Constantion Porphyrogénète

CONSTANTIN VII PORPHYROGÉNÈTE

De Administrando Imperio. CHAPITRES XVII-XX

Oeuvre mise en page et traduite  par Marc Szwajcer

chapitres 13 à 16 - chapitres 21 à 23

 

 

 

 

 

Ἐκ τοῦ Χρονικοῦ τοῦ μακαρίου Θεοφάνους.

Τούτῳ τῷ ἔτει, ἤγουν ͵ϛρλθʹ, ἀπεβίω Μουάμεθ, ὁ τῶν Σαρακηνῶν ἀρχηγὸς καὶ ψευδοπροφήτης, προχειρισάμενος ἀντ´ αὐτοῦ Ἀβουβάχαρον, τὸν καὶ Βουπάκτωρα, συγγενῆ αὐτοῦ. Οἱ δὲ πεπλανημένοι Ἑβραῖοι ἐν ἀρχῇ τῆς παρουσίας αὐτοῦ ἐνόμισαν εἶναι τοῦτον τὸν παρ´ αὐτοῖς προσδοκώμενον Χριστόν, ὡς καί τινας τῶν προυχόντων αὐτῶν προσελθεῖν αὐτῷ, καὶ δέξασθαι τὴν αὐτοῦ θρησκείαν, καὶ καταλιπεῖν τὴν τοῦ θεόπτου Μωσέως. Θεωρήσαντες δὲ αὐτὸν ἐσθίοντα ἀπὸ καμήλου, ἔγνωσαν, ὅτι οὐκ ἔστιν, ὃν ἐνόμισαν. Ἐδίδασκον δὲ αὐτὸν ἀθέμιτα κατὰ τῶν Χριστιανῶν, καὶ διῆγον σὺν αὐτῷ. Οὗτοί εἰσιν οἱ διδάξαντες αὐτὸν παραδέχεσθαι μέρη τινὰ τοῦ νόμου, τήν τε περιτομὴν καὶ ἄλλα τινά, ἅπερ παραφυλάττονται οἱ Σαρακηνοί. Πρῶτος οὖν Ἀβουβάχαρ ἠκολούθησεν αὐτὸν καὶ προφήτην ἐκήρυξεν, διὸ καὶ διάδοχον αὐτὸν κατέλιπεν. Ἐκράτησεν δὲ ἡ αἵρεσις αὐτοῦ τὰ μέρη τῆς Αἰθρίβου, πρώην μὲν ἐν κρυπτῷ ἔτη δέκα, τὸ δὲ ἔσχατον διὰ πολέμου ὁμοίως ἔτη δέκα, καὶ φανερῶς ἔτη ἐννέα. Ἐδίδαξεν δὲ τοὺς ἑαυτοῦ ὑπηκόους, ὅτι ὁ ἀποκτείνας ἐχθρὸν ἢ ἀπὸ ἐχθροῦ ἀποκτεννόμενος ἀκωλύτως εἰς τὸν παράδεισον εἰσέρχεται, τὸν δὲ παράδεισον σαρκικῆς βρώσεως καὶ πόσεως καὶ μίξεως γυναικῶν ἔλεγεν, ποταμὸν δὲ οἴνου καὶ μέλιτος καὶ γάλακτος καταρρεῖν, καὶ γυναικῶν τὴν ὅρασιν ἀσύγκριτον, οὐ τῶν παρόντων, ἀλλ´ ἄλλων, καὶ τὴν μῖξιν πολυχρόνιον ἔφασκεν καὶ διαρκῆ τὴν ἡδονὴν καὶ ἄλλα τινὰ ἀσωτίας καὶ μωρίας ἔμπλεα, συμπαθεῖν τε ἀλλήλοις καὶ βοηθεῖν ἀδικουμένοις.

Δεύτερος ἀρχηγὸς τῶν Ἀράβων, Ἀβουβάχαρ, ἔτη τρία.

Οὗτος ὁ Ἀβουβάχαρ πρῶτος λαμβάνει τὴν πόλιν Γάζαν καὶ πᾶσαν αὐτῆς τὴν περίχωρον. Τελευτᾷ δὲ ὁ αὐτὸς Ἀβουβάχαρ ἀμηρεύσας ἔτη τρία, καὶ παραλαμβάνει τὴν ἀρχὴν Οὔμαρ, καὶ κρατεῖ τῶν Ἀράβων ἔτη δώδεκα.

Τρίτος ἀρχηγὸς Ἀράβων, Οὔμαρ.

Ὁ αὐτὸς οὖν Οὔμαρ ἐπεστράτευσε κατὰ τῆς Παλαιστίνης, καὶ παρακαθίσας ἐν αὐτῇ ἐπολιόρκησεν τὴν Ἱερουσαλὴμ διετῆ χρόνον, καὶ παρέλαβεν αὐτὴν δόλῳ. Σωφρόνιος γάρ, ὁ Ἱεροσολύμων ἐπίσκοπος, θείῳ κινούμενος ζήλῳ καὶ ἀγχινοίᾳ διαπρέπων, λόγον ἔλαβεν παρ´ αὐτοῦ ὑπὲρ τῶν ἐκκλησιῶν τῆς πάσης Παλαιστίνης ἀσφαλέστατον, ὥστε ἀκαθαιρέτους μεῖναι τὰς ἐκκλησίας καὶ ἀπορθήτους. Τοῦτον ἰδὼν ὁ Σωφρόνιος ἔφη· «Ἐπ´ ἀληθείας τοῦτό ἐστιν τὸ βδέλυγμα τῆς ἐρημώσεως, τὸ ῥηθὲν διὰ Δανιὴλ τοῦ προφήτου ἑστὸς ἐν τόπῳ ἁγίῳ.» Οὗτος τὸν ναὸν ἐζήτησεν τῶν Ἰουδαίων, ὃν ᾠκοδόμησε Σολομών, πρὸς τὸ ποιῆσαι αὐτὸν προσκυνητήριον τῆς αὐτοῦ βλασφημίας. Καὶ ἔστι ἕως τῆς σήμερον.

Τέταρτος Ἀράβων ἀρχηγός, Οὐθμάν

Οὗτος λαμβάνει τὴν Ἀφρικὴν πολέμῳ, καὶ στοιχήσας φόρους μετὰ τῶν Ἄφρων ὑπέστρεψεν. Τούτου στρατηγὸς χρηματίζει Μαυίας, ὁ παραλύσας τὸν κολοσσὸν Ῥόδου καὶ πορθήσας Κύπρον τὴν νῆσον καὶ πάσας τὰς πόλεις αὐτῆς. Οὗτος παραλαμβάνει καὶ νῆσον τὴν Ἄραδον, καὶ τὴν πόλιν αὐτῆς ἐνέπρησεν, καὶ τὴν νῆσον ἀοίκητον κατέστησεν ἕως τοῦ νῦν. Οὗτος τὴν νῆσον Ῥόδον καταλαβὼν καθεῖλε τὸν ἐν αὐτῇ κολοσσὸν μετὰ χίλια τξʹ ἔτη τῆς αὐτοῦ ἱδρύσεως, ὃν Ἰουδαῖός τις ἔμπορος ὠνησάμενος Ἐδεσσηνός, ϡʹ καμήλους ἐφόρτωσεν αὐτοῦ τὸν χαλκόν. Οὗτος ὁ Μαυίας ἐπεστράτευσε καὶ κατὰ Κωνσταντινουπόλεως, καὶ ἐλυμήνατο τήν τε Ἔφεσον καὶ Ἁλικαρνασσὸν καὶ Σμύρνην καὶ τὰς λοιπὰς πόλεις Ἰωνίας, ὃς καὶ γέγονεν τῶν Ἀράβων ἀρχηγὸς πέμπτος μετὰ τὴν Οὐθμὰν τελευτὴν ἔτη εἴκοσι τέσσαρα.

 

 

17. Extrait de la chronique de Théophane, d’heureuse mémoire.

En cette année 6139, mourut Mahomet, premier chef et faux prophète des Sarrasins, après avoir nommé son parent Abou Bekr à sa place. A la même époque sa réputation se répandit à l'étranger et tout le monde prit peur. Au début de son avènement les Juifs égarés pensaient qu'il était le Messie qu’ils attendaient, de sorte que certains de leurs chefs se joignirent à lui et acceptèrent sa religion tout en délaissant celle de Moïse, qui avait vu Dieu.[1] Mais quand ils le virent manger de la viande de chameau, ils se rendirent compte qu'il n'était pas celui qu'ils le croyaient être. Mais ils lui apprirent à perpétrer des crimes abominables contre les chrétiens et continuèrent en sa compagnie. Ce sont eux qui lui enseignèrent à accepter certaines parties de la Loi, la circoncision et d'autres questions, que les Sarrasins observent. Le premier à venir après lui, alors, fut Aboubachar, qui l’avait proclamé prophète et pour cette raison lui succéda. Et son hérésie gagna le territoire d’Ethribos, d'abord en secret pendant dix ans, puis enfin par une guerre d’une dizaine d'années, et ouvertement durant neuf ans. Et il enseigna à ses sujets que celui qui tue un ennemi ou est tué par un ennemi entrera directement au Paradis. Ce paradis est un lieu charnel où l’on peut manger, boire et coucher avec des femmes ; il y coule un fleuve de vin, de miel et de lait, et que les femmes ne sont pas comme ici bas, mais différentes, et qu'il s'agit de rapports où le plaisir est continuel, ainsi que d'autres niaiseries et exubérances. Ayez pitié les uns des autres et aider ceux qui sont blessés.

18. Le second chef des Arabes, Aboubachar.

Cet Aboubachar s’empara d’abord de la cité de Gaza et de tous les territoires environnants. Et ce même Aboubachar mourut après avoir dirigé comme émir pendant trois ans. Oumar lui succéda et dirigea les Arabes durant douze années.[2]

19. Le troisième chef des Arabes, Oumar.

Ce même Omar marcha contre la Palestine, assiégea et fit le blocus de Jérusalem pendant deux ans puis la prit par ruse. Sophonius, évêque de Jérusalem, personnage animé d’un zèle divin et d’une sagesse remarquable, reçut de lui les meilleures assurances que les églises ne seraient ni détruites ni saccagées. Quand Sophronius le vit, il dit : « En vérité, c’est l’abomination de la désolation évoquée par le prophète Daniel, qui se tenait dans ce saint lieu. » Il exigea le Temple des Juifs construit par Salomon, pour en faire le lieu de son blasphème.[3] Et c’est encore ainsi de nos jours.

20. Le quatrième chef des Arabes, Othman.

Il prit l’Afrique par la guerre, fixa un tribut aux Africains et repartit. Son général était Muawiya, qui abattit le Colosse de Rhodes et prit l’île de Chypre[4] avec toutes ses cités. Il prit également l’île d’Arados[5] et brûla sa cité, l’île est encore un site déserté à ce jour. Quand il vint dans l’île de Rhodes,[6] il fit démolir le Colosse, mille trois cent soixante ans après sa construction, et un marchand juif d’Edesse l’acheta et chargea 900 chameaux avec le bronze. Ce Muawiya lança aussi une expédition contre Constantinople,[7] ravagea Ephèse, Halicarnasse, Smyrne et toutes les autres cités ioniennes ; puis après la mort d’Othman,[8] il fut le cinquième chef des Arabes pendant vingt deux ans.[9]

 


 
 

[1] Moïse est le dernier prophète de la Bible qui « parlait directement » avec Dieu.

[2] Omar surnommé Al-Fârûq fut un compagnon du prophète de l'islam, Mahomet. Il devint le deuxième calife de l'islam en succédant à Abu Bakr en 634. Il faisait partie du clan Banu `Ad de la tribu Quraych. Il mourut assassiné le 4 novembre 644, `Uthman lui a succédé.

L’auteur se trompe donc quant aux périodes des califes ; Omar régna 10 ans.

[3] Sophronius voulut traiter directement avec Omar et que celui-ci vienne en personne dans la cité. Omar accorda sa protection aux habitants de la ville au terme d'une lettre remise à ce patriarche. Il garantit effectivement la sauvegarde des sites chrétiens et donna ordre à ses hommes de ne pas les détruire et de ne pas les utiliser comme habitations.

Je rappelle ici le début de l’excellent livre de l’historien Steven Runciman, Histoire des Croisades :

« Un jour de février de l’an 638, le calife Omar entra dans Jérusalem, monté sur une chamelle blanche. Ses habits étaient usés et poussiéreux ; les guerriers qui le suivaient étaient rudes et dépenaillés, mais leur discipline était parfaite. A ses côtés se tenait le patriarche Sophronios, magistrat suprême de la ville conquise. Omar alla droit au site du Temple de Salomon, d’où son ami Mahomet était monté au ciel. Lorsqu’il le vit en ces lieux, le patriarche se rappela les paroles du Christ et murmura à travers ses larmes : « Voici l’abomination de la désolation annoncée par le prophète Daniel. »

[4] En 651.

[5] Une île de la mer Méditerranée, la seule île de la Syrie. La ville occupe toute la superficie de l'île. Elle se situe à 3km de Tartous, l'ancienne Antarados.

[6] En 655.

[7] De 674 à 677. Blocus de Constantinople. La flotte du calife fut finalement incendiée par le feu grégeois inventé par Callinicus et le calife fut contraint de se retirer

[8] Othman fut assassiné à Médine par une foule de musulmans en colère le 17 juin 656.

[9] C’est une erreur car ce fut Ali, le quatrième calife (ou cinquième chef comme le dit Constantin).

Muawiya Ier ou Mu`âwiya ibn Abî Sufyân naquit en 603. Son père fut l'un des plus farouches adversaires de Mahomet : Abû Sufyân ibn Harb ; il se convertit à l'islam par la suite et devint compagnon du prophète et un valeureux soldat. Muawiya fut le premier omeyyade à porter le titre de calife en 661. Il prit ce titre après la mort du cinquième calife, al-Hassan, fils de `Ali. Il mourut en 680, son fils Yazid Ier lui succèda.