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ŒUVRES D'AUSONE

 

texte numérisé et mis en page par François-Dominique FOURNIER

 

NOTICE SUR AUSONE ET SES ÉCRITS

 

Table des matières         préfaces  

 


 

NOTICE SUR AUSONE ET SES ÉCRITS

TOUTE la vie d'Ausone est dans ses écrits. Au temps d'Ausone, la poésie était morte[i] : toutes les sources des grandes et belles inspirations de la verve païenne étaient taries. Homme d'esprit et versificateur habile, Ausone se servit de sa muse au profit de son ambition. Il parvint, grâce à elle, aux premières dignités de l'État, et après avoir assuré ainsi sa fortune présente, il voulut assurer sa renommée à venir. Il chanta sa gloire, ses honneurs, ses richesses ; il se proposa hardiment comme un modèle à son fils et à son petit-fils[ii] ; il réveilla les mânes de son aïeul, de son père, de ses professeurs, de ses amis, pour leur apprendre qu'il avait été consul[iii] ; il fit redire à l'hexamètre jusqu'à la date de son consulat[iv] ; prêt à rendre l'âme, prope conclamatus[v], il balbutiait encore en mauvais vers à l'oreille de Syagrius, son ami, un orgueilleux résumé de sa vie entière[vi]. Grâce aux indiscrétions de cette vanité déjà gasconne, nous possédons de curieux documents sur ce poète, sur ses travaux, sur ses actes ; et c'est à l'aide des secours qu'il fournit lui-même, et qu'il fournit seul, que nous allons essayer de recomposer son histoire.

En 267, au temps où les lieutenants de Gallien, dans les Gaules, se disputaient un pouvoir usurpé ; où, débarrassé, par la mort de Postumus et de Lollianus, d'un chef et d'un rival, Victorinus demeura seul maître de l'empire, un vieux Gaulois, Argicius[vii], d'une famille noble et riche du pays des Ædui[viii], forcé de fuir la proscription, se réfugia avec son fils, Cécilius Argicius Arborius, au midi de la Gaule, dans une ville de l'Aquitaine nommée Aquœ-Tarbellœ ou Tarbellicœ[ix]. Ils ne restèrent pas longtemps seuls et sans famille dans ce pays inconnu. Cécilius épousa une pauvre fille, Émilia Corinthia, qu'on avait surnommée la Maure, à cause de la noirceur de son teint basané. A force de travail et d'économie, les deux époux amassèrent bientôt une modeste aisance, due surtout à Cécilius, qui se livrait en secret et avec profit à l'étude des mathématiques et de l'astrologie[x]. Ils eurent quatre enfants : un fils, Émilius Magnus Arborius, et trois filles, Emilia Hilaria, Émilia Dryadia, et Émilia Éonia. Émilius Magnus Arborius se maria de bonne heure à une fille noble et riche de Toulouse, où il professa quelque temps la rhétorique ; il plaida ensuite avec éclat dans la Narbonnaise, la Novempopulanie et l'Espagne ; puis il passa à Constantinople, où, après avoir donné des leçons à un César, un des fils de Constantin sans doute, il mourut dans l'opulence, à l'âge de trente ans[xi]. Émilia Hilaria, ou plutôt Hilarius, car c'est le nom que par plaisanterie on lui avait donné au berceau à cause de sa pétulance et de sa vivacité un peu mâles, garda son naturel et ses goûts virils toute sa vie : vouée à une virginité perpétuelle, elle s'adonna à l'exercice de la médecine, et mourut à soixante-trois ans[xii]. Émilia Dryadia mourut jeune, au moment de se marier[xiii]. Émilia Éonia épousa Julius Ausonius, jeune médecin, né à Vasates (Bazas), et qui était venu s'établir à Bordeaux, où il ne tarda pas à se faire une brillante réputation par la noblesse de son caractère et ses vastes et solides connaissances[xiv]. C'était un homme d'un très grand mérite et d'une rare vertu, et, « s'il était semblable, comme dit Bayle[xv], au portrait que son fils en a laissé, c'était un reste du siècle d'or. » Il était le premier médecin de son temps[xvi] : content d'un modique revenu, il ne profita ni de son savoir dans l'art de la médecine, ni de la considération que ses lumières lui avaient acquise, pour s'enrichir ou s'élever. Il donnait gratuitement ses soins aux malades, et n'accepta que de nom seulement les fonctions de curiale et de préfet qu'on lui imposa dans la suite[xvii]. La principale étude, la seule ambition de toute sa vie, fut l'application constante à chacune de ses actions des préceptes de la philosophie. Ses prophètes, à lui, étaient les sept Sages de la Grèce[xviii] ; et c'est un spectacle curieux, au milieu de ce quatrième siècle, où retentissaient partout les prédications de l'Évangile, que de voir ce païen stoïque[xix], fidèle à ses vieilles croyances, sans peut-être fermer tout à fait l'oreille aux leçons nouvelles de la morale chrétienne, écouter encore la voix de la sagesse antique. Éonia était en tout digne de lui ; elle avait toutes les vertus d'une chaste épouse et toutes les qualités d'une bonne mère[xx] ; et pendant quarante-cinq ans que dura leur union, rien n'en troubla jamais la concorde et la foi[xxi]. Quatre enfants sortirent de ce mariage : Émilia Melania, qui mourut âgée d'un an[xxii] ; Ausone, le poète ; Julia Dryadia, qui vécut soixante ans : elle avait épousé un sénateur de Bordeaux, Pomponius Maximus, qui la laissa veuve de bonne heure[xxiii] ; et enfin Avitianus, qui étudiait la médecine, et promettait de marcher dignement sur les traces de son père, quand la mort le surprit à la fleur de l'âge[xxiv].

D. MAGNUS AUSINIUS[xxv] naquit à Bordeaux vers l'an 309[xxvi] quelque temps avant la mort de sa jeune sœur Émilia Melania[xxvii], premier enfant de Julius. La famille reporta toute son affection sur le nouveau-né, et l'entoura de soins et d'amour. Corinthia la Maure, son aïeule, dirigea ses premiers pas avec une sévérité mêlée de douceur[xxviii]. Sa tante Hilarius, docteur mûri par l'expérience, lui donnait de sages conseils[xxix], et sa jeune tante Dryadia, qui espérait un mari, essayait sur ce jeune neveu son apprentissage de mère[xxx]. Son aïeul Cécilius, l'astrologue, voulut tirer son horoscope ; mais, à cause des lois sévères prononcées contre ces opérations divinatoires, il le tint caché, et ce fut la mère d'Ausone qui parvint à découvrir ce secret dans la suite[xxxi]. Bon vieillard ! qui allait lire dans les astres ce que tout le monde pouvait lire dans Juvénal ; car il paraît que l'étoile avait promis une destinée brillante, et qu'elle était d'accord avec ces vers du satirique :

Si fortuna volet . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . .fies de rhetore consul[xxxii] ;
prédiction qui s'accomplit à la lettre.

Arborius, oncle d'Ausone, et qui sans doute connaissait son Juvénal, se chargea de l'éducation de cet enfant. C'était alors le bon temps pour les rhéteurs. Arborius, qui venait d'entrer avec succès et avec éclat dans la carrière, voulut y lancer aussi son neveu. Charmé de ses dispositions naturelles et de sa précoce intelligence[xxxiii], il le confia, sous sa direction, aux plus célèbres professeurs de Bordeaux. Le grammairien Macrinus lui apprit les premiers éléments de la langue latine[xxxiv], et les grammairiens grecs Corinthius et Sperchius furent choisis pour lui enseigner le langage de leurs muses attiques[xxxv] ; mais ce langage eut pour lui peu d'attraits et le rebuta bientôt, quoique son père parlât le grec avec plus de facilité que la langue latine[xxxvi]. De l'étude de la grammaire, il passa à celle de l'éloquence. Il suivit les leçons du rhéteur Luciolus, qui avait été son condisciple[xxxvii] ; de Staphylius, autre rhéteur, né à Ausci (Auch), qui eut pour lui la tendresse d'un père[xxxviii] ; celles enfin de l'orateur Tiberius Victor Minervius, le Démosthène et le Quintilien de l'époque[xxxix]. Il fit de rapides progrès sous ces illustres maîtres. Arborius, qui était allé enseigner la rhétorique à Toulouse, l'appela enfin près de lui, et Ausone acheva dans cette ville, à l'école et sous les yeux de son oncle, le cours de cette riche et brillante éducation.

Une belle carrière s'ouvrait devant le jeune élève d'Arborius. La plupart des rhéteurs étaient alors avocats, historiens et poètes. Encouragé par les éloges de son oncle qui l'appelait avec complaisance l'espoir et l'orgueil de sa famille[xl], Ausone voulut atteindre à toutes ces gloires. Il essaya de plaider devant les tribunaux[xli] ; mais, soit que son éloquence novice encore n'ait pas eu tout le succès qu'il avait rêvé, soit que l'honneur de porter la férule, ce sceptre de l'école, comme il l'appelle après Martial3[xlii], le flattât davantage, il négligea le forum, et se fit professeur. Il vint à Bordeaux enseigner la grammaire, et il surpassa bientôt à ce métier tous ses collègues[xliii], dont plusieurs, tels que Leontius et Jucundus[xliv], avaient été les compagnons de ses études.

C'est probablement à cette époque qu'il se maria. Sa femme, Attusia Lucana Sabina, était d'une des plus nobles et des plus anciennes familles de Bordeaux[xlv]. Elle était fille du sénateur Attusius Lucanus Talisius, homme grave, ami de la retraite et de la vie des champs[xlvi], qu'une certaine conformité de penchants et d'humeurs avait sans doute rapproché de Julius Ausonius. Talisius avait depuis longtemps destiné sa fille à Ausone ; mais il mourut avant leur mariage[xlvii]. Sabina, que distinguait sa beauté non moins que sa noblesse, fut enlevée à son mari à vingt-huit ans[xlviii]. Ausone resta veuf toute sa vie. Il avait eu trois enfants ; mais le premier, nommé comme lui Ausonius, était mort tout jeune pendant leur mariage[xlix]. Les deux autres survécurent à Sabina ; c'étaient : Hesperius, qui parvint, comme nous le verrons, aux premières dignités de l'empire ; et une fille qu'Ausone ne nomme pas, quoiqu'il en parle plusieurs fois. Elle épousa en premières noces Val. Latinus Euronius, ou plutôt Euromius, issu d'une antique noblesse, et qui mourut jeune après avoir été préfet d'Illyrie[l], et en secondes noces, Thalassius, qui fut proconsul d'Afrique[li].

Les mérites et les succès de ses leçons de grammairien l'appelèrent rapidement aux fonctions de rhéteur. Il professa ainsi trente ans[lii], et il forma sans doute plus d'un brillant élève. « Ausone, disent les Bénédictins[liii], ne fut pas moins heureux en disciples qu'en enfants. » Cependant deux de ces disciples lui causèrent de vifs chagrins : l'un, Pomponius Maximus Herculanus, fils de sa sœur, doué d'un rare assemblage de qualités éminentes, mourut de débauche dans sa jeunesse[liv], au moment de succéder à Ausone dans sa chaire de grammairien. L'autre, Pontius Meropius Paulinus, fils d'un ami de son père, et qui fut depuis saint Paulin, l'abandonna dans sa vieillesse pour renoncer au monde et se convertir. Ausone ne s'en consola jamais[lv].

Il en est un troisième, le plus illustre de tous, qui sut rester en même temps fidèle à l'Église et à son vieux maître. L'empereur Valentinien I-, qui avait associé déjà son frère Valens à l'empire, voulut aussi assurer la couronne à Gratien, son fils. Il le déclara Auguste à Amiens en 367. Gratien avait huit ans. Les empereurs alors commençaient de bonne heure et finissaient de môme : leur éducation devait donc se faire vite et bien. Parmi les professeurs renommés des écoles gauloises, Ausone tenait le premier rang. Ses talents, son savoir, son expérience et sa célébrité, tout le désignait au choix de l'empereur. Valentinien l'appela donc à la cour, qui était à Trèves, et le chargea de l'éducation littéraire du jeune Auguste. Un tel choix, une telle préférence étaient bien faits pour flatter l'amour-propre du rhéteur, devenu tout à coup le précepteur d'un prince, comme Sénèque, Fronton, Titianus et Lactance, comme Arborius son oncle, son maître et son modèle. Aussi, de ce moment, grâce à cette faveur, sa fortune va prendre une face nouvelle, et sa muse, jusque-là pédante et routinière, trouvera de temps à autre, dans les inspirations de la vanité et de l'ambition, plus d'originalité, de verve et d'éclat.

Ausone arrive à la cour : la cour est chrétienne ; Ausone sera chrétien. La Pâque était proche : Ausone chante la Pâque, et fait sa profession de foi. Mais cette foi n'est point aveugle en sa ferveur ; il laisse aux prêtres le jeûne et les dévotes pratiques, il renferme son culte dans son cœur : Ausone connaît l'esprit de Valentinien, chrétien tolérant, modéré, d'une foi insouciante et circonspecte[lvi]. Puis, par une adroite flatterie, après avoir expliqué le mystère d'un seul Dieu en trois personnes, il compare tout naturellement les trois empereurs, Valentinien, Valens et Gratien, au Père, au Fils et au Saint-Esprit : ils sont pour lui et ils doivent être pour tous l'image de la Trinité sur la terre[lvii]. On ne pouvait être à la fois plus courtisan et plus orthodoxe. Trois mois après, Valentinien part avec son armée contre les Alemanni, emmenant Gratien et son professeur. Les Alemanni sont vaincus, et Valentinien revient à Trèves, où il rentre avec son fils en triomphateur. Ausone célèbre à grand bruit cette victoire[lviii], et celle que Valens, en 369, remportait en Orient sur les Goths. Sa verve est inépuisable. Il chante le Danube, il chante Trèves, il chante la Moselle, il chante Bissula, jeune Suève captive, qu'il avait reçue pour sa part de butin dans cette guerre, et qui fit les délices de son maître[lix]. Charmé par sa belle humeur, Valentinien, qui, malgré sa froide gravité, se divertissait quelquefois à la poésie, lui propose un défi littéraire[lx] : Ausone accepte, et, comprenant tout l'embarras de sa position, s'arrange habilement de manière à n'être ni vainqueur ni vaincu. Il réussit : toutes les faveurs de la cour lui sont acquises. Il est nommé comte, et honoré des différentes distinctions attachées à ce titre[lxi] : quelque temps après, il est élevé à la questure. Son crédit, ses dignités, lui attirent l'amitié des personnages les plus considérables du palais et de l'empire, de Symmaque, entre autres[lxii], et de Sext. Anicius Petronius Probus, qui lui demanda des conseils et des livres pour l'éducation de ses fils[lxiii]. De son côté, il use noblement de son pouvoir. Un pauvre grammairien de Trèves, Ursulus, avait été oublié aux calendes de janvier, dans les largesses de l'empereur. Le questeur Ausone sollicite et obtient les étrennes désirées, et envoie à son collègue en grammaire six pièces d'or avec une trentaine de méchants vers que le malheureux dut trouver admirables[lxiv].

Ausone achevait à peine l'éducation de Gratien, quand Valentinien mourut, le 17 novembre 375. Cet événement devait accroître encore la fortune du poète. Gratien, en l'absence de Valens, son oncle, toujours occupé à combattre en Orient, et du jeune Valentinien II, son frère, que l'armée venait de proclamer Auguste, s'empressa de profiter de la puissance remise tout entière entre ses mains, pour entourer de ses bienfaits son maître et toute la famille de son maître. Probus était alors préfet d'Afrique, d'Illyrie et d'Italie : cinq mois après, Ausone le remplace dans la préfecture d'Afrique et d'Italie : le titre de préfet d'Illyrie est donné au vieux Julius Ausonius[lxv], qui meurt un an ou deux après, âgé d'environ quatre-vingt-dix ans. Hesperius est nommé vicaire des préfets en Macédoine, puis presque aussitôt proconsul d'Afrique, et remplacé dans cette dernière charge, l'année suivante, en 377, par Thalassius, son beau-frère[lxvi]. En 378, Ausone quitte la préfecture d'Italie pour prendre, avec Hesperius, la préfecture des Gaules[lxvii]. Mais tant de faveurs ne suffisaient pas encore à l'ambition d'Ausone. Depuis longtemps une dignité plus haute, la première dignité de l'empire, lui avait été promise, et par Valentinien et par son fils[lxviii] : le rhéteur aspirait au consulat. Parfois, dans cette longue attente d'un honneur si désiré, la crainte qu'il ne lui échappât, peut-être aussi le regret de sa ville et de ses paisibles études, lui avait inspiré l'ennui et le dégoût des emplois publics[lxix]. Mais enfin il allait atteindre au but de tous ses vœux. Il y avait un an qu'il était, avec Hesperius, préfet des Gaules : Gratien était à Sirmium, où il voulait passer l'hiver après la défaite et la mort de Valens, au secours duquel il était arrivé trop tard. Malgré les soins et les malheurs de cette guerre, Gratien n'a pas oublié son vieux précepteur. Les calendes de janvier approchaient : c'était le moment de créer les consuls pour l'année 379[lxx]. L'empereur chrétien demande conseil à Dieu, et nomme au consulat Ausone et Q. Clodius Hermogenianus Olybrius. Ausone, comme préfet, fut déclaré premier consul. Lejeune Auguste fait plus encore ; il choisit lui-même la trabée consulaire qu'il lui destine : c'est une toge où se trouvait brodé le portrait ou le nom de Constance, beau-père de Gratien ; et il la lui envoie avec une lettre flatteuse qui lui apprend sa nomination[lxxi]. A cette nouvelle, Ausone ne se sent pas de joie ; sa muse se réveille ; il fait une prière la veille des calendes, il en fait une autre le lendemain, non pas une prière chrétienne, comme autrefois pour célébrer la Pâque, mais une prière à Janus, aux saisons, aux planètes, au soleil, pour obtenir de leur influence une heureuse et abondante année[lxxii], une vraie prière d'astrologue, en mémoire sans doute de son grand-père et de son horoscope. Je ne sais si les astres exaucèrent ses vœux, et si l'année eut de beaux jours et des récoltes fertiles ; mais ce qui est certain, c'est qu'elle fut marquée par deux événements considérables dans l'histoire, l'élévation de Théodose, déclaré Auguste et associé à l'empire, et la première apparition en Occident des Lombards, « que Dieu, dit Tillemont[lxxiii], destinait pour punir les péchés des Romains deux cents ans après. » Gratien n'avait pu assister à l'entrée en fonctions des nouveaux consuls ; mais il revint exprès à Trèves pour honorer de sa présence la solennité de leur sortie[lxxiv]. C'est à cette occasion que le rhéteur, devenu consul, prononça devant le prince un discours d'actions de grâces pour le remercier, et du consulat, et de toutes les dignités, de toutes les largesses qu'il devait à sa bonté reconnaissante.

Mais sa fortune s'arrêta là. Trois ans après, Gratien, qui avait perdu la confiance de son armée et du monde romain[lxxv], tombait à Lyon sous les coups de Maxime, et, malgré les faveurs et les bienfaits de Théodose, Ausone ne tarda pas à quitter Trèves et la cour, et s'en revint en Aquitaine retrouver ses amis, ses élèves, ses champs et sa ville, le nid de sa vieillesse[lxxvi]. Il était riche, il possédait plusieurs belles terres aux environs de Bordeaux et de Saintes, entre autres Lucaniacus[lxxvii] et le Pagus Noverus[lxxviii]. C'est là qu'il passa dans le repos et les loisirs des muses ses dernières années, allant d'une villa à l'autre, invitant ses amis, Axius Paulus, Théon, Tetradius, Paulinus ; leur envoyant et leur demandant des vers[lxxix] ; c'est de là qu'il surveillait l'éducation du jeune Ausonius, son petit-fils, enfant de sa fille et de Thalassius, lui adressant des conseils sur ses études futures, et lui souhaitant une destinée semblable à la sienne[lxxx] ; c'est là qu'il chanta les villes célèbres ; là que, reprenant les habitudes de la poésie païenne, et oubliant son christianisme de cour et le Dieu chrétien qui n'avait point sauvé son bienfaiteur, il composait, suivant les rites idolâtres de la vieille Rome, les éloges funèbres de ses parents et de ses professeurs[lxxxi] ; c'est là enfin qu'il écrivait à Paulinus, son élève chéri, pour le détourner de la dévotion et de la solitude, et qu'il mourut[lxxxii] avec la douleur de n'avoir pu le ramener au culte de let muse, de la famille et de l'amitié[lxxxiii].

Ausone s'était servi de son crédit pour attirer sur presque tous les membres de sa nombreuse famille les faveurs impériales. Fl. Sanctus, mari de Pudentilla, sœur de sa femme, avait été gouverneur en Bretagne[lxxxiv]. Paulinus, gendre de sa sœur Julia Dryadia, avait été scriniarius, puis procurateur du fisc en Afrique, et correcteur de la Tarragonaise[lxxxv]. Un gendre de ce Paulinus et de Megentira sa femme, eut aussi un emploi public[lxxxvi], et on croit qu'Arborius, frère de Megentira, et mari de Veria Liceria, dont Ausone a chanté les vertus[lxxxvii], est le même que celui qui fut préfet de Rome en 380[lxxxviii]. Thalassius, après avoir été proconsul en 378, obtint encore quelque autre dignité depuis le consulat d'Ausone[lxxxix] : le jeune Ausonius,. dont le poète, en ses dernières années, vit fleurir l'adolescence[xc], fut sans doute ce sénateur, fils de Thalassius, dont parle Symmaque, qui paraît lui avoir rendu un important service dans le sénat[xci]. Hesperius conserva la préfecture des Gaules jusqu'en 380 ; en 384, il fut envoyé par Valentinien II de Trèves à Rome[xcii] pour examiner les plaintes portées contre Symmaque, alors préfet de cette ville[xciii], qui le qualifie de vir clarissimus et iliustris, comes Hesperius : il mourut vers 406. Avec lui pourtant ne s'éteignit pas toute la postérité d'Ausone. Il avait eu trois enfants : le plus jeune, Pastor, avait été tué par accident dans son enfance[xciv]. Des deux autres ; un seul, Paulinus, survécut dans l'histoire, et celui-là devait expier cruellement la fortune rapide et la gloire de sa famille[xcv]. Il était né en 376 à Pella, en Macédoine. Elevé dans le luxe et les plaisirs, à trente ans il perdit son père, et il s'occupait à défendre sa mère contre les prétentions de son frère qui voulait faire casser le testament d'Hesperius, et la dépouiller de ses biens, quand les barbares envahirent la Gaule. Paulinus s'attache à Attale, qui le nomme comte des largesses privées, largesses imaginaires ; mais les Goths pillent Bordeaux et la maison du comte, qui se sauve à Bazas. Les Goths et les Alains assiégent Bazas, d'où Paulinus s'échappe encore. Il perd successivement sa belle-mère, sa mère, sa femme et deux fils : il se réfugie à Marseille, où il avait une maison ; il s'y établit, prend à ferme des terres, les cultive, relève un instant sa fortune, presque aussitôt renversée encore. Pauvre, isolé, accablé de dettes, de chagrins et d'années, il ne sait que devenir. Un champ lui reste encore, et ce champ, un Goth le convoite ; mais, au lieu de s'en emparer, il le paye, et le prix qu'il en donne, bien qu'inférieur à la valeur du champ, suffit pour rendre l'aisance à Paulinus, et soutenir ses vieux,jours, qu'il achève, à quatre-vingt-quatre ans, dans la contrition et la prière. Ainsi la famille d'Ausone, qui avait commencé par un astrologue, finit par un pénitent[xcvi].

Les œuvres d'Ausone ont beaucoup occupé la critique, et ont été bien diversement jugées[xcvii]. Entre tant d'opinions contradictoires, je choisirai celle de Bayle, qui me parait la plus juste et la plus vraie : « Il y a une extrême inégalité entre ses ouvrages, soit que ses muses fussent un peu trop journalières, soit que 1'on ait inséré dans ses poésies quelques pièces qu'il n'avait fait qu'ébaucher, soit que des raisons particulières l'aient obligé à laisser courir des vers qu'il n'avait pas eu le temps de polir. Généralement parlant, il y a des duretés dans ses manières et dans son style ; mais c'était plutôt le défaut du siècle que celui de son esprit. Les fins connaisseurs devinent sans peine, que, s'il avait vécu au temps d'Auguste, ses vers eussent égalé les plus achevés de ce temps-là, tant il paraît de délicatesse et de génie dans plusieurs de ses écrits[xcviii]. » Depuis Bayle, plusieurs travaux remarquables ont été faits sur Ausone, par les Bénédictins dans l'Histoire littéraire de la France[xcix] ; par Chr. G. Heyne, professeur d'éloquence et de poésie à l'université de Gœttingue, dans ses Opuscula Academica[c] ; par M. J.-J. Ampère, dans son Histoire littéraire[ci] et enfin par M. J.-C. Demogeot, dans ses Études historiques et littéraires sur Ausone, où, considérant Ausone sous un double aspect, 1° comme monument historique, 2° comme homme et comme écrivain, il a donné un aperçu rapide, mais complet, du monde romain à cette époque, en même temps qu'une appréciation impartiale et judicieuse du caractère et des écrits du poète[cii].

On compte plus de soixante éditions, partielles ou complètes, des œuvres d'Ausone[ciii]. Les principales sont l'édition princeps de Venise, 1472, in-f° ; celle de Lyon, 1575, avec les notes de Scaliger ; de Bordeaux, 1580, avec les notes de Vinet ; d'Amsterdam, 1671, avec les notes de Tollius et de tous les commentateurs qui l'ont précédé. Au commencement du dix-huitième siècle, l'abbé Fleury, chanoine de Chartres, qui avait déjà donné en 1688 une édition d'Apulée avec un commentaire et une interprétation latine ad usum Delphini, entreprit le même travail sur Ausone ; mais il mourut en 1725, avant de l'avoir achevé. L'abbé J.-B. Souchay, de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, compléta et revit le travail de Fleury, ajouta quelques notes nouvelles de sa façon, et plusieurs observations de Martin Desposius de Bordeaux, qu'il avait trouvées manuscrites à la suite d'un Ausone à la Bibliothèque Royale, et fit paraître le tout en 1730, à Paris, en un volume in-4°. C'est, sans contredit, malgré ses défauts, la meilleure édition d'Ausone[civ]. Elle a été suivie, en 1785, par les éditeurs de l'Ausone des Deux-Ponts. Enfin, en 1769, l'abbé Jaubert, de l'Académie royale des belles-lettres, sciences et arts de Bordeaux, a donné à Paris, en quatre volumes in-12, une édition d'Ausone avec une traduction française, la seule qui ait encore paru. Cette traduction a été longtemps, dit-on, assez estimée[cv] : elle a pu l'être des bibliophiles, à cause de sa rareté ; mais les critiques qui l'ont lut, en ont jugé autrement[cvi].

Nous avons profité de ces divers travaux, et librement usé des secours qu'ils nous présentaient. Nous avons revu le texte avec le plus grand soin sur les meilleures éditions ; nous avons rétabli quelques pièces que les premiers éditeurs avaient trouvées sous le nom d'Ausone dans les manuscrits, et que Tollius et Fleury avaient arbitrairement rejetées ; dans un Appendice, à la fin de chaque volume, nous avons réuni tous les documents relatifs à l'histoire politique ou littéraire du siècle d'Ausone, les édits des empereurs, les œuvres, assez rares, qui nous restent de ses contemporains, de ses amis, les lettres de Symmaque et de saint Paulin ; enfin, peu rassuré sur le mérite de notre traduction, car de ce coté nous étions livré à nos propres forces, nous n'avons rien négligé pour donner au moins une édition correcte et complète d'un écrivain estimé que nous avons pu souvent mal comprendre et mal traduire.

 

E.-F. CORPET — Avril 1842.

Table des matières         préfaces  

 


[i] « Où était l'enthousiasme au temps d'Ausone ? qu'avait-on à dire et que chanter ? » (M. J.-J. AMPÈRE, Histoire littéraire de la France avant le XIIe siècle, t. I, p. 258.) — Un homme d'esprit et de savoir, M. J.-C. Demogeot, dans ses Études historiques et littéraires sur Ausone (*) (p. 43 et suiv. ), a parfaitement indiqué les causes qui rendaient la poésie impossible au IVe siècle. Je reviendrai plus d'une fois, dans cette Notice et dans les notes de cette traduction, à ces Études, qui se recommandent par un choix éclairé de fines observations, de rapprochements ingénieux et de curieuses et profondes recherches.

(*) Bordeaux, Lanefranque, 1837. Brochure de 72 pages in-8°.

[ii] Epigr. quatuor de Fast., I, 9 ; Edyll., IV, 93.

[iii] Parental. et Profess. passim.

[iv] Épigr. quatuor de Fast., II, III et IV.

[v] Edyll., v. 15.

[vi] Prœfat., II.

[vii] Profess., XVI, 6.

[viii] Parent., IV, 3 et sq.

[ix] Prœfat., II, 6.

[x] « La profession d'astrologue, de devin on de sorcier était si productive, qu'une foule de personnes instruites et dignes d'une meilleure vie l’embrassaient avec confiance ; aussi n'existait-il pas un bourg, pas un village qui n'eût son devin. » (M. A. BEUGNOT, Histoire de la destruction du paganisme en Occident, t. I, p. 243.)

[xi] Parent., IV, et Profess., XVI. — Les Bénédictins (Histoire littéraire de la France, t. I, 2e partie, p. 97 et 98) le font naître vers 270, et mourir vers 335 ; il aurait ainsi vécu soixante à soixante-cinq ans. Ausone dit clairement (Parent., IV, 25) qu'il mourut à trente ans : Amissum flesti post trina decennia nutum.

[xii] Parent., VI.

[xiii] Parent., XXV.

[xiv] Il est à remarquer qu'Ausone ne dit rien de l'origine de Julius Ausonius son père ; c'est que sans doute la famille de Julius n'était recommandable ni par son opulence, ni par la noblesse de son rang, ni peut-être même par la noblesse de ses mœurs et de sa conduite. Il est permis de le supposer, du moins, en lisant les souvenirs que le poète a consacrés a la mémoire de ses oncles et de ses tantes paternels. Cl. Contentus courait le monde en faisant le négoce, et mourut jeune encore en Bretagne, où il avait amassé de grands biens par son trafic. Julius Calippio vécut fort vieux, et fort gueux, à ce qu'il paraît, c'était un mangeur (Parent., VII). Ausone regrette beaucoup l'héritage du premier, qu'il ne put recueillir, et la voracité du second qui ne lui laissa rien. Il aimait mieux sa tante Julia Cataphronia, vieille fille avare, qui lui légua le peu qu'elle possédait (Parent., XXVI). Bayle (Dictionnaire historique, art. Ausone, note (D) et note (F)) et les Bénédictins (Hist. littér., t. I, part. II, p. 216) ont fait de cette Cataphronia une religieuse : Ausone dit seulement qu'elle avait fait vœu de virginité : ce qui ne prouve même pas qu'elle fût chrétienne. Quant à Julia Veneria, son autre tante, il est certain que ce n'était pas une sainte : son nom, celui qu'elle donna à sa fille, Julia Idalia, qui, selon le poète, était une petite Vénus (Parent., XXVII et XVIII) enfin sa mort prématurée, tout laisse à penser qu'elle mena, comme son frère Calippio, bonne et joyeuse vie.

[xv] Diction. Hist., art. Ausone, note (A).

[xvi] A en croire Scaliger et les Bénédictins, il aurait été le médecin de l’empereur Valentinien Ier ; mais aucun texte d'Ausone ne confirme cette supposition.

[xvii] Edyll., II, 5, II, 52.

[xviii] Parent., I, 11.

[xix] Les auteurs de l'Histoire littéraire prétendent qu'il était chrétien, mais cela sans aucun fondement : Ausone, qui note avec une complaisance toute filiale chacune des vertus de son père, n'aurait pas oublié sa qualité de chrétien, et il n'en dit pas un mot.

[xx] Parent., II.

[xxi] Edyll., II, 37.

[xxii] Parent., XXIX.

[xxiii] Parent., XII.

[xxiv] Parent., XIII.

[xxv] Nous laissons à Ausone les deux prénoms D. (Decius ou Decimus) MAGNUS, que lui donnent ses derniers éditeurs, d'après un manuscrit de Tilius, bien qu'on ne trouve dans ses œuvres, ainsi que dans Symmaque et Sidoine Apollinaire, et dans un manuscrit de Lyon beaucoup plus ancien que celui de Tilius (Souchay, Dissert. de vita et script. Ausonii, p. xj, en tête de l’édition d'Ausone ad usum Delphini), que le nom d'Ausonius. D'après les auteurs de l'Histoire littéraire (T. I, 2e part., p. 281), le prénom de Decius ou Decimus ne lui sera venu que de l'erreur de ceux qui, le prenant pour S. Ausone, premier évêque d'Angoulême, comme Trithème (Script. eccl., c. 114), l'auront cité avec un D. majuscule, ce qui ne signifiait que Divus. Quant au prénom de Magnus, on pense (Souchay, ibid., p. xij)  qu'il a pu lui venir de son oncle Émilius Magnus Arborius. Ses premiers éditeurs lui ont donné le surnom de Pæonius, formé du nom de Pœon, médecin des dieux dans l'Iliade, parce qu'ils le confondaient avec Julius Ausonius son père.

[xxvi] D'après les calculs des auteurs de l'Histoire littéraire. — Bordeaux a voulu conserver dans ses murs un souvenir de son poète : une rue de cette ville porte son nom.

[xxvii] Vix nota mihi soror, dit Ausone, Parent., XXIX, I.

[xxviii] Parent., V, 9.

[xxix] Parent., VI, 11.

[xxx] Parent., XXV, 9.

[xxxi] Parent., IV, 19 et suiv.

[xxxii] Juvénal, Sat. VII, 197 ; ou, comme a dit Boileau (Sat. I, 63), avec un léger changement nécessaire en son temps comme au nôtre :
. . . . . . . . . .Le sort burlesque, en ce siècle de fer,
D'un pédant, quand il veut, sait faire un due et pair.

Un rhéteur cité par Pline le Jeune (IV, 11), et son contemporain, Val. Licinianus, a dit à peu prés comme Juvénal : Quos tibi, fortuna, ludos facis ! facis enim ex professoribus senatores, etc.

[xxxiii] Parent., III, 19.

[xxxiv] Profess., X, 15.

[xxxv] Profess., VIII, 10.

[xxxvi] Edyll., II, 9 et 10. Ausone a cependant écrit en grec. Voir Épigr., XXVIII, XXIX, XXXI, XXXII, XL, LXXXVIII ; Épist., XII, XIII et XIV.

[xxxvii] Profess., III, 1.

[xxxviii] Profess., XX, 15.

[xxxix] Profess., I, 11 et 12.

[xl] Parent., III, 21.

[xli] Prœfat., II, 17.

[xlii] Edyll., IV, 29 ; MARTIAL, lib. X, épigr. LXII, 10.

[xliii] Prœfat., II, 21.

[xliv] Profess., VII, 13 ; IX, 3.

[xlv] Parent., IX, 5.

[xlvi] Parent., VIII, 7.

[xlvii] Ibid., 11 et 12.

[xlviii] Parent., IX, 23 et suiv.

[xlix] Parent., X.

[l] Parent., XIV.

[li] SYMMAQUE, liv. I, lett. 25 (Voir l'Appendice du t. II, p. 486). Vinet et Scaliger ne font qu'un même personnage d'Euromius et de Thalassius, et ne donnent qu'un gendre à Ausone. Tillemont, le premier, a prouvé qu'il en avait eu deux. Voir la note I de la pièce XIV des Parentales.

[lii] Prœfat., II, 23, — M. J. J. Ampère (Hist. littér., t. I, p. 235) dit qu'il faut placer pendant cet intervalle la composition des tours de force, des jeux d'esprit, des épitaphes des héros d’Homère. Mais tous ces écrits sont d'une date bien postérieure : M. Ampère pourra s'en convaincre en lisant les préfaces et les épîtres qui les précèdent.

[liii] Histoire littéraire, t. I, 2e partie, p. 282.

[liv] Parent., XVII, et Profess., XI.

[lv] Épist., XXIII, XXIV, XXV.

[lvi] Ammien Marcellin, l. XXX, c. 9, dit de Valentinien : Hoc moderaminc principatus inclaruit, quod inter religionam diversitates medius stetit.

[lvii] Edyll., I.

[lviii] Épigr., III, IV ; Edyll., X.

[lix] Edyll., VII : Delicium, blanditiæ, ludus, amor, voluptas.

Cette passion d'Ausone pour sa jeune affranchie aurait de quoi surprendre ; car il était âgé déjà, et, quelques années après, il se vantait d'avoir, pendant trente-six ans, pleuré sa femme, et de lui garder encore une respectueuse fidélité. Mais Bissula n'était qu'une enfant, qui amusait le poète par ses espiègleries, son babil et sa gentillesse ; et rien de plus.

[lx] Edyll., XIII.

[lxi] Præfat., II, 35 ; et Grat. act. pro consul.

[lxii] Epist., XVII.

[lxiii] Epist., XVI.

[lxiv] Epist., XVIII.

[lxv] Edyll., II, 52.

[lxvi] TILLEMONT, Hist. des Empereurs, t. V, p. 148-149, 710, 712 ; SOUCHAY, Dissert. de vita et script. Ausonii, p. xvj.

[lxvii] TILLEMONT, ibid. ; AUSONE, Edyll., II, 45, et Grat. act. pro cons. ; BAYLE, Dict. Hist., art. Ausone, note (F).

[lxviii] Grat. act. pro cons.

[lxix] SYMMAQUE, l. I, lett. 42.

[lxx] M. A. Beugnot (Hist. de la destruction du paganisme, t. I, p. 341), d'après Scaliger et Vinet, recule de quatre ans le consulat d'Ausone, et le date de 382. Cette erreur avait cependant été rectifiée par Bayle (Dict. hist., art. Ausone) et par Souchay (Dis. de vita et script. Auso.), d'après les Fastes.

[lxxi] Grat. Act. pro cons.

[lxxii] Edyll., VIII et IX.

[lxxiii] Hist. des Empereurs, t. V, p. 163.

[lxxiv] Grat. act. Pro cons.

[lxxv] Gratien négligeait pour les plaisirs de la chasse ses devoirs et sa dignité d'empereur. Ce fut cette ardente passion qui le perdit (Gibbon, Histoire de le Décadence et de la chute de l’Empire romain, c. XXVII). on peut reprocher à Ausone d'avoir, en chantant l'adresse et les grands coups de javelot du chasseur impérial (Épigr., II, IV), encouragé ce penchant funeste au lieu de le combattre.

[lxxvi] Edyll., X, 449.

[lxxvii] Epigr., XXX, 7 - Epist., V, 36 ; XXII, 43 - PAULIN NOL., Carm., X, 256.

[lxxviii] Epist., XXIV, 95. — S. Paulin, dans la première de ses réponses aux lettres XXIII, XXIV et XXV d'Ausone, cite encore (v. 242 et 250) les Thermes Marojaligues et Rauranum parmi les lieux de plaisance habités par Ausone dans sa vieillesse. (Voyez ce poème de S. Paulin, dans l'Appendice du t. II, p. 490.) Rauranum, placé par l'Itinéraire d'Antonin entre Saintes (Mediolanum Santonum) et Aunay (Aunedonnacum), est aujourd'hui le village de Rom, dans le département des Deux-Sèvres. — Voir la Géographie ancienne hist. et comparée des Gaules, par M. le baron Walekenaër, t. III, p. 97.

[lxxix] Epist., V et suiv. — Dans ses Études hist. et litt. sur Ausone (p. 57), M. J.-C. Demogeot a retracé sous une forme vive et spirituelle une de ces réunions littéraires des rhéteurs et des beaux esprits d'alors, à Lucaniacus, sous la présidence d'Ausone.

[lxxx] Edyll., IV.

[lxxxi] Ausone parlait à chacun son langage : avec les empereurs, avec Paulin converti, il était chrétien ; il était païen avec ses parents, ses professeurs et ses collègues. Comme Valentinien, il demeurait neutre, medius stetit, entre les diverses croyances. Du reste, il ne se montra chrétien qu'à la cour. Le poème pascal, l'Éphéméride, si toutefois l'oraison qui s'y trouve est de lui (*), le Griphe, toutes les pièces enfin dont on a essayé de tirer les preuves de son christianisme, ont été composées pendant l'éducation de Gratien, ou le séjour du poète à Trèves. Partout ailleurs il est païen. A la cour même, au lieu de se lier avec saint Ambroise, il recherche de préférence l'amitié de Symmaque, idolâtre obstiné (**) ; et, retiré après la mort de Gratien dans sa villa de Lucaniacus, il y chante en grec et en latin Liber et toutes les divinités profanes dont ce dieu réunissait en lui les attributs mythologiques. Aussi ses commentateurs et ses biographes des derniers siècles, malgré leur bonne volonté, ne le nomment chrétien qu'à regret, effrayés surtout par le cynisme de son Cento nuptialis, et de quelques-unes de ses épigrammes. C'est pour cela que Rollin et les Bénédictins le louent avec tant de réserve, et que Tillemont, après lui avoir accordé quelques pages dans son Histoire des Empereurs, termine ainsi : « Nous aurions encore pu ajouter diverses choses, soit sur Ausone, soit sur sa famille ; mais nous craignons de n'en avoir même dit que trop. »

(*) Cette oraison se retrouve tout entière parmi les œuvres de saint Paulin. Ce qui prouve que l'Éphéméride a été composée depuis son arrivée à Trèves, c'est qu'Ausone, au vers 18 du dernier fragment, rêve qu'il est pris avec les Alains. Une pareille préoccupation ne pouvait lui venir qu'au milieu des camps ou à la suite des armées. A Bordeaux il faisait de plus doux rêves : occupé de ses travaux de grammaire et d'éloquence, le rhéteur s'inquiétait plus des barbarismes que des barbares.

(**) Bayle dit que « la raison empruntée de l'amitié de Symmaque est la plus faible du monde : ce n'était point la conformité de religion qui les unissait, mais l'amour qu'ils avaient tous deux pour les belles-lettres. » Mais c'est précisément cet amour des lettres profanes qui maintenait Ausone dans le paganisme ; c'est ce culte des muses que S. Paulin blâme et déplore dans son vieux maître, et que, dans la ferveur de sa foi, il abjure et maudit au nom du Christ.

[lxxxii] On croit qu'il mourut vers 394, voir les Bénédictins, Hist. littér., t. I, 2e part., p. 287.

[lxxxiii] Cette dernière correspondance d'Ausone et de S. Paulin est encore une assez forte preuve qu'Ausone était païen. Les réponses de Paulin contiennent une longue et minutieuse instruction des principes et des mystères de la religion chrétienne. Paulin aurait-il pris la peine de faire cette profession de foi et de versifier cette espèce de catéchisme à l'usage du poète, si le poète eût compris et reconnu depuis longtemps les vérités du christianisme ? — Voir les Épîtres de S. Paulin à Ausone, dans l'Appendice de notre tome II, p. 490.

[lxxxiv] Parent., XVIII, 7.

[lxxxv] Parent., XXIV, 9, 10 et 11.

[lxxxvi] Edyll., II, 49.

[lxxxvii] Parent., XVI.

[lxxxviii] TILLEMONT, Hist. des Emp., t. V, p. 187 ; Mém. Eccl., t. X, p. 320. Voir, sur cet Arborias, la note 14 de l'Idylle II, p. 352 de notre second volume.

[lxxxix] TILLEMONT, Hist. des Emp., t. V, p. 188.

[xc] Edyll., V.

[xci] SYMMAQUE, liv. V, lett. 58.

[xcii] Epist., II.

[xciii] TILLEMONT, Hist. des Emp., t. v, p. 188 et 248 ; SYMMAQUE, t. X, lett. 43.

[xciv] Parent., XI.

[xcv] Il a lui-même raconté ses malheurs dans un poème fort curieux intitulé Eucharisticon. Ce poème est précieux surtout pour les documents historiques qu'il renferme. On le trouvera dans l'Appendice.

[xcvi] Il est fort probable que ce Paulinus fut le premier de cette famille qui embrassa le christianisme, et encore ne fut-il baptisé que fort tard, comme on le verra en lisant son poème (v. 476). Il dit (v. 94 et suiv.), qu'il avait eu l'idée, tout jeune encore, de se vouer au Christ, mais que la volonté de ses parents s'opposa à ses désirs. Comment croire, après un témoignage aussi clair, qu'Hesperius, son père, ainsi que tous les membres de sa famille, aient été vraiment chrétiens, comme le prétendent Bayle, les Bénédictins et tant d'autres ?

[xcvii] Les divers jugements portés sur Ausone ont été recueillis par Souchay et se trouvent à la tête de sou édition, p. lvij.

[xcviii] BAYLE, Diction. histor., art. Ausone.

[xcix] Tome I, 2e part., p. 281.

[c] Gensara ingenii et morum D. X. Ausonii, cum memorabilibus ex ejus scriptis. 1802. Cette critique se trouve insérée au tome VI des opuscula Academica, p. 19 et suiv. Heyne résume eu ces termes (p. 31) saon jugement sur Ausone : Ausonii carmisa a poetica vi, ingenii aliqua felicitate, sententiarum novitate, multum absunt. Versificatoris nomen ei concesseris, non poetœ. Sunt omnino parva voematia, effusa verius, quam elaborata, etc.

[ci] T. I., p. 234.

[cii] Pour compléter cette liste, je dois citer aussi une Dissertation sur la vie et les écrits d'Ausone, lue par Belet, dans une assemblée de l'Académie de Bordeaux, le 25 août 1725, mais qui, je crois, est restée inédite (Voir Goujet, Bibliothèque française, t. VI, p. 302.) ; une Lettre sur le même sujet, adressée par Meusuier de Querlon, en 1736, à M. Bernard, docteur en droit, réimprimée en 1741, au t. XI (p. 171) des Amusements du cœur et de l'esprit ; une Notice sur Ausone et ses ouvrages, publiée par Coupé dans les Soirées littéraires, t. VI, et enfin l'art. Ausone de la Biographie universelle de Michaud (2e édit.), par M. D. Chésurolles.

[ciii] On en trouvera la liste complète à la tête de l'édition des Deux-Ponts, 1785, in-8°.

[civ] Plusieurs ouvrages publiés depuis cette édition, tels que les Adversaria de Nic. Heinsius, les Poetœ Latini minores de Wernsdorf et de Lemaire, les Collectanea litteraria de C.-J.-C. Reuvens, les éditions de la Moselle de L. Tross et de M. Bœcking, etc., présentent de nouveaux éclaircissements sur quelques parties du texte d'Ausone.

[cv] M. WEISS, Biogr. universelle de Michaud, 1re éd., art. Ausone. — Coupé, Soirées littéraires, t. VI, p. 246.

[cvi] « Nous n'avons qu'une médiocre traduction des œuvres d'Ausone, celle de l'abbé Jaubert. » (M. F.-Z. COLLOMBET, Histoire civ. et relig. des lettres latines au IVe et au Ve siècle, p. 28, note.) « Ein eleudes Machwerk, meist nach des Floridus Interpretation, ohne allen Geschmack. » (Ludw. TROSS, Des D.M. Ausonius Mosella, p. xvj.) — J'aurais mauvaise grâce à médire de mon prédécesseur l'abbé Jaubert, quoique son travail m'ait peu servi : je sais trop ce qu'un premier traducteur a de difficultés à vaincre. Je ferai seulement observer que s’il a pu s'aider, comme il s'en vante (Discours préliminaire, p. lxxiij), des conseils et des lumières des académiciens de Boze et Souchay, il est étonnant qu'il n'ait pas mieux réussi.

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