environ trente jours. Voy. le dernier chap, du liv. XII.

(68) Xénophon, Mémoires sur Socrate, III, II, et Athénée d'après lui, I, 20; XIII, 6. J. V. L.

(69) Il est difficile de concilier le récit d'Élien avec ce que dit Hérodote (liv. II), que Rhodope florissait sous le règne d'Amasis, qui ne monta sur le trône que quarante-sept ans après la mort de Psammétique; à moins qu'on ne suppose avec Périzonius, ou qu'Élien s'est trompé sur le nom du roi, ou qu'il y a eu deux courtisanes du nom de Rhodope : l'une qui devint la femme de Psammétique et qui fit bâtir la pyramide qu'on voit encore aujourd'hui, et qu'on croit lui avoir servi de tombeau; ce sera celle dont parle Élien; l'autre, d'abord appelée Dorica, pendant son esclavage avec Ésope chez Iadmon, et qui, après avoir été rachetée par Charax, frère de Sappho, dont elle était la maîtresse, exerça le métier de courtisane à Naucratis. Ce sera la Rhodope d'Hérodote, laquelle florissait sous le règne d'Amasis, et qui employa la dixième partie de son bien à faire faire des broches de fer qu'elle consacra dans le temple de Delphes, broches assez fortes pour rôtir des bœufs entiers.

(70) Psammétique, fils de Bocchoris, vivait environ six siècles et demi avant l'ère chrétienne.

(71) II y a beaucoup d'apparence que c'est de l'aventure de Léon, que Cicéron a parlé, sans le nommer, dans le liv. V des Tusculanes c. 20, où il dit, que Denys voulant jouer à la paume, donna son épée à garder à un jeune homme qu'il aimait. Un autre favori de Denys lui ayant dit alors, en badinant, qu'il remettait donc sa vie entre les mains du jeune homme, et celui-ci ayant souri du propos, Denys les condamna tous deux à la mort; le premier, pour avoir montré le moyen de lui ôter la vie, le second, pour l'avoir approuvé par un sourire. "Denys, ajoute Cicéron, eut une douleur mortelle d'avoir fait mourir celui qu'il aimait."
- M. Coray, page 342, cite une conjecture de Clavier,
÷ti pote ¦dvke tò jÛfow d'après laquelle il faudrait traduire, se maudissant lui-même de lui avoir donné son épée. On pourrait proposer encore, ou de se rapprocher de ce sens en conservant le texte ordinaire ¦labe., mais en changeant le nominatif du verbe, ÷ti (õ L¡vn) ¦labe tò jÛfow ou de traduire, se maudissant lui-même d'avoir jamais porté l’épée. Il faut avouer cependant que l'interprétation de Clavier se rapporte bien mieux au tour de la phrase grecque et au texte de Cicéron, qui semble prouver d'ailleurs que le chapitre d'Élien n'est pas complet. J. V. L.

(72) Les cerfs, suivant Élien, I, 8, se guérissent aussi de la piqûre de l'araignée en mangeant du lierre sauvage.

(73) Eurydice était petite-fille de Philippe, fille d'Amyntas et de Cynna, fille du même Philippe. Elle avait épousé Aridée, qui succéda au royaume de Macédoine après la mort d'Alexandre, et qui fut bientôt après mis à mort, ainsi que sa femme, par Olympias.

(74) Élien a déjà rapporté ce fait, mais avec moins de détail, dans le chap. II du sixième livre.

(75) Alcibiade était accusé d'avoir mutilé, pendant la nuit, les statues de Mercure, et d'avoir divulgué les mystères de Cérès. Plutarque, Corn. Népos, etc.

(76) Mot à mot, il faudrait traduire : Un accusé est un sot de ne pas chercher à s'enfuir, quand il le peut. Mais j'ai préféré la correction proposée par Léopardus, qui retranche la négation devant ŽpofugeÝn : je l'ai suivie d'autant plus volontiers qu'elle est justifiée par Plutarque, qui rapporte le même mot d'Alcibiade, et que d'ailleurs tout le sel de la réponse, qui consiste dans l’espèce d'opposition de fugeÝn et ŽpofugeÝn, disparaît en laissant la négation.

(77) Pour traduire littéralement, il faudrait dire, Je ne m'en fierais pas même à ma matrie. Ce qui donne lieu à cette espèce de jeu de mots, c'est que les Crétois, au lieu de dire patrÛw pour signifier la patrie disaient mhtrÛw la mère commune, la matrie. Platon, liv. VIII de la République.

(78) Cette guerre fut ainsi appelée d'une ville de l'Attique, que les Lacédémoniens fortifièrent par le conseil d'Alcibiade.
Il en a déjà élé parlé dans le chap. 5 du liv. II.

(79) Voy. le chap. 43 du liv. II; le chap. 17 du liv. III, etc.

(80) Ce fut avant la fameuse bataille de Salamine, où Eurybiade commandait en chef l'armée navale de la Grèce.

(81) Phocion fut condamné à la mort par les Athéniens, après la prise du port de Pirée par Antipater, sous prétexte qu'il avait des intelligences avec ce prince. Voy. le chap. 47 du liv. III.

(82) Élien veut parler de la réunion des Arcadiens dans la ville de Mégalopolis, qu'ils bâtirent par le conseil d'Épaminondas. Voy le chap. 42 du liv. II.

(83) Sur les moyens que Timothée employait pour se rendre maître des villes, voy. le chap. 16 du liv, III.

(84) Il eut ce plaisir aux jeux Olympiques qui suivirent les victoires remportées par les Grecs sur Xerxès. Plutarque, Thémistocle.

(85) Suivant Diodore de Sicile (liv. XV), ce fut dans un combat sur terre que périt Leptine.

(86) On pourrait indiquer ici quelques autres exemples semblables de la reconnaissance des animaux. Tout le monde connaît l'histoire du lion et de l'esclave Androclès, rapportée par Élien, dans l'Hist. des Animaux, liv. VII, chap. 48, et par Aulu-Gelle, V, 14.