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ALLER A LA TABLE DES MATIÈRES DE DENYS CATON

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

DENYS (DIONYSIUS) CATON

 

DISTIQUES MORAUX

DE DENYS CATON

A SON FILS

 

autre traduction  


 

 

 

PREFACE

On citerait à peine, parmi les monuments de la langue latine, un autre ouvrage sur lequel on ait émis des jugements plus contradictoires que sur les distiques attribués à Denys Caton. Au moyen Age ils étaient en honneur, et fournissaient l’épigraphe à la plupart des ouvrages qui voyaient le jour: car alors ils étaient regardés comme autant d’oracles; aujourd’hui ils sont presque oubliés. Des critiques assignent une place élevée à leur auteur; d’autres le rangent dans la catégorie la plus infime; au dire des uns il était chrétien, les autres croient qu’il était païen; ici on lui donne le nom de Denys Caton, là on prétend qu’il s’appelait Sénèque, Ausone, etc., etc. Au milieu de tant de doutes qui s’élèvent sur le nom de notre auteur, nous ne pouvons guère émettre un avis qui puisse faire autorité, d’autant plus que d’habiles critiques, qui sont entrés dans des dissertations que ne comporte pas le travail dont nous sommes chargé, ont donné des hypothèses qui, bien que présentées sous un jour assez satisfaisant, n’en ont pas moins laissé la chose indécise.

En admettant toutefois qu’on doive attribuer à Denys Caton l’opuscule dont nous donnons ici la traduction, le désir que nous pourrions avoir de connaître le lieu de sa naissance, les emplois qui lui furent confiés, les autres ouvrages qu’il a écrits, les relations de sa vie privée et publique, serait loin d’être satisfait: les biographes sont muets sur tout cela, et se bornent à dire que l’on croit qu’il s vécu sous les deux Antonins, opinion qu’ils fondent sais doute sur quelques distiques qui, nous devons l’avouer, semblent en être la preuve Mais si l’époque où vivait l’auteur des distiques semble prouvée, il n’en est pas de même de son nom que le hasard seul peut tirer de l’oubli.

Revenons aux distiques. Malgré le jugement favorable qu’en ont porté, entre autres, Scaliger et Érasme, on ne peut cependant se dissimuler qu’ils manquent souvent de la finesse, du tour et de la noblesse qu’exige le style gnomique, et qu’on y trouve parfois les expressions vides, languissantes et sans sel. Quoiqu’on ait peu à reprendre sous le rapport de la latinité, on peut reprocher à l’auteur des redites, et d’arriver souvent avec effort â la conclusion de ses préceptes; aussi Cannegieter et Arntzenius, malgré leurs doctes élucubrations, ont-ils souvent été réduits â déclarer tel distique interpolé, tel autre altéré.

A l’exemple des meilleurs éditeurs, nous donnons, à la suite des distiques, de courtes sentences qui, si elles ne sont pas du même auteur, appartiennent certainement à la même époque.

 

J. CHENU.


 

 

LIBER PRIMUS

LIVRE PREMIER

PRÆFATlO

PRÉFACE

Quum animadverterem, quam plurimos hominus errare graviter in via norum, succurrendum et consulendum opinioni eorum fore existirmavi, maxime ut gloriose vivarent, et honorem continerent. Nunc te, fili carissime, docebo quo pacto mores animi tui componas. Igitur mea præcepta ita legito, ut intelligas: legere enim et non intelligere, negligere est.

J’ai remarqué que la plupart des hommes s’abusent étrangement sur la nature de leurs devoirs, et j’ai cru convenable de venir à leur secours, de prévenir des fautes qui font mal juger d’eux, et de les guider ainsi dans le chemin d’une vie honorable et glorieuse. Je vais donc, mon très cher fils, vous enseigner comment vous devez régler votre conduite. Ainsi lisez mes préceptes, de manière à les bien comprendre car lire sans comprendre serait perdre son temps.

I

I

Si Deus est animus, nobis ut carmina dicunt,
Hic tibi præcipue sit pura mente colendus.

Si Dieu est un esprit, comme les bêtes nous le disent, vous devez, avant tout, l’adorer avec une âme pure

II

II

Plus vigila semper, nec somno deditus esto;
Nam diuturna quies vitiis alimenta ministrat.

Veillez toujours le plus possible, et ne vous livrez point trop au sommeil; car trop de repos fournit des aliments aux vices.

III

III

Virtutem primam esse puta, compescere linguam:
Proximus ille Deo est, qui scit ratione tacere.

Sachez bien que la première des vertus est de retenir sa langue: nul n’approche plus de la Divinité que celui qui sait se taire à propos.

IV

IV

Sperne repugnando tibi tu contrarius esse:
Conveniet nulli, qui secum dissidet ipse.

Ne soyez jamais en contradiction avec vous-même : qui n’est pas d’accord avec soi, ne peut l’être avec personne.

V

V

Si vitam inspicias hominum, si denique mores;
Quum culpes alios, nemo sine crimine vivit.

Si vous examinez la vie et les mœurs des autres hommes, souvenez-vous, en les censurant, que personne n’est exempt de reproche.

VI

VI

Quæ nocitura tenes, quamvis sint cara, relinque:
Utilitas opibus præponi tempore debet.

Si cher qu’il vous soit, renoncez à tout ce qui peut vous nuire: il faut, dans l’occasion, préférer l’utilité aux richesses.

VII

VII

Constans et lenis ut res expostulat, esto:
Temporibus mores sapiens sine crimine mutat

Montrez-vous sévère ou indulgent selon que le cas l’exige: le sage, sans crainte de blâme, adapte ses mœurs au temps.

VIII

VIII

Nil temere uxori de cervis credo querenti
Sæpe etenim mulier, quem conjux diligit, odit.

Ne croyez pas à la légère aux plaintes de votre épouse contre les serviteurs; car souvent une femme déteste celui que son mari aime.

IX

IX

Quum moneas aliquem, nec se velit ille moneri;
Si tibi sit carus, noli desistere coeptis.

Quand vous donnez des conseils à quelqu’un qui les repousse, s’il vous est cher, ne renoncez point à votre entreprise.

X

X

Contra verbocos noli contendere verbis:
Sermo datur cunctis animi sapientia paucis

N’entrez pas en lutte avec les grands parleurs : la parole est donnée à tous, la sagesse au petit nombre.

XI

XI

Dilige sic alios, ut sis tibi carus amicus:
Sic bonus esto bonis, ne te mala damna sequantur.

Aimez les autres, mais regardez-vous comme votre plus cher ami; et pour ne craindre aucun malheur, ne soyez bon qu’avec les bons.

XII

XII

Rumorem fuge, ne incipias novus auctor haber ;
Nam nulli tacuisse nocet, nocet esse loquutum.

Évitez les propos de crainte qu’on ne vous les impute : il n’y a point de danger à se taire, il peut y en avoir à parler.

XIII

XIII

Spem tibi promissi certam promittere noli:
Rara fides ideo est, quia multi mulla loquuntur.

Ne faites espérer à personne ce qui, vous a été promis: la fidélité est d’autant plus rare que les promesses sont plus communes.

XV

XIV

Quum te aliquis laudat, judex tuus esse memoris:
Plus aliis de te, quam tu tibi, credere noli.

Quand on vous loue, jugez vous-même à quel point vous le méritez : n’écoutez pas plus le témoignage d’autrui que celui de votre conscience.

XV

XV

Officium alterius multis narrare memento;
Atque, aliis quum tu benefeceris ipse, sileto.

N’oubliez pas de parler des services qu’on vous rend, mais gardez le silence sur ceux que vous avez rendus.

XVI

XVI

Multorum quum facta senex et dicta recenses,
Fac tibi succurrant, juvenis quæ feceris ipse.

S’il vous arrive, dans un âge avancé, de citer les actes et les paroles des uns et des autres, rappelez-vous bien ce que vous-même avez fait dans votre jeunesse

XVII

XVII

Ne cures, si quis tacito sermone loquatur
Conscius ipse sibi de se putat omnia dici.

Ne vous occupez point de ce qu’on dit à voix basse celui qi se sait en défaut croit toujours qu’on parle de lui.

XVIII

XVIII

Quum fueris felix, quæ sunt adversa caveto:
Non eodem cursu respondent ultima primis.

Dans la prospérité, craignez les revers de fortune : la fin de la carrière ne répond pas toujours au début.

XIX

XIX

Quum dubia et fragilis sit nobis vita tributa,
In mortem alterius spem tu tibi ponere noli.

La vie nous est accordée trop incertaine et trop frêle, pour que vous deviez mettre votre espoir en la mort d’autrui.

XX

XX

Exiguum munus quum dat tibi pauper .amicus,
Accipito placide, p’ene et laudare memento.

Quand un ami pauvre vous fait un petit présent, acceptez-le gracieusement, remerciez-le largement.

XXI

XXI

Inrantem nudum quum te natura creari
Paupertatis onus patienter ferre memento.

La nature, en vous faisant naître nu, vous avertit de  supporter patiemment le fardeau de la pauvreté.

XXII

XXII

Ne timeas illam, quæ vitæ est ultima finis:
Qui mortem metuit, quod vivit, perdit id ipsum.

Ne redoutez point le moment où vous cesserez de vivre: craindre la mort, c’est déjà perdre la vie.

XIII

XXIII

Si tibi pro meritis nemo respondet amicus,
Incusare Deum noti; sed te ipse cœrce.

Si nulle amitié ne répond à vos bienfaits, n’en accusez pas la Divinité, et résignez-vous.

XXIV

XXIV

Ne tibi quid desit, quæsitis utere parce :
Utque, quod est, serves, semper tibi deesse putato.

Pour vous mettre à l’abri du besoin, usez sagement de vos biens; pour conserver ce qu’on a, il faut toujours se figurer qu’on ne l’a pas.

XXV

XXV

Quod præstare potes, ne bis promiseris ulli;
Ne sis ventosus, dum vis bonus ipse videri.

Ne promettez jamais deux fois ce que vous pouvez donner de suite, e peur d’être vaniteux en voulant paraître obligeant.

XXVI

XXVI

Qui simulat verbis, nec corde est fidus amicus
Tu quoque fac simules, sic ars deluditur arte.

Quand quelqu’un vous déclare une amitié que son cœur dément, usez de la même feinte; ainsi l’artifice est déjoué par l’artifice.

XXVII

XXVII

Noli homines bando nimium sermone probare:
Fistula dulce canit, volucrem dum decipit auceps.

Gardez-vous des discours trop flatteurs : c’est au doux son de l’appeau que l’oiseleur trompe l’oiseau.

XXVIII

XXVIII

Quum tibi sint nati, nec opes, tunc artibus illo
Instrue, quo possint inopem defendere vitam.

Si vous avez des enfants, et point de fortune, donnez-leur un état qui les mette à l’abri du besoin.

XXIX

XXIX

Quod vile est carum, quod carum vile putato
Sic tibi nec cupidus, nec avarus nosceris ulli.

En regardant comme précieux ce qui est vil, et comme vil ce qui est précieux, vous deviendrez désintéressé, et personne ne vous taxera d’avarice.

XXX

XXX

Quæ culpare soles, ea tu ne feceris ipse:
Turpe est doctori, quum culpa redarguit ipsum.

Gardez-vous des fautes que vous condamnez d’habitude: il.est honteux pour un censeur d’être repris pour ce que lui-même a blâmé.

XXXI

XXXI

Quod justum est petito, vel quod videatur honestum
Nam stultum est petere, quod posait jure negari.

Ne demandez rien qui ne soit juste ou qui ne paraisse honnête; car c’est sottise que demander ce qui doit être refusé.

XXXII

XXXII

Ignotum tibi tu noli præponere notis
Cognita judicio constant, incognita casu,

Gardez-vous de jamais sacrifier le connu à l’inconnu : on juge sûrement de ce que l’on connaît, on ne peut que juger au hasard de ce qu’on ne connaît pas.

XXXIII

XXXIII

Quum dubia in certis versetur vita periclis,
Pro lucro tibi pone diem, quocumque laboras.

Puisque la vie est incertaine et semée de dangers inévitables, regardez comme une faveur chaque jour de travail.

XXXIV

XXXIV

Vincere quum possis, interdum cede sodali;
Obsequio quoniam dulces retinentur amici.

Sûr de vaincre, cédez parfois l’avantage à votre ami: la condescendance resserre les doux liens de l’amitié.

XXXV

XXXV

Ne dubites, quum magna petis, impendere parva;
His etenim rebus conjungit gratia caros.

Faites, pour obtenir beaucoup, de légers sacrifices : c’est par les petits présents qu’on gagne les cœurs.

XXXVI

XXXVI

Litem inferre cave, cum quo tibi gratis juncta est :
Ira odium generat, concordia nutrit amorem.

Evitez toute dispute avec un ami : la colère engendre la haine, la concorde entretient l’amitié.

XXXVII

XXXVII

Servorum culpis quum te dolor urget in ira,
Ipso tibi moderare, tuis ut parcere possis.

Quand vos serviteurs vous auront irrité par leurs fautes, modérez-vous d’abord vous-même pour pouvoir ensuite leur pardonner.

XXXVIII

XXXVIII

Quem superare potes, interdum vince ferendo;
Maxima enim morum semper patientia virtus.

Prêt à vaincre, triomphez quelquefois par la patience; car la patience fut toujours la première des vertus.

XXXIX

XXXIX

Conserva potius, quæ sunt jam parta labore
Quum labore in damno est, crescit mortalis egestas.

Attachez-vous à conserver ce que vous avez acquis par le travail : quand le travail devient stérile, vient l’affreuse indigence.

XL

XL

Dapsilis interdum notis, et carus amicis,
Quum fueris felix, semper tibi proximus esto.

Dans la prospérité, soyez libéral envers tous et dévoué à vos amis; mais soyez-vous toujours l’ami le plus fidèle

LIBER SECUNDUS

LIVRE DEUXIÈME

PRÆFATIO

PRÉFACE

Telluris si forte velis cognoscere cultus,
Virgilium legito. Quod si mage nosse laboras
Herbarum vires, Macer tibi carmine di et,
Corporis ut cunctos possis depellere morbos.
Si Romana cupis et civica noscere bella,
Lucanum quæras, qui Martis prælia dixit.
Si quid amare libet, vel discere amare legendo,
Nasonem petito. Sin autem cura tihi hæc est,
Ut sapiens vivas, audi, quæ discere possis,
Per quæ samotum vitiis deducitur ævum.
Ergo ades: et quæ sit sapientia, disce legendo.

Si vous désirez connaître la culture des champs, lisez Virgile. Si vous préférez savoir la vertu des plantes, Macer vous les dira dans son poème et vous donnera les moyens de combattre toutes les maladies. Si vous souhaitez connaître les guerres et les luttes civiles de Rome, prenez Lucain, qui a chanté les combats. Si vous songez à l’amour, et que vous vouliez étudier par écrit l’art d’aimer, adressez-vous à Ovide. Mais si vous avez à cœur de vivre en sage, écoutez les conseils grâce auxquels on peut mener une vie exempte de vices. Écoutez-moi donc et apprenez, en me lisant, ce que c’est que la sagesse.

I

I

Si potes, ignotis etiam prodesse memento:
Utilius regno est, meritis acquirere amicos.

Si vous le pouvez, obligez même les inconnus : mieux vaut par des bienfaits acquérir des amis qu’un royaume.

II

II

Mitte arcana Dei, cœlumque inquirere quid sit :
Quum sis mortalis, quæ sunt mortalia, cura.

Respectez les secrets de la Divinité, et l’inviolabilité du ciel mortel, ne vous occupez que de ce qui convient aux mortels.

III

III

Linque metum leti; nam stultum est tempore in omni,
Dum mortem metuis, amittere gaudia vitæ.

Ne craignez pas la mort c’est folie que d’avoir en tout temps une crainte qui tue les douceurs de la vie.

IV

IV

Irutus de re incerta contendere noli:
Impedit ira animum, ne possit cernere verum.

Ne disputez point avec colère sur une affaire douteuse, car la colère empêche l’esprit de pouvoir discerner la vérité.

V

V

Fac sumptum propere, quum res desiderat ipsa :
Dandum etenim est aliquid, quum tempus postulat aut res.

Faites promptement une dépense dès que le besoin l’exige on doit se résoudre à quelque sacrifice quand le veut le temps ou la chose.

VI

VI

Quod nimium est fugito, parvo gaudere memento:
Tuta mage est puppia modico quæ flumine fertur.

Fuyez le superflu; contentez-vous de peu : la barque a d’autant moins à craindre qu’elle vogue sur un fleuve plus petit.

VII

VII

Quod pudeat, socies prudens celare memento;
Ne plures culpent id, quod tibi displicet uni.

Ayez la prudence de cacher à vos amis ce dont vous devez rougir, car vous essuieriez le blâme pour ne pas ajouter le blâme de tous aux reproches de votre conscience.

VIII

VIII

Nolos putes pravos homines peccata lucrari
Temporibus peccata latent, sed tempore parent.

Ne croyez pas que le mal profite aux pervers : il reste un temps caché, mais le temps le découvre.

IX

IX

Corporis exigui vires contemnere noli
Consilio pollet, cui vim natura negavit,

Ne méprisez pas un ennemi de petite taille, car la nature accorde la ruse à ceux auxquels elle a refusé la force.

X

X

Cui scieris non esse parem te, tempore cede :
Victorem a victo superari sæpe videmus

Cédez à propos à celui auquel vous sentez ne pouvoir résister souvent nous voyons le vaincu triompher du vainqueur.

XI

XI

Adversus notum noli contendere verbis:
Lis minimis verbis interdum maxima crescit.

Évitez d’entrer en discussion avec un ami : souvent un grave débat surgit d’une dispute vaine.

XII

XII

Quid Deus intendat, noli perquirere sorte:
Quid statuat de te, sine te deliberat ipso.

N’usez point de sortilèges pour pénétrer les desseins de la Divinité : elle ne vous consulte pas pour décider de vous.

XIII

XIII

Invidium nimio cultu vitare memento :
Quo si non lædit, tamen hanc sufferre molestum est.

Prenez garde d’éveiller l’envie par un faste excessif: ne sût-elle vous atteindre, il est toujours fâcheux d’essuyer ses coups.

XIV

XIV

Esto animo forti, quum sis damnatus inique :
Nemo diu gaudet, qui judice vincit iniquo.

Supportez courageusement une condamnation injuste : un jugement inique ne donne jamais un long triomphe.

XV

XV

Litis præteritæ noli maledicta referre
Post inimicitias iram meminisse, malorum est.

Ne rappelez pas les injures d’une ancienne querelle : le méchant seul fait survivre la rancune à l’inimitié.

XVI

XVI

Nec te collaudes, nec te culpaveris ipse :
Hoc faciunt stulti, quos gloria vexat inanis.

Ne vous louez ni ne vous blâmez vous-même : c’est le fait d’un sot que tourmente une ridicule vanité.

XVII

XVIV

Utere quæsitis modice: qoum sumptus abundat.
Labitur exiguo, quod partum est tempore longo

Usez sobrement de vos économies: quand la dépense est superflue, on a vite dissipé ce qui fut si long à amasser.

XVIII

XVIII

Insipiens esto, quum tempus postulat aut res:
Stultitiam simulare loco prudentia summa est.

Sachez être fou selon le temps ou les circonstances: la folie à propos affectée prouve une grande sagesse.

XIX

XIX

Luxuriam tugito, simul et vitare memento
Crimen avaritiæ ; nam sunt contraria famæ.

Fuyez la prodigalité; mais, en même temps, évitez le reproche d’avarice; tous deux nuisent à la réputation.

XX

XX

Noli tu quædam referenti credere semper :
Exigus est tribuenda fides, quia multa loquuntur.

Il ne faut pas toujours croire ce qu’on vous raconte: accordez surtout peu de foi aux grands parleurs.

XXI

XXI

Quæ potus peccas, ignoscere tu tibi noli ;
Nam crimen nullum vini est, sed culpa bibentis.

Ne vous pardonnez point les fautes commises dans l’ivresse : ce n’est point le vin qui est coupable, mais celui qui l’a bu.

XXII

XXII

Consilium arcanum tacito committe sodali :
Corporis auxilium medico committe fideli.

Confiez vos pensées secrètes à un ami discret, et le soin de votre corps à un médecin fidèle.

XXIII

XXIII

Noli successus indignos ferre moleste
Indulget fortuna malis, ut lædere possit.

Voyez sans chagrin la prospérité des gens qui en sont peu dignes : la fortune ne sourit aux méchants que pour mieux les perdre.

XXIV

XXIV

Prospice, qui veniant, hos casus esse ferendos;
Nam lævius ledit, quidquid previdimus ante.

Voyez toujours venir les accidents qui atteignent l’humanité : un mal prévu est plus facile à supporter.

XXV

XXV

Rebus in adversis animum summittere noli ;
Spem retine; spes una hominem nec morte relinquit.

Dans l’adversité ne perdez ni le courage ni l’espérance : l’espérance seule n’abandonne point l’homme, même à la mort.

XXVI

XXVI

Rem tibi quam nosces aptam, diinittere noli ;
Fronte capillata, post est occasio calva.

Ne laissez point échapper une chose que vous savez vous convenir; car l’occasion a le front garni de cheveux et le derrière de la tête chauve.

XXVII

XXVII

Quod sequitur specta; quodque imminet ante videto;
Illum imitare Deum, partem qui spectat utramque.

Cherchez dans le passé des leçons pour l’avenir; imitez le dieu qui regarde devant et derrière.

XXVIII

XXVIII

Fortior ut valeas. interdum parcior esto :
Pauca voluptati debentur, p!ura saluti.

Pour vous fortifier, sachez vous priver parfois il faut peu sacrifier au plaisir et beaucoup à la santé.

XXIX

XXIX

Judicium populi nunquam contempseris unus,
Ne nulli placeas, dum vis contemnere multos.

N’allez jamais seul heurter l’opinion publique: vous ne plairiez à personne en méprisant le plus grand nombre.

XXX

XXX

Sit tibi præcipue, quod primum est, cura salutis :
Tempora ne culpes, quum sis tibi causa doloris.

Prenez grand soin de votre santé, ce premier de tous les biens, pour n’avoir point à reprocher au temps les maux dont vous seul seriez la cause.

XXXI

XXXI

Somnia ne cures; nam mens humana quod optans,
Dum vigilat, sperat, per somnium cernit id ipsum,

Ne croyez point aux songes; car l’esprit préoccupé, jusque dans l’état de veille, de ce qu’il désire, le voit même dans le sommeil.

LIBER TERTIUS

LIVRE TROISIEME

PRÆFATIO

PRÉFACE

Hoc quicumque velis carmen cognoscere, lector,
Quum præcepta ferat, quæ sunt gratissima vitæ,
Commode multa feres. Sin autem spreveris illud,
Non me scriptorem, sed te neglexeris ipse.

Qui que vous soyez, lecteur, qui voudrez méditer ces vers, pleins d’avis les plus propres à rendre la vie agréable, vous en retirerez de nombreux avantages. Mais si vous les rejetiez avec dédain, ce ne serait pas à l’auteur, mais à vous-même que vous feriez tort.

I

I

Instrue præceptis animum nec discere cesses ;
Nam sine doctrina vita est quasi mortis imago.

Nourrissez-vous d’utiles préceptes, et étudiez sans relâche; car sans l’instruction la vie est presque l’image de la mort.

II

II

Fortunæ damnis semper parere memento :
Non opibus bona fama datur, sed moribus ipsis.

N’oubliez pas qu’il faut toujours se soumettre aux coups de la fortune : ce n’est pas la richesse, mais la conduite qui fait la bonne réputation.

III

III

Quum recte vivas, ne cures verba malorum:
Arbitrii non est nostri, quid quisque loquatur.

Si votre vie est pure, méprisez les propos des méchants il ne dépend pas de nous d’empêcher le monde de parler.

IV

IV

Productus testis, salvo tamen ante pudore,
Quantumcumque potes, celato crimen amici.

Appelé en témoignage contre un ami, cachez sa faute autant que vous le pourrez, sans compromettre votre honneur.

V

V

Sermones blandos blæsosque cavere memento.
Simplicitæ veri fama est, fraus ficta loquentis.

Tenez-vous en garde contre les discours flatteurs et cauteleux le langage de la vérité est simple, celui du mensonge insidieux.

VI

VI

Segnitiem fugito, quæ vitæ ignavia fertur ;
Nam, quum animus languet, consumit inertia corpus

Fuyez l’oisiveté, qui rend la vie indolente et molle : quand l’esprit est sans ressort, le corps se consume dans l’inaction.

VII

VII

Interpone tuis interdum gaudia curis,
Ut possis animo quemvis sufferre laborem.

Entremêlez le plaisir et l’occupation votre esprit sera ainsi en état de supporter toute espèce de travail

VIII

VIII

Alterius dictum sut factum nec carpseris unquam,
Exemplo simili ne te derideat alter.

Ne critiquez jamais les paroles ou les actions d’autrui, pour éviter qu’un autre ne trouve également à se moquer de vous.

IX

IX

Quod tibi sors dederit tabulis suprema notato :
Augendo serva, ne sis, quem fama loquatur.

Notez soigneusement les biens qui vous ont été laissés en héritage : conservez-les en les augmentant, pour ne pas être la fable du public.

X

X

Quum tibi divitiæ superant in fine senecta,
Munificus facito vives, non parcus amicis.

Si, parvenu à une extrême vieillesse, vous possédez une grande fortune, soyez alors magnifique et libéral envers vos amis.

XI

XI

Utile consilium dominus ne despice servi:
Nullius sensum, si prodest, tempseris unquam.

Quoique maître, ne dédaignez pas le conseil utile d’un serviteur: un bon avis n’est jamais à mépriser, de quelque part qu’il vienne.

XII

XII

Rebus et in censu si non est, quod fuit ante,
Fac visas contentus eo, quod tempora præbent.

Si vos biens et vos revenus ne sont plus ce qu’ils étaient autrefois, sachez vous contenter de ce que vous, possédez encore.

XIII

XIII

Uxorem fuge ne ducas sub nomine dolis,
Ne retinere velis, si cœperit esse molesta. .

Evitez de prendre une épouse pour sa dot, de peur d’être tenté de la garder si elle vous devenait importune.

XIV

XIV

Multorum disce exemplo, quai facta se uaris,
Quæ fugias. Vita est nobis aliena magistra.

Apprenez par l’exemple des autres ce que vous devez faire et éviter. La vie d’autrui est pour nous une puissante leçon.

XV

XV

Quod potes, id tentes, operis ne pondere pressus
Succumbat labor, et frustra tentata relinquas.

Ne tentez rien sans mesurer vos forces, de peur que, succombant à la tâche, vous n’y deviez renoncer après de vains efforts.

XVI

XVI

Quod nosti haud recte factum, nolito tacere,
Ne videare malos imitari velle tacendo.

Ne cachez point la faute que vous auriez vu commettre; car votre silence vous accuserait de vouloir imiter les méchants.

XVII

XVII

Judicis auxilium sub iniqua lege rogato :
Ipsæ etiam leges cupiunt, ut jure regantur.

Invoquez le secours du juge pour modérer une loi trop dure; car les lois elles-mêmes veulent être tempérées par l’équité.

XVIII

XVIII

Quod merito pateris, patienter ferre memento :
Quumque reus tibi sis, ipsum te judice damna.

Sachez vous résigner au malheur que vous avez mérité : qui se sait coupable, doit se condamner soi-même.

XIX

XIX

Multa legas facito perlectis, neglige multa ;
Nam miranda canunt, sed non credenda, pœtæ.

Lisez beaucoup, mais oubliez beaucoup de ce que vous aurez lu; car les poètes nous chantent merveilles, mais mentent bien souvent.

XX

XX

Inter convivas fac sis sermone modestus,
Ne dicare loquax, dum vix urbanus haberi.

Sachez dans un repas observer une sage réserve, ou, voulant paraître enjoué, vous passeriez pour bavard.

XXI

XXI

Conjugis iratæ noli tu verba timere :
Instruit insidias lacrymis, quum femina plorat.

Ne redoutez point les paroles d’une épouse en colère: femme qui pleure, cache un piège sous ses larmes.

XXII

XXII

Utere quæsitis, sed ne videaris abuti :
Qui sua consumunt, quum deest aliena sequuntur.

Jouissez de votre fortune, mais sans prodigalité: qui dissipe son bien, compromet bientôt celui des autres.

XXIII

XXIII

Fac tibi proponas, mortem non esse timendam :
Quæ bona si non est, finis tamen illa malorum est.

Soyez convaincu que la mort n’est point à craindre : si elle n’est pas un bien, elle est du moins la fin de nos maux.

XXIV

XXIV

Uxoris linguam, si frugi est, ferre memento
Namque inalum est, non velle pati, nec posse tacere.

Laissez parler votre femme, si d’ailleurs elle est vertueuse c’est un mal de ne pouvoir se taire aussi bien que de ne vouloir rien supporter.

XXV

XXV

Æqua diligito caros pietate parentes ;
Nec matrem offendas, dum vis bonus esse parenti.

Ayez pour vos parents une égale tendresse, et ne blessez pas votre mère par vos prévenances envers votre père.

LIBER QUARTUS

LIVRE QUATRIEME

PRÆFATIO

PRÉFACE

Securam quicumqne cupis perducere vitam,
Nec vitiis hærere animum, quæ moribus obsunt,
Hæc præcepta tibi semper relegenda memento:
Invenies aliquid, quo te nitare magistro.

Qui que vous soyez, qui désirez mener une vie tranquille et dégager votre âme des liens du vice, cet ennemi des mœurs, relisez sans cesse ces préceptes : vous y trouverez le secret de marcher d’un pas ferme.

I

I

Despice divitias, si vis animo esse beatus:
Quas qui suspiciunt, mendicant semper avari.

Dédaignez les richesses, si vous voulez la tranquillité d’esprit. L’avare convoite toujours, au milieu des trésors qu’il admire.

II

II

Commoda naturæ nullo tibi tempore deerunt,
Si fueris contentus eo, quod postulat usus.

Jamais vous ne manquerez des moyens de satisfaire à vos besoins, si vous vous contentez du strict nécessaire.

III

III

Quum sis incautus, nec rem ratione gubernes,
Noli fortunam, quæ non est, dicere cæcam.

Quand, faute de soin, vous gouvernez mal vos affaires, n’accusez point la fortune d’être aveugle: vous l’êtes plus qu’elle.

IV

IV

Dilige denari, sed parce dilige, formam :
Quem nemo sanctus nec honestus captat ab ærc

Aimez l’argent pour son utilité, mais aimez-le modérément: un homme sage et honnête ne doit pas le rechercher pour lui-même.

V

V

Quum fueris locuples, corpus curare memento:
Æger dives habet nummos, se non habet ipsum.

Si vous êtes riche, soignez fort votre santé: un malade opulent possède son or, mais il ne se possède pas lui-même.

VI

VI

Verbera quum tuleris dicens aliquando magistri,
Fer patris ingenium, quum verbis exit in iram.

Puisque, pendant votre éducation, vous avez pu supporter les coups de votre maître, sachez au moins supporter l’humeur de votre père, lorsque sa colère se borne à des réprimandes.

VII

VII

Res age, quæ prosunt: rursus vitare memento,
In queis error inest, nec spes est certa laboris.

Faites-vous des occupations profitables, mais fuyez celles d’une utilité douteuse et d’un profit incertain.

VIII

VIII

Quod donare potes, gratis concede roganti ;
Nam recte fecisse bonis, in parte lucrorum est.

Ce que vous pouvez donner, accordez-le sans condition; car c’est un gain véritable que d’obliger les gens de bien.

IX

IX

Quod tibi suspectum est, confestim discute, quid sit ;
Namque solent, primo quæ sunt neglecta, nocere.

Dès qu’une chose vous paraît suspecte, voyez vite ce qu’il en est; car ce qu’on néglige d’abord finit presque toujours pat nuire.

X

X

Quum te detineat Veneris damnosa voluptas,
Indulgere gulæ noli, quæ ventris amica est.

Si Vénus vous tient dans ses perfides filets, évitez la gourmandise, cette amie de l’incontinence.

XI

XI

Quum hibi proponas animalia cuncta timere,
Unum prœcipio tibi, plus bominem esse timendum.

Etes-vous porté à redouter tous les animaux? je vous avertis seulement que l’homme est plus redoutable encore.

XII

XII

Quum tibi prævalidæ fuerint in corpore vires,
Fac sapias : sic tu poteris vir fortis haberi.

Si vous avez en partage la force du corps, soyez modéré; vous pourrez ainsi acquérir le renom d’homme brave.

XIII

XIII

Auxilium a notis petito, si forte laboras,
Nec quisquam melior medicus, quam fidus amicus.

Si vous êtes malade, n’appelez que des personnes qui vous soient connues : le meilleur médecin, c’est un ami fidèle.

XIV

XIV

Qeum sis ipse nocens, moritur cur victima pro Le?
StultiLia est morte alterius sperare salutem.

Quand vous seul êtes coupable, pourquoi une victime meurt-elle pour vous? C’est folie d’espérer son salut sur la mort d’un autre?

XV

XV

Quum tibi vel socium, vel fidum quæris amicum,
Non tibi fortuna est hominis, sed vita petenda.

Lorsque vous cherchez un compagnon ou un ami fidèle, ne demandez point s’il est riche, mais s’il est vertueux.

XVI

XVI

Utere quæsitis opibus; fuge nomen avari :
Quo tibi divitias, si semper pauper abundas?

Usez de votre fortune évitez le reproche d’avarice : à quoi bon les richesses, si vous restez toujours pauvre dans l’abondance?

XVII

XVII

Si famam servare cupis, dum vivis, honestam
Fac fugias, animo quæ sunt mala, gaudis vitæ.

Si vous voulez conserver toute votre vie une réputation sans tache, fuyez les plaisirs du monde, qui perdent l’âme.

XVIII

XVIII

Quum sapias animo, noli ridere senectam ;
Nam quicumque senet puerilis sensus in illo est.

Si vous êtes sage, ne vous moquez pas des vieillards, car chacun, en vieillissant, retourne vers l’enfance.

XIX

XIX

Disce aliquid; nam, quum subito fortuna recessit,
Ars remanet, vitamque hominis non deserit unquam

Apprenez un métier; car, si la fortune vous quitte tout à coup, l’état reste et nourrit celui qui l’exerce.

XX

XX

Perspicito tecum tacitus, quid quisque loquatur:
Sermo hominum mores et celat et indicat idem.

Réfléchissez en silence à ce que chacun dit: le discours qui masque le naturel de l’homme est aussi ce qui le découvre.

XXI

XXI

Exerce studium, quamvis perceperis artem
Ut cura ingenium, sic et manus adjuvat usum.

Exercez-vous à l’état que vous aurez appris : comme l’étude développe l’esprit, la pratique facilite le travail.

XXII

XXII

Multum venturi ne cures tempora fati:
Non metuit mortem, qui scit contemnere vitam.

Souciez-vous peu du terme de votre existence : qui sait mépriser la vie ne redoute point la mort.

XXIII

XXIII

Disce, sed a doctis; indoctos ipse doceto ;
Propaganda etenim est rerum doctrina bonarum.

Apprenez, mais des gens instruits; enseignez vous-même les ignorants, car on doit propager les choses utiles.

XXIV

XXIV

Hoc bibe quod possis, si tu vis vivere sanus:
Morbi causa mali nimia est quæcumque voluptas.

Ne buvez que ce qu’il faut, si vous tenez à la santé : tout excès de plaisir engendre de cruelles maladies.

XXV

XXV

Laudaris quodcumqne palam, quodcumque probaris.
Hoc vide, ne rursus levitatis crimine damnes.

Quand vous avez hautement loué et approuvé, gardez-vous de vous faire accuser de légèreté par vos censures.

XXVI

XXVI

Tranquillis rebus semper adversa timeto;
Rursus in adversis melius sperare memento.

Dans la prospérité, craignez toujours les malheurs; dans l’adversité, ne cessez pas d’espérer mieux.

XXVII

XXVII

Discere ne cesses cura sapientia crescit :
Rara datur longo prudentia temporis usu.

Etudiez toujours: la réflexion développe le jugement; et la sagesse est bien faible encore après une longue expérience.

XXVIII

XXVIII

Parce laudato; nam, quem tu sæpe probaris,
Una dies, qualis fuerit, ostendet, amicus.

Soyez sobre d’éloges; car un seul jour peut vous montrer quel fut l’ami que vous louez sans réserve.

XXIX

XXIX

Ne pudeat, quæ nescienis, te velle doceri
Scire aliquid laus est, culpa est nil discere velle.

Ne rougissez pas de vouloir connaître ce que vous ignorez: savoir est un mérite, ne vouloir rien apprendre est une faute.

XXX

XXX

Cum Venere et Baccho lis est, sed Juncta voluptas :
Quod blandum est, animo complectere, sed fuge lites.

Le vin et l’amour font naître les disputes, mais ont aussi leur plaisir. Fuyez donc les rixes et ne vous livrez qu’au doux penchant.

XXXI

XXXI

Demissos animo ac tacitos vitare memento :
Qua flumen placidum est, forsan latet altius unda.

Evitez les gens mornes et taciturnes: quand le courant est tranquille, le fleuve peut être plus profond.

XXXII:

XXXII

Quum tibi displiceat rerum fortuna tuarum
Altenius specta, quo sit discrimine pejor.

Si vous n’êtes pas content de votre sort, examinez celui d’autrui, et voyez s’il n’est pas pire que le vôtre.

XXXIII

XXXIII

Quod potes, id tenta; nam littus carpere remis
Tutius est multo, quam velum tendere in altum.

N’entreprenez rien au-dessus de vos forces il est plus sûr de ramer près du rivage que de tendre ses voiles en pleine mer.

XIXIV

XXXIV

Contra hominem justum prave contendere noli;
Semper enim Deus injustas ulciscitur iras.

N’allez point méchamment chercher dispute à un homme de bien; car Dieu punit toujours ces injustes attaques.

XXXV

XXXV

Ereptis opibus, noli mœrere dolendo;
Sed gaude potius, tibi si contingit habere.

Quand la fortune s’en va, on ne doit ni s’affliger ni se plaindre; mais quand elle vient, on peut se réjouir.

XXXVI

XXXVI

Est jactura gravis, quæ sunt, amittere damnis :
Sunt quædam, quæ ferre decet patienter amicum.

Si pénible qu’il soit d’éprouver des pertes, il en est que l’amitié doit faire supporter avec résignation.

XXXVII

XXXVII

Tempora longa tibi noli promittere vita.
Quocumque ingrederis, sequitur mors, corporis umbra.

Ne vous promettez jamais une longue existence partout où vous allez, la mort vous suit comme votre ombre.

XXXVIII

XXXVIII

Thure Deum placa; vitulum sine crescas aratro:
Ne credas placare Deum, quum cæde litatur.

Offrez à Dieu de l’encens; laissez croître le veau pour la charrue: n’espérez pas apaiser la Divinité par le sang.

XXXIX

XXXIX

Cede locum læsus fortunæ, cede potenti:
Lædere qui potuit, prodesse aliquando valebit.

Cédez aux rigueurs de la fortune, cédez au pouvoir des grands: qui put vous nuire, peut vous rendre un jour service.

XL

XL

Quum quid peccaris, castiga te ipse subinde :
Vulnera dum sanas, dolor est medicina doloris.

Si vous avez commis quelque faute, punissez-vous vous-même: dans les blessures, la douleur seule guérit la douleur.

XLI

XLI

Damnaris nunquam post longum tempus amicum :
Mutavit mores; sed pignora prima memento.

Ne condamnez jamais un ancien ami : s’il a changé de conduite, rappelez-vous son premier attachement.

XLII

XLII

Gratior officiis, quo sis mage carior, esto:
Ne nomen subeas, quod dicitur, officiperdi.

Plus vous serez reconnaissant, plus vous vous ferez aimer; évitez surtout de mériter le nom d’ingrat.

XLIII

XLIII

Suspectus caveas, ne sis miser omnibus horis ;
Nam timidis et suspectis aptissima mors est.

Gardez-vous de la défiance, qui empoisonnerait toutes vos heures l’homme timide et soupçonneux ne trouve de repos qu’à la mort.

XLIV

XLIV

Quum servos fueris proprios mercatur in usus,
Et famulos dicas, homines tamen esse memento.

Quand vous achetez des esclaves pour votre service personnel, en les traitant de serviteurs, rappelez-vous pourtant que ce sont des hommes.

XLV

XLV

Quam primum rapienda tibi est occasio prima
Ne rursus quæras, quæ jam neglexeris ante.

Saisissez l’occasion dès qu’elle se présente : vous chercheriez en vain pins tard ce que vous auriez négligé d’abord.

XLVI

XLVI

Morte repentina noli gaudere malorum :
Felices obeunt, quorum sine crimine vita est.

Ne vous réjouissez pas de la mort subite des méchants : ceux-là sont heureux, qui meurent sans reproche!

XLVII

XLVII

Quum tibi sit conjux, ne res et fama laboret,
Vitandum ducas inimicum nomen amici.

Si vous avez une épouse, pour sauver vos biens et votre honneur, ne donnez pas à un ennemi le nom d’ami.

XLVIII

XLVIII

Quum tibi contigerit studio cognoscere multa,
Fac discas multa, vita nescire doceri.

Quand par l’étude vous serez parvenu à beaucoup savoir, apprenez beaucoup encore et profitez des leçons qu’on vous donne.

XLIX

XLIX

Miraris verbis nudis me scribere versus?
Hos brevitas sensu fecit conjungere binos.

Vous vous étonnez que j’écrive des vers d’un style si nu? c’est que j’ai voulu renfermer dans un distique le sens de chacun de mes préceptes.

BREVES SENTENTIA

 

I. Deo supplica.

II. Parentes ama.

III. Cognatos cole.

IV. Magistrum metue.

V. Datum serva.

VI. Foro pare.

VII. Cum bonis ambula.

VIII. Antequam voceris ad consilium, ne accesseris.

 

IX. Mundus esto.

X. Saluta libenter.

Xl. Majori cede.

Xli. Minori parce.

XIII. Rem tuam custodi.

XIV. Verecundiam serva.

XV. Diligentiam adhibe.

XVI. Libros lege.

XVII. Quæ legeris, memento.

XVIII. Familiam cura.

XIX. Blandus esto.

XX. Irasci abs re noli.

XXI. Neminem irriseris.

XXII. Mutuum dato.

XXIII. Cui des videto.

XXIV. In judicium adesto.

XXV. Ad prætorium stato.

XXVI. Convivare raro.

XXVII. Quod satis est dormi.

XXVIII. Jusjurandum serva.

XXIX. Vino te tempera.

XXX. Pugna pro patria.

XXXI. Nihil mentire.

XXXII. Tu te consule.

XXXIII. Meretrices fuge.

XXXIV. Litteras disce.

XXXV. Nihil temere credideris.

XXXVI. Bonis benefacito.

XXXVII. Maledicus ne esto.

XXXVIII. Existimationem retine.

XXXIX. Æquum judica.

XL. Parentes patientia vince.

XLI. Beneficii accepti memor esto.

XLII. Miserum noli irrdere.

XIIII. Consultus esto.

XLIV. Utere virtute.

XLV. Iracundiam tempera.

XLVI. Trocho lude.

XLVII. Aleam fuge.

XLVIII. Nihil arbitrio virium feceris.

XLIX. Minorem ne contempseris.

L. Aliena concupiscere noli.

LI. Conjugem ama.

LII. Liberos erudi.

LIII. Patere legem, quam ipse tuleris.

LIV. Pauca in convivio loquere.

LV. Illud stude agere, quod justum est.

LVI. Libenter amorem ferto.

COURTES MAXIMES

 

I. Priez Dieu.

II. Aimez vos parents.

III. Chérissez vos proches.

IV. Craignez votre maître.

V. Gardez ce qu’on vous donne.

VI. Suivez le monde.

VII. Fréquentez les gens de bien.

VIII. Ne vous mêlez pas aux conseils avant qu’on ne vous y appelle.

IX. Soyez propre.

X. Saluez de bonne grâce.

XI. Cédez au plus fort.

XII. Épargnez le faible.

XIII. Conservez votre patrimoine.

XIV. Gardez de la modestie.

XV. Usez de diligence

XVI. Lisez les livres.

XVII Souvenez-vous de ce que vous avez lu.

XVIII. Prenez soin de vos serviteurs.

XIX. Soyez affable.

XX. Ne vous mettez pas en colère sans sujet.

XXI. Ne vous moquez de personne.

XXII. Prêtez à juste intérêt.

XXIII. Regardez à qui vous donnez.

XXIV. Assistez aux jugements.

XXV. Tenez-vous auprès du prétoire.

XXVI. Assistez rarement aux grands festins.

XXVII. Dormez le temps nécessaire.

XXVIII. Soyez fidèle à votre serment

XXIX. Usez sobrement du vin.

XXX. Combattez pour votre patrie.

XXXI. Ne croyez rien inconsidérément.

XXXII. Prenez conseil de vous-même.

XXXIII. Fuyez les femmes de mauvaise vie.

XXXIV. Etudiez les belles-lettres.

XXXV. Ne mentez jamais.

XXXVI. Obligez les gens de bien.

XXXVII. Ne soyez pas médisant.

XXXVIII. Soyez soigneux de votre réputation.

XXXIX. Jugez selon l’équité.

XL. Usez de patience envers vos parents

XLI. N’oubliez jamais un bienfait reçu.

XLII. Ne vous moquez pas des malheureux.

XLIII. Ne soyez pas étranger à la jurisprudence.

XLIV. Pratiquez la vertu.

XLV. Réprimez votre colère.

XLVI. Jouez au cerceau.

XLVII. Fuyez les jeux de hasard.

XLVIII. N’usez jamais de la raison du plus fort.

XLIX. Ne méprisez pas un plus petit que vous.

L. Ne convoitez pas le bien d’autrui.

LI. Aimez votre épouse.

LII. Instruisez vos enfants.

LIII. Subissez la loi faite par vous-même.

LIV. Parlez peu dans un repas.

LV. Attachez-vous à ne faire que ce qui est juste.

LVI. Soyez indulgent pour ceux qui vous aiment.