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VÉGÈCE

 

Mulomedicina

LIVRE SECOND

Livre I - livre III - livre IV

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

L’ART VÉTÉRINAIRE,

ou

L'HIPPIATRIQUE

DE

VEGETIUS RENATUS,

 

 

LIVRE SECOND.

 

 

 

PROLOGUE.

 

Il y a déjà longtemps que l'Art vétérinaire est tombé, tant pat le vice de la cupidité qui est devenu général que par la modicité du gain qu'on y peut faire, de sorte que personne ne s'applique plus à l'étudier. Mais n'y a-t-il pas lieu de craindre que là pratique de cet Art ne tombe aussi elle-même, comme elle est tombée chez les Huns[1] ou chez d'autres Nations, quand on voit des hommes qui, fuyant la dépense & affectant de vouloir imiter la coutume de ces Peuples barbares, exposent leurs animaux dans les pâturages d'hiver & à tous les accidents résultants de la négligence, sans en prendre aucun soin? Ce qu'il y a de confiant, c'est; que cette, méthode n'a jamais profite à personne & qu'elle a occasionné des pertes à bien du monde, pour deux raisons : la première, c’est que les animaux des peuples barbares sont d'une nature différente de celle des nôtres & qu'ils ont le corps plus endurci contre toutes les espèces de mauvais traitements la seconde, c’est qu'ils sont élevés; dès leur enfance, a n'avoir pas besoin de potion médicinale & qu'ils sont accoutumés à se fortifier dans les pâturages d'hiver & à supporter sans risque le froid & les brouillards, au lieu que nos animaux sont d'une nature plus délicate & qu'étant plus habitués à être à couvert & même dans des écuries très chaudes, pour peu qu'ils éprouvent quelque irritation, telle que soit l'incommodité qui la cause, ils tombent aussitôt malades de façon ou d'autre. Par conséquent, si un chef de famille attentif à ses intérêts vient à comparer le nombre des animaux que la mort lui enlevé, avec les dépenses & les salaires qu'il lui en aurait coûté pour leur guérison, il sentira bientôt que la conservation d'un grand nombre d'animaux, qui périraient infailliblement s'ils n’étaient point traités, n'excède pas le prix de l'animal le plus vil.

 

CHAPITRE PREMIER.

 

Dans tel animal que ce soit, c’est la tête qui tient le premier rang entre tous les autres membres, parce qu'étant plus élevée qu'eux, elle conserve sur eux une espèce d'empire qu'elle doit au fort de sa position. C’est dans la tête que résident l'odorat, le goût, l'ouïe & la vue ; mais aussi plus l'importance de cette partie du corps est grande, plus le travail lui fait supporter de dangers. Nous essaierons donc d'indiquer par ordre les causes qui donnent naissance aux maladies qui l'attaquent, les symptômes auxquels on peut en reconnaître la nature, ainsi que les traitements qui peuvent les guérir. Ce sont communément les mauvaises digestions qui corrompent le sang dans le corps des animaux & c’est ce qui arrive lorsqu'ils ont les membres affaiblis soit par le chaud soit par le froid & que le sang, qui vient à se congeler dans leur tête, se convertit en poison. En effet, les veines étant pleines alors, la membrane du cerveau se distend & éloigne souvent le sommeil qui est la chose la plus nécessaire à la santé, d'où il résulte nécessairement des douleurs de tête, de la tristesse & de la faiblesse. Cette incommodité est la première de routes & paraît être la plus légère, lorsqu'on y apporte un prompt remède.

 

CHAPITRE II.

 

Au reste, lorsque le mauvais sang a corrodé la membrane du cerveau d'un seul côté & qu’il a commencé à l’appesantir par une douleur trop forte, l'animal devient lourd & son esprit s'émousse ainsi que sa vue, parce que c’est le bon état du cerveau qui entretient les yeux & les sens dans le leur. Comme l'animal, dans cette position, n'a qu'une seule partie de la tête qui soit incommodée, il va en rond comme s’il tournait la meule.

 

CHAPITRE III.

 

Mais lorsque le virus d'un sang corrompu a infecté le milieu même du cerveau, l’animal devient frénétique» de façon qu'il saute subitement & qu'il semble vouloir s'enfuir : il donne aussi contre les murailles, comme s'il était hors d'état d'être conduit & on ne peut le retenir en aucune manière.

 

CHAPITRE IV.

 

La cardialgie est une maladie dans laquelle le cœur souffre : or, cette maladie prend aux animaux, toutes les fois que le sang, étant de même corrompu, remplie les vaisseaux de l’estomac ou du thorax & qu'il frappe le cerveau & resserre le cœur par son humeur pestilentielle. Cette maladie entraîne avec elle l'aliénation de l’esprit & se manifeste par la sueur du corps : l’animal en réchappe difficilement.

 

CHAPITRE V.

 

Si l'affection du thorax s'empare d'un animal qui soit déjà dormeur, elle le fait aussitôt devenir enragé, parce que la trop grande ardeur, tant du foie que du sang venant à suffoquer les vaisseaux du cœur, ainsi que les nerfs, le resserrement qu'elle occasionne lui cause dans ces parties une douleur si vive, qu'il se déchire lui-même à belles dents. Si on réchappe un animal de ces maladies & qu'après sa guérison une partie de son cerveau demeure altérée, ou qu'il y soit survenu une enflure, il devient inepte & paresseux, il se tourne difficilement du côté de la tête où ce vice fera resté, il s'appuie de ce côté-là contre les murailles & marche lentement & sans être sensible aux coups, il perd la grâce de son allure, il porte toujours la tête baissée & quand il a commencé à s'arrêter, il ne se remet plus en mouvement qu'avec lenteur : il a aussi la vue moins bonne, mais il ne refuse ni à manger, ni à boire. Si on veut le guérir, il faut le traiter avec des cautères que l'on fera succéder à des sinapismes. Dans toutes les maladies que nous venons d'exposer, on commencera par tirer du sang des temples & quelquefois même de la veine mère. Au surplus, le traitement est presque le même pour toutes ces différentes maladies. On verra dans la suite de cet ouvrage l'ordre qu'il faut suivre dans ce traitement.

 

CHAPITRE VI.

 

On se rappellera que les maladies de la tête, qui sont toutes dangereuses, surtout quand elles sont invétérées, doivent être traitées par le cautère qu'on fait succéder au sinapisme. Voici le régime & l'ordre que l'on suivra dans ce genre de traitement. On privera l'animal d'orge pendant trois jours & on le ménagera en ne lui donnant que des nourritures molles : au bout de ces trois jours on lui tirera du sang de la veine-mère, tant du côté droit que du côté gauche, autant que son âge, ses forces ou son état le permettront, après quoi on le sustentera pendant trois jours avec une nourriture verte qui confinera en petits choux & en laitues. On commencera par l'empêcher de boire & de manger le premier jour. Le jour suivant on ne lui donnera pas moins de vingt pâtés faites avec du chou & trempées dans du bouillon & de l'huile qui soit excellente, indépendamment de la laitue qu'on lui donnera pour sa nourriture trois fois par jour. Il commencera toujours par boire quand il aura pris sa potion ; mais s'il arrive que son ventre commence à se trop lâcher, on cessera de lui donner des pâtés de choux & on lui donnera au contraire de la paille & du son en sorte que le jour suivant il ne mange absolument rien & qu'il n'ait que de l'eau à boire ; le lendemain on le mènera dans une salle de bains chaude pour le faire suer; mais il faudra être attentif à le retirer promptement de cette chaleur, de peur qu'il n'y périsse faute de respiration. Quand on l'en aura retiré, on l'essuiera avec soin & après l'avoir frotté sans ménagement avec du vin & de l'huile on lui donnera une quantité convenable de feuilles de raiforts saupoudrées de nitre. Ensuite on mêlera d'excellente huile avec des racines de concombre d'aneth vert hachées par petits morceaux, que l'on fera cuire dans un vase propre jusqu'à diminution d'un tiers, pour lui en donner pendant trois jours une hemina afin que cette potion lui lâche le ventre. Mais s'il commence à être dévoyé outre mesure, on fera fricasser de petites lentilles & de l'orge par dose égale, pour lui en donner deux livres par jour avec du son & de la paille. On travaillera donc ainsi pendant cinq jours à le refaire & on l'exercera modérément afin de voir jusqu'à quel degré les forces du corps & la santé lui seront revenues. Ensuite on le saignera au palais à volonté. Le jour suivant on lui purgera la tête avec de la conise ou de la racine de Diane[2] qui porte le nom d’Artemisia,[3] ou à défaut de l’une ou l'autre de ces plantes, avec d'excellent bouillon mêlé d'huile. On lui attachera la tête & les pieds ensemble.[4] Quand on s'apercevra qu'il aura été bien purgé, on le déliera & on lui versera dans chaque naseau une cotyla de beurre fondu dans de l'huile de roses, pour calmer avec cet adoucissant l'irritation causée par la purgation. Si les potions que nous venons de prescrire ne lui ont point lâché le ventre, on lui donnera une potion composée d'un denarius pesant de miel & d'hellébore blanc bien broyés, dans une hemina de vin doux, ou du moins on lui fera avaler deux denarii pesant de scammonée également bien broyée dans une hemina de vin doux.

Mais si le trop grand relâchement du ventre le met en danger, on lui fera prendre de la grande consoude dans de la ptisanne d'orge mondé pour le resserrer & on lui donnera pour sa nourriture deux livres de petites lentilles & d'orge fricassés avec de la paille & du son. Enfin, on appliquera avec soin un sinapisme sur les parties malades. Ensuite on les brûlera avec un cautère de fer où de cuivre, lequel passe pour être meilleur que celui de fer, après quoi on traitera cette brûlure fui va ne les méthodes accoutumées. On lui donnera aussi pendant plusieurs jours une potion d'antidote polychreste & on l'exercera modérément, en augmentant peu à peu la quantité de nourriture qu'on lui donnera, jusqu'à ce qu'on l'ait remis à son ancien régime. On assure qu'on peut guérir les maladies les plus incurables par le moyen du cautère que l'on fera succéder au sinapisme & qu'on peut, par exemple, fortifier les sous avec ce traitement. C’est à la tête qu'on brûle ceux qui tombent du mal caduc, quand on les traite avec le cautère qu'on fait succéder au sinapisme, au lieu qu'on applique le cautère aux reins de ceux qui sont maladifs, de ceux qui ont la dysenterie, de ceux dont la peau est collée contre les os, ainsi que de ceux qui ont l’orthopnée & le strophus.[5]

 

CHAPITRE VII.

 

Il arrive assez communément que le cerveau d'un animal est ébranlé par diverses maladies, ce que l'on reconnaît à ces symptômes-ci : il marche de travers, choppe souvent & remue tout le corps. Voici la manière de le traiter en pareil cas on prend vingt baies de laurier, une selibra de nitre & une poignée de rue qu'on broie bien ensemble & après avoir mêlé du vinaigre faible & d'excellente huile de roses, on fait chauffer ces drogues si l'on est en hiver, puis on lui oint d'huile la tête & le cerveau ou les oreilles, après quoi on lui enveloppe le cervelet d'une peau de laine. Si l'on n'a point sous sa main les drogués que nous venons de dire, on mêle ensemble de la farine d'orge & de la résine, pour en faire un cataplasme qu’il faut lui mettre sur le cerveau. Outre cela on mêle de la cire avec de l'huile de carpe pour mettre avec du linge entre ses oreilles comme du cérat. Il faut néanmoins lui réchauffer aussi le reste du corps avec des potions. On aura donc soin de bien broyer trois écrevisses de rivière qu'on mêlera avec deux unciae de jus de chou, en y ajoutant un sextarius de lait & deux cyathi d'huile & après avoir passé ce mélange, on le lui versera à la corne dans la bouche. Si on n'a point d'écrevisses, on fera bouillir deux cyathi de miel & un sextarius d'eau chaude, pour en faire des pastilles[6] qu'on fera fondre dans de l'eau fraîche pour lui faire boire. Outre cela, si c’est en hiver qu'il a besoin d'être traité, on lui donnera en potion de la farine de froment au lieu que si c’est en été, on lui donnera de la farine d'orge mêlée d'eau fraîche comme de l'amidon.

 

CHAPITRE VIII.

 

Il y a bien des auteurs qui ont amplement traité des douleurs de tête. En voici les symptômes : il paraît une tumeur autour des yeux de l'animal, il refuse à manger, sa langue, son palais & ses lèvres s'enflent & plus la maladie augmente, plus cette enflure croît. Lorsqu’il marche, tout son corps vacille & il a peur de son ombre comme s'il la sentait. La cause de cette maladie vient de la corruption du sang & de la mauvaise digestion des nourritures, qui gonflent les vaisseaux qui environnent les temples, parce que leur passage naturel est obstrué ou au moins intercepté & qui corrompent la membrane du cerveau. Il faut alors lui tirer du sang des temples & oindre aussitôt sa tête avec une grande quantité d’huile & de vinaigre mêlés ensemble. Si l'on est en hiver, on fera tremper un jour d'avance, dans de l'eau, de l'orge que l'on fera bouillir pour la mettre chaude: dans de petits sacs qu'on laissera longtemps sur sa tête, afin de la réchauffer par cette fomentation. D'autres auteurs ordonnent de lui tirer du sang au palais, ensuite de mêler de l’argile de Cimolus, infusée dans du vinaigre & de la fiente de bœuf récente avec du nitre broyé & de faire bouillir ce mélange sur des charbons, dans un chaudron; pour l'appliquer chaud sur le cerveau de l'animal malade, en l’arrosant de vinaigre, afin que l'argile ne s’arrache pas à ses poils, ce qui serait Sautant plus à craindre qu'on a commencé par lui fomenter la tête avec de l'eau chaude. Voici les symptômes qui annoncent que la douleur de tête va presque jusqu’à là folie : toutes les fois qu'un animal est lourd & qu'il se laisse aller sur sa crèche, les larmes lui tombent souvent des yeux, ses oreilles se dressent, ses yeux sont appesantis, il a la respiration fréquente, le poil sec, des tremblements fréquents & l'extérieur triste. On commencera par lui interdire l'eau dans la crainte qu'il ne boive trop, on lui tirera du sang des deux côtés de l'encolure & on traitera sa tête de la manière que nous avons prescrite.

 

CHAPITRE IX.

 

C’est encore principalement à la mauvaise disposition de la tête que, l’on rapporte la maladie de la distension. En; voici les symptômes : la vue de l'animal s'obscurcit & se couvre d'argile & ce symptôme est suivi d'un tremblement & d'une sueur par tout le corps. On attribue cette maladie à l'eau, que l'animal a bue dans le temps, qu'il était en sueur, ou à une nourriture mal digérée ou à la privation du sommeil ou à ce qu'il n’a pas été desserré. La membrane de la tête se distend dans cette maladie, qui est regardée comme la source & la mère de toutes les autres. En effet, si on ne traite pas alors l’animal dès le principe du mal, pour le faire dormir comme il faut, il devient dormeur, fou, enragé, frénétique & tombe dans la cardialgie. En conséquence quand cette maladie prendra à un animal, on lui tirera du sans de sa tête à proportion de sa taille & de son âge. Et si l’on est en été, on lui oindra la tête & tout le corps d'huile & de vinaigre & on le frottera très longtemps, puis on le tiendra renfermé dans un lieu frais & obscur & on mettra sous lui de la fiente sèche ou de la paille, afin que la mollette même de sa litière l'invite à se coucher. On évitera de le tenir dans un lieu chaud, parce que la chaleur l'empêcherait de dormir. On le refera avec du son, de la paille ou des feuilles de laitues. Outre cela, on ne lui donnera que peu à boire. Quand il commencera à entrer en convalescence, on l'exercera par de petites promenades & si on le juge à propos, on l'amènera peu à peu & par degrés, à une nourriture plus abondante, en lui donnant de l'orge infusée dans de l’eau, jusqu'à ce qu'on l’ait remis à son ancien régime. S'il ne va pas mieux le septième jour, on lui tirera une seconde fois du sang des temples & on lui traitera la tête sans interruption. On lui donnera la potion avec laquelle on guérit les animaux dormeurs : elle est composée d'une uncia tant de graine de cresson alénois que de graine d'ache de marais, de graine de laitue, de grande consoude, de persil, d'aneth & de graine de pavot sauvage, avec trois scrupules de poivre & une drachme de safran. On crible & l'on mêle bien ces drogues, après quoi on les détrempe dans de l'eau pour en faire des trochisques qui ne pèsent pas moins d'une drachme chacun. On lui fera prendre par la bouche un de ces trochisques par jour, après l'avoir délayé dans de l'eau & on recommencera tous les jours jusqu'à ce que la santé lui soit revenue. S'il n'a point d'appétit, on lui donnera tous les jours un trochisque délayé dans de la ptisanne d'orge mondé. On ne lui donnera jamais de vin, parce que les maladies de la tête empirent quand un animal a bu du vin pur.

 

CHAPITRE X.

 

Si un animal est dormeur, il se couche sur sa crèche, il a les yeux tendus, il remue sans cesse les oreilles, sa vue s'obscurcit & il tourne en rond comme s'il était attaché à la meule.

 

CHAPITRE XI.

 

Il arrive même que sa maladie tourne à la rage, on s'en apercevra à ces symptômes-ci : il hennira subitement comme un cheval sain il cherchera à mordre ses camarades ou les hommes & rongera sa crèche ou ses entrailles avec ses dents. On le traitera comme un animal dormeur : ainsi on lui retirera absolument l'orge pour ne le sustenter qu'avec des nourritures molles. On lui donnera cependant particulièrement de l’ache de marais verte tant qu'il en voudra. On lui tirera du sang de la tête ou des temples, on le mettra dans un lieu obscur & on lui traitera, la tête avec un acopum composé de la manière qui suit : on prend une livre de grande berce, deux unciae tant de résine que de térébenthine, une de galbanum, trois de colofone, deux de mastic broyé & une livre de vieille huile. On lui en frotte le cerveau & les oreilles, indépendamment de ce qu'on lui verse dans les oreilles de l'huile pure & sans mélange. Mais avant d'avoir recours à cet acopum, il faut lui réchauffer la tête & le cerveau en les couvrant de sacs & lui munir la tête de petits coussins. On lui donnera aussi tous les jours en potion le trochisque dont nous avons parlé plus haut[7] & on l’oindra habituellement d'un collyre acre pour venir à bout de faire disparaître l'obscurcissement de sa vue. Si ces soins n'avancent de rien, on lui brûlera la tête & les temples, sous le toupet même, avec un demi-cautère que l'on appliquera aussi sur les veines des temples. Cependant, pour ne point occasionner de difformité aux animaux, on pourrait se contenter de leur percer la lame du palais & la plupart pourraient bien en guérir par ce moyen. En effet, la chaleur du cautère fait disparaître la faiblesse de la tête & rend à la méninge son ancienne constitution.

 

CHAPITRE XII.

 

D'autres auteurs disent que les yeux de l'animal qui est fou sont ardents & sanguinolents, qu'il s'y fait un épanchement d'humeurs, que ses oreilles se dressent & qu'il les remue souvent, qu'il est aussi difficile de le prendre qu'un cheval indompté & que lorsqu'il est pris, il cherche à s'enfuir & se heurte contre les murailles. Il gratte aussi la terre avec ses pieds & jette beaucoup de flegmes par la bouche. Voici comme on le traite : on lui tire du sang d'abord des veines jugulaires & du palais & ensuite des jambes. On l'empêche le même jour de boire & de manger & le jour suivant on lui donne de l'eau fraîche à boire. On lui retire les excréments de l'anus & on lui traite le ventre avec des clystères pendant quatre jours, on lui graisse le cerveau, on le met dans un lieu à l'écart, on lui donne pour sa nourriture des porreaux & de l'herbe très tendre, ou du foin très mollet, après quoi on achevé sa cure avec ces potions-ci : on prend une drachme de poudre d'encens, un sextarius de vinaigre blanc, une uncia de racines de panais & trois de saxifrage, qu'on lui fait prendre par la bouche dans de l'hydromel. On lui fera avaler un sextarius de lait de chèvre & si l’on n'en a point, on réduira en poudre deux livres de cumin sauvage & après y avoir ajouté un acetabulum d'excellente huile on lui fera prendre ce médicament à la corne, dans de l'hydromel. Mais d'autres regardent cette potion-ci comme plus convenable : on prend une uncia tant d'ache de marais que de jusquiame & de graine d'ache de marais, deux de graine de laitue & une de pavot sauvage, que l'on réduit en poudre & que l'on mêle ensemble, pour lui en donner dans un grand cochlearium plein d'eau, ou s'il est à la diète, dans de la ptisanne d'orge mondé. On le met dans un lieu obscur, frais & vaste & on n'y fait aucun bruit afin qu'il puisse dormir. Il faudra cependant lui frotter auparavant la tête avec de l'huile & de la poix liquide & en remplir ses oreilles; on lui munira aussi les temples de coussins ou de bandes & on broiera du myrrhe sec que l'on mêlera avec du vinaigre & de l'huile, pour lui en frotter très longtemps tout le corps. On est dans l'usage de garrotter les animaux dans ce cas-là pour les enterrer sous de la fiente afin qu'ils suent & qu'ils dorment : en effet dès que le sommeil leur revient, il leur rend la santé. Une bête enragée fait voir tous les mêmes symptômes qu'une bête qui est folle, avec cette différence qu'ils sont plus caractérisés, puisqu'elle mord les autres animaux & qu'elle les fait devenir enragés par le seul effet de la contagion. Communément même elle s'arrache les intestins avec les dents & hennit fortement. Cette maladie vient de la trop grande abondance du sang & de la chaleur & on la traite par la méthode & avec la potion que nous avons prescrites ci-dessus.

 

CHAPITRE XIII.

 

On donne le nom de Chirurgia[8] à toutes les opérations dans lesquelles on coupe avec le fer, ou à celles dans lesquelles on brûle avec des cautères. Quoiqu'on ait recours à ce genre de traitement pour tous les membres des animaux, c’est cependant pour leur tête qu'il est le plus nécessaire. Il faut, par conséquent, traiter avec soin tous les animaux qui se seront cassé la tête par accident, ou qui se la seront dépouillée en telle partie que ce soit, de peur que l'irritation d'une pareille plaie ne pénètre jusqu'aux nerfs & au cerveau & qu'elle ne les expose à quelque danger. Il ne faut pas même, dans les commencements du mal, avoir recours à des remèdes trop acres & il vaut mieux se servir de miel lorsque les parties qui auront été brisées seront venues à maturité, les os se relâcheront, alors on les bandera avec adresse & on les arrachera en les ébranlant avec la main ou avec des pinces. Quant aux fragments d'os qu'on aura laissés & qui ne seront point régalés, on les coupera avec des ferrements & on les ratifiera afin qu'ils se revêtent plus aisément de chair. Car jamais la plaie ne se refermera à moins qu'on ne les ratifie jusqu'à ce que le sang sorte par la bouche de l'animal. Mais il faut user de beaucoup de précautions dans ces sortes d'opérations, parce qu'il se forme ordinairement une fistule dans les endroits où sont les os & les jointures & que s'il vient à s'en former une, il en résulte une petite plaie incurable qui ne rend pas de la sanie, mais une humeur liquide & qui ne se cicatrise jamais avec solidité. Quand il survient une pareille fistule, voici comme on la traite : on fait passer à travers la fistule même du papier qu'on lie en dehors par les deux bouts, pour l'empêcher de tomber &.on l'y laisse pendant cinq jours ou davantage jusqu'à ce qu'il ait relâché la callosité de la fistule & qu'il l’ait fait gonfler de façon que l'ouverture de la plaie se trouve élargie. Ensuite on fait un collyre de la grandeur de la plaie, avec les médicaments propres aux fistules, que l'on met dans la fistule après en avoir retiré le papier, de façon que la concavité de la plaie en soit entièrement remplie. Il est évident qu'il faut bien attacher ce collyre, afin qu'il ne tombe point : on le détachera au bout de quatre ou cinq jours. Si la fistule est disparue, on la traitera avec des traumatiques, que l'on ne cetera pas d'appliquer sur la plaie, jusqu'à ce qu'elle rende une sanie épaisse en petite quantité; & quand on s'apercevra que le collyre est propre & sans sanie lorsqu'on le retire de la plaie, on fera bouillir avec du miel de la fleur de farine d'ers & de l'encens mâle broyé par parties égales, pour appliquer ce médicament sur la plaie même & on la pansera de la même manière pendant plusieurs jours, en repoussant les lèvres de la plaie, afin qu'elles se rejoignent pour reprendre plutôt. Si un animal s’est donné un coup de tête allez violent pour que le cerveau soit endommagé à l'intérieur, il faut sur le champ lui tirer du sang des temples & lui appliquer sur la tête une éponge trempée dans de l'eau mêlée d'huile de roses, si l'on est en été & de vinaigre par parties égales & l'y attacher avec une bande. On lui donnera des nourritures vertes & s'il refuse toute nourriture au point de ne pas même vouloir de celles-là, on fera moudre des fèves pour les réduire en fleur de farine ; & après avoir mêlé avec ces fèves une pareille quantité de farine de froment, on les lui fera avaler à la corne dans de l'hydromel pour le sustenter, jusqu'a ce qu’il commence à avoir de l'appétit pour les nourritures vertes, qu'on ne lui donnera qu'après les avoir arrosées d'eau de mer ou d'eau salée.

 

CHAPITRE XIV.

 

Comme les oreilles sont voisines de la tête, leur pansement n'est pas moins dangereux que celui de cette partie du corps. S'il arrive qu'elles aient été froissées par accident vers leur racine & qu'il s'y soit formé une apostume, on l'ouvrira lorsqu'elle fera mûrie, avec un scalpel & on en laissera écouler le pus ; ensuite on les oindra pendant trois jours avec du vinaigre très mordant & de l'huile & le quatrième jour on les traitera avec des traumatiques jusqu'à ce qu'elles soient guéries. Quand le tendon même de l'oreille serait endommagé, ce traitement serait également bon. Mais s'il y a une grosse tumeur accompagnée de dureté à la racine de l'oreille ou à sa naissance de la tête, on y appliquera un cataplasme composé de fenugrec & de lin avec de la fleur de farine de froment & on ouvrira l'apostume avec le scalpel quand elle sera mûrie, de façon que la plaie, formée par cette incision, soit tournée par en bas, afin que l'humeur en découle par la pente. On applique sur la plaie des linges roulés & trempés dans du vin & de l'huile avec du miel & on la fomente pendant quatre jours, aptes quoi on a recours aux traumatiques. Mais la cure est difficile en pareil cas, parce qu'il se forme souvent des fistules dans ces parties. S'il arrive qu'il s'en forme une, on la traite de la manière que nous avons prescrite ci-dessus. Si malgré ces traitements la plaie venait à s'étendre plus loin, il faudrait brûler les parties voisines très profondément & enfoncer dans les apostumes même des cautères en forme de pointes, afin de détruire à l'intérieur la cause de la maladie, en désunissant la peau ; après quoi on traitera avec soin les parties brûlées. Car il ne faut pas négliger de traiter les maladies des oreilles, de peur que la douleur excessive, dont elles sont accompagnées, n'engendre la folie. Il faut, par conséquent, nettoyer d'abord avec soin l'oreille à l'intérieur, pour en ôter tout ce qui peut exciter la douleur ou blesser. Si on n'y trouve rien, on versera doucement sur une éponge du nitre & de l'eau pour la mouiller & on la mettra dans l'oreille où on la laissera pendant une nuit. On ne commencera que le troisième jour à la fomenter souvent & longtemps avec du nitre & de l'eau chaude, jusqu'à ce que la douleur disparaisse. S'il est entré de l'eau dans l'oreille, on y injectera de vieille huile & du vinaigre par poids égal, en y ajoutant du nitre & on appliquera de la laine par-dessus. S'il y a une plaie dans l'oreille, on y introduira un médicament onctueux & elle en guérira.

 

CHAPITRE XV.

 

Voici la manière de traiter un animal dont les yeux sont tourmentés par une trichiase, c’est-à-dire, par des poils déplacés qui, en brûlant sa paupière, excitent ses larmes & lui troublent la vue. On fera une incision avec le scalpel sur la peau de la paupière, par dedans, auprès de ces poils; Ensuite on taillera en long, avec des ciseaux, une bande proportionnée à la grandeur de l'œil & après avoir mis sur la paupière des éclisses, on la coudra en dehors, afin que l'animal recouvre avec la vue la grâce naturelle de ses yeux, sans qu'il en résulte aucune difformité. On appliquera ensuite sur l'œil une éponge trempée dans d'excellente huile & dans de la saumure & on le bandera. Cinq jours après on déliera la bande & on pansera alors l'œil par dedans avec un collyre & par dehors avec le remède composé de quatre drogues,[9] sans ôter les éclisses avant qu'il soit cicatrisé : & même, lorsqu'on les aura ôtées, on ne cessera pas pour cela de le panser avec le collyre, de peur qu'il ne s'y forme quelque excrescence de chair superflue. Néanmoins bien des personnes suivent une méthode qui est à la vérité plus courte, mais dont il résulte toujours quelque difformité ! elle consiste à couper avec des ciseaux ce qui déborde dans l'œil pour le mettre à son niveau naturel, à fomenter les parties froides de l'œil avec de l'oxycrat pour arrêter le flux de sang & à traiter l'intérieur de l'œil avec un collyre, pour empêcher qu'il n'y survienne une irritation dangereuse. Le troisième traitement des maladies occasionnées par les poils consiste à brûler, avec un cautère doux & léger, les paupières sur lesquelles paraît l'excrescence, pour lors, quand la cicatrice est formée, la peau se resserre & la paupière se trouvant élevée plus haut préserve l'œil des accidents que le mouvement des poils pourrait occasionner à la prunelle.

 

CHAPITRE XVI.

 

L’épanchement du sang ne prive pas moins de là vue les animaux que les hommes : les Auteurs indiquent trois espèces d'épanchements dans l'œil 5 savoir, la stenocoriasis, la platycoriasis & l’hypocoriasis,[10] car κόρη en Grec signifie la prunelle de l'œil. On appelle stenocoriasis la maladie dans laquelle la vue se resserre & perd sa vigueur : voici comme il faut la traiter. On tirera du sang des temples; on fera aussi bouillir jusqu'à diminution des deux tiers de la racine de fenouil & de la petite chélidoine ou de la rue, pour fomenter tous les jours l'œil avec l'eau dans laquelle ces plantes auront bouilli, dont, on remplira sa main à cet effet. On l'oindra aussi d'un collyre de baume blanc, parce que cette plante est communément bonne contre les épanchements. Il y a une platycoriasis dans l'œil, lorsque la prunelle s'étend au delà de sa grandeur naturelle & que l'on perd la vue ; car cette maladie est absolument incurable, parce que de même qu'un jaune d'œuf, dont l'enveloppe est rompue par quelque accident, ne peut plus se réunir ni reprendre la première forme, de même la prunelle une fois épanchée, ne peut plus reprendre l'habitude de voir. Cette maladie est occasionnée par la sueur des chevaux, lorsque l'irritation, causée par une inflammation, rompt la petite membrane qui renferme l'humeur cristalline, ou qu'au moins la fatigue d'un long voyage donne nécessairement lieu à. cette irritation dans les animaux, ou enfin que leur maître a négligé de panser leurs yeux lorsqu'ils étaient malades. L'œil paraît sain dans cette maladie & son mauvais état ne se manifeste ni par les larmes, ni par le sang ni par aucune irritation, de sorte qu'on ne peut en avoir d'indice qu'en examinant l'œil de l'animal, auquel cas on ne peut pas voir son image dans sa prunelle comme dans un miroir. Quant à l’hypocoriasis, elle est occasionnée par uns humeur qui vient de la tête & elle commence par se manifester dans un œil, après quoi elle passe à l'autre. On la distingue à l'humeur ou aux larmes qui coulent des yeux. On tire aussitôt du sang des sourcils ou des temples même & on fomente l'œil avec de l'eau tiède dans laquelle on a fait bouillir des racines de fenouil avec de la rue. Outre cela, on l'oint avec un collyre composé de grande berce & de baume blanc. En suivant cette méthode, il arrive souvent que l'aveuglement se guérit par un flux de larmes. On brûle aussi les veines des temples avec un cautère & dès lors L'humeur trouve tout partage bouché.

 

CHAPITRE XVII.

 

Lorsque la violence de la maladie a dégénéré en hypochise, examinez attentivement de quelle couleur est la membrane étendue sur la prunelle, qui intercepte la vue : si elle est de couleur d'or, sachez que l'hypochise est incurable, de même que si elle est trop blanche. Mais si elle est épaisse, de couleur olivâtre & semblable à de la morve, on la traite ainsi que dans les hommes, quand elle est mûre, par l'opération de la paracentèse. On mettra en conséquence l'animal à la diète la veille de cette opération & on l'empêchera particulièrement de boire, après quoi on le renversera par terre sur un terrain mou & on placera convenablement sa tête & son col. Ensuite on aura soin de lui ouvrir l'œil, de façon qu'il ne puisse pas le refermer, après quoi on introduira dans l'œil, depuis le front même, l'instrument de la paracentèse, entre les tuniques de l'œil, sans toucher à la prunelle, ni rien endommager dans l'intérieur de l'œil & on fera tomber le dragon avec dextérité de la partie supérieure de l'œil où l'hypochise est formée, vers la paupière inférieure, en se servant de la petite tête de l'instrument. Quoique le dragon soit tombé, on ne retirera pas encore l'instrument avant d'avoir fomenté l'œil très longtemps avec une éponge chaude pendant qu'il sera fermé, parce qu'il arrive communément que ce dragon remonte. Si cela arrivait, on le ferait encore retomber, jusqu'à ce qu'il fût placé de façon à ne pouvoir plus remonter. Lors donc que l'on sera assuré que la prunelle est claire & que l'hypochise ne forme plus aucun obstacle à la vue, on retirera l’instrument & l’on s'apercevra que l'animal jouit de la vue. Voici comme on le pansera. On fera un anacollemate avec de l'huile de roses & un blanc d'œuf que l’on étendra sur de la laine, puis on l'appliquera sur l'œil guéri, que l'on bandera par dessus. On prendra garde que l'animal ne mange ce jour-là & que l'agitation de ses mâchoires n'occasionne quelque mouvement dans l'œil; on le laissera cependant boire s'il en a envie. Le lendemain on déliera la bande & on fomentera l'œil très longtemps avec de l'eau chaude. Ensuite on versera goutte à goutte dans l'œil du jus de fenugrec & on y remettra encore l'anacollemate que nous venons de prescrire, puis on le bandera. Quand on aura répété ce pansement pendant trois ou quatre jours, on déliera la bande & on fomentera l'œil avec du jus de fenugrec, puis on l'oindra avec d'excellent miel Attique, jusqu'à ce que la cicatrice & l'œil soient consolidés.

 

CHAPITRE XVIII.

 

Il y a une autre maladie dans laquelle l'œil est tantôt couvert d'un dragon, tantôt limpide : les anciens ont donné le nom de lunatiques aux yeux qui se trouvaient attaqués de cette maladie. Voici comme on les guérît : on cire du sang des temples ; il faut néanmoins en tirer encore quelques jours après au-dessous de l'œil. On traite aussi tous les jours l'œil par dehors avec des fomentations chaudes & on l'oint à l'intérieur pendant plusieurs jours avec un collyre thermantique très violent, jusqu'à ce qu'il soit guéri. Si ce traitement n'avance de rien, on cherchera attentivement les veines des temples situées au-dessus de la partie affligée de cette maladie & on les brûlera afin de pouvoir détourner l'humeur qui cause le mal.

 

CHAPITRE XIX.

 

Tout animal, qui a un staphylome dans l'œil, est incurable néanmoins voici le remède qu'on a coutume d'y apporter : on tire du sang au-dessous de l'œil & on le fomente avec de l'eau chaude, dans laquelle on a fait bouillir des racines de fenouil & de la rue : on l'oint aussi avec un collyre qui ne soit pas bien violent. S'il vient à s'y former une plaie, on la fomentera, après l'avoir bien aplanie en la ratifiant, avec du jus de fenugrec & on l'oindra avec un collyre doux qui soit bon pour les tuniques rompues, jusqu'à ce que la cicatrice se referme avec la plaie qui aura été aplanie, après quoi on se servira d'un collyre plus acre & on répétera le pansement pendant plusieurs jours, jusqu'à ce que toutes les parties puissent s'aplanir & se remplir comme elles le sont naturellement, sans que la vue de l'animal conserve aucune difformité.

 

CHAPITRE XX.

 

Si par hasard un animal s’est heurté l'œil, ou qu'il ait été ébloui, ou qu'il ait eu l'œil endommagé à la suite d'un coup & qu'il s'y soit formé un dragon, quand même l'œil serait entièrement bouché, l'expérience a prouvé qu'on pouvait néanmoins parvenir à le guérir en peu de temps par cette méthode : on cueille du lierre terrestre & on le bat très longtemps dans un mortier très propre pour en exprimer le jus dont on oint l'animal & le dragon disparaît contre toute espérance par la vertu de ce médicament. Mais si l’on ne trouve point de lierre terrestre, on broie des baies ou des feuilles de lierre pour en exprimer le suc avec lequel on oint l'animal. Si ce dernier remède paraît lui-même difficile à pratiquer, ou lent à opérer, on bat très longtemps des feuilles de lierre dans un peu d'eau fraîche, pour en exprimer le suc qu'on lui injecte dans l'œil avec un siphon. Quand on aura répété ce pansement pendant plusieurs jours, tant le matin que le soir, le dragon disparaîtra totalement. Mais si on y ajoute du vin nouveau excellent, le remède sera encore plus efficace.

 

CHAPITRE XXI.

 

Quelques auteurs ont dit que lorsqu'il est survenu un épanchement dans l'œil droit, ou qu'il s'y est formé un dragon, il faut examiner attentivement le côté droit des naseaux, ou le côté gauche si c’est à l'œil gauche que cet accident est arrivé & qu'on trouvera, dans la callosité même des naseaux,[11] de très petits trous dans lesquels il faudra insérer un petit tuyau, à travers lequel celui qui voudra faire ce pansement soufflera du vin pur dont il aura rempli sa bouche, de façon que ce vin pénètre par ce trou jusqu'à l'œil, après quoi l'œil commencera à pleurer; & effectivement ce remède sera plus prompt que tout autre, parce que la vertu du vin pur pénétrera dans l'œil à travers les vaisseaux intérieurs.

 

CHAPITRE XXII.

 

Lorsquun animal aura reçu dans l'œil un coup qui aura donné sur l'os même, si le coup a formé une tumeur dure, calleuse & semblable à une ossification, voici comme on le traitera : après l'avoir renversé par terre, on lui ouvrira la peau auprès du mal même & on coupera avec un ciseau soit la gencive de l'os, soit le cartilage, soit l’os qui aura commencé à former une excrescence, afin de l'aplanir au niveau de l'autre œil. Lorsqu’il sera aplani convenablement, on remplira la cavité avec du vinaigre & de l'huile, en y mettant de petits linges ou de la charpie & on bandera la plaie : le troisième jour on déliera la bande & on répétera le même pansement pendant cinq jours, jusqu'à ce que l'inflammation soit cessée, après quoi on aura recours aux traumatiques. On mangera aussi les excrescenses de la peau avec un médicament répressif, jusqu'à ce que la plaie soit belle, guérie & aplanie. Si l'os n'a pas pu se recouvrir de chair, on le ratifiera tous; les jours jusqu'au sang afin que la chair revienne, en appliquant sur la plaie les remèdes convenables. Si après avoir été guérie, la même maladie commence à reparaître, on la brûlera délicatement avec un cautère en forme de pointes. Le sang ciré au-dessous de l'œil guérir les épiphores des yeux, pourvu qu'on ne cesse pas de les oindre avec d'excellent miel, jusqu'à leur guérison. Voici en outre un remède excellent pour cette maladie : on broie & on mêle ensemble, pour en oindre l'œil, un denarius pesant de myrrhe, une semi-uncia tant d'excrément-de crocodile que de sel ammoniac & d'os, de sèche, avec deux cyathi de miel Attique. Voici le remède qu'on emploie-contre une lippitude violente: on broie ensemble, on réduit en poudre ; & on crible, une uncia tant de myrrhe des Troglodytes que d’encens mâle, de safran de Sicile, de pierre de Cypre & de cuivre brûlé, à quoi on ajoute une quantité suffisante d'eau de pluie, de vin de Falerne & de miel Attique & l'on renferme cette composition dans un vase de verre, pour s'en servir au besoin. Si un animal s’est rompu par hasard le cil, on y mettra une éclisse avec de la manne d'encens & un œuf. Voici une composition qui enlève les cicatrices des yeux : on réduit en poudre, pour s'en servir dans l'occasion, une uncia & demi de spica nard, trois de sel ammoniac, une & demi de calamine, une de safran & une semi-uncia de poivre. Traitement, qui guérira les dragons : dix scrupules d'os de sèche de mer ratissés & deux tant de safran que de sel ammoniac, de myrrhe & d'excrément de crocodiles. Les dragons ou les glaucomes se guérissent encore avec trois sextarii de vieux vin Amminée & d'œillet & trois unciae de miel; on se sert de ces drogues après les avoir fait toutes bouillir. Voici comme on enlève un dragon quand il est occasionné par une humeur ou par un coup : on mêle avec du miel deux unciae de sandaraque, quatre d'os de sèche brûlés, une semi-uncia de poivre blanc & deux unciae de sel ammoniac. La salive d'un homme à jeun guérit les cicatrices des yeux, pourvu qu'on l’injecte dans l'œil après avoir mâché du sel : il en est de même du sel égrugé avec un os de sèche & de la graine de moutarde sauvage. Collyre de nard : deux scrupules de grande berce, deux unciae de violette, une semi-uncia tant de spica nard que de cannelle & de marrube, une uncia & demi de safran de Sicile, une semi-uncia & quatre scrupules d'huile, six unciae de poivre blanc & cinq scrupules de gomme. Voici encore un collyre d'une autre composition : on mêle ensemble une quantité égale de rouille de cuivre & d'excellent sel, avec une quantité suffisante de vinaigre. Composition d'un usage nécessaire : on broie bien & on mêle ensemble, pour s'en servir au besoin, quatre scrupules tant de rue que d'encens mâle, de fiente de pigeon, d'excrément de souris, d'huile de safran, de miel, de calamine & d'huile rosat. Mais si l’œil, à la suite d'une plaie occasionnée par un coup, est devenu incurable & qu'il s'y soit formé des canchremata,[12] pour me servir de l’expression des Médecins Vétérinaires, on y met de la fleur de farine d'ers avec de l'huile de roses & un œuf, pour écarter le danger de mort qui menace alors l'animal lorsque la plaie est nettoyée, ont l'oint avec du miel Attique. Il y a encore bien d'autres espèces de collyres, mais nous, en avons regardé le détail comme superflu, parce qu'ils ont tous la même vertu que ceux-ci & qu'ils contiennent les mêmes drogues;

 

CHAPITRE XXIII.

 

Les humeurs froides, les parotides ou les écrouelles assiègent assez souvent le gosier des animaux & se manifestent par une tumeur à la gorge. Ils soulèvent alors la tête & sont comme étranglés par la strangurie qui en résulte. Il faut commencée par les traiter avec des fomentations chaudes & un cataplasme composé de fleur de farine d'orge & de trois uncia de résine bouillie dans du vin fort; & lorsque l'apostume sera mûre, il faudra l'ouvrir avec un scalpel, en faire sortir tout ce qui s'y sera amassé & mettre dessus des linges roulés trempés dans du vinaigre, du sel & de l'huile. Si la plaie est large, il faut continuer de la traiter les jours suivants avec des traumatiques & des remèdes convenables choisis avec intelligence, jusqu'à ce qu'elle soit guérie. Communément quand ces sortes de plaies sont refermées, il ne tarde pas à s'y former une fistule ; c’est pourquoi si cela arrive, on pourra la guérir parfaitement: avec du papier & un collyre, de la manière que nous avons enseignée ci-dessus.[13]

 

CHAPITRE XXIV.

Les glandes incommodent encore les animaux & principalement-les poulains, jusqu'à mettre quelquefois leur vie en danger en se convertissant en une maladie. Elles viennent entre les mâchoires & le bas du gosier, les unes plus grandes, les autres plus petites que de petites boules & s'unissant ensemble sous la chair, elles s'endurcissent & donnent lieu à une tumeur qui ne cause point de douleur. L'usage est de les oindre d'huile dans le principe, de les frotter avec de la poix & de les pétrir beaucoup avec les mains moyennant quoi elles se guérissent comme en s'évaporant. Si elles augmentent, on renverse l'animal à terre pour les ouvrir légèrement par le milieu avec un scalpel & les extirper jusqu'à la racine, sans toucher aucune veine. Après quoi il faut panser les plaies qui seront résultées de cette opération avec du vinaigre, de l'huile, du sel & les médicaments que nous, avons donnés ci-dessus.[14] Bien des auteurs ont prétendu qu'il fallait les brûler & en effet ce remède est également bon quand elles sont encore petites, mais lorsqu'elles sont grosses, il faut les couper avec le fer. Il y a aussi beaucoup d'auteurs qui veulent qu'après avoir extirpé les glandes avec le fer, on brûle la place qu'elles occupaient pour arrêter le flux de sang & qu'on les panse ensuite avec du sel & de l'huile pendant huit jours. Ils veulent: aussi qu'on les lave avec du nitre & de l'eau chaude & à défaut de nitre avec de l'urine charade & de l'eau de lessive & qu'ensuite on y mette pendant trois joues du vin, de l’huile & de la farine d'ers, après quoi on achève la cure avec du vin, de l'huile, de la farine d'orge & du miel. Ils ajoutent qu'il n'y a pas de plaies occasionnées par des humeurs froides, par des parotides où par des glandes, qui ne puissent être enlevées avec un médicament de suc de pyracanthe & dont on n'achève la cure en les saupoudrant de poudre de grenades sèches dont l'effet sera toujours très prompt.

 

CHAPITRE XXV.

 

Quand la pousse des premières dents aura enflammé la tête des poulains, il se formera une tumeur & une apostume entre les gencives & les mâchoires : on donne à cette maladie le nom de pullaria[15] & la tension en est si grande qu'à peine peuvent-ils alors manger. Il faut faire mûrir avec soin ces apostumes en y mettant des cataplasmes, ensuite les ouvrir avec la lancette & enfin les panser avec du sel, du vinaigre & de l'huile.

 

CHAPITRE XXVI.

 

Composition d'un collyre pour les fistules. Si quelques uns des pansements que nous venons de détailler ont donné naissance à une fistule dans la bouche d'un animal, voici comme on la traitera : on introduira du papier dans la fistule de façon que l'une de ses extrémités entre dans la bouche & on l'attachera bien avec du fil, afin qu'il ne puisse pas tomber ; l'autre extrémité de ce papier sera hors de la bouche & également attachée avec du fil, de crainte qu'elle ne tombe. On l'y laissera pendant trois jours ; le quatrième jour on l’ôtera pour lui substituer un collyre de la longueur de la plaie & qui en remplisse bien exactement la cavité & pour empêcher que ce collyre ne vienne tomber, on bandera la plaie de façon que l'animal puisse néanmoins remuer les mâchoires pour manger : le troisième jour on déliera la bande. Si la fistule est disparue, on la pansera pendant sept jours avec un onguent traumatique. Ensuite on y mettra pendant plusieurs jours un collyre fait avec du miel & de la fleur de farine d'ers bouilli ensemble & l'on fera en sorte que ce collyre en remplisse bien, l'ouverture. Enfin on mettra sur la plaie même un médicament anaplerotique, jusqu'à ce qu'elle soit totalement consolidée & cicatrisée. Or, voici la manière de faire ce collyre pour les fistules : on broie avec du vinaigre très mordant une uncia tant d'anis, que, de férule, de vert-de-gris, d'écailles de calamine & de graine de cumin & on en forme des collyres pour s'en servir dans l'occasion suivant la qualité des plaies.

CHAPITRE XXVII.

 

Il vient des fistules toutes les fois qu'un nerf ou un cartilage, où un os se trouvent gâtés par l’humeur corrompue de quelque plaie, en conséquence de l'ignorance & de l'impéritie de celui qui l’a pansée. En effet partout où une humeur pareille passe comme à travers un canal, elle endurcit la chair & la rend calleuse & il se forme une fistule que l'on ne peur guérir en aucune façon & qui ne peut jamais se rejoindre ni se consolider, à moins qu’on ne l'extirpe entièrement. Les: différents auteurs ont prescrit divers traitements pour cette maladie. Car les uns ordonnent d'y faire une incision & de l'ouvrir avec le scalpel, de la décharner avec le syringotome & de manger les chairs avec des médicaments très corrosifs, afin que la plaie parvienne à se cicatriser par la suite. Mais quoique cette méthode soit d'une pratique difficile & qu'elle ne soit pas sans danger, elle est néanmoins de peu d'utilité. D'autres, au contraire, ont cru qu'il falloir brûler toute la fistule avec un cautère & dissoudre les parties circonvoisines avec des pointes brûlantes, afin que lorsque le feu aura détruit toutes les callosités, les plaies puissent être entièrement guéries par des remèdes staltiques;[16] mais il vaut mieux traiter les fistules en y insérant du papier de la manière que nous avons expliquée ci-dessus,[17] parce qu'on ne fatigue alors ni le nerf, ni la veine, ni la jointure, d'autant qu'il arrive souvent que le scalpel ou le cautère font empirer la maladie, de sorte qu'il en résulte un état dangereux pour l'animal, au lieu que le collyre détruit toute la callosité de la fistule jusqu’à sa racine, si profonde qu'elle soit. Si l'os a été tourmenté par ce qu'il aura fallu ratifier la plaie, attendu qu'elle était très large, ce médicament ne pourra point lui nuire. Mais s'il est resté quelque pourriture, ou un nerf, ou un cartilage au fond de la fistule, on réduira le même collyre en poudre que l’on y injectera souvent, parce que cette poudre nettoyé & guérit parfaitement toutes les plaies.

 

CHAPITRE XXVIII.

 

Quelquefois l'intérieur de la gorge. & de la tête des animaux leur enfle, comme il arrive dans l'esquinancie, de façon qu'ils ne peuvent plus ni boire ni manger. On leur fomente alors toute la bouche, ainsi que la langue, avec de l'eau chaude & on la frotte arec du fiel de taureau. Ou leur donne encore cette potion-ci à la corne : on mêle ensemble deux livres de vieille huile & un sextarius de vin & on fait bouillir dans de l'eau neuf figues sèches avec neuf têtes de porreau que l'on broie avec grand soin, enfin, on mêle dans cette eau même, une quantité suffisante de nitre d'Alexandrie broyé, pour faire du tout ensemble une potion, dont on donne une hemina aux animaux attaqués de cette maladie, tant le matin que le soir, afin que la dureté de la tumeur se détende & s'apaise. D'ailleurs on leur donnera à manger de l'herbe verte, ou, ce qui vaut encore mieux, on les mènera paître. Si l'on n'a pas d'herbe verte, on fera de la farine d'orge dans laquelle on mêlera du nitre, pour leur en présenter. On choisira aussi du foin très mollet, sur lequel on jettera encore du nitre & de l'eau. On ne leur tirera pas de sang, si ce n'est du palais. Quand ils commenceront à être convalescents, on mêlera du nitre broyé & criblé avec de la poudre de racine de concombre sauvage & on jettera plein un cochleare de cette poudre dans un sextarius de vin, pour faire une potion dont la vertu leur relâchera le ventre & les purgera. D'autres auteurs craignant les accidents que peut occasionner la tumeur de la tête & de la langue ou de la gorge, se hâtent de la traiter de cette façon-ci, quoiqu'elle soit déjà endurcie; ils font chauffer au feu plusieurs pierres meulières & quand elles commencent à rougir, ils couvrent la tête du cheval & lui mettent sous la bouche & sous les naseaux un vase plein d'urine, dans laquelle ils trempent ces pierres l'une après l'autre, tandis qu'elles sont rouges, afin que la bouche & les naseaux du cheval se trouvent remplis de la vapeur & de la fumée excitée par la chaleur de ces pierres. Mais il faut lui passer un bâton en traverse dans la bouche, afin qu'il la tienne ouverte. Lorsqu’on aura fait cette opération pendant un temps très considérable, on fera chauffer de l'eau de mer, ou du moins on mettra du sel dans de l'eau douce, que l'un fera bouillir afin de le faire fondre & après avoir ajouté avec-cette eau salée du vinaigre très mordant, on lui en frottera très longtemps la tête, la bouche & les gencives. Ensuite on mêlera de la fiente de bœuf avec du vinaigre mordant que l'on fera chauffer, pour lui frotter avec ce médicament toute la tête, la face & les lèvres, après quoi on lui donnera une quantité suffisante de farine d'orge dans de l'eau tiède, ce qui lui servira de nourriture & de boisson.

 

CHAPITRE XXIX.

 

On jugera qu'une tumeur, causée par une irritation, aura été occasionnée par la plénitude du sang, lorsque les veines de l'animal étant tendues, sa respiration sera interceptée & que ses yeux paraîtront sanguinolents. Il faudra alors lui tirer du sang des temples, si elles ne sont pas enflées, ou au moins du palais, s'il n'y a pas d'irritation en cette partie. On fera aussi tremper dans du vin dur deux, tiers d'argile de Cimolus avec un tiers d'argile noire, pour frotter sa tête avec cette composition, après l'avoir fait chauffer.

 

CHAPITRE XXX.

 

Au surplus, il faut savoir qu'il s'élève souvent sur le corps des tumeurs que les Grecs appellent ὀγκόματα. Il y en a de différence nature & qui portent des noms différents. Le stéatome est une tumeur qui renferme du suif ou de la graisse. Le meliceris est une tumeur dans laquelle on trouve de la chair entassée comme dans les verrues. L'anévrisme est une rumeur dans laquelle le sang, poussé hors de l'artère par la respiration, forme un bouton semblable à celui d'une mamelle. L'athérome est une tumeur dans laquelle se trouve un amas farineux. Le ganglion est une tumeur formée par un nerf qui s’est doublé; elle ressemble à une truffe & est accompagnée d'une douleur axée en un certain endroit. Il n'y a qu'une façon de traiter toutes ces espèces de tumeurs. On lie l'animal & on le couche à terre; alors on fait deux ouvertures en long auprès de la tumeur, tant de droite que de gauche, avec une flèche ou un scalpel, en proportionnant la longueur de ces ouvertures à la tumeur, de façon que la bande de peau qui les sépare & qui couvre la tumeur, reste intacte. Ensuite on extirpe ou on détruit tout ce qui pouvait donner lieu à cette tumeur & on fait cicatriser la plaie avec les remèdes convenables, qui sont ceux que nous avons prescrits ci-dessus.[18]

 

CHAPITRE XXXI.

 

Si un animal a eu la langue coupée, on la recoud promptement en la retenant avec des éclisses. Ensuite on la lave avec du vin, puis on broie de la noix de galle donc on crible la poudre pour en mettre sur la plaie jusqu'à ce qu'elle soit guérie. On donne à l'animal du foin très mollet & haché avec du son au lieu d'orge. D'autres ont pensé qu'après avoir mis les éclisses & avoir lavé la langue avec du vin, il fallait mettre du miel sur la plaie, pour la nettoyer & la guérir en finissant par y appliquer de la poudre de grenade.

 

CHAPITRE XXXII.

 

Si un animal a mal aux cases qui contiennent les dents, c’est-à-dire, aux gencives ou aux dents elles-mêmes, on le reconnaîtra à ces symptômes-ci ; il avalera son orge sans le mâcher, il maigrira, il salivera beaucoup & ses gencives s'enfleront. On fait tremper alors de l'argile de Cimolus dans du vinaigre très mordant & tandis qu'elle est chaude, on l’étend en dehors sur les mâchoires au moins pendant cinq jours : on frotte aussi très longtemps les gencives à l'intérieur avec de la poudre d'écorce de grenade, en y ajoutant du miel le troisième jour & l'on ne cesse ce traitement que lorsque l'animal a rendu toute sa sanie & qu'il se porte mieux. Cet accident arrive lorsqu'il tombe une humeur acre de la tête dans les veines des mâchoires.

 

CHAPITRE XXXIII.

 

Si un animal s’est brisé un os auprès du col ou des dents molaires, ou dans un autre endroit de la bouche, de façon qu'il ne puisse pas en fermer la charnière & que ses dents soient à jour, ou que ses lèvres pendantes le rendent difforme, on fomentera promptement avec de l'eau chaude & on ajustera la lèvre ainsi que tout ce qui pourra être disjoint avec une petite bande très mince trempée dans du vinaigre & de l'huile; puis on remettra avec soin à leur place les parties défuntes, d'abord par un côté, ensuite par l'autre & on les bandera de la même manière, de peur qu'elles, ne se séparent de nouveau. Il faut aussi lui attacher une muletière à la bouche & afin qu'il ne se défigure point les dents ni les lèvres. Lorsqu'on déliera la bande pour le panser, on contiendra avec la main les parties que l'on avait d'abord ajustées & on lui donnera à manger du son & de la farine d'orge mêlés ensemble dans une corbeille, sans éloigner la main de l'endroit qu'elle retiendra pendant tout le temps qu'il mangera. Quand il ne voudra plus manger, on lui offrira de l'eau à boire & quand il aura bu, on le pansera de la manière que nous venons de dire. Il faut aussi lui donner de la ptisanne d'orge mondé au cas qu'il ait peu mangé. En le traitant ainsi pendant quarante jours, on lui rendra la santé.

 

CHAPITRE XXXIV.

 

Si un animal s’est blessé le cartilage des naseaux & que l’on ne puisse pas arrêter son sang, on mettra sur la partie blessée de l'éponge d'Afrique & de la fleur de farine d'encens mâle mêlés ensemble & s'il y a une plaie formée dans le cartilage, c’est ainsi qu'on la pansera. Quand on a saigné un animal au palais, il arrive quelquefois qu'on ne peut plus arrêter son sang dès qu'il a commencé à couler ; il faut alors mettre, comme nous venons de le dire, de l'éponge sur l'endroit du palais qui aura été piqué de la flèche & attacher la tête de l'animal haute, puis lui verser de l'eau fraîche sur les reins, sur le cerveau & sur les testicules. Si ces soins tardent à le soulager, ou trempera dans du vinaigre très mordant de l'acacia noir & de la fleur de farine d'encens mêlés en égale quantité, pour en oindre toute sa tête jusqu'à ce que le sang s'arrête par le resserrement même qu'occasionnera ce remède.

 

CHAPITRE XXXV.

 

C’est un accident qui devient bientôt dangereux, lorsqu'une veine, qui aura été ouverte dans le palais, ne peut pas se refermer, mais on arrête à l'instant le flux de sang en brûlant le passage à travers lequel il s'écoule avec un cautère chaud & en tenant la tête de l'animal très élevée. Quand le sang coule par les naseaux & qu'on ne peut pas l'arrêter par d'autres moyens, on broie une quantité suffisante de coriandre verte & l'on injecte dans les naseaux du cheval, que l'on attache à cet effet, le suc qu'on en aura exprimé & le froid naturel de ce médicament refermera aussitôt la veine : on brûlera aussi du carton & de la laine pour lui en souffler la cendre dans les naseaux à travers un tuyau.

 

 

CHAPITRE XXXVI.

 

Il faut aussi connaître la nature de la morve qui coule par les naseaux, parce qu'elle indique les différents genres de maladies & qu'il est plus aisé de guérir les maladies une fois qu'on les connaît. La morve est habituellement limpide & à moins qu'elle ne soit trop abondante, elle ne doit pas être suspecte lorsqu'elle est telle ; mais lorsqu'elle est blanche & épaisse, c’est une preuve qu'elle coule du cerveau & qu'il faut se presser de guérir la tête. Quand elle est rouge, légère & froide, elle annonce une incommodité occasionnée par un frisson d'ancienne date. C’est pourquoi il faut réchauffer l'animal avec des potions thermantiques. Celle qui est bleue, c’est à dire, brune, vient des vaisseaux internes & indique la fièvre ; c’est pourquoi il faut avoir recours aux fébrifuges convenables. Pour celle qui est épaisse, écumeuse & pâle, elle vient des poumons & indique que l'animal a la pousse : il est même difficile de le guérir alors, à moins qu'on ne se hâte d'y apporter remède. Celle qui est de couleur de fèves, vient de glandes qu'il faut faire disparaître promptement ou extirper avec le fer, de peur qu'elles ne se convertissent en maladie.

 

CHAPITRE XXXVII.

 

Il arrive souvent qu'à la suite d'une plaie occasionnée par un coup, le sang coule par les naseaux des animaux : on appelle cette maladie cuférion. C’est ce qui arrive particulièrement quand un cheval a été excité à courir au-delà de ses forces. Il faut lui frotter alors tout le corps avec de l'huile & du vinaigre, le mettre dans un lieu chaud en le couvrant avec soin & faire en sorte qu'il soit couché mollement, sans le contraindre à marcher & en lui laissant, au contraire, le tems de se refaire par la nourriture qu'il prendra, après quoi on broiera dans du lait une uncia de roquette qu'on lui versera à la corne dans les naseaux. A défaut de roquette on broie dans du vin doux une uncia d'aristoloche & une semi-uncia de safran, qu'on lui verse dans les naseaux. On exprime aussi du jus de coriandre verte pour lui en verser dans les naseaux.

 

CHAPITRE XXXVIII.

 

S’il vient un polype dans les naseaux d'un animal, il étranglera, parce que sa respiration se bouchera, il se vautrera à terre, il jettera une morve humide & cette maladie sera très dangereuse. Voici le remède auquel on aura recours. Si le polype est à l'extrémité des naseaux, on le coupera avec un instrument de fer très tranchant & on le pansera avec les remèdes dont on se sert pour guérir les plaies cernées. Mais s’il est plus profond, on aura un cautère de plomb quatre qu'on fera chauffer pour l'en brûler souvent & on parviendra ainsi à le guérir.

 

CHAPITRE XXXIX.

 

Si un animal a été brûlé par l'ardeur de la canicule, on le reconnaît à ces symptômes-ci : ses lèvres, ses mâchoires & même ses naseaux sont attelés en partie, de façon qu'il broie difficilement sa nourriture avec les dents. On trouve même ces parties remplies d'humeur & lorsqu'il veut boire, il plonge sa bouche dans l'eau jusqu'aux naseaux, à cause de la faiblesse de ses lèvres, qui lui servent à humer la boisson. On lui frotte très longtemps la langue & les lèvres avec du vinaigre & du sel, jusqu'à ce que le sang coule. Le troisième jour on applique sur la partie de la lèvre qui est affectée un caustique violent, en prenant la précaution de lier auparavant la langue, dans la crainte qu'elle ne soit endommagée par sa violence. Lorsqu’on verra qu'il aura fait son effet sur les lèvres, on les lavera avec de l'eau, Ensuite on les fomentera avec du vinaigre & de l'huile comme les autres plaies & on les guérira par ce traitement. Mais s'il a la mâchoire brûlée par l'ardeur de la canicule & tournée, voici le traitement qu'on y apportera. On le saignera à la temple du côté malade; on pèlera de la fiente de bœuf avec du vinaigre très mordant que l'on fera bouillir très longtemps & on en mettra souvent après l'avoir fait chauffer sur la temple dont on aura tiré du sang, pour faire disparaître cet accident & guérir l'animal. On aura recours en outre à cette potion-ci : on broie & l'on crible une quantité égale tant de germandrée que d'hysope sauvage, d'origan, de serpolet, d'aristoloche & de manne de safran & on lui injecte tous les jours j dans le naseau gauche, plein un cochleare de cette poudre infusée dans une hemina d'hydromel, d'huile & de vin.

 

CHAPITRE XL.

 

Ayant à parler des pansements de l'encolure, il est naturel de donner les règles de la phlébotomie, puisqu'on fait le plus souvent cette opération dans le voisinage de cette partie du corps. Quand il sera question de saigner un animal, on l'empêchera de boire & de manger & on le placera sur un terrain uni, après quoi une personne tierce tiendra la partie de l'encolure où on doit le saigner & y fera une ligature, afin que la veine soit plus saillante. Ensuite on appuiera le pouce de la main gauche sur la veine au-dessus du nœud coulant de la ligature, afin qu'elle ne s'échappe pas, après quoi on la piquera avec la flèche Au surplus il y a deux veines qui descendent du sommet de la tête & qui vont se réunir sous la ganache vers la gorge : on enfonce donc l'instrument de fer à quatre doigts au-dessous de ces deux veines, sans pénétrer jusqu'à la gorge, ni toucher au point de leur réunion, ce qui causerait la mort de l'animal. On tient en conséquence la flèche à deux doigts & on ne l'enfonce que de la longueur qui les déborde. On a même l'attention de tenir la main élevée en l'air & de la modérer avec le doigt du milieu, afin de lui donner plus de légèreté & de ne pas enfoncer l'instrument plus qu'il n’est nécessaire, attendu qu'il n'y a absolument que la pointe du fer qui doive entrer dans la veine. Si le sang ne coule pas comme il faut, on donnera du foin à l'animal, ou quelque chose qu'il puisse manger, afin que le mouvement de ses mâchoires le fasse couler plus abondamment.

 

CHAPITRE XLI.

 

Si un animal a l'encolure déjetée ou relâchée, ou qu'au moins les vertèbres en soient déjetées ou tordues, voici comme on le traitera : on le renversera à terre & on le liera, puis on lui tiendra le col étendu sur une fosse,[19] jusqu'à ce que toutes les vertèbres soient sans tension. Ensuite on mêlera de vieille huile avec du vieux oing battu & passé & on lui versera avec attention cet onguent sur l'encolure, après l'avoir fait chauffer, puis on le remettra sur ses pieds & on lui enveloppera le col d'une bande fine & ample, trempée dans de l'huile chaude & du vin. On entourera encore cette bande de laines grasses, abreuvées d'huile & de vin, autour desquelles on mettra ensuite des éclisses de bois d'olivier, larges de quatre doigts pleins & entiers, qu'on serrera avec de la ficelle en laissant entre chacune, lorsqu'elles seront liées ensemble, un intervalle également de quatre doigts. On les imbibera quatre fois par joue si l'on est en été & deux fois seulement si l'on est en hiver. Lorsque l'encolure sera bien remise, on déliera les éclisses cinquante & un jours après & on oindra cette partie du corps de l'animal, jusqu'à ce qu'il ait recouvré la santé. Si ses forces tardent à revenir, on y appliquera le feu & on le traitera ensuite conformément aux règles de l'art & suivant l'usage.

 

CHAPITRE XLII.

 

Si l'on veut faire passer des malandres qui seront venues sur l'encolure d'un animal, voici la manière dont on s'y prendra : on commencera par préparer des cautères en les faisant rougir au feu. Ensuite on décharnera le col avec un instrument de fer, sans toucher les nerfs & en brûlant toutes les petites veines dont on verra couler le sang, afin de pouvoir en arrêter le flux. Mais on prendra garde de trop brûler avec les cautères & d'occasionner un accident dangereux par l'irritation des nerfs. Ensuite on frottera l'encolure avec du vieux oing & on la munira d'une bande. On commencera aussi le jour suivant à y mettre un cataplasme & quand on l'aura ôté, on fomentera avec de l'urine chaude la partie brûlée, après quoi on l'imbibera de vinaigre & d'huile & on la pansera avec les médicaments convenables. Si on s’aperçoit que la cicatrice commence à se couvrir de poil, on mêlera ensemble de la cendre faite avec une tête de chien brûlée & de la graisse de porc fraîche, pour appliquer dessus ce médicament qui rendra la santé à l'animal & fera revenir les poils qui lui servent d'ornement.

 

CHAPITRE XLIII.

 

Si un animal a des fluxions dans le col, cette partie de son corps paraîtra plus grosse qu'elle ne doit être & il en sortira une odeur de chancre avec une humeur noire & liquide. On sondera avec soin les cavités de ces fluxions, dans la crainte qu'il ne se forme une poche qui s'étende au loin entre les nerfs & les épaules. Quand cela arrive, il y a peu d'animaux qui s'en tirent, encore n’est-ce pas sans peine. Au reste le danger se manifeste par ces symptômes-ci : l'animal siffle de la poitrine & rend une humeur liquide par les naseaux. Voici comme on le traitera : on remplira les cavités par dessus leur orifice avec du marrube & du sel broyés ensemble, que l'on foulera pour les faire mieux entrer & on les détendra par dessous en y appliquant un cataplasme Et si la situation de la cavité le permet, on y fera une diérèse, afin que l'humeur s'écoule en dehors par la plaie de cette opération. Le troisième jour on la lavera aussi avec de l'urine chaude, après quoi, lorsque les plaies seront vermeilles & nettoyées, on commencera à les panser avec des traumatiques & des drapeaux de lin, qui seront préparés de cette manière-ci : on mêlera ensemble un sextarius de fleur de farine d'ers deux unciae tant d'iris d’Illyrie que d'encens mâle pour en faire un médicament céphalique, dont on se servira jusqu'à la guérison parfaite de l'animal.

 

CHAPITRE XLIV.

 

Si un animal a les épaules démises, on examinera attentivement s'il n'y a pas quelque dépôt entre les nerfs & les jointures : si on en trouve on aura soin d'amollir avec des cataplasmes à tous les endroits où l'on pourra établir une plaie & de les ouvrir avec le scalpel ou avec le cautère, afin que cette sanie & cet amas d'humeurs s'écoule, puis on mettra, sur l'orifice de ces plaies des traumatiques & des linges secs. S'il s’est fait quelque trou entre les nerfs, on les pansera avec beaucoup de précaution, de peur que le fer où le cautère, ne pénètrent trop au loin : on se gardera bien aussi de laver l'infection & la pourriture de ces sortes de plaies & il vaudra mieux les panser promptement avec de seuls médicaments secs, parce que toute humidité augmente la suppuration. Quand les parties, qui auront été coupées ou brûlées, seront cicatrisées, on finira par y mettre un caustique pour les consolider.

 

CHAPITRE XLV.

 

Si un animal s’est blessé les épaules, on lui ouvrira les veines au milieu des deux jambes & on lui frottera les épaules avec de la poudre d'encens qu'on mêlera en très grande quantité avec le sang, à mesure qu'il coulera. S'il en coule plus qu'il n’est nécessaire, on appliquera sur les veines de la fiente de l'animal même qui aura été saigné, en la contenant avec des bandes. Le lendemain on lui fera encore une seconde saignée dans les mêmes parties du corps & on suivra le même traitement en tout point. On cessera de lui donner de l'orge, mais on le sustentera avec un peu de foin pendant trois jours. Ensuite on mêlera trois cyathi de jus de porreau, avec une hemina d'huile qu'on lui fera avalera la corne. Au bout de six jours, on le forcera de marcher lentement, après quoi on l'enverra soit à l'abreuvoir, soit à la rivière ou à la mer pour le faire nager, en lui attachant le pied avec du genêt d'Espagne & des drapeaux. En suite on lui donnera une nourriture plus solide pour lui rendre son embonpoint. Si la douleur est légère, on le frottera au soleil avec du vin & de l'huile que l'on fera chauffer à cet effet : si elle est plus vive, on lui fera gonfler l'épaule & on la percera à huit doigts au-dessous du haut de la crinière, sans en coucher le cartilage, lorsqu'elle sera gonflée, on la fouettera avec une férule ou une baguette molle, puis on la frottera avec du sel & de l'huile & dès le lendemain on la pansera avec une pâte dont voici la composition : on mêle deux sextariï de fleur de farine de froment, ou de bled à défaut de froment, avec du vinaigre mordant & trois œufs, dont on ne mettra néanmoins que le blanc : on ajoute encore une uncia & demi de poudre d'encens & on pétrit le tout à la main pour l'appliquer sur les épaules, que l’on fomente bien pendant plusieurs jours avec de l'eau chaude & de la fleur de foin pour les amollir : on y applique tous les jours cette pâte & on les lave avec du vin pur, pour y ajouter par la suite un onguent composé d'une selibra de baies de laurier, d'un sextarius tant d'huile que de bon vin & de trois uncia de nitre : il faut que le nitre & les baies de laurier soient pulvérisés & criblés. Ainsi, lorsque l'épaule aura été fomentée avec de l'eau chaude, on l'oindra au soleil avec cet onguent que l’on fera chauffer & on la frottera très longtemps, après quoi on y appliquera l'onguent de la pâte propre à guérir les épaules & quand l'animal se portera mieux, on l'enverra nager. S'il s’est démis l'épaule, comme il arrive souvent aux animaux qui tournent la roue, remettez-la lui & traitez-le avec les médicaments que nous venons de prescrire; s'il n'en sent pas l'efficacité, il faut y appliquer le feu en dernière ressource. Voici les symptômes sous lesquels s'annoncent les douleurs de l'épaule : l'animal tient ses pieds de devant tendus comme s'ils étaient raides, sans les appuyer sur terre. Au reste, il faut examiner avec attention si c’est un coup ou une chute qui a été le principe de la maladie : si elle est occasionnée par une luxation, on remettra d'abord les membres à leur place & l'on suivra ensuite en tout point la méthode que nous avons prescrite. Si les épaules d'un animal sont appesanties par les humeurs ou par le sang, on lui tire du sang de la poitrine ou bien on a recours aux onguents.

 

CHAPITRE XLVI.

 

Si un animal s’est disloqué le genou ou la sole en tournant la roue ou quelque machine, on remettra les os à leur place & on lui enveloppera la partie affligée de laines grasses imbibées d'huile & de vinaigre qu'on attachera de la manière accoutumée. Le troisième jour on les détachera pour fomenter la partie après quoi on étendra dessus de la résine & de la poix & on finira par les malagmes ou le caustique.

 

CHAPITRE XLVII.

 

L'Impulsion des essieux ou des roues dans le Cirque ou dans d'autres endroits brise de différentes manières les jambes des animaux, ou leurs cuisses, ou leurs articulations : sachez qu'en ce cas, lorsque la fracture de l'os est sortie hors de la peau, c’est-à-dire, lorsqu'il y a une exérèse, la cure en est difficile & presque impossible. On ne désespère pas moins de les guérir, lorsqu'ils se sont rompu la cuisse ou les extrémités des membres, ou le dessus de la jointure de la jambe & cet accident est incurable, parce qu'on ne peut pas alors se servir de ligatures. Mais si la fracture est sans plaie dans une partie du corps qui puisse être liée, voici comme on la pansera : on commencera par remettre la fracture & on attachera la partie affligée avec des bandes propres de linge déchiré, qui seront imbibées de vin & d'huile & que l'on enveloppera de laine pour les préserver d'accidents, en les entourant d'éclisses; mais on aura soin de tenir l'animal comme suspendu à un joug, ou à des échelles, afin qu'il ne marche point avec sa fracture au risque de souffrir, puis on humectera les bandes tous les jours matin & soir, le troisième jour on les détachera & après avoir achevé le pansement, on les rattachera. On répétera la même opération tous les cinq, sept ou neuf jours, jusqu’à ce que l'animal soit en état de porter son corps. Après quoi on mettra sur la fracture de la mousse, du poivre sauvage ou de la racine de saule avec cinq œufs crus, sans cependant la soutenir avec des éclisses comme on avoir fait auparavant, mais en se contentant de l'entourer de férule. Le troisième jour on détachera cette férule, on la fomentera & on l'oindra avec de la résine & du vieux oing : quand la cure sera avancée, on y appliquera un malagme ou un caustique, mais on ne laissera à l'animal la liberté de se tenir sur ses jambes qu'au bout de quarante jours. C’est le temps nécessaire pour consolider les membres disloqués ou cassés.

 

CHAPITRE XLVIII.

 

Il vient assez souvent dans les genoux ou dans les articulations, des phlegmons, des marbres, ou des oignons : ces incommodités sont occasionnées par une mauvaise humeur & indiquent une maladie accompagnée d'une tumeur difforme; mais il y a cette différence entre elles, que le phlegmon est une grosseur molle, que le marbre annonce de la dureté par son nom même & que l'oignon est une tumeur sans douleur. Quand elles sont récentes, on peut y remédier aisément. On applique d'abord dessus de la laine grasse imbibée d'huile & de vinaigre & on met l'animal vis-à-vis d'une eau fraîche & courante. Ensuite on le traite, sans avoir recours, au fer de cette façon-ci : on broyé ensemble quatre scrupules de moutarde & de sel d'Alexandrie, deux cyathi de vinaigre & une selibra de vieux oing que l'on met sur ces tumeurs & que l'on retire au bout de trois jours. S'il s’est fait une ouverture, on y met de l'éponge avec du vinaigre & du laser & on panse la plaie avec des styptiques. Outre cela on dépile la partie que, l’on veut panser avec un psilothre que l'on met dessus & on broyé dans un mortier de la ratine de fougère, de l'ers & des figues d'Afrique que l’on met dans un morceau d'étoffe pour les appliquer sur la plaie & les y laisser pendant trois jours. D'autres auteurs pensent qu'il faut mêler la racine de fougère & l'ers avec du vieux oing & du vinaigre très mordant. On pétrit encore dans du vin trois unciae de cendre prise au foyer & six de chaux vive; jusqu'à ce qu'elles aient acquis l'épaisseur de l’oxymel, pour en oindre les tumeurs avant qu'elles soient durcies. En répétant avec assiduité ce traitement dans l'origine du mal, on vient à bout de le faire disparaître. Mais lorsque ces tumeurs sont anciennes, on les brûle avec des pointes bien délicatement, de peur que la violence du feu n'occasionne quelque accident. On assure aussi que l'on peut dissiper les phlegmons avec un onguent composé de trois unciae tant de laurier rose que de bitume, de nitre & de vieux, oing passé. Bien des auteurs ont prétendu qu'il fallait percer les phlegmons avec un cautère de cuivre brûlant composé de deux pointes & les laisser suppurer, puis imbiber la partie dont on aura fait sortir la morve, avec de la charpie tordue, trempée dans du vieux oing, du vinaigre & de l'huile; ils ajoutent encore, qu'il faut faire passer un linge roulé à travers les trous formés par la brûlure, pour entraîner toute l'humeur qui s'y trouve. Ensuite on y applique un cataplasme fait avec du fenugrec & du vin & quand les patries brûlées sont guéries & que la tumeur est affaissée, on retire le linge roulé, on panse la plaie avec des traumatiques & on finit par y mettre un caustique. D'autres percent la peau avec la flèche pour faire sortir l'humeur du phlegmon & introduisent, dans l'ouverture qu'ils ont faite, de la laine trempée dans du vinaigre & du laser, après quoi ils mettent sur la plaie de l'éponge, de l’oxycrat violent & du laser : le troisième jour ils ôtent les bandes, retirent la laine & pansent la plaie avec le remède composé de quatre drogues[20] pendant cinq jours où sept. Mais si un animal a un marbre qui le fasse boiter beaucoup & qu'il plie difficilement les articles, il faut le brûler légèrement, après quoi on y mettra le malagme appelle cupressina,[21] & ce traitement lui rendra la santé, sans néanmoins faire passer la difformité. S'il lui est venu un oignon dans les genoux ou dans les articles, il ne faut pas tarder à le traiter, de peur que si on négligeait cette maladie, la tumeur ne vienne à augmenter sa difformité, ou qu'à force de s'endurcir de jour en jour, elle ne se convertisse en marbre. On fera une ouverture de droite & de gauche dans les pieds ou dans les genoux, soit avec le fer, soit avec le cautère de cuivre, comme on l'a dit ci-dessus. On y mettra un cataplasme jusqu'à ce que l'inflammation cesse & qu'elle suppure. Ensuite, quand la plaie est nettoyée, on retire le linge roulé, on y met des traumatiques que l’on ôte de trois jours l'un & on renouvelle ce médicament jusqu'à la guérison du mal.

 

CHAPITRE XLIX.

S’il est venu des hydatides dans les articulations ou dans la jointure des jambes, il ne faut point y toucher à froid avec le fer, de peur que l'abondance de l'humeur qui sortira, n'expose l'animal à quelque danger. Mais on aura recours à une scarification légère & à la saignée, après quoi on les lavera très fort tant avec du vinaigre qu'avec d'excellent sel égrugé & de l'huile ou du vieux oing. Il faut bander la plaie pendant cinq jours. Si l'effet de ce traitement est trop lent, il faut avoir recours au feu d'un caustique très brûlant. On les guérit aussi d'une autre façon en mêlant de la sleta dont se servent les Trictores[22] avec moitié sel & en y appliquant de la laine grasse imbibée de vinaigre que l'on retire au bout de trois jours. S'il se forme une ouverture, on y met de la farine d'orge bouillie avec du miel, de la graine de lin & du fenugrec & on finir par y appliquer un malagme violent. Outre cela, on mêle du vieux oing avec une quantité égale de vitriol, de petites noix de galle & d'alun broyé, à quoi on ajoute de la poudre de grenade, du nitre & du vinaigre : & après avoir fait bouillir toutes ces drogues ensemble, on les joint aux autres médicaments & elles dissipent cette maladie. On y met aussi des figues sèches broyées avec de la moutarde & du vinaigre; on retire ce médicament au bout de trois jours & s'il est lent à opérer, on recommence le même genre de traitement. Quand l'animal commencera à se mieux porter, on mettra sur ses articles, de la lie de saumure.[23] D'autres y mettent de la grande berce bouillie avec de la farine d'orge en forme de cataplasme. Quelques-uns font bouillir dans de l’eau des fèves concassées & les broient avec du miel, ensuite ils étendent ce médicament sur un morceau, de drap pour panser l'animal & finirent par le malagme de cyprès. Il y a beaucoup de personnes qui mêlent de la chaux vive & des cendres avec du miel & du vin & qui, après avoir mis fréquemment ce médicament sur les ozènes[24] finissent par le caustique. Les anciens auteurs croient qu'il faut également avoir recours à ces genres de pansements pour les pieds de derrière. On a trouvé par l'expérience, qu'il falloir frotter les ozènes avec des tissus de poil & y mettre du sel & du vinaigre jusqu'à ce que le sang ou l'humeur s'écoule. Quoique cette méthode ne les guérisse pas entièrement, elle ne laisse pas d'aider les traitements postérieurs.

 

CHAPITRE L.

 

Tantôt les animaux ont des rhumatismes aux pieds tantôt ils y ont des vents : il ne faut jamais approcher le fer de ces sortes de maladies, mais il faut les faire disparaître avec des malagmes ou des caustiques. & quelquefois brûler légèrement les veines, afin que l'effet du cautère rétrécisse & resserre les canaux dans lesquels l'humeur est renfermée & qu'il procure une guérison momentanée ; car ces maladies ne pourront jamais être guéries radicalement, quoiqu'on ait coupé & brûlé quelques veines, par-ci, par-là.

 

CHAPITRE LI.

 

Il vient aussi quelquefois des dartres entre les nerfs dans les articulations, ou dans les genoux, à l'endroit de la jointure & il s'y forme une plaie, semblable à des rhagades, qu'il n’est pas aisé de guérir, à moins qu'on n'y applique des staltiques, c’est-à-dire, des styptiques, ou qu'on n'y porte quelquefois le feu, il faut aussi y appliquer des malagmes convenables.

CHAPITRE LII.

 

Il vient encore quelquefois des démangeaisons dans les pieds, dans les jambes, dans le sabot, ou sous les épaules : quelques personnes leur donnent le nom de dulcedines & elles ressemblent à la galle. Lorsqu'elles viennent & s'étendre, les pieds deviennent ulcérés, comme il arrive dans la lèpre & la démangeaison sollicitant les animaux à se gratter, ils se rongent ces parties ou se les blessent en se frottant les pieds les uns contre les autres. Cette maladie est communément engendrée par une humeur crue ou putride : aussi la traite-t-on par des saignées, des onguents & des purgations de ventre. Si on fait avaler aux animaux de la racine de concombre sauvage, mêlée avec de la poudre de nitre, elle les purgera de toutes les humeurs les plus pernicieuses.

 

CHAPITRE LIII.

 

Comme les maladies des hommes passent aux bestiaux, il arrive quelquefois que la podagre prend à ceux-ci : voici les symptômes de cette maladie : ils ne peuvent ni se tenir sur leurs jambes, ni marcher & si on les y contraint, ils boitent & se renversent souvent à terre, comme sont les animaux qui ont une indigestion d'orge & que la douleur empêche de digérer leur nourriture. Aussi ils deviennent hideux, leur corps est brûlant & leurs veines se gonflent, leur membre devient pendant & le fumier s'accroche à leurs pieds par une suite de la trop grande chaleur, comme il arrive communément à ceux dont la sole est usée par-dessous. Il sera bon de ne pas les laisser se coucher, mais de les mener promener à petits pas, dans un terrain sec jusqu'à ce qu'ils fixent; il faudra même les frotter à plusieurs mains, afin qu'ils suent encore davantage. On leur tirera du sang des veines supérieures de la tête, mais néanmoins en petite quantité. Le lendemain on leur en tirera du train de derrière, au-dessus des talons & le troisième jour des jointures de la jambe, ou au-dessous de la partie même du corps qui souffre. On n'oubliera pas qu'il ne faut jamais leur en tirer qu'une petite quantité. On leur fera boire de l'eau chaude dans laquelle on aura fait infuser de la poudre de nitre & de la farine de froment : on fera aussi infuser dans du vin la valeur d'un acetabulum de fleur de farine d'encens, dont on leur mettra une cotyla par jour pendant trois jours dans les naseaux. On fera aussi bouillir de la poirée pour leur donner trois cyathi de l'eau dans laquelle elle aura bouilli & on leur fera prendre tous les jours de l'exercice. On leur purgera aussi le ventre pour chasser l'humeur détestable qui descend dans leurs veines. Voici la purgation que l'on emploiera en pareil cas ; on fera infuser dans de vieux vin doux la valeur d'un acetabulum de thym & on leur en versera une cotyla par les naseaux : on leur donnera à manger du foin vert. Si l'on n'en a point, on leur en donnera de sec que l'on saupoudrera de nitre. Si ces remèdes ne font point d'effet, on les châtrera & ils guériront, attendu qu'il est rare que la podagre tourmente, les animaux qui ont été châtrés.

 

CHAPITRE LIV.

 

On donne aussi le nom d’orthocola[25] ou de stillosa[26] aux animaux qui souffrent d'une contraction de nerfs dans les pieds, qui marchent du bout des pinces, qui ont les articulations raides & qui ne peuvent pas poser à terre le sabot plein. Cette maladie vient du poids excessif des fardeaux que les animaux auront portés & de la fatigue qu'ils auront étiolée dans des chemins raboteux. Voici comme on les traite: on leur tire du sang soit au-dessous du fanon, soit des couronnes; on leur panse bien le sabot & on fait bouillir de la fleur de farine d'orge & de la résine, avec de la graille de porc, pour les oindre trois fois par jour. On les fomente aussi avec de l'eau chaude, dans laquelle on aura fait bouillir de la verveine & on leur frotte les jambes entières avec un acopum. Au bout de cinq jours on leur applique des cataplasmes composés de fleur de farine d'orge, de graine de lin & de fenugrec que l'on fait bouillir dans du vin par parties égales : ces cataplasmes se mettent sur toute la jambe après qu'elle a été ointe avec l'acopum depuis les articulations jusqu'aux genoux. On munit ces parties de laines grasses & on les bande : on fait aussi marcher un peu les animaux trois fois par jour. Si ce traitement ne fait point d'effet, voici un emplâtre qu'il faudra leur mettre sur les articles. On fait bouillir lentement au feu & on passe ensuite deux livres tant de sel ammoniac, que de galbanum, de grande berce & de moelle de cerf, deux unciae de térébenthine, une livre de zopissa & une & demie de colofone, avec une quantité suffisante de vieille huile, pour en mettre sur le sabot de chaque pied pendant plusieurs jours, jusqu'à ce qu'ils soient guéris. Mais il faut nécessairement se hâter de les soulager dans cette maladie, parce qu'ils restent communément dans le même état lorsqu'on tarde trop à leur donner ses soins. D'autres croient néanmoins qu'il faut les brûler peu à peu dans les articulations, quoiqu'il soit rare que ce remède même soit bon.

 

CHAPITRE LV.

 

La difficulté & la longueur des routes use le sabot des animaux & les met hors d'état de marcher. Il y survient aussi des irritations causées par des contusions lorsqu'on les a forcés de courir dans un chemin rude ou pierreux. Enfin, il arrive même quelquefois que sans aucune cause préalable & pendant qu'ils restent à l'écurie sans rien faire, l'amas d'humeurs qu'ils y engendrent commence à les faire boiter. Il faut donc leur ouvrir promptement le dessous du sabot, afin que l'apostume se dissipe par les parties inférieures & qu'elle ne fasse pas d'éruption au-dessus des couronnes, ce qui rendrait la guérison difficile & lente. Voici les symptômes de cette maladie : l'animal ne pose pas à terre la pince pleine ; lors donc qu'on voit qu'il suspend son pas en l'air, on lui ratifie le sabot par-dessous pour mieux discerner la cause du mal & l’on presse avec le doigt la partie qui paraît la plus noire : il elle cède sous le doigt avec douleur & qu'elle soit mûre, on l'ouvre & on en fait sortir la sanie. On cerne alors jusqu'au vif l'endroit où est situé le dépôt & on y met des linges imbibés d'huile de rose, de vinaigre & de sel, avec de la fiente de l'animal même que l’on chausse ensuite; le troisième jour on délie le bandage. Si la chair est revenue, on fait bouillir du gramen avec de l'huile pour en appliquer dessus. Si l'on s'aperçoit que la chair elle-même noircisse, on examinera si l'animal n'a pas quelque fracture, ou s'il ne lui est pas entré dans le sabot un clou, une pierre aiguë, ou une épine auquel cas on aura recours aux fomentations & à la résine pour pouvoir les retirer lorsque l’on verra que la plaie sera nettoyée, on y appliquera des traumatiques, après quoi on y ajoutera de la suie sèche. Lorsque le traitement sera fini, on y mettra de la résine fondue & du soufre. Si l'apostume est encore profonde, on fera bouillir de l'orge ou des fèves dans de l'eau, pour en faire une fomentation qui puisse la faire venir à maturité. Quand il aura les pieds usés par-dessous, on les fomentera avec de l'eau chaude & on les frottera avec du vieux-oing, après quoi on les lui fera poser sur une brique ardente & on les brûlera légèrement. Ensuite pendant trois jours, avec une lame de fer rouge trempée dans une quantité égale d'huile & de soufre broyé. Mais s'il s’est brisé le sabot, on lui tirera du sang de la couronne, on le fomentera avec de l'eau chaude, on le frottera avec du vieux-oing & on appliquera dessus du crottin de brebis mêlé avec du vinaigre, quoique d'autres croient celui de chèvre plus efficace.

 

CHAPITRE LVI.

 

S’il est sur venu aux pieds d'un animal une de ces excrescences qui ressemblent aux poumons & que cette excrescence se soit ouverte, sachez qu'il faut lui lever tout le dessus du pied, c’est-à-dire, tout le sabot de cette façon-ci : on ratifie par-dessous. Ensuite on fait une incision en tournant entre la jointure du talon & du sabot entier, on soulève le sabot par-devant & on chasse le dessous du talon en arrière ; on ratifie au vif toute la partie occupée pat l’excrescence & on y met de la laine imbibée d'huile, de vinaigre & de sel, avec de la fiente de l'animal lui-même puis on le chauffe. Le trentième jour on ôte le bandage, après quoi on le fomente : on fait bouillir de la farine d'orge, de la résine & du vinaigre, pour lui en mettre pendant trois jours ; ce médicament guérit les fractures même lorsqu'on en met souvent. Ensuite on y applique aussi un traumatique avec de la laine ; & lorsque la plaie est cicatrisée, on fait bouillit de l'écorce de grenade & du bitume de Judée avec du vinaigre, pour en mettre pendant trois jours, après quoi on l’ôte & on en remet de nouveau jusqu'à ce que le sabot reprenne la dureté de la corne.

 

CHAPITRE LVII.

 

Si le sabot d'un animal est tombé, la cure de cet accident est difficile; mais on pourra, pourvu qu'on ne manque pas d'industrie, avoir recours à un genre de pansement qui le soulagera : ce pansement consiste à retirer avec adresse le papier des chandelles & après l'avoir nettoyé, à le faire tremper dans le blanc d'un œuf cru pour en entourer le pied dépouillé en cercle, en l'attachant avec un morceau d'étoffe & une petite bande par-dessus. Au bout de trois jours on ôte la bande & on fomente le pied, avec de la farine de blé, de la résine, du vinaigre & du miel bouillis ensemble ; quelquefois on se sert de farine de fèves au lieu de farine de blé. Si la plaie n’est pas nettoyée, on la lavera avec du vin tiède & on y mettra de la laine avec du miel ; lorsqu'elle le sera, on aura recours aux traumatiques. Et quand elle sera cicatrisée, on brûlera des cosses de fèves avec de la peau de cerf que l'on fera tremper dans du miel, en y ajoutant de la poudre de bitume de Judée & de grenade avec du vinaigre : on renouvellera ce médicament de deux jours l'un, jusqu'à ce que la corne se forme en sabot. On finira par broyer de vieux genêt d'Espagne que l’on fera bouillir dans une marmite propre avec du vinaigre, pour en envelopper le sabot, qui durcira par ce moyen; de sorte que l'animal fera parfaitement guéri. S'il survient un épanchement d'humeurs dans les pieds d'un animal, on broyé des figues sèches avec du sel par parties égales, pour les appliquer sur le sabot.

 

CHAPITRE LVIII.

 

On fait croître le sabot des animaux lorsqu'il est trop petit, de même qu'on le répare lorsqu'il est usé, en mêlant ensemble à cet effet & en faisant bouillir sept gouttes d'ail, trois poignées de rue, sept unciae d'alun broyé & criblé, deux livres de vieux-oing & une poignée de crottin d'âne. Mais le conseil le plus prudent que l'on puisse donner, c’est de maintenir les pieds des animaux en santé, plutôt que d'être dans le cas de les guérir quand ils seront malades. Or on fortifie le sabot des animaux lorsqu'on a soin qu'ils soient très proprement à l'écurie, sans fiente ni humidité & que l'écurie est: parquetée de ponts de robre. Il faut aussi, quand ils reviennent d'une route, leur fomenter avec du vin chaud les articulations ou les jarrets. Quand le sabot est naturellement mol, on le consolide en broyant ensemble deux tiers de graine de lierre avec un tiers d'alun rond & en mettant ce médicament pendant plusieurs jours sur les pieds, après les avoir chauffés. Ce fera encore une bonne chose pour les pieds usés par dessous, que de broyer ensemble une selibra de poix liquide, une hemina de vinaigre & une livre de sel avec une quantité suffisante de feuilles de lierre & d'en oindre tous les jours les pieds de l'animal qui aura cette incommodité. Ce médicament suffit communément pour durcir les sabots les plus mous & il n'y en a pas de plus efficace. On met un lézard vert vivant dans une marmite propre & l'on y ajoute, pour faire bouillir avec ce lézard, une livre de vieille huile, une selibra de bitume de Judée, une livre de cire & une selibra d'absinthe broyée. Quand toutes ces drogues sont fondues, on les passe pendant qu'elles sont chaudes & après avoir jette les os & les immondices, on remet dans la marmite ce médicament liquéfié, lorsqu'on veut ensuite faire durcir les sabots d'un animal, on les ratisse par dessous & l'on met cet onguent dans une canne verte, après l'avoir fait chauffer & pendant qu'il est presque bouillant, pour le distiller à travers cette canne sur les sabots, en prenant garde d'en laisser tomber sur la couronne ou sur les parties qui débordent le sabot, à l'exception desquelles on frottera le dessous & tout le contour du sabot pour le consolider. Mais il faut se rappeler que le sabot se renouvelle en croissant ; c’est pourquoi il ne faut pas manquer de prendre ce soin au bout d'un certain nombre de jours, ou à chaque mois, parce qu'il servira i corriger la faiblesse de la nature.

 

CHAPITRE LIX.

 

Comme c’est le dos des animaux qui se sent le plus de leur travail, il faut le panser avec plus de soin encore que les autres parties de leur corps. En effet, si l'on excepte les animaux qui sont destinés au Cirque, tous les autres, soit mulets, soit chevaux ou ânes, ne rendent de service que par le dos, lorsqu'ils sont montés, ou qu'ils portent des fardeaux. C’est pourquoi l'industrie, qui tend à conserver la santé de cette partie de leur corps, est préférable à celle qui s'occupe du soin de la guérir, lorsqu'elle est blessée. On la préserve donc de maladie, en mettant sur eux suffisamment de couvertures ou de housses qui soient molles, propres & secouées avec soin avant de servir, afin qu'il n'y reste ni malpropreté, ni rien qui ne soit uni & qui puisse altérer la peau sous la charge qu'ils porteront. Ensuite il faut que les fardeaux ou les selles soient d'une proportion & d'une qualité convenable, parce que lorsque celles-ci sont trop petites ou trop grandes, comme lorsqu'elles sont trop étroites ou trop larges & qu'elles ne s'adaptent point au dos des animaux, elles les incommodent beaucoup. En effet, lorsqu'un animal est trop comprimé par le poids de sa charge dans des terrains raboteux, ou que la housse dont il est couvert le brûle, parce qu'elle est trop tirée, ou qu'elle froisse le mercurius[27] ou l'épine du dos, il en résulte des froissements, des suppurations & des apostumes. L'énormité des fardeaux incommode aussi les animaux, quoique ce dont ils sont couverts ne soit point d'ailleurs défectueux, c’est pourquoi il en faut modérer la charge, de peur qu'elle ne donne lieu à des plaies.

 

CHAPITRE LX.

 

Si le dos d'un animal commence à se gonfler par la maladresse de celui qui le monte, il faudra, dès le principe du mal, faire macérer dans de l'eau très bouillante, pendant quelque tems» des tiges d'oignons, c’est-à-dire, de ces tuyaux secs auxquels pendent les bouquets de cette plante, après quoi on les appliquera, pendant qu'elles seront chaudes, sur la tumeur, en les y contenant avec une bande attachée avec du fil, pour les y laisser pendant une nuit. On touchera la tumeur pour s'assurer si elle est sans suppuration.[28] S'il s’est formé une callosité dure, on broie ensemble de la farine d'orge avec des feuilles de chou & l’on applique dessus ce médicament que l'on fait chauffer à cet effet. On mêle aussi de la cendre avec de l'huile, pour en mettre sur cette callosité, jusqu'à ce qu'elle disparaisse ; lorsqu'elle est disparue, on y met des médicaments onctueux étendus sur des morceaux d'étoffe très minces, ou du miel étendu sur du linge & lorsque l'ulcère est nettoyé, on achevé de le guérir avec du suc de pyracanthe.

CHAPITRE LXI.

 

S'il est venu une excrescence en forme de poumon sur le dos d'un animal, il est difficile de la dissiper avec des médicaments, mais lorsqu'elle est petite, il faut l'ouvrir avec le cautère & particulièrement avec le cautère de cuivre, afin d'en faire sortir la sanie qui s'y était amassée, après quoi on la pansera comme on panse ordinairement les brûlures : mais il vaut encore mieux la couper en croix avec le fer & l'extirper, sans cependant couper la peau outre mesure, de peur qu'il ne se forme une peau trop dure quand la plaie se cicatrisera. On mettra aussitôt sur la plaie de l'huile, du vinaigre & du sel & pour empêcher que le sang ne coule trop, on y appliquera de la fiente de l'animal lui-même & on la fera tenir avec des ligatures; le troisième jour on commencera à y mettre des feuilles de choux broyées avec de l'huile & du vinaigre & l'on continuera ce pansement pendant cinq jours. Quand la plaie commencera à se cicatriser, on la pansera avec du suc de pyracanthe.

 

CHAPITRE LXIL

 

Mais s'il s’est formé une plaie, on laisse reposer l'animal pour le panser avec plus de soin & afin de lui donner le temps de fortifier sa santé lorsqu'il l'aura recouvrée, on ne lui imposera pas un travail qui pourrait rouvrir des cicatrices encore trop récentes. Au surplus, on guérit l'ulcère en appliquant dessus des noix de galle de Syrie brûlées avec du miel. On mêle aussi de la poudre d'écorce de pin & d'excellente chaux vive par parties égales & on en saupoudre les blessures. On y met aussi des noix de cyprès broyées & criblées & de l’écorce de chêne broyée & pulvérisée. Outre cela, on réduit en poudre des os de sèche & même des coquilles d'huîtres que l'on mêle avec de la suie prise au cul d'un vase d'airain & pour peu qu'on saupoudre fréquemment la plaie de ces matières bien broyées, elle se dissipe & se cicatrise promptement.

 

CHAPITRE LXIII.

 

Si les poils tardent à revenir, on brûlera une tortue vivante sur des sarments allumés & on en mettra la cendre dans un chaudron propre, en y ajourant trots unciae d'alun cru, avec une quantité suffisante de moelle de cerf, puis on fait bouillir ces drogues dans du vin, pour en mettre pendant plusieurs jours aux endroits dépilés. On croit, que c’est: le moyen de faire revenir le poil. On met aussi habituellement fuir ces endroits de la cendre de fèves ou de lupins crus, ou de feuilles de figuier que l’on brûle à cet effet, en la mêlant avec du suif. Si les poils tombent sans que l'animal ait eu aucune maladie précédente, on broie ensemble du spica nard & des raisins secs & on les fait bouillir dans du vinaigre, pour mettre ce médicament sur les parties du corps qui sont chauves, après l'avoir fait chauffer.

 

CHAPITRE LXIV.

 

Si l'on veut faire noircir du poil blanc on mêlera ensemble à cet usage sept scrupules de vitriol, quatre de sac de laurier-rose & une quantité suffisante de graisse de chèvre.

 

CHAPITRE LXV.

 

Si au contraire on veut faire blanchir le poil, on réduira en poudre une livre de racines de concombre sauvage & douze scrupules de nitre, à quoi on ajoutera une hemina de miel, pour se servir de toutes ces drogues mêlées ensemble.

 

 

 

 

Fin du deuxième Livre


 

[1] Peuples du Nord qui habitaient la Sarmatie Européenne, auprès des Palus-Méotides, au-delà de la Vistule & de la Scythie.

[2] Diane, sœur jumelle d'Apollon, était fille de Jupiter & de Latone : cette Déesse était si curieuse de conserver sa virginité, qu'elle fuyait la compagnie des hommes & qu'elle chassait toujours dans les forêts avec des filles. Pline dit, ainsi que notre Auteur, que l'armoise était consacrée à Diane & il en donne pour raison qu'on se servait de cette racine dans les maladies du sexe, 8 que les femmes Grecques invoquaient cette Déesse dans leur accouchement.

[3] C’est-à-dire, de l’armoise.

[4] Gesner veut que ce soit pour pouvoir saigner l'animal au palais, que Végèce exige qu'on lui attache la tête aux pieds comme il exige ailleurs qu'on le renverse à terre pour certaines opérations, maïs il est bien plus naturel de penser que c’est afin qu'il tienne sa tête baissée & qu'il rende plus facilement par les naseaux l'humeur dont on cherche à le purger.

[5] Voyez chap. LXIII. liv. I.

[6] Comment faire des pastilles avec du miel & de l’eau bouillis ensemble ? Il est visible qu'il y a ici une omission ou une erreur dans le texte, mais comment suppléer l'une, ou corriger l'autre?

[7] Dans le Chap. IX.

[8] Cette partie de la Médecine s'appelle aussi chez nous Chirurgie.

[9] Voyez la composition de ce remède dans le ch. XXVIII du Liv. IV.

[10] Ces trois mots ont pour racine commune, comme le dit notre auteur, celui de κόρη, qui veut dire prunelle de l’œil, mais ils ont encore chacun une racine particulière qui continue la différence des maladies de cette partie du corps : le premier vient de στενος qui veut dire étroit, le fécond de πλάτος, qui veut dire large & le troisième de la préposition ὑπό, qui veut dite dessous.

[11] Les parois opposés de chaque côté à la cloison du nez, sont calleuses dans les animaux.

[12] Ce mot paraît tirer son origine de celui de gangrena qui veut dire gangrène, ou de celui de cancer, qui veut dite chancre.

[13] Dans le chap. XIII.

[14] Dans le chap. précédent.

[15] Ce mot vient de celui de pullus, qui veut dire poulain.

[16] Ces remèdes sont les mêmes quant aux effets que les styptiques. Voyez le chap. LI de ce Livre.

[17] Voyez les chap. XIII & XXVI.

[18] Dans le chap. précédent.

[19] Apparemment pour manier plus à l’aise dans tous les sens les vertèbres qui auront été dérangées & les remettre dans leur situation naturelle.

[20] Voyez la composition de ce remède dans le ch. XXVIII du Liv. IV.

[21] C’est-à-dire, de cyprès.

[22] Nous n'avons jamais pu deviner l'interprétation de ces deux mots, qui ne se trouvent dans aucun auteur latin.

[23] Le Texte porte allicem, mot inconnu auquel nous substituons celui d'halecem. En effet, la lie de saumure se marie très bien avec la moutarde dont l'Auteur vient de parler, quoique nous ne disconvenions point qu'on ne puisse également lire alicam, composition qui se marierait aussi très 1 bien avec la farine d'orge dont il parle plus bas.

[24] L'ozène est, à proprement parler, un ulcère du nez qui est fétide, mais les anciens donnaient également ce nom aux ulcères des pieds.

[25] Ce mot vient d'ὀρθὸς, qui veut dire droit on raide.

[26] Ce mot répond précisément à celui de goutte.

[27] Nous ignorons quelle est cette partie du corps à laquelle notre auteur donne le nom de Mercurius.

[28] C’est-à-dire, qu'on jugera qu'il n'y a point de suppuration, lorsqu'en touchant cette tumeur, on ne s'apercevra point que l'animal souffre de ce fait.