ÉLIEN
HISTOIRES DIVERSES
LIVRE DOUZIÈME.
1. Histoire d'Aspasie. - 2. Les Muses sont amies de la paix. - 3. Épaminondas mourant. - 4. De Sésostris. - 5. De Laïs. - 6. De la famille de Marius et de Caton. - 7. D'Alexandre et d’Héphestion. - 8. Mauvaise foi de Cléomène. - 9. De Timésias qui se bannit volontairement de sa patrie. - 10. Des Éginètes. - 11. Temple de la fièvre. - 12. Peine de l'adultère, dans l’île de Crète. - 13. Mot de la courtisane Gnathène à un grand parleur. - 14 Grands hommes célèbres par leur beauté. - 15. Personnages illustres qui aimaient à jouer avec les enfants. - 16. D'Alexandre. - 17. Conduite indécente de Démétrius Poliorcète. - 18. De Phaon. - 19. De Sappho. - 20. Du rossignol et de l’hirondelle. - 21. Courage des femmes lacédémoniennes. - 22. De Milon le Crotoniate, et du berger Titorme. - 23. De la bravoure des Celtes. - 24. Du luxe de Smindyride. - 25. Liste d'hommes illustres qui ont eu des amis ou des maîtres utiles. - 26. De quelques grands buveurs. - 27. Humanité d'Hercule envers ses ennemis. - 28. Du Léocorion. - 29. Mot de Platon sur le luxe des Agrigentins. - 30. Des Tarentins et des Cyrénéens. - 31. Noms des vins grecs les plus estimés. - 32. Vêtements et chaussures de quelques philosophes. - 33. Générosité des Romains. - 34. De Pausanias et d'Apelle. - 35. Des homonymes. - 36. Du nombre des enfants de Niobé. - 37. Circonstance de la vie d'Alexandre. - 38. Usages des Saces. - 39. Audace de Perdiccas. - 40. Du luxe de Xerxès. - 41. Du peintre Protogène - 42. De quelques enfants nourris par des animaux. - 43. Personnages célèbres. qui étaient nés dans l’obscurité. - 44. Des carrières de Syracuse. - 45. De Midas, de Platon et de Pindare, enfants. - 46. D'un prodige qui annonçait que Denys serait roi. - 47. D'Aristomaque, femme de Dion. - 48. Des poèmes d'Homère. - 49. Magnanimité de Phocion. - 50. Du peu de cas que les Lacédémoniens faisaient des lettres. - 51. Du ridicule orgueil de Ménécrate. - 52. Mot d'Isocrate sur Athènes. - 53. Des causes des plus grandes guerres. - 54. Lettre d'Aristote à Alexandre. - 55. Coutume bizarre des Libyens. - 56. Mot de Diogène sur les Mégariens. - 57. Prodiges qui apparurent aux Thébains, lorsque Alexandre marcha contre eux. - 58. De Dioxippe, - 59. Mot de Pythagore. - 60. Réponse de Denys à Philippe. - 61. Honneurs rendus à Borée. - 62. Loi singulière des Perses. - 63. De la courtisane Archédice. - 64. D'Alexandre mort.
1. Histoire d'Aspasie (01).
ASPASIE de Phocée était fille d'Hermotime : sa naissance coûta la vie à
sa mère. Privée des soins qu'elle eût pu en recevoir, elle fut élevée
durement; mais quoique pauvre, elle n'en fut pas moins formée à la vertu.
Plus d'une fois un songe lui annonça le changement de sa fortune, et lui
présagea qu'un jour elle serait unie à un homme illustre et vertueux.
Dans son enfance, il lui survint, sous le menton, une tumeur qui la défigurait
: le père et la fille furent également affligés de cet accident. Hermotime la
fit voir à un médecin, qui promit de la guérir, moyennant trois statères :
"Je ne les ai pas ", lui dit Hermotime. "Et moi, reprit le
médecin, je n'ai point de remède à vous donner." Aspasie, justement
attristée de cette réponse, sortit en pleurant : un miroir qu'elle avait sur
les genoux, et dans lequel elle ne cessait de se regarder, augmentait encore son
affection. Dans cet état, elle ne put souper. Cependant un sommeil favorable
s'empara de ses sens; elle vit, en songe, s'approcher d'elle une colombe,
qui, prenant tout à coup la figure d'une femme, lui tint ce discours :
"Prenez courage; laissez là médecins et remèdes; mettez en poudre quelques roses sèches d'une des couronnes consacrées à Vénus, et
appliquez-les sur votre mal." A peine Aspasie eut entendu ce conseil,
qu'elle se hâta de le suivre, et sa tumeur disparut. Ainsi, par la faveur de
la plus belle des déesses, elle redevint la plus belle des filles de son âge;
et dans son siècle, il n'y eut point de beauté qu'on pût comparer à la
sienne : elle était formée de l'assemblage de toutes les grâces.
La fille d'Hermotime avait les cheveux blonds et naturellement frisés, les yeux
fort. grands, les oreilles très petites, le nez un peu aquilin, et la peau
extrêmement fine. Son teint de roses lui fit donner dans son enfance, par les
Phocéens, le nom de Milto (vermillon. Ses lèvres incarnates
laissaient voir des dents plus blanches que la neige; ses jambes auraient
mérité qu’Homère la mît au nombre de ces belles femmes qu'il caractérise
par l'épithète de callisphyres (jolis pieds). Sa voix était si douce
et si touchante, qu'on croyait, quand elle parlait, entendre une Sirène. Du
reste, bien différente des autres femmes, elle ne faisait aucun cas de ces
parures recherchées dont on contracte le goût dans le sein des richesses.
Aspasie, née pauvre, élevée par un père indigent, n'empruntait point le
secours de ces vains ornements pour relever sa figure. Telle que je viens de la
dépeindre, elle fut amenée à Cyrus, fils de Darius et de Parysatis, et frère
d'Artaxerxe : non qu'elle eût ambitionné cette fortune, ou que son père eût
cherché à la lui procurer; elle cédait à la force, et subissait le sort
qu'éprouvent ordinairement, ou les habitants d'une ville prise d'assaut, ou les
sujets d'un tyran, trop souvent imité par un satrape. Ce fut un des satrapes de
Cyrus qui la conduisit, avec d'autres jeunes filles, à la cour du prince. La
naïveté de son caractère, l’honnêteté de ses moeurs, l'excellence de sa
beauté qui ne devait rien à l'art, fixèrent le choix de Cyrus : Aspasie fut
préférée à toutes ses rivales. Ce qu'elle montra depuis de sagesse et de
prudence, servit encore à fortifier un amour que la première vue avait fait
naître. Cyrus la consultait souvent dans les affaires les plus importantes; et
jamais il ne se repentit d'avoir suivi ses conseils.
La première fois qu'Aspasie parut en sa présence, il venait de souper; et
déjà, il commençait à boire, suivant la coutume des Perses, qui, comme on
sait, se livrent, après le repas, aux excès du vin, et boivent à outrance à
l'envi les uns des autres, mesurant leurs forces avec celles du vin, comme dans
un défi contre un ennemi. Au milieu de cette débauche, quatre jeunes Grecques,
du nombre desquelles était Aspasie, lui furent présentées : trois d'entre
elles étaient élégamment parées; les femmes qui étaient venues à leur
suite, avaient frisé et arrangé leurs cheveux; le fard de toute espèce avait
été prodigué pour embellir leur visage. Ceux qui les avaient instruites, leur
avaient surtout appris comment elles se devaient conduire pour plaire à Cyrus :
Ne vous détournez point s'il s'approche; ne le repoussez pas s'il veut vous
toucher; souffrez même qu'il vous embrasse : vraies leçons d'une école
de prostitution, et très convenables à des beautés vénales. Chacune des
trois Grecques s'efforçait d'effacer ses compagnes. Pour Aspasie, elle ne
voulait prendre ni la magnifique robe, ni le manteau peint de diverses couleurs,
qu'on lui avait préparés; elle refusait même d'entrer dans le bain. Inondée
de ses larmes, elle invoquait les dieux de la Grèce, les dieux protecteurs de
la liberté : elle répétait sans cesse, à grands cris, le nom de son père
dont elle maudissait le sort, ainsi que le sien. "Hélas ! disait-elle, ces
habits, ces superbes ornements, auxquels je n'étais point accoutumée, ne
m'apprennent que trop que je suis destinée à l'esclavage." Il fallut en
venir jusqu'à la frapper, pour la forcer de se revêtir de la robe : elle
céda, mais avec la douleur la plus amère de se voir réduite à des
complaisances plus dignes d'une courtisane que d'une fille vertueuse. Ses
compagnes, lorsqu'elles arrivèrent devant Cyrus, ne manquèrent pas de
répondre à ses regards, et de l'agacer par leur sourire; tandis qu'Aspasie
les yeux baissés contre terre, retenait à peine ses larmes. Une rougeur aussi
vive que le feu enflammait son visage : tous ses mouvements étaient autant de
signes de sa pudeur naturelle.
Cyrus ayant ordonné aux quatre Grecques de s'asseoir près de lui, toutes
obéirent avec empressement, à l’exception de la Phocéenne : elle ne prit
sa place qu'après y avoir été forcée par le satrape qui l'avait amenée. S’il
plaisait à Cyrus de porter la main sur les autres Grecques, et de considérer
de près leurs yeux, leurs joues, leurs doigts, les trois premières le
souffraient tranquillement, Aspasie, au contraire, s'il la touchait seulement du
bout du doigt, s'en défendait par ses cris, et lui disait que certainement ce
qu'il faisait ne demeurerait pas impuni. Cette résistance divertit beaucoup
Cyrus. Mais, lorsqu'ayant voulu lui passer la main sous le menton, il la vit se
lever brusquement et chercher à s'enfuir, il admira une vertu dont les Perses
n'avaient pas d'idée; puis, se tournant vers le satrape : "Voilà, lui
dit-il, la seule de vos quatre Grecques qui ait l'âme noble et pure; les
autres ont l'air et les manières de véritables courtisanes." Depuis ce
moment, Cyrus l’aima plus qu'il n'avait jamais aimé aucune autre femme. Le
temps ne fit qu'augmenter son amour : Aspasie y répondit enfin; leur tendresse
mutuelle s'accrut tellement dans la suite qu'elle devint l'image de l'estime
réciproque, de la concorde et de la retenue qui règnent entre les époux
chez les Grecs. Le bruit de cette passion ne tarda pas à se répandre, dans
l'Ionie et dans toute la Grèce; on ne parlait dans le Péloponnèse que de
Cyrus et d'Aspasie : la renommée porta leur histoire à la cour du grand roi.
Au reste, on croit que Cyrus, depuis qu'il eut connu Aspasie, dédaigna toute
autre femme.
La fille d'Hermotime se ressouvint alors des songes de son enfance, de
l'apparition et du discours de la colombe, enfin, de ce qu'une divinité,
cachée d'abord sous la figure de cet oiseau, lui avait prédit : elle jugea que
c'était Vénus elle-même; et ne pouvant douter que la déesse n'eût veillé
sur elle dès le premier âge de sa vie, elle s'occupa du soin de lui
témoigner sa reconnaissance par des sacrifices et des offrandes. Elle commença
par lui faire élever une statue d'or, de grandeur naturelle, auprès de
laquelle fut placée une colombe ornée de pierres précieuses : à ce symbole
on reconnaissait Vénus. Chaque jour telle venait adresser ses vœux à la
déesse, implorer sa protection, et immoler en son honneur de nouvelles
victimes. Aspasie n'oublia pas son père : elle le combla de riches présents et
le mit en état de vivre dans l'abondance. On la vit user constamment de sa
fortune avec modération : c'est un témoignage qui lui a été rendu par les
femmes, soit grecques, soit perses: j'en citerai quelques traits.
Scopas le jeune (02), de Thessalie, ayant
reçu en présent un collier d'un travail merveilleux, qui lui était venu de
Sicile, l'avait envoyé à Cyrus. Le prince, ravi d'avoir entre les mains un
bijou qui faisait l'admiration de tous ceux à qui il le montrait, court chez
Aspasie : c'était le milieu du jour. Elle dormait profondément : Cyrus se
glisse sous le tapis qui la couvrait, se couche doucement auprès d'elle, y
demeure sans faire de bruit et sans remuer : Aspasie continuait de dormir. Enfin,
elle s'éveilla, et voyant Cyrus à les côtés, son premier mouvement fut de le
serrer entre ses bras avec sa tendresse ordinaire. Alors le prince, tirant le
collier de son étui, "Voilà, dit-il, en le lui montrant, un bijou digne
d'être offert à la fille ou à la mère d'un roi." "Cela est
vrai", répondit Aspasie. "Eh bien, reprit Cyrus, je vous le donne :
il est à vous; mettez-le autour de votre cou : c'est là que j'aurai du
plaisir à le voir." Aspasie n'accepta point le présent. "Comment ?
dit-elle au prince avec autant de modestie que de sagesse, comment oserais je me
parer d'un bijou digne de celle à qui vous devez le jour ? Ah ! Cyrus, envoyez
ce collier à Parysatis : je saurai bien vous plaire sans cet ornement."
Telle était l'élévation d'âme d'Aspasie, âme vraiment royale, dont il est
peu d'exemples dans un sexe ordinairement jaloux de tout ce qui peut ajouter à
ses charmes. Cyrus, enchanté de cette réponse, embrassa tendrement Aspasie,
écrivit lui-même le détail de ce qui venait de se passer, et l'envoya à sa
mère avec le collier. Parysatis, aussi touchée du contenu de la lettre de son
fils, que du don précieux qui y était joint, reconnut par de magnifiques
présents la générosité d'Aspasie. Elle voyait avec la plus grande
satisfaction, qu'Aspasie n'usait de l'ascendant qu'elle avait sur Cyrus, que
pour s'assurer la seconde place dans son cœur, et qu'elle laissait la première
à la mère du prince. Aspasie loua beaucoup les dons de la reine mère; mais
comme ils étaient accompagnés de sommes considérables d'argent, elle fit tout
porter chez Cyrus : "Prince, lui dit-elle, je n'ai pas besoin de ces
richesses; elles peuvent vous être utiles, à vous qui avez un grand nombre
d'hommes à nourrir. Pour moi, je ne veux d'autre bien et d'autre parure que mon
amour." On conçoit sans peine de quel étonnement ce dernier trait dut
frapper Cyrus. Il faut, en effet, convenir qu'Aspasie mérita beaucoup moins
d'être admirée pour l'éclat de sa beauté, que pour la noblesse de ses
sentiments.
Cyrus ayant été tué dans la bataille contre Artaxerxe, et son camp étant
demeuré au pouvoir du vainqueur, Aspasie fut prise : ce ne fut pas simplement
par une suite du pillage qu'elle tomba, ainsi que le reste du butin, entre les
mains des ennemis; Ataxerce, qui avait entendu parler de sa beauté et de sa
vertu, la fit chercher avec le plus grand soin. Indigné qu'on la lui amenât
enchaînée, il ordonna qu'on mït aux fers ceux qui avaient eu part à un
traitement si barbare, et en même temps, qu'on apportât pour sa captive les
habits les plus magnifiques. A cet ordre, les yeux d'Aspasie se remplirent de
larmes; elle gémit; elle supplia : mais, malgré la douleur amère que lui
causait la mort de Cyrus, elle fut obligée de se revêtir de la robe que le roi
lui donnait. Sous ce nouveau vêtement, elle parut la plus belle de toutes les
femmes. Dès lors Artaxerxe, en devint éperdument amoureux; il lui donnait sur
les autres une préférence marquée, et la traitait avec des égards
singuliers. Enfin, il n'épargnait rien pour lui plaire, dans l'espérance
d'effacer insensiblement de son coeur le souvenir de Cyrus, et d'apprendre un
jour qu'elle aimait autant le roi de Perse qu'elle en avait aimé le frère.
Artaxerxe ne parvint que lentement et fort tard à cet objet de ses désirs.
L'amour d'Aspasie pour Cyrus était trop profondément gravé dans son cœur;
il y régnait trop impérieusement, pour qu'il fût facile de l'en arracher.
Quelque temps après, il arriva que l'eunuque Téridate, le plus beau et le plus
aimable qui fût dans toute l'Asie, mourut au printemps de son âge, lorsqu’il
entrait à peine dans l'adolescence. On disait que le roi l'avait beaucoup
aimé. Les pleurs qu'il répandit, la douleur profonde à laquelle il se livra,
ne laissaient pas lieu d'en douter. L'Asie entière prit part à son affliction
: ce fut un deuil universel, chacun s'empressant de donner au roi cette marque
d'attachement. Personne n'osait approcher d'Artaxerxe. et moins encore hasarder
de le consoler. On était persuadé qu'il ne serait jamais possible de le tirer
du chagrin dans lequel il était plongé. Après trois jours passés dans cet
état, Aspasie, en habits de deuil, saisit l'instant où le Roi allait au bain,
et se porta sur son passage, les yeux baissés et versant des larmes. Artaxerxe,
surpris de la trouver en ce lieu, lui demanda ce qui pouvait l'y avoir amenée:
"Prince, répondit-elle, vous êtes triste, vous êtes affligé; je viens
essayer de vous consoler, si cela peut vous être agréable : si mon offre est
importune, je me retire." Le roi, vivement touché du tendre empressement
d'Aspasie, lui dit de monter dans son appartement et de l'y attendre : elle
obéit. Artaxerxe, de retour du bain, la fit revêtir de la robe de l'eunuque,
par-dessus les habits de deuil qu'elle portait. Cet ajustement lui prêta de
nouveaux charmes, et rendit sa beauté plus piquante aux yeux de son amant :
dans l'excès de son ravissement, le roi la pria de n'en avoir jamais d'autre,
quand elle paraîtrait devant lui, jusqu'à ce qu'il fût parvenu à calmer sa
douleur. Aspasie ne négligea pas ce moyen de lui plaire : elle eut la gloire
d'être la seule dans toute l'Asie, non seulement entre les femmes d'Artaxerxe,
mais entre ses enfants et ses parents, qui pût adoucir son chagrin et guérir
la plaie de son cœur. Le prince, sensible aux soins qu'elle lui rendait, l'écouta,
et se prêta insensiblement à tout ce qu'elle lui dit pour le consoler (03).
2. Les Muses sont amies de la paix.
JAMAIS sculpteur ni peintre ne représenta les Muses armées : ce qui s'accorde avec l'opinion où l'on a toujours été, que l'esprit de paix et de douceur est nécessaire dans le commerce des Muses (04).
3. Épaminondas mourant.
ÉPAMINONDAS, ayant été blessé mortellement à la bataille de Mantinée, fut porté dans sa tente. Comme il respirait encore, il fit appeler Daïphante, pour lui remettre le commandement de l'armée. " Daïphante est mort", lui répondit-on. "Qu'on fasse donc venir promptement Iolaïdas " ajouta-t-il. Enfin, apprenant que Iolaïdas avait péri de même, il conseilla aux Thébains de terminer la guerre et de traiter avec l'ennemi, puisqu'il ne leur restait plus de général en état de les commander (05).
4. De Sésostris.
SUIVANT une tradition égyptienne, Sésostris avait été formé par Mercure dans la connaissance des lois (06).
5. De Laïs.
LA courtisane Laïs, au rapport d'Aristophane de Byzance, fut surnommée la Hache. Ce surnom indiquait l’âpreté de son caractère (07).
6. De la famille de Marius et de Caton.
C'EST à bon droit qu'on rit de ceux qui tirent vanité de leurs ancêtres; car si, parmi les Romains, nous admirons Marius à cause de ses hauts faits, nous ignorons de qui il tenait le jour; et il faudrait bien des recherches pour découvrir quel était le père de Caton l'ancien (08).
7. D'Alexandre et d’Héphestion.
ALEXANDRE jeta des fleurs sur le tombeau d'Achille (09). Héphestion rendit le même honneur au tombeau de Patrocle. Héphestion voulait par là faire entendre qu'il était aussi cher à son maître, que Patrocle l'avait été à son ami.
8. Mauvaise foi de Cléomène.
LE Lacédémonien Cléomène (10) avait fait confidence de projets à un de ses amis nommé Archonide et lui avait juré que si jamais il avait la puissance en main, il ne ferait rien sans consulter sa tête. Cléomène parvenu, peu de temps après, au pouvoir suprême, fit mourir Archonide, dont la tête séparée du corps fut mise dans un vase plein de miel. Pour lors, avant que de rien entreprendre, il s'inclinait sur le vase, et rendait compte à la tête de tout ce qu’il devait faire, "On ne m'accusera pas, disait-il, de manquer à ma parole et de fausser mon serment; je ne fais rien sans consulter la tête d’Archonide (11)".
9. De Timésias qui se bannit volontairement de sa patrie.
TIMÉSIAS de Clazomène gouvernait ses concitoyens avec sagesse : c'était un de ces hommes vertueux sur qui l'envie s’attache par préférence. Après en avoir d'abord méprisé les attaques, il finit par en être la victime. Voici ce qui, dit-on, lui fit prendre le parti d'abandonner sa patrie. Timésias passait devant une école, d'où sortaient des enfants que le maître venait de congédier, et qui s'amusaient à jouer. Deux d'entre eux ayant pris querelle au sujet d'une ligne (tracée pour régler leur jeu), l’un dit en jurant : Que ne suis-je aussi certain de pouvoir faire sauter la cervelle de Timésias, que je le suis d' avoir raison ! Ce mot qu'il entendit lui ayant fait sentir combien l'envie était acharnée contre lui, et à quel point il était odieux à ses concitoyens, puisque non seulement les hommes faits, mais les enfants mêmes le haïssaient, il s'exila volontairement de sa patrie.
10. Des Éginètes.
Il fut un temps où les Éginètes, par le hasard des circonstances et leur habileté à en profiter, se trouvèrent le peuple le plus puissant de la Grèce (12) : leurs flottes étaient formidables. Ils se distinguèrent dans les guerres contre les Perses et y méritèrent la palme de la valeur. Ce sont eux qui les premiers frappèrent des monnaies, qu’on appela de leur nom Monnaies d’Égine (13).
11. Temple de la Fièvre.
Les Romains consacrèrent un temple et un autel à la Fièvre (14). Au bas du mont Palatin.
12. Peine de l'adultère, dans l’île de Crète.
A GORTYNE, dans l'île de Crète, lorsqu'un homme avait été surpris en adultère, on le conduisait devant les magistrats, et après l’avoir convaincu, on le couronnait de laine. Cette couronne désignait un homme mou, efféminé, uniquement propre au service des femmes. Puis on le condamnait publiquement à une amende de cinquante statères : il était regardé comme infâme, et déchu de tous les privilèges de la société.
13. Mot de la courtisane Gnathène à un grand parleur.
LA. réputation de Gnathène, courtisane athénienne (15), avait attiré auprès d'elle un amant des bords de l'Hellespont. Comme, pendant le repas, cet homme ne cessait de parler, et la fatiguait par son babil, Gnathène, l'interrompant: "Ne m'avez-vous pas annoncé, dit-elle, que vous veniez de l'Hellespont ?" - " Oui vraiment, " - "Comment donc est-il possible que vous ne connaissiez pas la première ville de cette contrée ? " - "Quelle est-elle ?" reprit l'étranger. - " Sigée (16)", repartit Gnathène. Le nom de cette ville (qui, en grec, signifie silence), rappelé adroitement, fit taire ce parleur importun.
14. Grands hommes célèbres par leur beauté.
ON dit qu'Alcibiade et Scipion furent les plus beaux et les plus aimables, l'un des Grecs, l'autre des Romains; que Démétrius Poliorcète pouvait ne le céder à personne en beauté; qu'Alexandre, fils de Philippe, était beau sans art, et qu'il relevait négligemment sur sa tête ses cheveux blonds, mais qu'il avait dans la physionomie quelque chose d'imposant qui inspirait le respect. Quand Homère veut donner l'idée d'un bel homme, il le compare à un arbre. Il s'élevait, dit-il, comme le rejeton d'un arbre (17).
15. Personnages illustres qui aimaient à jouer avec les enfants.
On dit qu'Hercule se délassait des fatigues des combats par les jeux de
l'enfance. Le fils de Jupiter et d'Alcmène joua souvent avec des enfants :
c'est à quoi Euripide fait allusion, lorsqu'il introduit ce dieu tenant un
enfant par la main, et disant : Je joue, car j'aime à faire succéder le jeu
au travail.
Alcibiade surprit un jour Socrate, jouant avec Lamprodès encore enfant (18).
Quelqu'un riant de voir Agésilas à cheval sur un bâton, avec son fils, qui
était encore dans l'enfance : "Maintenant, lui dit Agésilas, gardez-moi
le secret; quand vous serez père, vous compterez mon histoire à ceux qui
auront des enfants."
Archytas de Tarente, philosophe, et homme d'état (19),
avait un grand nombre d'esclaves : il prenait plaisir, à jouer avec leur petite
famille, qui était élevée chez lui; et c'était particulièrement pendant
ses repas qu'il aimait à s'en amuser.
16. D'Alexandre.
ALEXANDRE haïssait Perdiccas, parce qu'il était grand homme de guerre; Lysimaque, parce qu'il était habile général; Séleucus, parce qu'il était vaillant. L’élévation des vues d'Antigonus, les talents d'Attale pour le commandement d'une armée, la souplesse d'esprit de Ptolémée, l'affligeaient sensiblement (20).
17. Conduite indécente de Démétrius Poliorcète.
DÉMETRIUS, qui commandait à plusieurs nations, allait souvent tout armé, la tête ceinte de diadème chez la courtisane Lamia (21). Certainement il eût été honteux pour lui de la faire seulement venir dans son palais; et c'est lui qui allait assidûment chez elle. Je fais bien moins de cas de Démétrius que du joueur de flûte Théodore, qui refusa de se rendre aux invitations de Lamia.
18. De Phaon.
ON raconte que Vénus cacha le beau Phaon sous des laitues (22). Suivant une autre tradition, Phaon était batelier de profession. Vénus étant un jour venue à sa nacelle pour passer d'un lieu à un autre, Phaon, sans la connaître, la reçut volontiers, et la transporta, avec le plus grand empressement, où elle voulait aller. En reconnaissance de ce service, la déesse lui fit présent d'un vase plein d'une drogue, qui le rendit, dès qu'il s'en fut frotté, le plus beau de tous les hommes. Dès lors, toutes les femmes de Mitylène devinrent amoureuses de Phaon : mais à la fin, ayant été surpris en adultère, il fut mis à mort.
19. De Sappho.
PLATON (23) parlant de Sappho, fille de Scamandronyme (24) connue par ses poésies, la qualifie sage (25). J'ai ouï dire qu'il y eut à Lesbos une autre Sappho, courtisane de profession, et qui ne fit jamais de vers.
20. Du rossignol et de l’hirondelle.
HÉSIODE rapporte que le rossignol est le seul des oiseaux qui veille toujours et ne dort jamais : il ajoute que l’hirondelle ne dort jamais tout à fait, et qu'elle n'a qu'un demi-sommeil. Ils subissent ainsi la peine due au crime atroce qui fut commis dans l’abominable repas dont la Thrace fut témoin (26).
21. Courage des femmes lacédémoniennes.
QUAND les Lacédémoniennes apprenaient que leurs fils étaient morts dans une bataille, elles allaient examiner les blessures qu'ils avaient reçues, soit par devant, soit par derrière; s'ils en avaient plusieurs à la poitrine, alors enorgueillies de la valeur de leurs fils, comme le témoignaient la gravité de leur marche et la fierté de leur maintien, elles les faisaient porter au tombeau de leurs pères. Mais s'ils étaient blessés dans toute autre partie du corps, leurs mères, couvertes de honte et baignées de larmes, ne songeaient qu'à se cacher : elles fuyaient, laissant enterrer leurs fils dans la sépulture commune, ou les faisaient transporter secrètement dans les tombeaux de leur famille.
22. De Milon le Crotoniate, et du berger Titorme.
MILON de Crotone (27), cet homme si vain de la force de son corps, rencontra un jour le berger Titorme. En voyant la grande taille du berger, il voulut, dit-on, éprouver sa force contre lui. Titorme, après l'avoir assuré qu'il n'était pas extrêmement fort, quitta ses habits, descendit dans le fleuve Événus (28), prit une pierre d'une grosseur énorme, qu'il attira vers lui, et qu'il repoussa deux ou trois fois; puis il la leva jusqu'à ses genoux, la mit sur ses épaules, enfin la porta l'espace d'environ huit pas, et la jeta par terre. Mais Milon put à peine la rouler. Le berger, pour second essai de sa force, alla se placer au milieu de son troupeau, prit par le pied un très gros taureau sauvage, et le retint, malgré les efforts que fit l'animal pour s'échapper. Un autre taureau s'étant approché, Titorme, de l'autre main, le retint de même par le pied. Alors, Milon levant les mains au ciel, " Ô Jupiter ! s'écria-t-il, n'est-ce pas un second Hercule que vous nous avez donné ?" De là, dit-on, est né le proverbe, C'est un autre Hercule (29)!.
23. De la bravoure des Celtes.
IL n'y a point de nation qui affronte les dangers avec autant d'intrépidité que les Celtes. Ils célèbrent, par des chansons, la mémoire de ceux qui meurent glorieusement à la guerre; ils vont au combat, la tête couronnée de fleurs; fiers de leurs grandes actions, ils élèvent des trophées, pour laisser à la postérité, suivant l'usage des Grecs, des monuments de leur valeur. Il leur paraît si honteux d'éviter un péril, que souvent ils ne daignent pas sortir d'une maison qui tombe et s'écroule; pas même de celle que le feu consume, et dont les flammes commencent à les gagner. Plusieurs attendent de pied ferme le flux de la mer : quelques-uns vont au-devant tout armés, et soutiennent le choc des flots, en y opposant leurs lances et leurs épées nues; comme s'ils pouvaient effrayer ou blesser un pareil ennemi.
24. Du luxe de Smindyride.
SMINDYRIDE de Sybaris (30) porta le luxe à un tel excès, qu'allant à Sicyone demander en mariage Agariste, fille de Clisthène (31), il se fit suivre de mille cuisiniers, mille oiseleurs, et mille pêcheurs (32).
25. Liste d'hommes illustres qui ont eu des amis ou des maîtres utiles.
ALCINOÜS fut utile à Ulysse (33),
Chiron à Achille (34), Achille à Patrocle
(35), Nestor à Agamemnon (36).
Ménélas à Télémaque (37), Polydamas à
Hector (38), Anténor aux Troyens, tant
qu'ils suivirent ses conseils (39). Les
disciples de Pythagore et ceux de Démocrite doivent tout aux leçons de leur
maître. Si les Athéniens avaient écouté Socrate, et qu'ils se fussent
appliqués à l'étude de la sagesse, ils auraient été parfaitement heureux.
Hiéron, fils de Dinomène, se servit utilement de Simonide de Céos (40),
Polycrate d'Anacréon (41), Xénophon de
Proxène (42), Antigonus de Zénon (43).
Mais pour ne point omettre des personnages qui ne me touchent pas de moins près
que les Grecs, et dont, en qualité de Romain, j'ai intérêt de parler,
Antiochus d'Ascalon ne fut pas inutile à Lucullus (44),
Arius à Mécène (45), Apollonius à
Cicéron (46), Athénodore à Auguste (47).
Platon, qui était plus sage que moi, assure que Jupiter ne dédaigna pas
d'avoir un conseiller, et lui-même nous apprend de qui et comment le dieu
recevait des conseils (48).
26. De quelques grands buveurs.
ON compte entre les plus grands buveurs Xénagoras de Rhodes (49) surnommé la Bouteille; l'athlète Héraclide (50) et Protéas (51), fils de Lanice, qui avait été élevé auprès d'Alexandre. On ajoute qu'Alexandre lui-même est un des hommes qui ait bu le plus de vin.
27. Humanité d'Hercule envers ses ennemis.
ON vante dans Hercule son humanité envers ses ennemis. Il est, dit-on, le premier qui ait introduit l'usage des trêves, pour procurer la sépulture aux morts; car de son temps on se mettait pas en peine des corps de ceux qui avaient été tués; on laissait les chiens les dévorer : ce qui a donné lieu à ces expressions d'Homère : Il en fit la pâture des chiens (52). Il était le jouet des chiens (53).
28. Du Léocorion.
LES Athéniens appelaient Léocorion, un temple consacré aux filles de Léos (54), Praxithée, Théope et Eubule, qui, selon la tradition, furent immolées pour le salut d'Athènes. Leur père les livra, suivant les ordres de l'oracle de Delphes, qui avait annoncé qu'on ne pouvait sauver la ville (55) qu'en sacrifiant les trois sœurs.
29. Mot de Platon sur le luxe des Agrigentins.
PLATON, fils d'Ariston, voyant les Agrigentins bâtir des maisons magnifiques, et donner des soupers somptueux, disait : "Les Agrigentins bâtissent comme s'ils devaient toujours vivre, et soupent comme s'ils étaient près de mourir (56). " Au rapport de Timée, leurs cruches et autres vases d'usage étaient d'argent, et leurs lits entièrement d'ivoire (57).
30. Des Tarentins et des Cyrénéens.
LES Tarentins étaient dans l'usage de boire dès le
matin; ils étaient
ivres avant l'heure où l'on s'assemble dans la place publique.
Les Cyrénéens étaient tombés dans un tel excès de mollesse, qu'eux-mêmes,
voulant le réformer, prièrent Platon de leur donner des lois. Le philosophe
s'y refusa, dit-on, parce que l'habitude du mal était trop ancienne chez eux.
Eupolis (58) rapporte, dans sa comédie
intitulée Maricas, que le plus modeste Cyrénéen avait des anneaux de
la valeur de dix mines : à la vérité, le travail en était admirable.
31. Noms des vins grecs les plus estimés.
JE vais rapporter les noms des différentes sortes de vins grecs qui étaient les plus estimés : le vin nommé Pramnium (59), qui était consacré à Cérès; le vin de Chio, qu'on recueillait dans l’île du même nom; les vins de Thase et de Lesbos; le vin appelé Doux, dont le goût répondait au nom; le vin de Crète; le Polios de Syracuse qui avait emprunté son nom d'un roi de ce pays (60); enfin les vins de Cos et de Rhodes, auxquels on donnait le nom des îles qui les produisaient. Mais ce qui prouve encore mieux le luxe des Grecs, ils mêlaient certaines drogues avec le vin, et buvaient par préférence cette liqueur composée, qu'ils appelaient Myrrhinitès. Philippide, poète comique (61) fait mention de cet usage.
32. Vêtements et chaussures de quelques philosophes.
PYTHAGORE de Samos portait une robe blanche, et sur sa tête une couronne d'or. Il avait une espèce de vêtement qui le couvrait depuis la ceinture jusqu'au-dessous du genou (62). Empédocle d'Agrigente était vêtu de pourpre, et portait des chaussures d'airain (63). On dit qu'Hippias (64) et Gorgias ne paraissaient jamais en public qu'avec des robes couleur de pourpre.
33. Générosité des Romains.
CINÉAS, médecin de Pyrrhus, offrit au sénat romain, par une lettre écrite secrètement, d'empoisonner le prince, moyennant une certaine somme. Mais sa proposition fut rejetée. Les Romains ne savent triompher que par la valeur : ils dédaignent de vaincre leurs ennemis par la ruse et par la trahison. Le sénat fit plus : il informa Pyrrhus du projet de Cinéas.
34. De Pausanias et d'Apelle.
ENTRE les exemples des passions amoureuses que l'Antiquité nous a transmis, ceux-ci ne sont pas les moins dignes d'attention. Pausanias aima éperdument sa femme (65) : Apelle aima Pancaste de Larisse, maîtresse d'Alexandre, et même, dit-on, la première maîtresse qu'il ait eue (66).
35. Des homonymes (67).
IL y a eu deux Périandre (68), l'un philosophe, l'autre tyran; trois Miltiade, l'un qui bâtit Chersonèse, un autre, fils de Cypsélus (69), et un troisième, fils de Cimon; quatre sibylles (70), l'Erythréenne, la Samienne, l'Égyptienne, la Sardienne : quelques-uns en ajoutent six, et par là en comptent dix en tout, parmi lesquelles sont la sibylle de Cumes et celle de Judée. On connaît trois Bécis (71), le Béotien, l’Athénien, et l'Arcadien.
36. Du nombre des enfants de Niobé.
LES Anciens ne paraissent pas d'accord sur le nombre des enfants de Niobé. Homère lui donne six fils et six filles : suivant Lasus (72), elle avait en tout quatorze enfants, et dix-neuf, suivant Hésiode; si cependant les vers où Hésiode en parle, ne lui sont pas faussement attribués, ainsi que beaucoup d'autres. Selon Alcman (73), Niobé n'eut que dix enfants, Mimnerme (74) et Pindare disent qu'elle en eut vingt.
37. Circonstance de la Vie d'Alexandre.
ALEXANDRE étant à la poursuite de Bessus, se trouva dans une telle disette
de vivres, qu'il fut obligé, ainsi que tous ceux qui l'accompagnaient, de
manger de la chair de chameau et d'autres bêtes de charge, même de la manger
crue, faute de bois. Mais le silphium (75)
qui était en abondance dans cette contrée, leur fut d'un grand secours pour la
digestion de ces aliments.
Ses soldats s'emparèrent, dans la Bactriane (76),
de quelques villages, que la fumée qui s'élevait au-dessus leur fit juger
être habités : ils furent obligés d'enlever la neige qui obstruait les
portes.
38. Usages des Saces (77).
LES chevaux saces, quand quelqu'un renverse leur maître, s'arrêtent pour le
laisser remonter.
Un Sace qui veut épouser une fille, doit se battre avec elle : si la fille a
l'avantage, l'homme devient son prisonnier; elle l'emmène et lui commande,
comme une maîtresse à son esclave (78) :
si l'homme est vainqueur, la fille lui est soumise. Au reste, ils combattent
seulement pour l'honneur de la victoire, et jamais jusqu'à la mort. Quand les
Saces ont quelque sujet d'affliction, ils vont se cacher dans des lieux
obscurs, dans des cavernes ténébreuses.
39. Audace de Perdiccas.
LE Macédonien Perdiccas, qui suivit Alexandre dans ses expéditions, était si intrépide, qu'il entra seul un jour dans une caverne qui servait de retraite à une lionne, A la vérité, il ne l'y trouva pas; mais il tira les lionceaux de la caverne, et les emporta. Cette action dut faire d'autant plus d'honneur à Perdiccas, que les Grecs, et même les barbares, ont toujours regardé la lionne comme l’animal le plus fort, et qui se défend avec le plus de courage. Aussi dit-on que Sémiramis, reine d'Assyrie, applaudissait bien autrement d'avoir terrassé une lionne que d'avoir tué un lion, un léopard, ou quelque autre animal semblable.
40. Du luxe de Xerxès.
ENTRE les provisions qui suivaient Xerxès dans ses marches, et dont la plupart ne servaient guère qu'à faire voir sa magnificence et son luxe, il y avait de l'eau du fleuve Choaspe. Ce prince se trouvant un jour tourmenté de la soif dans un lieu désert, où ses bagages n'avaient encore pu le joindre, on publia dans le camp que si quelqu'un avait de l'eau du Choaspe, il eût à l'apporter pour donner à boire au roi (79). Il se trouva un homme qui en avait une petite quantité; encore était-elle gâtée : Xerxès la but, et regarda comme son bienfaiteur (80) celui qui la lui avait donnée, parce que sans cette eau il serait mort de soif.
41. Du peintre Protogène (81).
LORSQUE Apelle vit le portrait de Ialysus (82) qui avait coûté sept années de travail au peintre Protogène, l'étonnement que lui causa d'abord cet ouvrage admirable, lui ôta la parole : puis, le regardant une seconde fois : "Il y a là, dit-il, bien du travail. L'artiste a un grand talent; mais le portrait n'a point de grâce : s’il n'en manquait pas, ce serait un morceau digne d'être placé dans le séjour des dieux."
42. De quelques enfants nourris par des animaux.
ON dit que Cyrus, fils de Mandane (83), fut allaité par une chienne; Télèphe, fils d'Augé et d'Hercule, par une biche; Pélias, fils de Neptune et de Tyro, par une jument, ainsi que le fils d'Alopé; Pâris, fils de Priam, par une ourse; Égisthe, fils de Pélopie et de Thyeste par une chèvre.
43. Personnages célèbres qui étaient nés dans l’obscurité.
DARIUS, fils d’Hystaspe, était attaché à Cyrus en qualité de porte-carquois (84). Le dernier Darius, qui fut défait par Alexandre, avait été esclave (85). Archélaüs, roi de Macédoine, eut pour mère l'esclave Simicha (86). Ménélas, aïeul de Philippe, était bâtard (87) : son fils Amyntas avait été au service d'Erope, et, suivant l'opinion commune, son esclave. Persée, qui fut vaincu par le Romain Paul-Emile, était Argien d'origine, et de basse naissance (88). On croit qu'Eumène était issu d'un père très pauvre, qui jouait de la flûte aux funérailles (89). Antigonus, fils de Philippe, surnommé le Cyclope, parce qu'il était borgne, avait été manœuvre (90). Polysperchon avait fait le métier de voleur (91). Thémistocle, qui défit les Barbares dans un combat naval, et qui seul comprit la volonté des dieux, dictée par les oracles (92), était fils de la Thracienne Abrotone. Phocion, surnommé le Juste (93) devait le jour à un homme qui gagnait sa vie à faire des pilons de mortier. On dit que Démétrius de Phalère (94) était issu d'un esclave qui avait appartenu à Timothée et à Conon. Hyperbolus (95), Cléophon (96) et Démade (97) furent de zélés défenseurs des droits du peuple d'Athènes; et il serait difficile de nommer leurs pères. On désignait, à Sparte, Callicratidas, Gylippe (98), et Lysandre, par le titre de Mothaces (99), dénomination particulière de ceux que les citoyens riches donnaient à leurs enfants pour les accompagner au gymnase, et s'y exercer avec eux : Lycurgue, en établissant cet usage, avait accordé à ceux qui se consacraient à une pareille fonction le droit d'être admis en charges publiques. Épaminondas lui-même était fils d'un homme obsur; et Cléon, tyran de Sicyone, avait été pirate (100).
44. Des carrières de Syracuse.
IL y avait en Sicile, près du quartier nommé Épipoles (101), des carrières d'un stade de long, et de deux plèthres de large. Il arrivait quelquefois que ceux qu'on envoyait dans ce lieu, y restaient si longtemps enfermés, qu'ils s'y mariaient et avaient des enfants. Lorsque quelques-uns de ces enfants, qui n'avaient jamais vu de ville, allaient à Syracuse, s'ils rencontraient des chevaux ou des bœufs attelés, ils étaient saisis de frayeur, et s'enfuyaient en criant. La plus belle des cavernes de cet horrible lieu, était celle qui portait le nom de Philoxène (102) : c'est là, dit-on, que ce poète composa son Cyclope, le meilleur de ses poèmes. Il était si peu affecté de la peine à laquelle Denys l'avait condamné, que, dans ce triste état, il ne cessa pas de cultiver la poésie.
45. De Midas, de Platon et de Pindare, enfants.
SUIVANT une tradition phrygienne, pendant que Midas, encore enfant, était endormi, des fourmis se glissèrent dans sa bouche, et y firent, avec la plus grande activité, un amas de grains de froment (103). Suivant une autre tradition, des abeilles formèrent un rayon de miel dans la bouche de Platon (104). Pindare, ayant été exposé hors de la maison paternelle, fut nourri par des abeilles, qui, au lieu de lait, lui donnèrent du miel.
46. D'un prodige qui annonçait que Denys serait roi.
UN jour que Denys, fils d'Hermocrate, traversait un fleuve, le cheval qu'il montait s'abattit dans la boue. Denys fit un saut, gagna le rivage, et il s'en allait, laissant là son cheval sur lequel il ne comptait plus; mais comme l'animal le suivait en hennissant, Denys retourna sur ses pas. Pendant qu'il saisissait les crins et qu'il se préparait à remonter, un essaim d'abeilles vint se jeter sur sa main. Les Galéotes (105), consultés sur ce prodige, répondirent qu'il présageait que Denys serait roi.
47. D'Aristomaque, femme de Dion.
LORSQUE Denys chassa Dion de Sicile, il y retint son fils et sa femme Aristomaque (106), qu'il força bientôt d'épouser, malgré sa répugnance, le Syracusain Polycrate, celui de ses gardes qui lui était le plus dévoué. Mais lorsque Dion, s'étant rendu maître de Syracuse, eut à son tour réduit Denys à s'enfuir chez les Locriens, sa sœur Arété vint lui parler en faveur d'Aristomaqne, qui la suivait couverte d'un voile pour cacher sa honte, et n'osant aborder comme son mari, celui envers qui elle avait été contrainte de violer la foi conjugale. Arété défendit si bien la cause d'Aristomaque, en exposant la violence qui lui avait été faite, que Dion embrassa sa femme et son fils, et leur dit de rentrer dans sa maison.
48. Des poèmes d'Homère.
LES Indiens chantent les vers d'Homère, traduits dans la langue de leur pays (107). Ils ne sont pas les seuls : on en dit autant des rois de Perse, si toutefois on peut en croire ceux qui l'ont écrit.
49. Magnanimité de Phocion.
PHOCION, fils de Phocus, qui avait tant de fois commandé les armées athéniennes, ayant été condamné à la mort, attendait dans la prison la ciguë qu'il devait boire. Lorsque la coupe fatale lui fut présentée, ses amis lui demandèrent s'il n'avait rien à faire dire à son fils : "Je lui ordonne, répondit Phocion, de ne point conserver de ressentiment contre les Athéniens, pour le breuvage qu'ils me présentent." Il faudrait n'avoir aucune idée de la vraie grandeur d'âme, pour ne pas louer, pour ne pas admirer un tel homme.
50. Du peu de cas que les Lacédémoniens faisaient des lettres.
LES Lacédémoniens n'avaient nulle teinture des lettres; ils s'appliquaient uniquement à la gymnastique et à l'art de la guerre. S'ils avaient besoin du secours des Muses, comme dans les cas de maladie, de frénésie, ou de quelque autre mal épidémique, ou bien si l'oracle d'Apollon leur ordonnait d'y recourir, ils appelaient des étrangers pour les délivrer de ces maux. C'est ainsi qu'ils attirèrent chez eux Terpandre (108), Thalétas (109), Tyrtée (110), Nymphée de Cydonie (111), et le joueur de flûte Alcman (112). Le mot de Thucydide, en parlant de Brasidas (113), atteste l'ignorance des Lacédémoniens. "Brasidas, dit-il, n'avait pas le talent de la parole; aussi était-il Lacédémonien." C'était dire "aussi était-ce un ignorant."
51. Du ridicule orgueil de Ménécrate.
LE médecin Ménécrate (114) était
si vain, qu'il se nommait lui-même Jupiter. Il écrivit un jour à Philippe,
roi de Macédoine en ces termes : Ménécrate Jupiter à Philippe, salut. Le
roi fit cette réponse : Philippe, à Ménécrate, santé. Je vous conseille
d'aller vous établir aux environs d'Anticyre (115).
Philippe faisait entendre, par cet avis, que Ménécrate était fou.
Une autre fois Philippe, ayant ordonné un très grand festin, y invita
Ménécrate. Il lui fit dresser un lit particulier : dès que Ménécrate s'y
fut placé, on mit devant lui une cassolette. Pendant qu'il respirait la fumée
de l'encens qui brûlait pour lui, les convives mangeaient (j'ai déjà dit que
le repas était splendide). Ménécrate prit d'abord ce traitement en bonne part; il fut même flatté de l'honneur qu'on lui
rendait; mais la faim l’ayant
gagné peu à peu, il sentit qu'il était homme. Alors, se levant, il s'en alla
comme un sot, en disant qu'on l'insultait. Philippe, par cette plaisanterie, mit
à découvert la folie du médecin.
52. Mot d'Isocrate sur Athènes.
L'ORATEUR Isocrate comparait la ville d'Athènes aux courtisanes. Ceux qui les voient, disait-il, sont épris de leurs charmes et désirent leurs faveurs; mais aucun ne se respecte assez peu pour les vouloir épouser. Il en est de même d'Athènes : dans toute la Grèce, il n'y a pas de ville plus agréable, pour qui la voit comme voyageur; mais l'habitation n'en est pas sûre. Isocrate désignait, par ce propos, les délateurs dont Athènes était remplie, et ce qu'on avait à craindre de ceux qui gouvernaient la multitude.
53. Des causes des plus grandes guerres.
JE n'ignore pas que les guerres les plus sanglantes ont eu souvent des causes très légères. On attribue la guerre de Perse aux différends de Méandrius de Samos (116) avec les Athéniens la guerre du Péloponnèse, au décret porté contre les Mégariens (117); celle qu'on nomma la Guerre Sacrée à l'exaction des amendes imposées par les Amphictyons (118). Les démêlés de Philippe et des Athéniens, qui voulaient recevoir de ce prince l’île d'Halonèse (119) non comme un don, mais comme une restitution, aboutirent à la bataille de Chéronée
54. Lettre d'Aristote à Alexandre.
ARISTOTE, voulant corriger le penchant qu'Alexandre avait à la colère, et
calmer la violence de son humeur, lui écrivit en ces termes : "La colère
et l'emportement peuvent avoir lieu contre un supérieur, jamais contre un
inférieur (120); et vous n'avez point
d'égal."
Aristote a servi utilement un grand nombre de gens par les sages conseils qu'il
donnait à Alexandre. Ce fut lui, par exemple, qui engagea ce prince à
rétablir Stagire, lieu de la naissance du philosophe, que Philippe avait
détruite (121).
55. Coutume bizarre des Libyens.
LES Libyens font de magnifiques funérailles à ceux qui sont tués par des éléphants, soit à la chasse, soit à la guerre : ils chantent en leur honneur certains cantiques, dont le sujet est toujours l'intrépidité de celui qui a osé combattre un tel animal. Ils y ajoutent communément cette pensée, qu'une mort glorieuse est le plus beau des ornements funèbres.
56. Mot de Diogène sur les Mégariens.
DIOGÈNE de Sinope ne se lassait point de plaisanter sur la grossièreté et l'ignorance des Mégariens : "J'aimerais mieux, disait-il, être le bélier que le fils d'un Mégarien (122). " Il voulait faire entendre que les habitants de Mégare avaient plus de soin de leurs troupeaux que de leurs enfants.
57. Prodiges qui apparurent aux Thébains, lorsque Alexandre marcha contre eux.
PENDANT qu'Alexandre marchait vers Thèbes à la tête d'une armée, les dieux envoyèrent aux habitants des signes et des prodiges qui leur annonçaient le plus grand malheur qu'ils eussent encore éprouvé. Du lac voisin d'Oncheste (123), il sortit un bruit effrayant et continu, semblable aux mugissements d'un taureau. Les eaux de la fontaine Dircé, qui coule autour des murailles d'Ismène (124), pures et limpides jusqu'alors, furent changées tout à coup en sang, à Thèbes, dans le temple de Cérès, on vit une araignée faire sa toile sur le visage de la statue de la déesse; celle de Minerve appelée Alalcoménide (125) s'embrasa d’elle-même, sans qu'on y eût mis le feu. Il parut plusieurs autres signes de cette espèce: mais les Thébains, qui croyaient qu'Alexandre était mort en Illyrie (126), se répandaient en discours outrageants contre lui, et se persuadaient que ces différents prodiges menaçaient les Macédoniens.
58. De Dioxippe.
LORSQUE l'athlète Dioxippe (127), après avoir été proclamé vainqueur aux jeux Olympiques, rentra dans Athènes sa patrie, monté, suivant la coutume des athlètes couronnés, sur un char à quatre chevaux, il y eut à son entrée un concours prodigieux : la curiosité y avait attiré des spectateurs de toute espèce. Dioxippe aperçut dans la foule une femme d'une beauté singulière, qui était venue, comme les autres, pour jouir du spectacle; et tout à coup il en devint tellement épris, qu'il ne pouvait cesser de la regarder; il se retournait en marchant, pour ne la pas perdre de vue. Aux différents changements de couleur qu'on remarqua sur son visage, il fut aisé de juger que ce n'était ni par hasard ni par distraction qu'il avait toujours les yeux fixés sur elle. Diogène de Sinope, qui sentit mieux que personne ce qui se passait dans l'âme de Dioxippe, prit un miroir d'or, fait à Corinthe, qu'on avait exposé en vente près du lieu où il était placé, et dit à quelques-uns de ses voisins : "Regardez votre fameux athlète; voyez comment une jeune fille lui a tordu le cou. "
59. Mot de Pythagore.
PYTHAGORE disait que les dieux avaient fait aux hommes deux beaux présents; la vérité et la bienfaisance. Il ajoutait : "Les dieux eux-mêmes n'ont rien de plus précieux. "
60. Réponse de Denys à Philippe.
DENYS le jeune étant un jour avec Philippe, fils d'Amyntas, après plusieurs propos tels qu'on en tient ordinairement dans la conversation : "Comment est-il arrivé, dit Philippe à Denys, que vous ayez perdu toute cette puissance que votre père vous avait transmise ? "C'est, répondit très sensément Denys, parce que mon père, en me laissant son héritage, ne m'a pas laissé ce qui l'avait aidé à l'acquérir et à le conserver : sa fortune."
61. Honneurs rendus à Borée.
DENYS s'était mis en mer, pour aller attaquer les Thuriens, avec une flotte de trois cents voiles qui portait un grand nombre de soldats pesamment armés; mais le souffle de Borée fit échouer son projet. Les vaisseaux de Denys furent brisés; toute son armée périt. En reconnaissance, les Thuriens, non contents d'offrir un sacrifie à Borée, portèrent un décret qui le déclarait citoyen de leur ville : ils lui assignèrent une maison avec un champ; et chaque année ils célébraient une fête en son honneur. Les Athéniens ne sont donc pas les seuls qui aient traité Borée comme leur allié. Les Thuriens firent plus : ils le mirent au rang de leurs bienfaiteurs. Pausanias raconte que les Mégalopolitains en usèrent de même.
62. Loi singulière des Perses.
SUIVANT une loi des Perses, celui qui avait un conseil à donner au roi touchant certaines choses délicates dont il était défendu de parler, se plaçait sur une brique d'or. Si le conseil était jugé bon et utile, la brique était sa récompense; mais en même temps il recevait des coups de fouet, pour avoir osé violer une défense du roi. Pour moi, je pense qu'il est indigne d'un homme libre d'essuyer un pareil affront pour une telle récompense.
63. De la courtisane Archédice.
UN jeune homme était passionnément amoureux de la courtisane Archédice (128) de Naucratis (129). Mais Archédice, excessivement vaine et de difficile accès, faisait payer chèrement ses faveurs; et quand elle en avait reçu le prix, il n'était bientôt plus question de l'amant : Archédice ne tardait pas à s'en défaire. Or, le jeune amoureux n'était pas assez riche pour rien obtenir d'elle : un songe y suppléa, éteignit ses désirs, et le guérit de sa passion.
64. D'Alexandre mort.
ALEXANDRE, fils de Philippe et d'Olympias, étant mort à Babylone, le corps de ce prince, qui se disait fils de Jupiter, demeurait étendu, pendant que ses généraux se disputaient la possession de ses états : on ne lui rendait pas même les honneurs de la sépulture qu'on accorde aux plus vils mortels et dont la nature nous fait un devoir pour tous les morts. Trente jours s'étaient écoulés sans qu'on eût songé aux funérailles d'Alexandre, lorsqu'Aristandre de Telmisse (130), soit par l'inspiration d'une divinité, soit par quelque autre motif, s'avança au milieu des Macédoniens, et leur dit que les dieux lui avaient révélé qu'Alexandre ayant été pendant sa vie et après sa mort le plus heureux des rois qui eussent existé, la terre qui recevrait le corps où avait habité son âme serait parfaitement heureuse et n'aurait jamais à craindre d'être dévastée. Ce discours fit naître de nouveaux débats, chacun désirant d'emporter dans son royaume et de posséder un trésor qui était le gage d'une puissance solide et durable. Ptolémée, s'il en faut croire quelques historiens, ayant enlevé secrètement le corps d'Alexandre (131), se hâta de le faire transporter en Égypte, dans la ville que ce prince avait décorée de son nom. Les Macédoniens virent cet enlèvement d'un œil tranquille; mais Perdiccas se mit aussitôt à la poursuite du ravisseur, moins excité par son attachement à la mémoire d'Alexandre et par un respect religieux pour son corps qu'échauffé par la prédiction d'Aristandre. Lorsque Perdiccas eut atteint Ptolémée, ils se livrèrent pour le cadavre, un combat sanglant, semblable, en quelque façon, à celui que Troie vit jadis sous ses murs pour le simulacre d'Énée, simulacre chanté par Homère, qui dit qu'Apollon l'avait envoyé, à la place d'Énée, au milieu des héros (132). Ptolémée, après avoir repoussé Perdiccas, fit faire un simulacre qui représentait Alexandre, le revêtit des habits royaux, et l'entoura des ornements funèbres les plus précieux; puis le plaça sur un chariot persique, dans un magnifique cercueil enrichi d'or, d'argent, et d'ivoire, En même temps, il envoya le véritable corps, sans pompe et sans éclat, par des routes secrètes et peu fréquentées. Lorsque Perdiccas se fut rendu maître de la représentation d'Alexandre et du chariot qui la portait, il crut avoir en son pouvoir le prix du combat : dès lors, il cessa toute poursuite, et ne s'aperçut qu'il avait été trompé, que quand il ne fut plus possible d'atteindre Ptolémée.
(01) L'Aspasie dont Élien donne l'histoire dans ce chapitre n'est point l'Aspasie de Milet, que ses talents et l’amour de Périclès ont rendue si célèbre. Celle dont il s'agit ici était Phocéenne : elle fut appelée d'abord Milto; le nom d'Aspasie lui fut donné par Cyrus, son amant. Plutarque, Vie de Périclès.
(02) Il est assez vraisemblable que ce Scopas est le petit-fils du fameux athlète du même nom, que Simonide de Céos avait célébré dans ses vers, et qui fut écrasé par la chute de sa maison, avec ses amis, qu'il avait invités à un grand repas. Simonide échappa seul à ce malheur : deux jeunes hommes, qu’on crut être Castor et Pollux, étaient venus le demander un instant avant que la maison s'écroulât. Cic., de Orat. II, 88; Phèdre. Fab., IV, 23.
(03) Si
Aspasie réussit à consoler Artaxerxe dans cette occasion, elle l'affligea bien
sensiblement dans la suite. Par une loi des Perses, le successeur désigné du
trône pouvait demander un présent à celui par qui il avait été désigné,
et celui-ci était obligé de l'accorder. Artaxerxe ayant déclaré Darius
héritier de ses états, Darius lui demanda Aspasie. Le roi ne pouvant le
refuser, répondit qu'Aspasie était libre, et qu'elle pouvait choisir entre
Darius et lui : Aspasie préféra Darius. Alors Artaxerxe, se repentant de sa
facilité, et pour forcer Aspasie à vivre du moins dans la continence, la fit
prêtresse de Diane Anitis (Justin dit prêtresse du Soleil). Darius en conçut
un tel ressentiment, qu’il forma le projet d’ôter la vie à son père :
Artaxerxe le prévint, et le fit mourir, comme Élien le dit lui-même, liv. IX,
c. 42. Plutarque, Artaxerxe.
Bayle, qui raconte sommairement cette histoire, à l'article de Cyrus,
remarque qu'Aspasie doit avoir conservé sa beauté bien au-delà du terme
ordinaire, puisqu'il est certain qu'elle avait à peu près quatre-vingts ans
lorsque Darius l’obtint d’Atraxerce. On a vu chez nous, dans la moderne
Léontium (Ninon de l’Enclos), un pareil phénomène, avec des circonstances
plus singulières. Malgré son grand âge, a dit un de ses amis, on
pouvait lire encore toute son histoire dans ses yeux. Dial. sur la Mus. des
Anc., p. 123.
(04) Le même sujet est traité avec beaucoup plus d’étendue dans le chap. 37 du liv. XIV.
(05) Xénophon, Diodore de Sicile, Cornélius Népos, ne disent rien de ce conseil qu’Épaminondas donna aux Thébains. Plutarque est le seul qui en fasse mention dans les Apophtegmes des généraux.
(06) Ce chapitre se retrouve dans le livre XIV, c. 34, excepté que Sésostris n’y est point nommé. Ne faudrait-il pas lire dans celui-ci, Osiris au lieu de Sesostris ? Diodore de Sicile, liv. I, dit que Mercure se communiquait à Osiris, et l’aidait de ses conseils.
(07) Ce chapitre est répété plus loin, XIV, 35, avec une addition qui manque ici. Aristophane de Byzance était un grammairien célèbre qui, selon Suidas, vivait sous les Ptolémées, et qui fut le maître du critique Aristarque.
(08) Ceci se trouve répété, avec quelques additions, dans le chap. 36 du liv. XIV.
(09) Auguste rendit dans la suite les mêmes honneurs aux cendres d’Alexandre. Suétone.
(10) Le Cléomène dont parle Élien est le dernier roi de Sparte qui ait porté ce nom. Pour rendre à sa patrie son ancienne splendeur, il forma et exécuta le projet de faire périr les éphores, et de rétablir l’égalité des biens entre les citoyens par un nouveau partage des terres. Plutarque, Vie de Cléomène.
(11) Cléomène abusait de la signification équivoque du mot tête, que les Grecs employaient souvent pour désigner la personne : en sorte qu’on disait, consulter ou honorer la tête de quelqu’un, pour dire le consulter ou l’honorer lui-même.
(12) Ce fut sous le règne de Darius, fils d’Hystaspe que les Éginètes parvinrent au plus haut degré de puissance sur mer; mais cette puissance ne fut pas de longue durée : ils furent vaincus et chassés de leur pays par les Athéniens, du temps de Périclès. Pausanias, Corinth.
(13) Strabon (liv. VIII) rapporte, d’après Éphorus, que les Éginètes durent cette invention au roi Phidon, qui leur conseilla de se servir de monnaies pour faciliter le commerce maritime, auquel ils s’étaient adonnés dans la vue de suppléer à la stérilité de leur île.
(14) Les Romains reconnaissaient des dieux nuisibles, qu’on invoquait pour être garants des maux qu’ils pouvaient faire. La Fièvre était de cette espèce.
(15) Gnathène vivait peu de temps après Alexandre. Elle eut pour amants le philosophe Slilpon, et le poète Diphile. Athénée (liv. XIII) rapporte plusieurs bons mots de Gnathène, qui font honneur à son esprit.(16) Sig®, silence. Ce mot n'a aucun sel en français.
(17) Iliade, XVIII, 56. Homère met cette comparaison dans la bouche de Thétis, en parlant d'Achille.
(18) Lamproclès était le fils aîné de Socrate. Diog. Laërt.(19) Voy. sur Archytas, le c. 17 du liv. III, et le c. l4, liv. VII, etc.
(20) Tous les personnages compris dans ce chapitre étaient du nombre des généraux d'Alexandre, et ils furent, après sa mort, possesseurs tranquilles de différents états dont ils s'emparèrent, excepté Perdiccas, que son ambition rendit odieux, et qui fut massacré par ses propres soldats. On ignore quel est l'Attalus dont Élien veut parler; à moins que ce ne soit le frère de la belle-mère d'Alexandre, que ce prince fit périr après la mort de Philippe. Il y avait dans l'armée d'Alexandre un autre Attalus, homme d'une naissance obscure, et qui ne commanda jamais en chef; mais il n'est pas vraisemblable que ce soit celui-là dont il s'agit ici.
(21) Lamia jouait parfaitement bien de la flûte : son talent, joint à ses charmes, lui procura tant de richesses, qu'elle fit construire dans Sicyone un portique public qui fut appelé Poecile. Athénée, liv. XIII.
(22) On retrouve cette fable de Phaon, dans Paléphate, c. 49, dans les Héroïdes d'Ovide, dans Lucien, et dans plusieurs autres auteurs.
(23) Dans le dialogue intitulé Phaedrus.
(24) Il y a eu plusieurs femmes du nom de Sappho, que les écrivains paraissent avoir confondues. Tout ce que je pourrais dire sur cette matière, se trouve recueilli dans le Dictionnaire de Bayle : je remarquerai seulement que la Sappho si célèbre par ses poésies était née à Mitylène, dans l'île de Lesbos, et vivait environ six siècles avant J.-C.
(25) Platon qualifie de même Anacréon; comme le terme sofñw, dont il se sert, signifie sage et savant, on peut choisir entre les deux acceptions, Mais sofñw est de plus synonyme de poète, suivant ce passage du scholiaste de Pindare sur la cinquième Isthmique, sofistŒw d¢ kaÜ sofoçw ¦legon toçw poiht‹w; et de plus, suivant la remarque du schol. d'Homère sur le vers 412 du liv. XV de l'Iliade, on donnait en général cette épithète à tout artiste qui excellait dans son art, en quelque genre que ce fût. Il paraît que dans les deux dernières acceptions, la qualification sofñw conviendrait mieux à Sappho et à Anacréon.
(26) C'est le repas où Philomèle et Progné firent servir à Térée les membres de son fils Itys. Ovide, Métamorph., VI, et Hygin, Fab. 45. 1
(27) Il a déjà été question de la force de Milon, dans le chap. 24 du liv. II.
(28) Le fleuve Événus traversait l'Étolie, pays où Titorme avait pris naissance.
(29) D'autres auteurs donnent à ce proverbe une origine différente. Voy. les Adages d'Érasme, Chil. VII.
(30) Voy. sur Smindyride, le chap. 24 du liv. IX.
(31)
Clisthène,
tyran de Sicyone, contemporain de Solon.
Après avoir remporté le prix de la course des chars aux jeux Olympiques, il
déclara qu'il donnerait en mariage sa fille Agariste au plus vaillant et au
plus courageux des Grecs. Cette annonce attira à Sicyone un grand nombre de
prétendants, dont Hérodote (liv. IV) rapporte les noms : ce fut l'Athénien
Mégaclès, fils d'Alcméon, qui obtint la préférence, et qui devint l'époux
d'Agariste
(32) Athénée, VI, 21, dit que Smindyride n'avait mené avec lui que mille esclaves en tout, tant cuisiniers que pêcheurs, etc.
(33) Homère, Odyss., liv. VII
(34) Iliad.. liv. XI.
(35) Ibid., liv. XXIII.
36) Ibid., liv. IX.
(37) Odyss., liv. IV.
(38) Iliad., liv. XII
(39) Ibid., liv. III-VII, etc.
(40) Voy. le chap. 15 du liv. IV.
(41) Voy. le chap. 4 du liv. IX.
(42) Proxène, originaire de Béotie, disciple de Gorgias le Léontin, ancien ami de Xénophon, à qui il procura l’amitié de Cyrus. Xénoph.
(43) Voy. liv. VII, c. 14, et liv. IX, c. 26.
(44) Antiochus tenait l'école de la vieille Académie.
(45) Arius, ou Aréus, originaire d'Alexandrie, fut le maître de Mécène.
(46) Apollonius, surnommé Molon, rhéteur célèbre, dont Cicéron fut le disciple pendant le séjour qu'il fit à Rhodes. Plutarque, Vie de Cic.
(47) Strabon (liv. XIV) parle de deux Athénodore, qu'on a souvent confondus : le premier, philosophe stoïcien, né à Tarse, contemporain de Marcus Caton, était surnommé Cordylion; le second, postérieur à celui-ci, et qui fut le maître d'Auguste, était aussi de Tarse, et philosophe stoïcien, comme le premier. Le temps où chacun d'eux a vécu peut seul les faire distinguer l'un de l’autre.
(48) Sans doute Élien veut-il parler de la seconde épître de Platon, dans laquelle ce philosophe, après avoir dit que Thalès donnait des conseils à Périandre, Nestor à Agamemnon, etc., ajoute que les premiers hommes ont cru que Prométhée était le conseiller de Jupiter.
(49) Athénée,liv. X, l'appelle Xénarque.
(50) Il paraît qu'Héraclide était Alexandrin, et qu'il vivait peu de temps avant Plutarque. Plut., Sympos., liv. I.
(51) Protéas était fils de la nourrice d'Alexandre, que Quinte-Curce appelle Hellanice. Sur la passion d'Alexandre pour le vin, on peut voir le chap. 23 du liv. III. Au reste, ce chapitre n'est qu'un léger supplément à la longue liste de buveurs renfermée dans le chap. 41 du liv. II.
(52) Iliad., liv. I, vers 4
(53) Ibid., liv. XVII, v. 255, et XVIII, v. 179.
(54) Suivant Suidas, Léos était fils d'Orphée; et le temple qu'on avait érigé en l'honneur de ses filles, dont il appelle la première Phasithée, était placé au milieu du Céramique.
(55) La ville d'Athènes était alors désolée par la famine. Suidas.
(56) Diogène Laërce (VIlI, 83) attribue ce mot à Empédocle.
(57) Athén., liv. II, c. 2.
(58) Eupolis, poète célèbre de l'ancienne comédie, florissait vers la quatre-vingt-huitième olympiade. De plusieurs pièces qu'il composa, il reste à peine quelques fragments. Eupolis, dans cette pièce, avait joué Hyperbolus, qui remplaça Cléon, dans le gouvernement d' Athènes.
(59) Suivant Pline, XIV, 4, ce vin croissait à Smyrne, auprès du temple de la Mère des dieux; en quoi il est contredit par Athénée, Suidas, et plusieurs autres.
(60) Ce roi était originaire de l'Argolide; il s'appelait Pollis, et fut le premier qui transporta des vignes d'Italie à Syracuse, Athénée, I, 24.
(61)Voy. le chap. 6 du liv. X.
(62) Cette espèce de vêtement répondait à peu près à ce que nous appelons haut-de-chausse : il était très commun chez les Perses, On peut inférer d'un passage d'Hérodote, V, 4, que les Grecs n'en faisaient point usage, du moins dans le temps où ils étaient en guerre avec les rois de Perse. Personne n'ignore que ce vêtement servait à distinguer les Gaulois d'au-delà des Alpes, de ceux d’en deçà : les habitants de la Gaule Transalpine s'appelaient Braccati, à cause de leurs hauts-de-chausses; ceux de la Gaule Cisalpine portaient le nom de Togati, parce qu'ils étalent vêtus à la manière des Romains.
(63) Empédocle était à peu près contemporain de Xerxès : il se précipita, dit-on, dans les fournaises de l'Etna, après avoir laissé sur le bord une de ses chaussures; ce qui fit connaître comment il avait terminé sa vie. Cette histoire est réfutée par Strabon (liv. VI).
(64) Hippias, né en Élide, sophiste et orateur, vivait environ quatre siècles avant J.- C. Sur Gorgias le Léontin, voy. le chap. 23 du liv. I, et le chap. 35 du liv. II
(65) Si Élien a prétendu faire un crime à Pausanias de son amour pour sa femme, ce ne peut être que dans le sens où Publius Syrus a dit : Adulter est uxoris amator acrior ; pensée qui se retrouve à peu près dans ce passage de St. Jerôme, Nihil est foedius, quam uxorem amare quasi adulteram.
(66) On sait qu'Alexandre eut la générosité de céder Pancaste à Apelle.
(67) Personnages qui ont porté le même nom.
(68) Tous les deux furent tyrans, ou du moins exercèrent une autorité absolue sur leurs citoyens: celui qu'Élien qualifie philosophe, était du nombre des Sept Sages, et gouvernait en souverain Corinthe, sa patrie; l’autre gouvernait de même les Ambraciotes.
(69) Élien pourrait bien avoir confondu les Miltiade : il est très probable que le fils de Cypsélus, et le Miltiade qui bâtit la ville de Chersonèse dans l'isthme du même nom, voisin de l'Hellespont, sont le même homme.
(70) Il paraît que les Anciens ont appelé sibylles, toutes les femmes à qui on supposait le don de prédire l'avenir. Suidas donne une liste des sibylles, beaucoup plus ample que celle d’Élien.
(71) Ces différents Bacis rendaient des oracles comme les sibylles, Hérodote et Pausanias rapportent plusieurs de leurs prédictions.
(72) Lasus, né à Hérmione dans l'Argolide, contemporain de Simonide, était en même temps poète et musicien. Vossius, de Poet.Graec.
(73) Il a déjà été question d'Alcman dans le liv. I, c .27.
(74) Mimnerme, colophonien contemporain de Solon, composa des vers élégiaques et des poésies tendres. Vossius, de Poet. Graec.
(75) On croit que c'est de cette plante qu'on tire la gomme nommée assa-foetida : les Anciens en faisaient le plus grand cas, et s'en servaient fréquemment dans leurs ragoûts. Le silphium le plus renommé croissait aux environs de Cyrène : c'est par celte raison qu'on voit la représentation de cette plante sur quelques monnaies des Cyrénéens.
(76) Suivant Diodore de Sicile, liv. XVII, et Quinte-Curce, liv. VII, ceci arriva chez les Parapomisades, peuple qui habitait au couchant de la Bactriane.
(77) Les Saces, proprement dits, étaient voisins des Parapomisades, dont il est parlé dans la dernière note du chap. précédent; mais les Perses donnaient le nom de Saces à toutes les nations scythiques. Hérod., VII, 64.
(78) Nicolas de Damas, cité par Stobée, rapporte un trait aussi singulier, concernant les filles Sarmates : "Un Sarmate, dit-il, ne marie jamais sa fille, qu’elle n'ait tué un ennemi de sa propre main."
(79) Athénée, liv. II, dit qu'il était défendu aux rois de Perse de boire d'autre eau que celle du fleuve Choaspe; mais Strabon y joint encore celle de l'Eucée, et du Nil.
(80) Chez les Perses, on appelait Orosangues ceux qui avaient rendu quelque service important au roi. Hérod., liv. VIII. 3.
(81) Protogène, peintre célèbre de la ville de Caunus, dans le continent de l'Asie : il exerça particulièrement son art à Rhodes. Plin., Pausan., etc.
(82) Ialysus était fils de Cercaphe et petit-fils du Soleil.
(83) Il y a ici dans les anciennes éditions, ton Mand‹lhw. Mais Hérodote et Diodore appellent la mère de Cyrus Mandane.
(84) J'ai cru pouvoir hasarder ce mot, par imitation de celui de porte-arquebuse.
(85)
Plutarque dit aussi (de Fort. Alex.) que Darius, d'esclave et
messager du roi devint lui-même roi de Perse.
On peut présumer que Darius, fils de Sisygambis, n'est qualifié esclave
que conformément à l'usage où étaient les Perses, de regarder comme esclaves
de leur roi, tous ses sujets, à l'exception de la reine.
(86) Archélaüs était fils de Perdiccas et de Simicha, esclaves d’Alcétas, roi de Macédoine, qui eut pour successeur son frère Perdiccas, père d'Archélaüs.
87.Justin ( liv. VII) donne à Ménélas la même qualification : il ajoute qu'il était fils d'Amyntas, qui régnait en Macédoine, dans le temps où Darius, fils d'Hystaspe, régnait en Perse; que Ménélas eut pour fils un autre Amyntas, dont naquit Philippe, père d'Alexandre. Quant au père de Philippe, il n'eut point le royaume de Macédoine par droit de succession, mais par usurpation, ayant fait mourir Pausanias, fils d'Érope, dont Élien dit qu'il avait été l'esclave. Érope s'était emparé lui-même du trône, en ôtant la vie à Oreste, fils d'Archélaüs, dont il était tuteur. Diod. de Sic., liv, XV.
88. Persée passait pour fils du dernier Philippe, roi de Macédoine, à qui il succéda; mais plusieurs croyaient que c'était un enfant supposé, et qu'il était fils d'une couturière, nommée Gnathène, Plutarque, Vie d'Aratus.
89. Eumène, un des généraux d'Alexandre. Plutarque, dans la vie de ce capitaine, rapporte, d'après Douris, que son père était cocher.
90. Antigonus, un des généraux d'Alexandre, père de Démétrius Poliorcète, et aïeul d'Antigonos Gonatas.
91. Polysperchon était aussi un des capitaines d’Alexandre.
92. L'Oracle avait annoncé aux Athéniens qu'ils ne pouvaient être vainqueurs qu'en s'enfermant dans des murs de bois; ce que Thémistocle interpréta des vaisseanx : en conséquence il conseilla aux Athéniens d'abandonner leur ville, et de s'embarquer. L'effet de ce conseil fut, comme on le sait, la fameuse victoire remportée sur les Perses à Salamine. Voy. sur Thémist, le chap. 2 du liv. II, le chap. 47 du liv. III, le chap, 3 du liv. IX, etc.
93. Sur Phocion, voy. le chap. 16 du liv. II, le chap. 47 du liv. III, etc,
94. Voy. sur Démétrius le chap. 17 du liv. III.
95. Hyperbolus, suivant le scholiaste d’Aristophane, était fils d'un faiseur de lanternes. Il fut le dernier Athénien exilé par la voie de l'ostracisme : ce bannissement, qui n’était en usage auparavant que pour les citoyens illustres et puissants, fut regardé comme déshonorant, depuis qu'il eut été employé pour chasser Hyperbolus. Plutarque, Vie de Nicias.
96. Cléophon : le scholiaste d'Aristophane, sur les Grenouilles, dit qu'il était Thrace, et marchand de fromages.
97. Voy. sur Démade, le c. 12 du liv. V, et le c. 10 du liv. XIV.
98. Grands capitaines lacédémoniens.
99. Harpocration et Suidas leur donnent le nom de Mothones, apparemment, parce que la plupart étaient de Méthone, ville de la Laconie; d'où l’on peut inférer qu'en général les Mothaces, Méthraces, ou Mothones, étaient tirés des différentes villes de Laconie, soumises à Sparte.
100. Cléon fut un des derniers tyrans de Sicyone, peu antérieur à Aratus, qui rendit la liberté à sa patrie, un peu plus de deux siècles avant J. C.
101. Ce quartier était ainsi appelé, parce qu'il était plus élevé que les autres; il faisait à peu près la cinquième partie de la ville de Syracuse.
102. Philoxène, poète dont il a déjà été parlé dans le chap. 9 du liv. X. Suivant Suidas, Strabon, etc., Denys le fit enfermer dans les carrières, parce que Philoxène refusait de louer ses poésies : mais Phanias, cité par Athénée ( liv. I), dit que ce fut pour avoir enlevé à Denys le cœur de Galatée, sa maîtresse. Quant au Cyclope, dont il est souvent fait mention dans Suidas et dans Athénée, il paraît que ce poème roulait sur les infortunes de Philoxène, et que Denys y était désigné sous le nom de Cyclope.
103.Valère Maxime, qui raconte le même fait (liv. I, c.6), le regarde comme un présage de la fortune future de Midas Voy. sur ce prince, Élien, liv. III. chap. 18.
104. Élien a déjà rapporté le même prodige. liv. X, chap. 21.
105. C'est ainsi qu'on appelait les devins en Sicile : Hybla était la ville de toute la contrée où il se trouvait le plus de ces galéotes, ou devins. Bochart (Chanaan, I, 27) a cherché dans l'hébreu l'étymologie de ce nom. - Élien avait emprunté ce récit à l'historien Philistus, comme on peut le voir dans Cicéron, de Divin., I, 33; Pline. Nat. hist., VIII. 42, etc. J. V. L.
106. Élien pourrait bien avoir confondu la femme de Dion avec sa sœur, c'est-à-dire avoir pris l'une pour l'autre. Cornélius Népos et Plutarque appellent la femme de Dion, Arété, et donnent à sa sœur le nom d'Aristomaque. Il paraît qu'Élien s'est encore trompé en appelant Polycrate celui à qui Denys fit épouser la femme de Dion : Plutarque (Vie de Dion) le nomme Timocrate.
107. Le même fait se retrouve dans Dion Chrysostome, Disc. 53. Quant à ce qui suit, il est probable qu'Élien a eu en vue l'historien Dinon, dont il a déjà parlé (liv. VII c. 1) et dont Athénée nous a conservé quelques fragments. Cet auteur avait écrit principalement sur l'histoire des Perses.
108. Terpandre, d'Antissa, ville de l’île de Lesbos; ce poète florissait vers la vingt-sixième olympiade. Les Lacédémoniens l'appelèrent chez eux, pour apaiser une sédition qui s'était élevée dans leur ville. Plutarque, de la Musique.
109. Thalétas (nommé aussi Thalès, comme dans le texte), né à Gortyne, dans l’île de Crète, très peu postérieur à Terpandre, fut appelé par les Lacédémoniens, pour arrêter les progrès de la peste qui ravageait leur pays. Plutarque, ibid.
110.Tyrtée florissait vers la trente-cinquième olympiade. Les uns croient qu'il était de Lacédémone, les autres de Milet. Quoi qu'il en soit, il enflamma tellement le courage des Lacédémoniens, en leur chantant ses vers, qu'on lui attribua la victoire qu'ils remportèrent sur les Messéniens. Suidas.
111. Élien est peut-être le seul écrivain qui parle du poète Nymphée : on ne le connaît point d'ailleurs. Quant à Cydonie, sa patrie, c'est une ville de l'île de Crète.
112. Voy. le chap. 27 du liv. I, et le chap, 36 du liv. XII.
113. Thucyd., IV, 84. Brasidas, célèbre général lacédémonien, fut tué en combattant vaillamment devant Amphipolis. Plutarque, Apophtegmes.
114.
Ménécrate était de Syracuse : il se
piquait de savoir guérir l'épilepsie. La seule récompense qu'il demandait à
ceux qu'il avait délivrés de cette maladie, était de le suivre dans les
villes de la Grèce qu'il parcourait, et de porter les symboles des différentes
divinités dont il leur imposait le nom. La lettre qu'i! écrivit à Philippe
mérite d'être rapportée en entier; elle se trouve dans Athénée, liv. VII,
c, 10 :
" Ménécrate Jupiter, à Philippe, salut. Vous régnez dans la Macédoine,
et moi dans la Médecine. Vous pouvez, quand il vous plaît, ôter la vie des
gens qui se portent bien; moi, je puis rendre la santé aux malades, préserver
de maladie les gens sains qui veulent suivre mes conseils, et les faire arriver,
sans infirmité, jusqu'à la vieillesse. Votre garde est composée de
Macédoniens, et la mienne, de la foule de ceux dont j'ai prolongé les jours;
car c'est moi, Jupiter, qui leur donne la vie."
Toute cette histoire est fort plaisamment contée dans l'Apol. pour
Hérodote, tom. I, part. II, pag. 339 et suiv. édit. de Le Duchat.
115. Anticyre, ville de la Phocide, célèbre par l'ellébore qui y croissait.
116. Méandrius fut d'abord secrétaire de Polycrate, tyran de Samos, et succéda à sa puissance, lorsqu'Orétès, satrape de Cambyse, eut fait mourir Polycrate. Méandrius, dépouillé dans la suite de ses états par Darius, fils d'Hystaspe, se retira chez les Lacédémoniens, qui le chassèrent de leur ville, parce qu'ils s'aperçurent qu'il cherchait à porter les citoyens à faire la guerre aux Perses {Hérod., liv. III.). Élien est le seul écrivain qui rapporte que Méandrius alla de Sparte à Athènes, et qu'il fut cause de la guerre de Perse : ce récit d'Élien est d'autant plus singulier que, dans l'Histoire des Animaux. XI, 27, il attribue lui-même la guerre de Perse à une autre cause : "Atossa, femme de Darius, dit-il, ayant envie d'avoir des esclaves athéniennes et ioniennes, engagea les Perses à déclarer la guerre aux Grecs."
117. Ce décret interdisait aux Mégariens l'entrée des frontières et des ports de l'Attique, et défendait tout commerce avec eux. Périclès, qui sentait que les embarras où la guerre jetterait ses concitoyens, le dispenseraient de leur rendre compte de l'emploi des derniers publics, ne voulut point consentir à la suppression du décret. Aristoph. dans la comédie intitulée la Paix, et le scholiaste.
118. L'historien Douris, cité par Athénée (liv. XIII),attribue l'origine de cette guerre à l'injure faite à une Thébaine, nommée Théano, qui fut enlevée par un Phocéen : mais Diodore de Sicile (liv, XVI) et Pausanias (Phoc.) disent que la véritable cause fut le refus, de la part des Phocéens, de payer une somme considérable, à laquelle ils avaient été condamnés par les Amphictyons, pour avoir labouré et s'être approprié des champs consacrés à Apollon.
119. L'île d'Halonèse en Samothrace, qui appartenait originairement aux Athéniens, leur fut enlevée par des pirates, sur quoi Philippe la reprit. Ce prince, cédant aux instances des Athéniens, consentait à la leur donner; mais ceux-ci, excités par Démosthène, voulaient que Philippe la leur rendît comme un bien qui leur était propre. Le refus du prince fut suivi de la guerre et de la défaite des Athéniens à Chéronée. Il a été parlé de cette bataille dans le Iiv. V, c.10; liv. VI, c. 1; liv. VIII, c. 15.
120. Le texte porte, contre un égal; mais comme il m'a paru que la pensée serait fausse, parce que tous les jours on cherche à se venger d'un égal, j’ai suivi la correction proposée par Rutgersius, Var. Lect., I, 6, qui lit, µssouw inférieurs, au lieu d’àsouw égaux: cette correction présente un sens plus noble, puisqu'en effet on méprise communément une vengeance trop facile.
121. Voy, le chap. 17 du liv. III.
122. Ce mot rappelle celui d'Auguste, au sujet d'Hérode : Il vaut mieux être le cochon d'Hérode, que son fils. Hérode avait fait mourir ses fils; et, comme juif, il ne mangeait point de cochon.
123. Ce lac portait originairement le nom des différentes villes bâties sur ses bords à Oncheste, il s'appelait Oncheste, vis-à-vis d'Haliarte, on lui donnait le nom de celte ville; à Copa, il se nommait Copais, dénomination qui a prévalu, et qui est devenue le seul nom du lac. Strab., liv. IX.
124. Étienne de Byzance fait mention d'une petite ville, ou plutôt d'un village de ce nom, situé en Béotie. On pourrait traduire ainsi en suppléant quelque chose au texte : la fontaine Dircé, qui coule autour des murailles de Thèbes et va se jeter dans le fleuve Isménus, etc. Peut-être cette addition est-elle nécessaire; du moins elle est conforme à la vérité, puisqu'il est certain que la fontaine Dircé allait se perdre dans l'Isménus, assez près de l'ancienne Thèbes.125. C'est-à-dire, Minerve secourable. Ce temple était très ancien et dans la plus grande vénération à Thèbes.
126. Je me suis permis une transposition, dont la nécessité sera aisément sentie par ceux qui prendront la peine de comparer la traduction avec le texte.
127. Voy. le c. 22 du liv. X.
128. Pausanias, Arcad., c. 36. Plutarque (vie de Démétrius) rapporte un trait semblable d'une courtisane égyptienne nommée Thonis; avec cette différence que Thonis fit un procès au jeune homme, pour lui faire payer le prix dont il était convenu avec elle. Bocchoris, roi d'Égypte, ordonna an jeune homme de mettre la somme dans un vase et de payer Thonis avec le son que rendrait l'argent en secouant le vase. Ce trait rappelle l'ancien conte du Rotisseur et du Mendiant, qui est ainsi rapporté dans les Contes et Discours d'Eutrapel : " Payez moi, disoit le rostisseur au gueux, qui mettoit son pain sur la fumee du rost : Ouy vrayment, respond-il, faisant tinter et sonner un douzain : c'est du vent que j'ay prins, duquel mesme je vous en paye". Contes d'Eutrapel ( Noël du Fail), pag. 443, édit. d'Anvers, 1587, in-16.
129. Naucratis, ville d'Egypte, dans le Delta.
130. De tous les devins qui accompagnaient Alexandre, Aristandre était celui dont on respectait le plus les prédictions (Quint. Curt.. V, 4). Quant à Telmisse, sa patrie, Strabon, Méla, etc. disent que c'était une ville de Lycie; mais, suivant Cicéron, Aristandre était de Telmisse en Carie.
131. J'ai cru devoir suivre la correction proposée par Freinshémius, qui, au lieu d’¤jek‹luce, il cacha, lit, ¤j¡klece, il enleva secrètement. Au reste, les écrivains ne sont point d'accord sur le récit des circonstances de cette histoire. Suivant Diodore de Sicile, Aridée donna le corps d'Alexandre à Ptolémée, en conséquence d'un traité qu'ils avaient fait en semble. Strabon (liv, XVIII) dit que Ptolémée l'enleva par force à Perdiccas.
132. Iliad., liv. V, v. 449.