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VÉGÈCE

 

Mulomedicina

 

L'ART VÉTÉRINAIRE

ou

L’HIPPIATRIQUE

DE

VEGETIUS RENATUS,

 

 

 

LIVRE TROISIEME.

 

 

PROLOGUE.

 

Pendant que je travaillais à mes commentaires d'Hippiatrique, les plaintes fréquentes de mes concitoyens & de mes amis, qui pleuraient les maladies & les morts désastreuses de leurs bœufs, m'ont fait suspendre la continuation de cet ouvrage, parce qu'ils m'ont demandé très instamment de donner au public tout ce que les différents Auteurs peuvent avoir écrit de relatif à la santé de ces animaux qui sont si utiles. Cédant donc au désir très louable de mes amis, j'ai recueilli avec choix dans tous les Auteurs ce que l'on trouvera rassemblé dans ce petit volume-ci, qui est composé dans un style simple & dont le bonheur sera complet s'il ne dégoûte pas l'homme instruit & qu'il soit à la portée du Bouvier. J'ai d'ailleurs été principalement excité à le composer par l'utilité des bœufs eux-mêmes & par la faveur qu'ils méritent, puisque sans eux, la terre ne pourrait être cultivée d'aucune manière, de même que le genre humain ne pourrait pas être sustenté. Car on peut dire avec justice qu'on est redevable de tous les légumes & de tous les blés aux bœufs & aux charrues : la vigne elle-même cesserait d'être cultivée, si les voitures auxquelles sont attelés ces animaux ne se fatiguaient pas à porter les soutiens de cette plante. Que dirons-nous du charroi des différents fardeaux, puisqu'entre les effets mobiliers mêmes, les plus lourds seraient presque immobiles au défaut des voitures? Les autres animaux eux-mêmes, jusqu'aux oiseaux de basse-cour, tirent leur subsistance du travail des bœufs. En effet, d'où les Propriétaires les plus industrieux pourraient-ils tirer de l'orge pour les chevaux, de la nourriture pour les chiens, ou de la pâture pour les porcs s'ils ne se pourvoyaient pas de blés à l'aide des bœufs : Et pour ne pas m'étendre davantage, n'est-on pas redevable aux bœufs de tous les aliments possibles? Il y a des peuples qui se servent de mulets, d'autres qui se servent de chameaux & quelques-uns même d'éléphants quoiqu'on tire peu de service de ces animaux, mais il n'y a pas de Nation qui puisse se passer de bœufs. Enfin, pour nous reporter aux écrits des Auteurs les plus prudents, qui nous certifient que ce n'est qu'après avoir été violée par le meurtre des animaux, que la Justice a abandonné la terre pour retourner au ciel qu'elle avait eu en partage ; que peut-on imaginer, qui soit plus à l'honneur des bœufs, que ce qu'ils nous assurent ; savoir, que cette Divinité la plus équitable de toutes, a été mise ensuite par la mort de ces animaux, quoiqu'elle fût restée sur terre pendant qu'il s'y commettait des homicides?[1] Il faut donc s'appliquer à deux objets, à conserver leur santé intacte & à traiter par la méthode d'une médecine convenable les maladies qui leur surviennent par hasard ou par négligence, ou par une suite de travail.

 

CHAPITRE PREMIER.

 

Si l'on veut que des bœufs vivent longtemps & qu'ils se portent bien, il faut que le Bouvier ou le Propriétaire aient soin de les mettre dans une étable très chaude, afin qu'ils soient à l'abri du froid & même si faire se peut, de les tenir toujours dans la proximité de l'âtre, parce que le feu leur est favorable en tout temps, par une espèce de bienfaisance naturelle, soit qu'il dessèche les humeurs superflues & pestilentielles qui séjournent dans leur corps, ou qu'il chasse le froid que leur occasionne la pâture ou l'ouvrage, soit que la vapeur des flammes guérisse leurs maladies internes. Il faut que la crèche de l'étable soit construite avec soin, de crainte que la pâture de ces animaux ne s'éparpille entre leurs pieds. Du reste, l'étable à bœufs sera placée dans un lieu sec & on la nettoiera assidûment, en étendant tous les jours sous les animaux le fourrage qu'ils n'auront point mangé, afin qu'ils soient couchés plus sèchement & plus mollement. Il faut également avoir l'attention, quand ils reviennent du travail, de leur jeter du vin tiède sur le col & de les frotter très longtemps; mais lorsqu'au retour d'une route ou de la pâture ils sont remplis de boue, il faut leur laver les pieds, avant de les faire rentrer à l'érable, dans de l'eau qu'on apportera à cet effet, de peur que les immondices qui seront attachées à leur corps n'y engendrent des ulcères, ou qu'elles n'amollissent la corne de leurs pieds, ou qu'au moins elles ne les molestent quand ils mangeront & qu'elles ne les inquiètent quand ils voudront dormir. Il faut, aussi donner tous ses soins à écarter d'eux le froid en hiver, comme à leur chercher un air pur en été. En conséquence, on les mettra à l'ombre pendant le jour & à l'air pendant la nuit. En effet, le trop grand chaud ne leur occasionne pas moins de maladies que le trop grand froid. Outre cela, il est fort utile de leur faire avaler tous les sept jours à chacun un œuf cru avec un hemina de sel & un sextarius de vin. Il est encore bon de mêler de l'ail broyé avec du suif de bouc & de la verveine broyée en même temps, en joignant à ces drogues de la rue & même de la fleur de farine, pour leur faire avaler ce mélange dans du vin. Il faut surtout prendre garde de les fatiguer par de trop grandes courses ou par de longs voyages, ou au moins de les attrister en les chargeant de fardeaux trop pesants, parce que la trop grande fatigue est toujours suivie de quelque maladie & que tout animal devient faible quand il a été excédé. Quoique les animaux de cette espèce ne demandent pas que l'eau qu'ils boivent soit très claire & qu'ils ne soient pas autrement incommodés pour en avoir bu de malpropre, il est: cependant du devoir d'un Bouvier attentif, de veiller à ce qu'ils en boivent toujours qui soit propre & excellente ; mais il faut surtout avoir soin qu'ils aient toujours en abondance des nourritures convenables & qu'ils soient en embonpoint, parce que la maigreur est le principe de toutes leurs maladies. Le travail casse de bonne heure un animal épuisé, la chaleur le tourmente & le froid le pénètre. Il ne suffit pas en été de mener paître les bœufs & il faut ajouter à ce genre de nourriture des feuilles de différentes espèces, afin que la variété même de la nourriture écarte le dégoût naturel à ces animaux. On les engraissera en hiver, non seulement avec de la paille, mais encore avec du foin & de l'orge & le plus souvent avec de l'ers. Au surplus, il n'y a personne qui puisse regretter la dépense qu'entraîne leur nourriture, pour peu qu'il veuille réfléchir sur la cherté de ceux qui périssent faute d'être bien nourris. Il ne faut pas moins de précautions contre les maladies des bœufs, que contre celles des chevaux.

 

Section II. En effet, si la contagion qui porte le nom de Malleus[2] & qui se manifeste par diverses sortes de maladies, cause la mort d'un très grand nombre de chevaux, elle ne fait pas moins périr de bœufs. Plusieurs Auteurs donnent à cette maladie différents noms, quoique le vulgaire l'appelle communément achanus.[3] Dès que cette maladie prend à un bœuf, on le reconnaît à ces symptômes-ci : son poil se hérisse, il devient triste, il a les yeux hébétés & la tête baissée, la salive lui coule continuellement de la gueule, sa démarche est lente, il a l'épine du dos raide, avec un très grand dégoût & il rumine peu. Si l’on travaille dès le principe de la maladie à le soulager, le danger disparaîtra ; mais si l’on tarde par négligence à le soigner, l'ancienneté de la maladie l'ayant fait empirer, on n'en sera plus le maître: Ainsi, quand un bœuf commencera à être dégoûté, on lui fera prendre aussitôt cette potion-ci, qui le soulagera dans telle maladie que ce soit : Broyez dans un mortier trois unciae & demie de scille hachée bien menue, avec des racines de jeune peuplier arrachées de terre & bien lavées & jetez-en trois livres dans sept sextarii de vin, en y en ajoutant un de sel & faites avaler un sextarius de ce médicament par jour à un bœuf pendant sept jours. Si l'on veut que les bœufs aient pendant toute l’année la force nécessaire pour résister à toutes les maladies désespérées, on leur donnera pendant quinze jours de suite au commencement du printemps, c'est-à-dire, aux Ides de Février, la potion que nous venons de prescrire, qui leur est si salutaire, qu'il est démontré par l'expérience, que les bœufs qui l'auront prise, ne seront jamais attaqués de toute l’année par aucune maladie contagieuse. La composition suivante résiste aussi aux maladies de ces animaux & augmente leurs forces : On broie bien trois unciae de feuilles tant de chèvrefeuille, que de myrrhe sauvage & de cyprès, on les fait infuser dans un congius d'eau & on les laisse à l'air pendant une nuit, ensuite on en donne pendant trois jours un sextarius par tête à chaque bœuf, après l'avoir réchauffé. Il faut faire prendre cette potion à ces animaux quatre fois par an pour les fortifier, savoir à la fin du printemps, de l’été, de l'automne & de l'hiver. Elle dissipe les maladies & les incommodités. Broyez bien trois unciae de baies de laurier, de gentiane, d'aristoloche longue, de myrrhe & de bétoine & jetez-les dans du vin pur, dont vous ferez avaler trois heminae à un bœuf pendant trois jours consécutifs. Des gousses d'ail broyées dans du vin purgent également la tête de ces animaux, quand elles sont injectées dans leurs narines. On leur fait avaler des œufs crus avec du miel, pour dissiper leur dégoût & leurs nausées. Il est cependant bon de mêler du sel dans leur pâture, ainsi que de verser dessus le matin de l'huile & du vin, dans lesquels on aura broyé du marrube. De la poudre d'encens dans du vin pur leur est bonne, soit qu'on la leur injecte dans les narines, soit qu'on la leur fasse prendre par la bouche. Le rapport des jardins fournit aussi des médecines qui ne sont pas moins utiles aux bœufs, puisque si l'on broie une grande quantité de porreaux, de rue, d'ache de marais & de saviniere & qu'on mêle ces plantes avec du vin, pour leur en donner trois heminae à boire, elles les soulageront dans leurs maladies. Il y a bien des personnes qui font macérer dans de l'eau des tiges de couleuvrée hachées, avec du serpolet & un tronçon de scille & qui leur font prendre trois heminae de cette eau en trois jours Cette potion purge le ventre de ces animaux & les remet en forces. Mais on croit que pour traiter l'intérieur de leur corps, le meilleur est de leur donner de la lie d'huile coupée avec pareille quantité d'eau en les accoutumant à en boire ; mais comme ils ont du dégoût pour cette boisson qu'ils ne connaissent pas, telle soif qu'ils aient, on commence par en verser sur leur nourriture, ensuite, on détrempe l'eau qu'on leur donne à boire avec une petite quantité de cette liqueur ; enfin, on la coupe par mesure égale, pour leur en donner jusqu'à ce que leur soif soit apaisée. Au surplus, quand on excite les bœufs à courir en tel temps que ce soit, mais principalement en été, leur ventre se relâche & cet accident leur est dangereux, ou il en résulte de petites fièvres, parce que cet animal qui est naturellement lent & plus fait pour le travail que pour la course, se trouve fort lésé, quand il est contraint à une besogne à laquelle il n'est point accoutumé. Il est encore dangereux que des truies ou des poules approchent de sa crèche, parce que dès qu'un bœuf a pris de la fiente de poule avec sa pâture, il est tourmenté par des douleurs de ventre excessives & meure enflé. Voici comment il faut remédier à cet accident. On mêlera trois unciae de graine d'ache de marais, avec un sextarius & demi de vin Amminée & deux livres de miel &c on lui fera prendre ce remède par la gueule, après l'avoir fait chauffer, après quoi, on le forcera de marcher & on le frottera à plusieurs mains, jusqu'à ce que cette potion lui lâche le ventre. On croit aussi que si on lui fait avaler du gisnum[4] broyé dans du vin, ce sera un remède salutaire. On mêle encore avec de l'huile, de la cendre de lessive faite avec de l'orme, ou tel autre bois que ce soit, pourvu qu'elle soit bien criblée, pour en faire une potion qu'on lui fait avaler chaude & qui est très bonne contre l'effet de cette fiente ; mais si un bœuf a avalé de la fiente de porc, il est aussitôt attaqué de la maladie contagieuse du malleus : c'est pourquoi, s'il a été parmi un troupeau de gros bétail, ou qu'il ait fréquenté des bêtes domptées, il faut aussitôt éloigner de ses domaines tous les animaux sur lesquels on aura le plus léger soupçon de cette maladie & les distribuer dans des lieux où il n'y ait point de bétail qui paisse, afin qu'ils ne se gâtent point les uns les autres & que s'il y en a qui le soient déjà, ils n'en gâtent point d'autres. En effet, ils corrompent les herbes en paissant, les fontaines en buvant & les crèches en se tenant à l'étable de sorte que les plus sains même, périssent par l'odeur qu'exhalent ceux qui sont malades. Il faut même porter la précaution jusqu'à jeter hors des limites de la métairie les cadavres de ceux qui seront mort de cette maladie & les enfoncer très profondément sous terre, de peur qu'il n'arrive que ceux même qui sont sains, n'en soient atteints en dedans du corps & n'en périssent. On donne à cette maladie, le nom de peste en général, mais elle est de plusieurs sortes que je ne suis point fâché de détailler toutes, afin que les principes qui la concernent, soient plus aisément compris par les personnes qui y feront attention. C'est donc une maladie humide, toutes les fois qu'il coule une humeur par la gueule & par les narines des bœufs, symptôme qui est suivi du dégoût & du malaise. C’en est une sèche toutes les fois que, sans qu'il paraisse aucune humeur, l'animal maigrit & empire de jour en jour & qu'il n'a point son appétit ordinaire. C'est la goutte, toutes les fois que les bœufs boitent, tantôt des pieds de devant, tantôt de ceux de derrière, quoiqu'ils aient la corne du pied saine. La maladie est cachée sous les reins, toutes les fois que la faiblesse se manifeste dans les parties postérieures de l'animal & que les reins semblent lui faire mal. C'est le farcin, toutes les fois qu'il lui vient sur tout le corps des tubercules qui se percent & qui paraissent se guérir, tandis qu'il s'en élève de nouveaux dans d'autres parties du corps. C'est la maladie d'entre cuir & chair, toutes les fois qu'une humeur maligne vient à se manifester en différentes parties du corps & que cette humeur flue. C'est l'éléphantiasis, toutes les fois qu'il s'élève sur la peau de petites cicatrices en forme de galles & semblables à de petites lentilles. Enfin, c'est la manie, quand les bœufs perdent l'usage des sens au sortir d'une maladie, de façon qu'ils n'entendent ni ne voient comme de coutume : cette maladie les fait périr très promptement, quoiqu'ils paraissent gais & gras. Il n'y a aucune de ces maladies qui ne soit remplie de contagion, aussi, dès qu'un animal en a été attaqué, elles s'étendent bientôt sur tous les autres, de sorte qu'elles font quelquefois périr des troupeaux entiers de gros bétail, ou même toutes les bêtes domptées. C'est pourquoi, il faut donner tous ses soins à séparer des autres, les animaux qui en sont attaqués & les envoyer dans des lieux où aucun animal n'aille paître, de peur qu'ils ne mettent tous les autres animaux en danger, par la contagion qu'ils leur communiqueraient & qu'on ne vienne à imputer à la colère divine, (comme les sots ont coutume de faire,) ce qui serait un effet de la négligence du Propriétaire. Il faut indépendamment de cette précaution, vaincre & détruire ces maladies, telles cruelles qu'elles soient, par des remèdes étudiés. On achète donc du panax chez les Epiciers. On donne le nom d'eryngion à une herbe qui vient sur le bord de la mer, dans la proximité des vagues, la fleur de cette herbe est presque de couleur d'or ou jaune, ses feuilles ressemblent à celles du chardon béni & elle étend ses racines très loin, à travers les sables du rivage. On déterre donc ces racines pour les conserver après les avoir fait sécher à l'ombre & elles sont très bonnes contre les maladies des chevaux, ainsi que contre celles des bœufs. On s'en sert pour composer cette potion-ci : on broie bien en semble trois unciae de racine tant de panax, que de cette espèce de panicaut de mer, avec trois de graine de foin, sur lesquelles on ajoute un sextarius de farine de froment, que l'on a concassé avant de le moudre. On verse sur toutes ces drogues de l'eau bouillante, pour en faire des pâtes avec du miel & du vin cuit jusqu'à diminution des deux tiers & on donne neuf de ces pâtes par jour à un bœuf. Outre cela, on amasse du sang de tortue de mer, qu'on lui fait boire avec du vin & comme il est difficile de trouver des tortues de mer, on regarde comme également bon le sang des tortues communes, mais c'est à l'expérience à apprendre si l'on ne se trompe point en cela, d'autant que les Auteurs n'ont point parlé de tortues de terre. On mêle aussi par égale portion de la poudre de casse & d'encens, on en jette une demi-uncia par jour dans un sextarius de vin vieux, pour l'injecter dans les narines d'un bœuf, en répétant cette injection pendant trois jours. Comme les maladies que nous avons nommées ci-dessus sont arrières, on ne les surmonte que par des potions amères, parce que, suivant les règles de la médecine, les contraires se guérissent par des potions contraires. C'est pourquoi, on mêle par parties égales de la poudre d'absinthe & de lupins crus, avec de la poudre de centaurée, ou de fenouil de porc & on en fait prendre aux bœufs trois cochléaria par jour, dans un sextarius de vin vieux, sur lequel on ajoute trois unciae d'huile. On a encore fait l'essai du remède suivant & l'expérience a prouvé qu'il était efficace : On cueille la petite racine de l'herbe appelée consiligo, (d'autres l’appellent pulmonaria & d'autres lui donnent simplement le nom de radicula:[5] on la cueille, dis-je, de la main gauche & avant le lever du soleil, parce que l'on imagine qu'elle a pour lors une plus grande vertu, après quoi, on fait une espèce de cerne avec une aiguille ou avec une pointe de cuivre sur la partie la plus large de l'oreille d'un bœuf, en enfonçant l'aiguille de façon que, la peau se trouvant légèrement ouverte, il en sorte du sang. Quand cette opération est faite des deux cotés de l'oreille, on perce ce cerne par le milieu avec l'aiguille & on insère cette petite racine dans le trou qu'on a pratiqué & lorsqu'on vient à la retirer, tout le virus pestilentiel flue par la plaie, jusqu'à ce que la seule partie de l'oreille qui aura été cernée soit pourrie au point de tomber & que l'animal soit guéri par ce moyen. On injecte dans les narines des bœufs des feuilles de gui broyées dans du vin & c'est le moyen de soulager non seulement chaque bœuf en particulier, mais encore des troupeaux entiers qui auraient gagné la maladie. Les fumigations leur sont aussi très utiles : On met donc sur des charbons du soufre, du bitume, de l'ail, de l'origan & de la graine de coriandre & on leur tient très longtemps la tête couverte sur le vase dans lequel on fait brûler ces odeurs, afin que la fumée leur entre par la gueule & qu'elle remplisse leurs narines pour pénétrer à leur cerveau & dans l'intérieur de leurs corps & apporter un remède salutaire. Il est encore très bon de parfumer le corps entier de l'animal, pour détourner de lui la maladie pestilentielle & l'empêcher de gâter les autres en leur en communiquant la contagion. Après avoir donné les remèdes généraux contre les maladies contagieuses qui s'étendent sur tous les bœufs, nous allons à présent passer aux remèdes contre les maladies qui surviennent à chacun d'eux en particulier, sans se communiquer à d'autres.

 

Section III. Les indigestions nuisent beaucoup aux bœufs, en voici les symptômes : des rots fréquents, du dégoût pour la nourriture, des murmures qui se font entendre dans le ventre, des contractions de nerfs & des yeux hébétés, toutes choses qui empêchent ces animaux de ruminer & de se lécher à leur ordinaire. Il sera bon de leur faire avaler deux congii d'eau très chaude, sans cependant qu'elle le soit au point qu'ils ne puissent pas la boire, après quoi, on fera aussitôt cuire légèrement trente tiges de chou, qu'on leur fera prendre dans du vinaigre & on les tiendra suspendus en l’air,[6] en les privant absolument de toute autre espèce de nourriture. D'autres renferment dans l'érable les bœufs qui ont une indigestion, sans leur donner de nourriture. Outre cela, ils broient quatre livres de cimes de lentisque & d'olivier sauvage, & les mêlent avec un congius d'eau & une livre de miel qu'ils mettent pendant une nuit en plein air & leur font avaler ce médicament. Ensuite, ils leur donnent au bout d'une heure quatre livres d'ers détrempé & infusé & leur retranchent également toute autre espèce de nourriture ou de boisson. En effet, si on négligeait une indigestion, elle serait suivie de l'enflure tant du ventre que des intestins, elle exciterait les mugissements de l'animal, elle l'empêcherait de prendre sa nourriture & de se tenir en place, elle le forcerait de se coucher à terre & de s'y rouler & il remuerait continuellement la queue. C'est un remède approuvé par l'expérience, que de lui serrer fortement la queue auprès des fesses avec de la corde ou du fil, de lui faire avaler un sextarius de vin chaud avec un hemina d'huile & de le tirer ensuite pour le faire courir l'espace de quinze cent pas. Si la douleur continue, il faut lui couper la corne du pied, lui retirer de l'anus les excréments avec la main après l'avoir graissée & le faire courir de nouveau. Si l'effet de ce pansement est lent, on broie longtemps trois cinquièmes de laurier, qu'on lui donne dans deux cinquièmes d'eau chaude. Si ces remèdes ne font encore aucun effet, on broie dans un mortier deux livres de feuilles de myrte sauvage & après en avoir jeté dessus deux d'eau chaude, on lui fait avaler cette eau dans un vase de bois : après quoi, on lui tire du sang sous la queue, en piquant la veine à quatre doigts de l'anus & lorsqu'il en a coulé une quantité suffisante, on l'arrête en lui liant la queue avec du papier, ensuite on l'excite à marcher vite, jusqu'à ce qu’il soit hors d'haleine. Cependant, on a recours à ces remèdes-ci, avant de lui tirer du sang : On jette dans trois heminae de vin, quatre unciae d'ail broyé & après lui avoir fait boire ce vin, on le force de courir. On pile aussi deux unciae de sel, avec dix d'oignons & on y ajoute du miel bouilli, pour en faire des collyres assez longs & assez forts, qu'on lui fourre dans l'anus, afin qu'ils lui relâchent le ventre, après quoi on le force de courir. La douleur du ventre & des intestins est aussi apaisée, lorsque l'animal voit nager des oies & surtout des canards, car la vue du canard guérit promptement les mulets & même les chevaux, quoiqu'il arrive quelquefois que tous les remèdes sont inutiles & que ces maux sont suivis de la dysenterie, dont le symptôme se reconnaît à une matière sanguinolente & glaireuse, que l'animal rend par le ventre. Le remède spécifique consiste à bien broyer quinze branches de cyprès, avec autant de noix de galle & un fromage très vieux du poids de ces deux, drogues réunies & à les jeter ensuite dans quatre sextarii de vin dur, pour lui faire boire, en lui donnant des cimes de lentisque, de myrte & d'olivier sauvage. Si le flux de ventre commence à paraître, de façon que l'animal rende des matières vertes, ses forces diminuent, son corps s'affaiblir & il devient inutile au travail, parce qu'aucune partie de la nourriture qu'il prend ne parvient à sa moelle & qu'il la rend aussi verte qu'il l'a prise. Quand cela lui arrivera, on lui interdira la nourriture & la boisson le premier jour, le lendemain on ne lui permettra pas encore de boire, mais on lui donnera cependant des cimes d'olivier sauvage & de canne sauvage, ainsi que des baies de lentisque & de myrte, en ne lui laissant la liberté de boire que très peu & même au bout de trois jours seulement. Il y a des personnes qui broient dans deux sextarii d'eau chaude, une livre de jeunes feuilles de laurier, avec la même quantité d'aurone de jardin, pour le faire avaler aux bœufs, en leur donnant à manger les fourrages que nous avons prescrits ci-dessus. D'autres font griller au feu deux livres de marc de raisin, qu'ils leur l'ont prendre dans un sextarius de vin dur, après les avoir broyées, en leur donnant à manger les cimes que nous venons de nommer, mais si l'animal n'a ni flux de ventre ni douleur dans les intestins & qu'il refuse cependant de manger, qu'il ait la tête lourde & que les larmes loi tombent des yeux & la pituite des narines, on lui brûlera le milieu du front jusqu'aux os & on lui incisera les oreilles avec un fer & pour guérir les plaies occasionnées par le feu, on les lavera avec de vieille urine de l'animal lui-même, au lieu que l'incision des oreilles se guérira avec de la poix & de l'huile. Les barbillons causent aux bœufs un dégoût périlleux. Il faut les ouvrir & frotter la plaie d'ail & de sel pilés ensemble, afin que l'humeur provoquée par cette friction s'écoule entièrement. On croit qu'il est mieux de leur couper les barbillons avec un roseau tranchant & de leur laver ensuite la gueule avec du vin, pour leur donner des herbes ou des feuilles vertes au bout d'une heure. Du reste, on les sustente avec des nourritures molles, jusqu'à ce que les plaies causées par les opérations soient cicatrisées. Si, sans avoir de barbillons, ils ne font voir aucun appétit, on leur injecte dans les narines de l'huile, dans laquelle on aura broyé de l'ail.

 

Section IV. Si un bœuf commence à avoir la fièvre, (ce que l'on reconnaîtra à l'agitation de ses veines & à la chaleur de tout son corps, ou à celle de sa gueule), il faut l'empêcher absolument de manger l'espace d'un jour & lui tirer le lendemain, avant qu'il ait mangé, un peu de sang sous la queue : une heure après, on fera bouillir trente petites tiges de chou, qu'on lui fera avaler dans de l'huile & du bouillon & on lui donnera cette nourriture pendant cinq jours qu'on continuera de lui faire faire diète. On lui donnera en outre pour nourriture des cimes de lentisque ou d'olivier, ou de toute autre espèce de feuillages très tendres, ainsi que des pampres, si l'on est dans une saison à en avoir. On lui essuiera aussi les lèvres avec une éponge & on lui fera boire de l'eau froide trois fois par jour, en le retenant à l'étable tant qu'il aura la fièvre, sans le laisser paître avant sa guérison. Or, voici les symptômes de la fièvre : Les larmes lui coulent des yeux, il a la tête lourde, les yeux à demi fermés, les lèvres mouillées de salive, la respiration plus longue qu'à l'ordinaire & comme embarrassée & souvent accompagnée de mugissements. La toux des bœufs ne doit pas être traitée avec moins de soin que celle des chevaux : si elle est nouvelle, on leur fera avaler à jeun un sextarius de farine d'orge avec un œuf cru & une hemina de vin fait avec du raisin séché au soleil : On jette aussi dans un sextarius d'eau chaude du gramen haché & pilé, en y ajoutant de la farine de fèves cuites & de la fleur de farine de lentilles, & après avoir bien remué le tout, on le lui verse dans la gueule. Une toux invétérée ne résiste point, à deux livres d'hysope infusées dans trois sextarii d'eau, que l'on broie ensuite & que l'on mêle avec deux tiers de farine pour leur faire avaler, après quoi, on leur fait prendre à la corne l'eau même d'hysope, c'est-à-dire l'eau dans laquelle on aura fait infuser & même bouillir l'hysope. Le jus du porreau exprimé dans de l'huile & la feuille même de cette plante mêlée avec de la farine d'orge la guérissent encore : les racines de la même plante lavées avec soin & pilées avec de la farine de froment, puis données à un bœuf qui est à jeun, enlèvent la toux la plus invétérée, aussi bien que l'ers écossé & moulu, puis jeté dans de la ptisanne d'orge mondé, qu'on lui fait prendre en forme de salivatum avec de l'eau chaude ou de l'hydromel. Il vaut mieux ouvrir avec le fer les suppurations, que l'on appelle apostemata & lorsque le pus ou la sanie en seront sortis, on lavera la poche qui les renfermait avec de l'urine de bœuf chaude & on la pansera avec des éponges & des étoupes trempées dans de la poix fondue & de l'huile, sans se servir de linge; ou si l'ulcère se trouve dans une partie du corps qui ne puisse pas être lavée, on fera distiller dessus, par le moyen d'une lame de fer rouge, du suif de chèvre ou de bœuf. Il y a des personnes, qui après avoir brûlé la partie malade, la lavent avec de vieille urine d'homme & la frottent ensuite avec de la poix liquide & du vieux-oing cuits ensemble par parties égales. Quand à la suite de quelque maladie, le sang vient à tomber dans les pieds d'un bœuf, il le fait boiter. Lorsque cela arrive, on lui visite la corne du pied & l'on trouve qu'elle est plus chaude qu’à l'ordinaire & qu'il n'endure pas patiemment qu'on lui comprime trop la partie affligée; mais si le sang n'est encore que dans les jambes & au-dessus de la corne du pied, on le fait évaporer par des frictions de sel broyé, répétées pendant trois jours, au lieu que s'il est déjà descendu dans la corne du pied, on fait une légère incision avec un couteau entre les deux ongles & on les nettoie en dedans, ensuite on applique sur la sole de l'étoupe imbibée de vinaigre & de sel & l'on chausse le pied de l'animal avec du genêt d'Espagne, mais surtout, on l'empêche de tremper son pied dans l'eau & l’on a soin de le tenir sèchement à l'étable. Si l’on ne faisait pas sortir ce sang, il tournerait en pourriture, de sorte qu'il s'établirait une suppuration qu'il faudrait aussi guérir : Pour en obtenir la guérison, il faudrait d’abord couper tout le contour de l'ulcère avec le fer & le nettoyer ensuite jusqu'au vif, après quoi on le panserait & l'on parviendrait à le guérir, en le remplissant de charpie imbibée de vinaigre, de sel & d'huile & en faisant distiller dessus, par le moyen d'un fer rouge, du vieux-oing & du suif de bouc bouillis ensemble par portions égales. Si le sang se trouve renfermé dans la partie intérieure de la corne du pied & que l'animal s'en, tienne à boiter, sans qu'il y ait d'ouverture, on coupe au vif l'extrémité même de l'ongle, pour le faire sortir par cette ouverture, après quoi, on enveloppe le pied d'étoupes ou de linges imbibés de sel, d'huile & de vinaigre & on le munit d'une bottine de genêt d'Espagne ; mais il ne faut pas ouvrir la corne du pied en deux, par son extrémité inférieure, si ce n'est dans l'endroit où il y aura déjà une suppuration établie. Si c'est une douleur de nerfs qui fait boiter un bœuf, il faut lui frotter les genoux, les jarrets & les jambes, avec de l'huile & du sel. S'il a les genoux enflés, on les bassinera avec du vinaigre chaud & on appliquera dessus de la graine de lin ou du millet broyé & imbibé d'hydromel. On mettra encore autour de ses genoux, en l'attachant avec des bandages, une éponge trempée dans de l'eau bouillante & ensuite aspergée de miel, en la comprimant. S'il y a quelque humeur avec enflure, on appliquera dessus du levain ou de la farine d'orge cuite soit dans du vin fait avec des raisins séchés au soleil, soit dans de l'hydromel, ensuite on attendra que l'apostume soit mure, pour y appliquer le fer & lorsqu'on en aura fait sortir le pus, on la pansera de la manière que nous avons enseignée ci-dessus. Toute ouverture faite avec le fer peut également être guérie avec de la racine de lys, ou avec de la scille & du sel, ou avec de la renouée, que les Grecs appellent πόλιγονον, ou avec du marrube blanc. Toutes les douleurs du corps, qui ne font ni occasionnées par une plaie, ni invétérées, se dissipent néanmoins mieux par les fomentations, au lieu que quand elles sont anciennes, on y applique le feu & on fait distiller sur la plaie du beurre ou de la graisse de chèvre. On guérit la galle en la frottant d'ail broyé : le même remède guérit les morsures des chiens enragés, ou les blessures faites par des loups. On prétend que ces deux sortes de plaies se guérissent aussi avec de vieilles salaisons appliquées dessus. Voici encore un remède plus efficace pour la galle : on broie ensemble de l'origan & du soufre & on les fait bouillir avec de l'huile & du vinaigre, en y ajoutant de la myrrhe & lorsque cette composition commence à se tiédir, on la saupoudre d'alun de plume broie. Ce médicament réussit très bien, lorsque l’on en frotte les bœufs à l'ardeur du soleil. On saupoudre les ulcères de poudre de noix de galle broyée : le jus de marrube blanc avec de la suie les guérit aussi. Il y a une maladie dangereuse pour les bœufs que les paysans appellent coriago : leur peau tient si fort à leur dos dans cette maladie, qu'en la prenant avec les mains, on ne peut pas la séparer des côtes. Cet accident ne leur arrive jamais, que lorsqu'ils sont tombés dans la maigreur à la suite de quelque maladie, ou que le froid a succédé chez eux à la sueur excitée par le travail, ou enfin, lorsqu'étant tombés sous le poids de leur charge, ils ont été bien mouillés par la pluie. Comme il n'y a rien de plus dangereux que cette maladie, il faut avoir soin, pour la prévenir, de verser du vin sur les bœufs, lorsqu'ils sont revenus du travail & qu'ils sont encore. échauffés & haletants & de leur jeter dans la gorge un morceau de pain trempé dans du vin ; mais si cette maladie les tient déjà, il sera bon de faire bouillir du laurier & de leur frotter à contrepoil l'épine & le dos avec de l'eau chaude, de l'huile & du vin, en leur maniant la peau par tout le corps & en la tirant, pour ainsi dire, des côtes. Cette opération doit être faite dans un lieu très chaud, ou à l'air & à l'ardeur du soleil. Il y a des personnes qui mêlent ensemble du marc d'olives du vin & de la graisse & qui emploient ce médicament chaud après la fomentation que nous venons de prescrire. C'est encore une maladie très grave, que l'ulcération des poumons : elle engendre la toux la maigreur & finalement la phtisie, qui est suivie de la mort. On a recours alors à la racine de pommelée & l'on mêle la valeur d'une hemina de jus de porreau avec pareille mesure d'huile & on leur donne cette potion pendant plusieurs jours, avec un sextarius de vin. Quelquefois un bœuf, à cause d'une enflure qui se sera formée dans son palais, refuse la nourriture & jette de fréquents soupirs. Il est bon de lui ouvrir alors le palais avec le fer, pour en faire ruisseler le sang & on ne lui donnera à manger jusqu'à sa guérison, que de l’ers écossé & détrempé, du feuillage vert, ou de tout autre fourrage mollet. Si un bœuf s’est meurtri le col dans le travail, le remède le plus efficace sera de lui tirer du sang de l'oreille, ou si on ne l'a pas fait à temps, d'y appliquer de l'herbe appelée avia broyée avec du sel. S'il a eu le chignon du col ébranlé & que cette partie se soit déjetée, on examinera de quel côté il planchera & on lui tirera du sang du côté opposé, en piquant la veine de l'oreille qui paraîtra la plus saillante, après l'avoir fouettée préalablement à coups de sarments, pour l'ouvrir avec le fer lorsqu'elle sera gonflée ; & quand le sang aura coulé, on lui en tirera encore le lendemain du même endroit & on l'exemptera de travailler pendant deux jours; mais le troisième jour, on lui donnera une tâche légère & peu à peu on le ramènera à sa tâche ordinaire, ou au contraire le chignon, sans être déjeté d'aucun côté, est enflé dans le milieu, on lui tirera du sang des deux oreilles. Si on négligeait de lui en tirer dans les trois jours qui suivront cet accident, le col s'enflerait, les nerfs se tendraient & il se formerait une dureté qui l’empêcherait de supporter le joug. Nous avons découvert un remède propre pour cette maladie, lequel est composé de poix fondue, de moelle de bœuf, de suif de bouc & de vieux-oing, ainsi que de vieille huile, le tout cuit ensemble à doses égales. Il faut se servir de ce remède, lorsqu'on aura dételé le bœuf après son travail : on baignera donc la tumeur de son chignon dans l'abreuvoir où il ira boire & quand on l'aura essuyé, on le frottera bien & on l'oindra avec ce médicament. Si l’animal refuse absolument le joug à cause d'une tumeur au chignon du col, il faut le laisser reposer pendant quelques jours, sans le mettre au travail, après quoi on lui lavera le chignon avec de l'eau froide & on l'oindra avec de l'écume d'argent. Celsus ordonne simplement de mettre sur le chignon, quand il est enflé, de l'herbe appelée avia broyée, comme je l'ai dit ci-dessus. Les clous qui infectent le chignon d'un bœuf sont moins difficiles à panser, car on les guérit facilement en faisant distiller dessus de l'huile d'une lampe allumée : il sera cependant mieux d'empêcher que ces clous ne se forment, comme d'empêcher que le col des bœufs ne devienne chauve, ce qui n’arrive jamais que lorsqu'ils ont eu le chignon mouillé pendant le travail, soit par la sueur, soit par la pluie : si cela arrive, on leur saupoudrera le col, avant de les dételer, avec de la poussière de tuile broyée & lorsqu'ils seront séchés, on le mouillera de temps en temps avec de l'huile. Si le soc de la charrue a blessé un bœuf au talon ou à la corne du pied, faites fondre sur la blessure, par le moyen d'un fer chaud, de la poix dure & de la graisse de porc enveloppée dans de la laine encore grasse avec du soufre & brûlez la plaie. Ce remède est excellent à employer, lorsqu'un bœuf aura marché sur un clou, ou lorsque la corne de son pied aura été percée par une tuile aiguë ou par une pierre. Si cependant la blessure est profonde, on la cerne à quelque distance avec le fer, après quoi on y applique le feu comme je l'ai prescrit ci-dessus. Ensuite on la panse pendant trois jours, en versant du vinaigre dessus & en chaussent le pied de l'animal d'une bottine de genêt d'Espagne. Si le soc de la charrue lui a blessé la jambe, on met sur la plaie de la laitue de mer, que les Grecs appellent νιθύμαλλος, avec du sel. De même, lorsque les bœufs ont les pieds usés par-dessous, on les lave dans de l'urine de bœuf que l'on fait chauffer, ensuite on les force de marcher sur de la cendre de sarments chaude & on leur frotte la corne du pied avec de la poix fondue & de l'huile, ou de la graisse de porc. Cependant ils seront moins exposés à boiter, si après les avoir dételés au sortir du travail, on leur lave les pieds dans de l'eau froide & qu'on leur frotte avec du vieux-oing les paturons, la couronne & la fourchure même de l'ongle. Il arrive encore souvent aux bœufs de se déboîter l'épaule, soit en tirant dans un chemin raboteux, soit pour avoir fait de violents efforts en fendant un terrain trop dur, ou en rencontrant des racines qui auront résisté à leur passage. Quand cela arrive, il faut alors leur tirer du sang des jambes de devant, c'est-à-dire, de la jambe gauche, s'ils se sont blessé l'épaule droite & de la droite, s'ils se sont blessé l'épaule gauche & s'ils se sont grièvement blessé les deux épaules, il faut de plus leur ouvrir les veines des jambes de derrière. Mais lorsqu'un bœuf a les cornes brisées, on y applique des linges trempés dans de l'huile, du vinaigre & du sel, qu'on imbibe pendant trois jours consécutifs, sans les développer : le quatrième jour, on y met de la graisse da porc avec de la poix sèche & de l’écorce de pin par parties égales & enfin lorsqu'elles commencent à se cicatriser ; on les saupoudre de suie. Les ulcères négligés engendrent aussi souvent des vers : il suffit de verser le matin de l'eau froide sur ces vers, afin que la fraîcheur de cette eau les resserre & les fasse mourir, ou si ce moyen n'avance de rien, on y applique du marrube blanc, ou du porreau broyé avec du sel, ou bien ou les saupoudre d'une poudre de chaux vive, ou enfin on y met du jus de courge verte avec du vinaigre. Aussi faut-il employer pour tous les ulcères de la poix liquide, de vieille huile & de la graisse de porc & frotter même de ce médicament.les parties circonvoisines, de peur qu'elles ne soient tourmentées par les mouches, ou que ces mouches n'engendrent des vers, quand elles se seront posées par hasard sur les ulcères. La morsure d'un serpent est encore mortelle aux bœufs, de même que le venin pestilentiel d'animaux plus petits, puisqu'il arrive souvent lorsqu'un bœuf est couché imprudemment an milieu des pâturages sur des vipères & sur des orvets, que ces bêtes étant animées le mordent. Le musaragne lui-même, que les Grecs appellent μύγαλην, quoique n'ayant qu'un petit corps, leur donne assez communément une maladie considérable; mais on dissipe le venin de la vipère, en scarifiant avec le fer la tumeur formée par sa morsure & en mettant sur la partie scarifiée, de l'herbe appelée personata, pilée avec du sel. On croit que la racine de cette herbe est bonne, si on la met, après l'avoir broyée, ainsi que le seseli de montagne, si on en trouve & le trèfle : cette dernière plante est très efficace, quand elle est venue dans des terrains pierreux, elle a l'odeur forte & semblable à celle du bitume, ce qui fait que les Grecs l'appellent ἀσφάλτιον ; mais les habitants de notre pays lui donnent le nom de trèfle aigu, a cause de sa figure, parce qu'elle a les feuilles longues & hérissées, quand elle est verte, quoique sa tige soit plus robuste que cesse du trèfle des prés. On mêle du jus de cette plante avec du vin & on en fait avaler aux bœufs, on pile aussi ses feuilles avec du sel & on les met sur la plaie. Si l’on ne trouve pas de cette herbe qui soit verte, on leur donne à boire du vin, dans lequel on aura fait infuser de la graine de cette même herbe broyée : on en met aussi sur la partie scarifiée les racines broyées avec leur tige, en y ajoutant de la farine d'orge & du sel délayés dans de l'hydromel. Il y a encore on remède efficace, qui consiste à broyer de jeunes cimes de frêne, avec quatre sextarii de vin ou d'huile & à leur faire avaler le jus qu'on en aura exprimé, en menant en même temps sur les parties blessées des cimes, de cet arbre broyées avec du sel. La morsure de l'orvet occasionne une tumeur & une suppuration, de même que celle du musaragne ; mais on guérit la première avec le secours d'une alêne de cuivre dont on pique la partie blessée, après quoi, on l'enduit d’argile de Cimolus délayée dans du vinaigre ; au lieu qu'on guérit le venin du musaragne en le noyant lui-même dans de l'huile & l'y laissant mourir & en frottant en suite la plaie causée par sa morsure avec cette huile. A défaut de musaragne, on broie du cumin avec de la poix liquide & de la graisse de porc, de façon que cette composition ressemble à un malagme & en l'étendant sur la plaie, il en chasse tout le venin. Si avant que la tumeur se dissipe, il s'est établi une suppuration, il est très bon d'ouvrir l'abcès avec une lame de fer rouge, ou avec un cautère & de brûler tout ce qu'il y aura de corrompu, en le frottant ensuite avec de la poix liquide & de l'huile. Il y a des personnes qui ensevelissent le musaragne tout vivant dans de la terre à Potier & qui le suspendent au col des bœufs, pour écarter par là la morsure de cette bête. On leur guérit bien des maladies d'yeux avec du miel, puisque s'ils sont enflés, on applique dessus de l'hydromel, dans lequel on aura jeté de la farine de froment & que si l'on y aperçoit une taie, on la fera presque entièrement disparaître avec les sels fossiles d'Espagne, d'Arménie ou de Cappadoce mêlés avec du miel. Un os de sèche broyé, dont on soufflera la poudre trois fois par jour dans l'œil avec un tuyau, fera la même chose, ainsi que la racine, que les Grecs appellent σίλφιον & ceux de notre pays laserpitium : on en broie telle quantité que l'on juge à propos, avec une dixième partie de sel ammoniac & l'on en souffle la poudre dans l'œil avec un tuyau. Cette racine écrasée & mêlée avec de l'huile de lentisque, chasse cette maladie. Si les paupières jettent de l'humeur & que les larmes troublent la vue d'un bœuf (maladie que l’on appelle epiphora,[7] on arrête l'humeur en mettant sur les sourcils & sur les paupières du gruau d'orge, sur lequel on aura versé de l'hydromel. Le panais sauvage & la plante que l’on appelle armoracea[8] broyée avec du miel, en apaisent aussi la douleur ; mais souvenez-vous que toutes les fois qu'il entrera du miel ou d'autres matières sucrées dans les remèdes que vous emploierez, il faudra préalablement oindre les parties circonvoisines de l'œil avec de la poix liquide & de l'huile, pour empêcher qu'il ne soit molesté par les mouches, ou par les abeilles ou les guêpes que la douceur du miel attire. Une hirudo, c'est-à-dire, une sangsue tire aussi beaucoup de sang, lorsqu'elle s'attache auprès de la gorge d'un bœuf par dehors : il faut alors l'en retirer avec les doigts ; mais si elle est en dedans, de façon qu'on ne puisse pas la retirer avec la main, on introduira dans la gorge un roseau ou un tuyau percé, dans lequel on fera couler de l'huile chaude, ce qui chassera cette petite bête importune, dès qu'elle en sera atteinte. L'odeur de la punaise mise sur des charbons, arrache aussi la sangsue de la plaie, dès quelle donne sur elle. Si elle se trouvait collée aux parois de l'estomac ou aux intestins, on la ferait mourir en faisant avaler au bœuf du vinaigre chaud, par le moyen d'une corne. Il faut aussi décrire la construction de la machine dans laquelle on renferme toutes les espèces de bêtes de somme ainsi que les bœufs, pour les panser, afin que le Médecin Vétérinaire puisse approcher d'eux avec sûreté & que ces quadrupèdes ne puissent pas se disloquer les membres en se débattant, ni résister aux remèdes. On serre les uns auprès des autres des ais de robre, pour former une cage de neuf pieds de longueur, dont la partie antérieure doit avoir deux pieds & demi de large & celle qui appartient aux parties postérieures des animaux doit en avoir quatre. Cette construction doit être telle, que l'animal ne puisse pas sortir de cette cage, à moins qu'on ne l'en tire par la queue mais, il faut que l'assemblage de la machine soit un peu plus élevé par la partie de derrière & plus resserré par celle de devant ; on assurera en traverse sur celle-ci un petit soliveau en forme de joug, auquel on attachera la tête des chevaux, ou auquel on liera les bœufs par les cornes. Car le reste de leur corps sera lié aux timons avec des courroies ou des cordes, afin que l'animal ne puisse pas résister a la volonté de celui qui le pansera. Cette machine sert ordinairement au pansement de tous les grands animaux.

 

CHAPITRE II.

 

Si une plaie commence à engendrer des vers sur le dos d'un animal ou dans toute autre partie de son corps & que l'on craigne que la pourriture de cette plaie ne se tourne en chancre, on broie dans du vinaigre de la cataire & de la gomme de cèdre, ou du cumin, ou de la ciguë, pour appliquer dessus. L'expérience a aussi appris que la chaux vive détrempée dans du vinaigre très mordant, tue les vers. Si un petit vers a formé une pourriture sur le dos d'un animal, il saut y appliquer légèrement le cautère, ensuite broyer du gui avec du miel & du vin & le mettre dessus. Il est évident qu'on nettoyé aussi les plaies avec de petits linges imbibés d'huile & de vinaigre : après quoi, s'il y a nécessité, on a recours de nouveau à la brûlure. En dernier lieu, on les saupoudre avec de la corne de bouc brûlée & broyée, qui est très bonne pour rendre la santé à l'animal & délivrer de la crainte de le perdre.

 

CHAPITRE III.

 

LE traitement des reins n'est pas fort différent: car lorsque les animaux ont été chargés d'un trop grand fardeau, ou qu'en faisant des efforts pour fauter un fossé, leurs pieds de derrière sont restés immobiles, ou qu'ils ont souffert un trop grand froid, ils gagnent une douleur dans les reins. C’est pourquoi il faut les leur fomenter très longtemps avec de l'eau chaude & de la fleur de foin. Il faut aussi les frotter avec des onguents très chauds & enfin les fortifier en y faisant passer un caustique de salpêtre de houssage délayé. Si la douleur est trop vive, il faut leur ouvrir les veines des aines & leur enduire les reins d'huile mêlée avec de la graisse de porc & du sang qu'on leur aura tiré &, s'il est nécessaire, on aura recours aux cataplasmes. On soulage aussi les reins avec une potion composée ainsi : on coupe douze noix de cyprès, pour les mettre sur des charbons & les brûler avec trois unciae de nitre & l'on réduit ces deux drogues en poudre avec trois unciae de miel, trois sextarii de vin vieux & trois unciae d'huile, pour leur faire avaler pendant quatre jours en portions égales. On guérit les maladies des reins avec une hemina de graine de choux broyée dans un sextarius de gruau & pétrie ensuite avec de l'eau, puis appliquée sur les parties souffrantes. On y remédie aussi avec du sisymbrium pétri avec un sextarius de gruau & de l'eau. Il sera cependant plus efficace de bien broyer la valeur d'une hemina de feuilles de cyprès, d'y ajouter un sextarius de gruau & après les avoir pétris avec du vinaigre très mordant, de les appliquer sur la partie souffrante. Outre cela, on fait bouillir six unciae de résine dure, pour la liquéfier & lorsqu'elle est bouillante, on la saupoudre de farine d'orge jusqu'à ce qu'elle soit épaissie en forme de bouillie & après l'avoir longtemps pétrie, on l'emploie tandis qu'elle est chaude au point que la main puisse la supporter, pour en enduire les reins. Si l'on renouvelle souvent ce remède, il apaise la douleur & la tumeur. Mais si l'irritation est si grande que l'effet de ces remèdes ne se fasse point sentir, on la brûlera avec un cautère de cuivre, en enfonçant des pointes dans les parties convenables, afin que ce cautère ne rende point l'animal difforme ; au lieu que si c'est un animal vil & dont le service soit plus important à rechercher que la beauté, on le brûlera en forme de claie, suivant l'usage.

 

CHAPITRE IV.

 

Au surplus, on reconnaît la douleur des reins à ces symptômes-ci : L'animal tire les pieds de derrière, ses reins vacillent, sa queue est baissée, son urine est bourbeuse, ses entrailles sont dures & crispées. Quelquefois ses reins sont dans un état tel, qu'il urine le sang, auquel cas, s'il en rend beaucoup, c'est une maladie incurable, au lieu que s'il n'en rend qu'une petite quantité, sachez qu'on peut le guérir. On lui donnera, après lui avoir tiré du sang de la veine-mère ou des cuisses une potion composée de jus de porreaux, qu'on coupera à différentes reprises, avec de l'eau.

 

CHAPITRE V.

 

Souvent les muscles des reins sont molestés par une chute & il est plus aisé de les traiter à l'extérieur, lorsque les remèdes nécessaires n'ont pas été administrés a temps. Toutes les fois qu'un animal est tombé, il vaut mieux verser sur lui de l'eau froide dans le lieu même de sa chute & ensuite se servir d'onguents. Voici les symptômes qu'on aperçoit ordinairement dans cette maladie. Les reins s'endurcissent, les testicules se resserrent, l'animal tire la cuisse & ne peut pas se rassembler. Cette maladie vient de la fatigue occasionnée par une longue route, ou par des chemins en pente que l’animal aura traversés dans le temps qu'ils étaient rompus. Les animaux y sont aussi sujets, quand ils ont fait des efforts à la course, ou qu'ils se sont allongés pour sauter. Il faut donc leur tiret du sang des entrailles, autant que la constitution de leur corps le permettra Il faut aussi employer les potions nécessaires pour leur rendre la santé & les placer mollement afin qu'ils dorment.

 

CHAPITRE VI.

 

Quelquefois il arrive que le frisson fasse sortir hors du corps l'extrémité du rectum des animaux. Voici comme on guérit cet accident. On scarifie la partie avec le scalpel & principalement ce qui paraît saillant en dehors & qui ressemble à de petites vessies, on exprime les parties scarifiées entre les doigts & on les décharne, après quoi, on les frotte avec du sel égrugé, jusqu'à ce que l'humeur qui en sort avec le sang soit détruite. Ensuite, on les fomente avec de l'eau chaude & du sel, on fait rentrer le rectum dans le corps, en l'enfonçant avec la main & aussitôt, il se remet à la place d'où il était sorti. On fait un autre enduit dans l'intérieur du corps jusqu'à la guérison de l'animal, en y fourrant les doigts, après les avoir trempés dans un médicament onctueux, ou dans du mélilot. Si l'on ne veut pas se déterminer à avoir recours au fer dans cette maladie, on la pansera, tous les jours avec ce médicament-ci : on prend trois unciae, de castoréum, deux livres de sel égrugé, une de sel ammoniac, une semi-uncia de terre rouge ramassée auprès de Sinope dans le Pont. On fait bouillir le tout ensemble, après l'avoir broyé & criblé, on l'applique sur l'extrémité du rectum & on l'y attache : d'ailleurs, on le fomente tous les jours avec une lessive chaude, & on le panse assidûment jusqu'à la guérison. On réchauffe aussi l'animal malade par des potions thermantiques. D'autres Auteurs ont dit qu'il fallait dans cette maladie soutenir l'extrémité du rectum & la faire rentrer avec la main, que l'on frotte à cet effet de graisse de porc, ensuite y mettre une éponge & lier la queue de l'animal sur son dos. Si cependant l'on a négligé de panser l'animal pendant quelques jours, ils assurent qu'il faut commencer par fomenter le mal avec de la lessive ou du sel & de l'urine chaude & ensuite, se conformer pour le surplus du traitement, à ce que nous avons prescrit.

 

CHAPITRE VII.

 

IL vient souvent aux animaux des douleurs de reins qui se manifestent par ces symptômes ci. Ils ne peuvent ni marcher ni se coucher & leurs entrailles enflent & s'endurcissent. En voici le traitement. On leur tire du sang des deux cuisses, ensuite on met sous eux dans un vase de l'urine vieille & puante, dans laquelle on trempe des pierres meulières bien chaudes, en les couvrant très soigneusement avec des housses, qui les enveloppent jusqu'au bout des pieds, afin que la vapeur de l'urine fasse sortir la sueur des vaisseaux des testicules, après quoi, on les fomente avec de l'eau chaude & on broie bien ensemble du nitre & de l'alun de plume, en y ajoutant de l'huile, pour en oindre les testicules en les en frottant. Si l'on n'a pas de pierres meulières, on fait chauffer des pierres quelconques, pour les faire tremper dans l'urine. On prescrit encore un autre remède que voici pour cette maladie : On fait bouillir une hemina de lentilles, que l'on broie dans un mortier, en y ajoutant du vin, on les mêle avec quatre scrupules de feuilles de cyprès broyées de même très doucement, on ajoute encore la même quantité dégraisse de porc & on répand sur ce mélange du vin vieux après quoi, on applique sur les testicules un morceau d'étoffe imbibé de ce médicament, jusqu'à ce que la santé soit revenue à l'animal. Si elle tarde à revenir, on brûle les testicules à l'aide de cautères en forme de stylets, ou on les scarifie légèrement.

 

CHAPITRE VIII.

 

SI les testicules d'un animal sont enflés, brûles de l'orge, ensuite mêlez-en la farine avec de la graisse de porc & enduisez-lui les testicules de ce médicament soir & matin. On croit que c'est un remède naturel, que de tremper les testicules des animaux dans du fiel de chien. D'autres Auteurs ont pensé qu'il fallait fomenter les testicules avec de l'eau chaude, quand ils ressentaient quelque douleur & même les parfumer avec des feuilles de cyprès vertes, dans l'idée que cet arbre était un spécifique pour ces parties. Mais si l'on n'en a point sous sa main, il faut néanmoins faire tremper des tuiles brûlantes dans de l'eau chaude, pour en faire une fumigation, ensuite, étendre sur les testicules de l'argile de Cimolus chaude, avec de la fiente de bœuf détrempée dans du vinaigre très mordant & recommencer tous les jours ce pansement jusqu'à ce qu'il rende la santé à l'animal.

 

CHAPITRE IX.

 

SI le membre d'un animal s'est allongé, de façon qu'on ne puisse pas lui faire reprendre son état naturel, il faut le tremper dans de l'eau très froide se l'y fomenter, après quoi, on lui fourrera la main, après l'avoir graissée, dans l'anus, pour le frotter auprès de la vessie, ensuite on le couvrira bien, de peur que le frisson ne lui prenne. On lui donnera tous les jours, jusqu'à ce qu'il soit guéri, des potions composées de fiente de brebis, dans du vin ou dans de l'eau douce.

 

 

CHAPITRE X.

 

SI un animal urine le sang, ou qu'il le rende par le fondement voici comme on le guérira: on lui tirera du sang de la veine supérieure, on broiera aussi de la racine d'asphodèle, qui paroisse visqueuse & on lui en fera avaler avec deux cotyles de vin blanc qui soit doux. Il est encore bon de faire bouillir de la farine de froment avec de la graisse de porc & de la poudre d'écorce de grenade, pour en faire des potions qui ne soient point épaisses, mais liquides, lesquelles on lui fera avaler, en lui interdisant non seulement les courses, mais même la promenade, afin que la veine qui est rompue se rejoigne. En effet, comme il arrive quelquefois que les courses ou les sauts rompent les veines intérieures, ont les traitera avec des styptiques & des remèdes capables de les consolider. Il faut mettre sur les reins cet anacollemate ci : on mêle bien ensemble, après les avoir broyées, trente bulbes, cinq escargots broyés vivants, cinq aulx & une livre de grande consoude, pour appliquer ce médicament sur les reins. Il est également bon pour les animaux, qui ont les reins disloqués ou ébranlés. Quant à ceux à qui le sang coule par les naseaux, on leur fomentera la tête avec de l'oxycrat très froid, auquel on ajoutera un peu de sel, ensuite, on enduira la tête & les temples avec l’anacollemate & on arrêtera le flux de sang en resserrant les veines avec ce médicament.

 

CHAPITRE XI.

 

SI un animal vient à avoir la dysenterie, l'extrémité de son rectum se retourne ; il faut pour le guérir, le cerner avec beaucoup de précaution, de peur de rompre l'intestin adhérent, parce que si cet intestin venait à être touché, il tomberait & mettrait la vie de l'animal en danger : cet intestin ne se remettant plus une fois qu'il est tombé & restant toujours dans la même position, de façon que l'extrémité du rectum est un peu saillante au-dessus de lui.

 

CHAPITRE XII.

 

Il arrive quelquefois aux animaux oisifs & paresseux, que la pléthore leur fait uriner le sang, qui étant trop abondant chez eux, trouve une issue par les urines : d'autres fois, quand ils sont exténués & épuisés, leur urine est sanguinolente, ce qui provient ou d'avoir été trop montés, ou d'avoir porté des fardeaux trop pesants, ou d'avoir trop couru. On tire du sang de la veine-mère à ceux qui ont gagné cette maladie dans la mollesse ou l'abondance, au lieu que la saignée est contraire à ceux qui sont exténués ; mais il est salutaire aux uns comme aux autres, de leur donner fréquemment du lait de chèvre, avec la grosseur de trois amandes d'amidon & du jus de pariétaire. On fera des pastilles, dont celle-ci est vantée, comme pouvant entrer dans une potion qui n'est pas moins sûre pour leur procurer la santé. On fait infuser dans d'excellent vin & l'on broyé très long-tems une uncia & demie de gomme adragante, trois scrupules tant de néflier que de storax & deux cent dix pignons épluchés, ensuite, on prend gros comme une aveline de cette composition & après l'avoir broyée avec les drogues précédentes & fait fondre dans un sextarius de vin, on leur fait avaler à la corne pendant sept jours consécutifs : ce remède est même bon pour les hommes, pourvu qu'on leur en donne gros comme une sève avec un œuf.

 

CHAPITRE XIII.

 

Mais si un animal vomit le sang, il faut lui faire avaler du jus de genêt mêlé avec du vin, du jus de porreau & de l'huile vierge. Les animaux vomissent quelquefois le sang & on les soulage avec cette potion-ci : On fait bouillir dans un chaudron propre plein d'eau, de l'absinthe de Pont & du spica nard par poids égal, pour leur faire boire cette eau.

 

CHAPITRE XIV.

 

Il arrive qu'il coule trop de sang d'une veine qui aura été piquée & qu'on ne puisse pas la refermer, on mettra dessus, pour remédier à cet accident, de la fiente de l'animal lui-même & s'il ne cesse point de couler, on la brûlera avec le cautère, mais légèrement, de peur de blesser les nerfs. Appliquez aussi sur la veine un flocon de laine imbibé d'une quantité suffisante d'huile. On attache encore sur la veine, d'où le sang coule, une éclisse de bois, c'est un remède efficace.

 

CHAPITRE XV.

 

Les irritations de la vessie proviennent de plusieurs causes & la difficulté d'uriner qu'elles occasionnent, ne tarde pas à mettre l'animal en danger, pour ne pas dire qu'elle l'y met à l'instant même. Il nous faut traiter avec foin de cette maladie, afin de mettre à portée d'en soulager les animaux par des remèdes convenables. Voici les symptômes auxquels on la reconnaît. L'animal qui en est attaqué, ne peut pas uriner. Toutes ses jambes fléchissent & son ventre pend à terre. S'il urine difficilement, on donne à cet accident le nom de dysurie, au lieu que lorsqu'il rend quelques gouttes d'urine par le membre avec difficulté, on l'appelle strangurie & quand il ne peut point absolument uriner, on l'appelle ischurie & sa mort n'est pas éloignée dans ce dernier cas. Aussi lui survient-il des grosseurs & des tubercules sur le dos & un étranglement à la gorge causé par la douleur du ventre. Voici comme on le soulage : on lui pique les veines de la poitrine & on lui tire telle quantité de sang que l'on juge à propos, ce qui lui apporte du soulagement. Outre cela, on lui fourre la main frottée avec de l'huile chaude dans l'anus & si l’on y trouve quelques excréments, qui forment un obstacle à la sortie de l'urine, on les en retire. Ensuite, on mêle la valeur d'un acetabulum de sel égrugé, avec une livre d'huile, pour lui introduire ce médicament chaud dans l'anus, après l'avoir placé sur un terrain qui aille en pente, afin que le remède descende plus facilement dans l'intérieur de son corps : ce remède donne lieu à un chatouillement & à un relâchement du ventre qui apaise la douleur. Si ces remèdes tardent à le soulager, on graisse ses mains & ses bras & on les lui introduit dans l'anus par le côté droit avec beaucoup de prudence & de précaution ; après quoi, on les retourne du côté gauche & on comprime la vessie à pleine main, afin que l'urine commence à couler : cette opération guérit l'animal, mais le contraire arriverait si on la comprimait trop fort. Au surplus, voici les causes qui donnent lieu à cette maladie : lorsqu'un animal a été forcé de travailler ou de courir pendant une grande partie de la journée & qu'on ne lui a pas laissé le temps d'uriner, il lui vient une tumeur depuis le conduit de la vessie, jusqu’au membre, de sorte que ce conduit se rétrécit & ce rétrécissement occasionne de la douleur quand l'urine vient à sortir. Si au contraire un animal habitué à prendre de l'exercice s'est reposé pendant plusieurs jours, la crudité des humeurs engendre des glaires qui se portent à la vessie & qui occasionnent des élancements douloureux dans le conduit urinal, ce qui donne ordinairement lieu à la strangurie. Lorsque le conduit urinai vient à se gonfler à cause du trop grand froid, l'irritation qui en résulte, donne ordinairement la dysurie. C'est pourquoi, il faut écarter promptement cet accident occasionné pat le froid, à l'aide de divers échauffements. Il arrive aussi quelquefois que les animaux ont des douleurs de ventre occasionnées par une indigestion d'orge, ou qui leur viennent d'avoir bu trop avidement de l'eau froide, auquel cas la vessie se trouvant émue, vu sa proximité, il leur vient une strangurie. D'autres fois encore, lorsqu'ils ont mangé de la fiente de poulet ou d'autres matières pernicieuses, il en résulte une enflure qui les empêche d'uriner. Lorsque les animaux avalent une petite bête connue sous le nom de buprestes[9] qui est semblable à une araignée, ils en sont aussi suffoqués, de même que lorsqu'ils boivent de l’eau troublée par la boue ou par le limon, cette eau obstrue le conduit urinal lorsqu’il vient des vermisseaux ou des vers dans les intestins, à la suite de quelque ulcère, la vessie en est endommagée, en sorte que les animaux sont en danger de deux côtés. On reconnaît cet accident à ces symptômes-ci : lorsqu'un animal urine lentement & qu'il se gratte en même temps les flancs, ou qu'il mord la terre, sachez qu'il est tourmenté par des vermisseaux ou par des vers. Voici comme on le soulage: on broie bien menu des feuilles de chou, avec lesquelles on mêle quatre cotyles de bon vin, pour lui injecter dans la narine gauche. On réduit aussi en poudre du soufre vif, dont on lui frotte tout le ventre ainsi que le membre, en y ajoutant de l'huile. On fait encore bouillir une grande quantité d'absinthe dans du vin, pour lui injecter dans le naseau gauche. On fait également bouillir dans du vin du laser de Syrie & de la poudre de nitre, pour lui faire prendre par la bouche. On l'exerce par des promenades & de légères courses dans un terrain mol & rempli d'herbes : ou bien on l'invite à uriner, en le conduisant auprès d'une eau qui coule lentement.[10] On provoquera encore plus aisément son urine, en le mettant dans un endroit où quelque autre animal aura uriné. Mais tous ces remèdes ne sont que préparatoires & ne font que le disposer aux traitements en règle : car on lui fomentera très longtemps les lombes, ainsi que les reins, avec de l'eau chaude, ensuite, on fera bouillir dans deux cotyles de vin très doux de l'avoine sauvage & après avoir passe cette liqueur, on la lui injectera dans le naseau gauche. On fait encore bouillir d'excellentes sigues dans quatre cotyles d'eau, pour lui injecter de même, après y avoir mêlé de la poudre de nitre. De l'ail bouilli dans du vin & injecté dans le naseau gauche, provoque aussi l'urine. Souvenez-vous qu'aussitôt qu'un animal est attaqué de cette maladie, il faut absolument lui ôter l'orge, lui interdire la boisson & lui donner des herbes vertes ou des mélanges de légumes coupés en herbe pour le sustenter. Les Sarmates,[11] dont la Cavalerie était autrefois excellente, ont appris par l'expérience, qu'il faut envelopper les animaux de housses de la tête aux pieds & les parfumer en métrant sous eux des charbons ardents avec du castoréum, de sorte que la fumée de ce castoréum leur échauffe tout le ventre, ainsi que les testicules, après quoi, on les fait promener sans les découvrir & ils urinent. Frottez entre vos mains de l'alun de plume & du sel & ajoutez-y du miel & de l'huile, pour en faire un collyre long & mince, que vous introduirez par l'orifice même du membre de l'animal & aussitôt son urine fera provoquée : ensuite, vous lui ferez prendre gros comme l'extrémité du petit doigt de grande berce. D'autres le font marcher après lui avoir mis dans l'anus quatre ou cinq oignons très acres & légèrement broyés. Il s'est trouvé un Auteur qui a assuré, que pour provoquer l'urine d'un cheval, il fallait, lui ratisser la corne du pied & la broyer dans un sextarius de vin, pour lui injecter dans les naseaux & que ce remède ne tardait pas à le faire uriner. Si tous ces moyens ne réussissent pas, on fera bouillir de la poirée avec de la mauve dans de l'eau & on lui injectera dans les naseaux la valeur d'un sextarius de cette eau chaude avec du miel. Si l'on n'est pas dans la saison des pâturages verts, on lui donnera du foin que l'on arrosera d'eau, dans laquelle on mêlera du miel à l'instant même, ou bien, on pourra également lui donner de la ptisanne d'orge mondé avec de l'eau, dans laquelle on mêlera du miel à l'instant même. Il y a des personnes qui font bouillir du romarin dans de l'eau & qui lui fomentent les testicules avec cette eau chaude. D'autres lui mettent dans les naseaux des punaises pilées & en écrasent sur l'orifice de son membre & prétendent que c'est un remède très sûr. On sera bouillir des porreaux pour en exprimer un sextarius de jus, avec lequel on mêlera un acetabulum d'huile & une hemina de vin vieux, qu'on lui injectera dans le naseau droit, après quoi, on le mènera à la promenade. C'est un vrai remède & d'un usage commun, que d'injecter dans les naseaux d'un cheval de la boue formée dans un chemin par l'urine de tel autre cheval que ce soit, après l'avoir mêlée avec du vin & l'avoir passée. On lui fait prendre encore par la bouche dans de l'huile & du vin, des racines d'ache de marais bouillies dans de l'eau, dans laquelle on mêlera du miel à l'instant même, avec de la poudre d'encens & un œuf cru brouillé dans du vin doux & on le fomente en lui frottant les reins & les entrailles avec ce remède, après l'avoir fait chauffer. On introduit aussi dans le conduit urinal des collyres longs & menus faits avec du miel bouilli & du sel. On met encore au même endroit une mouche vivante, en appliquant dessus un grain d'encens : On y introduit aussi un collyre de bitume, pour provoquer l'urine.

 

CHAPITRE XVI.

 

Nous avons souvent parlé ci-dessus des moyens de relâcher le ventre quand il est trop resserré. Il faut à présent donner ceux de le resserrer, quand il est relâché, parée que cet accident est très funeste aux animaux, quand on n'y apporte pas de prompts remèdes. Le premier des remèdes approuvés par l'expérience, consiste à leur donner une uncia de graine de balauste dans du vin dur & à broyer des dattes & des noix de galle de Syrie, pour en faire une potion qui leur sera salutaire. Voici encore une composition qui les soulagera : On broie bien deux unciae de cire, une livre de lard, une uncia & demie de poivre, avec une semi-uncia de poix; on saupoudre ces drogues d'une uncia & demie de casse également broyée & on en fait des pâtes que l'on trempe à l'ordinaire dans de la cire fondue. On prépare de même une livre de crottin de brebis, pour leur faire prendre à la corne dans un sextarius de vinaigre & d'hydromel. On les resserre encore avec de la garance, qu'on leur fait prendre dans du vin. On trempe une éponge d'Afrique dans de la poix liquide, après quoi, on la brûle & on en met infuser la cendre dans du vin dur, puis on leur fait prendre ce médicament en y mêlant quatre hemina de farine de froment. On leur donne aussi dans une hemina de vinaigre, une semi-uncia de nitre, qui soit vierge, si faire se peut, après l'avoir bien broyé & réduit en poudre. On les guérit à l'instant avec de la poudre de pierre ponce, qu'on leur fait prendre dans du vin.

 

CHAPITRE XVII.

 

IL vient aussi quelquefois dans d'autres parties du corps des verrues, qui occasionnent des difformités vicieuses. Voici comme on les traite : on les serre avec du fil fin, ensuite, on y applique un caustique violent & elles tombent d'elles-mêmes. On les coupe aussi avec le fer & on les guérit en ses brûlant légèrement avec un cautère.

 

CHAPITRE XVIII.

 

Quelquefois, les animaux ont mal à la cuisse, auquel cas, on leur tire du sang des veines du fémur & on reçoit le sang avec soin dans un vase. Ensuite, on y ajoute de la poudre de soufre, de nitre & de baies de laurier broyés ensemble & on les en frotte très longtemps à contre-poil, après quoi, on les laisse en cet état pendant trois jours. On les fomente aussi trois fois par jour avec de l'eau chaude, dans laquelle on a fait bouillir de la verveine. On chausse les pieds qui sont sains, d'une sole de fer[12] ou, si l'on n'en a pas, de genêt d'Espagne sous lequel on met du linge roulé, qu'on attache bien avec une bande, pour soutenir la partie qui est malade & afin qu'ils puissent poser le pied à plat. On les frottera aussi très fort au soleil à contre-poil, avec un onguent liquide, au moins pendant une heure. Si ce traitement tarde à les guérir, on leur fera dans la peau, auprès de la jointure de la cuisse, quatre trous avec un cautère, à travers lesquels on introduira sous la peau pendant trois jours, des morceaux d'étoffe ou des linges roulés imbibés de vinaigre & d'huile, après quoi, on fera passer par les mêmes trous, pendant neuf jours, des morceaux d'étoffe trempés dans un traumatique, ou bien, on les bassinera avec de l'eau chaude, dans, laquelle on aura fait bouillir de la verveine & on y mettra ensuite des linges roulés. Le onzième jour, on retirera ces linges & on appliquera de l'argile sur la plaie, afin que la chair se recouvre de peau. Quand la plaie sera cicatrisée, on mettra un caustique dessus. C'est la manière de guérir une cuisse, quand il y a luxation ou blessure. Mais quand un cheval s'est déjeté ou disloqué la cuisse, ce que les Médecins vétérinaires appellent s'être blessé le fil, il y a un traitement qu'on donne d'après l'expérience qu'on en a faite, comme plus sûr & plus facile. En effet, on conduit au soleil l'animal qui boîte depuis long-tems, on le réchauffe avec du vin & de l'huile que l'on a fait chauffer à cet effet, c'est-à-dire, qu'on lui frotte très longtemps les jointures de la cuisse, jusqu'à ce qu'il sue, ensuite, plusieurs personnes le tirent par la bride d'abord pas à pas & finissent insensiblement par courir : une autre personne, qui les suit en retenant l'animal avec des courroies ou une corde lâche, tire droit à elle & avec effort sa cuisse, pendant qu'il est en train de courir. Si la cuisse fait entendre un craquement, c'est une preuve qu'elle est remise & on laisse un peu reposer l'animal, après quoi, on essaye peu à peu ses forces, en le faisant promener. Lorsque sa cuisse est remise, il pose à terre les pieds qu'il retirait auparavant & il boite moins ; dès lors, on ne le tourmente pas davantage, mais on le fomente pendant trois jours avec de l'eau, dans laquelle on aura fait bouillir de la verveine, après quoi, on applique un caustique sur sa cuisse. Si on ne peut pas lui remettre la jointure le premier jour, on lui tirera souvent la cuisse de la même manière un autre jour, jusqu'à ce quelle soit remise. Au surplus, telle partie du corps qui ait été molestée ou disloquée, soit par un coup de roue, soit par tout autre accident, dans le train de devant ou dans celui de derrière ou dans les articulations, ou dans les genoux, on la resserrera & on la consolidera avec cet anacollemate-ci : on broie bien & on mêle ensemble trente bulbes rouges, trente escargots vivants, une livre de grande consoude & une poignée de plantain vert, ensuite, après y avoir ajouté trois œufs, on met cet anacollemate sur la plaie, avec une étoupe qu'on y attache & il resserre les luxations & apaise les tumeurs.

 

CHAPITRE XIX.

 

Il vient des cloches dans les jointures de la jambe d'un animal, on le reconnaîtra à ces symptômes-ci : sa peau s'enflera de droite & de gauche comme une vessie. Au reste, on les traitera de la façon que nous avons prescrire pour le traitement des phlegmes dans les genoux.[13] Il y a encore un autre remède. On ramasse des lentilles qui nagent sur l'eau & on les applique sur ces cloches, après les avoir broyées, en y ajoutant du vieux-oing. On prétend que ce remède fait disparaître cette maladie! Si la jointure de la jambe ou l'épaule d'un animal commence à s'enfler en quelque endroit, à la suite de quelque coup, on mêle de l'argile de Cimolus & de la terre rouge avec du vinaigre très mordant pour l’en frotter.

 

CHAPITRE XX.

 

Si un animal a habituellement mal à la jointure de la jambe & que cette maladie soit récente, on lui tire du sang du tibia, que l'on enveloppera ensuite de laine grasse. Il faut éviter d'employer alors les fomentations ou le cautère, parce que l'un & l'autre font contraires dans ce cas-là, mais on le pansera avec un malagme violent que l’on changera toujours au bout de trois jours. Quand on s'apercevra que l'animal ira mieux, on lui appliquera un caustique sur la jambe. Si un animal s'est cassé la cuisse ou le dessus de la jointure de la jambe, sachez que c'est un accident incurable, parce que les ligatures ne peuvent pas tenir sur ces parties.

 

CHAPITRE XXI.

 

Quand un animal a été froissé par un coup de roue ou d'essieu, si la blessure est récente, on met dessus pendant trois jours de la laine grasse imbibée de vinaigre & d'huile, ensuite, des figues que l'on aura partagées en deux pour les faire sécher, avec du nitre broyés ensemble & l'on renouvelle cet emplâtre au bout de trois jours. Si cet emplâtre ne fait aucun effet, on y mettra pendant trois jours le malagme composé de quatre drogues.[14] S'il tarde lui-même à opérer la guérison, on y met jusqu'à parfaite guérison le malagme, que l'on appelle meliacinus.[15]

 

 

CHAPITRE XXII.

 

On reconnaît qu'un animal est traînant à ces symptômes-ci : lorsqu'il sort de l'écurie ou de tout autre endroit, où il sera resté tranquille, il traîne la cuisse & lorsqu'il pose le pied à terre, il en montre la corne de travers en fléchissant les couronnes. Le nom de syrmaticum qu'on lui donne alors, vient des robes traînantes des acteurs de tragédies,[16] mais quoique sa cuisse paroisse déjetée ou disloquée, pour peu qu'on le repousse en arrière sur le pied même, on corrige à l’instant son allure & il marche droit & sans boiter. Cette maladie vient d'une humeur occasionnée par quelque corruption du corps, on par un frisson qui a pénétré dans la jointure de la vertèbre & qui, s'étendant aux nerfs, les a rendus immobiles & les a, pour ainsi dire, déjetés. Voici comme on le guérit : on lui tire beaucoup de sang au-dessous de la jointure de la jambe & après avoir broyé & criblé du sel, du soufre, des escargots de mer, de la manne d'encens, du tartre brûlé, du nitre & des baies de laurier par poids égal, on mêle toutes ces drogues, tant avec du vin vieux & de l'huile, qu'avec ce sang, pour l'en frotter, après l'avoir préparé à cette friction en l'exposant au soleil. On lui fomente très longtemps les cuisses au bout de trois jours avec de l'eau chaude, dans laquelle on a fait bouillir de la verveine, après quoi, on renouvelle la même friction. Si ce traitement ne lui rend pas entièrement la santé, on brûlera la partie malade avec le cautère dans la vertèbre même. On fait ordinairement la même chose aux animaux sciatiques. Sachez que tout ce que nous venons de prescrire par rapport aux ozènes,[17] ou aux autres maladies des articulations ou de la corne des pieds de devant, doit également être observé dans ceux de derrière.

 

CHAPITRE XXIII.

 

LES Auteurs ont donné le nom d'alienatus[18] à la maladie dont les symptômes s'annoncent ainsi : l'animal qui en est attaqué a les yeux ouverts, sans s'apercevoir de l'approche de l'homme, ses lèvres & l'ouverture même de sa bouche enflent, comme s'il avait été piqué par quelque petite bête. D'autres Auteurs ont appelé cette maladie orabus.[19] Au surplus, elle est très funeste, premièrement parce que sa contagion s'étend sur plusieurs animaux, en second lieu, parce qu'elle jette les ignorants dans l'erreur par une fausse apparence de santé, dont l'animal semble jouir. En effet, les animaux bien repus & bien passés en meurent à l'instant qu'ils sont atteints, de son souffle pestilentiel. Au reste, on l'appelle alienatus, parce qu’elle ôte le sentiment aux animaux : On l'appelle encore malleus,[20] parce que la peste qu'elle occasionne est accompagnée d'une contagion destructive. Communément, elle consume l'intérieur des entrailles par des vers qu'elle y engendre & dont la morsure venant à percée le ventre des animaux, les fait périr à l'instant en les suffoquant, quoiqu'on puisse les sauver en y apportant promptement les remèdes suivants. On leur tire du sang de la tête & l'on compose cette potion-ci : on broie ensemble & on crible une livre tant de grande consoude que d'hysope, une & demie tant d'aurone que d'aristoloche ronde & trois unciae tant de manne de sucre que de germandrée & on fait bouillir le tout dans une grande quantité d'hydromel pour le donner en potion à l'animal attaqué de cette maladie pendant plusieurs jours ; mais comme la contagion de cette maladie gagne ordinairement les animaux qui s'approchent de ceux qui en sont attaqués, s'il arrive que tout un troupeau en soit attaqué, il faudra donner en potion une hemina de ce remède à chacune des têtes qui le composent. Il faudra aussi fortifier dans ce cas les animaux & les traiter très souvent avec des fumigations, comme on sait que nous l'avons prescrit ci-dessus, en traitant du malleus. Il faut même les faire changer de pâturages, jusqu'à les transporter dans d'autres contrées, si faire se peut, parce que partout où ils passent, ils corrompent tous les troupeaux par leur souffle. Ils seront plutôt guéris, dès qu'ils seront séparés des autres animaux & qu'on les aura transférés.

 

CHAPITRE XXIV.

 

On donne le nom de roborosa[21] à une maladie qui rend les animaux raides comme du bois : en voici les symptômes. Tout leur corps est resserré, leurs naseaux sont très ouverts, ils ont les oreilles raides, l'encolure immobile, la bouche rétrécie, la tête allongée, les épaules ou les jambes rassemblées, les pieds même resserrés, de façon qu'aucune de leurs jointures ne fléchit. Si on veut leur dresser la tête, on ne peut pas en venir à bout, leurs yeux se ferment, ils ont l'épine du dos très raide, aussi allongent-ils la queue en la dressant, sans pouvoir la courber ni la remuer, ils ont les entrailles dures & les reins serrés & ne peuvent pas absolument se coucher. Au reste, cette maladie vient d'un trop grand froid qu'ils auront essuyé, ou d'un spasme dans les nerfs, ou d'un tremblement, c'est ce qui fait qu'on leur a donné le nom de tetanici.[22] Les animaux sont communément attaqués de cette maladie, lorsqu'ils ont été négligés après avoir été cautérisés par le feu & qu'on les a fait marcher, de façon que le froid les a incommodés. En effet, leurs nerfs ressentent nécessairement alors un spasme occasionné tant par la douleur de la plaie qui est récente, que par le froid & s'endurcissent comme du bois de robre. D'un autre côté, quand les animaux ont été brûlés aux pieds ou dans toute autre partie du corps, plus profondément qu'ils n'auraient dû l'être, leurs nerfs ayant été atteints par le feu, il en résulte un spasme qui les jette dans cette maladie. Ils en sont aussi quelquefois attaqués, quand ils ont trop souffert de la gelée, ou qu'ils ont sué pendant un trop grand froid, ou qu'on les a fait sortir d'une écurie chaude, pour les mener au froid ; mais si c'est le train de derrière qui est affecté, de façon que la maladie ne s'étende pas au delà des reins, ils ont alors l'opistotonos, que l'on peut néanmoins guérir par des fomentations & des onguents, au lieu que si cette maladie les prend par le train de devant, de façon qu'ils ne puissent pas ouvrir la bouche, on désespère d'eux, parce que leurs dents étant resserrées, ils sont dans la nécessité de mourir de faim. Quant à ceux qui sont également attaqués de cette maladie par tout le corps & qui peuvent ouvrit la bouche en partie, il faut les frotter avec des onguents très chauds, jusqu'à ce qu'ils suent & les mettre dans un endroit chaud, après les avoir couverts de plusieurs housses. On fait même ordinairement auprès d'eux du feu, qui ne donne pas de fumée, afin qu'ils suent davantage. On leur met aussi dans la bouche entre les mâchoires, des rejetions de laurier, afin qu'ils les rongent & qu'en agitant par là les mâchoires, ils se rechaussent. On leur donne encore à jeun des fèves entières, mêlées de baies de laurier & on leur présente de l'eau chaude à boire. On leur purge le ventre avec un clystère composé d'hydromel chaud mêlé de castoréum : on leur injecte aussi dans le naseau gauche d'excellente huile avec de la ptisanne d'orge mondé & on leur donne, pour les sustenter, de l'orge moulu mêlé avec du son, jusqu'à ce qu'ils soient guéris. Il y a des personnes qui ont prétendu qu'il fallait les garrotter pour les ensevelir sous du sable de rivière ou de mer à l'ardeur du soleil, sans que leur tête ou leurs naseaux en soient couverts & les y laisser jusqu'à ce qu'ils suent ; mais il est constant que plusieurs ont été guéris par le traitement que nous venons de prescrire. Si ce traitement ne fait aucun effet, on leur brûlera l'encolure en forme de croix de droite & de gauche, on leur couvrira tout le dos pendant trois jours, après l'avoir échauffé avec des sacs de son & on les frottera tous les jours avec cet onguent-ci au soleil, s'il est ardent, ou dans un lieu très chaud. On mêle, pour composer cet onguent, une livre tant de cire que de salpêtre de houssage, une selibra de térébenthine, une livre de galbanum, une selibra de castoréum, une livre de grande berce, une uncia de poivre, deux de moelle de cerf, deux & demie de vieille huile & une quantité suffisante d'excellent vin vieux. L'expérience a cependant fait reconnaître comme efficace un remède composé de poix liquide bouillie avec de l'huile & du vin vieux, que l'on fait chauffer pour en frotter l'animal. Il faut aussi lui en injecter dans les oreilles, avec de l'huile chaude, afin qu'il recouvre promptement la santé.

Mais pour réchauffer les vaisseaux de l'intérieur du corps & dissiper le froid dont ils sont pénétrés, il faut nécessairement avoir recours à cette potion-ci, qui remettra en santé les chevaux attaqués de la maladie roborosa, soit qu'ils aient le tétanos, soit qu'ils aient l'opisthotonos : On broie bien & on crible, pour les réduire en poudre, deux unciae tant de graine de carotte sauvage que de cumin d'Alexandrie, une tant de grande consoude que de castoréum & d'aurone, deux de germandrée, une tant de manne de safran que de sucre & d'hysope & une semi-uncia de poivre blanc & on donne deux cochléaria de ce médicament aux animaux qui sont harassés & dont la vie est en danger, avec de la ptisanne d'orge mondé chaude, au lieu qu'on en fait prendre par la bouche avec une hemina de vieux vin chaud à ceux qui sont plus robustes, en y ajoutant néanmoins de l'huile pour les uns comme pour les autres, afin d'adoucir l'amertume de cette potion & de calmer le canal de la gorge. D'autres Auteurs disent qu'il faut traiter ainsi les animaux attaqués de cette maladie : on leur tirera du sang des temples & on recueillera ce sang avec sein, pour les en frotter, en y ajoutant de la poudre de nitre, du sel & du castoréum. Il faudra aussi les mettre dans un lieu chaud, se leur présenter une potion composée de lait de chèvre, de rue, de baies de laurier, de poivre blanc, d'huile & de fèves écossées, on leur donnera aussi de forge, afin qu'ils agitent leurs mâchoires en le mangeant. Le troisième jour, on leur tirera du sang de la queue & on leur fomentera les reins avec des onguents chauds. On les fera aussi entrât quelquefois dans des bains, afin qu'ils soient mieux réchauffés. On leur donnera encore tous les jours des potions & on leur mettra dans la bouche des barons de saule ou de robre, de peur qu'ils ne perdent l’habitude de remuer les mâchoires.[23] S'ils commencent à se mieux porter au bout de douze jours, on les couvrira pour leur faire prendre de l'exercice, afin de les faire suer. Si tout ce traitement ne fait aucun effet, on aura recours aux remèdes que nous avons prescrits ci-dessus. Il y a bien des personnes qui assurent qu'il faut donner des feuilles de figuier aux chevaux qui ont la maladie roborosa, parce que ces feuilles sont d'une nature échauffante & leur faire avaler à la corne une potion composée de deux unciae de grande berce, de trois tant de storax que de gentiane & de manne de sucre d'un scrupule de myrrhe & de deux de poivre long, avec de vieux vin chaud. On emploie encore cet onguent-ci pour guérir cette maladie, ou pour chasser le froid : On mêle ensemble & on fait bouillir dans de l'eau une livre de cire, huit unciae de térébenthine, deux tant de grande berce que de moelle de cerf, quatre de storax, une selibra de baies de laurier & la quantité nécessaire d'huile d'Iris & on en fait un onguent dont on frotte les animaux.

 

CHAPITRE XXV.

 

L'hydropisie tourmente souvent les animaux aussi cruellement que les hommes, parce que dès que les parties nobles sont viciées & que la digestion de la nourriture ne se fait pas pleinement, il en résulte communément une humeur vicieuse, qui ruine le corps en le faisant enfler. Voici les symptômes qui manifestent cette maladie : Le ventre de l'animal s'enfle, ainsi que ses jambes, ses testicules, ses épaules & son dos, jusque là même qu'on ne lui voit pas de veines dans la tête & pour peu qu'on lui touche sous la langue, il lui prend une toux légère. On l'exercera alors au soleil par de courtes promenades, après l'avoir couvert de housses pesantes, jusqu'à ce qu'il sue, après quoi, on le frottera par tout le corps à contrepoil, en lui donnant ensuite pour nourriture des raiforts garnis de leurs feuilles, parce que ces racines en le purgeant, remédient à cette maladie. On lui donnera aussi du foin arrosé d'eau & saupoudré de nitre, ainsi que des lupins qu'on aura fait macérer pendant un jour & une nuit dans l'eau & sécher ensuite. On lui donnera aussi, pour le purger, de la racine ou des feuilles de concombre sauvage, qui serviront à lui émouvoir le ventre. Si ce traitement tarde à lui rendre la santé, il faudra lui tirer l'humeur du corps. On le piquera à cet effet avec la flèche, à quatre doigts du nombril, vers le membre, en perçant le péritoine lui-même, mais en évitant néanmoins de toucher les intestins, ce qui lui causerait la mort. On mettra dans l'ouverture qu'on aura faite la canule dont on se sert pour la ponction, & on laissera écouler l'humeur aussi longtemps qu'on le jugera nécessaire, en la recevant dans un vase. Lorsqu'on aura ôté la canule, on mettra sur la plaie deux ou trois grains de sel, pour l'empêcher de se refermer, après quoi, on y mettra des pastilles. On remettra la canule le lendemain ou le surlendemain, pour faire une nouvelle évacuation & on fera sortir ainsi l'humeur à différentes reprises jusqu'à ce qu'il n'en reste plus. Alors, il faudra panser la plaie suivant ses méthodes accoutumées & faire prendre souvent à l'animal des potions cathartiques. On l'exercera en plein jour, jusqu'à ce qu'il sue. Plus il commencera à reprendre ses forces, plus il faudra le traiter avec soin, en l'observant toujours sur l'article de la boisson & en ne le laissent jamais boire que chaud & modérément & seulement pour le sustenter.

 

CHAPITRE XXVI

 

Tel est l'état des chevaux qui ont le sarcoma : qu'ils enflent & soufflent après avoir bu. Voici comme on les traitera : on broiera un sextarius de cendre ou de lessive avec cinq unciae de graine de plantain, qu'on leur donnera promptement dans du vin & de l'huile jusqu'à ce que ce gonflement diminue. D'autres Auteurs assurent qu'il faut leur faire la ponction sur la poitrine à deux doigts du nombril & y mettre une canule pour en tirer l'humeur ou l'eau qui occasionne cette maladie, auquel cas on en tirera la valeur de trois sextarii, ou davantage, si l'enflure est plus considérable. Mais il est plus prudent d'évacuer souvent cette humeur & à différentes reprises, de peur de mettre leur vie en danger, si on la desséchait tout à coup. Ils ajoutent qu'il faut avoir recours aux potions qui provoquent les urines & les frotter souvent pour les faire suer ; on leur donnera du gramen au lieu de foin & des pois-chiches infusés au lieu d'orge. Ils disent aussi qu'il est bon de les faire promener très souvent parmi les Marchands Droguistes, parce que les différentes odeurs, qui s'exhalent de leurs boutiques, sont bonnes pour les poumons. Ils leur donnent encore en porion du persil & des grenades qu'ils leur font avaler dans du vin vieux. On leur présente aussi à manger de l'ache de marais tant qu'ils en veulent. On fait bouillir, dans un sextarius de vin vieux cuit jusqu'a diminution des deux tiers, deux unciae de racines d'asperges sauvages & on leur en fait avaler la valeur d'une hemina.

 

CHAPITRE XXVII.

 

Quoiqu'un animal qui a le tympanites soit semblable à celui qui est: hydropique, on le reconnaît à d'autres symptômes : son ventre enfle à la vérité comme celui de l'hydropique & son encolure se raidit, mais ses testicules ni ses jambes n'enflent point. Il faut donc appliquer sur le nombril ou sur le ventre de celui qui a le tympanites, de la cendre chaude humectée avec d'excellent bouillon & renfermée dans un morceau d'étoffe ou dans un linge qu'on attachera avec des bandes; mais plusieurs personnes le retiendront alors, de peur qu'en se débattant il ne dérange les ligatures. On broiera ensemble de la racine de panax & du seseli de Gaule, qu'on lui fera avaler à la corne dans de l'huile & du vin chaud. Outre cela on fait bouillir du thym sauvage & noir dans du vin, dont on lui fait prendre pendant trois jours la valeur d'une hemina par four. Les symptômes qui annoncent qu'un cheval a le tympanites sont le dégoût tant pour le boire que pour le manger, la rareté ou l'absence totale du sommeil. Dès qu'il commence à jeter de la morve par les naseaux, son état est désespéré, mais, s'il a les naseaux secs, voici comme on le traitera : on lui donnera pendant trois jours de la crème de ptisanne d'orge mondé, avec deux cyathi de vin cuit jusqu'à diminution de moitié qu'on fera chauffer à cet effet. Outre cela, on mêlera ensemble quatre uncia d'hysope, une poignée d'ail vert, vingt dattes, six cyathi de fenugrec, de l'eau de citerne & du vin vieux dans lequel il y ait des odeurs & on fera bouillir ces drogues pour les lui-donner en potion pendant trois jours.

 

CHAPITRE XXVIII.

 

Les symptômes auxquels on reconnaît le mal de rate ne sont pas moins clairs que le danger qui menace les animaux qui en sont attaqués. En effet, leurs yeux se renversent & le sang s'y épanche, ils marchent lentement, ifs ont le col allongé & cette partie devient plus faible & plus raide. Cet état indique un commencement de la maladie roborosa ; leurs flancs se gonflent, ou bien l'épine de leur encolure se creuse par le milieu en forme d'auge & quelquefois leurs mâchoires se resserrent. Cette maladie vient communément d'un froid excessif qu'a souffert l'animal lorsqu'il a eu le dos frappé par te froid, la plaie, la grêle ou la neige. En voici le traitement : on lui tire une petite quantité de sang de la queue, parce que, si on lui en tirait davantage, on le refroidirait encore plus & ce serait ajouter du froid au froid ; on mêle avec ce sang du vin pur & de l'huile & après l'avoir fait chauffer on lui en frotte aussitôt le dos & l'encolure, qu'on couvre en outre d'un petit sac plein de son chaud qui détende sur toute l'épine du dos & sur les reins. Le lendemain on l'essuie bien & on le frotte de même, en couvrant également les parties qui auront été frottées d'un petit sac plein de son chaud, après quoi on a recours à un onguent composé d'une livre de moelle de cerf, de quatre unciae de manne d'encens, de trois tant de gomme de bdella que de castoréum, de grande berce, de colofone & de zopissa, de deux de térébenthine, d'une livre & demie de cire, de huit unciae d'huile de laurier, d'une livre d'huile de carpe & d'un sextarius d'huile gleucinus. On broie & on crible celles de ces drogues qui sont sèches & on fait fondre les autres sur des charbons & après y avoir ajouté de l'argile on les fait cuire légèrement dans un vase propre, puis on les serre à l'effet de les garder pour en oindre les animaux dans les cas de nécessité. On les traite encore intérieurement avec cette potion-ci : on broie ensemble & on crible une uncia d'absinthe, trois d'aristoloche, deux de bétoine, une & demie de persil, une de germandrée, trois d'encens mâle, deux tant de castoréum que de manne de sucre ; & on leur fait prendre ces drogues dans de l'hydromel & de l'huile, ce qui les guérit indubitablement. D'autres Auteurs assurent qu'il faut leur tirer du sang des petits bras, leur retrancher totalement l'orge & leur faire prendre en potion dans du vin dur de l'ail, du nitre & du marrube avec le sang qu'on leur aura tiré des petits bras, le tout broyé par poids égal avec de l’absinthe du Pont, ensuite les faire promener lorsqu'ils auront bu, les fomenter avec des éponges chaudes & les frotter fort & longtemps avec les mains. Si l'enflure du ventre persévère, on leur brûlera, la poitrine avec des cautères & cinq jours après on les brûlera encore de droite & de gauche à trois doigts des premières plaies qu'on leur aura faites, en prenant garde de leur brûler les veines.

 

CHAPITRE XXIX.

 

Comme la maladie des chevaux, qui ont de la peine à se courber, ne diffère point de celle dont nous venons de parler, il faut les frotter avec le même onguent & les brûler s'il est nécessaire.

 

CHAPITRE XXX.

 

SI un animal ne transpire point, on le reconnaîtra à ces symptômes-ci : il aura la fièvre, il retournera ses yeux en-dedans, il aura les oreilles allongées & raides & il frappera la terre avec ses pieds. Voici comme on le traitera : on lui tirera du sang de la veine-mère & après avoir fait chauffer ce sang, en y ajoutant de l'huile & du vin, on lui en frottera bien tout le corps à contrepoil ; ensuite on le tiendra dans un lieu chaud & il sera guéri.

 

 

CHAPITRE XXXI.

 

Il arrive quelquefois que les animaux craignent l'eau, auquel cas on les appelle hydrophobes. Voici les symptômes de cette maladie : ils ont toutes les veines tendues, ils suent & l'on voit du sang épanché dans leurs yeux, ils sont sujets à des tremblements & à des grincements de dents, ils se heurtent contre les murailles: cette maladie se convertit ordinairement en rage. Voici comme on les soulage : on leur tire du sang des cuisses, on les empêche de manger, on les tient dans un lieu tellement clos qu'ils ne puissent pas voir la lumière, on met de l'eau dans un seau ou dans une auge sans faire de bruit & sans qu'ils l'entendent verser, on broie une poignée, de rue &, après l'avoir mêlée avec quinze baies de laurier, une livre d'huile rosat & une uncia de vinaigre, on leur en frotte bien la tête & les naseaux & ils guérissent.

 

CHAPITRE XXXII.

 

IL est constant que les animaux sont sujets au spasme. Cette maladie se manifeste par ces indices-ci : ils tombent tout à coup & leurs articulations s'allongent, tout leur corps palpite & quelquefois même leur bouche écume. On humectera leur nourriture d'oxycrat & on la saupoudrera de nitre, on leur donne» aussi en potion, pendant sept jours, à l'effet de les purger, de la poudre de concombre sauvage & du nitre broyé. On mêlera encore une demi-cotyla de sang de tortue de mer avec la même quantité de vinaigre & quelque peu de laser pour leur injecter dans les naseaux. On dit qu'il est bon de leur frotter très souvent le dos avec de l'huile, du vinaigre & du nitre.

 

CHAPITRE XXXIII.

 

Les animaux tombent souvent, de même que les hommes, comme s'ils éraient lunatiques & périssent dans l'accès de cette maladie, dont voici les symptômes : ils restent couchés par terre, ils tremblent, la salive leur coule de la bouche & au moment qu'on les croit désespérés & prêts à mourir, ils se relèvent & cherchent la pâture. On touchera alors avec le doigt le cartilage de leurs naseaux & plus on le trouvera froid, plus on sera certain qu'ils tomberont souvent, au lieu que s'ils l'ont moins froid, c'est une preuve qu'ils tomberont plus rarement. Voici en quoi consiste le traitement de cette maladie : on leur tirera beaucoup de sang de la tête, au bout de cinq jours on leur en tirera des temples, on les mettra dans un lieu chaud & ténébreux, on leur frottera tout le corps avec des onguents thermantiques, on leur oindra de même le cerveau ainsi que les oreilles avec de la poix liquide & de l'huile de laurier sans ménagement & en leur injectant même ces liqueurs dans ces parties : enfin on garnira leur tête d'une peau molle ou d'un coussin & on leur donnera une potion cathartique composée de deux unciae de racine de sermontaine & d'une tant de racine de panax que de diagrede & de concombre sauvage. On mêlera toutes ces drogues ensemble après les avoir bien broyées, & on les fera bouillir avec un sextarius de miel, après quoi on en mettra plein un cochleare dans un sextarius d'eau chaude avec trois drachmes d'huile pour leur faire avaler. On leur traitera aussi souvent la tête. A cet effet on réduira en poudre de la racine de Diane,[24] c'est-à-dire, de l’armoise, pour la leur souffler dans les naseaux à travers un tuyau. De la racine de laser broyée & injectée dans les naseaux leur sera également bonne. Mais si la maladie persévère, on leur brûlera la tête, comme on a coutume de faire aux chevaux qui sont dormeurs.

 

CHAPITRE XXXIV.

 

Il arrive souvent que les animaux vomissent l’eau qu'ils ont bue : cette maladie provient d'un trop grand froid qui occasionne une paralysie dans l'estomac. Mais on les guérit en suivant cette méthode-ci : on leur tire du sang de la tête, on leur donne des potions thermantiques, on leur frotte les épaules & la poitrine avec des onguents très chauds, on leur purge la tête par les naseaux, & même on a recours au sinapisme, quand la maladie l'exige.

 

CHAPITRE XXXV.

 

On donne le nom de sideratitia aux animaux dont les veines ont été frappées du froid ou du chaud dans le temps qu'elles étaient vides où trop remplies par une indigestion, de même qu'à ceux qu'un trop long jeûne a affamés. Ils deviennent alors stupides & chancellent en marchant. Il faudra les traiter avec des nourritures molles & des potions douces de la manière qui suit : l’on mêlera une uncia de laser avec une hemina d'hydromel & de la ptisanne d'orge mondé & si la maladie est occasionnée par le froid, on leur donnera ce remède dans du vin & de l'huile chaude, au lieu que si elle provient du chaud on le leur donnera dans du rosat. Si elle vient d'une indigestion on les empêchera de manger ; enfin, si elle vient d'une faim excessive, on leur donnera une grande quantité de pois chiches.

 

CHAPITRE XXXVI.

 

Le soleil trop ardent de la canicule frappe de même le cerveau des animaux : on leur tire alors du sang des temples & on les traite de la même manière. Cet accident se manifeste en ce qu'ils sont forcés de porter la tête baissée.

 

CHAPITRE XXXVII.

 

Les indigestions occasionnent dans les animaux une maladie que l’on reconnaît à ce symptôme-ci : ils se penchent, en marchant, tantôt d'un côté tantôt de l'autre. Voici comme on les guérit : on leur tire du sang de la tête, on les empêche de boire & de manger & si l’on est en été, on leur donne des potions rafraîchissantes pour forcer la nature.

 

CHAPITRE XXXVIII.

 

Les animaux ont souvent à souffrir d'une faim excessive occasionnée tantôt par le besoin, tantôt par la lassitude. En voici les symptômes : leurs yeux rentrent en dedans, leur vue est peu assurée, leur corps tremble. Voici comme on les traite : on commence par les frotter avec du vin & de l'huile que l'on fait chauffer à cet effet, ensuite on fait tremper dans du vin de la mie de pain blanc pour en faire une gelée liquide qu'on leur fait prendre à la corne & qui les rétablit. Si cette grande faim ne diminue point, on fait infuser, dans un sextarius de vin, une hemina de fleur de farine de froment qu'on leur fait prendre à la corne. Si elle leur prend, en voyage dans des pays où l’on manque du nécessaire, on leur fera avaler de la terre ou bien on fera des pâtes qu'on leur jettera dans la bouche.

 

 

CHAPITRE XXXIX.

 

Si la respiration occasionne aux animaux des gonflements dont on ne puisse pas rendre raison, on leur mettra sur le cerveau & sur la poitrine de l'oxycrat chaud avec une éponge, on leur injectera de l'huile de laurier dans les oreilles, on les tiendra dans un lieu très frais & on leur chatouillera les naseaux afin de les faire éternuer souvent, moyennant quoi ils seront ragaillardis à l'instant.

 

CHAPITRE XL.

 

Si un animal, pour avoir eu trop chaud, tombe en défaillance, on broiera des feuilles de chou avec de l’ache de marais & après avoir mêlé ces drogues avec un sextarius de vin, on lui injectera ce vin dans le naseau gauche. Si le chaud qu'il a essuyé a été des plus violents, on broiera par poids égal du persil, de la carotte sauvage, du seseli de Gaule, de l'aurone, du spica nard, du jonc odorant & en lui donnant ce mélange dans de l'hydromel, on le soulagera de cette grande chaleur. Mais si la chaleur lui a si fort affaibli les membres qu'il puisse à peine se soutenir, il y a des Auteurs qui veulent qu'on l'empêche de boire & qu'on le laisse l'espace d'une heure dans de l'eau froide dans le temps qu'il a soif & ils prétendent que cette méthode le rétablit à l'instant. D'autres ont dit qu'il fallait lui faire avaler à la corne de la farine d'orge dans du vin. Bien des personnes, après en avoir fait l'essai, ont trouvé que de la farine de froment dans de l'eau froide le soulageait à l'instant. Au moins faut-il lui faire avaler trois œufs crus brouillés avec du pouliot, de l'oxydât & de l'huile.

 

CHAPITRE XLI.

 

Les animaux sont sujets à la paralysie ainsi que les hommes : on reconnaît cette maladie à ces symptômes-ci : ils se tournent sur le côté comme un cancre en marchant, ils ont l'encolure courbée, telle qu'ont coutume de l'avoir ceux qui ont une fracture dans cette partie du corps, ils ne peuvent pas poser leurs pieds droits : si on les force de marcher, ils se heurtent contre les murailles : ils ne refusent ni à boire, ni à manger, mais leur orge paraît toujours humide. Voici comme on les traite : on leur tire du sang des temples, non pas du côté ou est le siège de la maladie, mais du côté opposé ; on les frotte avec des onguents thermantiques & on leur assujettit l'encolure avec des bats de bois qu'on y attache jusqu'à ce qu'elle se redresse. D'ailleurs on les met à l'écurie dans un lieu chaud, comme ceux qui ont la maladie roborosa[25] & on leur donne les mêmes potions qu'à eux. Si ces secours de la médecine ne leur font aucun bien, on leur brûle l'encolure, non pas du côté où elle est resserrée mais du côté opposé, en leur appliquant un cautère en forme de palmes, depuis l'épaule jusqu'à la naissance de l'oreille : on leur brûle aussi la temple sans excéder la mesure d'un demi cautère. Quant à l'autre coté de la temple, on y applique un cautère de la forme d'une petite étoile : on leur en applique aussi du côté des reins jusqu'au milieu de l'épine du dos qui ont la forme de petites verges, suivant l'usage & ils guérissent.

 

CHAPITRE XLII.

 

Lorsque les animaux se sont rompu quelque partie du corps à la suite d'un trop grand saut, d'une course excessive ou d'une chute, il leur prend une toux forte. Voici les symptômes auxquels on reconnaît cet accident : ils ont un» strangurie, ils crachent le pus & toutes les fois qu'ils se sont vautrés à terre, ils ne se relèvent pas ni ne se secouent. Quand la rupture est récente, ils crachent plutôt le sang que le pus. On les traite avec des nourritures visqueuses & douces. On leur donne aussi très fréquemment cette potion-ci : on broie bien dans du vin une uncia tant d'encens mâle que d'opium, de cet héliotrope que nous appelions chicorée sauvage & de rue & après avoir mêlé avec ce vin quatre fois autant de vin dur, on leur en fait prendre tous les jours à la corne jusqu'à ce que les parties internes, qui sont rompues, se conglutinent.

 

CHAPITRE XLIII.

 

Les animaux sont souvent attaqués de la folie ; au point qu'ils brisent leur crèche, qu'ils se déchirent à belles dents & qu'ils se jettent sur les hommes mêmes, auquel cas ils remuent sans cesse les oreilles, ils ont les yeux fixes & brillants, leur bouche écume & il faut les lier avec beaucoup de soin & de précaution, de peur qu'ils ne blessent celui qui les pansera. On leur tire du sang de l'encolure & des jambes ; après quoi on les tient dans les ténèbres jusqu'à ce qu'ils demandent de la nourriture-. Lorsqu'ils commencent à être plus tranquilles, on mêle un acetabulum de jus de ciguë avec une hemina d'eau qu'on leur verse dans la bouche. Ensuite on broie de la rue qu'ont leur applique sur le cerveau & un leur enveloppe la tête d'une peau de laine pour les panser &, lorsqu'ils se portent mieux, on les met à l'écurie chaudement. Voici une potion qui soulage aussi les chevaux enragés : on broie bien neuf baies de laurier & vingt-une gousses d'ail épluchées, pour leur injecter dans le naseau gauche avec du vieux vin blanc.

 

CHAPITRE XLIV.

 

Si des animaux ont mangé de l'orge dans le temps qu'ils suaient, ou que l'orge qu'on leur a donné fut nouveau & qu'il les ait trop échauffés ; de même que s'ils paissent plus abondamment qu'ils ne devraient le faire dans un temps où ils ne travaillent point, l'indigestion & la pléthore s’en suivront indubitablement. On reconnaît cette maladie à ces symptômes-ci : ils sont en sueur, leurs épaules sont raides & leur allure est peu assurée. On leur tirera alors du sang de la tête & après l'avoir mêlé avec du vinaigre & de l'huile, on leur en frottera bien tout le corps, on leur fera faire de petites promenades pour les exercer & on les privera absolument d'orge. Cette potion-ci les soulagera : on broie des feuilles de chou pour en exprimer le jus, on mêle avec ce jus de la poudre de myrrhe avec un peu de bouillon & d'excellent vin vieux & on leur fait avaler pendant trois jours ce médicament qui aide à la digestion & qui leur rend la santé. Il y a des personnes qui tentent de les guérir alors par des charmes, mais c'est une futilité qui ne peut plaire qu'a de vieilles femmes, d'autant que les animaux ne se guérissent pas plus que les hommes par de vaines paroles, mais par les effets certains de l'art de la Médecine.

 

CHAPITRE XLV.

 

Si les poumons, quand ils sont sains, contribuent à soutenir la vie d'un animal, d'un autre côté, ils le mettent en danger de mort quand ils sont gâtés. La douleur de ces parties se déclare par des symptômes manifestes : en effet les animaux ronflent alors, ils toussent fort & crachent le pus. Si la maladie est de vieille date, ils rendent une odeur fétide par les naseaux, ils ont de la peine à se tenir dans le même endroit &: ils ont de la fièvre & se couchent sur leur crèche. Leurs excréments sont corrompus & il leur vient quelquefois sur le corps des tubercules qui ressemblent à des furoncles. Cette maladie est difficile à guérir, mais on la traite avec cette potion-ci : on broie bien & on crible trois unciae d'encens mâle, deux d'hysope, une tant de feuille Indienne que de manne de safran & deux de myrrhe ; on fait infuser dans de l'eau plein un cochleare de cette poudre avec trois œufs pour leur faire avaler. S'ils n'ont pas d'appétit, on la fera infuser dans du lait de chèvre au lieu d'eau & on leur donnera ce lait à boire après y avoir ajouté un cochleare de miel. On leur fera aussi prendre à la corne de la ptisanne d'orge mondé, avec de l'huile de roses, indépendamment de la poudre que nous venons de prescrire & des œufs. On fera aussi des pâtes avec deux sextarii de farine de froment & un de fleur de farine d'ers, en y ajoutant cinq cochléaria de la même poudre & on leur en fera avaler sept par jour pour les sustenter, sans discontinuer jusqu'à ce qu'ils commencent à demander de la nourriture. Il faut leur donner toutes sortes de nourritures vertes pour prévenir leur dégoût ; quant aux nourritures qui ne feront pas vertes, ce seront de petites lentilles avec du froment ou de l'orge brûlé avec de la paille, de façon qu'ils pourront choisir, parmi cette diversité de nourritures, tout ce qui leur conviendra. On leur donnera néanmoins tous les jours du lait nouveau. On les mènera d'abord à promener & lorsqu'ils commenceront à se mieux porter, on les remettra à leurs exercices accoutumés. Si l'on n'a pas de lait on leur fera boire de l'eau, dans laquelle on aura fait infuser un jour & une nuit de l'ers qui aura été lavé préalablement. Quand l'incommodité des poumons n'occasionne point de dégoût aux animaux, mais qu'ils ont le corps robuste, on leur tire du sang de l'encolure ou du palais. On leur donne aussi une hemina de cendres d'orme lavées & infusées dans de l'eau, puis mêlées avec d'excellent vin vieux dans lequel il y ait des odeurs. Mais, lorsque cette incommodité les tourmente violemment & qu'elle tourne en maladie réelle, on leur fait prendre dans du vin une drachme de racine de lentisque, deux unciae d'encens, une drachme de myrrhe & une semi-uncia de sucre, le tout bien broyé. Voici encore d'autres remèdes : on leur exprime souvent dans la bouche du raisin blanc, on leur donne de la graine de raifort dans du vin, on leur présente des amandes grillées dans de l'eau. Mais voici une autre potion encore plus efficace : on leur fait avaler deux unciae de cardamome, avec une tant de casse que de storax dans du vin, s'ils sont robustes & qu'ils n'aient pas de fièvre, ou dans de la ptisanne d'orge mondé, s'ils ont de la fièvre.

 

 

CHAPITRE XLVI.

 

On reconnaît qu'un animal est attaqué de l’orthopnée à ces symptômes-ci : quoiqu'on le traîne, il refuse de marcher, il respire fort, il jette de fréquents soupirs, il ronfle, il tire ses entrailles, il tousse en mangeant. II sera difficile de se guérir de cette maladie, quoiqu'il puisse traîner une longue vie. En effet ses poumons se dessèchent et se crispent & il en résulte une maigreur qui est ordinairement suivie de la mort. Il faudra cependant, avant que la maladie ait fait des progrès, avoir recours sans tarder à ce traitement-ci: on lui tirera du sang de la poitrine & après avoir mêlé ce sang avec du vin pur & de l'huile & l'avoir fait chauffer, on l'en oindra. On fera aussi infuser dans d'excellente huile de la cendre de lessive bien criblée, pour lui en faire prendre par les naseaux pendant cinq jours consécutifs. On lui donnera ensuite cette potion-ci : on broie & on crible une quantité égale de moutarde d'Alexandrie grillée, de soufre vif, de myrrhe & de cardamome & on fait bouillir ces drogues avec d'excellent miel, après quoi on délaie gros comme une noix de ce médicament dans du vin de couleur foncée que l'on a fait chauffer & on lui en donne tous les jours en potion. D'autres broient deux unciae de myrrhe, une de soufre, une semi-uncia de nitre & quelque peu de poix liquide & après avoir ajouté à ces drogues du miel & du vin blanc vieux & dans lequel il y ait des odeurs, ils lui en injectent souvent dans les naseaux. On prendra garde qu'il ne ressente du froid, on lui sera prendre un exercice modéré afin qu'il sue & on mêlera toujours non seulement dans sa boisson, mais encore avec son soin, du nitre arrosé d'eau dans laquelle on mêlera du miel à l'instant même.

 

CHAPITRE XLVII.

 

La maladie de l'opisthotonos se déclare de la même manière, avec cette différence que l'animal est raide par tout le corps quand il a l'orthopnée, au lieu que le siège de sa maladie n'est fixé que dans le train de derrière, quand il a l'opisthotonos. Voici les symptômes de cette dernière maladie : l'animal qui en est attaqué a les oreilles raides, le col allongé, les yeux petits, la peau tendue sur le front, les lèvres si épaisses qu'il peut à peine les ouvrir, il est dégoûté du boire & du manger, il a la queue raide, l'allure peu assurée, les membres étendus, il a de la peine à marcher en avant & tombe souvent sur se derrière raison pour laquelle on lui donne le nom d’opisthotonicus.[26] Il sera difficile de guérir cette maladie en hiver, mais on en viendra à bout en été en ne négligeant pas ses soins. Voici les causes qui donnent lieu à cette maladie en été : c'est quand l'animal a été frappé du soleil dans le temps qu'il était très ardent, quand on l'a forcé de marcher ou de courir dans une route pendant qu'il boitait des pieds de devant, quand il a beaucoup sué, quand il a souffert pour s'être blessé l'épaule, ou qu'il s'est couché sur cette partie du corps, de façon qu'elle s'est trouvée engourdie. Cette maladie provient au contraire en hiver des routes ou de l'exercice qu'on a fait faire à un animal, de ce qu'on l'a laissé en plein air & au froid dans le temps qu'il était en sueur, ou dans un nouveau bâtiment, ou dans un endroit pavé en marbre ou en pierres carrées, ou enfin de ce que ses mâchoires ont été engourdies par le froid. On essaiera d'y remédier de la manière qui suit : on fera bouillir ensemble deux livres de vieille graisse de porc, une semilibra de térébenthine, une drachme de poivre broyé, une livre de cire & un sextarius de vieille huile, pour frotter très chaudement avec cet onguent tout le corps de l'animal. Il y a bien des performes qui font bouillir de l'ers & qui en mettent le bouillon chaud sur la tête de l'animal malade. D'autres l'ensevelissent dans sa propre fiente chaude, afin que sa maladie se dissipe par les sueurs. La plupart imaginent qu'il est bon de garrotter les animaux pour les couvrir de sable échauffé par le soleil. On dit aussi que cette potion-ci leur est salutaire : on broie & on mêle ensemble vingt grains de poivre broyés, un denarius pesant de cèdre, une uncia de nitre, une pilule de laser de Cyrène de la grosseur d'une fève & après avoir ajouté à ce mélange une hemina d'excellent bouillon avec un sextarius de très excellent vin vieux, on leur en donne deux fois par jour. On dit que c'est: un remède constaté par l'expérience de leur faire avaler à la corne, mais néanmoins avec modération, du sang de bœuf chaud & fumant. Si par hasard on n'en a point sous sa main, on dit qu'il est bon de leur donner trois unciae tant d'encens criblé que de sel égrugé dans l'excellent vin. Il est à propos de les frotter avec des médicaments chauds jusqu'à ce qu'ils soient guéris. On mêle aussi avec d'excellente huile, du vin de la première qualité & du miel avec la quantité qu'on juge suffisante de graisse de porc nouvelle bouillie & on fait cuire ce mélange sur de la braise, pour leur en injecter dans les naseaux. On fait aussi fondre sur des charbons un malagme composé de drogues chaudes dans de l'huile de carpe, ou dans de l'huile commune qui soit cependant vieille & on les frotte avec ce médicament. Après ce traitement on les couvre de housses & on les monte en plein soleil pour les exercer en les faisant trotter jusqu'à ce qu'ils suent. Ensuite on les essuie avec des morceaux d'étoffe très rudes & après les avoir frottés de nouveau, on les recouvre. Il faut aussi les frotter avec de la poix liquide coupée avec de l'huile, de façon que la poix ne domine pas, de peur de leur endommager le cuir. Il y a des personnes qui leur tirent du sang de la tête quand ils ont déjà pris des forces, la plupart les font entrer dans une salle de bain & les traitent avec des potions très chaudes, c'est-à-dire, avec du laser, du cumin, de l’anis, de l'huile & des baies de laurier, dont ils leur donnent tous les jours une certaine quantité dans du vin. On se sert aussi des onguents suivants. On fait bouillir ensemble une livre de cire, quatre unciae de résine, deux de grande berce, trois tant de moelle de cerf que d'huile de storax & quatre d'huile de laurier & on les frotte au soleil ou dans un lieu chaud avec cet onguent. Voici encore une autre sorte d'onguent : on fait bouillie ensemble, pour en frotter l'animal, un sextarius de baies de laurier, deux de cumin, trois unciae de soufre vif, une de résine, trois de galbanum & deux sextarii d'huile.

 

 

CHAPITRE XLVIII.

 

Voici aussi les symptômes auxquels on reconnaît qu'un animal est en léthargie. Il reste couché & ne cesse pas de dormir, il ne demande ni à manger ni a boire ; quand il est réveillé, il s'appesantit à l'instant & se jette à terre, il maigrit & telle potion qu'on lui donne, à peine peut-il la prendre, tant il a l'air d'être endormi. Voici la manière dont on le traitera : on lui mettra sa boisson à terre dans l'écurie, afin qu'il puisse boire sans en sortir. On lui fomentera la tête avec de l'eau chaude, dans laquelle on aura fait bouillir du pouliot, ensuite on l'oindra avec de l'huile & de la fleur de sel marin broyée qu'on versera sur sa tête & sur ses oreilles & on aura recours ensuite à cette potion-ci : on fera bouillir dans de l'eau de la camomille soit d'Illyrie, soit de notre pays, avec de l'armoise & on lui en fera boire tous les jours deux cotyles. On lui fomentera souvent les pieds de devant avec de l'eau chaude, parce que cette maladie s'empare communément avec violence des pieds qui ne font point courbés. C'est une maladie dangereuse, ainsi que le traitement qu'on y apporte. En voici les symptômes : les yeux de l'animal pleurent comme s'ils étaient chassieux, il se couche sur sa crèche pour dormir, lorsqu'il marche il vacille du train de derrière & tout son corps est pesant. On lui tirera du pied droit de devant ainsi que de la cuisse gauche du sang avec lequel on l'oindra. On broiera de l'armoise &, après l'avoir criblée, on lui en donnera pendant trois jours dans un sextarius d'eau de lessive & deux cyathi d'huile. Le quatrième jour on interrompra ce remède. S'il ne demande point à manger, on lui fera boire de l'eau dans laquelle on aura fait infuser de l'ers. Si sa santé ne se rétablit pas, on fera bouillir dans une marmite pleine d'eau de la graine de lin & on lui en fera prendre à la corne une hemina par jour, en y ajoutant une quantité suffisante de miel. Cette potion est également bonne pour les animaux qui ont la fièvre. Il est évident qu'il faut empêcher de dormir un animal qui est en léthargie, en lui faisant prendre fréquemment de l'exercice. Il faut aussi le forcer de se promener toutes les fois qu'on lui aura fomenté les pieds de devant avec du son, du sel & du vinaigre mêlés ensemble qu'on lui mettra chaudement sur le sabot. On lui fera aussi avaler de la farine de froment avec du sel égrugé dans un sextarius d'oxycrat, on lui fera prendre à la corne de l'armoise broyée dans de l'huile & un peu d'eau de lessive, on lui interdira l'orge, on lui donnera un sextarius de fèves pour le faire veiller, jusqu'à ce qu'il soit en état de digérer des nourritures plus solides. On lui tirera du sang de l'encolure & après la saignée voici comme on le traitera : on mêlera ensemble, après les avoir broyées & criblées, trois unciae de salpêtre de houssage, deux tant de noix de galle de Syrie que de spica nard & de racine de câprier & on lui fera boire trois cochléaria de ce médicament dans un sextarius d'eau tiède. On ne lui donnera jamais à boire que de l'eau tiède, qui ne soit ni trop froide ni trop chaude. Il faut ranimer sans cesse avec le fouet ou avec la voix, afin que la crainte lui fasse perdre cette mauvaise habitude.

 

CHAPITRE XLIX.

 

Lorsqu'un animal a la jaunisse, on le reconnaît à ces symptômes-ci : il a les deux yeux verts & l'encolure penchée sur le côté droit & paraît boiter du pied gauche. Voici le traitement de cette maladie : on l'enferme dans un lieu ténébreux où il ne puisse pas voir la lumière & on le couvre de housses, de façon que ses yeux ne soient point ouverts pendant le jour, on l'oint & on le frotte avec de l'huile & du vin chaud. On met au feu des pierres meulières du poids de cinq livres au moins & on lui attache la tête aux pieds. Lorsque ces pierres sont bien, ardentes, on les place sous ses naseaux & on verse de l'huile dessus, pour faire une fumigation qui pénètre sa bouche, ses naseaux & ses yeux, afin qu'il rende par les sueurs le virus de cette maladie : il faut continuer ce traitement pendant sept jours consécutifs. On le soulage encore avec une potion composée de sang de chèvre, de lait de brebis, de mouron, de costus & d'huile mêlés ensemble par parties égales, qu'on lui fait prendre pendant douze jours.

 

CHAPITRE L.

 

IL arrive quelquefois que la bile, à laquelle on donne ordinairement le nom de cholera, tourmente les animaux. Cette maladie se déclare par ces symptômes-ci : ils s'agitent & se roulent à terre comme s'ils avaient le strophus.[27] On leur tire du sang de l'encolure pour leur donner aussitôt après cette potion-ci : on broie une uncia & demie de germandrée noire, une de manne de sucre & deux tant de nitre que de guimauve commune dans un sextarius d'excellent vin & on met ce médicament dans une hemina d'hydromel pour leur en injecter dans le naseau gauche.

 

CHAPITRE LI.

 

Si un animal a de la bile sèche, on lui injecte dans le naseau droit du myrte sauvage broyé dans du vin & on lui donne de la farine de froment au lieu, d'orge. On coupe même cette potion avec de l'eau.

 

CHAPITRE LII.

 

La maladie du colon[28] cause ordinairement de si cruels tourments aux animaux, qu'on croirait qu'ils ont des faiblesses de cœur & d'estomac ou le strophus, mais on reconnaît cette maladie à ces symptômes-ci : lorsqu'ils sont sur leurs jambes, ils tombent tout à coup, de sorte qu'on les croirait épileptiques & s'ils sont suspendus de façon qu'ils ne puissent pas tomber, ils font saisis par la douleur & quelquefois ils se couchent, lorsqu'on leur donne de l'eau froide, ils tremblent, ils suent, ils halètent. On les soulage de cette façon-ci : on broie ensemble & on crible une uncia tant d'anis du Pont que de persil & de graine de fenouil, deux de poivre noir, une tant de marrube que d'aurone, trois d'aneth, quatre scrupules de livèche, deux unciae de petite & de grande centaurée, une semi-uncia de germandrée, quatre scrupules d'eupatoire, une uncia & demie de gingembre, une semi-uncia de pouliot, une uncia de rue & une demie d'ache de marais. Ensuite on mêle avec toutes ces drogues deux livres d'excellent miel bouilli & écume & on délaye gros comme une aveline de ce médicament dans un sextarius d'eau tiède, pour le leur faire prendre par la bouche. C'est un remède infaillible. Si la douleur persévère, on leur donne cinq cochléaria de graine de fenouil bien broyée dans un sextarius de vin à l'usage des gens, mais franc. Outre cela on leur fait prendre un peu de poivre avec la pellicule du ventre d'un poulet séchée au four & broyée dans du vin.

 

CHAPITRE LIII.

 

Il vient assez souvent des vomiques dans l'intérieur du corps des animaux. Voici les symptômes de cette maladie : lorsqu'ils sont couchés, ils ont de la peine à se relever, ils sentent fort de la bouche, ils se couchent sur la partie de leur corps où est le siège de la douleur, ils toussent & crachent quelquefois le pus. On leur injectera dans les naseaux du vin chaud, dans lequel en mettra deux unciae tant d'encens que d'aristoloche. On leur sera encore prendre de la même manière deux unciae de soufre vif & une & demie d'aristoloche. Mais il faut leur donner à manger pour bien nourrir leur corps & lorsque la vomique sera crevée, on les brûlera à l'entour de la poitrine avec des cautères, afin que l'humeur, étant provoquée s'écoule avec plus, de facilité.

 

CHAPITRE LIV.

 

Les Latins donnent le nom de coriago à la maladie que les Grecs appellent ἐχεδερμία. En voici les symptômes : l'animal maigrit & n'est pas sans fièvre, sa peau se colle sur ses côtes, l'épine de son dos devient plus dure & quelquefois il s'élève des furoncles sur son dos : il a d'ailleurs plus d'appétit que de coutume. Voici la manière de le traiter : on broie du thym & du sel dans du vin rouge, pour en frotter les tubercules qu'il peut avoir. Voici encore un autre onguent qu'il faut préparer : on fait infuser de la poix, de la cire, de la résine ratissée sur des futailles & de la fleur de farine d'encens dans de vieille huile, après quoi on fait bouillir ces drogues pour en oindre tout le corps de l’animal en le frottant très longtemps. Mais c'est peu de remédier à la peau par ces onguents, si on ne traite pas aussi l'intérieur du corps par des potions. On mêlera donc ensemble trente grains de poivre blanc, une semi-uncia de myrrhe, une cotyle de vin vieux dans lequel il y ait des odeurs & un cyathus d'huile verte pour lui faire prendre par la bouche. On jettera des bottes de rue verte & épluchée, avec une uncia de grande berce dans une cotyle de vin & un cyathus d'huile verte pour lui faire boire. Cette maladie est toujours la suite du malaise occasionné par le froid, ou de quelque maladie précédente. Il y a des personnes qui font avaler à la corne aux animaux du sang d'une jeune truie mêlé avec du vin, mais ils ne savent point que la quantité de ce sang domine par hasard sur celle du vin, l'animal en meurt aussitôt. C'est pourquoi il est plus prudent de les traiter avec cette potion ci ; on mêle ensemble de l'oignon franc & de la graine de rue broyée, pour leur en donner trois uncia par jour dans une cotyle de vin & l'on a recours ensuite aux traitements convenables aux animaux qui ont la maladie roborosa.[29]

 

CHAPITRE LV.

 

Les animaux ne sont pas moins sujets que les hommes à la consomption. Cette maladie se manifeste par ces indices : ils dépérissent tous les jours & la maigreur fait paraître leurs os saillants ; quoique mangeant beaucoup, ils ont toujours faim, ils cherchent dans la faim qui les presse à ronger tout ce qu'ils rencontrent, les excréments qu'ils rendent sont durs, ils traînent une vie longue & misérable sans pouvoir même se lever, puisqu'ils restent couchés parce qu'ils font toujours fatigués & quoique mangeant beaucoup, ils meurent de faim, parce que coûte la nourriture qu'ils prennent se convertit en excréments, comme tout ce qu'ils boivent se convertit en urine, sans qu'aucun suc ni aucun aliment parvienne jusqu'à leur moelle. Aussi leur estomac, resserré par un trop grand froid, ne peut-il ni digérer ni rien envoyer au foie, cette partie du corps dans laquelle se fait la préparation de tout ce qui peut contribuer efficacement à entretenir le corps par la distribution des aliments ainsi que par celle du sang. Ils se dessèchent de plus en plus & leur foie dépérit comme un arbre qui, ayant eu la plus grande partie de ses racines coupées, ne tarde pas à sécher sur pied, après avoir porté des feuilles pendant quelque temps, parce que ses petites racines, soutenaient sa vigueur. On cherche à prévenir: de. cette manière-ci le danger évident donc ils sont menacés : dès le principe de la maladie on fait un onguent composé de deux livres de cire, d'une tant de térébenthine que de moelle de cerf & de vieux, oing sans sel, d'une selibra de propolis, d'une livre tant d'iris d'Illyrie que de marjolaine & d'une quantité suffisante d'huile de laurier, en faisant bouillir toutes ces drogues à petit feu, & en les passant de façon qu'elles acquièrent la mollesse d'un cérat & pendant qu'elles sont encore chaudes; on y ajoute de la poudre d'iris d'Illyrie & d'argile de Cimolus & on les agite jusqu'à ce qu'elles refroidissent. On oing tout le corps de l’animal avec ce médicament & on le frotte à plusieurs mains jusqu’à ce qu'il soit échauffé & qu'il sue. Il faut répéter cette opération de trois jours l'un en couvrant l'animal & en l'exerçant peu à peu tous les jours afin qu'il digère. On lui prépare aussi cette potion-ci : on broie bien ensemble & on crible quatre unciae tant d'aurone que de santoline, de germandrée & d'ivette, deux tant de gentiane que de myrrhe & de grande berce, une semi-uncia tant de racine de cette dernière plante que de sucre avec une petite quantité de rue : on fait bouillit deux cochléaria de ce médicament dans du vin vieux & de la ptisanne d'orge mondé, dans laquelle on aura fait bouillir précédemment l'extrémité d'un jambon. On y ajoute encore deux cochléaria de fleur de farine d'ers &, quand on a donné ce médicament à un animal pendant neuf jours consécutifs, on l'interrompt pendant quelque temps afin qu'il reprenne ses forces & on le traite de la même manière de deux neuvaines l'une, sans discontinuer jusqu'à ce qu'il recouvre la santé. D'ailleurs, les jours où on ne lui administrera pas ce remède, on lui donnera pour le sustenter des pâtes de farine de froment arrosées de lait. On lui donnera encore du son de froment avec de la paille, mais on ne lui donnera pas d'orge à moins qu'il ne soit détrempé dans de l'eau : on lui refusera aussi de l'herbe verte jusqu'à ce que son corps ait commencé & reprendre son embonpoint.

 

CHAPITRE LVI.

 

Voici les symptômes auxquels on reconnaît qu'un animal est ictérique : ses yeux sont verts & rendent de la chassie qui ressemble à une fève, sa peau s'endurcit & son poil se hérisse : ces symptômes sont suivis de la lassitude & en marchant il boite des genoux. On le guérira avec ces remèdes-ci : broyez & criblez une livre tant de panax de Syrie que de graine d'ache de marais, mêlez ensuite ces drogues avec une livre de miel Attique, après quoi vous jetterez quatre cochléaria de ce médicament dans un sextarius d'eau dans laquelle vous aurez fait bouillir des lupins crus & vous lui donnerez de cette eau à boire pendant cinq jours. Si elle tarde à le soulager, vous mettrez dans un poêlon trois sextarii de vin avec trois unciae de merde de chien blanche & vous laisserez ce mélange en plein air, pour lui en faire avaler en potion pendant cinq jours. Outre cela vous lui donnerez de la même manière de l'eau dans laquelle vous aurez fait bouillir des pois chiches avec de la merde de chien.

 

CHAPITRE LVII.

 

Le strophus provient de différentes causes suivant lesquelles cette maladie exige des traitements différents. En voici les symptômes : l'animal se roule à terre, il a des convulsions, il examine ses entrailles, il rend un crottin dur, il frappe la terre avec ses pieds dans la douleur qui l'agite, au bout de quelques heures il sent un certain rafraîchissement & un calme. Il faut le traiter avec cette potion-ci : on broie ensemble & on crible une livre tant d'accrus, que d'anis & de grande berce, on jette deux cochléaria de cette poudre dans un sextarius de vin vieux & une livre & demie d'huile, & on lui fait avaler ce médicament chaud pendant trois jours. Lorsqu'un animal est sujet au strophus & qu'il ne fiente pas, il met sa queue entre ses cuisses, & regarde attentivement son ventre en se retournant : on lui fera prendre alors par la bouche de la graine de rue sauvage en poudre dans du vin. Outre cela on fera des collyres composés de dix vieux oignons, de huit scrupules de signes sèches, de cinq de nitre & de quatre de fiente de pigeon avec de l'urine, & on lui en fourrera deux: ou trois dans l'anus. Mais s'il a le ventre trop dur, il faut avoir recours aux clystères, après le lui avoir fomenté avec de l'eau chaude. On le placera donc dans une position telle que son corps soit penché en devant, & on lui injectera dans l'anus du jus d'œillet dans lequel on aura fait bouillir de la poirée & de la guimauve avec du nitre, une hemina d'huile & quatre scrupules de fiente de pigeon, en le faisant promener un peu quand il aura pris ce clystère. D'autres lui versent dans la bouche, pour le guérir, de la fiente de lièvre, avec neuf cochléaria de miel, quinze grains de poivre & du jus de chou.

 

CHAPITRE LVIII.

 

Les animaux sont assez souvent sujets aux douleurs de foie que l'on reconnaît au dégoût qu'ils ont pour la nourriture, à l'ardeur qu'ils ont pour la boisson à l'enflure de leur ventre & à leur maigreur. On commence par leur faire prendre par la bouche un sextarius de crème de ptisanne d'orge mondé, avec trois cyathi d'huile rosat. Si la maladie persévère, on les traite avec cette autre potion-ci : on fait bouillir jusqu'à diminution des deux tiers dans d'excellent vin trois unciae tant de graine d'ache de marais que d'hysope, une d'aurone & une quantité suffisante d'ail vert, ou une moindre quantité d'ail sec, si la saison n'en donne pas de vert & on leur donne ces drogues en potion pendant quelques jours. Voici une autre maladie qui ressemble à celle-là : quand il en est attaqué, l'animal n'est pas sans fièvre, il a de la peine à digérer la nourriture qu'il a prise & son testicule droit[30] s'enfle & s'endurcit. Voici les remèdes qui le soulageront : on jette dans quatre sextarii d'eau de fontaine quatre cyathi de fenugrec que l'on fait bouillir jusqu'à diminution des deux tiers & on le guérit en lui donnant une hemina de ce médicament en potion. Il y a des personnes qui jettent deux drachmes d'encens broyé dans une quantité suffisante de vin & qui en frottent tour le corps de l'animal à plusieurs mains, en le couvrant de housses pour le faire suer.

 

CHAPITRE LIX.

 

Il arrive quelquefois qu'une enflure de ventre dérange la santé des animaux par la douleur qu'elle occasionne. Voici les symptômes de cette maladie ; leurs testicules sont en sueur, ils frappent la terre tantôt d'un pied, tantôt de l'autre, ensuite ils se tournent subitement d'un côté, puis de l'autre, ils portent leur tête à leurs entrailles, comme pour indiquer l'endroit où ils ressentent de la douleur & quelquefois ces symptômes sont suivis de gémissements & d'un tremblement par tout le corps. On les fera alors marcher peu à peu, on leur fourrera la main dans l'anus après l'avoir graissée, pour en tirer le crottin. Ensuite on leur injectera dans l'anus du sel & du miel mêlés en semble, afin d'augmenter en eux l'envie de fienter. Si l'on est en hiver on leur saoulera les reins & les oreilles d'huile & de poix liquide pour leur donner ensuite cette potion-ci : on mêle ensemble, on broie & on crible du laurier vert, ou des baies du même arbre, du poivre, du cumin, de la graine de persil & de fenouil, de la semence de fenouil de porc & de nitre & on leur donne ces drogues en porion dans du vin & de l'huile chaude, puis on les force de se promener modérément jusqu'à ce que la douleur cesse.

 

CHAPITRE LX.

 

Le malaise de l'intestin que l'on appelle colum,[31] occasionne aussi assez souvent des enflures accompagnées de douleurs, que l’on reconnaît à ces symptômes-ci : lorsque l'animal commence à marcher, il écarte en travers les pieds de devant & sanglote de douleur : il aime communément dans cet état les promenades fréquentes & la chaleur de l'écurie, comme à être couvert avec soin. On lui verse dans les naseaux du laser de Cyrène délayé dans du vin chaud.

 

CHAPITRE LXI.

 

Une maladie qui saie souvent tort à toutes les espèces d'animaux, attendu qu'il n'en est: guère qui en soient exempts, c'est la toux : tantôt cette maladie cesse d'elle-même, tantôt on vient a bout de la guérir par des médicaments méthodiques, se quelquefois elle est absolument incurable. Mais la difficulté de sa cure provient de ce que les Médecins ne discernent pas les différentes causes qui l'occasionnent & que souvent même ils ne les connaissent point. Plus cette maladie est commune, plus nous croyons devoir exposer avec soin tout ce que nous avons trouvé de relatif à elle dans les Auteurs que nous avons tous parcourus.

 

 

CHAPITRE LXII.

 

L’irritation ou le malaise de la gorge occasionne une toux très grave, toutes les fois qu'il est resté dans la gorge d'un animal soit de la poussière, soit un épi, soit un os, soit un rejeton d'arbre, soit un petit caillou, ou toute autre chose. Ces sortes d'accidents sont si dangereux qu'à moins qu'on ne soulage promptement les animaux l'impatience que leur cause la douleur dégénère en folie. On les examinera donc avec attention au soleil & on arrachera ce qui peut être dans leur gorge. On les bassinera aussi avec une éponge trempée dans de l'eau tiède dans laquelle on aura jette de la poudre de nitre, ensuite on appliquera de la laine trempée dans de l'huile de roses tiède sur la partie où l'irritation se fait sentir. Au bout de trois jours on retirera cette laine & on fomentera la partie avec de l'eau chaude, après quoi on y mettra ce médicament-ci : on fera infuser dans du vin tiède quatre scrupules de sucre avec un d'alun de plume, poux calmer les parties où l'irritation se fait sentir.

 

 

CHAPITRE LXIII.

 

LE frisson occasionne aussi une toux, dont voici les symptômes : quand l'animal vient à tousser, il baisse la tête jusqu'à terre & lorsqu'il boit, l'eau lui sort par les naseaux. Voici comme on traite cette espèce de toux : on lui met un bâillon dans la bouche & en y enfonçant le plat de la main, on y trouve vers la partie supérieure une espèce de petite vessie que l’on crevé avec les ongles. Ensuite on fait avec de la graisse de porc bien paierie trois pilules très molles que l’on roule dans un lomentum très fin, c'est-à-dire, dans de la farine de fèves, pour les lui faire avaler, après quoi on le frotte pendant trois jours avec du venaculum[32] & du sel & on lui fait prendre en potion des pastilles composées de drogues chaudes trempées dans du vin.

 

 

CHAPITRE LXIV.

 

Voici les symptômes auxquels on reconnaît que la toux vient des testicules : ces parties sont douloureuses & gonflées & l'animal rumine aussitôt qu'il a bu. On met alors un œuf dans du vinaigre très mordant & quand la coquille en est dissoute, sans que la membrane en soit altérée, on frotte l'animal arec de la poix liquide & on lui fait avaler cet œuf : ensuite on broie de l'alun, de la graisse de porc & du sel dans du vin, qu'on lui fait prendre avec du miel, en le fomentant sans relâche avec de l'eau chaude, dans laquelle on aura fait bouillir, si on le peut, de la guimauve commune. On aura de plus recours à cette potion-ci : on fait bouillir ensemble dans de l'eau deux unciae de myrrhe, une semi-uncia de poivre blanc, un sextarius & demi tant de pignons épluchés que de raisins séchés au soleil, trois unciae de miel, une de panais & une selibra de dattes vertes, après quoi on ajoute du vin tiède sur ce mélange, pour en faire une potion qu'on lui fera prendre sans cesse pendant cinq ou six jours.

 

 

CHAPITRE LXV.

 

La toux qui vient de l'intérieur du corps est plus grave & presque incurable. Voici comme on s'y prendra pour la discerner des autres toux : on bouchera les naseaux de l'animal de façon qu'il ne puisse pas respirer, ensuite on examinera ses flancs & s'il les retire avec des battements fréquents, c'est une preuve que la toux est occasionnée par une maladie de soie, de poumons ou d'entrailles, mais qu'elle est nouvelle. S'il retire les flancs ainsi que le ventre avec des battements lents, c'est une preuve que la toux vient de l'intérieur, c'est-à-dire de l'endroit où les intestins sont noués ensemble, parce que leur tension & leur mauvais état force les animaux de tousser. En effet, quand ils ont les flancs brisés à la suite d'une trop grande course, ou d'un saut trop allongé, ils tombent dans cette maladie qui leur fait donner le nom de vulfi.[33] L'intérieur de leur corps est aussi affecté par le trop grand chaud comme par le froid excessif & c'est ce qui les rend phtisiques : en conséquence, quand les maladies que nous venons d'indiquer où d'autres maladies internes ont occasionné quelques plaies dans le corps des animaux, quoique ces plaies soient guéries & cicatrisées, elles contractent néanmoins après la guérison une certaine âpreté & le chatouillement perpétuel que cette âpreté occasionne excite une toux habituelle. Ces causes de la toux peuvent à la vérité être affaiblies, ou du moins leur effet peut être suspendu jusqu'à un certain point par des médicaments très doux, mais elles ne peuvent jamais être radicalement détruites. Aussi ne peut-on plus observer les causes qui rendent les chevaux vulfi, une fois qu’ils sont au vert ou dans les pâturages. Néanmoins cette composition-ci leur est salutaire en tout temps : on broie & on crible une hemina tant de fenugrec que de graine de lin, une uncia tant de gomme adragante que d'encens mâle, de myrrhe, de sucre & de fleur de farine d'ers, après quoi on laisse infuser ces drogues pendant un jour dans de l'eau chaude, le lendemain on leur donne à la corne une cotyle de cette eau tiède, en y mêlant un cyathus d'huile rosat & on continue de leur en donner la même dose pendant plusieurs jours. Cette composition enlèvera la maladie, si elle est récente & y apportera quelque adoucissement si elle est invétérée. On ne donne jamais de potions trop amères dans ces sortes de maladies, de peur qu'elles n'irritent & ne décident la maladie : on n'en donne que de douces, de simples & de rafraîchissantes. Il faut aussi prendre garde de ne jamais tirer du sang dans cet état. Il y a bien des personnes qui se sont avisées de donner aux animaux pendant trois jours de la gomme adragante dans de l'huile & qui leur ont fait boire le troisième jour du vin dans lequel elles avaient fait bouillir des raiforts broyés, en y ajoutant pendant l'été une pastille rafraîchissante. Il y a diverses potions propres pour la toux, que nous avons crû devoir rassembler ici, sans en omettre aucune, afin que les Médecins choisissent à leur volonté suivant la nature des maladies. On fait infuser dans trois sextarii de vin fait avec du raisin séché au soleil, deux sextarii de farine de fèves grillées & on les broie très longtemps dans un mortier. On mêle trente grains de poivre broyés avec trois livres de suif de bouc & après avoir broyé & criblé le tout ensemble, on le fait prendre à la corne à l'animal pendant trois jours. Il y a des personnes qui jettent dans deux sextarii de vin épicé une hemina de fèves grillées & qui les broient bien trois jours après, pour lui faire prendre en trois jours par dose égale. D'autres aiment mieux faire infuser un sextarius de farine de fèves dans trois sextarii de vin vieux & le broyer avec une livre d'excellente huile pour lui faire prendre à la corne. Si la toux provient d'une rupture ou de la maladie qui rend les animaux vulfi, on commence par broyer de la grande consoude, ensuite on mêle avec un tiers de cette plante, deux tiers de jeune pariétaire & après avoir ajouté du vieux oing sur le tout, on broie ces drogues pour en faire des pastilles qu'on fait prendre aux animaux par nombre impair & de deux jours l'un, dans du beurre fondu & du miel. Quand la toux n'est pas encore violente, il y a un remède aisé & praticable dans les routes : il consiste à faire bouillir des porreaux, à les mêler ensuite avec de la pariétaire bien pilée pour en faire des pastilles que l'on roule dans un œuf brouillé, de l'huile de rose, du vin fait avec du raisin séché au soleil & du miel & que l’on donne aux animaux pendant trois jours, en leur donnant en outre à la corne le bouillon même des porreaux qu'on a fait cuire. On broiera aussi dans du vin vieux gros comme une fève de laser ; c'est-à-dire, de jus de Cyrène, pour le leur donner à la corne. On remédiera à la toux ainsi qu'aux pesanteurs de tête, en leur injectant pendant trois jours dans le naseau droit de l’huile de rose, ou au moins de l'huile commune, pourvu qu'elle suit verte avec de l'eau chaude.

 

 

CHAPITRE LXVI.

 

On croit qu'on peut conglutiner les entrailles des animaux qui sont vulfi avec ce remède-ci : on fait infuser à part dans de l'eau chaude deux unciae de gomme adragante & une hemina tant de fenugrec que de graine de lin, on broie en suite ces drogues ensemble & on les fait bouillir le lendemain dans un chaudron, après quoi on broie deux unciae de moelle de cerf, une livre de graisse de bouc, une uncia tant de racine de serpentaire que de gentiane, de centaurée & de suif de taureau, on ajoute ces drogues à celles que l'on avoir préparées d'abord & on met le tout dans un mortier où on le pile très longtemps. Enfin, on y ajoute trois sextarii de vin fait avec du raisin séché au soleil & l'eau dans laquelle on avait fait infuser le fenugrec ou la graine de lin & on fait bouillir le tout pour donner à la corne aux animaux cette potion pendant trois jours : elle soulagera ceux d'entre eux qui tousseront fort, ainsi que ceux qui seront vulfi. On fait bouillir l'extrémité d'un jambon de porc mâle qui fait gras jusqu'à ce que toute la chair se sépare des os & après avoir jeté de côté tous les os, on remet la chair dans un chaudron avec le bouillon qu'elle a servi à faire, trois sextarii de vin fait avec du raisin séché au soleil & un de ptisanne d'orge mondé, on y ajoute une semi-uncia de colle de taureau avec une demi hemina de vinaigre très mordant & on fait bouillir le tout jusqu'à ce qu'il soit réduit en gelée : on fait aussi bouillir à part trois unciae de gomme adragante avec une tant de graine de lin que de fenugrec & on les broie en y ajoutant aussi trois unciae de moelle de cerf & de suif de bouc : enfin quand on a fait chauffer le tout ensemble & qu'on l'a passe, on en fait une potion que l'on donne aux animaux à la corne pendant sept jours ou neuf, en prenant soin de la leur donner tiède & pour empêcher cette potion de s'épaissir, on y ajoutera du vin fait avec du raisin séché au soleil, avec de l'eau dans laquelle on aura fait bouillir les graines, en telle quantité qu'elle puisse rendre cette potion liquide. Il y a des personnes qui font bouillir une tête d'agneau jusqu'à ce que tout l'assemblage des os en soit dissous & après avoir jette de côté les os, elles la broient & ajoutent du miel dans le bouillon qu'elle a servi à faire, pour le faire prendre à la corne aux animaux pendant sept jours. Si la toux vient de la gorge, on broie bien trois unciae de myrrhe, une de cardamome & un sextarius tant d'amandes que de raisin sec, ensuite on fait bouillir ces drogues à petit feu après y avoir ajouté du miel en les remuant sur le feu. Lorsque cette composition est refroidie, on en fait des pastilles de la grosseur d'une noix, dont on donne trois par jour aux animaux pendant cinq jours ou sept avec du beurre. Quand la maladie vient de la gorge, on tue encore un poulet & on l'ouvre pendant qu'il palpite, on en retire le ventricule qu'on roule tel qu'il est & tandis qu'il est chaud dans du miel, sans ôter là fiente qui peut y être restée & on le fait avaler aux animaux : c'est un remède très sûr & immanquable. Si c'est l'irritation de la gorge qui excite la toux, on mêle & on broie bien ensemble, après quoi on fait bouillir deux unciae tant de myrrhe que de poivre, un sextarius de graine de lin grillée & broyée, une semi-uncia de cardamome, un sextarius tant de raisin sec que d'amandes & deux livres de miel, pour en faire des pastilles de la grosseur d'une noix, dont on donne trois par jour aux animaux.

 

CHAPITRE LXVII.

 

Voici comme on remédie à la toux qui provient de l’âcreté des humeurs : il faut d'abord purger le corps de l'animal qui en est attaqué ; on broiera donc à cet effet du concombre sauvage ou des racines de la même plante avec du nitre d'Alexandrie & après avoir ajouté du vin vieux avec ces drogues, on lui en fera prendre à la corne par la bouche. Lorsque cette potion lui aura lâche le ventre, on broiera au bout de trois jours quatre scrupules de scille violente avec laquelle on mêlera gros comme une fève d'excellent laser, en y ajoutant un sextarius de vin dans lequel il y ait des odeurs & une livre de vieille huile & quand on aura bien criblé le tout, on lui en fera prendre à la corne pendant trois jours. On apaisera encore cette toux par des fumigations aussi bien que par les potions. Ainsi on broiera ensemble trois unciae tant de sandaraque que de bitume de Judée, d'ail & d'oignon, après quoi on divisera la masse totale de ces drogues en trois portions égales, que l’on mettra sur des charbons pour parfumer pendant trois jours la bouche ou la tête de l'animal, après l'avoir couverte afin que l'odeur lui remplisse les naseaux : on aura néanmoins la précaution de lui bander les yeux, auparavant, de crainte que l'âcreté de ce médicament ne les offense. On broiera aussi une botte de marrube de telle grosseur qu'on jugera à propos & on en mêlera la poudre avec un œuf & du vin gras, en ajoutant de la graisse de cerf, ou, si l'on n'en a pas, de la graisse de mouton qu'on fera fondre avec de la cire, pour donner ce médicament à la corne à l'animal dans de veau tiède. On apaise la toux la plus grave en faisant bouillir des noix de cyprès bien épluchées & en y ajoutant de la graisse de poix avec de la grande consoude & de jeunes feuilles déparie taire, puis en broyant ensuite le tout dans un mortier, pour en faire des pastilles de la grosseur d'une noix, qu'on donne tous les jours aux animaux en nombre impair, après les avoir trempées dans des œufs, du miel, de l'huile & du vin fait avec du raisin séché au soleil. Si l’on veut au lieu de noix de cyprès mêler avec toutes les drogues que nous venons de nommer des feuilles même de cyprès broyées, on pourra faire par ce moyen une potion plus liquide qu'on leur donnera à la corne. Il y a bien des personnes qui ont donné cette potion-ci aux animaux dans tel genre de toux que ce fût : elles ont bien broyé une uncia tant de gomme adragante, que de myrrhe & de spica nard & leur ont fait prendre cette poudre pendant trois jours dans deux sextarii de vin fait avec du raisin séché au soleil.

 

CHAPITRE LXVIII.

 

Le remede contre l'irritation des artères & contre le spasme : broyez une livre d'hysope, une selibra tant de fenugrec que de graine de lin, de gomme adragante, de grande confonde & de rue verte avec une demi hemina de sel & faites bouillir ces drogues jusqu'à diminution des deux tiers dans du vin fait avec du raisin séché au soleil, pour en donner pendant trois jours à l'animal qui toussera & pendant neuf à celui qui sera vulfi. D'autres broient ensemble une uncia & demie de persil de Macédoine, une tant de carotte sauvage que de myrrhe, de spica nard, de costus & de gomme adragante infusée préalablement dans de l'hydromel tiède, d'acorus, de poivre & de sucre, deux de gomme Ammoniac & une de casse, pour en faire des pastilles avec de l'hydromel & ils donnent ces pastilles à l'animal malade avec du vin fait avec du raisin séché au soleil. Il faut pour remédier aux toux invétérées, à l'asthme, ou à la difficulté de respirer & à l’esquinancie, donner promptement aux animaux trois unciae de storax rouge, deux tant de myrrhe des Troglodytes[34] que de grande berce, d'iris d'Illyrie & de galbanum, trois de térébenthine & une de jusquiame : on mêle le tout ensemble & on le broie pour en faire des pastilles avec du miel. Outre cela on fait des pâtes avec une livre & demie de graisse de porc, quinze figues sèches, de la petite ésule bridée & réduite en cendre, une hemina d'excellent bouillon, une livre de miel & de feuilles de chou bouillies & on leur fait prendre ces pâtes dans du vin fait avec du raisin séché au soleil. Il y a des personnes qui broient une quantité égale de feuilles de lierre & de peuplier blanc & qui injectent ce remède dans les naseaux de l'animal avec du vin blanc. D'autres broient des feuilles de rue avec du miel & leur en injectent dans les naseaux avec d'excellent vin. Autres remèdes : on mêle avec du foin des feuilles de concombre sauvage & on broie la racine de cette plante pour la faire manger aux animaux, en la mêlant avec de la graine: de lin & de l'orge. On a trouvé par l'expérience que l'on guérissait la toux & l'asthme des animaux, en leur injectant dans le naseau gauche du soufre vif & du romarin, avec du miel & du vin vieux. Il y a des personnes qui leur versent dans la concavité du naseau gauche de la racine de panax broyée avec une hemina d'excellent vin & trois cyathi d'huile. Outre cela, on leur verse dans les naseaux pendant trois jours quatre scrupules de romarin & deux de myrrhe, avec un sextarius de vin vieux & une hemina d'huile, en partageant ce remède de façon qu'on n'en consomme qu'une hemina par jour. On leur fait prendre par la bouche un acetabulum tant d’aneth que d'iris d'Illyrie, un scrupule de rue & une demi hemina d'huile. On apaise aussi l'asthme & la toux en broyant bien un scrupule de racine de mûrier & trois unciae d’héliotrope qu'on fait prendre par la bouche aux animaux dans une hemina de vin blanc. On apaise également une toux récente par ce remède-ci, dont la vertu a été éprouvée : on fait moudre un sextarius & demi de lentilles pour en avoir de la farine très molle, dont on leur fait prendre par la bouche pendant trois jours une hemina par jour dans pareille mesure d'eau. On croit même qu'on vient à bouc de détruire une toux invétérée, en leur faisant avaler pendant plusieurs jours trois cyathi de jus de porreaux dans une hemina d'huile. On guérit ceux qui toussent ainsi que ceux qui sont vulfi avec cette potion-ci : on mêle ensemble & l’on réduit en poudre deux uncia de racine de panax, une de soufre vif, deux d'encens mâle & une de myrrhe des Troglodytes, pour leur en faire prendre par la bouche, pendant cinq jours ou sept, la valeur de deux cochléaria avec deux œufs, en y ajourant une hemina de vin vieux. On dit que c'est un remède approuvé par l'expérience, que de mêler dans de l'eau tiède de la cendre d'orme très légère, c'est-à-dire, de celle que le feu aura le plus consumée & d'y ajouter une dose égale de bonne huile, pour leur en faire avaler pendant le nombre de jours que l'on jugera à propos, en y ajoutant trois œufs.

 

CHAPITRE LXIX.

 

Voici une composition dont la vertu est très efficace contre la toux & contre les vomiques. On fait bouillir jusqu'à diminution de moitié dans une marmite propre une hemina de jus de marrube, vingt-cinq signes sèches & un sextarius & demi de miel Attique & de cumin, après quoi on broie en semble & on crible deux unciae de myrrhe des Troglodytes, une de carotte sauvage, une & demie de casse, une semi-uncia de cinnamome, une uncia d'encens mâle, deux d'aristoloche, une de grande berce, une & demie d'iris d'Illyrie & une de racine de panax & on jette ces drogues dans le bouillon fait avec le miel & les figues ; puis on les fait bouillir peu à peu à petit feu en les remuant avec soin, après quoi on les serre dans une boite de plomb ou de bois, pour en faire prendre tous les jours aux animaux deux cochléaria par la bouche avec une hemina de vin. C'est un remède excellent pour les animaux qui font vulfi ou pour ceux qui toussent, que de faire griller à part un sextarius tant de lentilles, que de fenugrec & de graine de lin & d'en faire une poudre pour leur faire prendre par la bouche la valeur d'un cochleare de chacune de ces drogues, avec du jus de grande consoude & de plantain, en y ajoutant la quantité de vin que l'on juge à propos.

 

CHAPITRE LXX.

 

Toutes les toux ont des causes différentes, aussi leur cure est-elle difficile & c'est la raison qui nous détermine à ne rien omettre des connaissances que nous avons acquises sur cette matière, soit d'après notre propre expérience, soit d'après celle des autres. On prépare donc cette potion pour un animal : on fait bouillir dans de l'eau, sans y mettre de sel, un sextarius de fèves grillées, comme on a coutume de faire quand on les prépare à l'usage des hommes. Outre cela, on fait bouillir à part dans un poêlon un sextarius de fenugrec dans de l'eau & quand cette première eau commence à bouillir, on la jette, après quoi on y ajoute cinq sextarii d'eau nouvelle, vingt figues sèches & deux unciae de réglisse & on fait bouillir ce mélange jusqu'à ce qu'il ne reste plus que quatre sextarii d'eau; alors on broie bien dans un mortier les fèves grillées & le fenugrec avec les figues sèches & la réglisse, en y ajourant en outre deux unciae tant de beurre que de suif de bouc bien fondus au feu. Quand le tout est bien mêlé & tiédi, on en fait avaler à la corne aux animaux plus d'une hemina par jour, en y ajoutant le bouillon qu'a rendu le fenugrec. Si l'on s'aperçoit que cette potion soit trop épaisse, on y ajoute la quantité de vin fait avec du raisin séché au soleil, nécessaire pour la rendre liquide au point de couler par la corne-Les peuples barbares ont trouvé, d'après les expériences qu'ils ont faites, un remède salutaire contre la toux. On ramasse de la racine de l'herbe appelée inula,[35] à laquelle bien des personnes donnent le nom de Campana & on la fait sécher à l'ombre : ensuite on la broie pour la réduire en poudre, puis on fait infuser un jour d'avance trois grands cochléaria de cette poudre, chacun dans un sextarius de vin vieux & quand on l’a bien remuée, on bouche le vase qui la contient de peur que l'odeur de cette herbe salutaire ne s'exhale; ensuite on en fait prendre aux animaux par la bouche pendant trois jours, ou pendant tel nombre de jours que l’on juge à propos. Voici encore d'autres remèdes : on fait bouillir une hemina tant de lentilles d'Alexandrie que de fenugrec & de graine de lin & on ajoute à ces drogues une uncia & demie de gomme adragante qu'on a fait infuser la veille dans de l'eau tiède, avec trois de grande consoude bien pilées & après avoir broyé le tout dans un mortier, on le fait bouillir dans un poêlon propre avec trois sextarii d'eau, ensuite on fait prendre par la bouche aux animaux le tiers de ce mélange tiède, avec un sextarius de vin fait avec du raisin séché au soleil, pendant trois jours consécutifs. On croit que ce remède guérit ceux d'entre eux qui sont vulfi. Lorsqu'un animal est fatigué par une toux: occasionnée par des plaies dans la gorge, on mêle dans un sextarius de vin fait avec da raisin séché au soleil une uncia d'iris d'Illyrie, une semi-uncia de poivre noir, un scrupule de sucre, une semi-uncia tant de myrrhe des Troglodytes que de fleur de farine d'encens & une uncia de gomme adragante préalablement infusée & broyée avec cinq œufs & on leur fait avaler ce remède à la corne pendant trois jours. Ensuite on mêle du beurre, de la graisse de porc, du sel & de la poix pour en faire des boulettes, qu'on leur donne après les avoir faussées dans du vin fait avec du raisin séché au soleil. Si la toux vient de l'intérieur du corps, on mêlé une hemina de ptisanne d'orge mondé avec un cyathus de vin cuit jusqu'à diminution de moitié, pour leur en donner pendant trois jours. Si un animal tousse bien fort, on fait bouillir ensemble un sextarius de fèves grillées & bouillies, trois unciae de suif de bouc & trois gousses d'ail & on broie ces drogues dans un mortier pour lui en donner avec du vin fait avec du raisin séché au soleil. Mais voici un remède qui guérie ceux qui sont vulfi, ainsi que ceux qui ont quelque rupture dans le corps : on fait bouillit dans de l'eau jusqu'à diminution de moitié un sextarius de fenugrec avec vingt figues sèches, une botte d'ache de marais & une de rue, en y ajoutant, ensuite trois unciae tant, de gomme adragante fondue que de grande consoude broyée & d'ail, après quoi on broie le tout» & on en fait de petites pâtes de la grosseur d'une noix qu'on leur donne pendant trois jours au nombre de trois, de cinq ou de sept par jour.

 

CHAPITRE LXXI.

 

LA gale est une maladie qui rend les animaux difformes & qui les met quelquefois en danger, d'autant qu’elle est contagieuse & que plusieurs la gagnent. Quand elle commence à paraître, il ne faut pas la prévenir par des remèdes, de peur que, ne trouvant plus d'issue à travers la peau, elle ne se fixe dans les entrailles & ne se convertisse en maladie. Mais dès que l'éruption sera faite, on commencera par purger le ventre, en faisant avaler & l'animal de la poudre de concombre sauvage dans du, vin, ou au moins en lui donnant avec son orge une grande quantité de cette plante coupée par morceaux. Lorsqu'il aura été ainsi purgé méthodiquement, on lui tirera au bout de trois jours un peu de sang de l'encolure, si sa tête & son col sont infestés de la gale ; au lieu que si c'est le dos, les épaules ou la poitrine qui le soient, on lui en tirera des petits bras & lorsque la démangeaison occasionnée par la chaleur des boutons aura gagné l'épine du dos, les reins ou les cuisses, on lui en tirera des veines du fémur. On broie ensemble dans du beurre une dose égale de bitume de Judée, de soufre vif & de paix liquide, pour oindre tout le corps de l’animal en le frottant très longtemps au soleil. On fait bouillir ensemble un sextarius de vinaigre mordant & quatre unciae tant de poix que de gomme de cèdre, pour en frotter avec beaucoup de soin l'animal attaqué de cette maladie, en joignant à ce médicament de l'urine humaine coupée avec de l'eau chaude : à cet effet, on attache une éponge au bouc d'un bâton & on apporte le médicament au soleil, on broie ensemble le bitume de Judée & le soufre, en y ajoutant une dose égale de graisse de porc & de vieille huile &, après avoir fait bouillir le tout, on en frotte l'animal au soleil. On broie & l’on fait bouillir ensemble une livre de graisse, deux unciae de soufre vif, une de bitume, une selibra d'huile & deux cyathi de poix liquide & on le frotte de la manière que nous venons de l'exposer. Broyez & faites bouillir ensemble quatre scrupules de vieille urine humaine & de lie, une selibra de cru tin de brebis, une hemina d'huile, trois unciae de soufre vif & trois cyathi de poix liquide & frottez-en l'animal une fois par jour à l'ardeur du soleil. Vous mêlerez deux livres de bitume, une selibra de soufre vif, une livre de cire & mie selibra de manne d'encens avec de l'huile dans laquelle vous aurez fait préalablement bouillir une botte d'orcanette & vous vous servirez de cet onguent pour frotter l'animal au soleil. Autres remèdes : si l'animal n’a pas toutes ses forces, vous faites bouillir des grenouilles dans de l'eau & vous ramassez la graisse qu'elles ont rendue, vous la mêlez avec de la fleur de farine, des petites lentilles, de la graisse & de l'huile & vous vous servez de ce médicament quand il est tiédi pour l'en frotter. Voici encore d'autres remèdes : vous lavez & vous broyez des racines de concombre sauvage, vous les faites bouillir dans un poêlon propre avec une quantité suffisante d'huile pour vous en servir au besoin. Le soufre bouilli dans du vin est également bon. Si la galle est devenue dure par son ancienneté, il faut commencer par la ratisser au vif, soit avec un fer, soit avec des briques & frotter en outre l'animal avec de l'urine humaine coupée avec de l'eau de mer ou de l'eau salée. Ensuite on broiera une livre tant de soufre que de bitume, de poix liquide, de vieux oing, de suif de chèvre, de cire & d'alun de plume & après avoir mêlé ces drogues ensemble, on les fera bouillir & l'on en frottera l'animal au soleil. On fera bouillir des feuilles de laurier-rose dans de vieille urine, en y ajoutant de la poix liquide, du vinaigre & de la cire. C'est un remède infaillible d'après les expériences qu'on en a faites. Mais il ne faut pas oublier que tel onguent que l’on employé, il faut toujours en frotter l'animal très longtemps au soleil & à contrepoil.

 

CHAPITRE LXXII.

 

Quand le foin se trouve gâté par quelque accident ou qu'il est moisi, il fait autant de mal aux animaux qu'en pourrait faire du poison : voici les symptômes qui annoncent qu'ils en ont mangé de tel, ils ont les yeux hagards & toujours brillants & leur démarche même est peu assurée. Il faut leur tirer du sang de la veine-mère & des petits bras & leur donner en potion des figues sèches qui aient été d'abord bouillies dans du vin dans lequel il y ait des odeurs & ensuite broyées : on leur retranchera l'orge & le foin & on leur donnera des potions diurétiques.

 

 

CHAPITRE LXXIII.

 

ON traite, par une méthode semblable, ceux qui sont incommodés pour avoir mangé trop d'orge ou pour en avoir mangé de mauvais, avec cette différence qu'on tient de plus ceux-ci très longtemps dans l'eau froide, en leur faisant remonter le cours d'un torrent. Le remède pour l'un & l'autre de ces accidents consiste à broyer la pellicule du ventre d'un poulet séchée à la fumée & à la leur faire prendre par la bouche avec huit scrupules de poivre, quatre cochléaria de miel, une uncia de fleur de farine d'encens & un sextarius de vieux vin tiède.

 

CHAPITRE LXXIV.

 

Quand un animal est fasciné, il est triste, il a l'allure pesante, il maigrit ; & si on ne le secourt point, il tombe malade. On lui injectera donc dans les naseaux un peu de bitume & de soufre avec des graines de laurier dans de l'eau. Outre cela on portera autour de lui sur des charbons de la coriandre en nature ou en graine, avec du soufre & du bois gommeux de pin, qu'on arrosera d'eau bouillante pour lui faire des fumigations. Ces sortes de fumigations servent de remède à tous les quadrupèdes, les guérissent & résistent à leurs maladies.

 

CHAPITRE LXXV.

 

Voici une potion qui soulagera toutes les infirmités & toutes les maladies, soit des chevaux soit des bœufs, quand elle leur sera donnée avant que la maladie ait fait des progrès. On met dans de l'eau de la racine de scille avec de la racine du peuplier, qui porte en Grec le nom de ῥάμνος,[36] parce qu'elle est brune & rougeâtre & une quantité suffisante de sel commun & on fait boire cette eau aux animaux jusqu'à ce qu'ils soient guéris. Si on veut prévenir des maladies désespérées & empêcher que ses animaux n’en gagnent jamais de telles, on leur préparera cette potion au commencement du Printemps, & on la leur fera prendre pendant quatorze jours consécutifs.

 

 

CHAPITRE LXXVI.

 

Mais il faut enseigner la méthode de donner ces potions elles-mêmes, d'autant qu'il arrive souvent que les animaux en buvant toussent, suent beaucoup, ressentent un tremblement dans tous les muscles, soufflent même & tiennent la tête baissée sans pouvoir presque se soutenir. C'est ce qui arrive, lorsque celui qui leur administre les potions ignore son art au point d'en laisser pénétrer dans les artères & dans les parties du poumon qui servent à la respiration, de façon que l'animal courre, dès le moment même, un danger réel. Il faut donc observer de ne jamais donner de potions à un animal qui tousse & dont la trachée artère est ouverte, mais il faut commencer par le détacher, le faire promener un peu & le soulager par cette potion-ci plutôt que par toute autre : on racle de l'huile rosat avec de l'eau, chaude en l'agitant & on lui en fait prendre souvent par la bouche. On lui fomentera aussi les naseaux avec de l'oxycrat au pouliot, pour corriger cette mauvaise disposition, il faut aussi avoir sein de lui retrancher l'orge & la boisson, afin qu'il puisse digérer les potions qu'on aura à lui donner.

 

CHAPITRE LXXVII.

 

IL arrive souvent que les animaux sont mordus par des bêtes venimeuses, c'est-à-dire, par des couleuvres, des scorpions, des tarentules & des orvets, ce qui met leur vie en danger. Voici les symptômes de ces accidents : ils ont du dégoût pour la nourriture, ils traînent les pieds; & lorsqu'on les fait marcher, ils bronchent à chaque pas, il leur copie de la sanie par les naseaux, il leur survient une telle pesanteur dans la tête qu'elle tombe à terre & les forces du corps leur manquent, soit qu'ils aient à se lever, soit qu'ils aient à marcher. Voici un traitement qui les soulagera dans tous les cas : on fera avant tout une fumigation à la partie qui aura été piquée, en brûlant des coquilles d'œufs de poule que l'on aura préalablement fait infuser dans du vinaigre, avec de la corne de cerf & du galbanum. Après cette fumigation on scarifiera la plaie même & on en fera sortir le sang, ou du moins on brûlera avec un fer chaud les parties qui auront été couchées par la bête venimeuse. Il faudra cependant prendre garde de ne jamais appliquer le cautère, en telle circonstance que ce soit, sur les articulations ou sur les parties nerveuses, parce que, si l’on venait à brûler les nerfs ou les articles, il en résulterait une faiblesse habituelle à l'animal. Mais, quand il sera nécessaire d'avoir recours aux cautères, on aura l'attention de les appliquer un peu au-dessus ou au-dessous du siège des nerfs ou des articles. D'ailleurs il est: bon de faire suer un animal qui aura été piqué par une petite bête venimeuse & de le faire promener en l'enveloppant de couvertures chaudes, comme de lui donner pour sa nourriture de la farine d'orge, à laquelle on ajoutera des feuilles de frêne & de couleuvrée. Il faut aussi appliquer sur ta plaie du miel Attique ou du cumin mêlé dans du vin vieux qu'on fera, chauffer. Il y a des personnes qui mêlent avec du vin de la fiente de porc nouvelle & du miel Attique & qui font chauffer ce mélange pour l'appliquer en forme de cataplasme, en y ajoutant de l'urine humaine.

 

CHAPITRE LXXVIII.

 

Si un cheval a mangé une bupreste cachée dans son foin ou dans les pâturages, on voit aussitôt paraître ces symptômes-ci : le ventre lui enfle, il fuit la nourriture & rend fréquemment des crottins menus. Il faut aussi tôt l'enharnacher & le forcer de courir. Ensuite on lui piquera la veine du palais légèrement, afin qu'il avale son sang à mesure qu'il coulera, on le fera promener habituellement & on lui donnera à manger du froment infusé dans du vin fait avec du raisin séché au soleil & des porte aux. On lui fera boire à la corne du vin tiède dans lequel on aura bien broyé du raisin sec.

 

CHAPITRE LXXIX.

 

Lorsqu'une vipère a mordu un animal, il sort communément du pus de la plaie, parce que, si la vipère est pleine,[37] tout son corps se crève. Il y a cependant un remède commun contre les morsures soit de la vipère, soit de la tarentule ou du musaragne, qui consiste à mêler avec du vin de la terre d'une fourmilière & à la faire avaler à l'animal, ou du moins à frotter très fréquemment ses plaies avec cette terre. On croit aussi que la terre des taupinières peut être bonne pour ces sortes de maladies. Si cet accident arrive à un animal en route ou dans des lieux où l'on ne trouve point de ces médicaments, on lui fera avaler trente grains de poivre dans un sextarius de vin vieux tiède. On croit aussi qu'il est bon de donner à un animal, en pareil cas, du thym broyé dans du vin. On s'aperçoit qu'un animal a été mordu d'une vipère ou d'un serpent quelconque, lorsque la plaie commence à rendre une humeur putride. Il y a un remède très efficace qui consiste à tuer à l'instant soit un bouc, soit un coq ou un agneau & à appliquer sur la plaie les poumons chauds de ces animaux, avec leur sang, ou leur cœur, ou leur foie, en les y attachant bien, afin qu'ils attirent tour le virus, après quoi on donnera aussitôt cette potion-ci à l'animal mordu : on mêle ensemble une semi-uncia d'acorus du Pont broyé dans un sextarius de vin vieux & une hemina de sel égrugé, pour lui faire avaler ce médicament tiède. Si l'enflure ne diminue point, on brûle une grande quantité de couleuvrée sauvage, pour faire avec les cendres de cette plante une lessive dont on fait une potion, qu'on lui donne pendant trois jours à la mesure d'un sextarius. On applique aussi sur la plaie en forme de cataplasme la cendre même de couleuvrée avec du vinaigre. Si ces remèdes ne font aucun effet, on la brûle avec des cautères & l'on traite à l'ordinaire les parties auxquelles on a mis le feu. Il faut encore mettre sur la cicatrice de ta farine d'orge bouillante avec du vin, du sel & de l'huile.

 

 

CHAPITRE LXXX.

 

Si un animal a mangé un musaragne caché dans son fourrage, on le reconnaîtra à ces symptômes-ci : tout son corps s'enflera, mais il paraîtra autour de ses oreilles, de ses yeux & de ses naseaux un gonflement plus considérable qu'ailleurs & qui sera accompagné d'irritation. Voici comme on remédiera à cet accident : on lui tirera du sang du palais & on recueillera ce sang pour le mêler avec un sextarius de vinaigre & une hemina de sel & en frotter les entours de la plaie ou des parties gonflées. D'ailleurs on le couvrira bien pour le faire suer : ce sera le moyen de le guérir.

 

CHAPITRE LXXXI.

 

Si une tarentule a piqué un animal, on s'en apercevra à ces indices-ci : la douleur lui raidira le membre & on remarquera qu'il aura envie d'uriner. Voici le remède qu'on apportera à cet accident : on broiera une uncia tant de poivre que de pyrèthre & de raisin sauvage, pour la lui faire avaler dans du vin vieux.

 

CHAPITRE LXXXII.

 

LE musaragne est un animal venimeux & aussi funeste aux chevaux qu'aux bœufs. C'est pourquoi, quand on en aura pris un, on le fera mourir en le plongeant dans de l'huile dans laquelle il tournera en pourriture & lorsqu'un de ces animaux aura été mordu, on appliquera ce genre de médicament sur la plaie & il en guérira : ou, si on n'en peux point attraper, on mêlera du cumin broyé avec de la poix liquide & de la graisse de porc, pour faire cuire ce mélange jusqu'à ce qu'il ait acquis l'épaisseur d'un malagme & quand on l'aura appliqué sur la plaie, l'animal sera délivré & guérira. Si la plaie est tournée en suppuration, il faut l'ouvrir avec une lame de fer rouge, en brûlant toute la corruption qu'elle contient & la panser ensuite avec de la poix liquide & de l'huile. Mais pour empêcher qu'un animal ne soir, mordu d'un musaragne, on en couvrira un tout vivant d’argile & quand cette argile sera séchée, on le suspendra au col de l'animal & il ne sera jamais mordu : c'est un fait très certain. On regarde comme un spécifique contre la morsure de cet animal un mélange d'ail broyé avec du nitre, ou, à défaut de nitre, avec du sel & d cumin, dont on frotte les membres qui ont été mordus. Si les plaies envenimées sont ouvertes, on réduira en poudre de l'orge brûlé & après l'avoir délayé dans du vinaigre on en arrosera la plaie & ce remède suffira pour la guérir. On donnera ensuite en potion à l'animal mordu de la fleur de froment, de l'orge & de la gomme de cèdre avec un sextarius de vin. Voici les symptômes auxquels on reconnaîtra si la musaragne qui aura mordu un animal était pleine. Il s'élèvera des pustules sur tout son corps : on ne le traitera pas néanmoins dans ce cas-là d'une autre manière que celle que nous avons exposée ci-dessus.

 

CHAPITRE LXXXIII.

 

Lorsqu’un scorpion a piqué un animal, on le reconnaît à ces symptômes-ci : ses genoux se resserrent, il boite, il ne mange point, ses naseaux rendent une pituite verte & quand il est couché il a de la peine à se lever. On traite cette piqûre comme la morsure du serpent & de la vipère : il faut cependant, en outre, appliquer promptement sur la plaie de ta fiente d'âne.

 

 

CHAPITRE LXXXIV.

 

LA morsure d'un chien enragé est assez souvent funeste aux animaux ainsi qu'aux hommes, jusques là qu'elle rend hydrophobes ceux à qui cet accident est arrivé & que cette hydrophobie se convertit en rage. Voici comme on les en guérit : on brûle la partie du corps qui a été mordue avec des cautères de fer, ou, ce qui vaut encore mieux, avec des cautères de cuivre, on met l'animal dans un lieu ténébreux & on l'y attache même de façon qu'il ne voie point d'eau. Si on peut venir à bout de tuer le chien même qui l'a mordu, on lui en fera manger le foie bouilli, ou on le lui fera avaler après l'avoir broyé. On brûlera aussi de la fleur de foin que l'on broiera dans du vieux oing pour appliquer sur la morsure : c’est un remède très salutaire. Mais, il y a un remède singulièrement bon qui consiste à arracher de terre de la racine de cynorrhodon, c'est-à-dire de l'herbe connue sous le nom de rosa canina[38] & à l'appliquer sur la plaie, de l'homme ou de l'animal qui auront été mordus d'un chien enragé, après l'avoir bien lavée & bien broyée, en leur donnant tous les jours à boire du vin vieux dans lequel on aura broyé cette racine. C'est le seul moyen de les empêcher de devenir hydrophobes & de les garantir du danger dont ils sont menacés. On remédie aux morsures d'un chien enragé en faisant avaler pendant trois jours à l'animal qui aura été mordu, trois scrupules de nitre & un de bitume de Judée broyé dans une hemina de vin vieux tiède. On exprimera aussi des baies, ou des feuilles, ou de l'écorce de sureau dans du vin vieux qu'on lui fera boire. Mais cette potion n'est efficace qu'autant qu'on y emploie du sureau qui n'est point venu en pleine terre, mais sur un autre arbre.

 

CHAPITRE LXXXV.

 

Si un animal a mangé de la fiente de poule cachée dans son orge, ou qu'il en ait avalé avec son foin, il est aussitôt tourmenté comme s'il avoir été piqué par des bêtes venimeuses, il lui survient une douleur & une enflure dans l'intérieur du corps & il se roule & tousse fortement, comme il ferait dans le strophus.[39] Pour remédier à cet accident, on broie deux unciae de graine d'ache de marais, que l'on fait tremper dans un sextarius de vin vieux & une hemina de miel pour lui faire avaler & on le force de se promener jusqu'à ce que cette potion lui ait lâché le ventre. S'il survient une trop grande douleur & même une raideur dans le corps, on broie bien & on mêle ensemble une livre de baies de laurier, une selibra de nitre, deux sextarii de vinaigre & un d'huile & on fait chauffer ces drogues pour l'en oindre pendant trois jours dans un lieu chaud, en le frottant bien à contrepoil, à l'effet de lui procurer une guérison sûre par les sueurs. L'expérience a fait découvrir un remède naturel contre cet accident : il consiste à tuer un poulet ou une poule & à en faire avaler à un cheval ou à un mulet le ventre cru & encore chaud avec la fiente qu'il contient, après l'avoir enveloppé de miel. On imagine que ce remède est très bon. On allure qu'on guérit très bien les mêmes accidents en broyant trois pilules de gyp dans du vin vieux qu'on leur fait boire tiède. On vante encore comme un remède naturel & très salutaire, de mêler avec de l'huile de la cendre de lessive d'orme ou de telle autre espèce de bois que ce soit, pourvu néanmoins que cette cendre soit bien criblée & de leur faire avaler ce mélange liquide & tiède.

 

 

 

Fin du troisième Livre.

 

 

 


 

[1] Notre Auteur paraît avoir ici en vue un passage du poète Aratus dans un de ses ouvrages intitulé Phœnomena, mais il exagère la pensée de ce poète, en lui faisant dire que la Justice est restée sur la terre pendant qu'il s'y commettait des homicides & qu'elle ne l'a quittée que lorsqu'on a commencé à tuer des bœufs. Voici le passage d'Aratus tel qu'il est : la génération d’airain des premiers hommes est une génération d'hommes destructeurs : ce sont eux qui ont commencé à fabriquer les glaives malfaisants & qui ont goûté de la chair des bœufs occupés au labour, aussi la Justice violée alors a-t-elle pris en aversion cette génération.

[2] Voyez le chap. II, Livre I.

[3] οὐ χανὴς veut dire stupide ; en effet un des symptômes de cette maladie est d'avoir les yeux hébétés & entrouverts.

[4] C'est peut-être l'espèce de casse que Dioscorides; I, 12, appelle γέζερ, à moins que ce ne soit une composition de pastilles, dont la connaissance ne nous est point parvenue.

[5] Ces trois mots sont le nom de trois différentes plantes dans le Dictionnaire de l'Emery.

[6] Apparemment pour qu'ils ne puissent pas trépigner des pieds contre terre.

[7] Les Médecins l'appellent aussi épiphore.

[8] C'est le grand raifort.

[9] Nous lui donnons également le nom de bupreste.

[10] Le murmure de l'eau qui coule lentement ferait-elle naître à un animal l'envie d'uriner & le mettrait-elle dans le cas de cet homme ivre qui, se trouvant la nuit auprès d'une fontaine, croyait uriner en prenant le bruit formé par la chute de cette eau pour celui de son urine?

[11] Les Anciens divisaient la Sarmatie en Asiatique & Européenne. La Sarmatie Asiatique était séparée de l'Européenne par le Tanis & celle-ci était divisée par le Borysthène en deux parties : celle qui était entre ce fleuve & la Vistule porteur le nom de Sarmatie Germanique & celle qui était en-deçà du Borysthène conservait le nom de Sarmatie Européenne & renfermait la petite Scythie. Aujourd'hui ce pays est presque entier dans les bornes qu'on donne communément à l'Europe. Les peuples de ce pays n'avaient pas d'autres habitations que leurs chariots & ils se nourrissaient du sang de leurs chevaux mêlé avec le lait de leurs cavales.

[12] Quoique l'usage usuel de ferrer les pieds des chevaux soit peut-être ce qui contribue le plus à la santé de ces animaux & ce qui leur fait rendre le plus de service, il paraît néanmoins que les anciens ne le connaissaient point, puisqu'il n'en est fait mention dans aucun Auteur, soit rustique, soit hippiatre & que cependant ces Auteurs ont donné les préceptes les plus détaillés sur la manière de conserver & d'endurcir la corne du pied des chevaux, comme sur les maladies auxquelles elle est sujette.

En vain objecterait on contre cette conjecture qu'on lit dans Xénophon περὶ ππικς, un partage qui semble lignifier qu'il fallait munir de fer les pieds des chevaux : car il est constant que ces mots de Xénophon περιχηήλωσαι σιδήρῳ ne doivent point se rapporter à la corne du pied des chevaux ; mais aux pierres sur lesquelles on plaçait ces animaux, lesquelles pierres devaient être renfermées dans un badin de fer, de peur qu'elles ne s'écartassent. C'est ce dont on peut se convaincre en lisant avec réflexion le passage entier de Xénophon. En effet, cet Auteur après avoir exigé, au commencement de l'ouvrage que nous citons, que la corne du pied d'un cheval fût dure, creuse & par conséquent sonore, veut que l'écurie ou on le met soit pavée de pierres d'une grandeur presque égale à celle de la sole de son pied. Il veut même que la place, qui précède l'écurie, soit pavée de la même manière, afin que, lorsqu'on fera sortir le cheval pour l'étriller, il s'endurcisse l'ongle en frappant du pied contre ce pavé. C'est donc en parlant de ce pavé qu'il exige qu'il soit taillé par les côtés sans être pointu & qu'il soit comme entouré d'une règle de fer de peur qu'il ne s'écarte termes qu'on ne peut certainement entendre que des pierres qui composent ce pavé & non pas des ongles du cheval, que l'Auteur veut que cet animal endurcisse à force de frapper souvent du pied sur ces pierres. Il ajoute même ailleurs qu'outre la dureté que la sole du cheval acquerra par là, le frottement continuel de ces pierres, qui feront rondes, l'arrondira aussi, ce qui n'arriverait pas si elle était munie d'un fer. Il paraît donc constant que les anciens chaussaient, à la vérité, les pieds des chevaux, mais qu'ils ne les ferraient point & Scaliger observe que les Grecs se servaient pour exprimer cette chaussure, du mot ὑποδεδέσθαι, qui était usité pour les hommes, parce que cette chaussure enveloppait également le pied des animaux, ce que ne peut point faire le fer.

En vain objecterait-on encore qu'Homère donne aux chevaux le nom καλκόποδας, puisque ce mot doit s'entendre de la force de leurs pieds, & non pas de leur revêtement en cuivre. Ce Poète les appelle aussi ἐπιγδοῦπους & ὑψεχέας dans le même sens que les Poètes Latins les appellent sonipedes mais tous ces ternies signifient seulement que la corne de leurs pieds doit résonner sur le pavé à force d'être dure & creuse. Si Pline 33, 11, parle des soles, c'est à-dire, des bottines d'or, dont Poppée, femme de Néron, chaussait les mules, plus luxurieuse sur cet article que son mari même qui ne les chaussait qu'en argent, comme le raconte Suétone Chap. XXX, on peut dire que ces chaussures n'étaient rien autre chose que des tissus de fil d'or ou d'argent que l'on attachait aux pieds des chevaux, soit par luxe, soit lorsque l'inégalité d'un chemin le requérait. C'est ce qu'on voit par un passage de Suétone dans la vie de Vespasien, Chap. XXIII. Le muletier de ce Prince l’avait arrêté au milieu d'une route pour chausser ses mules, mais ce Prince soupçonnant que ce n’était qu'un prétexte de sa part pour donner à un plaideur le temps de lui parler de son affaire, lui demanda combien, il avait reçu d'argent pour les chauffer & exigea une partie de la somme qu'il avait reçue. On voit donc par ce trait d'histoire que ce muletier avait prétexté, pour arrêter le Prince, que le chemin était rude ou poudreux, comme pour ménager la corne du pied de ses mules, puisque, s'il eût été question d'une mule qui fût déferrée par accident, il n'aurait point prétexté le besoin de panser ses mules, mais celui de panser une mule.

[13] Cf. le chap. XLVIII du Liv. II.

[14] Voy. dans le chap. XXVIII du liv. IV, quelles font les drogues qui entrent, dans la composition de ce remède.

[15] Ce mot paraît annoncer que le miel était le fondement de ce remède, dont nous ne trouvons de vestige nulle part ailleurs.

[16] Ces robes étaient en effet appelées syrma en Latin, ou σύρμα en Grec, du mot σύρω qui veut dire traîner.

[17] Voy. le chap. LXIX, Liv. II.

[18] Parce que l'animal attaqué de cette maladie paraît avoir une aliénation d'esprit.

[19] Nous ignorons quelle peut être l'étymologie de ce mot.

[20] Voy chap. II, Liv. I.

[21] Ce mot vient de robur, qui veut dire bois de robre.

[22] Les Médecins d'aujourd'hui donnent aussi le nom de tétanos à une maladie des hommes qui a de la ressemblance avec celle-ci : ce mot vient de celui de τείνειν qui veut dire tendre.

[23] Ce qui ne manquerait pas d'arriver, si les nerfs s'endurcissaient dans cette partie.

[24] Voy. chap. VI, livre II.

[25] Voy. la description de cette maladie dans le chap. XXIV du Liv. III.

[26] Ce mot vient d'ὀπισθέν, qui veut dire en arrière & de τείνειν qui veut dire tendre.

[27] Voy. chap. XLIII, Liv. I

[28] Les anciens croyaient que le siège ordinaire de la colique était l'intestin colon, qui lui a donné le nom qu'elle porte encore.

[29] Voy. la description de cette maladie dans le chapitre XXIV.

[30] Comme les anciens croyaient que c'était dans le foie que le sang se formait (chap. LV), ils s'imaginaient en conséquence que tous les membres vasculaires qui sont du côté du foie avaient une communication intime avec ce viscère, mais il est prouvé qu’il n'y a pas d'autre communication entre le foie & le testicule droit, que celle qui consiste à être contenus l'un & l'autre dans le péritoine.

[31] C'est le colon.

[32] Nous ignorons ce que c'est que ce venaculum, à moins que ce ne soit le far venaculum de Columelle, chap. VI, liv. IX.

[33] Ce mot vient de vellere, qui veut dire arracher.

[34] Voy. chap. XXII, Liv. II.

[35] C'est de l'aunée, que nous appelions de même Enule Campane.

[36] Nous ne connaissons point le peuplier qui porte un nom pareil. L'Emery donne dans son Dictionnaire le nom de Rhemnus au paliure, au buisson ardent & au nerprun.

[37] Remarquez que lorsque la vipère est pleine, elle est plus irritée.

[38] Nous l'appelions aussi rose de chien.

[39] Voy. chap. XLIII, liv. I