HISTOIRE DE LA GEORGIE
Traduction de Julius Klaproth.
Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
PAR LE ROI
Extraits du Journal Asiatique, 1833 & 1834
Traduction de Julius Klaproth.[1]
Extraite de Michaud, Biographie universelle, ancienne et moderne, 1827.
VAKHTANG V, roi de Géorgie (ou plutôt du K'harthel, qui en est la principale partie), de la race des Bagratides, était fils du roi Livon ou Léon, et petit-fils de Vakhtang IV. Il régna, l'an 1703, après son oncle Kaï Khosrou, fils et successeur de George XII, par le choix de son suzerain, le roi de Perse, Chah Houcein ; mais ayant refusé d'embrasser l'islamisme, il fut remplacé, en 1711, par son frère Iesseï. On voit, par plusieurs lettres de missionnaires, qu'il résista longtemps aux sollicitations, aux menaces même qui lui furent faites pour le déterminer à abandonner le christianisme ; enfin il feignit de céder, en 1719, se fit musulman en apparence, et fut réintégré dans sa dignité. Ce qui le décida à cette démarche, pour laquelle il avait montré tant de répugnance, ce fut l'état précaire de la Perse, livrée aux factions et aux troubles, et menacée des plus grands malheurs par la révolte des Afghans de Kandahar, qui avait coûté la vie aux deux derniers prédécesseurs de Vakhtang. En effet, ce prince ne tarda pas à abjurer sa nouvelle religion. Les Lezghis et autres peuples tartares du Caucase ayant commis, depuis quelques années, de grands dégâts en Géorgie, Vakhtang entra sur leurs terres, y exerça de cruelles représailles, remporta plusieurs avantages signalés sur ces brigands, et les aurait peut-être détruits, si l'interposition du roi de Perse n'eût arrêté le cours de ses vengeances. Ce monarque, à l'instigation de son premier ministre, qui était de la nation des Lezghis ordonna à Vakhtang de laisser ce peuples en repos. Le prince géorgien obéit, en frémissant de rage ; mais ayant mandé l'ambassadeur du sofy il remit son sabre dans le fourreau et jura de ne plus le tirer pour la défense de la Perse : il tint ce serment. Son abjuration et son refus d marcher à la tête des troupes que Chah-Thahmasp voulait envoyer au secours d'Ispahan, où son père Chah Houcein était assiégé par le Afghans lui attirèrent de fâcheuses affaire avec les Persans. Chah-Thahmasp en 1722, donna la couronne de K'harthel à Constantin III, roi de Kakhethi, qui professait le mahométisme, et qui avait pris le nom de Mohammed Kouli-Kan. Vakhtang se mit sous la protection des Turcs, qui, profitant des troubles de la Perse, s'étaient emparés de l'Arménie. Ils chassèrent Constantin du pays de K'harthel (Carduel ou Carthelin), mais sans y rétablir le roi légitime, et ils restèrent les maîtres de la Géorgie entière. Vakhtang, trompé par ces auxiliaires, prit le parti, en 1724, de se retirer en Russie avec sa famille, et mourut à Astrakhan. Il fut le dernier des Bagratides qui ait régné en Géorgie.
Vakhtang est l’auteur d'une Chronique universelle de Géorgie, composée d'après les manuscrits qui, de son temps, étaient conservés au monastère de Gelathi, dans le royaume d'Imirette et dans celui de Mokhetha, près de Tiflis. Il s'en trouvait un exemplaire à Rome, et il doit en exister plusieurs en Russie. De Guignes, dans son Histoire des Huns, a donné, d'après cette Chronique, la liste de tous les souverains de la Géorgie. On en trouve de courtes notices dans les relations allemandes des voyages de Guldenstadt, de M. Klaproth, etc. Vakhtang a composé aussi une Description géographique de tous les pays caucasiens : M. Klaproth en a inséré quelques fragments dans ses voyages.
Pendant mon séjour en Géorgie, en 1808, je me suis principalement occupé à recueillir des matériaux pour l’histoire ancienne et moderne de ce pays; mais les ouvrages historiques y sont, en général, peu nombreux et difficiles à trouver, car il y a peu de personnes qui s’occupent d’études savantes; et si l’on rencontre quelques livres, ce sont des ouvrages théologiques et ascétiques, ou des traductions poétiques et des romans, plus ou moins intéressants, écrit en vers. Les Géorgiens possédaient pourtant trois rédactions de leurs annales; qui à diverses époques, ont été continuées par différents auteurs. Avec le secours de ces annales et avec l’aide des matériaux qui aient conservés dans les couvents de Mstéthka en Géorgie et de Gelathi en Iméréthie, le roi Vakhtang V, fils de Lewan et neveu de Giorgi, composa, au commencement du siècle passé, une chronique complète. Elle est intitulée Karthlis takhowreba c’est-à-dire Vie de la Géorgie. Cet ouvrage forme ordinairement un fort volume in folio. La feue reine d’Iméréthie, Anne, fille du prince Matthieu de la maison des Orpélians, eût la bonté de me prêter l’original de ce livre. Mon intention était d’en faire une traduction avec l’aide de quelque Géorgien instruit qui sût le russe et qui pût m’interpréter verbalement le sens du texte Après quelques recherches, je découvrais heureusement l’homme qu’il me fallait, c’était M. Joseph Totoulov, Arménien catholique, qui, pendant son séjour à Tiflis, vint tous les matins chez moi pour me servir d’interprète. Par malheur, ses occupations l’obligèrent de retourner, au commencement de l’été de 1808, à Gheorghievsk, et notre travail ne fut conduit que jusqu’au commencement du IVe siècle de J. C. Le soin avec lequel M. Toutoulov traduisait chaque passage plusieurs fois, et les recherches historiques et géographiques que ce traité exigeait, furent cause que nous n’avançâmes que très lentement. Obligé bientôt après de rendre l’original, je ne pus songer à chercher un autre interprète capable d’achever ce que le premier avait si bien commencé.
Je donne, ici ce fragment de traduction de la chronique de Vakhtang en français ; je l’ai accompagné de notes explicatives. Mon travail est déjà connu en France par quelques extraits que feu M. Saint-Martin a insérés dans le savant commentaire de l’histoire des Orpélians, qui fait partie du second volume de ses Mémoires sur l’Arménie. J’ai tâché de continuer l’histoire de la Géorgie jusqu’à nos jours; les ouvrages dont je me suis servi pour cela sont les suivants:
1. Histoire abrégée des Géorgiens. Elle se trouve dans un aperçu de l’histoire ancienne, rédigé par le prince Davith, fils de Giorgi XIII, dernier roi de la Géorgie, et imprimé à Tiflis en 1800 in 8°.
2. Un ouvrage est écrit par le même prince Davith qui a rédigé l’Histoire abrégée des Géorgiens, citée plus haut; mais son Abrégé en russe est très inférieur à. son premier travail en géorgien. Quoique ce dernier soit moins étendu, il contient des dates qui manquent dans le premier. Dans celui-ci Davith a introduit de l’érudition européenne mal digérée ainsi que des étymologies parfois absurdes.
3. Une traduction russe d’un original géorgien, avec beaucoup de passages de ce dernier. Ce manuscrit curieux est de 390 pages in folio. Malheureusement le style en est très obscur, et l’écriture du traducteur, qui n’était pas Russe d’origine, est souvent fort difficile à déchiffrer.
Ainsi que d’autres nations de l’Asie occidentale, les Géorgiens, en adoptant la religion chrétienne, ont cherché à rattacher leurs anciennes traditions à celles de la Bible, de sorte qu’il est difficile de reconnaître ce qui est original, et ce qui appartient aux Hébreux. On verra également que les auteurs des annales géorgiennes y ont introduit beaucoup de notions prises dans les historiens arméniens et dans les livres des Persans modernes. D’autres passages indiquent des emprunts faits aux auteurs grecs et avec peu de discernement. Quoi qu’il en soit, cette histoire géorgienne est fort curieuse, et elle contient sur ces pays beaucoup de détails qui ne laissent pas que d’être intéressants.
PAR LE ROI
Suivant les plus anciennes traditions, les Arméniens, les Géorgiens, les habitants de Rani, de Movak’ani, de H’erthi, les Lesghi, les Mingréliens et les K’avk’asiens[2] proviennent d’une même souche qui était Thargamos. Ce Thargamos était fils de Tharchis, fils d’Avanan, fils de Iafet, fils de Noé; c’était un homme vaillant.
Après la confusion des langues, Nebrod (2642 ans avant J. C.)[3] était sur le trône de Babylone, et les hommes se dispersaient partout. Alors Thargamos s’expatria avec sa famille et alla habiter le pays situé entre les monts d’Ararat et de Masisi. Sa postérité fut grande et innombrable, car il avait beaucoup de femmes, de fils et de filles, qui lui avaient donné des petits-fils et des arrières petits-fils. Il y vécut pendant six cents ans; mais ses descendants, qui n’avaient plus de place entre les monts Ararat et Masisi, s’étendirent dans toute la contrée voisine.[4] Les limites de leurs habitations étaient celles-ci: A l’orient, ils avaient la mer de Gourgan, qu’on appelle à présent la mer de Gilan (Caspienne); à l’ouest, la mer du Pontos, nommée actuellement la mer Noire; au sud les montagnes de Orethi, dans le pays des Kurth (Kurdes), vers Midià (la Médie); au nord, le mont K’avk’as, appelé par les Persans Yal-bouz.[5]
Parmi les enfants de Thargamos, huit se distinguèrent par leur force et leur bravoure; ce furent :
1° Hhaos; 2° Karthlos; 3° Bardos; 4° Movak’an; 5° Lek’os; 6° Heros; 7° K’avk’as, et 8° Egros.[6]
Ces huit frères étaient tous braves; mais Hhaos était le plus vaillant; personne ne l’a égalé, ni avant, ni depuis le déluge. Il était d’une complexion forte et endurcie. Comme ses frères et leurs familles n’avaient plus de place dans le pays entre l’Araras et le Masisi, Thargamos partagea entre eux toutes les contrées adjacentes. Il donna la moitié de son peuple et la moitié du pays à Hhaos; il envoya les sept autres frères vers le nord, et leur distribua des contrées en proportion du mérite de chacun d’eux. Il établit Karthlos dans la contrée bornée à l’est par le Herethi et par la rivière Berdoudji (ou Bedroudji)[7] à l’ouest, par la mer du Pontos; au sud, par les montagnes qui s’étendent à l’occident de la rivière de Berdroudji, et de la crête desquelles des eaux coulent vers le nord et vont se réunir au fleuve Mtk’vari (Kour).[8] Entre ces rivières sont les montagnes K’lardjeti et Thaosi[9] au nord, enfin, s’élevait le mont de Ghado, branche du Caucase, qui commence à Ghado, appelé à présent Likho. Tout ce qui était compris entre ces limites fut le partage de Karthlos.[10]
Bardos obtint ce qui était situé au sud du fleuve Mtk’vari, depuis la rivière de Berdoudji jusqu’au confluent du Mtk’vari avec le Rakhisi (Araxe). Bardos y bâtit la ville de Bardavi, dans laquelle il habita.[11]
Movak’an reçut le pays situé au nord du Mtk’vari, depuis l’embouchure du Petit Alazani (Iori) jusqu’à la mer (Caspienne); il y fonda la ville de Movak’anethi et y résida.[12]
A Heros Hhaos accorda les contrées au nord du Mtk’vari, depuis l’embouchure du Petit Alazani (Iori), jusqu’à Tqe-tba.[13] Heros construisit une ville entre les deux rivières Alazani (c’est le Iori et l’Alazani), et l’appela d’après son nom Herethi; ce lieu porte à présent le nom de Khorantha.[14]
Egros reçut la contrée située sur la mer Noire, et dont les limites étaient, à l’orient, les petites montagnes, appelées actuellement Likhi; à l’ouest, la mer et la rivière du Petit Khazareti,[15] à laquelle finit le mont K’avk’as. Il y fonda une ville, qu’il appela de son nom Egrisi, mais qui porte à présent celui de Bedia.[16]
Les pays caucasiens situés au nord n’avaient pas été le partage de Thargamos, et personne n’y régnait. Comme ils n’avaient pas de maître, et qu’ils s’étendaient du mont K’avk’as au grand fleuve (Terek) qui se jette dans la mer de Daroubandi (de Derbend, la Porte Caspienne), il choisit parmi tant de braves ses deux fils Lek’os et K’avk’as, et donna au premier le pays entre la mer de Daroubandi et le fleuve Lomeqi (Terek), et au nord jusqu’au fleuve du Grand Khazarethi (le Volga). A K’avk’as il donna le pays entre le Lomeqi et l’extrémité occidentale du mont Caucase.
Quant à Hhaos, il resta dans l’ancien pays de son père et occupa les parties mentionnées ci-dessus, qui étaient bornées au sud par les monts d’Orethi; à l’est, par la mer de Gourgan, et à l’ouest, par le Pontos. Il régna sur ses sept frères, et fut leur chef; ils étaient soumis à ses ordres, et parlaient tous la même langue, savoir le sornkhouri ou l’arménien. Néanmoins ces huit braves étaient sujets de Nebrod, qui était le premier roi de tous les habitants de la Terre. Après quelques années, Hhaos appela à lui les sept braves (frères), et leur dit: « Le Dieu très Haut nous a donné de la Puissance et des peuples nombreux, nous ne devons donc être sujets que de Dieu, et non pas les esclaves de qui que ce « nous ne devons obéir qu’à Dieu. » Les sept braves se rangèrent de son avis, refusèrent d’être soumis à Nebrod et ne lui payèrent plus de tribut. Nebrod, courroucé de leur conduite, rassembla ses braves et se guerriers, et marcha contre Thargamos. Hhaos appela à lui les plus vaillants, ainsi que tous les Thargamosiens, et des troupes auxiliaires prises parmi les familles qui habitaient plus à l’occident. Quand toute son armée fut réunie, il resta au pied du mont Masisi. Nebrod, arrivé dans le pays d’Adrabadagani (Atropatène, aujourd’hui Adzarbaïdjan), y campa et envoya soixante de ses plus braves, à la tête d’une armée innombrable, contre les Thargamosiens. A l’approche des troupes de Nebrod, les sept frères de Hhaos allèrent à leur rencontre avec une partie de son armée. Hhaos resta en arrière avec l’élite de ses troupes. Une bataille terrible, semblable à un ouragan, eut lieu. La poussière qui s’élevait sous les pieds des combattants formait un nuage épais: l’éclat de leurs cuirasses ressemblait aux éclairs du ciel; la voix de leur bouche au bruit du tonnerre; les flèches et les pierres lancées tombaient comme la grêle, et le sang coulait comme un torrent gonflé. Le massacre dura longtemps, et d’innombrables victimes tombaient de chaque côté. Cependant Hhaos, avec ses braves, se trouvait derrière les siens et les soutenait; d’une voix puissante il les excitait au combat, et leurs coups ressemblaient à ceux de la foudre. Enfin la victoire se déclara pour les Thargamosiens, qui tuèrent les soixante chefs et tous les guerriers de Nebrod, tandis que les sept chefs des Thargamosiens Karihios, Bardos, Movak’an, Heros, Lek’os, K’avk’as et Egros, restèrent en vie sans être même blessés. Ils rendirent grâce à Dieu, qui leur avait accordé la victoire. Nebrod, instruit de ce désastre, devint furieux, et se porta avec toutes ses forces contre eux. Hhaos, qui n’avait pas autant de troupes que Nebrod, se retira dans les vallées profondes du Masisi, et Nebrod campa au pied de cette montagne. Armé de pied en cap d’une cuirasse de fer et de cuivre, il monta sur une hauteur pour parler à Hhaos; il l’invita à rentrer dans l’obéissance et se soumettre derechef à lui. Hhaos dit alors aux siens:
Tenez-vous derrière moi quand je m’approcherai de Nebrod. Il courut sur lui et lui lança une flèche qui pénétra la cuirasse de Nebrod, et lui sortit par le dos. A la chute de Nebrod, ses troupes s’enfuirent et ne pensèrent plus à attaquer les Thargamosiens. Hhaos se fit donc roi et régna sur ses frères et sur tous les peuples qui habitaient dans son voisinage. Les sept frères retournèrent dans leur pays, et furent les vassaux de Hhaos.
Karthlos, qui avait obtenu la contrée indiquée plus haut, se rendit à l’endroit où la rivière Aragwi se jette dans le Mtk’vari (Kour), et y bâtit le premier château qui devint sa résidence, sur une montagne appelée Armazi; il l’appela d’après son nom Karthli,[17] de sorte que cette montagne porta ce dernier nom jusqu’à ce qu’on y eut élevé l’idole Armazi. Plus tard le mont Karthli donna son nom à toute la Géorgie; et tout le pays, depuis Khounani jusqu’à la mer grecque (le Pontos[18]) fut appelé Karthli. Plus tard Karthlos bâtit la forteresse d’Orbisi (ou Orbethi), nommée à présent Samchwilde[19] puis une autre nommée Mtk’varistsikhé (fort du Kour), à présent Khounani.[20] Il vécut de longues années, et son peuple s’accrut considérablement. Parmi ses fils il y avait cinq héros, savoir : Mtskhethos, 2° Garbados, 3° K'oukhos, 4° K’akhos, et 5° Gatchios. Mtskhethos était le plus vaillant de tous. Quand Karthlos mourut, ils l'enterrèrent sur la montagne Karthli, appelée à présent Armazi. Plus tard son épouse construisit les forteresses Deda tsikhé[21] (château de la mère) , et Bostan kalaki (ville des jardins), nommée actuellement Roustavi.[22] Elle partagea le pays entre les cinq vaillants fils de Karthlos. Elle donna à Gardabos, Khounani ; ses possessions s'étendaient à l'est jusqu'à la rivière Berdoudji; à l'ouest, jusqu'à la ville de Gatchiani; au sud, jusqu'à la montagne mentionnée (?); et au nord jusqu'au fleuve Mtkv'ari.[23] Gatchios reçut fa forteresse Orbisi et le pays depuis la rivière Sk'virethi, jusqu'au commencement d'Abotsi. Gatchios y fonda la ville de Gatchiani, appelée alors Sanadiro kalaki (château de chasse[24]). K'oukhos eut Bostan kalaki, à présent Roustavi, et le pays entre l’Aragwi et l’Erethi (Herethi), et entre la haute montagne de K'akhethi et le Mtk'vari.[25] K'akhos obtint la contrée entre le K'avk'as et les monts K'akhethi, depuis l'Aragwi jusqu'à Tqe tba, à la frontière d'Erethi. K'akhos y bâtit Tehelthi,[26] à l'aide de K'oukhos, et y établit sa résidence. Pour récompenser K'oukhos, il lui donna Ber, à la frontière du K'akhethi. Mtskhethos, qui était le plus puissant des cinq frères, resta dans le lieu qu'avait habité son père Karthlos, et qu'on nomme à présent Armazi; il fonda, à l'endroit où l'Aragwi se réunit au Mtk'vari, une ville qu'il appela d'après son nom Mtskhetha. Il régna sur le pays de Tbilissi, et de l’Aragwi, à l'ouest, jusqu'à la mer grecque (Pontos) ; et fut le suzerain de ses quatre frères, qui lui étaient soumis.[27] Tel est le partage du pays entre les cinq fils de Karthlos, ainsi qu'il a été fait après sa mort par son épouse.
Le fils aîné de Karthlos vécut beaucoup d'années, et son peuple s'augmenta. Parmi ses fils il y avait trois hommes valeureux nommés 1° Oup'hlos, 2° Odzkhros, et 3° Djavakhos; il partagea entre eux ses peuples et ses possessions. A Odzkhros, il donna le pays de Thasis khari, hérissé de rochers, jusqu'à la mer grecque (Pontos). Odzkhros y construisit les deux villes Odzkhre et Toukharisi.[28] Djavakhos obtint le pays entre P'haravani et le Mtk'vari supérieur ; il y fonda les deux villes Tzounda et Arthani, qu'on nommait alors Kadjthi kalaki (ville des aveugles), et qu'on appelle à présent Houri. Oup'hlos resta dans les états de son père, qui s'étendaient depuis l'Aragwi et Tbilissi jusqu'à Thasis k'ari et P'haravani. Il y construisit Oup'hlis tsikhé (fort d'Oup'hlos), Ourbnisi et Kaspi.[29] Il donna le nom de Zemo Karthli (ou Géorgie supérieure) au pays qui s'étendait depuis l'Aragwi et Armazi jusqu'à Thasis k'ari, et qu'on appelle à présent Chida Karthli.[30]
C'est ainsi que le peuple des Thargamosiens vécut jusqu'à la mort de Mtskhethos en paix et en affection mutuelle. Leur seule crainte était que les adhérents de Nebrod ne vinssent pour venger son sang, et c'est pour cette raison qu'ils s'occupèrent avec ardeur de fortifier leurs châteaux et leurs places fortes. Cependant à la mort de Mtskhethos, fils de Karthlos, les autres fils de ce dernier se désunirent, et commencèrent à se disputer entre eux. Ils ne furent plus soumis à Ouphlos, fils de Mtskhethos, et ne voulurent plus le reconnaître comme leur suzerain, quoiqu'il fût assis sur le siège de Karthlos, et que son père lui eût transmis la domination. C'est ainsi que les Karthlosiens commencèrent à se quereller, de sorte que souvent deux familles combattirent contre une troisième, qui reçut à son tour du secours des autres ; et la désunion se propagea de plus en plus. Souvent la paix fut rétablie, mais bientôt les dissensions recommençaient de nouveau. Il n'y avait plus alors d'hommes distingués et opulents parmi eux, et dans chaque lieu habité il y avait un autre Thavadi (chef ou prince). Celui qui régnait à Mtskhethi était pourtant regardé comme le supérieur de tous ; mais il ne portait pas le titre de encan Mep'hé (roi), ni celui de Eristhavi (chef du peuple) : on l'appelait simplement Marna sakhli, c'est-à-dire Père de la maison. Il était chargé de rétablir la paix et d'être l'arbitre de tous les Karthlosiens. La ville de Mtskhetha, qui était la plus grande du pays, porta le titre de Deda kalaki (ville-mère).
Les Géorgiens oublièrent alors Dieu, le créateur ; ils adorèrent le soleil, la lune, et les cinq planètes, et leur serment le plus sacré fut par la tombe de Karthlos.[31]
A cette époque les Khazars[32] devinrent puissants, et commencèrent une guerre contre les descendants de Lek'os et contre les K'avk'asiens. Tous les Thargamosiens vivaient alors en paix et en bonne intelligence entre eux. Dourdzouk, fils de Tirethi (ou Tineni), régnait sur les descendants de K'avk'as ; il invita les six autres peuples thargamosiens à venir à son secours contre les Khazars. Alors tous les Thargamosiens se réunirent, traversèrent le mont K'avkas, et pillèrent les contrées limitrophes de Khazarethi. Ils construisirent, à la frontière de ce pays, une ville, et retournèrent chez eux. Sur ces entrefaites les Khazars se choisirent un roi, lui jurèrent tous obéissance et lui prêtèrent hommage. Sous sa conduite ils passèrent par Zghwis k'ari (la Porte de la Mer), appelée à présent Daroubandi (Derbend), et firent une irruption en Géorgie. Les Thargamosiens n'étaient pas en état de leur résister. Les Khazars étaient innombrables; ils pillèrent tout le pays, et détruisirent toutes les villes, tant celles qui étaient voisines de l’Ararat et du Masisi, que celles qui étaient situées plus au nord. Il n'y eut que les forteresses suivantes qui restèrent intactes : Thoukharisi, Samchwildé, Mtk'varis tsikhé, c'est-à-dire Khounani,[33] ainsi que les pays de Chida Karthli et Egrisi. Les Khazars connaissaient les deux passages par les montagnes, celui de Zghwis k'ari ou Daroubandi, et celui de l'Aragwi ou Dariela. C'est par ces deux défilés qu'arrivèrent toujours de nouveaux Khazars ; ils pillèrent les Thargamosiens, qui ne pouvaient alors rien contre eux, et qui devinrent leurs tributaires.
Quand le roi des Khazars vint pour la première fois en Géorgie, il s'en retourna par le Caucase, et donna à son fils Ouobos les captifs de Karthel Somkhithi, et la partie des pays caucasiens à l'occident du fleuve Lomeqi jusqu'à l'extrémité des montagnes. Ouobos s'y établit et appela son peuple un Ovsi, c'est-à-dire habitants de Osethi, qui est une partie du Caucase. Dourdzouk', qui était le principal entre les descendants de K'avk'as, se retira dans de profondes vallées, les appela de son nom, Dourdzouk'ethi, et paya un tribut au roi des Khazars. A l'époque de son invasion en Géorgie, ce dernier donna à son neveu la partie orientale du pays de Lek'an, depuis la mer jusqu'au fleuve de Daroubandi. Cependant Khozanos, le plus vaillant parmi les fils de Lek'os, se retira dans les hautes montagnes, et y bâtit une ville, qu'il appela de son nom Khozanethi. C'est là que se rendirent alors beaucoup de colons. Tous ces peuples furent les tributaires des Khazars. Dans ce temps les Perses devinrent puissants ; ils habitaient à l'orient du peuple de Nebrod, et le subjuguèrent. Un héros parmi eux, nommé Ap'hridon,[34] lia le Seigneur des Serpents avec de doubles chaînes, et l'attacha sur une montagne inaccessible aux autres hommes, comme il est écrit dans les histoires persanes. A'phridon s'empara alors de toute la Perse et des autres pays qu'il avait conquis. Il établit des eristhavi (chefs du peuple), et beaucoup de contrées lui étaient soumises.
Il envoya aussi un de ses eristhavi, nommé Ardam, de la race de Nebrod, avec une armée contre la Géorgie. Celui-ci détruisit toutes les villes et les forteresses, et tua tous les Khazars qu'il trouva. Cet Ardam eristhavi construisit une ville à la Porte de la mer (Zghwis k'ari), et l'appela Daroubandi, c'est-à-dire la Porte fermée. Il entoura aussi la ville de Mtskhetha d'un mur en pierres construit avec de la chaux ; car, avant son temps, on ignorait en Géorgie cette manière de bâtir. Il fortifia le château d'Armazi d'une muraille semblable, qu'il prolongea jusqu'au fleuve Mtk'vari (Kour), à l'endroit où il décrit le coude d'Armazi. Ardam fut eristhavi pendant de longues années,[35] et quand Ap'hridon partagea son empire entre ses trois fils, celui d'entre eux qui résida en Perse eut aussi la Géorgie en partage. Ce fut Iared. Après la mort d'Ardam eristhavi, le gouvernement de la Géorgie fut encore changé, car l'eristhavi de ce pays se rendit indépendant des fils d'Ap'hridon. Une dispute s'éleva entre eux, et ils tuèrent leur frère Iared. Alors les Karthiosiens devinrent sujets des Grecs.
[Ici il manquait un feuillet dans l'original.]
La partie inférieure du pays situé sur le fleuve Egrisi resta aux Grecs. Ses habitants conclurent une alliance avec les Osi, et entrèrent en campagne avec eux. Ils trouvèrent l'eristhavi perse dans une vallée resserrée et le tuèrent, et tout ce qu'il y avait de Persans fut massacré par les Géorgiens et les Osi. De cette manière la Géorgie fut délivrée, mais Rani et Erethi restèrent aux Persans. Plusieurs années après, le roi de Perse, Kek'apos (Kaï Kaous), se rendit célèbre et devint puissant. Il y avait alors dans le pays de Lek'ethi un homme de la race des magiciens, qui par ses prestiges aveugla le roi Kek'apos avec toute son armée, de sorte qu'il ne put pas faire la guerre contre le Lek'ethi, et qu'il fut obligé de retourner sur ses pas. Ensuite il obtint derechef la faculté de voir la lumière. A cette occasion il rendit la Géorgie tributaire et retourna dans son pays.[36] »
Peu d'années après on reçut la nouvelle que Moïse et les Israélites avaient passé la mer, et qu'ils avaient été nourris par la manne dans le désert. Tout le monde en fut étonné et loua le dieu d'Israël. Quelques années ensuite, le roi Kek'apos ayant une guerre à soutenir contre les Touraniens, les Arméniens et les Géorgiens profitèrent de cette occasion pour se délivrer du joug des Persans. Ils fortifièrent leurs châteaux et leurs villes, et tous les descendants des Thargamosiens se réunirent; mais bientôt le roi de Perse, Kek'apos, envoya son fils Pharchroth à la tête d'une grande armée contre les Arméniens et les Géorgiens, et contre tous les Thargamosiens. Ceux-ci se rassemblèrent et entrèrent dans l'Adrabadagani (l'Atropatène) ; ils vainquirent et chassèrent Pharchroth, et tuèrent ses guerriers. Plus tard Kek'apos expédia contre eux son petit-fils, le fils de Chiouch (Siawous) le Fortuné, qui fut tué dans le pays des Kourths, comme on le lit dans les livres persans. Ce fds de Chiouch, nommé Kaï Khosrou, arriva, et les Arméniens et les Géorgiens ne purent lui résister; car son armée était trop nombreuse et trop puissante. Il soumit l'Arménie et la Géorgie, pilla le pays, détruisit les forteresses et les villes, et établit des eristhavi. Dans l'Adrabadagani il construisit un temple pour ceux de sa croyance, et retourna en Perse. Cependant, quelques années plus tard, quand Kaï Khosrou était occupé à faire la guerre aux Touraniens pour venger sur eux le sang de son père, les Arméniens et les Géorgiens se délivrèrent et tuèrent l'eristhavi des Perses. Dans ce temps même, quelques Touraniens, au nombre de vingt-huit familles, battus par Kaï Khosrou, traversèrent la mer de Gourgan (Caspienne), remontèrent le Mtk'vari et arrivèrent à Mtskhetha. Ils se concertèrent avec le Marna sakhli de Mtskhetha, et lui promirent leur aide contre les Persans. Le Marna sakhli en donna avis à tous les Géorgiens qui, craignant les Persans, firent une alliance avec ces Touraniens. Ces derniers se dispersèrent par tout le pays, mais le plus grand nombre demandèrent au Marna sakhli la cession d'un lieu situé à l'ouest de Mtskhetha, dans la vallée escarpée d'une montagne hérissée de rochers ; ils y bâtirent un château fort qu'ils appelèrent Sarkiné,[37] c'est-à-dire Habitation de fer. Ils vécurent en bonne intelligence avec les Géorgiens, et comme ceux-ci craignaient une invasion des Perses, ils fortifièrent leurs villes et leurs châteaux. Lorsque des fugitifs de Sberdznethi (la Grèce), de Assourethi (l'Assyrie) ou du Khazarethi arrivaient en Géorgie, ils y étaient reçus de la manière la plus amicale, afin qu'ils aidassent à la défense contre les Persans.
Dans ce temps beaucoup de fugitifs Juifs (Ouriani) arrivèrent en Géorgie; car l'an 3360 après Adam, le roi Naboukhodoniser avait saccagé la ville de Jérusalem. Ces Juifs demandèrent au Marna sakhli de Mtskhetha de leur accorder un canton pour y habiter. On les établit sur la rivière Znawi, qui tombe dans l'Aragwi. Ils furent obligés de payer des impôts pour ce terrain, qui s'appelle encore aujourd'hui Kherki,[38] nom qu'il a reçu de ces impôts (Kherkisa).
Jusqu'à cette époque les Karthlosiens n'avaient parlé que la langue géorgienne, mais après que d'innombrables familles étrangères se furent établies dans le pays, l'idiome des habitants changea, et fut mélangé d'un grand nombre de termes étrangers. Le peuple adopta des croyances mauvaises, n'eut plus d'égard à la parenté dans les mariages, mangea toute sorte d'animaux, et dévora les morts au lieu de les enterrer. Quelque temps après, Spandiat, le géant d'airain,[39] fils de Vachtachabi, roi de Perse, marcha contre les Arméniens et les Géorgiens, qui, n'étant pas assez forts pour aller à sa rencontre, se fortifièrent dans leurs châteaux et dans leurs villes, et y attendirent son arrivée ; mais dans l’Arabadagan, il reçut la nouvelle que les Touraniens avaient tué son grand-père et fait une invasion en Perse ; il fut donc forcé d'abandonner la guerre contre l'Arménie et la Géorgie, et tourna ses armes contre les Touraniens, pour venger la mort de son grand-père. Au bout de quelques années, 3457 ans après Adam, le fils de Spandiat d'airain, nommé Baaman et surnommé Ardachir,[40] régna en Perse. Ce fut le plus puissant de tous les rois de Perse; car sa domination s'étendait sur Babylone et sur l'Assyrie, et il rendit tributaires les Grecs et les Romains (Rimni). Les Géorgiens lui payaient également un tribut. Dans leur pays habitaient divers peuples qui parlaient différentes langues, telles que l'arménien, le géorgien, le khazar, l'assyrien, l'hébreu et le grec.
Alexandre était du pays de la Grèce appelé Makedon, et fils de K'atsob le Iagyplien, comme le disent les auteurs grecs. Il conquit le monde et se dirigea de l'ouest vers le sud, puis il marcha vers le nord, traversa le K'avk'as et entra en Géorgie.[41] Il trouva que toutes les tribus géorgiennes suivaient une fausse croyance. Dans les mariages et dans la cohabitation, elles n'avaient aucun égard aux degrés de la parenté, elles mangeaient de toute sorte d'animaux et même la chair des cadavres humains. Alexandre en fut étonné ; il y avait pourtant quelques familles qui n'agissaient pas de même. Il trouva leurs villes et forteresses très fortes ; c'étaient Chida Karthli, Tsounda, Khertvisi, Mthvrisi, Odzrkhe, placé sur un rocher, Gadosi, Toukharisi, sur le fleuve Tchorokhi, Ourbnisi, Oup'hlis-tsikhé, et la grande ville de Mtskhetha, avec ses faubourgs; Sarkiné, la grande forteresse de Dzanavi, Aspaubani, le bourg des Juifs, Roustavi, et Deda tsikhé, Samchwildé, Mtk'varis-tsikhê, qui est Khounani, et les villes du K'akhethi. Toutes ces forteresses et villes étaient occupées par des gens propres à la guerre. Alexandre partagea son armée en plusieurs corps pour cerner ces places. Il resta lui-même d'abord à Mtskhetha, et envoya ses troupes tantôt d'un côté, tantôt de l’autre; puis il se rendit sur les bords du Ksani à Naslakisi, place actuellement détruite. Il ne put s'emparer de Mtk'varis-tsikhê et de Toukharisi, et fut forcé de cesser de les assiéger. Dans l'espace de six mois, et en employant toutes ses forces, il parvint à se rendre maître des autres villes et forteresses. Les alliés de Sarkiné avaient offensé ce roi, de sorte qu'Alexandre, indigné de leur conduite, refusa de leur donner la paix, et ne cessa de les traiter en ennemis. Il leur fit dire : « Pourquoi m'avez-vous injurié? Pour vous punir, je vous ferai tous mettre à mort. » Il bloqua donc la ville de Sarkiné, de sorte que personne ne pouvait s'enfuir; mais les habitants se défendirent valeureusement et soutinrent le siège pendant onze mois. Cependant ils travaillaient en secret à tailler dans le roc, dont la pierre n'était pas trop dure, une issue par laquelle ils se sauvèrent tous pendant une nuit. Ils se retirèrent dans les montagnes du K'avk'as, où ils bâtirent une nouvelle forteresse.
Alexandre soumit donc toute la Géorgie, fit tuer tous les étrangers, et condamna à l'esclavage leurs femmes et les jeunes gens au-dessous de quinze ans, de sorte qu'il n'y resta que des Karthlosiens. Il leur imposa pour chef un de ses parents, originaire de Makedon, et nommé Azon. Il lui donna deux cents hommes du pays des Romains (Rimni), qu'on appelait P'hrotatos; c'étaient des hommes forts et braves, qui avaient conquis le pays des Romains. Azon fut l'eristhavi de la Géorgie et gouverna ce pays avec ses guerriers. Alexandre ordonna de révérer le soleil, la lune et les cinq étoiles, mais de ne servir que le Dieu invisible, créateur de toutes choses. A cette époque il n'y avait pas de prophètes ni d'hommes qui enseignassent la véritable croyance, et qui pussent instruire et convertir les mortels. Ce fut Alexandre lui-même qui imagina cette religion ; tous ceux qui se trouvaient sous sa domination furent obligés de la suivre. Quand Alexandre eut quitté la Géorgie, Azon fit abattre les anciens murs de Mtskhetha, ensuite il en fit bâtir de nouveaux ; il construisit également quatre nouvelles forteresses, au confluent de l'Aragwi et du Mtk'vari, savoir : celle d'Armazi, une autre au coude armazien (du Kour), une au-dessus de Mtskhetha, et la quatrième à l'ouest de Mtskhetha sur le bord du Mtk'vari. Ayant achevé ces quatre places fortes, il fit démolir les murailles des autres villes de la Géorgie, et régna sur tout le pays depuis la rivière de Berdoudji jusqu'à la mer grecque (Pontos). Il incorpora Egrisi à la Géorgie et rendit tributaires les Osi, les Lek'i et les Khazars.
Quand Alexandre arriva en Egypte, il y fonda la ville d'Alexandrie. Dans l'espace de douze ans il traversa et conquit le monde habité. Dans la quatorzième année de son règne, ce monarque incomparable mourut à Alexandrie. Avant son trépas il mit en liberté tous les princes vaincus et captifs, et les renvoya dans leur pays. Il fit venir quatre de ses favoris, Anthiokhos, Romos, Byzinthios et Plathon. Il donna l'Assourestan (l’Assyrie), l'Arménie et les contrées orientales à Anthiokhos; celui-ci y bâtit la ville d'Anthiokhia. Romos reçut les trois Mikosi et les contrées occidentales; il y fonda la ville de Rome. Byzinthios eut Sberdznethi (la Grèce) et le pays du Nord; dans une lettre qu'Alexandre écrivit à Azon Patriki, eristhavi de la Géorgie, il lui ordonna d'être vassal de Byzinthios. Ce dernier fonda Byzinthi, appelé de nos jours Constantinople. Plathon resta à Alexandrie.
Après le décès d'Alexandre, Azon quitta la religion que celui-ci avait instituée. H fit faire deux idoles en argent, nommées Hatsi et Haït (ou Haot), et fut vassal de Byzinthios, roi de la Grèce. Azon était un homme fin et rusé; il ordonna à ses troupes de tuer tous les Géorgiens en état de porter les armes ; les Romains exécutèrent cet ordre. Tous ceux qui s'étaient distingués par leur valeur furent mis à mort, ce qui causa une grande persécution dans le pays. Azon fut également très cruel envers les Romains, et tua plusieurs d'entre eux.
A cette époque vivait à Mtskhetha un jeune héros nommé P'harnavaz. Du côté paternel il était Géorgien et de la race d'Oup'hlos, fils de Mtskhethos; du côté de sa mère il était de la famille persane d'Aspaneli, et neveu de Samar, qui gouvernait comme Mama-sakhli à Mtskhetha, quand Alexandre arriva en Géorgie. Ce Samar, et son frère, le père de P'harnavaz, avaient été mis à mort par Alexandre. P'harnavaz n'avait alors que sept ans ; sa mère le sauva et le cacha dans les monts K'avk'asiens, d'où il retourna dans sa ville natale, Mtskhetha, aussitôt qu'il eut atteint l'âge de puberté. C'était un guerrier brave et avisé, et un excellent chasseur ; il ne montrait pourtant pas ces bonnes qualités à Azon, qui, ayant fait sa connaissance à la chasse, l'avait pris en affection. La mère de P'harnavaz lui disait, Mon fils, cache-toi devant Azon, et ne lui fais pas connaître tes talents, pour qu'il ne te tue pas; car elle avait peur de lui. Azon ne cessant pas d'être cruel, elle disait encore à son fils : « O mon enfant! quitte l'habitation de tes pères, conduis-moi chez mes frères, dans ma ville natale d'Aspan (Ispahan), et cesse de vivre de la grâce d'Azon. » Tous les deux résolurent d'exécuter ce projet ; mais il paraissait dur à P'harnavaz d'aller à Aspan, et encore plus dur de quitter l'habitation de ses pères. Cependant la grande crainte où il vivait perpétuellement lui fit enfin prendre la résolution de partir. Dans ce temps P'harnavaz rêva qu'il se trouvait dans une maison inhabitée, de laquelle il désirait sortir sans le pouvoir. Tout à coup les rayons du soleil entrèrent par une fenêtre, ceignirent ses reins, l’attirèrent et le firent sortir par cette fenêtre. Arrivé dans la campagne, il vit par terre, devant lui, l'image du soleil ; il tendit la main, essuya les gouttes qui humectaient cette image et s'en mouilla la figure. Quand il se réveilla, il s'étonna de ce rêve et dit : « Je pars pour Aspan, et je me confie à la bonté divine. » Le même jour il alla seul à la chasse dans la plaine de Dighomi[43] ; il y poursuivit des cerfs, qui se dirigèrent vers la vallée de Tiflis. Ayant lancé une flèche, elle atteignit un de ces cerfs qui, après avoir encore fait quelques pas, se précipita d'un rocher. Comme il était déjà tard, et que le cerf était dans les broussailles de la forêt, P'harnavaz résolut de passer la nuit dans ce lieu et de continuer sa route le lendemain. Il trouva sous le rocher une caverne, dont l'entrée avait été fermée anciennement par un mur de pierre, que le temps avait fendu. Une pluie abondante commença à tomber; P'harnavaz prit sa hallebarde (tchougoulouk), et brisa la porte de la caverne. En entrant il vit une immense quantité d'or et d'argent, et beaucoup de vaisselle précieuse, ce qui le remplit d'étonnement et de joie, et lui rappela son rêve. Il referma la porte de la caverne, et s'empressa de regagner sa maison, où il raconta cet événement à sa mère et à ses deux sœurs. Quand la nuit fut venue, il retourna avec elles à la caverne; ils emportèrent, dans des vases qu'ils avaient pris avec eux, une partie des trésors, et les cachèrent dans la terre auprès de leur habitation. A l'aube du jour ils refermèrent la caverne et s'en retournèrent. Dans l'espace de cinq jours ils eurent enlevé et enterré le trésor tout entier. P'harnavaz envoya alors un de ses serviteurs à Koudji, qui gouvernait le pays d'Egrisi et lui fit dire : « Je suis un descendant d'Oup'hlos, fils de Mtskhethos et neveu du Mama-sakhli Samar ; mes richesses sont grandes ; permets-moi de venir chez toi avec elles ; nous serons frères ; nous nous en servirons pour attaquer l’eristhavi Azon, et la fortune nous accordera une victoire éclatante. » Koudji, ravi de ces paroles, répliqua : « Lève-toi, et viens chez moi ; ne sois pas avare de tes richesses, mais emploie-les pour augmenter tes troupes, afin que tu puisses tenir tête à Azon. » Alors tous ceux des Géorgiens qu'Azon avait offensés se réjouirent, et les Romains se réunirent aussi à P'harnavaz, car un grand nombre d'entre eux avaient été mis à mort par Azon. P'harnavaz vint donc avec sa mère et ses sœurs rejoindre en secret Koudji, emportant tout ce qu'if put du trésor qu'il avait enfoui. Koudji lui dit : « Tu descends du meilleur des Géorgiens; c'est à toi qu'appartient la domination ; dans ce moment n'épargne pas tes richesses, mais augmente le nombre de tes troupes ; et si tu remportes la victoire, tu seras notre maître, et moi je serai ton vassal. » Il rassembla alors les Osi et les Lek'i, et se consulta avec eux. Ceux-ci étaient également satisfaits, car ils ne voulaient plus payer d'impôt à Azon. Plusieurs se joignirent donc à P'harnavaz et augmentèrent le nombre de ses guerriers. Une armée innombrable se rassembla ainsi dans l'Egrisi; il se mit à sa tête, et marcha contre Azon, qui, de son côté, appela ses guerriers et les réunit autour de lui. Mais plusieurs vaillants cavaliers d'entre les Romains, qui avaient eu beaucoup à souffrir d'Azon, le quittèrent et se joignirent à P'harnavaz ; leur exemple fut suivi par tous les Géorgiens. Azon ne pouvait compter beaucoup sur les troupes qui étaient restées avec lui, car toutes avaient été maltraitées par lui. Il se dirigea donc vers le pays de K'lardjethi, où il se fortifia dans le château de ce nom. De son côté, P'harnavaz marcha sur Mtskhetha, s'empara des quatre forteresses construites par Azon, et, dans la même année, il régna sur toute la Géorgie, à l'exception du K'lardjethi. Il envoya un ambassadeur, avec beaucoup de présents, à Antiokhos, roi d'Assouresthan, promettant de lui être soumis, et lui demandant du secours contre les Grecs. Antiokhos reçut ses présents, l'appela son fils, lui envoya une couronne et ordonna à l'eristhavi de l'Arménie de le secourir. L'année suivante Azon, qui s'était considérablement renforcé par un grand nombre de troupes de la Grèce, marcha contre P'harnavaz. Celui-ci avait depuis longtemps augmenté sa cavalerie; il fit encore venir Koudji et les Osi, et fut rejoint par l'eristhavi arménien d'Antiokhos. Avec toutes ces forces, il alla à la rencontre de l'ennemi jusqu'à la ville ruinée d'Arthani,[44] qui alors portait le nom de Houri, c'est-à-dire ville des Aveugles. Il l'attaqua et lui livra une bataille sanglante ; des deux côtés beaucoup de monde périt, mais les Grecs eurent le dessous, et leurs bataillons furent mis en fuite. Azon lui-même resta sur le champ de bataille, ainsi que beaucoup des siens; une grande partie des autres furent faits prisonniers par P'harnavaz. Celui-ci, après avoir pillé les villes de la frontière des Grecs, depuis Andziandzori et Ekletsith, rebroussa chemin et soumit tout le pays de K'lardjethi, d'où il revint à Mtskhetha, à la joie générale dé son peuple. Ses richesses furent considérablement augmentées par la propriété d'Azon. Le pays situé sur la rive inférieure du fleuve Egrisi resta aux Grecs ; mais les habitants ne voulurent pas quitter le parti des Géorgiens.
P'harnavaz donna alors une de ses sœurs en mariage au roi des Osi, et l'autre à Koudji, auquel il céda aussi le pays entre les fleuves Egrisi et Rioni, depuis la mer jusqu'aux montagnes, ce qui comprend l'Egrisi et le Swanethi ; Koudji en fut l'eristhavi, et y construisit la forteresse de Godji.
P'harnavaz, ainsi délivré de ses ennemis, régna sur toute la Géorgie, y compris l’Egoursi (Egrisi?). Il augmenta l'armée des Karthlosiens, nomma huit eristhavi et un Spaspeti (général en chef). Il envoya l'un des eristhavi à Margvi, et lui donna le pays entre la petite montagne de Likhi, jusqu'à la mer et au-dessus du Rioni (l'Iméréthie et la Mingrélie). P’harnavaz y construisit aussi deux forteresses, Chorapani[45] et Dimni.[46] Il envoya un autre eristhavi en K'akhethi, lequel eut le pays entre l'Aragwi jusqu'à l'Erethi, c'est-à-dire le K'akhethi et le K'oukhethi. Il nomma le troisième eristhavi à Khounani, et lui donna la contrée entre la rivière de Bedroudji jusqu'à Tiflis et jusqu'à Gatchiani,[47] c'est-à-dire Gurdabani.[48] Le quatrième était l'eristhavi de Samchwildé; il gouvernait le pays entre la rivière de Sk'virethi jusqu'aux montagnes, c'est-à-dire Tachiri et Abotsi.[49] Il envoya un cinquième eristhavi à Tsounda, et lui donna tout le pays depuis P'haravani jusqu'au Mtk'vari supérieur, savoir : Djavakhethi, Khola[50] et Arthani. Le sixième était l'eristhavi d'Odzkhré; il reçut la contrée qui s'étend depuis les montagnes Thasis-k'ari et Arsiani,[51] jusqu'à la mer, c'est-à-dire Samtskhé et Atchara.[52] Le septième fut l'eristhavi de K'lardjethi, auquel obéissait te pays depuis Arsiani jusqu'à la mer. Koudji fut l'eristhavi d'Egrisi, et en même temps Spaspeti (ou général en chef des troupes géorgiennes); il gouverna la contrée de Tiflis et de l'Aragwi, jusqu'à Thasis-k'ari et P'haravani, c'est-à-dire le Chida Karthli. Le Spaspeti était très dévoué au roi ; il avait l'inspection générale de tous les autres eristhavi, sous lesquels se trouvaient d'autres petits chefs, qui avaient le commandement de mille hommes. Tous payaient des impôts au roi. C'est ainsi que P'harnavaz divisa son pays, à la mode des rois de Perse. Il prit une épouse du K'avk'as, de la famille de Dourdzouk. Il fortifia Mtskhetha et toutes les villes de la Géorgie, dont Alexandre avait fait abattre les murs. A cette époque les Grecs ne pouvaient rien contre P'harnavaz, parce qu'ils avaient des guerres à soutenir contre les Romains. P'harnavaz fit faire une grande idole, qui portait son nom; c'est l'Armazi, car en persan P'harnavaz est appelé Armazi. Comme il plaça cette idole sur la montagne Karthli, celle-ci fut nommée depuis lors Armazi. Cette image était adorée, avec beaucoup de cérémonies. Il gouverna pendant vingt-sept ans en paix, jusqu'à l'âge de soixante-cinq ans, sous la dépendance d'Antiokhos, roi d'Assouresthan. Il colonisa toute la Géorgie et la peupla. Il résidait à Mtskhetha; au printemps, en automne et en hiver, il se rendait à Gatchiani, 'et en été il établissait son séjour dans l'Egrisi et dans le Klardjethi.[53] A cette époque de l'année il s'occupait des affaires des Mingréliens et des habitants d'Egrisi,[54] jugeait et accommodait leurs différends. Aux cavaliers romains qui avaient quitté Azon pour se joindre à lui P'harnavaz accorda, selon leur rang, des emplois et des récompenses, parce qu'ils avaient combattu vaillamment dans la guerre contre Azon, et il leur donna le nom d'Aznaouri.[55]
Après l'invasion d'Alexandre, on cessa (en Géorgie) de manger de la chair humaine, à l'exception de celle qu'on offrait aux idoles. Tous les habitants du pays, qui vivaient en paix et heureux sous le règne de P'harnavaz, se disaient : Nous remercions le destin qui nous a donné un roi de la race de nos ancêtres, et qui nous a délivrés, ainsi que nos parents, des attaques de nos ennemis.
P'harnavaz fut le premier roi de Géorgie qui régna dans le China Karthli (le Karthli intérieur). Il répandit sa langue maternelle; dans toute la Géorgie, on ne parla plus que géorgien, et il donna, pour cette langue, une écriture particulière.[56]
A sa place (de P'harnavaz) régna son fils Sourmag. Dans ce temps les eristhavi de la Géorgie, se consultant ensemble, dirent : « Il ne convient pas que nous soyons soumis à un de notre race ; il faut nous réunir et tuer Sourmag ; nous régnerons alors nous-mêmes, et nous payerons le tribut à celui d'entre nous qui sera le plus puissant; de cette manière nous vivrons plus heureux. » Tous adoptèrent ce projet et résolurent la mort de Sourmag. Celui-ci en fut instruit et se retira secrètement avec sa mère dans le Dourdzouk'ethi, chez le frère de celle-ci. Les cavaliers romains vinrent l'y rejoindre et lui dirent: « Nous avons reçu de grands bienfaits de ton père, et nous sommes prêts à te servir fidèlement. » Sourmag envoya alors vers le roi des Osi, qui était son cousin germain, et lui demanda du secours, que celui-ci lui accorda avec joie. Sourmag rassembla alors les habitants du Dourdzouk'ethi, et marcha avec eux contre les Géorgiens, dont aucun ne put lui résister, de sorte qu'il reconquit tout le pays. Il fit tuer beaucoup des rebelles; et accorda aux autres leur pardon. Les Karthlosiens furent abaissés, et les Aznaouri (ou gentilshommes) placés au-dessus d'eux.
Le peuple de Dourdzouk'ethi s'était augmenté des tribus des K'ouk'aziens (?), et depuis l'invasion des Khazars, il jouissait d'une tranquillité parfaite, car ses habitations étaient naturellement très-fortes. Comme la population s'était considérablement accrue, il n'y avait plus de place. Sourmag en sépara donc les tribus des K'oukaziens ; il transplanta quelques-unes d'elles dans des cantons situés plus haut dans les montagnes, et établit les autres dans le Swanethi.[58] Comme il était de leur race du côté de sa mère, il leur prêta secours quand elles en eurent besoin. Sourmag régna à Mtskhetha, dont il agrandit les fortifications, ainsi que celles des autres villes de la Géorgie. Il érigea sur le chemin de Mtskhetha deux idoles nommées Ainini et Danini. Il dépendait du roi d'Assouresthan, et épousa une femme de la Perse, fille de l'eristhavi de Bardavi (Karà bagh) ; il n'en eut que deux filles, et pas de (ils. A cette époque vint de la Perse en Géorgie Mirvan, qui était le neveu de Sourmag par sa belle-mère. Sourmag l'adopta et lui donna sa fille pour épouse. Il maria l'autre à un de ses propres parents, le fils de K'oudji, qui était eristhavi de Gatchiani et de Samchwildé. Sourmag eut un règne heureux qui dura plusieurs (75) années; après sa mort son fils adoptif Mirvan lui succéda.
Mirvan était haut de stature, fort brave et valeureux. Sous son règne les habitants de Dourdzouk'ethi, oubliant leur ancien attachement pour P'harnavaz, se réunirent à ceux de Tcharthalethi, et pillèrent K'oukhethi et Bazalethi.[60] Mirvan appela à lui tous les eristhavi géorgiens et leurs troupes, tant cavalerie qu'infanterie ; les autres K'avk'asiens lui étaient restés fidèles à l'exception de ceux de Tcharthali. Il tourna toutes ses forces contre le Dourdzouk'ethi, dont les habitants, qui s'étaient également réunis, occupaient, outre leurs forteresses, les défilés des montagnes. Mirvan descendit de son cheval, et marcha contre eux à la tête de son infanterie, suivie par la cavalerie ; il était leste comme une chèvre sauvage (Djikhvi), vaillant comme un léopard, et avait la voix d'un lion (Lomi). Une bataille générale et terrible eut lieu entre les deux armées ; mais les armes du Dourdzouk'ethi ne pouvaient rien contre Mirvan; inébranlable comme un rocher, il restait debout comme une tour fortifiée. La bataille devint de plus en plus effroyable; un grand nombre de combattants resta des deux côtés. Enfin, ceux de Dourdzouk'ethi prirent la fuite ; les Géorgiens furent victorieux et firent un grand nombre de prisonniers. Mirvan entra alors-dans le Dourdzouk'ethi, et y détruisit tout, ainsi que dans le Tcharthali, où il construisit une porte en pierre, pour fermer le passage de la montagne ; il l'appela Daroubal.[61] Il régna comme roi à Mtskhetha, pendant plusieurs (50) années, sans être attaqué et sans crainte ; il était affable et libéral ; aussi se concilia-t-il l'amour de tous les habitants de la Géorgie. Il dépendait également du roi d'Assouresthan. Sous son règne mourut Anthiokhos de Babylone. En Arménie régnait Archak, avec lequel Mirvan vivait en bonne intelligence, et au fils duquel, nommé aussi Archak, il donna sa fille en mariage. Après la mort de Mirvan régna son fils P'harnadj.
Il fit réparer toutes les forteresses de la Géorgie, et bâtit une nouvelle ville, qu'il appela Zadeni,[62] dans laquelle il éleva l'idole de ce nom. Sous son règne on commença également la construction de la ville de Nelkari en K'akhethi, appelée à présent Nekresi.[63] Il était attaché au culte du feu des Perses, et il fit venir des mages de la Perse, qu'il établit dans la ville de Mtskhetha, dans un endroit qui, d'après eux, reçut le nom de Mogp'hthi (c'est-à-dire, habitation des mages). Sa haine contre l'ancien culte des idoles lui attira celle des habitants de la Géorgie, qui adoraient leurs divinités avec beaucoup de ferveur. Plusieurs eristhavi s'étant concertés ensemble envoyèrent vers le roi d'Arménie, et lui firent dire : « Notre roi a quitté la foi de nos ancêtres, et n'adore pas les dieux qui ont comblé la Géorgie de bienfaits, c'est pourquoi nous ne voulons plus l'avoir pour souverain. Donne-nous donc ton fils Archak', qui a pris une épouse de la race de P'harnavaz, pour qu'il soit notre roi, et aide-nous de ta puissance, afin que nous chassions P'harnadj, qui a introduit des divinités étrangères dans le pays. Que ton fils règne sur nous, avec son épouse, la fille de nos rois. » Le roi d'Arménie les remercia de cette offre, et leur envoya un ambassadeur avec cette gracieuse réponse : « Si votre cœur désire que mon enfant soit roi sur vos eristhavi, je vous comblerai de toute sorte de bienfaits. » Les eristhavi lui donnèrent alors des otages, et répétèrent leur déclaration contre P'harnadj. Le roi d'Arménie entra aussitôt avec toutes ses forces en Géorgie. P'harnardj appela les Perses à son secours, et réunit autour de lui tous les Géorgiens qui lui étaient restés fidèles, tandis que les eristhavi allèrent rejoindre le roi d'Arménie dans le district de Tachiri. P'harnadj y attaqua l'armée de ses ennemis ; une bataille sanglante eut lieu, dans laquelle il fut battu par les alliés, et perdit la vie. L'homme qui avait soin de son fils Mirvan, enfant âgé d'un an, se sauva avec lui en Perse. Le roi d'Arménie donna alors aux Géorgiens son fils Archak' pour souverain.[64]
Il posséda toute la Géorgie, fortifia les châteaux du pays, et entoura d'un mur la ville de Tsounda en Djavakhethi. Après sa mort son fils Artag[65] lui succéda.
Il ne régna que deux ans.[66] Dès la seconde année, des eristhavi perses arrivèrent avec une grande armée pour venger le sang de. P'harnadj et celui de leurs troupes qui avaient péri avec lui. Artag, le roi de Géorgie, ne se sentait pas assez fort pour leur résister, car l'armée des Perses était trop considérable. Il fortifia donc ses châteaux et ses villes, tandis que les Perses dévastèrent tout le pays plat de la Géorgie. Cependant, comme ils ne purent s'emparer de presque aucune des forteresses ni des villes, ils retournèrent dans leur patrie. Après la mort d'Artag, son fils Bartom occupa le trône.
Il fit réparer les murs de Mtskhetha et de toutes les villes de la Géorgie. Sous son règne les Perses entrèrent en Géorgie avec Mirvan, fils de P'harnadj, qui avait été sauvé par un de ses officiers. Ce Mirvan était brave et bon cavalier; il avait appris l'art de la guerre dans des combats contre les Touraniens et les Arabes.
Après avoir réuni une armée considérable, il envoya vers les eristhavi de la Géorgie, et leur fit dire : « Quoique mon père ait voulu introduire une croyance étrangère chez vous, rappelez-vous l'amour de mon grand-père Mirvan, et les bienfaits dont il vous a comblés. Vous avez eu raison de tuer mon père, qui n'est pas resté fidèle à la foi de nos ancêtres, qui avait répandu la bénédiction sur notre pays. Ne craignez rien, et n'ayez pas peur que je venge sa mort, car l'abjuration de la foi a divisé bien des fils, a fait tuer bien des pères, le frère par le frère, et le sang répandu n'a pas été vengé. Moi je suis le fils de vos rois de la race de P’harnavaz, et, quoique élevé en Perse, j'observe la loi de vos pères, et j'adore les divinités que vous adorez. Dans l'espoir d'être protégé par elles, je retourne dans ma patrie, et j'attends d'elles l'honneur et la félicité. » Cependant les eristhavi ne montrèrent aucune obéissance à Mirvan, et restèrent fidèles à Bartom.[67] Il n'y eut que peu de Géorgiens de basse extraction qui prirent le parti de Mirvan. Celui-ci s'avança jusqu'à la rivière Berdoudji, et la guerre commença. Des deux côtés se montrèrent des gens de haute stature et braves (Boumlerasi, héros) qui, pendant un mois entier, se livrèrent des combats singuliers, dans lesquels la fortune favorisa tantôt l'un, tantôt l'autre des deux partis. Durant ce mois Mirvan lui-même tua treize des héros géorgiens et arméniens, et aucun de ces derniers ne pouvait le vaincre. Le roi Bartom n'osait se mesurer avec lui, car il n'avait pas les forces d'un Goliath. Il s'avança donc avec toutes ses troupes contre Mirvan, qui de son côté venait à sa rencontre. La bataille fut sanglante, et des deux parts le nombre des tués considérable ; enfin, les Arméniens et les Géorgiens alliés furent vaincus par les Perses, et Bartom resta sur le champ de bataille. Bartom n'avait plus de fils, mais seulement une fille. Du vivant de Bartom, le petit-fils de Koudji, nommé Kartham, était venu d'Egrisi ; c'était un parent de P'harnavaz, par la sœur de celui-ci, l'épouse de Koudji, et par sa mère, la fille de Sourmag, qui avait été mariée au fils de Koudji. Bartom avait donné à Kartham l’Egrisi ; il l'avait marié à sa fille, et adopté comme fils du consentement des Géorgiens, qui ne voulaient pas d'autre roi qu'un de la race de P'harnavaz. Kartham tomba dans la bataille à côté de Bartom ; mais son épouse, la fille de celui-ci, qui était enceinte, se réfugia en Arménie, où elle mit au monde un fils nommé Aderki, qui y fut élevé. Après la mort de Bartom[68] régna Mirvan.
Il fut maître de toute la Géorgie, ainsi que des places fortes et châteaux des eristhavi qui lui avaient rendu hommage. Il fit enlever de force la femme de Bartom, qui s'était retirée à Samchwildé, et l'épousa, parce qu'elle était de la race des Archak'ouniani. Il régna à Mtskhetha pendant peu d'années.[69] Après sa mort son fils Archak' lui succéda.
Du côté de sa mère il était de la race des Archak'ouniani, et par son père il descendait de P'harnavaz et des Nebrothiani. Il embellit la ville de Nelkari, en K'akhethi, appelée à présent Nekresi, et agrandit la forteresse d’Oup'klis-tsikhé. Par sa force et sa stature il ressemblait à Goliath. Cependant Aderki, le fils de Kartham, élevé en Arménie, était également d'une belle stature et aussi fort que valeureux. Il avait fait la guerre avec les Arméniens contre les Assouriani (les Assyriens) ; il y avait tué beaucoup de héros, et s'était distingué par d'autres faits d'armes. Revenu de cette campagne, il demanda au roi d'Arménie des troupes avec lesquelles il marcha contre le roi géorgien Archak', qui était son oncle du côté de sa mère. Archak' rassembla tous les eristhavi, fit venir des renforts de la Perse, et alla à sa rencontre. Les deux armées se trouvèrent en face l'une de l’autre dans le Thrialethi.[70] Aderki provoqua Archak' en combat singulier, et celui-ci accepta volontiers. Il s'arma, monta à cheval, ordonna à ses guerriers de lui laisser les derrières libres, et s'avança contre Aderki. Après que les troupes se furent retirées à une certaine distance, les deux combattants poussèrent le cri de l'attaque, et se portèrent des coups avec des glaives à deux tranchants, mais aucun d'eux ne parvint à blesser l'autre, tant leurs cuirasses étaient excellentes. Leurs lames se cassèrent; ils prirent leurs haches d'armes, se portèrent des coups qui firent jaillir des étincelles, comme le fer sous le marteau du forgeron, et dont le bruit ressemblait à celui du tonnerre. Ils ne pouvaient rien l'un contre l'autre, et aucun d'eux n'était ni vainqueur ni vaincu, quand la nuit vint terminer le combat. Le lendemain matin ils le renouvelèrent et s'attaquèrent l'arc et la flèche à la main. Enfin, un coup de flèche d'Aderki frappa la poitrine d'Archak', dont la cuirasse n'était pas assez forte pour résister à la vigueur avec laquelle le trait était lancé, de manière que la flèche lui sortit par le dos, et qu'il tomba mort de cheval. Aderki retourna aussitôt vers les troupes arméniennes et leur dit : « Je vous conjure par vos dieux, ne levez pas vos armes contre les Géorgiens, car ils sont mes compatriotes, et je suis leur roi par votre puissance et par votre aide. » Les Arméniens, après avoir entendu ces paroles, ne bougèrent pas, et Aderki se tournant vers les guerriers géorgiens, leur cria d'une voix forte : « Je suis le fils de vos rois, et le destin m'a donné la souveraineté sur vous. Dorénavant vous obtiendrez de moi le bonheur et la joie ; déjà j'empêche les troupes arméniennes de vous faire aucun mal. » Les Géorgiens lui répondirent : « Tu t'es montré comme le plus brave de la race de P'harnavaz ; puisque notre roi est mort, sois notre roi. Nous remercions le destin, qui nous accorde un souverain de la race de nos rois, et qui est un héros. » Alors les Géorgiens descendirent de cheval, se prosternèrent et prêtèrent hommage à Aderki. Les Géorgiens, les Arméniens et les guerriers de Rani (Karàbagh), se réunirent paisiblement, et placèrent la couronne d'Archak' sur la tête d'Aderki.[71]
Aderki posséda toute la Géorgie et l'Egrisi. Il prit pour épouse une fille du roi d'Arménie, et régna pendant trente ans à Mtskhetha, jusqu'à l'âge de cinquante-sept ans. Dans la première année de son règne naquit notre seigneur Jésus-Christ, à Bethléem, dans le pays des Juifs, où les mages allèrent le trouver et lui portèrent des présents. Quand ces mages furent arrivés à Jérusalem, il se répandit à Mtskhetha le bruit que les Perses avaient pillé les Juifs de Jérusalem. C'est pourquoi ceux de cette nation, qui habitaient à Mtskhetha, pleuraient et se lamentaient. Cependant l'année d'après on apprit que les Perses n'étaient pas venus à Jérusalem pour piller la ville, mais avec des présents à l'occasion de la naissance d'un enfant, et les Juifs se réjouirent de cette nouvelle. Aderki avait accompli sa cinquantième année, quand il arriva à Mtskhetha un envoyé des Juifs de Jérusalem, qui leur dit: « L'enfant auquel les mages ont porté des présents est devenu grand, et se dit fils de Dieu. C'est pourquoi nous envoyons chez tous les Juifs, pour que les docteurs parmi eux se rendent dans notre ville, pour juger cette affaire ; envoyez-nous donc des gens instruits dans la loi. » On leur envoya Elios de Mtskhetha, et Longinos de Karsni; et ils crucifièrent le Seigneur. Elios rapporta au prêtre des Juifs la chemise du Christ, comme il est amplement décrit dans l'Histoire de la conversion de la Géorgie.
Aderki agrandit les forteresses et les villes du pays, et fortifia Mtskhetha par un nouveau mur, des deux côtés du fleuve (Kour). Ce fut encore sous son règne que deux des douze saints apôtres, Andria et Souimon, visitèrent la Géorgie, l'Apkhazethi et l'Egrisi, où saint Souimon mourut dans la ville de Nikoli, située sur le territoire grec.[72] Andria, après avoir converti les Mingréliens (Megrelni),[73] se mit en chemin pour le K'lardjethi. Le roi Aderki ayant appris la conversion des Mingréliens, entra dans une violente colère, et envoya contre eux des eristhavi, qui les forcèrent de renoncer à leur nouvelle foi, et de cacher les images saintes, ainsi que les croix. Aderki était aussi très mécontent de Teristhavi du K'lardjethi, qui avait permis à Andria de quitter le pays sans être inquiété. Du temps de ce prince il se forma derechef un royaume en Perse, car depuis Alexandre cette contrée n'avait été gouvernée que par des eristhavi qui résidaient dans différentes places. A cette époque ces eristhavi se réunirent et proclamèrent comme roi Ajghalan, qui était Grec de nation ; les Arméniens et les Géorgiens lui furent soumis.[74] Jusqu'au règne d'Aderki un fils seulement avait succédé à son père comme roi de Géorgie ; mais Aderki avait deux fils, entre lesquels il partagea la ville de Mtskhetha et le pays, d'après le cours du Mtk'vari (Kour). Il donna à Bartos, Chida Karthli, ou le côté moukhranien[75] de cette ville, et toute la partie de la Géorgie située au nord du Mtk'vari, depuis Erethi, le long des montagnes jusqu'à Egrisi. la partie de la ville du côté d'Armazi, et tout ce qui était au sud du Mtk'vari, depuis Khounani jusqu'au cours supérieur de ce fleuve et K'iardjethi, devint le partage de son fils Kartham. Bientôt après il mourut.[76]
Sous leur règne, le k'eissar de Rim (César de Rome) détruisit Jérusalem. Des Juifs fugitifs vinrent alors à Mtskhetha, et vécurent ensemble avec ceux qui y habitaient déjà depuis longtemps. Parmi les premiers se trouvaient les enfants de Barabas, le même que les Juifs, à l'époque du crucifiement du Seigneur, avaient fait mettre en liberté au lieu de lui donner la mort. Les successeurs des deux fils d'Aderki furent leurs fils P'harsaman (dans la Géorgie au sud du Kour, dont Armazi était la capitale), et K'aos dans le Chida (Karthli).[78]
Depuis le temps d'Aderki les rois de Géorgie étaient vassaux de ceux d'Arménie, et ce furent principalement les rois d'Armazi, qui, soutenus par les Arméniens, vainquirent tous leurs ennemis. A cette époque régna en Arménie le grand Iarvand,[79] qui oublia l'amitié des Géorgiens, s'arma contre le roi d'Armazi, s'empara des villes de Tsounda et d'Arthani, à la frontière de la Géorgie, et conquit le pays jusqu'au Mtk'vari. Il établit à Tsounda des hommes sauvages de la race des démons des forêts, et appela cette ville Kadjatouni, c'est-à-dire Séjour des dénions des forêts. Les rois de Géorgie, qui n'étaient pas en état de rétablir leur frontière, moururent tous deux en grande tristesse.[80]
Aux rois précédents succédèrent leurs fils Azork', à Armazi, et Armazel, à Chida. Tous les deux étaient braves et guerriers ; ils se réunirent pour rétablir les frontières de la Géorgie. Alors Soumbat le Bivritiani, tua Iarvand, roi d'Arménie, et plaça sur le trône Arthachan,[81] le frère de celui-ci. Les rois de Géorgie Azork' et Armazel appelèrent à leur secours les Osi et les Lek'i (Lesghi). Les deux frères du roi des Osi, appelés Bazouk' et Abazouk', étaient d'une taille gigantesque ; ils arrivèrent avec les troupes oses, et amenèrent avec eux des Bijibi des Patchanak'z et des Djiki,[82] comme auxiliaires. Le roi des Lek'i vint aussi, réuni aux Dourdzouk'i et aux Dido. Les rois de Géorgie rassemblèrent leurs troupes, entrèrent inopinément eh Arménie, et pillèrent la contrée de Chirak'ani[83] et de Vanandi,[84] jusqu'à Bagrevani et Basiani.[85] De là ils revinrent sur leurs pas et pillèrent Dachthi et Nakh-tchhevani. Ils firent un butin immense, et retournèrent, chargés des richesses de l'ennemi, par le chemin de P'harisi. Cependant Soumbat le Bivritiani, ayant rassemblé à la hâte ses troupes, les poursuivit; mais ils avaient déjà passé le Mtk'vari et étaient arrivés dans le K'ambetchovani,[86] où ils campèrent à l'embouchure du lori, pour y partager le butin et les prisonniers. Soumbat dépêcha des hérauts vers eux, et leur fit dire : « Je vous abandonne le butin que vous avez fait en Arménie, et qui consiste en bétail, or, argent et tissus. Je ne veux pas non plus venger sur vous le sang arménien que vous avez fait couler ; mais mettez en liberté ceux que vous avez faits prisonniers, et retournez chez vous riches et charges de biens. » Ils lui répondirent : « Nous ne sommes pas seulement venus, en Arménie pour faire du butin, mais aussi pour te chercher. Nous ne t'avons pas trouvé. Viens à présent chez nous recevoir ta part ; sinon nous irons te voir au delà du fleuve, et en quelque lieu que tu te réfugies, tu n'échapperas pas à nos bras. » Alors Soumbat le Bivritiani passa le fleuve Mtk'vari ; Bazouk', le chef des Osi, lui envoya un message menaçant, et le provoqua à un combat singulier. Soumbat, en pleine armure, monta à cheval et se rendit au lieu où ils étaient campés. Bazouk' vint à sa rencontre, et ils combattirent l'un contre l'autre. Enfin Soumbat enfonça son épée dans le corps de son adversaire, au-dessus de la ceinture, de sorte qu'elle ressortit par le dos. Soumbat sauta alors de cheval et le terrassa. Abazouk', qui arrivait en toute hâte pour secourir son frère, fut également frappé par le glaive de Soumbat, qui s'écria : « Voilà pour vous, qui avez massacré nos pères, nos mères, nos enfants et nos fils en Arménie. »
Les guerriers des Osi, des Lek'i, des Géorgiens et des peuples du Nord poussant alors les cris de guerre, se réunirent sous la conduite des rois géorgiens Azork' et Armazel, et attaquèrent les troupes de Soumbat. Une bataille sanglante commença; elle dura pendant trois heures, et la perte des deux côtés était considérable. La poussière qui s'éleva obscurcit la clarté du jour, et en fit une nuit profonde, de sorte que l'un ne voyait pas l'autre. Enfin les guerriers du Nord, battus par les Arméniens, s'enfuirent et se dispersèrent de tous côtés. Soumbat les poursuivit et en blessa encore beaucoup ; il tua presque tous les Osi, dont fort peu restèrent en vie. Les Géorgiens s'échappèrent plus facilement, parce qu'ils connaissaient mieux les chemins. Les deux rois arrivèrent blessés à Mtskhetha, et Soumbat, qui les avait vaincus, entra en Géorgie et dévasta ce pays. Cependant, comme il avait fait son invasion trop vite, et sans y être suffisamment préparé, il ne put attaquer les villes et les forteresses. Il construisit pourtant un château fort dans le district d'Odzkhré, nommé aussi Samtskhé.[87] Il posta des troupes dans le voisinage de Demothi, qui est près des monts Ghado,[88] pour soutenir Tsounda, et guerroya dans l'Odzkhré. Mais les deux rois de Géorgie, dont le cœur était courageux, n'avaient aucune crainte; ils fortifièrent leurs villes et leurs châteaux, et ne cessèrent de harceler les Arméniens. Les Osi, résolus de venger le sang de leurs compatriotes, vinrent en grand nombre trouver les Géorgiens, pour combattre avec eux les ennemis. Dans la ville d'Odzkhré, un des nobles du roi Armazel était eristhavi ; les Mingréliens (Megrelni) vinrent à son secours. Ceux de Tsounda et de Demothi se soutinrent entre eux, et combattirent perpétuellement l'ennemi, principalement vers la rivière Nosthe. Dans le K'lardjethi, un noble du roi Azork' était eristhavi ; il inquiéta, les frontières de l'Arménie dans le canton de Parkhisi, c'est-à-dire Tao, de sorte que personne n'osa entreprendre quelque chose contre K'lardjethi, forteresse défendue par des forêts et des rochers, et dont les habitants étaient des cavaliers agiles et braves. Les rois de Géorgie s'établirent à Abotsi,[89] sur la route de l'Arménie. C'est ainsi que les Géorgiens tinrent toujours l'ennemi en alerte.
Alors Arthachan, roi d'Arménie, marcha contre eux avec toutes ses forces, et accompagné de son généralissime Soumbat le Bivritiani ; mais les Géorgiens fortifièrent leurs villes et leurs châteaux, et y mirent de fortes garnisons. Cependant les Arméniens s'avancèrent jusque devant Mtskhetha, où pendant cinq mois entiers, il y eut continuellement des combats singuliers entre les héros des deux côtés. Enfin les Géorgiens et les Osi se trouvèrent si affaiblis, qu'ils furent obligés de demander la paix pour faire cesser l'effusion du sang. Le roi d'Arménie accueillit leur prière, et ils lui jurèrent fidélité ; les Géorgiens, aussi bien que les Osi, se soumirent à lui, et il retourna dans son pays.[90]
Dans le laps de quelques années tout ce que les Arméniens avaient détruit en Géorgie fut rebâti. A la même époque les Arméniens furent inquiétés, et eurent des guerres à soutenir contre les Perses et les Grecs. Les Géorgiens et les Osi profitèrent de cette occasion, et commencèrent à attaquer les Arméniens, dont l'armée, conduite par les deux fils du roi et par Soumbat, était allée faire la guerre contre les Perses. Comme leurs invasions en Arménie se multipliaient, le roi rassembla le reste de ses troupes, en donna le commandement à son fils Zaren, et les envoya contre les Géorgiens. Ceux-ci, s'étant réunis aux Osi, attaquèrent Zaren dans le Djavakhethi, le vainquirent et repoussèrent son armée au delà de la frontière de l'Arménie. En le poursuivant ils le firent prisonnier lui-même, auprès du lac de Tseli. Les Osi voulurent le tuer pour venger le sang de leurs rois, mais les Géorgiens les en empêchèrent, pour que plus tard leurs cantons limitrophes ne fussent pas exposés. Ils l'enfermèrent dans une prison étroite, dans la forteresse de Darghalnisi, d'où les Arméniens ne pouvaient le délivrer, parce qu'ils étaient trop occupés contre les Perses. Trois ans après cet événement, Soumbat le Bivritiani et les deux fils du roi, Artvas et Tigran, accompagnés de la totalité des troupes arméniennes, se portèrent à la frontière ; les rois de Géorgie ordonnèrent à leurs sujets de se retirer dans les villes et les forteresses, et de se rendre dans les montagnes du Mthioulethi.[91] Les Arméniens campèrent à Thrialethi, et des envoyés des deux partis allaient et venaient dans le but de rétablir la paix. Les Géorgiens rendirent le fils du roi qui était prisonnier, et promirent aux Arméniens de leur envoyer des troupes auxiliaires. Ils dirent : « Si quelque ennemi se lève contre vous et vous déclare la guerre, nos deux rois viendront à votre secours avec nos troupes; et si vous déclarez la guerre à quelqu'un, vous aurez de nous mille cavaliers bien armes, comme troupes auxiliaires. » Les Géorgiens promirent également de rendre le butin qu'ils avaient fait en Arménie, sous le règne d’Arthachan. De leur côté les Arméniens rendirent les places limitrophes de la Géorgie : savoir, la ville de Tsounda, la forteresse de Demothi, le Djava-khethi et Arthani. Depuis ce temps les Géorgiens, les Arméniens et les Osi, vécurent en bonne harmonie, et se réunirent pour combattre leurs ennemis. Azork' et Armazel moururent, après avoir agrandi leur pays et rétabli ses anciennes frontières. Ils laissèrent le trône à leurs fils Amzasp, qui régna à Armazi, et Derok dans le Chid'a.
Après eux régnèrent leurs enfants, P'harsaman, le Brave, à Armazi, et Mirdat, à Chida.
(La suite au prochain numéro.)
Julius Klaproth mourut en 1835 ; c’est pourquoi cette traduction reste inachevée.
[1] Julius Klaproth (1783-1835) fut un orientaliste allemand. Né à Berlin, il se livra d'abord à l'étude de la chimie et de la physique, puis s'adonna à l'étude des langues orientales. Il accompagna en 1805 l'ambassade envoyée par la Russie en Chine et revint en 1807 avec une ample moisson de livres chinois, mandchous, mongols et japonais. Il fut ensuite chargé par l'Académie de Saint-Pétersbourg d'explorer le Caucase, ce qu'il fit de 1808 à 1810.
A son retour, il fut nommé en 1812 professeur de langues asiatiques à Vilnius, mais se vit empêché par la guerre de prendre possession de sa chaire, et vint en 1815 se fixer à Paris, dont il fit sa patrie adoptive.
On a de lui :
· Asia polyglotta ou Classification des peuples de l'Asie d'après leurs langues, Paris, 1823;
· Mémoires sur l'Asie, 1824-28;
· Tableau historique, géographique, etc. au Caucase, 1827;
· Tableaux historiques de l'Asie, 1826;
· Chrestomathie mandchoue, 1828;
· Nouveau Mithridate ou Classification de toutes les langues connues, etc.
Voyage au Caucase, publié en allemand à Halle, 1812-14, parut à Paris en français en 1823.
[2] C’est ainsi que la chronique de Vakhtang nomme ces peuples. Le prince géorgien Davith les appelle: Armantha (Arméniens); Griztha (Géorgiens), mot qui parait forgé d’après la dénomination (Gruziya), par laquelle les Rase, désignent la Géorgie; Movak’hanta (Movak’ani est le pays entre Noukhi et la mer Caspienne); Hertha (habitants de la partie orientale du K’akhethi); Lek’tha (Lesghi); Megreltha (Mingréliens); K’avk’asta (Caucasiens).
[3] Tout ce qui se trouve placé entre des parenthèses été ajouté par moi pour l’éclaircissement du texte.
[4] Thargamos habitait donc dans la contrée de Nakhtchiran en Arménie. Le mont Ararat porte encore aujourd’hui ce nom; celui de Masisi désigne les montagnes du Karàbagh. Comme Thargamos est censé y avoir vécu pendant six cents ans, sa mort doit être placée à l’an 2042 avant notre ère.
[5] Yâl-bouz n’est pas un terme persan, c’est un mot turc qui signifie crinière de glace. Voyez le Nouveau Journal asiatique, vol V, p. 50
[6] Davith dit que les Somekhtha ou Arméniens descendent de Hhaos, et qu’on les appelle après lui Hhaosiani. Hhaos est le Haïg des Arméniens, fils de Thaglath, qui, selon eux est le même que le patriarche Thogorma de la Genèse et le Thargamas des Géorgiens. De Karthlos descendent, selon Davith, les Géorgiens, appelés pour cette raison Karthlouli.
[7] La rivière Berdoudji est la même qui porte actuellement le nom de Debete ou Bortchalo, affluent de la droite du Kour, et qui arrose la partie méridionale de la Géorgie.
[8] K’lardjethi est le pays situé à l’ouest du Kour supérieur et des districts actuels de Djavakhethi et d’Arthani. Dans le moyen âge cette contrée reçut le nom de Sa-Atabago, parce qu’elle était le domaine de l’Atabeg de la Géorgie, c’est-à-dire de l’instituteur du prince royal de cette contrée. Thaosi est l’ancien nom du district de Narimani, dans le pachalik turc de Tchildir. La partie supérieure de cette vallée porte encore aujourd’hui le nom de Thaos k’ari, c’est-à-dire, la porte ou le passage de Thao. Les Taochi de Xénophon étaient les habitants de ce canton.
[9] Likhi anciennement Ghado, est la branche du Caucase qui sépare l’Iméréthie de la Mingrélie. Cette montagne a donné à tout l’Iméréthie le nom de Likhth-Imerethi.
[10] Karthlos reçut donc la partie occidentale du Somkethkhi, K’wemo, China et Zemo-karthli (c’est-à-dire la Géorgie supérieure, moyenne et inférieure), l’Imérethi, le Ghourza, les districts géorgiens sur le Tchorokhi et ses affluents, et le Lajethi ou pays de Laj ou Lazes.
[11] Davith indique plus précisément les limites du pays qui fut le partage de Bardos. « La domination de Bardos, dit-il, s’étendait à l’est jusqu’au fleuve Kour, au sud jusqu’à l’Araxe, au nord et à l’ouest de la rivière de Berdoudji (Debete). Il construisit une ville dans ce pays, c’est Barda, qui porte encore aujourd’hui son nom. Bardos régnait par conséquent sur la partie sud-ouest du Somkhethi, sur Chamchadilo et sur les pays de Gandjah, de Karà-bagh et d’Erivan. ». — La ville de Barda n’est plus qu’un chétif village connu sous le nom de Berde; autrefois elle était très célèbre dans l’histoire asiatique.
[12] Movak’anethi se composait des pays de Noukhi, de Chaki et de Chirvân de nos jours.
[13] Tqe-tba signifie lac de la forêt, c’est l’ancien nom de Goulgouli, bourg situé dans la vallée de Goudos-khevi dont la rivière se jette dans l’Alazani supérieur. Elle faisait autrefois la frontière entre le Herethi et le K’akhethi.
[14] Davith nous apprend que la ville de Herethi se trouvait sur l’emplacement de Samoukhi de nos jours. Le domaine de Heros était donc dans la partie orientale du K’akheti actuel.
[15] La rivière du Petit Khazareti est appelée Vardani dans quelques ouvrages géorgiens; c’est sans doute le Kouban, à l’embouchure duquel la chaîne du Caucase finit, et auquel Ptolémée donne le nom de Vardanes.
[16] Bedia est une ville de l’Odichi, sur la gauche du fleuve Egrisi. Le prince Davith paraît être dans l’erreur, s’il prend pour Egrisi le bourg de Soubdidi ou Soughdidi, situé entre les fleuves Engouri et Tchani. — Le pays qui devint le partage d’Egros comprit donc la partie occidentale de l’Imérethi, la Mingrélie, l’Odichi et l’Apkhasethi, ou le pays des Aphkas
[17] Au sud du pont sur lequel on passe le Kour, à l’ouest de Mtskheka, est situé le couvent d’Akhal-kalaki, qui se trouve sous l’invocation de la sainte mère de Dieu. Plus loin, un peu plus à l’occident, est une étroite vallée, dont la rivière sort de la montagne de Skhaldidi, et coule vers le nord. Cette vallée porte le nom de Karthlis-kheoba. C’est là que Karthlos construisit la forteresse qui fut appelée de son nom. Elle n’a jamais été détruite par l’ennemi. Le premier roi de Géorgie, P’harnavaz y plaça l’idole Armazi, c’est pourquoi on donnait aussi ce nom à la forteresse. On dit que Karthlos y est enterré, ainsi que P’harnavaz, devant l’idole qu’il y avait érigée. Plus tard celle-ci fut détruite par la Sainte Nino. La ville d’Armazi s’étendait de là jusqu’à Nakoulba-khevi et au-delà de Gloukhi. Elle fut détruite dans les temps postérieurs; le village qui l’a remplacée a eu le même sort.
[18] Sperisa zghva, ou la mer grecque, est le Pont Euxin.
[19] Samchwildé, c'est-à-dire les trois arcs, est le nom d'une forteresse actuellement détruite, située sur un affluent de la gauche du Kzia ou Khrame, près de la frontière de Thrialethi.
[20] Khounani, forteresse à présent en ruines, était située au nord de l'embouchure du Kzia, sur la gauche du Kour. Elle fut remplacée par une autre nommée en turcoman Kyz kalah. Non loin de là est le pont du Kzia, appelé par les Georgiens Gatekhili khidi ou le Pont rompu. On voit de Tiflis les raines de Kyz kalah. Khounani était un château très fort, situé sur le sommet d'une colline assez élevée; il avait dans sa dépendance un territoire très considérable, qui était sur les confins de l'Aran ou Arménie persane.
[21] A l'ouest de K'avthis khevi, est la Thedzma, qui vient de la montagne située entre Chtchvarebi et Thoris. Cette rivière coule à l'est jusqu'à Deda tsikhé, puis elle tourne vers le nord et tombe dans la droite du Kour. Deda tsikhé est placée au pied de la montagne d’Erikali ; c'est une place très forte, entourée de rochers. Elle appartient à la partie haute du district géorgien de Sa Tarkhno.
[22] Roustavi, forteresse à présent détruite, sur la rivière Liakhvi, dans les hautes montagnes.
[23] Gardabos reçut donc en partage la partie méridionale du district de Sa-Barato, et les deux cantons habités actuellement par les Turcomans de Temir-Hasanle.
[24] Cette ville devait être située dans le Thrialethi, à la frontière d'Akhal tsikhé. — La contrée que reçut Gatchios comprenait le Somkhethi, la rivière Alghethi et le canton de Tachiri, au sud.
[25] K'oukhos eut en partage le pays entre le Iori et le Liakhvi.
[26] La ville de Tehelthi était située sur la rivière du même nom, qui sort du Caucase, et se réunit à l'Alazani, au-dessus de celle de Qvaréli en K'akhethi. — K’akhos régna sur le K'akhethi septentrional de nos jours, au sud, jusqu'à Goulgouli et au-delà de Thelavi.
[27] Mtskhethos, l'aîné et le plus puissant de ses frères, régna sur le pays situé sur les deux rives du Kour supérieur jusqu'à ses sources, sur la contrée arrosée par le Tchorokhi et sur le Ghouria.
[28] Toukharisi, en arménien Touk'hars, était situé sur le Tchorokhi, dans la province arménienne de Daïk'h.
[29] Ourbnisi est situé sur la gauche du Kour, entre Rouisi et Ghori. Kaspi est sur la droite du Lekhouri, au-dessus de son embouchure dans le Kour.
[30] D'après le texte de la chronique de Vakhtang, il paraîtrait que Zemo Karthli (Géorgie supérieure) était synonyme de Chida Karthli ; mais une note marginale nous apprend que Chida Karthli était le nom de la contrée située sur le Kour, au-dessous de Thasis k'ari, jusqu'à P'haravani, tandis que celle qui était au-dessus de ce défilé s'appelait Zemo Karthli, c'est-à-dire Samtskhe et K'lardjethi. Nous verrons plus bas que Chida Karthli était le pays sur le Kour, depuis l'Aragwi et Tiflis jusqu'à Thasis-k’ari et P'haravani. Thasis k'ari est le nom d'un passage étroit près du Kour, à la frontière de la Géorgie et de l'Iméréthie.
Odzkhros obtint donc le pays d'Akhal tsikhé ou Tchildir et le Ghouria. Sa ville d’Odzkhré porte encore ce nom ; elle est située sur une montagne, environ à dix-sept lieues au nord-ouest d'Akhal tsikhé. Djavakhos, dont le pays s'appelle encore Djavakhethi, reçut la partie de la province d'Akhal tsikhé sur la gauche et la droite du Kour, jusqu'au canton montagneux, et le lac de Tapharavani, à la frontière occidentale du Somkhéthi. La ville d’Arthani porte encore aujourd'hui ce nom ; elle est située sur la gauche du Kour supérieur. — On lit sur la marge de l'original cette note : « Djavakhos reçut le pays depuis Tenavardi jusqu'à Tavatak'vari. » — Oup'hlos posséda la contrée de Tiflis et Mtskhetha sur le Kour jusqu'à la frontière de l'Iméréthie et d'Akhal tsikhé. Sa résidence Oup'hlos tsikhé existe encore; c'est un fort situé au dessous de Ghori, sur la gauche du Kour. On peut voir sa position sur la carte de la Géorgie que j'ai dressée pour l'édition française de mon Voyage au Caucase. Cette forteresse est taillée dans le roc, et appartient à présent aux princes Tseretéli, qui y résident.
[31] Le prince Davith remarque que les descendants de Karthlos quittèrent à cette époque leurs anciens usages, prirent plusieurs femmes et épousèrent même leurs plus proches parentes. Auparavant un grand tin pays ne prenait pour femme que la fille d'un autre grand, et un homme du tiers état ou de la dernière classe n'épousait qu'une femme de son propre rang. Le serment le plus général et le plus sacré était par la tombe de Karthlos. Les riches avaient la dégoûtante habitude de manger les cadavres des classes inférieures. Ils enterraient les femmes avec toute leur parure, et les hommes avec leurs armes. Ce ne fut qu'après l'introduction du christianisme que ces coutumes barbares furent abolies ; au lieu d'ensevelir des choses précieuses avec les morts, on les remit alors aux évêques, sons le nom persan de Nichani (c'est-à-dire signe ou souvenir). Les hommes et les femmes se réunissaient auprès des sépultures pour pleurer leurs parents défunts, en se rappelant leurs bonnes qualités. Quand la Géorgie était gouvernée par des rois, on se réunissait à la résidence royale, au jour de l'an, pour féliciter le roi, auquel on montrait sa soumission en tirant une flèche contre une planche placée debout dans la salle de réception, en disant : « C’est ainsi que cette flèche doit atteindre le cœur de celui « qui devient traître à la patrie et à Votre Majesté. »
Davith cite, comme une preuve qu'on mangeait autrefois la chair humaine en Géorgie, la coutume des habitants du village de Karsani, qui, en se disputant avec leurs voisins de Kodmani (village et fort ruinés, à l'ouest de Mchadis djvari, sur la rivière de Nares-khevi, dans le voisinage de Douchethi), leur adressent le reproche : « Vous nous devez encore un mort. » Car on prenait les cadavres où on les trouvait pour les dévorer.
[32] Les Khazars étaient, selon toute apparence, un peuple de la race ouralienne ou hunnique. Ils sont mentionnés pour la première fois dans l'histoire, vers l'an 212 de J. C. Il paraît donc peu probable qu'une nation, portant le même nom, ait occupe' déjà le pays situé au nord du Caucase, entre la mer Noire et la mer Caspienne, l'an du monde 2302, car c'est à cette époque que Davith place cette invasion des Khazars en Géorgie. Il ne dit pas s'il suit dans ce calcul la chronologie du texte hébreu ou celle du texte samaritain. Selon la première, l’an du monde serait 1702, et d'après l'autre, 1598 avant J. C. Mais la chronologie qu'on s'est empresse d'adapter aux anciennes traditions géorgiennes ne paraît fondée sur aucune base solide, de sorte que je serais assez tenté de prendre cette invasion des prétendus Khazars pour un souvenir vague de celle des Scythes sous Madyes, l'an 633 avant notre ère, par suite de laquelle ils restèrent pendant vingt-huit ans maîtres de la Haute-Asie.
[33] Dans d'autres manuscrits géorgiens Mtk'varis tsikhé, est appelée aussi Khounan-chida. Le nom de Chida Karthli y manque.
[34] Ap'hridon est le Feridoun des romanciers persans. Son nom se trouve aussi écrit Afridoun. Le Seigneur des serpents est Dzohhât ou Dzohhâk mari, c'est-à-dire Dzokhâk aux serpents, que Feridoun vainquit et qu'il enchaîna dans une profonde caverne du mont Damavend. — Iared est l’Iredj des Persans.
[35] Davith dit qu’Ardam, qu'il appelle Ardab, laissait: gouvernement de la Géorgie aux Marna sakhli, mais qu'il en démembra les provinces de Rani (Kara-bagh) et de Movak'ani (Chaki et Chirvân), qui plus tard restèrent des dépendances de Derbend. A cette même époque, ajoute-t-il, l’Egrisi (la Mingrélie et l'Odichi) et la Colchide furent soumis par les Grecs. Il place ces événements l'an du monde 2342. La Géorgie retomba souvent sous le joug des Persans, et s'en délivra quand les circonstances le permirent.
[36] D'après le récit de Firdousi et d'autres romanciers persans, ce ne fut pas contre les Lesghi du Caucase que Kaï Kaous entreprit cette expédition, mais contre le Mazandéran.
[37] Les montagnes de Sarkinethi sont à l'ouest de la ville de Mtskhetha; le faubourg Sarkiné était autrefois placé à leur pied. On en voit encore les ruines près de celles de l'ancien fort Samthavro.
[38] Kherkis-khevi, ou la vallée de Kherki, est arrosée par une rivière qui vient des monts de K'oukhethi et se jette dans l'Aragwi par la droite. Kherk'i s'appelle actuellement Sagouramo.
[39] Spandiat, le géant d'airain, est Isfendiâr, fils de Guchtâsb (Vachtabi, Hydaspes et Gustave, en allemand et dans les langues du nord), lequel portait le surnom de Rouin-ten ou Corps de bronze.
[40] C’est Bahmen ou Ardechir diraz-dest, c'est-à-dire Artaxerxés Longimanus.
[41] On sait qu'Alexandre n'a pas été en personne en Géorgie, mais il se peut qu'un de ses généraux ait fait, d'après ses ordres, la conquête de ce pays. — Le récit suivant des exploits d'Alexandre repose peut-être sur des faits qui sont vrais pour le fond, mais il est mêlé de fables, auxquelles appartiennent entre autres la garnison romaine qu'il laissa à Iazon, ainsi que la fondation de Byzance par Byzinthios, celle de Rome par Romos, et la domination de Plathon, à Alexandrie.
[42] Dans d'autres manuscrits, l'an du monde 3627. C'est vraisemblablement une faute pour 3687. Güldenstädt (Reisen, etc., vol. I, p. 329) place le commencement du règne de P'harnavaz l'an 3333 après Adam; ce qui signifie sans doute après la mort d'Adam, et non pas après sa création.
Les années du monde que j'indique entre deux parenthèses sont celles que Davith a adoptées dans l'abrégé géorgien de l'histoire de sa patrie. Il y place l'avènement au trône d'Aderki, dixième roi de Géorgie, l'an du monde 3927. Ce prince régna trente ans, et eut pour successeurs, l'an 31 de J. C., ses fils Bartom et Kartham ; par conséquent le commencement de son règne tombe à la première année de notre ère, qui correspond ainsi à l'an du monde 3927. Cependant cette chronologie paraît fautive relativement a l'année que le même auteur assigne à l'invasion d'Alexandre en Géorgie. Cet événement doit avoir eu lien 327 ans avant J. C. Davith le place l'an du monde 3560, par conséquent, 467 avant J. C.
Le calcul de Davith n'est pas celui que les Géorgiens suivent ordinairement dans leurs livres historiques, dans lesquels ils placent la naissance de J. C. l'an du monde 3604, tandis que les Grecs mettent cet événement en 5508.
Chez Güldenstädt (Reisen, vol. I, p. 332), on trouve encore un autre calcul, qui paraît reposer aussi sur une erreur. Il y dit que la reine Thamar parvint au trône l'an du monde 6686, qu'il fait concorder avec l'an 1156 de J. C., ce qui mettrait l'époque de notre, ère à l'an du monde 5538. Mais si l'on admet, avec M. Saint-Martin, que cette reine soit morte l'an 1207 de J. C. et qu'elle ait régné 27 ans, elle serait parvenue au trône l'an 1180 de l'ère chrétienne, ce qui donnerait pour l'époque de la naissance de J. C., l'an du monde 5506, qui se rapprocherait beaucoup du calcul grec de 5508.
[43] Dighomi est un village situé entre Tiflis et Mtskhetha, sur la gauche de la rivière de Dighomis khevi, qui coule à l'est et se jette dans le Kour du côté droit. La plaine de Dighomi (Dighomis mindori) s'étend sur la distance d'une heure et un quart, depuis les rochers sur le Kour, appelés Devis-namoukhli, jusqu'à la, rivière de Dighomi. Cette plaine s'incline vers le Kour. Selon la tradition du pays, le trésor que P'harnavaz trouva était caché à K'wak'rili, à six verstes de Tiflis
[44] Arthani, appelée actuellement Artan, portait aussi autrefois le nom de Kadjtha kalaki. Les Turcs, qui en sont encore les maîtres, l'appellent Erdehan. Cette forteresse est située sur la gauche du Kour à l'embouchure d'un de ses affluents. Le Kour est appelé par les gens du pays, Artahan sou, ou eau d'Arthani, d'après le nom de cette place.
[45] Chorapani, forteresse située entre le K'wirili et le Dziroula, à l'embouchure de cette dernière rivière dans l'antre, qu'on peut remonter jusque-là. Elle fait partie du district iméréthien appelé Losiat khevi ou Loset khovi.
[46] Dimni était peut-être situé sur le même emplacement que le Dimi actuel, village de la partie méridionale de l'Iméréthie, appelée Mthis sakhli, ou les Maisons des montagnes. Dimi est au nord-est de la forteresse Bagdad, située sur la gauche du Khani, affluent du K'wirili.
[47] Je ne puis déterminer avec précision la position de Gatchiani; mais cette ville doit avoir été située dans la partie méridionale du Somkhethi, vers la frontière du pachalik de Kars.
[48] Gardabani est le district géorgien appelé aujourd'hui Kazakhi, situé sur la droite du Kour, depuis la rivière Indja jusqu'au district de Bortchalo, et en partie jusqu'au territoire de Gandja.li, appelé par les Russes lelisavetpol.
[49] Samchwildé est une ancienne forteresse sur la gaucho du Kzia. La rivière de Sk'virethi paraît être l’Algete de nos jours. Tachiri est un district du Somkhethi, ou de la Géorgie méridionale, situé entre les sources du Machaveri, du Kzia et la rivière Tachiri, qui se jette dans le Debete, au-dessus de Lorhi. Abotsi est près du district de Kaïkauli, à l’est du lac de Palk'atsio ou Vanandi.
[50] Tsounda était une ville située dans le sandjakat actuel d'Akhal kalaki, qui faisait partie du pachalik d'Akhai tsikhé, mais qui se trouve à présent sous la domination russe. Aujourd'hui Tsounda n'est qu'un chétif village. Djavakhethi est le pays dont Akhal kalaki est le chef-lieu. Khola, appelé aussi Ghiliaverdi, et par les Turcs Geuleh, est situé sur la gauche du Kour supérieur dans le pachalik de Kars. Le nom de cette ville n'est pas turc, et par conséquent nullement identique avec Keuleh (esclave), comme on l'a dit dans le Nouveau Journal asiatique, vol. XII, p. 459.
[51] D'autres manuscrits portent Avsiani.
[52] Odzkhré est une forteresse située au nord-ouest d'Akhal tsikhé, non loin de la frontière d'Iméréthie. Atchara, nom d'un district dans les montagnes du Ghouria méridional, arrosé par la rivière Pakhwi qui se jette dans le Tchorokhi. Les dernières cartes russes placent Atchara sur la gauche du Tskhara ou Koutisi, qui passe devant Kobolethi, et se jette dans la mer Noire, près de Tsikhé dziri, sur sa droite. Samtskhé ou Samtsikhé, est la partie nord est de l'ancien pachalik d'Akhal tsikhé. Voyez ci-après.
[53] K'lardjethi était le pays situé au sud d'Akhal tsikhé et à l'ouest du Kour supérieur et d'Arthani, jusqu'à la mer Noire.
[54] L’Egrisi comprenait la partie septentrionale du Ghouria actuel, et l’Odichi ou la Mingrélie maritime.
[55] Aznaouri signifie ceux qui appartiennent ou viennent d'Azon. C'est encore aujourd'hui la dénomination des nobles géorgiens, qu'il ne faut pas confondre avec les Thavadi ou Princes.
[56] Davith appelle toujours P'harnaoz le roi P’harnavaz, quoique dans ses autres ouvrages il écrive bien ce nom. Il ajoute : « P'harnaoz fut le premier qui prit le nom de roi (mep'he). Il introduisit dans le pays une législation, sépara l'état ecclésiastique du civil, comme il convenait, et donna des marques distinctives à tous les deux. Il partagea son peuple en six classes différentes. La première comprit les eristhavi, la seconde les princes, la troisième les nobles, la quatrième les marchands, la cinquième les serviteurs du roi, des princes et des nobles, et la sixième les paysans. On dit aussi que P'harnaoz a introduit l’écriture civile appelée Mkhedrouli kheli, ou la main des Guerriers. »
Le prince royal Vakhtang nous donne d'autres détails intéressants sur P'harnavaz. Par sa mère, dit-il, il était parent de Darius Codomanus. Il fut le fondateur de la haute et basse noblesse en Géorgie, c'est-à-dire de celle des familles princières et de celle des simples nobles. Ceux des descendants de Karthlos qui avaient en fief des villes et des forteresses, avec un nombre considérable de sujets, et qui avaient rendu des services distingués à la patrie, eurent le titre de prince. Les autres nobles étaient des propriétaires puissants, qui possédaient quelque grand village ou un château fort. Sens de semblables avantages, personne ne pouvait prendre le titre de prince on de gentilhomme.
« P'harnavaz partagea la Géorgie en quatre divisions militaires, et l'armée fut toujours tenue au grand complet, de sorte qu'elle comptait jusqu'à 70.000 combattants. Il établit aussi une milice K sur le même pied, qui n'était appelée sous les armes que dans des cas extraordinaires. L'armée consistait donc en quatre corps. L'avant-garde était composée des troupes d'Akhal tsikhé. Dans la retraite elles devenaient l'arrière-garde. L'aile droite était formée d'Iméréthiens et d'Apkhaz ; l'aile gauche se composait d'habitants du K'akhethi, et dans le centre étaient placées les troupes du Karthli. Chacun des premiers corps avait son chef particulier et son drapeau. Le centre était toujours commandé par le roi en personne, et avait deux drapeaux. Après la victoire, chaque guerrier coupait la iê te de l'ennemi qu'il avait tué, et la présentait an roi en disant : « Que Dieu n'interrompe jamais tes victoires! après quoi il recevait une récompense convenable. Cette coutume s'est conservée en Géorgie jusqu'à nos jours. Les armes défensives des troupes étaient une cotte de mailles, un hausse-col, une pièce de fer pour couvrir lés reins et un Bouclier. Les armes offensives étaient la lance, la masse d'armes, l'épée, le javelot, le poignard, l'arc et les flèches. Cette armée permanente subsista en Géorgie jusqu'à la division de cette contrée en plusieurs royaumes (en 1424). Après ce partage il ne fut plus possible de réunir les fonds nécessaires pour le payement des troupes qui la composaient, de sorte qu'on les appela seulement sous le drapeau quand les circonstances l'exigèrent. Cependant les rois eurent toujours autour de leur personne une garde particulière. Celle des rois de Karthli se composait d'habitants de la vallée de l’Aragwi. Les rois de K'akhethi avaient des gardes du corps de la province de Kisiqi, et plus tard des Touchi. En Iméréthie cette garde se composait de Ratchhweli, ou habitants de Ratchha. »
[57] Davith appelle ce roi Saourbak' ; Deguignes écrit son nom Saourmag, et Güldengtädt Sourmak.
[58] Le Swanethi ou pays des Souanes, est situé au nord de l'Iméréthie, dans les hautes montagnes du versant méridional du Caucase.
[59] Chez Davith toujours Mirman.
[60] Tcharthali est une vallée escarpée sur la droite de l'Aragwi, au-dessus d'Ananouri.
K'oukhethi est l'ancien nom du pays situé entre Mtskhetha et Thianethi, et qui s'étend au sud jusque vers Lilo.
Bazalethi est un canton géorgien, situé au sud-ouest de la ville de Douchethi.
[61] Daroubal est Dairan ou Dariela, dans le défilé de Terek. C'est la Porte Caucasienne des anciens.
[62] Zadeni est actuellement un village au sud de l'ancienne forteresse de Sagouramo, située à l'est et vis-à-vis de Mtskhetha.
[63] Ville autrefois considérable, mais à présent détruite, sur un affluent de la gauche de l’Alazani, entre Gremi et Childa en K'akhethi. C’était le siège d'un évêque, qui porte le titre d’Episkoposi Nekreseli, et qui réside actuellement dans le village de Qwareli.
[64] P'harnadj régna dix-huit ans ; avec lui finit la première dynastie des rois de Géorgie, celle des P'harnavaziani.
[65] Son règne fut de douze ans.
[66] C'est une erreur ; son règne dura quinze ans.
[67] Au commencement de ce chapitre le nom de ce roi se trouve écrit Barton, mais vers la fin Bartom. Cette dernière orthographe paraît être la véritable, car on la retrouve chez Deguignes, Davith et chez d'autres auteurs géorgiens; cependant Güldenstädt écrit Barton.
[68] La durée de son règne avait été de trente-trois ans.
[69] C’est-à-dire onze ans.
[70] Thrialethî est un district de la Géorgie méridionale, situé à l'ancienne frontière du pachalik d'Akhal-tsikhé, à l'est des lacs P'haravani et Tbisk'ouri, C'est sur ses montagnes occidentales et septentrionales, que les rivières qui forment le Kzia ou Khrami prennent leur origine. Le chef-lieu de ce canton est actuellement le fort de Thsalki. Les principaux villages sont Lepeba, Rekha, Saponaoura, Patara Sakodari, Abladai, Kaklisa et Anthropia.
[71] La copie de la chronique de Vakhtang, qui m'a servi à Tiflis pour cette traduction, met l'avènement d’Archak' au trône et la mort de ce roi dans la même année, c'est-à-dire l’an du monde 3997. Ceci paraît une faute ; car, selon d'autres chroniques originales, Archak' a régné vingt ans. Ce calcul mettrait le commencement du règne d'Aderki en 3947, au lieu de 3927.
[72] Le tombeau de saint Souimon existe encore aujourd'hui dans l’Odichi, sur la droite du fleuve Sakhomis thsqali, et au nord-est de la forteresse Sakhomis-tsikhé, ou Sokhoum kalah.
[73] « On tient par tradition que le glorieux apôtre saint André prêcha la foi aux Abcas; qu'il fut en Syrie, qu'il passa en Grèce et en Épire, puis chez les Sodianes et chez les Suictiens, et que «pour certain il s'arrêta enfin chez les Abcas, qui font une partie de la Colchide. Ce qui porte davantage à le croire ainsi, c'est une ancienne église à trois nefs, bâtie dans un village de cette province, appelé Picciota, en l'honneur de ce saint, laquelle est la métropole de toute la Colchide, où chaque Catholicos, ou patriarche, va une fois en sa vie, avec tous ses évêques, et y fait la sainte huile, qu'ils appellent Mirone. Le prince y est aussi, et toute sa cour. » — Voyez Relation de la Mingrélie, par le père dom Joseph-Marie Zampi, dans les Voyages de Chardin, édit. de 1735, vol. I, p. 70. « Cette église métropolitaine est à Picciota proche des Abcas, sous le nom de Saint-André ou de Sainte-Marie. — Ibid. p. 73. Le village de Picciota. est le Pscia de la Carte de la Colchide du père Arch. Lamberti, insérée dans le premier volume du Recueil de Thevenot.
[74] Ce fait ne se trouve dans aucun autre auteur connu. Il s'agit vraisemblablement ici d’Artakes, fils du roi Archavir de Perse, auquel ses frères disputèrent le trône après la mort de leur père, mais qui y fut établi par le secours d’Abgar, roi d'Arménie, l'an 14 de J.C.
[75] Chida Karthli était non-seulement le nom de la partie de la ville de Mtskhetha située sur la gauche du Kour, et à l'ouest de l'Aragwi, mais encore celui du Karthli moyen situé au nord du Kour.
[76] Ayant régné trente ans ; Aderki était donc parvenu au trône l'an 1 de J.C.
[77] Chez Davith Bartom.
[78] Kartham avait deux fils P'harsaman et Mithridates.
[79] Iarvand est Ervand II, roi d'Arménie, qui parvint au trône après la mort de Sanatrouk. Nous voyons par l'histoire arménienne, qu'il y avait des troupes géorgiennes, commandées par le roi P'harsman, petit-fils de P'harsman I, dans l'armée qu'il opposa à Soumbat, venu de la Perse pour rétablir sur le trône Artak, fils de Sanatrouk. Cette circonstance paraît être en opposition avec les faits rapportés dans la chronique de Varkhtang.
[80] Quelques ouvrages géorgiens disent que K'aos était fils de Bartom, et P'harsaman celui de Kartham.
[81] C’est l'Artak des historiens arméniens. Ce prince était le fils de Sanatrouk et non le frère d'Ervand.
[82] Patchanak'i et Djiki étaient deux tribus Tcherkesses du bord de la mer Noire. Il ne faut pas confondre les premiers avec les Patsinakites des historiens byzantins, lesquels sont les Turcs Petchénègues des chroniques russes et les Bedjenak des auteurs orientaux. Davith dit: « La province de Patchhanghi est nommée actuellement Abaza. — Djikhethi est encore aujourd'hui la dénomination géorgienne des côtes de la mer Noire, depuis le fleuve Kapoeti jusqu'au Kouban. Le mot Djiki est le même que celui de Zykhi, par lequel les Grecs désignent les Tcherkesses.
[83] Chirak'ani est le district le plus méridional de la Géorgie actuelle vers le pays d'Erivan; il s'appelle à présent Chouragheli.
[84] Vanandi est le pays autour du lac de ce nom, appelé aussi Patk'atsio.
[85] Basiani ou Bachiani est le nom du canton montagneux de Pasïn, dans lequel l'Araxe a ses sources.
[86] K'ambetchovani est la partie la plus méridionale du K'akhethi, et le Combysene des anciens.
[87] Samtskhé ou Samtsikhé est le nom de la partie nord-est de l'ancien pachalik d'Akhal-tsikhe, entre Odzkhré et le défilé de Thasis-kari, par lequel le Kour entre en Géorgie. A ce district appartiennent les places suivantes, situées sur le Kour, en remontant de Karéli : Sami, Gvedzinethi, Samserisi et Khtsizi, qui sont des forteresses, puis Kisis-khevi, Karta, Chivilikhouri, Tangouethi, Bourbona; et de Sourami, en remontant sur la gauche du fleuve Borgoni, quatorze autres places en ruines. Puis plus haut, sur les deux rives du Kour et ses affluents, Atsqveri, Aspinze, Djecherek, Kvabllani, la ville d'Akhaltsikhé, Abartoubani et Potso. Dans la géographie attribuée à Moïse de Khorène, ce district est nommé Samtskhé.
[88] Ces montagnes, qui portent aussi le nom de Likhi, forment la chaîne transversale, qui commence au glacier de K'edela et au village de Likhethi, dans le Ratchha, et se dirige au sud vers te Kour, jusqu'à Sourami. Cette chaîne sépare le Karthli de l'Iméréthie.
[89] Abotsi était situe dans le voisinage du lac Palk'atsio, à l'est.
[90] L'histoire arménienne place l'invasion des Alan (Osi), Gkek (Lek'i.) et Géorgiens en Arménie, l'an 90 de J. C. Elle ajoute que le roi Artakes, ayant rassemblé une armée considérable, les attaqua et les défit dans une bataille sanglante, dans laquelle le fils du roi des Alan fut fait prisonnier. Cette guerre finit par le mariage d'Artakes avec Sathinik, sœur du prince alan, qui avait été pris sur le champ de bataille.
[91] Mthioulethi, ou le pays des montagnes, est le nom de la partie du Karthli située dans les montagnes calcaires du versant méridional du Caucase, entre la droite de l'Aragwi et la gauche du Ksani ; au sud, ce pays s'étend jusque vers Doucheti ; il est habité par des Géorgiens et par des Osi.