VARRON
DE LA LANGUE LATINE
DE LINGUA LATINA
LIVRE VII.
Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
Relu et corrigé
1. ... repens ruina operuit, ut si verbum quod conditum est e quibus litteris oportet, inde posquamt aliqua dempta sit, obscurior fiat voluntas impositoris. Non reprehendendum igitur in illis qui, in scrutando verbo litteras adiiciunt aut demunt, quo id facilius quod sub ea voce subsit, videre possnit. Ut enim facilius obscuram operam Myrmecidis ex ebore oculi videant, extrinsecus admovent nigras setas.
|
1. …… La forme primitive disparaît; de sorte que, en perdant une ou plusieurs des lettres qui le composaient, un mot devient méconnaissable, et ne permet plus de retrouver, sous ses ruines, les traces de son origine. Il ne faut donc pas blâmer ceux qui, pour éclaircir la signification cachée d’un mot, y ajoutent ou en retranchent des lettres, de même que, pour aider les yeux à voir plus distinctement les petits ouvrages de Myrmécide, on les entoure extérieurement de soies noires.
|
2. Quom haec adminicula addas ad eruendum voluntatem impositoris, tamen latent multa. Quodsi poetice quae in carminibus servavit multa, prisca quae essent, sic etiam quor essent posuisset : fecundius poemata ferrent fructum. Sed ut in soluta oratione, sic in poematis verba non omnia, quae habent ἔτυμα possunt dici, neque multa ab eo, quem non erunt in lucubratione litterae prosecutae, multum licet legeret. Aelii hominis in primo in litteris Latinis exercitati interpretationem Carminum Saliorum videbis et exili littera expeditam et praeterita obscura multa.
|
2. Cependant, malgré les efforts des grammairiens pour réparer ce que le temps a détruit, les mots d’une origine obscure ne laissent pas d’être très nombreux. Si les poètes, qui ont conservé beaucoup de mots anciens, en avaient en même temps expliqué la signification primitive, la lecture de leurs ouvrages serait infiniment plus utile; mais, en vers comme en prose, il n’est pas possible de rendre raison de tous les mots; et même en lisant beaucoup, si la lecture n’est pas accompagnée d’une profonde étude de la grammaire, on ne doit pas espérer de faire de grandes découvertes. Un des plus savants grammairiens latins, Aelius, a essayé d’interpréter les Saliens; mais combien cette interprétation est superficielle! Que de mots anciens dont l’origine lui est restée cachée! |
3. Nec mirum, quom non modo Epimenides sopore post annos L experrectus a multis non cognoscatur, sed etiam Teucer Livii post XV annos ab suis qui sit ignoretur. At hoc quid ad verborum poeticorum aetatem? quorum si Pompili regnum fons in carminibus Saliorum, neque ea ab superioribus accepta, tamen habent DCC annos. Quare quor scriptoris industriam reprehendas qui herois tritavum, atavum non potuerit reperire, quom ipse avi, tritavi matrem dicere non possis? quod intervallum multo tanto propius nos, quam hinc ad initium Saliorum, quo Romanorum prima verba poetica dicunt prolata.
|
3. Cela n’a rien d’étonnant, puisque non seulement Epiménide, après avoir dormi pendant cinquante ans, ne fut reconnu, à son réveil, que par un petit nombre de personnes, mais encore Teucer (dans la tragédie de Livius) ne fut reconnu, après quinze ans, par aucun des siens. Or, qu’est-ce qu’un espace de quinze ans et même de cinquante ans, comparé à l’âge des mots poétiques? En admettant même que les chants des Saliens ne remontent pas au-delà du règne de Numa, nous ne comptons pas moins de sept cents ans. Comment oseriez-vous reprocher à un écrivain de ne pas connaître le quadrisaïeul ou le père du quadrisaïeul d’un homme célèbre, puisque vous-même vous ne sauriez nommer la mère de votre aïeul ou du père de votre quadrisaïeul? Or cette époque, où ne peut atteindre votre mémoire, touche à peine à la moitié du temps qui nous sépare de l’époque où furent composés les chants Saliens et les premiers essais de la poésie romaine.
|
4. Igitur de originibus verborum qui multa dixerit commode, potius boni consulendum, quam qui aliquid nequiverit reprehendendum ; praesertim quom dicat etymologice non omnium verborum posse dici causam, ut a qua re res utilis sit ad medendum medicina. Neque si non norim radices arboris, non possem dicere pirum esse ex ramo, ramum ex arbore, eam ex radicibus quas non video : quare qui ostendit equitatum esse ab equitibus, equites ab equite, equitem ab equo, neque equos unde sit dicit, tamen hic docet plura et satisfacit grato, quem imitari possimusne, ipse liber erit indicio. |
4. Il faut donc, dans le jugement qu’on porte des étymologistes, voir plutôt ce qu’ils ont fait que ce qu’ils n’ont pas fait, leur savoir gré de ce qu’ils ont découvert, sans leur faire un reproche de ce qu’ils n’ont pu découvrir, puisqu’ils sont les premiers à déclarer qu’il n’est pas possible de rendre raison de tous les mots, dont, en effet, l’étymologie n’est pas toujours aussi claire que celle de medicina (médecine). Quoique je ne voie pas les racines du poirier, je puis dire néanmoins que la poire vient de la branche; la branche, de l’arbre; l’arbre, des racines. Ainsi l’étymologiste qui, sans savoir d’où vient equus (cheval), enseigne que equitatus (équitation, cavalerie) vient de equites (cavaliers); equites, de eques (cavalier); eques, de equus, ne laisse pas d’avoir fait beaucoup pour la science, et de mériter qu’on lui sache gré de son travail. J’essayerai donc de marcher sur ses traces. |
5. Dicam in hoc libro de verbis quae a poetis
sunt posita; primum de locis, dein quae in locis sunt ; tertio de
temporibus ; tum quae cum temporibus sunt coniuncta, sed ita quae
cum his sint coniuncta, adiungam, et, si quid excedit ex hac
quadripertitione, tamen in ea ut comprehendam. |
5. Je rechercherai, dans ce livre, les origines des mots poétiques, en traitant 1° de ceux qui désignent les lieux; 2° de ceux qui désignent les choses qui sont dans les lieux; 3° de ceux qui désignent les temps; 4° de ceux qui désignent les choses qui se font dans le temps. Je m’occuperai aussi quelquefois, par digression, des mots que l’analogie et l’affinité me feront rencontrer sur mon chemin, en observant toutefois l’ordre distinct de ma quadruple division. |
6. Incipiam hinc:
Unus
erit quem tu tolles in caerula caeli Templum tribus modis dicitur ab natura, ab auspiciendo, ab similitudine Natura in caelo ; ab auspiciis in terra ; ab similitudine sub terra. In caelo templum dicitur, ut in Hecuba:
O
magna templa caelitum, In terra, ut in Periboea:
Scrupea saxea Bacchi Sub terra, ut in Andromacha: Acherusia templa alta Orci, salvete, infera. |
6. Je prends pour début le vers suivant: Unus erit, etc. : Il sera le seul que tu transporteras dans les temples azurés du ciel (templa). Templum se prend dans trois acceptions différentes, soit par rapport à la nature ou au ciel, soit par rapport aux auspices ou à la terre, soit par rapport aux enfers et par analogie. Dans l’ordre céleste, le mot templum a le sens que lui donne ce vers d’Hécube : Vastes temples des dieux, dont la voûte est ornée d’étoiles étincelantes. Dans l’ordre terrestre, il a celui qu’indique le passage suivant de Péribée : Il approche des âpres rochers, temple de Bacchus. Enfin, par analogie, il désigne le monde souterrain, comme dans ce vers d’Andromaque: Salut, temples achérusiens, profondes demeures de Pluton ! |
7. Quaqua intuiti erant oculi, a tuendo primo templum dictum. Quocirca caelum, qua attuimur dictum templum. Sic: Contremuit templum magnum Iovis altitonantis, id est, ut ait Naevius :
Hemisphaerium ubi concavo Eius templi partes quattuor dicuntur, sinistra ab oriente, dextra ab occasu, antica ad meridiem, postica ad septemtrionem. |
7. Templum dérive de tueri (voir, regarder), et désigne proprement tout l’espace que peut embrasser la vue. C’est pourquoi le ciel a été appelé temple. De là ce vers : Le vaste temple de Jupiter Tonnant a tremblé. On peut le définir, avec Naevius : Un hémisphère azuré. On distingue quatre parties du ciel : la gauche ou orientale; la droite ou occidentale; l’antérieure ou méridionale; la postérieure ou septentrionale. |
8. In terris dictum templum locus augurii aut auspicii causa quibusdam conceptis verbis finitus. Concipitur verbis non isdem usque quaque; in Arce sic: « Templa tescaque me ita sunto, quoad ego ea rite lingua nuncupavero. « Olla veter arbos quirquir est, quam me sentio dixisse, templum tescumque me esto in sinistrum. « Olla veter arbos, quirquir est, quam me sentio dixisse, templum tescumque me esto in dextrum. « Inter ea conregione conspicione cortumione, utique ea rite dixisse me sensi. |
8. Le temple terrestre est l’espace désigné, par certaines paroles sacramentelles, pour l’observation du vol des oiseaux. Ces paroles ne sont pas les mêmes en tout temps et en tout lieu. Dans la citadelle, l’augure dit : Templa tescaque, etc. |
9. In hoc templo faciundo arbores constitui fines apparet, et intra eas regiones, qua oculi conspiciant, id est tueamur, a quo templum dictum et contemplare, ut apud Ennium in Medea: Contempla et templum Cereris ad laevam aspice; contempla et conspicare idem esse apparet ; ideo dicere, tum cum templum facit, augurem : conspicione, qua oculorum conspectum finiat. Quod, cum dicunt conspicionem, addunt cortumionem, dicitur a cordis visu: cor enim cortumionis origo. |
9. Le temple, comme on le voit, était un espace limité par des arbres, et dans lequel l’observation augurale était circonscrite. De là templum (temple) et contemplare (contempler), qui ont pour racine tueri (regarder), et qui se lisent dans ce vers de la Médée d’Ennius: Contempla et templum, etc. Contempla et conspicare doivent donc être regardés comme synonymes. C’est pourquoi l’augure employait ces mots dans la consécration du temple appelé conspicio, laquelle consistait à déterminer l’espace où le regard (oculorum conspectus) était circonscrit. Cortumio , composé de cor (cœur) et de tueri (regarder), indique cette vue de l’urne, qui aide à celle des yeux (conspicio). |
— 10. Quod addit templa ut sint tesca, aiunt sancta esse qui Glossas scripserunt. Id est falsum: nam curia Hostilia templum est et sanctum non est. Sed hoc ut putarent, aedem sacram esse templum esse factum quod in urbe Roma pleraeque aedes sacrae sunt templa, eadem sancta, et quod loca quaedam agrestia, quae, alicuius dei sunt, dicuntur tesca. |
10. Tesca, qui suit le mot templa, suivant les interprètes des mots peu usités, a le sens de sancta (saint); mais cette interprétation est fausse; car la curie Hostilienne est un temple, et n’est pas sainte. Ce qui leur a fait penser qu’un temple est toujours saint, c’est que dans Rome la plupart des édifices religieux sont à la fois des temples et des lieux saints, et que certains lieux agrestes, consacrés à quelque divinité, sont appelés tesca. |
11. Nam apud Accium in Philocteta Lemnio:
Ea enim loca quae sint designat, cum dicit:
Lemnia praesto Deinde :
Volcania iam templa sub ipsis Et:
Nemus
expirante vapore vides, Quare haec quod tesca dixit, non erravit : neque ideo quod sancta, sed quod, ubi mysteria fiunt, attuentur, tuesca dicta. |
11. On lit en effet, dans le Philoctète d’Accius : Qui es-tu, toi qui es venu dans ces lieux déserts et sauvages (tesca)? Accius définit ce mot dans les vers suivants : Tu vois les rivages solitaires de Lemnos, et les sanctuaires témoins des antiques mystères des Cabires. — Tu vois, au pied de ces collines, le temple de Vulcain, qui fut, dit-on, précipité du ciel dans cette île. — Là est la forêt fumante, d’où le feu a été dérobé pour être communiqué aux mortels. C’est donc avec raison qu’Accius a appelé ces lieux tesca; non pas à cause de leur sainteté, mais parce que, là où l’on célèbre des mystères, les assistants regardent (attuentur, d’où tuesca). |
12. Tueri duo significat, unum ab aspectu ut dixi, unde est Ennii illud: Tueor te, senex? Pro Iupiter! Et: Quis pater aut cognatus volet vos contra tueri? Alterum a curando ac tutela, ut cum dicimus, Bellum tueor et tueri villam, a quo etiam quidam dicunt illum qui curat aedes sacras, aedituum, non aeditumum. Sed tamen hoc ipsum ab eadem est profectum origine, quod quem volumus domum curare dicimus : Tu domi videbis, ut Plautus cum ait: Intus para, cura, vide. Quod opust fiat. Sic dicta vestispica, quae vestem spiceret, id est videret vestem ac tueretur; quare a tuendo et templa et tesca dicta cum discrimine eo quod dixi. |
12. Tueri a deux acceptions : il signifie 1° défendre, comme dans ces deux passages d’Ennius : tueor te senex, etc.; — quis pater... tueri? 2° avoir soin de, protéger, comme dans bellum tueor, tueri villam: d’où vient que certaines personnes appellent le gardien d’un temple œdituus, et non œditomus. Du reste, l’origine d’œditomus a de l’analogie avec celle d’œdituus; car lorsque nous chargeons quelqu’un du soin de notre maison, nous lui disons : Tu domi videbis, comme Plaute, dans ce passage Aie soin de l’intérieur, surveille attentivement tout ce qui se passe. C’est ainsi que vestispica (femme de charge, qui a soin des habits et du linge) vient de vestis (vêtement) et de spicere (inspecter). C’est pourquoi templa et tesca viennent de tueri, mais avec la différence que j’ai signalée. |
13. Etiam indidem illud Ennii: Extemplo acceptam me necato et filiam.
Extemplo
enim est continuo, quod omne templum esse debet continuo septum nec
plus unum introitum habere. |
13. Extemplo, employé par Ennius dans ce vers : Extemplo acceptum, etc. : tue-moi SUR-LE-CHAMP avec mon fils, a la même racine. Il a la même signification que continuo (de suite), parce que tout temple doit être continu et n’avoir qu’une entrée. |
14. Quod est apud Accium:
Pervade polum, splendida mundi polus Graecum, id significat circum caeli: quare quod est : Pervade polum, valet vade περὶ πόλον. Signa dicuntur eadem et sidera : signa quod aliquid significent, ut libra aequinoctium; sidera, quae quasi insidunt, atque ita significant aliquid in terris perurendo aliudve quare ut : Signum candens in pecore. |
14. Passons à ces vers d’Accius : Parcours le pôle, et les astres brillants qui composent les douze signes de la sphère céleste. Polus est grec, et signifie le cercle du ciel; ainsi pervade polum a le sens de vade περὶ πόλον (va autour du pôle). Signa et sidera sont synonymes : signa fait entendre que les constellations représentent quelque chose (significant) , comme la Balance, qui désigne l’équinoxe; sidera vient de insidere (être assis), parce que les astres reposent sur la voûte céleste. Signa indique encore les rapports que les astres ont avec la terre, gomme signes de la grande chaleur ou de tout autre phénomène; ce qui a fait dire : La canicule est un signe funeste au troupeau. |
15. Quod est: Terrarum anfracta revisam, anfractum est flexum, ab origine duplici dictum, ab ambitu et frangendo ; ab eo leges iubent in directo pedum VIII esse, in anfracto XVI, id est in flexu. |
15. Nous lisons dans un poète : Je parcourrai les sinuosités de la terre (anfracta). Anfractum est composé de ambitus (circuit) et de frangere (briser), et veut dire courbe c’est en ce sens que ce mot est pris dans les lois, qui ordonnent qu’il y ait huit pieds en ligne directe, et seize pieds in anfracto, c’est-à-dire en ligne courbe. |
16. Ennius: Ut tibi Titanis Trivia dederit stirpem liberum. Titanis Trivia Diana est, ab eo dicta Trivia, quod in trivio ponitur fere in oppidis Graecis, vel quod luna dicitur esse, quae in caelo tribus viis movetur, in altitudinem et latitudinem et longitudinem. Titanis dicta, quod eam genuit Titanis Lato. Lato enim, ut scribit Manilius, est Coeo creata Titano. Ut idem scribit:
Latona pariet casta complexu Iovis id est Apollinem et Dianam. Dii quod Titanis Deliadae eadem... |
16. Ennius a dit: Ut tibi Titanis Trivia, etc. Titanis Trivia est Diane, appelée Trivia, ou de ce que les Grecs placent ordinairement sa statue dans les carrefours, ou de ce que la lune se meut en hauteur, en largeur et en longueur, et parcourt ainsi trois chemins (tres viœ) dans le ciel. Elle est surnommée Titanis, parce qu’elle a pour mère Latone, fille de Titan. Latone, dit Manilius, est née du Titan Cœus. On lit dans le même auteur : La chaste Latone, aimée de Jupiter, mit au monde deux dieux jumeaux (Apollon et Diane) dans l’île de Délos … |
17. O sancte Apollo, qui umbilicum certum terrarum obtines ! Umbilicum dictum aiunt ab umbilico nostro, quod is medius locus sit terrarum, ut umbilicus in nobis; quod utrumque est falsum. Neque hic locus est terrarum medius neque noster umbilicus est hominis medius. Itaque pingitur quae vocatur ἡ χθὼν Πυθαγόρα, ut media caeli ac terrae linea ducatur infra umbilicum per id quo discernitur, homo mas an femina sit, ubi ortus humanus, similis ut in mundo, ibi enim omnia nascuntur in medio, quod terra mundi media. Praeterea si quod medium, id est umbilicus pilae terrae : non Delphi, medium. Sed terrae medium, non hoc sed quod vocant Delphis in aede ad latus est quiddam ut thesauri specie, quod Graeci vocant ὀμφαλὸν, quem Pythonos aiunt esse tumulum; ab eo nostri interpretes ὀμφαλὸν umbilicum dixerunt. |
17. O sancle Apollo, qui umbilicum, etc. Umbilicus est, dit-on, employé ici dans un sens métaphorique, et désigne le milieu de la terre, parce que le nombril est placé au milieu du corps humain. C’est une double erreur. Delphes n’est point placée au milieu de la terre, et le nombril n’est point placé non plus au milieu du corps humain. Ainsi, dans la figure qu’on appelle ἡ χθὼν Πυθαγόρα (la terre de Pythagore), le centre du monde est placé au-dessous du nombril, dans la partie du corps qui distingue les deux sexes, et où l’homme reçoit la vie; de même que tout ce qui existe prend naissance au milieu du monde, c’est-à-dire sur la terre, qui est placée au centre de l’univers. En admettant même que la terre ressemble à une boule, Delphes n’en occupe pas le milieu. Il ne faut donc pas entendre umbilicus dans ce sens. Ce mot vient d’ὀμφαλὸς, nom que les habitants de Delphes donnent à une éminence convexe qui s’élève dans une partie latérale du temple, et qui passe pour être le tombeau de Python. |
18. Pacuvius: Calydonia altrix terra exsuperantum virum. Ut ager Tusculanum, sic Calydonius ager est, non terra; sed lege poetica, quod terra Aetolia, in qua Calydon, a parte totam accipi Aetoliam voluit. |
18. On lit dans Pacuvius: Calydonia altrix terra, etc. La terre ou contrée de Calydon désigne ici, par synecdoque, l’Etolie entière, dont Calydon n’est qu’une partie, de même que Tusculum n’est qu’une partie de l’Etrurie; mais, par le privilège de la poésie, Pacuvius s’exprime ainsi, quoiqu’il n’y ait pas de contrée du nom de Calydon. |
19. Accius : Mystica ad dextram vada praetervecti. Mystica a mysteriis, quae ibi in propinquis locis nobilia fiunt. Enni: Areopagitae quia dedere aequam pilam. Areopagitae ab Areopago; is locus, Athenis. |
19. Mystica, qui se lit dans ce vers d’Accius : Mystica ad dextram, etc., est une épithète donnée aux mers dont il parle, par allusion aux mystères qui se célèbrent dans le voisinage avec une grande solennité. Areopagitœ (aréopagites), mot qui se trouve dans ce passage d’Ennius : Areopagitœ quidem, etc., dérive de Areopagus, nom d’un lieu d’Athènes où se rendait la justice. |
20. Musae quae pedibus magnum pulsatis Olympum. Caelum dicunt Graeci Olympum, montem in Macedonia omnes; a quo potius puto Musas dictas Olympiadas: ita enim ab terrestribus locis aliis cognominatae Libethrides, Pipleides, Thespiades, Heliconides. |
20. Muses, qui foulez de vos pieds les cimes élevées de l’Olympe. Olympe, nom d’une montagne de la Macédoine, désigne chez les Grecs le ciel même. Cependant je crois que les Muses ont été appelées Olympiades, du nom de la montagne même, plutôt que du nom métaphorique du ciel; de même qu’elles doivent leurs surnoms de Libéthrides, Pimpléides, Thespiades, Héliconides, à divers autres lieux terrestres. |
21. Cassi : Hellespontum et claustra. Claustra, quod Xerxes quondam eum locum clausit: nam, ut Ennius ait, Isque Hellesponto pontem contendit in alto. Nisi potius ab eo quod Asia et Europa ubi collidit, mare inter angustias facit Propontidis fauces. |
21. Dans ce passage: Hellespontum et claustra, Cassius fait peut-être allusion par le mot claustra au pont jeté par Xerxès sur l’Hellespont, qui fut alors, pour ainsi dire, fermé (clausus); ou plutôt au canal qui sépare l’Europe de l’Asie, et enferme les eaux de la Propontide dans une gorge étroite. |
22. Pacuvius : Linqui in Aegeo freto. Dictum fretum a similitudine ferventis aquae, quod in fretum saepe concurrat aestus atque effervescat. Aegeum dictum ab insulis, quod in eo mari scopuli in pelago vocantur ab similitudine caprarum aeges. |
22. On lit dans Pacuvius : Liqui in Aegeo freto. Fretum (bras de mer) vient de fervere (bouillonner), parce que les flots sont souvent agités dans les détroits et les bras de mer. Aegeum, de aeges (chèvres), nom donné à certains rochers de la mer Égée, à cause de leur ressemblance avec une tête de chèvre. |
23.
Ferme aderant aequore in alto Aequor mare appellatum, quod aequatum quom commotum vento non est. Ratis navis longas dixit, ut Naevius cum ait:
Ut
conferre queant ratem aeratam qui Ratis dicta navis longa propter remos, quod hi, cum per aquam sublati sunt dextra et sinistra, duas rates efficere videntur: ratis enim, unde hoc tralatum, illic ubi plures mali aut asseres iuncti aqua ducuntur. Hinc naviculae cum remis ratariae dicuntur. |
23. Ferme aderant œquore, etc. La mer a été appelée œquor, parce que sa surface est unie (œquatum) quand le vent ne souffle pas. Le poète a voulu désigner par rates de longs navires, de même que Naevius dans le passage suivant: Non ferre queant ratem, etc. Les navires longs ont été appelés rates à cause des rames, qui s’étendent de chaque côté sur les flots, et semblent former deux radeaux (rates); car ratis, dans le sens propre, signifie radeau ou train de bois. C’est ce qui a fait donner le nom de ratiariœ aux petits navires qu’on fait voguer avec des rames. |
24. *** agrestis ab agro dictas apparet infulatas hostias, quod velamenta, his e lana quae adduntur, infulae: itaque tum, quod ad sepulcrum ferunt :
Frondem ac flores, addidit: |
24.... Agrestis (champêtre), de ager (champ). Les victimes, dites infulatœ, étaient ainsi appelées à cause du voile de laine, nommé infula, dont on les couvrait …………. |
25. Cornuatam tauram umbram iaci. Dicere apparet cornuatam a cornibus; cornua a curvore dicta, quod pleraque curva. |
25. In cornuatam tauram, etc. Cornuata dérive évidemment de cornu (corne); cornu , de curvor (courbure), parce que la plupart des cornes sont recourbées. |
26. Musas quas memorant nosces nos esse Casmenarum. Casmenarum priscum vocabulum ita natum ac scriptum est alibi; Carmenae ab eadem origine sunt declinatae. In multis verbis in quo antiqui dicebant S, postea dicunt R, ut in Carmine Saliorum sunt haec: COZEULODOIZESO; OMNIA VERO ADPATULA COEMISSE IANEUS IAM ES, DUO MISCERUSES DUN IANUS VET POS MELIOS EUM RECUM *** |
26. Apprends que nous avons donné aux Muses le nom de Casmenœ. Casmenœ est un ancien mot qui s’écrivait ainsi originairement. Carmenœ, qui a cours ailleurs, a la même origine. Dans beaucoup de mots anciens, la lettre s a été remplacée par la lettre r, comme on peut le voir dans ce passage du chant des Saliens : Cozeulodoizeso; omnia vero, etc. |
27. *** foedesum foederum, plusima plurima, meliosem meliorem, asenam arenam, ianitos ianitor. Quare e Casmena Carmena, ut carmina, carmen; R extrito Camena factum. Ab eadem voce canite, pro quo in Saliari versu scriptum est cante, hoc versu: Divum empta cante, divum deo supplicante. |
27.... On dit aujourd’hui fœderum pour fœdesum, plurima pour plusima, meliorem pour meliosem, arenam pour asenam, janitor pour janitos. C’est ainsi que casmena est devenu carmena, d’où carmina, carmen (vers, poème). Enfin la suppression de l’r a produit camena. De ce mot est issu canite (chantez), qu’on trouve écrit cante dans ce vers des Saliens : Divum empta cante, etc. |
28. In Carmine Priami quod est:
Veteres Casmenas cascam rem volo profari cascum significat vetus; eius origo Sabina quae usque radices in Oscam linguam egit. Cascum vetus esse significat Ennius quod ait: Quam Prisci casci populi tenuere Latini. Eo magis Manilius quod ait:
Cascum duxisse cascam non mirabile est, Item ostendit Papini ἐπιγραμμάτιον, quod in adolescentem fecerat Cascam:
Ridiculum est, cum te Cascam tua dicit amica, |
28. On lit dans le poème intitulé Priam: Veteres Casmenas caseum rem, etc. Caseus est un mot sabin, qui veut dire vieux, et qui a passé dans la langue osque. Cette signification est confirmée par ce vers d’Ennius : Quam prisci casci, etc., et par ce passage de Manilius : Cascum duxisse cascam, etc. : Il n’est pas étonnant qu’un vieillard ait épousé une vieille : Caron présidait au mariage. On en trouve encore la preuve dans cette épigramme de Papinien contre un jeune homme nommé Casca : Il est ridicule, jeune fils de Potonius, d’entendre ta vieille maîtresse t’appeler Casca. Appelle-la petite fille: ainsi un âne grattera l’autre; car tu es un enfant; et ta maîtresse, une décrépite. |
29. Idem ostendit quod oppidum vocatur Casinum ; hoc enim ab Sabinis orti Samnites tenuerunt, et nunc nostri etiam nunc Casinum forum vetus appellant. Item significat in Atellanis aliquot pappum senem, quod Osci casnar appellant. |
29. Je citerai en outre, à l’appui de cette étymologie, le mot Casinum, nom d’une ancienne ville habitée par les Samnites, peuple issu des Sabins, et par lequel on désigne encore aujourd’hui l’ancien forum. Dans plusieurs atellanes un vieillard est appelé casnar, nom osque. |
30. Apud Lucilium: Quid tibi ego ambages Ambivi scribere coner? Profectum a verbo ambe, quod inest in ambitu et ambitioso. |
30. On lit dans Lucilius : Quid tibi ego ambages, etc. : A quoi bon te décrire les voies détournées d’Ambivius? Ambages (détours) a pour racine ambe (autour), comme ambitus (circuit, ambition) et ambitiosus (ambitieux). |
31. Apud Valerium Soranum: Vetus adagio est, o Publi Scipio, quod verbum usque eo evanuit, ut Graecum pro eo positum magis sit apertum: nam idem est quod παροιμίαν vocant Graeci, ut est:
Auribus lupum teneo; Adagio est littera commutata ambagio, dicta ab eo quod ambit orationem, neque in aliqua una re consistit sola. Ambagio dicta ut adustum, quod circum ustum est, ut ambiegna bos apud augures, quam circum aliae hostiae constituuntur. |
31. On lit dans Valérius Soranus : C’est un vieil adage (adagio,) ô P. Scipion. Adagio est tellement tombé en désuétude, que le mot grec παροιμὶα, qui l’a remplacé, est plus significatif. Au reste, ils désignent tous les deux une maxime vulgaire, comme: Je tiens le loup par les oreilles. — Les chiens ne se mangent pas entre eux. Adagio est une altération d’abagio, mot dérivé d’ambire (entourer), parce qu’un proverbe est toujours accessoire, et cité à l’appui de ce qu’on dit. Adagio a, dans sa composition, quelque ressemblance avec adustum (cuit autour), et me remet en mémoire la victime appelée ambiegna par les augures, qui était une génisse, autour de laquelle on immolait des agneaux. |
32. Quom tria sint coniuncta, in origine verborum quae sint animadvertenda, a quo sit impositum et in quo et quid ; saepe non minus de tertio quam de primo dubitatur, ut in hoc, utrum primum una canis, aut canes sit appellata: dicta enim apud veteres una canes. Itaque Ennius scribit: Tantidem quasi feta canes sine dentibus latrat.
Lucilius: Impositio unius debuit esse canis, plurium canes; sed neque Ennius consuetudinem illam sequens reprehendendus, nec is qui nunc dicit: Canis caninam non est. Sed canes, quod latratu signum dant, ut signa canunt, canes appellatae, et quod ea voce indicant noctu, quae latent, latratus appellatus. |
32. Il y a trois parties qu’il faut étudier simultanément dans l’origine des mots : 1° la chose d’où le mot est tiré; 2° la chose que ce mot sert à désigner; 3° et enfin le mot lui-même. Or, il arrive souvent qu’on est aussi embarrassé sur le troisième point que sur le premier. Par exemple, a-t-on dit originairement canis ou canes? car nous voyons que les anciens disaient canes au singulier, pour désigner un chien : témoin ce passage d’Ennius: Tantidem quasi feta CANES, etc.; et cet autre de Lucilius: nequam.... immanis CANES ut. On a dû dire originairement canis au singulier, et canes au pluriel; mais Ennius qui a dit canes au singulier, et celui qui dit aujourd’hui canis caninam non est, proverbe que j’ai cité plus haut, sont irrépréhensibles, et absous par l’usage. Canis dérive de canere, parce que les chiens comme des trompettes (ut signa canunt) donnent le signal par leurs aboiements. Latratus (aboiement), de latere, parce qu’ils avertissent pendant la nuit de ce qui est caché dans les ténèbres. |
33. Sic dictum a quibusdam ut una canes, una trabes: ... trabes remis rostrata per altum. Ennius:
Utinam ne in nemore Pelio securibus cuius verbi singularis casus rectus correptus ac facta trabs. |
33. De même qu’on voit quelquefois canes au singulier, on rencontre aussi trabes au lieu de trabs (poutre, et, au figuré, navire, arbre), comme dans ce vers: TRABES remis, etc.; et dans ce passage d’Ennius: utinam ne in nemore.... ad terram TRABES. |
34. In Medio: Caelitum camilla, expectata advenis, salve hospita. Camillam qui glossemata interpretati dixerunt administram; addi oportet, in his quae occultiora: itaque dicitur nuptiis camillus, qui cumerum fert, in quo quid sit, in ministerio plerique extrinsecus nesciunt. Hinc Casmilus nominatur Samothreces mysteriis dius quidam amminister diis magnis. Verbum esse Graecum arbitror, quod apud Callimachum in poematibus eius inveni. |
34. On lit dans le Medius: Cœlitum camilla, etc. Camilla, suivant les glossateurs (interprètes des mots peu usités), a le sens de administra (intendante). Eclaircissons, en passant, d’autres mots analogues, qui ont quelque obscurité. On appelle camillus celui qui, dans les noces, porte la corbeille de la mariée, dont la plupart des autres serviteurs ignorent le contenu. De là le nom de Casmilus, donné dans la Samothrace à un ministre particulier des mystères des grands dieux. Je crois que ce mot est d’origine grecque, pour l’avoir rencontré dans les poèmes de Callimaque. |
35. Apud Ennium: Subulo quondam marinas propter astabat plagas. Subulo dictus, quod ita dicunt tibicines Tusci: quocirca radices eius in Etruria, non Latio quaerundae. |
35. On lit dans Ennius : subulo quondam, etc. Subulo, nom des joueurs de flûte chez les Tusques, dont il faut par conséquent chercher la racine dans l’Etrurie, et non dans le Latium. |
36. Versibus quos olim Fauni vatesque canebant. Fauni dei Latinorum, ita ut et Faunus et Fauna sit; hos versibus, quos vocant Saturnios, in silvestribus locis traditum est solitos fari futura, a quo fando Faunos dictos. Antiqui poetas vates appellabant a versibus viendis, ut de poematis cum scribam ostendam. |
36. Versibus quos... Fauni vatesque, etc. Fauni, dieux des Latins, qui sont Faunus et Fauna. Suivant la tradition, ils habitaient les bois, et prédisaient l’avenir dans des vers qu’on appelle saturniens; ce qui les a fait appeler Faunes, de fari (dire). Vates, nom donné anciennement aux poètes, dérive de versus (vers) et de viere (lier), comme je le démontrerai en parlant des poètes. |
37. Corpore Tartarino prognata Paluda virago. Tartarino dictum a Tartaro. Plato in quattuor fluminibus apud inferos quae sint in his unum Tartarum appellat: quare Tartari origo Graeca. Paluda a paludamentis. Haec insignia atque ornamenta militaria: ideo ad bellum cum exit imperator ac lictores mutarunt vestem et signa incinuerunt, paludatus dicitur proficisci. Quae propterea, quod conspiciuntur qui ea habent ac fiunt palam, paludamenta dicta. |
37. Corpore Tartarino, etc. Tartanino (infernal , horrible), de Tartarus (Tartare), un des quatre fleuves des enfers, dont Platon fait mention. Ce nom est par conséquent d’origine grecque. Paluda (vêtue pour la guerre), de paludamenta (insignes et ornements militaires). De la paludatus (équipé pour la guerre), en parlant du général qui part pour la guerre, après que les licteurs l’ont revêtu des insignes du commandement, et que la trompette a donné le signal. Paludamentum a pour racine palam, parce que ceux qui portent ces insignes se trouvent mis en vue (fiunt palam) et attirent les regards. |
38. Plautus:
Epeum
fumificum, qui legioni nostrae habet Epeum fumificum cocum, ab Epeo illo qui dicitur ad Troiam fecisse equum Troianum et Atridis cibum curasse. |
38. Plaute a dit : Epeum fumificum, etc. Epeus fumificus, notre Épéus de cuisine, par allusion au célèbre Epéus qui construisit le cheval de bois et préparait le dîner des Atrides. |
39. Apud Naevium: Atque prius pariet lucusta Lucam bovem. Luca bos elephas; quor ita sit dicta, duobus modis inveni scriptum. Nam et in Cornelii Commentario erat : Ab Libycis Lucas; et in Vergilii : Ab Lucanis Lucas; ab eo quod nostri, quom maximam quadrupedem, quam ipsi haberent, vocarent bovem et in Lucanis Pyrrhi bello primum vidissent apud hostis elephantos, id est item quadripedes cornutas (nam quos dentes multi dicunt sunt cornua), Lucanam bovem quod putabant, Lucam bovem appellassent. |
39. On lit dans Naevius : Atque prius... Lucam bovem. On explique de deux manières l’origine de luca bos (éléphant). Je lis dans un ouvrage de Cornélius : Lucas vient de Libyci (Libyens) ; et dans Virgile: Lucas vient de Lucani (Lucaniens), parce que le bœuf était le plus grand quadrupède que connussent les Romains, et qu’en voyant, dans la Lucanie, les éléphants de l’armée de Pyrrhus, ils donnèrent le nom de Luca bos à ces quadrupèdes, qui leur étaient inconnus, et qu’ils prirent pour des bœufs de Lucanie, à cause de leurs cornes; car les prétendues dents de l’éléphant sont de véritables cornes. |
40. Si ab Libya dictae essent Lucae, fortasse an pantherae quoque et leones non Africae bestiae dicerentur, sed Lucae; Atque ursi potius Lucani, quam Luci. Quare ego arbitror potius Lucas ab luce, quod longe relucebant propter inauratos regios clupeos, quibus eorum tum ornatae erant turres. |
40. Si Luca dérivait de Libya, pourquoi ne donnerait-on pas le même nom aux panthères et aux lions, que nous appelons bêtes d’Afrique ? De même, si Luca venait de Lucani, pourquoi donne-t-on le nom de Lucani aux ours, et non pas celui de Luci? Je pense donc que Luca vient de lux (lumière), parce que les éléphants reluisaient au loin (relucebant), à cause de l’or des boucliers de Pyrrhus, dont les tours que portaient ces animaux étaient ornées. |
41. Apud Ennium: Orator sine pace redit regique refert rem. Orator dictus ab oratione; qui enim verba haberet publice advorsus eum quo legabatur, ab oratione orator dictus. Quom res maior erat, orationes legebantur potissimum qui causam commodissime orare poterant; itaque Ennius ait: Oratores doctiloqui. |
41. On lit dans Ennius : Orator sine pace redit, etc. Orator, de oratio (discours), désigne l’orateur qui haranguait publiquement celui vers lequel il était député. Lorsque l’affaire était importante, on choisissait pour orateurs ceux qui savaient le mieux débattre une question. C’est pourquoi Ennius a dit: oratores doctilo qui. |
42. Apud Ennium: Olli respondit suavis sonus Egeriai. Olli valet dictum illi ab olla et ollo, quod alterum comitiis quom recitatur a praecone dicitur : Olla centuria, non illa; alterum apparet in funeribus indictivis, quo dicitur : Ollus leto datus est, quod Graecus dicit λήθη, id est oblivioni. |
42. Dans cet autre vers d’Ennius : olli respondet, etc. olli a le sens de illi (à lui), et vient de olla (elle, cette) et de ollus (il, lui, cet), dont l’un est employé dans les comices par le héraut : olla centuria, au lieu de illa centuria; et l’autre, dans l’annonce des funérailles: ollus (ille) leto datus est. Letum (mort) vient du mot grec λήθη (oubli). |
43. Apud Ennium: Mensas constituit idemque ancilia primus. Ancilia dicta ab ambecisu, quod ea arma ab utraque parte ut Thracum incisa. |
43. On lit dans le même poète: Mensas constituit idem que ancilia. Ancilia (bouclier), de ambecisus, parce que ces boucliers sont échancrés (incisa) des deux côtés (ambo), comme ceux des Thraces. |
44. Libaque, fictores, Argeos et tutulatos. Liba, quod libandi causa fiunt. Fictores dicti a fingendis libis. Argei ab Argis; Argei fiunt e scirpeis, simulacra hominum XXIVI; ea quotannis de ponte sublicio a sacerdotibus publice deici solent in Tiberim. Tutulati dicti hi, qui in sacris in capitibus habere solent ut metam; id tutulus appellatus ab eo quod, matres familias crines convolutos ad verticem capitis quos habent vitta velatos, dicebantur tutuli; sive ab eo, quod id tuendi causa capilli fiebat, sive ab eo quod altissimum in urbe quod est, Arx, tutissimum vocatur. |
44. Libaque, fictores, etc. Liba (gâteaux sacrés), de libare (offrir aux dieux). Fictores (ceux qui faisaient ces gâteaux), de fingere (former, façonner). Argei (Argiens), de Argis (Argos) : c’étaient les simulacres en joncs de vingt-quatre Argiens, que les prêtres jetaient publiquement tous les ans du pont Sublicius dans le Tibre. Tutulati, nom de ceux qui, dans les sacrifices, portent sur la tête quelque chose qui ressemble à une pyramide, et qu’on appelle tutulus, soit parce qu’on donne ce nom à la touffe de cheveux, liée par une bandelette, qui surmonte la tête des dames romaines, soit parce que cette espèce d’ornement protège la chevelure (tuetur), soit enfin parce que la citadelle (arx), qui est la plus haute partie de la ville, est appelée tutissimum (lieu très sûr). |
45. Eundem Pompilium ait fecisse flamines, qui cum omnes sunt a singulis deis cognominati, in quibusdam apparent ἔτυμα, ut cur sit Martialis et Quirinalis; sunt in quibus flaminum cognominibus latent origines, ut in his qui sunt versibus plerique:
Volturnalem, Palatualem, Furinalem, quae obscura sunt. Eorum origo Volturnus, diva Palatua, Furrina, Flora, Falacer pater, Pomona. |
45. Numa Pompilius, dont Ennius parle dans le passage cité, créa les flamines, qui tous ont emprunté des surnoms aux noms des dieux, au culte desquels ils furent attachés; mais, de ces différents surnoms, les uns ont une origine manifeste, comme Martialis et Quirinalis, et les autres une origine obscure, comme la plupart de ceux qui sont mentionnés dans ces vers : Volturnalem, Palatualem, etc. Ils dérivent de Volturnus, de Palatua, de Furrina, de Flora, de Falacer, et de Pomona. |
46. Apud Ennium: Iam cata signa ferae sonitum dare voce parabant. Cata acuta: hoc enim verbo dicunt Sabini: quare catus Aelius Sextus non, ut aiunt, sapiens, sed acutus, et quod est: Tunc coepit memorare simul cata dicta, accipienda acuta dicta. |
46. On lit encore dans Ennius : Jam cata signa, etc. Cata, mot usité chez les Sabins, a le sens de acuta (aigu, fin). C’est pourquoi, dans ce passage : catus Aelius Sextus, catus signifie acutus (fin), et non sapiens (sage, savant), comme on le croit communément. De même, dans cet autre passage : tum cepit... cala dicta, il faut entendre cata dicta dans le sens de acuta dicta (paroles fines, ingénieuses). |
47. Apud Lucilium: Quid thynno capto cobium excludunt foras, et Occidunt, Lupe, saperdae te et iura siluri et Sumere rete atque amiam. Piscium nomina sunt eorumque in Graecia origo. |
47. On lit dans Lucilius: Quod thynno, etc. ces différents noms : thynnus (thon), cobium (peut-être goujon), saperda, silurus (silure), rete, amia (poisson de mer qui va en troupe), sont d’origine grecque. |
48. Apud Ennium: Quae cava corpore caeruleo cortina receptat. Cava cortina dicta, quod est inter terram et caelum ad similitudinem cortinae Apollinis; ea a corde, quod inde sortes primae existimatae. |
48. On lit dans Ennius : Quœ cava, etc. Cava cortina désigne l’hémisphère, dont la forme rappelle la courtine d’Apollon. Cortina (courtine) dérive de cor (cœur, âme), parce que les premiers oracles ont dû être des inspirations de l’âme. |
49. Apud Ennium: Quin inde invitis sumpserunt perduellibus.
Perduelles
dicuntur hostes; ut perfecit, sic perduellis, a per et
duellum: id postea bellum.
Ab eadem causa facta
Duellona Bellona. |
49. Le même poète a dit : Quin inde, etc. Perduellis au sens de hostis (ennemi). Perduellum (guerre) est un mot composé, comme perfecit, dont la préposition augmente la signification. De duellum, qui est le même mot sans préposition, on a fait bellum, de même que de Duellona, Bellona (déesse de la guerre). |
50. Apud Plautum: Neque Iugula, neque Vesperugo, neque Vergiliae occidunt. Iugula signum, quod Accius appellat Oriona, cum ait: Citius Orion patefit. Huius signi caput dicitur ex tribus stellis, quas infra duae clarae, quas appellant umeros; inter quas quod videtur iugulum, iugula dicta. Vesperugo stella quae vespere oritur, a quo eam Opillus scribit Vesperum itaque dicitur alterum: Vesper adest, quem Graeci dicunt διεσπέριον. |
50. On lit dans Plaute : Neque jugula, etc. Jugula, constellation qu’Accius nomme Orion, composée de trois étoiles qu’on appelle la tête, et de deux autres étoiles placées au-dessous, qu’on appelle les épaules, et qui sont séparées des trois premières par une espèce de cou (jugulum) ce qui a fait donner à cette constellation le nom de Jugula. Vesperugo (étoile du soir), de vesper (soir), qui est même le nom qu’Opilius donne à cette étoile : Vesper adest (l’étoile du soir se lève). Les Grecs la désignent sous le nom de διεσπέριον. |
51. Naevius: Patrem suum supremum optumum appellat. Supremum ab superrumo dictum: itaque ΙΝ XII Tabulis, dicunt: Solis occasu diei suprema tempestas esto. Libri Augurum pro tempestate tempestutem dicunt supremum augurii tempus. |
51. Naevius a dit: Patrem suum, etc. Supremum (suprême), de superrumus (très haut). On trouve ce mot dans les Douze Tables : Que le coucher du soleil détermine le dernier temps du jour (suprema tempestas). Les augures disent tempestus au lieu de tempestas. Dans leurs livres, tempestus désigne la fin de l’auspice. |
52. In Cornicularia: Qui regi latrocinatus decem annos Demetrio. Latrones dicti ab latere, qui circum latera erant regi atque ad latera habebant ferrum, quos postea a stipatione stipatores appellarunt, et qui conducebantur: ea enim merces Graece dicitur λάτρον. Ab eo veteres poetae nonnunquam milites appellant latrones. At nunc viarum obsessores dicuntur latrones, quod item ut milites sunt cum ferro, aut quod latent ad insidias faciendas. |
52. Dans la comédie intitulée Cornicularia, Plaute a dit : Qui regi latrocinatus, etc. Latrones (satellites), de talus (côté), parce que ces gardes marchaient aux côtés du roi, et portaient un glaive le long des flancs. Ils furent dans la suite appelés stipatores, de stipare (presser, accompagner). Latrones désignait aussi les militaires à la solde, par dérivation du mot grec λάτρον (solde). Les anciens poètes donnent quelquefois ce nom aux hommes de guerre (milites), parce qu’ils portent également un glaive au côté ou parce qu’ils sont cachés (latent) lorsqu’ils se tiennent en embuscade. |
53. Apud Naevium: Risi egomet mecum cassabundum ire ebrium. Cassabundum a cadendo. Idem: Diabathra in pedibus habebat, erat amictus epicroco. Utrumque vocabulum Graecum. |
53. On lit dans Naevius : Risi egomet, etc. Cassabundum (qui chancelle), de cadere (tomber). Diabathra (pantoufles), et epicroco (habit couleur de safran), dont s’est servi le même poète, sont deux mots grecs, dont les racines sont διαβαίνειν (marcher) et κρόκος (safran). |
54. In Menaechmis: Inter ancillas sedere iubeas, lanam carere. Idem hoc est verbum in Cosmetria Naevii. Carere a carendo, quod eam tum purgant ac deducunt, ut careat spurcitia; ex quo carminari dicitur tum lana, cum ex ea carunt quod in ea haeret, neque est lana, quae in Romulo Naevius appellat asta ab Oscis. |
54. On lit dans les Ménechmes: Inter ancillas... carere (carder), qu’on trouve aussi dans une pièce de Naevius, vient de carere (manquer, être privé de), parce qu’on est dans l’usage de nettoyer et de tisser la laine, afin qu’elle soit dégagée (careat) de toute ordure: d’ouest venu également le mot carminare (carder, peigner la laine). Le mot osque asta, qu’on trouve dans le Romulus de Naevius, ne veut pas dire lana (laine). |
55. In Persa: Iam pol ille hic aderit, credo, congerro meus. Congerro a gerra. Id Graecum est et in Latina cratis. |
55. On lit dans la Persane: Jam pol ille, etc. Congerro (camarade), du mot grec gerra (claie ou bouclier d’osier), en latin cratis. |
56. In Menaechmis: Idem istuc aliis ascriptivis fieri ad legionem solet. Ascriptivi dicti, quod olim ascribebantur inermes, armatis militibus qui succederent, si quis eorum deperisset. |
56. On lit dans les Ménechmes : Idem istuc, etc. Adscriptivi , soldats supplémentaires, qui remplaçaient autrefois ceux des soldats en exercice qui venaient à périr: de adscribere (inscrire en sus). |
57. In Trinummo:
Nam illum tibi Ferentarium a ferendo id est inane ac sine fructu; aut quod ferentarii equites hi dicti, qui ea modo habebant arma quae ferrentur, ut iaculum. Huiuscemodi equites pictos vidi in Aesculapii aede vetere et ferentarios ascriptos. |
57. On lit dans le Trinummus Nam illam tibi, etc. Ferentarium (qui ne se fait pas attendre), de ferre (porter), c’est-à-dire vide et sans fruit; ou de ce que les cavaliers armés à la légère étaient appelés ferentarii. J’ai vu dans un ancien temple d’Esculape des peintures qui représentaient des soldats armés de cette sorte, et désignés, dans l’inscription, sous le nom de ferentarii. |
58. In Frivolaria: Ubi rorarii estis? En sunt. Ubi sunt accensi? Ecce.
Rorarii,
dicti ab rore, qui bellum committebant, ideo quod ante rorat quam
pluit.
Accensos
ministratores Cato esse scribit; potest id ab acciendo ad arbitrium
eius cuius minister. |
58. On lit dans la comédie intitulée Frivolaria : Ubi rorarii estis? etc. Rorarii (soldats qui escarmouchaient avant que le combat fût engagé), de ros (rosée), parce que la rosée ou pluie fine précède ordinairement une grande pluie. Accensi, suivant Caton, a le sens de ministratores (serviteurs) : ce mot vient probablement de accio (faire venir), parce que le maître agit par l’entremise de son serviteur. |
59. Pacuvius: Quom deum triportenta... |
59. On lit dans Pacuvius : Quom deum triportenta.... |
60. In Mercatore: Non tibi istuc magis dividiae'st quam mihi hodie fuit. Hoc itidem et in Corollaria Naeviu. Dividia ab dividendo dicta, quod divisio distractio est doloris: itaque idem in Curculione ait:
Sed
quid tibi est? Lien enecat, renes dolent, |
60. On lit dans le Mercator: Non tibi, etc. Dividia (chagrin), qu’on trouve aussi dans le Corollaria de Naevius, vient de dividere, parce que la douleur divise et arrache l’âme; ce que le même poète développe dans le Curculio: Qu’as-tu donc? tu souffres de la rate et des reins, tes poumons sont déchirés (distrahuntur). |
61. In Pagone: Honos syncerasto periit, pernis, glandio. Syncerastum est omne edulium antiquo vocabulo Graeco. |
61. Dans le Phago : Honos syncerasto, etc. Syncerastum (ragoût) ,d’un ancien mot grec. |
62. In Parasito Pigro: Domum ire coepi tramite in dextra via. Trames a transverso dictus. |
62. Dans le Parasite paresseux : Domum ire cœpi tramite, etc. Trames (chemin de traverse), de transversus. |
63. In Fugitivis: Age ergo specta, vide vibices quantas. Iam inspexi quid esset? Vibices excitatum verberibus corpus. |
63. Dans les Fugitifs : Age respecta, vide vibices, etc. Vibices (marques de coups de fouet), de verbera. |
64. In Cistellaria: Non quasi nunc haec sunt hic limaces, lividae. Limax ab limo, quod ibi vivit. Diobolares, schoenicolae, miraculae. Diobolares a binis obolis. Schoenicolae ab schoeno, nugatorio unguento. Miraculae a miris, id est monstris; a quo Accius ait: Personas distortis oribus deformis miriones. |
64. Dans le Cistellaria: Non quasi nunc, etc. Limax (limaçon), de limus, parce qu’il vit dans le limon. Diobolares, etc. Diobolares (du prix de deux oboles), de duo et de obolum. Schœnicolœ (courtisanes qui se servaient de parfum fort commun), de schœnum (mauvaise pommade faite de racine de jonc). Miraculœ (femmes monstrueuses), de mirus (monstrueux): d’où mirio, nom que le poète Accius donne aux personnes laides et contrefaites. |
65. Ibidem: Scratiae, scrupipedae, strittabillae, tantulae. Ab excreando scratias hic adsignificat. Scrupipedas Aurelius scribit ab scauripedao; Iuventius comicus dicebat a vermiculo piloso, qui solet esse in fronde cum multis pedibus; Valerius a pede ac scrupea. Ex eo Acci positum curiose: itaque est in Melanippo: Reicis abs te religionem ut scrupeam imponas tibi. Strittabillas a strettillando; strittare ab eo qui sistit aegre. |
65. Dans la même comédie : scratiœ, etc. Scratiœ (la lie des courtisanes), de excreare (cracher). Scrupipedœ (qui a peine à marcher), de scauripeda (boiteux), suivant Aurélius. Ce mot, d’après le poète comique Juventius, viendrait du nom d’un petit ver velu, qui a une multitude de pattes, et qui vit de feuillage. Valérius lui donne pour racines pes (pied) et scrupeus (pierreux, raboteux) Strittabillas (qui traîne les pieds en marchant), de strittilare, diminutif de strittare (se tenir avec peine sur ses pieds). |
66. In Astraba: Acsitiosae annonam caram e vili concinnant viris. Ideo in Sitellitergo idem ait: Mulier es, uxor. - Cuius vis ? - Ego novi, scio acsitiosa. Sic Claudius scribit Axitiosas demonstrari consupplicatrices. Ab agendo axitiosas: ut ab una faciendo factiosae, sic ab una agendo actiosae et axtiosae dictae. |
66. Dans l’Astraba: Axitiosœ annonam, etc. Axitiosœ (qui conspire, intrigant), qu’on trouve aussi dans le Sitellitergus et dans Claudius, de agere (agir). De même que factiosa (factieux) vient de facere (faire) et de una (ensemble), ainsi actiosœ et axitiosœ viennent de agere et de una. |
67. In Cesistione: Da stribula aut de lumbo obscena viscera. Stribula, ut Opillus, scribit, circum coxendices, sunt bovis; id Graecum est ab eius loci versura. |
67. Dans le Cesistio: da stribula, etc. Stribula désigne, suivant Opilius, la chair du haut des cuisses de bœuf : ce mot est d’origine grecque. |
68. In Nervolaria: Scobina ego illunc actutum adraserim. Scobinam a scobe: lima enim materiae fabrilis est. |
68. Dans le Nervolaria : Scobina ego, etc. Scobina (lime), de scobs (limaille). |
69. In Poenulo: Vinceretis cervum cursu vel grallatorem gradu. Grallator a gradu magno dictus. |
69. Dans le Pœnulus : Vinceretis cervum, etc. Gralator (qui va sur des échasses), de gradus (pas) et de magnus (grand). |
70. In Truculento: Sine virtute argutum civem mihi habeam pro praefica. Praefica dicta, ut Aurelius scribit, mulier ad lucrum quae conduceretur, quae ante domum mortui laudeis eius caneret. Hoc factitatum Aristoteles scribit in libro qui inscribitur Νόμιμα Βαρβαρικά, quibus testimonium est, quod fretum est Naevii: Haec quidem hercle, opinor, praefica est: nam mortuum collaudat. Claudius scribit: quae praeficeretur ancillis, quemadmodum lamentarentur, praefica est dicta. Utrumque ostendit a praefectione praeficam dictam. |
70. Dans le Truculentus : Sine virtute, etc. Prœjica désigne, suivant Aurélius, la pleureuse à gages, qui, dans les funérailles, chantait, devant la maison mortuaire, les louanges du défunt. Aristote parle de cet usage dans le livre intitulé Νόμιμα Βαρβαρικά (coutumes étrangères). Naevius y fait allusion dans ce passage Hœc quidem, hercle, opinor, prœfica est, etc. Suivant Claudius, prœfica dérive de prœficere, parce qu’on prescrivait aux servantes le mode du deuil. Les deux exemples que j’ai cités prouvent que ce mot vient de prœfectio (prescription). |
71. Apud Ennium:
Decem
Coclites quas montibus summis Ab oculo Cocles, ut ocles, dictus, qui unum haberet oculum: quocirca in Curculione est:
De
Coclitum prosapia te esse arbitror: |
71. Ennius a dit: Decem coclites, etc. Codes (borgne), de oculus (œil), comme qui dirait odes. On lit, en effet, dans le Curculio : Tu es sans doute de la famille des Coclès; car les coclès n’ont qu’un œil (unoculi). |
72. Nunc de temporibus dicam. Quod est apud Cassium: Nocte intempesta nostram devenit domum, intempesta nox dicta ab tempestate, tempestas ab tempore; nox intempesta, quo tempore nihil agitur. |
72. Je passe aux mots relatifs aux temps. On lit dans Cassius : Nocte intempesta, etc. Intempestus (inopportun pour agir), de tempestas, qui dérive de tempus (temps). |
73.
Quid noctis videtur in altisono Hic multam noctem ostendere volt a temonis motu; sed temo unde et cur dicatur latet. Arbitror antiquos rusticos primum notasse quaedam in caelo signa, quae praeter alia erant insignia atque ad aliquem usum, ut culturae tempus, designandum, convenire animadvertebantur. |
73. Quidnoctis, etc: Où est en ce moment le char de la nuit? Le Timon (constellation) entraîne les étoiles dans les hauteurs du ciel. Le poète a voulu désigner une heure avancée de la nuit; mais pourquoi la constellation dont il parle est-elle appelée Temo? C’est ce que je ne saurais dire précisément. Je suppose qu’anciennement les gens de la campagne ont remarqué particulièrement certaines constellations, qui leur paraissaient propres à déterminer le temps de la culture ou de tout autre travail champêtre. |
74. Eius signa sunt, quod has septem stellas Graeci ut Homerus vocant Ἅμαξαν, et propinquum eius signum Βοῶτην, nostri eas septem stellas boves et temonem et prope eas axem. Triones enim boves appellantur a bubulcis etiam nunc, maxime quom arant terram; e quis ut dicti valentes glebarii, qui facile proscindunt glebas, sic omnes qui terram arabant a terra terriones, unde triones ut dicerentur E detrito. |
74. Ce qui me confirme dans cette opinion, c’est qu’Homère et les Grecs appellent Ἅμαξα (le Chariot) la constellation boréale, qui se compose de sept étoiles, et Βοῶτης (le Bouvier), la constellation voisine; et que les Latins appellent boves (bœufs), temo (timon) et axis (axe), les différentes parties de la constellation que les Grecs nomment le Chariot. Les laboureurs appellent encore aujourd’hui triones les bœufs employés au labour; et de même valentes glebarii désignent les bœufs robustes qui labourent facilement la glèbe. Ainsi triones, contraction de terriones, dérivé de terra (terre), désigne en général les bœufs de labour. |
75. Temo dictus a tenendo: is enim
continet iugum.
Et plaustrum, appellatum a parte totum, ut multa.
Possunt triones dict septem, quod
ita sitae stellae, ut ternae trigona faciant. |
75. Temo (timon) dérive de tenere, parce que le timon soutient le joug. Plaustrum (chariot) désigne, par synecdoque, la constellation entière, qui doit peut-être aussi le nom de triones à sa forme triangulaire. |
76. Ajax, quod lumen, iubarne in caelo cerno ? Iubar dicitur stella Lucifer, quae in summo quod habet lumen diffusum, ut leo in capite iubam. Huius ortus significat circiter esse extremam noctem. Itaque ait Pacuius: Exorto iubare, noctis decurso itinere |
76. Ajax, quod lumen, jubarne, etc. Jubar (étoile du matin, appelée Lucifer) dérive de juba (crinière du lion), parce que sa lumière est rayonnante. Son lever annonce la fin de la nuit; ce qui a fait dire à Pacuvius : Au lever de Lucifer, à l’heure où la nuit achève sa carrière. |
77. Apud Plautum in Parasito Pigro: Inde hic bene potus, primulo crepusculo. Crepusculum ab Sabinis, quod id dubium tempus noctis an diei sit. Itaque in Condalio est: Tam crepusculo, ferae ut amant, lampades accendite. Ideo dubiae res creperae dictae. |
77. On lit dans le Parasite paresseux de Plaute : Inde hic... crepusculo. Crepusculum (crépuscule), mot sabin, qui désigne le moment où l’on doute s’il fait jour ou s’il fait nuit : ce qui a fait dire au même poète, dans le Condalius: Tam crepusculo, etc. De là encore res crepero. (choses douteuses.) |
78. In Trinummo: Concubium sit noctis priusquam ad postremum perveneris. Concubium a concubitu dormiendi causa dictum. |
78. Dans le Trinummus : Concubium sit noctis, etc. Concubium (temps le plus calme de la nuit), de concubare (être couché.) |
79. In Asinaria: Videbitur, factum volo: at redito huc conticinio. Putem a conticiscendo conticinium sive, ut Opillus scribit, ab eo quom conticuerunt homines. |
79. Dans l’Asinaria: Videbitur... huc conticinio. Conticinium (le temps le plus silencieux de la nuit) vient probablement de conticiscere (garder un silence général), ou, suivant Opilius, de conticere, conticui, verbe synonyme. |
80. Nunc de his rebus quae assignificant aliquod tempus, quom
dicuntur aut fiunt, dicam.
Reciproca tendens nervo equino concita Reciproca est, quom unde quid profectum, redit eo. Ab recipere reciprocare fictum, aut quod poscere procare dictum. |
80. Je vais maintenant m’occuper des mots qui désignent ce qui se dit ou se fait à de certaines époques du temps. On lit dans Accius : Reciproca tendens, etc. Reciprocus (qui retourne au lieu d’où il est venu dérive de recipere (reprendre), ou de procare, qui a le sens de poscere (demander). |
80. Apud Plautum: Ut transversus, non proversus cedit quasi cancer solet. Proversus dicitur ab eo quod in id quod est versus, et ideo qui exit in vestibulum, quod est ante domum, prodire et procedere; quod cum leno non faceret, sed secundum parietem transversus iret, dixit : ut transversus cedit quasi cancer, non proversus ut homo. |
81. Dans Plaute : Ut transversus non proversus, etc. Proversus désigne celui qui va directement vers un lieu, de même que prodire et procedere désignent l’action d’aller directement vers le vestibule pour sortir de la maison. Or, comme l’homme dont il s’agit (leno, celui qui tient une maison de prostitution) marchait obliquement le long de la muraille, Plaute a dit : il marche obliquement (transversus) comme une écrevisse, et non droit devant lui (proversus) comme un homme. |
82. Apud Ennium: Andromachae nomen qui indidit, recte indidit. Item: Quapropter Parim pastores nunc Alexandrum vocant. Imitari dum voluit, Euripiden et ponere ἔτυμον, est lapsus; nam Euripides quod Graeca posuit, ἔτυμα sunt aperta. Ille ait ideo nomen additum Andromachae, quod ἀνδρὶ μάχεται : hoc Ennium, quis potest intellegere in versu significare : Andromachae nomen qui indidit, recte indidit, aut Alexandrum ab eo appellatum in Graecia, qui Paris fuisset, a quo Herculem quoque cognominatum alexikakon, ab eo quod defensor esset hominum. |
82. Dans Ennius : Le nom d’Andromaque est un nom bien approprié à celle qui le porte. — C’est pourquoi Pâris est appelé maintenant Alexandre par les bergers. En voulant imiter Euripide dans des allusions étymologiques, Ennius s’est fourvoyé; car dans Euripide, qui écrivait en grec, les étymologies sont manifestes. Le nom d’Andromaque, dit-il, dérive de ἀνδρὶ μάχεται (elle lutte contre les hommes); mais comment reconnaître cette étymologie dans le vers d’Ennius que j’ai cité : Andromachœ nomen, etc.? et comment se rendre raison, dans le même auteur, du nom d’Alexandre substitué à celui de Pâris, et deviner que ce nom, comme celui d’Alexicacos, donné à Hercule, veut dire défenseur des hommes? |
83. Apud Accium:
Iamque Auroram rutilare procul Aurora dicitur ante solis ortum, ab eo quod ab igni solis tum aureo aer aurescit. Quod addit rutilare, est ab eodem colore: aurei enim rutili, et inde etiam mulieres valde rufae rutilae dictae. |
83. On lit dans Accius : Jamque auroram rutilare, etc. Aurora (aube du jour), de aurum (or), parce que l’aurore est un reflet de la lumière dorée du soleil. Rutilare (briller) a la même origine. De là rutilae, pour désigner les femmes qui sont très rousses. |
84. Apud Terentium: Scortatur, potat, olet unguenta de meo. Scortari est saepius meretriculam ducere, quae dicta a pelle: id enim non solum antiqui dicebant scortum, sed etiam nunc dicimus scortea ea quae ex corio ac pellibus sunt facta; inde in aliquot sacris ac sacellis scriptum habemus: Ne quid scorteum adhibeatur ideo, ne morticinum quid adsit. In Atellanis licet animadvertere rusticos dicere se adduxisse pro scorto pelliculam. |
84. On lit dans Térence : Scortatus, potat, etc. Scortari (fréquenter les femmes de mauvaise vie) dérive de scortum, ancien mot qui voulait dire peau, et qui désigne actuellement les prostituées. On appelle même encore aujourd’hui scortea des vêtements de cuir et de peau. On voit écrit dans quelques temples : Qu’on n’apporte ici ni cuir ni aucune autre dépouille de corps mort. On peut remarquer dans les atellanes que les paysans se servent de pellicula (petite peau), au lieu de scortum, pour désigner une courtisane. |
85. Apud Accium: Multis nomen vestrum numenque ciendo. Numen dicunt esse imperium, dictum ab nutu, quod cuius nutu omnia sunt, cuius imperium maximum esse videatur: itaque in Iove hoc et Homerus et aliquotiens Livius. |
85. On lit dans Accius : Multis... numenque ciendo. Numen (puissance, divinité) dérive de nutus (signe de tête). Numina désigne les êtres auxquels on attribue une souveraine puissance, comme Jupiter, qui, dans Homère et quelquefois dans Livius, ébranle le ciel et la terre par un signe de tête (nutus). |
86. Apud Plautum: Si unum: epityrum estur insane bene. Epityrum vocabulum est cibi, quo frequentius Sicilia quam Italia usa. Id vehementer quom vellet dicere edi, dixit insane, quod insani omnia faciunt vehementer. |
86. On lit dans Plaute : Si unum epityrum, etc. Epityrvmn, aliment dont l’usage est fort commun en Sicile. Plaute s’est servi du mot insane pour indiquer l’avidité excitée par la vue de ce mets, parce que les fous (insani) font tout avec impétuosité. |
87. Apud Pacuvium:
Flexanima tamquam lymphata aut Bacchi sacris Lymphata dicta a lympha; lympha a Nympha, ut quod apud Graecos Θέτις, apud Ennium: Thelis illi mater. In Graecia commota mente quos nympholeptos, appellant, ab eo lymphatos dixerunt nostri. Bacchi, qui et Liber, cuius comites Bacchae. Et vinum in Hispania baccha. |
87. On lit dans Pacuvius : Flexanirna tanquam lymphata, etc. Lymphatus (fanatique, transporté de fureur), de lympha, dérivé de nympha, dont la lettre n a été remplacée par la lettre l, de même qu’Ennius a dit Thelis au lieu de Thetis, en grec Θέτις. De νυμφόληπτος, qui signifie frénétique, ému d’une horreur divine, nous avons dit lymphatus. Bacchus ou Liber, dont les compagnes ont été appelée bacchantes. De là aussi baccha (vin), usité en Espagne. |
88. Origo in his omnibus Graeca, ut quod apud
Pacuium: Haec enim avis nunc Graece dicitur ἀλκυών, nostri alcedo; haec hieme quod pullos dicitur tranquillo mari facere, eos dies alcyonios appellant. Quod est in versu alcyonis ritu, id est eius instituto, ut quom haruspex praecipit, ut suo quique ritu sacrificium faciat, et nos dicimus XVI viros Graeco ritu sacra, non Romano facere. Quod enim fit rite,, id ratum ac rectum est; ab eo Accius Recte perfectis sacris Volt accipi. |
88. L’origine de tous ces mots est grecque, ainsi que celle d’alcyon, qu’on trouve dans ce vers de Pacuvius : Alcyonis ritu, etc. Alcyon est le nom d’un oiseau, nommé par les Grecs ἀλκυών, et par nous alcedo. Nous avons appelé alcyonii les jours d’hiver où l’on dit que cet oiseau fait son nid sur la mer pendant qu’elle est calme. Alcyonis ritu, c’est-à-dire alcyonis instituto, à la manière de l’alcyon, par un emploi métaphorique de ritus, qui, au propre, signifie coutume religieuse. Ainsi l’aruspice enjoint à chacun de sacrifier suo quisque ritu (selon sa coutume particulière); ainsi nous disons que les seize prêtres sibyllins sacrifient grœco ritu, non romano (à la manière des Grecs, et non des Romains). Une chose est faite rite, c’est-à-dire d’une manière fixe et convenable, comme on peut l’induire de ce passage d’Accius : recte perfectis sacris, etc. |
89. Apud Ennium: Si voles advortere animum, comiter monstrabitur. Comiter : hilare ac lubenter, cuius origo Graeca κῶμος, inde comissatio Latine dicta et in Graecia, ut quidam scribunt, comodia. |
89. On lit dans Ennius : Si voles... comiter monstrabitur. Comiter (obligeamment, gracieusement) vient du mot grec κῶμος : d’où, en latin, comissatio (festin), et, en grec, suivant quelques auteurs, comodia. |
90. Apud Atilium: Cape, caede, lide, come, condi. Cape, unde accipe; sed hoc in proximo libro retractandum. |
90. On lit dans Atilius : Cape, cœde, etc. Cape (prends), d’où accipere (recevoir). Je reviendrai sur ce mot dans le livre suivant. |
Apud Pacuvium:
Nulla
res neque Cicurare, mansuefacere: quod enim a fero discretum, id dicitur cicur, et ideo dictum : cicur ingenium obtineo, mansuetum; a quo Veturii quoque nobiles cognominati Cicurini. Hinc natum a cicco cicur videtur. Ciccum dicebant membranam tenuem, quae est ut in malo Punico discrimen; a quo etiam Plautus dicit: Quod volt demensum, ciccum non interduo. |
91. On lit dans Pacuvius: Nulla res ne que cicurare, etc. Cicurare veut dire apprivoiser. Cicur désigne ce qui n’est point farouche, sauvage; ce qui explique cette expression : cicur ingenium obtineo (j’ai l’esprit traitable). De là encore le surnom de Cicurii donné aux Véturius, noble famille romaine. Cicur dérive probablement de ciccum (pellicule qui divise le dedans de la grenade). Cette origine donne l’interprétation de ce passage de Plaute: quod volt elenchum, etc.: Il me faut une preuve; je ne me tiens pas satisfait d’une réponse ambiguë (ciccum.) |
92. Apud Naevium: Eccum venire video ferme iniuria. Ferme dicitur quod nunc fere; utrumque dictum a ferendo, quod id quod fertur est in motu atque adventat. |
92. On lit dans Naevius : Eccum venire video ferme, etc. Ferme a ici le sens qu’a aujourd’hui fere (presque). Ces deux mots dérivent de ferre (porter), parce que ce qui est porté est en mouvement et s’approche. |
93. Apud Plautum: Euax, iurgio uxorem tandem abegi a ianua. Euax verbum nihil significat, sed effutitum naturaliter est, ut apud Ennium: Hehae, ipse clipeus cecidit; apud Ennium: Eheu, mea puella, e spe quidem id successit, tibi; apud Pompilium: Heu, qua me causa, Fortuna, infeste premis? Quod ait iurgio, id est litibus: itaque quibus res erat in controversia, ea vocabatur lis: ideo in actionibus videmus dici Quam rem sive litem dicere oportet. Ex quo licet uidere iurgare esse ab iure dictum, quom quis iure litigaret; ab quo obiurgat is qui id facit iuste. |
93. On lit dans Plaute : Evax jurgio, etc. Evax ne signifie rien : c’est une exclamation purement naturelle, comme dans ces passages d’Ennius : Hehœ, ipse clipeus cecidit; — Eheu, mea puella, etc., et dans cet autre de Pompilius : Heu, qua me causa, etc. Jurgium a le sens de lis (procès à l’occasion d’une chose contestée), dont on peut reconnaître la signification positive dans cette formule d’action : Quam rem sive mi litem, etc. On peut induire de là que jurgare dérive de jus (droit, justice), et signifie contester avec justice : d’où objurgare (reprocher justement). |
94. Apud Lucilium: Atque aliquot sibi si ab rebus clepsere foro qui. Clepsere dixit, unde etiam alii clepere, id est corripere, quorum origo a clam, ut sit dictum clapere, unde clepere E ex A commutato, ut multa. Potest vel a Graeco dictum κλέπτειν clepere. |
94. On lit dans Lucilius : Atque aliquos ibus etc. Clepsere (prendre, dérober), d’où clepere, dont la racine est clam (en cachette), qui a dû d’abord donner naissance à clapere; puis, par suite du changement assez ordinaire de l’a en e, clapere est devenu clepere. Ce mot peut bien venir aussi du mot grec κλέπτειν. |
95. Apud Matium: Corpora Graiorum maerebat, mandier igni. Dictum mandier a mandendo, unde manducari, a quo et in Atellanis Dossenum vocant Manducum. |
95. On lit dans Matius: Corpora Graiorurn. Mandier (être mangé), de mandere, d’où manducari, et Manducus (personnage des Atellanes de Dossenus). |
96. Apud Matium: Obscaeni interpres funestique ominis auctor. Obscaenum dictum ab scaena; ea, ut Graeci, σκηνὴ et Accius scribit scenam. In pluribus verbis A ante E alii ponunt, alii non, ut quod partim dicunt scaeptrum, partim sceptrum, alii Plauti Faeneratricem, alii Feneratricem; sic faenisicia ac fenisicia, ac rustici Pappum Mesium, non Maesium, a quo Lucilius scribit: Cecilius pretor ne rusticus fiat. Quare turpe ideo obscaenum, quod nisi in scaena, palam dici non debet. |
96. On lit dans le même poète: Obscœni interpres, etc. Obscœnus (de mauvais augure) dérive de scœna (scène) , ou, comme l’écrit Accius, scena, qui vient du grec σκήνή. Ce mot est du nombre de ceux que les uns écrivent avec un a et un e, et les autres avec un e sans a, comme sceptrum ou scœptrum (sceptre); fœneratrix, à l’exemple de Plaute, ou feneratrix (usurière); fœnisicia ou fenisicia (fenaison). Les gens de la campagne écrivent Pappus Mesius, et non Mœsius; ce qui a fait dire à Lucilius : Cecilius pretor ne rusticus fiat. Obscœnum signifie donc ce qui ne peut être dit publiquement que sur la scène. |
97. Potest vel ab eo quod pueris turpicula res in collo quaedam suspenditur, ne quid obsit, bonae, scaevae causa scaevola appellata. Ea dicta ab scaeva, id est sinistra, quod quae sinistra sunt bona auspicia existimantur; a quo dicitur comitia aliudve quid, sicut dixi, scaeva fieri avi, sinistra quae nunc est. Id a Graeco est, quod hi sinistram vocant σκαιάν; quare, quod dixi, obscaenum omen est omen turpe; quod unde id dicitur os, osmen, e quo S extritum. |
97. Peut-être ce mot vient-il de scœvola, nom d’une espèce d’amulette qu’on suspend au cou des enfants. Scœvola vient de scœva , qui a le sens de sinistra, parce que les auspices qui se prennent du côté gauche sont réputés favorables. De là sinistimus (favorable), vieux mot qui a la même signification que sinister, en parlant des comices ou de certaines autres choses. Scœva dérive du mot grec σκαιά, qui a le sens du mot latin sinistra. Obscœnum omen veut donc dire, dans le vers que j’ai cité, un présage défavorable. Omen, contraction de osmen. |
98. Apud Plautum: Quia ego antehac te amavi et mihi amicam esse crevi. Crevi valet constitui: itaque heres cum constituit se heredem esse, dicitur cernere, et cum id fecit, crevisse. |
98. On lit dans Plaute: Quia ego antehac, etc. Crevi a le sens de constitui (j’ai résolu). De là cernere, en parlant d’un héritier qui se décide à accepter une succession, et crevisse, quand il l’a acceptée. |
99. Apud eundem quod est: Mihi frequentem operam dedistis, valet assiduam: itaque qui adest assiduus fere et quom oportet, is frequens, cui infrequens opponi solet. Itaque illud quod eaedem mulierculae dicunt:
Pol
isto quidem nos pretio perfacile apparet dicere: facile est curare ut adsidue adsimus, cum tam bene nos accipias. |
99. On lit dans le même poète: Mihi frequentem, etc. Frequens équivaut dans ce passage à assiduus (assidu, continuel), qui dérive de adesse (être présent à), et a pour corrélatif frequens, dérivé de ferre (porter). C’est pourquoi les paroles que Plaute prête aux mêmes femmes : Pot istoc quidem, etc., équivalent à celles-ci : Nous n’aurons point de peine à être assidues, puisque vous nous accueillez si bien. |
100. Apud Ennium: Decretum fossari corpora telis.
Hoc verbum Ennii dictum a fodiendo, a quo
fossa. |
100. On lit dans Ennius: Decretum fossari, etc. Fossari (être percé), de fodere (creuser, percer), d’où fossa (fosse). |
101. Apud Ennium: Vocibus concide, fac si musset obrutus. Mussare dictum, quod muti non amplius quam μῦ dicunt; a quo idem dicit id quod minimum est: Neque, ut aiunt, μῦ facere audent. |
101. Dans le même poète : Vocibus concide, fac is musset, etc. Mussare (parler bas, garder le silence), de μu, son inarticulé des muets, d’où mutus (muet) : ce qui a fait dire au même auteur, pour indiquer un silence absolu: ils n’osent même pas, comme on dit, proférer , c’est-à-dire, ils n’osent pas souffler. |
102. Apud Pacuium:
Di monerint meliora atque amentiam Ab avertendo averruncare, ut deus qui in eis rebus praeest Averruncus. Itaque ab eo precari solent, ut pericula avertat. |
102. On lit dans Pacuvius : Dei monerint... averruncassint. Averruncare (détourner), de avertere: d’où Averruncus, nom du dieu qui détourne de nous les malheurs, et qu’on invoque dans les dangers. |
103. In Aulularia: Pipulo te differam ante aedis, id est convicio, declinatum a pipatu pullorum. Multa ab animalium vocibus tralata in homines, partim quae sunt aperta, partim obscura; perspicua, ut Ennii: Animus cum pectore latrat. Plauti: Gannit odiosus omni totae familiae. Caecilii: Tantum rem dibalare ut pro nilo habuerit Lucilii: Haec, inquam, rudet ex rostris atque heiulitabit. Eiusdem: Quantum hinnitum atque equitatum. |
103. On lit dans l’Aulularia: Pipulo te, etc. Pipulum (injure), de pipatus (gloussement des poussins). Les cris des animaux ont donné naissance à beaucoup de mots, appliqués métaphoriquement aux hommes, dont les uns ont une étymologie manifeste, et les autres présentent plus de difficulté. Au nombre des premiers, je citerai latrare (aboyer), d’Ennius; gannire (glapir), de Plaute; dibalare (bêler), de Cécilius; rudere (rugir), ejulitare (hurler), et hinnire (hennir), de Lucilius. |
104. Minus aperta, ut Porcii ab lupo: Volitare ululantis. Ennii a vitulo: Tibicina maximo labore mugit. Eiusdem a bove: Clamore bovantes. Eiusdem a leone: Pausam fecere fremendi. Eiusdem ab haedo: Clamor ad caelum volvendus per aethera vagit. Suei a merula: Frendit e fronde et fritinnit suaviter. Macci in Casina, a fringuilla: Quid fringuttis? Quid istuc tam cupide cupis? Suei a volucribus:
Ita tradet aeque in rem neque in |
104. Parmi ceux dont l’origine est moins manifeste, je citerai ululare (hurler, cri du loup), de Porcins; mugire (mugir, cri du veau); bovare (beugler, cri du bœuf); fremere (rugir, cri du lion); vagire (vagir, cri du chevreau), d’Ennius; fritinnire (gazouiller, cri de l’hirondelle), de Suétus; .... fringutire (chanter comme le pinson), de Plaute; tritillare (caqueter comme les oiseaux), de Suétus. |
105. In Colace: Nexum... Nexum Mamilius scribit omne quod per libram et aes geritur, in quo sint mancipia; Mutius, quae per aes et libram fiant ut obligentur, praeter quom mancipio detur. Hoc verius esse ipsum verbum ostendit, de quo quaeritur: nam id aes quod obligatur per libram neque suum fit, inde nexum dictum. Liber qui suas operas in servitutem pro pecunia quam debebat nectebat, dum solveret, nexus vocatur, ut ab aere obaeratus. Hoc C. Poplilius auctore Visolo dictatore sublatum ne fieret, ut omnis qui bonam vopiam iurarunt, ne essent nexi, sed soluti. |
105. On lit dans le Colax: Nexum... Suivant Mamilius, nexum désigne une certaine formule d’aliénation qui se pratiquait avec la balance, l’argent à la main. Suivant Mutius, nexum désigne une obligation personnelle, contractée indépendamment de l’aliénation réelle. Cette explication est plus conforme à la nature du mot, qui veut dire lier, obliger. L’homme libre qui, ne pouvant payer son créancier, s’oblige à le servir, est appelé nexus, de même que celui qui est surchargé de dettes est appelé obœratus (obéré), de œs, œris (argent). Cet usage fut primé pendant la dictature de Visolus, sur la proposition de C. Poplilius; et il fut établi que ceux qui affirmeraient par serment qu’ils sont en état de parvenir à se libérer cesseraient d’être obligés. |
106. In Casina:
Sine
amet, sine quod lubet id Delicuum dictum ab eo, quod ad deliquandum non sunt, ut turbida quae sunt deliquantur, ut liquida fiant. Aurelius scribit delicuum esse ab liquido: Claudius ab eliquato. Si quis alterutrum sequi malet, habebit auctorem Atilium:
Per laetitiam liquitur animus. |
106. On lit dans la Casina : Sine anet... delicuum est... Delicuum désigne ce qui n’a pas besoin d’être clarifié, au contraire des choses troubles. Suivant Aurélius, delicuum dérive de liquidus (pur); suivant Claudius, de eliquatus (liquéfié). Ces deux étymologies peuvent s’appuyer sur l’autorité d’Atilius : Per lœtitiam liquitur animus (mon âme se liquéfie dans la joie). Liquitur vient de liquare. |
107. Multa apud poetas reliqua esse verba quorum origines possint dici, non dubito, ut apud Naevium in Hesiona
Enimvero gladii lingula |
107. La plupart des autres mots poétiques ne me semblent pas offrir beaucoup de difficultés, comme lingula gladii (lame d’épée), que je lis dans l’Hésione de Naevius, et qui vient évidemment de lingua (langue); vitulantes (s’abandonnant à la joie), qu’on trouve dans le Clastidius, et qui dérive de vitulus (veau); caperata frons (front ridé), qui se lit dans la pièce intitulée Dolus, et qui a pour racine capra (chèvre); persibus (très pénétrant), de pente (habilement, avec finesse), comme l’indique le mot callide, interpolé par les glossateurs dans le Démétrius; protinam (de suite), de protinus, dans le Lampadio; clucidatus (adouci), de glukuV (doux), quoique les glossateurs lui donnent le sens de mansuetus (apprivoisé), dans le Nagido; consponsus (garant des fiançailles), dans le Romulus; prœbia (amulette qu’on suspend au cou des enfants), de prœbere (donner), dans le Stigmatias; confictant (composer), de confictus (participe de confingere), dans le Technicus. |
In Tarentilla exbolas quassant aulas quae eiciuntur, a Graeco verbo ἐκβολὴ dictum; in Bello Punico: nec satis sarrare ab serare dictum, id est aperire; hinc etiam serae, qua remota fores panduntur. |
108. Prœlucidum (très brillant), de lux (lumière), dans la Tarentilla; exbolas (traits), du mot grec ἐκβολή), dans la pièce intitulée Tunicularia; sarrare, de serare (ouvrir) : d’où sera (verrou).
|
109. Sed quod vereor ne plures sint futuri qui de hoc genere me quod nimium multa scripserim reprehendant quam quod reliquerim quaedam accusent, ideo potius iam reprimendum quam procudendum puto esse volumen: nemo reprensus qui e segete ad spicilegium reliquit stipulam. Quare institutis sex libris, quemadmodum rebus Latina nomina essent imposita ad usum nostrum: e quis tris scripsi Po. Septumio qui mihi fuit quaestor, tris tibi, quorum hic est tertius, priores de disciplina verborum originis, posteriores de verborum originibus. In illis, qui ante sunt, in primo volumine est quae dicantur, cur ἐτυμολογικὴ neque ars sit neque ea utilis sit, in secundo quae sint, cur et ars ea sit et utilis sit, in tertio quae forma etymologiae. In secundis tribus quos ad te misi item generatim discretis, primum in quo sunt origines verborum locorum et earum rerum quae in locis esse solent, secundum quibus vocabulis tempora sint notata et eae res quae in temporibus fiunt, tertius hic, in quo a poetis item sumpta ut illa quae dixi in duobus libris soluta oratione. Quocirca quoniam omnis operis de Lingua Latina tris feci partis, primo quemadmodum vocabula imposita essent rebus, secundo quemadmodum ea in casus declinarentur, tertio quemadmodum coniungerentur, prima parte perpetrata, ut secundam ordiri possim, huic libro faciam finem. |
109. Mais comme je crains d’encourir plutôt le reproche d’avoir poussé trop loin cette énumération, que celui d’avoir omis certains mots, je crois devoir plutôt restreindre ce livre, que m’attacher à l’étendre davantage. Qui a jamais blâmé le moissonneur d’avoir laissé quelques épis à glaner après lui? J’ai entrepris, comme je vous l’ai dit, d’exposer en six livres l’origine des mots latins. De ces six livres, j’ai adressé les trois premiers à Septimius, qui fut questeur sous moi, et à vous les trois suivants, dont celui-ci est le troisième. Dans les uns j’ai traité des lois de l’origine des mots, et dans les autres de leurs origines proprement dites: examinant dans ceux-là ce qui a été dit contre, ce qui a été dit pour, et ce qui a été dit sur l’étymologie; et dans ceux que je vous ai adressés: 1° les origines des mots qui désignent les lieux, et les choses qui sont dans les lieux; 2° les origines des mots qui désignent les temps, et les choses qui se font dans les temps; 3° les origines des mots employés par les poètes, comme je l’avais fait dans les deux livres précédents pour ceux du langage prosaïque. Je me propose donc d’achever de parcourir le cercle que je me suis tracé dans l’étude de la langue latine, et qui embrasse trois parties : 1° les origines des mots; 2° les déclinaisons; 3° la syntaxe. Or, j’ai terminé ce qui regarde la première, et je passe à la seconde, c’est-à-dire aux déclinaisons
|
NOTES SUR LE LIVRE VII.
1. Ut enim faciliits obscuram operam Myrniecidis. Myrmécide, artiste de Milet, dont les ouvrages étaient remarquables par leur extrême délicatesse. Il faisait des chars si petits que l’aile d’une mouche pouvait couvrir et la voiture et les chevaux. V. Pline, Hist. Nat., vii, 21; xxxvi, 5. — Cicéron, Prem. Acad. ii, 38. 34. In medio. Titre d’une tragédie de Pacuvius. 36. Versibus quos olim, etc. Vers d’Ennius, 37. Plato in quatuor fluminibus.. Varron fait ici allusion à un passage du Phédon. 50. Neque jugula, nequo vesperugo. Vers de Plaute (Amphyt. i, i, 119). 52. In Cornicularia. Comédie attribuée à Plaute. 54. In Menaechmis. Comédie de Plaute (V, 2, 46). 55. In Persa. Comédie de Plaute (i, 3, 2). 56. Idem istuc aliis, etc. Vers des Ménechmes de Plaute (i, 3, 9). 57. In Trinummo. Comédie de Plaute (ii, 4, 54). 58. In Frivolaria. Titre d’une comédie de Plaute. 60. In Mercatore. Comédie de Plaute (iii, 4, .34). 60. In Curculione. Comédie de Plaute (IT, I, 21). 61. In Phagone. Titre d’une comédie attribuée à Plaute. 62. In Parasito pigro. Titre d’une comédie attribuée à Plaute. 63. In Fugitivis. Titre d’une comédie attribuée à Plaute. 64. In Cistellaria. Comédie de Plaute. Les vers cités par Varron ne s’y trouvent pas. 66. In Astraba: — In Sitellitergo. Titres de comédies attribuées à Plaute. 67. — 68. In Cesistione: — In Nervolaria. Idem. 69. In Poenulo. Comédie de Plaute (iii, i, 27). 70. In Truculento. Comédie de Plaute (ii, 6, 14). 73. Quid noctis videtur, etc. Vers d’Ennius. 76. Ajax, quod lumen, etc. Vers d’Ennius. 79. In Asinaria. Comédie de Plaute (iii, 3, 95). 81. Ut transversus, etc. Vers de Plaute (Pseudolus, iv, i, 45). 84. Scortatur, potat, etc. Vers de Térence (Adelphi, i, 2, 37). 86. Si unum epityrum, etc. Vers de Plaute (Miles gloriosus, i, i, 24). 93. Euax, jurgio uxorem, etc. Vers de Plaute (Menœchmi, i, 2, 18). 95. Apud Matium. Matius, poète romain, ami de César. Il composa des poésies sous le titre de Mimiambes, et fit une traduction latine de l’Iliade. Cicéron lui a écrit quelques lettres. 98. Quia ego antehac, etc. Vers de Plaute (Cistellaria, i, i, i). 99. Mihifrequentem, etc. Vers du même poète (Cistellaria, 1, i, 17. — 1, i, 9. — ii). 103. Pipulo te differam, etc. Vers de Plaute (Aulularia, iii, 2, 32). 104. In Casmia. Titre d’une comédie attribuée à Plaute. 105. In Colace. Comédie de Plaute ou de Naevius. 107. Multa apud poetas, etc. Les différentes pièces citées dans ce paragraphe sont de Pacuvius et de Naevius.
|