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table des matières de l'œuvre DE VARRON

 

VARRON

 

DE LA LANGUE LATINE

DE LINGUA LATINA

 

LIVRE VI.

LIVRE V - LIVRE VII

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

LIBER SEXTUS.

I. 1. Origines verborum quae sint locorum, et ea quae in his in priore libro scripsi. In hoc dicam de vocabulis temporum et earum rerum quae in agendo fiunt aut dicuntur cum tempore aliquo, ut sedetur, ambulatur, loquontur. Atque si qua erunt ex diverso genere adiuncta, potius cognationi verborum quam auditori calumnianti geremus morem.

LIVRE VI

I. 1. J'ai exposé, dans le livre précédent, les origines des noms des lieux, et des choses qui sont dans les lieux. J'exposerai dans celui-ci les origines des noms des temps, et des choses qui se font ou se disent dans le temps, comme de sedere (être assis ), ambulare (marcher ), loqui (parler). S'il se présente des mots de diverses espèces, j'aurai plutôt égard à leur affinité qu'à l'ordre qu'exigerait une critique sévère.

2. Huius rei auctor satis mihi Chrysippus et Antipater, et illi in quibus, si non tantum acuminis, at plus litterarum, in quo est Aristophanes et Apollodorus, qui omneis verba ex verbis ita declinari scribunt, ut verba litteras alia assumant, alia mittant, alia commutent, ut fit in turdo, in turdario et turdelice. Sic declinantes Graeci nostra nomina dicunt Lucienum Λεύκίενον et Quinctium Κοΐντον, et Ἀρίσταρχον illi, nos Aristarchum et Δίωνα Dionem; sic, inquam, consuetudo nostra multa declinavit, ut a veter vetus, ut ab solu solum, ab loebeso liberam, ab lasibus lares: quae obruta vetustate ut potero eruere conabor.

2. En cela je m'autorise de Chrysippe et d'Antipater, et de ceux qui, sans avoir autant de pénétration philosophique, étaient plus versés dans la science grammaticale (au nombre desquels sont Aristophane et Apollodore); et tous s'accordent à reconnaître que les mots dérivent les uns des autres, soit en prenant, soit en rejetant, soit en changeant une ou plusieurs lettres. Par exemple, turdus ( grive ), turdarius (qui engraisse des grives), et turdelix (petite grive), sont de la même famille. Ainsi les Grecs ont converti Lucienum en Λεύκίενον, Quintium en Κοΐντον ; de même que les Latins ont dit Aristarchum au lieu de Ἀρίσταρχον, Dionem au lieu de Δίωνα. C'est ainsi, en un mot, que de veter on est arrivé à vetus ; de solu, à solum ; de loesebo à liberam ; de lasibus, à lares. Quoique le temps ait en partie effacé les traces de ces dérivations, je m'appliquerai à les retrouver.

II. 3. Dicemus primo de temporibus, tum quae per ea fiunt, sed ita ut ante de natura eorum: ea enim dux fuit ad vocabula imponenda homini. Tempus esse dicunt intervallum mundi motus. Id divisum in parteis aliquot maxime ab solis et lunae cursu;  itaque ab eorum tenore temperato tempus dictum, unde tempestiva; et a motu eorum qui toto caelo coniunctus mundus.

II. 3. Je traiterai des noms des temps préalablement aux noms des choses qui se font dans le temps, mais toutefois après avoir considéré en général la nature des temps; car elle a dû servir de guide à l'homme dans la création des mots qui servent à les désigner. On a dit que le temps est la durée du mouvement du monde. Le cours du soleil et de la lune a principalement servi à déterminer la division du temps : de là le sens de tempus, parce qu'il est la mesure du cours réglé (temperatus) de ces astres; et de tempus vient tempestiva. Pareillement, comme leur mouvement s'opère dans toute l'étendue du ciel, motus (mouvement) a produit mundus (monde).

4. Duo motus solis: alter cum caelo, quo ab oriente ad occasum venit, quo tempus id ad hoc deo dies appellatur. Meridies ab eo quod medius dies. D antiqui, non R in hoc dicebant, ut Praeneste incisum in solario vidi. Solarium dictum id, in quo horae in sole inspiciebantur, vel horologium ex aqua, quod Cornelius in Basilica Aemilia et Fulvia inumbravit. Diei principium mane, quod tum manat dies ab oriente, nisi potius quod bonum antiqui dicebant manum, ad cuiusmodi religionem Graeci quoque cum lumen affertur, solent dicere φῶς ἀγαθὸν.

4. Le soleil a deux mouvements. Le premier s'accomplit avec le ciel, d'orient en occident, et la durée de ce mouvement a été appelé dies (jour), du nom de ce dieu. Meridies (méridien) composé de medius (milieu) et dies que les anciens disaient medidies, et j'ai vu ce mot ainsi écrit sur un cadran solaire à Préneste. Solarium (cadran solaire) a été formé de sol (soleil) et de hora ( heure). C'est à Cornélius qu'on doit celui qu'on voit sur la basilique Emilienne et Fulvienne. Mane (matin) vient de manat parce que le jour naissant découle de l'orient ou plutôt de manus, mot ancien, qui avait la signification de bonus (bon), comme on peut l'induire de la périphrase φῶς ἀγαθὸν (dies manus), par laquelle les Grecs désignent religieusement l'aube du jour.

5. Suprema summum diei, id ab superrimo. Hoc tempus XII Tabulae dicunt occasum esse solis; sed postea lex Plaetoria id quoque tempus esse iubet supremum quo praetor in Comitio supremam pronuntiavit populo. Secundum hoc dicitur crepusculum a crepero. Id vocabulum sumpserunt a Sabinis, unde veniunt Crepusci nominati Amiterno, qui eo tempore erant nati, ut Lucii prima luce. In Reatino crepusculum significat dubium; ab eo res dictae dubiae creperae, quod crepusculum dies etiam nunc sit an iam nox multis dubium.

5. Suprema (soir) de superrimus (extrême). D'après les Douze Tables c'est le coucher du soleil : ce qui depuis a été confirmé par la loi Plaetoria, suivant laquelle le temps où le crieur public annonce dans le comice l'heure dite suprema, est le dernier moment du jour. Le temps qui suit le coucher du soleil a été appelé crepusculum (crépuscule), de creperus (douteux). Ce mot nous est venu des Sabins; et de là le nom de Crepusci donné par les Amiterniens à ceux qui sont nés à cette heure du soir, et celui de Lucii à ceux qui sont nés à l'aube du jour. Dans le territoire de Réate, crepusculum signifie douteux : ce qui a fait appeler creperae les choses douteuses, parce que le crépuscule n'est précisément ni le jour ni la nuit.

6. Nox, quod, ut Catulus ait, omnia nisi interveniat sol pruina obriguerint, quod nocet, nox, nisi quod Graece νύξ, nox. Quom stella prima exorta (eum Graeci vocant ἕσπερον, nostri vesperuginem ut Plautus:

Neque Vesperugo neque Vergiliae occidun :

id tempus dictum a Graecis ἑσπέρα, Latine vesper; ut ante solem ortum, quod eadem stella vocatur iubar, quod iubata, Pacuvianus dicit pastor:

Exorto iubare, noctis decurso itinere;

Ennius:

Ajax, quod lumen, iubarne in caelo cerno ?

6. Nox (nuit) vient de nocere (nuire), parce que, comme le dit Catulus, les vapeurs glacées de la nuit congèleraient tout, si le soleil ne reparaissait; ou bien du mot grec νύξ. Le moment où la première étoile se lève s'appelle chez les Grecs Ἕσπερος, et chez les Latins vesper. Les Grecs ont donné à cette étoile le nom de ἑσπέρα, et les Latins celui de vesperugo, qui se lit dans ce vers de Plaute : Neque vesperugo , etc. : Ni l'étoile du soir ni les Pléiades ne se couchent. Avant le lever du soleil , elle change de nom, et s'appelle jubar, parce qu'elle est rayonnante (jubata). On lit dans Pacuvius : Exorto jubare, etc. ; et dans Ennius : Ajax, quod lumen, jubarne, etc.

7. Inter vesperuginem et iubar dicta nox intempesta, ut in Bruto Cassii quod dicit Lucretia:

Nocte intempesta nostram devenit domum.

Intempestam Aelius dicebat quom tempus agendi est nullum, quod alii concubium appellarunt, quod omnes fere tunc cubarent; alii ab eo quod sileretur silentium noctis, quod idem Plautus tempus conticinium: scribit enim:

Videbimus: factum volo. Redito conticinio.

7. L'intervalle de temps qui sépare ces deux extrémités de la nuit est dit intempestus, mot que Cassius , l'auteur du Brutus, met dans la bouche de Lucrèce : Nocte intempesta, etc. Suivant Aelius, intempestus signifie inopportun pour agir. Le temps de la nuit est encore appelé concubium, parce que alors tous les êtres sont couchés, et silentium, parce que le silence règne partout. Plaute se sert du mot conticinium, de conticescere (garder un silence général) : Videbimus : factum volo : reddito conticinio.

8. Alter motus solis est aliter ac caeli, quod movetur a bruma ad solstitium. Dicta bruma, quod brevissimus tunc dies est; solstitium, quod sol eo die sistere videbatur; aut quod ad nos versum proximum est solstitium. Quom venit in medium spatium inter brumam et solstitium, quod dies aequus fit ac nox, aequinoctium dictum. Tempus a bruma ad brumam dum sol redit, vocatur annus, quod ut parvi circuli anuli, sic magni dicebantur circites ani, unde annus.

8. Le second mouvement du soleil est différent de celui du ciel. C'est celui qui a lieu entre le solstice d'hiver et le solstice d'été. Bruma (solstice d'hiver) vient de brevissimus, parce que les jours sont à cette époque les plus courts de l'année ; solstitium (solstice d'été ), de sistere, parce que le soleil semble s'arrêter, ou parce qu'il est alors très près de nous. Aequinoctium (équinoxe), époque où le soleil est à égale distance des deux solstices, de aequus et de nox, parce que les jours sont égaux aux nuits. Annus (année ), de anus (cercle), dont le diminutif est anulus (anneau), parce que le soleil décrit une espèce de cercle pour revenir au solstice d'hiver, c'est-à dire à son point de départ.

9. Huius temporis pars prima hiems, quod tum multi imbres; hinc hibernacula, hibernum; vel, quod tum anima quae flatur omnium apparet, ab hiatu hiems. Tempus secundum ver, quod tum virere, incipunt virgulta ac vertere se tempus anni; nisi quod Iones dicunt ἦρ ver. Tertium ab aestu aestas; hinc aestivum; nisi forte a Graeco αἴθεσθαι. Quartum autumnus...

 9. Le temps qui suit le solstice d'hiver a été appelé hiems, parce qu'il est très pluvieux (multi imbres) : d'où hibernacula (tentes d'hiver), hibernum (quartier d'hiver). Peut-être aussi ce mot vient-il de hiatus (ouverture de bouche), parce que dans l'hiver l'haleine est apparente. La saison suivante a reçu le nom de ver (printemps), parce que les plantes commencent à revivre (vivere), et l'année à tourner (vertere), à moins qu'on ne doive plutôt en reconnaître l'origine dans le mot ionien ἦρ. Æstas (été) dérive de aestus (chaleur) ou du mot grec αἴθεσθαι (bûler) : d'où æstivum (lieu où l'on passe l'été). Autumnus (automne)....

10..... ab sole, sicut mensis a lunae motu dictus, dum ab sole profecta rursus redit ad eum. Luna quod Graece olim dicta μήνη, unde illorum μῆνες, ab eo nostri. A mensibus intermestris dictum, quod putabant inter prioris mensis senescentis extremum diem et novam lunam esse diem, quem diligentius Attici ἔνην καὶ νέαν appellarunt, ab eo quod eo die potest videri extrema et prima luna.

10.... de sol (soleil), de même que messis (mois), espace de temps pendant lequel la lune s'éloigne du soleil et y revient. L'ancien nom de la lune, chez les Grecs, était μήνη, qui a produit μῆνες ( mois), racine de mensis. De mentis et de inter (entre) on a fait intermestris, intervalle d'un jour entre le mois qui finit et la nouvelle lune, et que les Grecs ont appelé plus exactement ἔνη καὶ νέα (ancien et nouveau jour), parce qu'on peut voir à la fois dans ce jour intermédiaire la fin et le renouvellement de la lune.

11. Lustrum nominatum tempus quinquennale a luendo, id est solvendo; quod quinto quoque anno vectigalia et ultro tributa per censores persolvebantur. Seclum spatium annorum centum vocarunt, dictum a sene, quod longissimum spatium senescendorum hominum id putarunt. Aevom ab aetate omnium annorum; hinc aeviternum, quod factum est aeternum; quod Graeci αἰῶνα, id ait Chrysippus esse ἀεὶ ὄν. Ab eo Plautus:

Non omnis aetas ad perdiscendum est satis,

hinc poetae: Aeterna templa caeli.

11. Lustrum  (espace de cinq ans), de luere (payer), parce que tous les cinq ans les impôts et les contributions volontaires étaient répartis par les censeurs. Seclum (siècle), de senex (vieillard), parce qu'il est le terme le plus reculé de la vie humaine. Aevom, ensemble de tous les âges, de toutes les années, (aetas, annus) : d'où aeviternum, et par contraction aeternum (éternel), en grec αἰὼν, c'est-à-dire, suivant Chrysippe, ἀεὶ ὄν ( étant toujours). On lit dans Plaute : Toute la suite des âges est insuffisante pour apprendre ; et dans un autre poète : Les temples éternels du ciel.

III. 12. Ad naturalια discrimenα civilia vocabula dierum accesserunt. Dicam prius qui deorum causa, tum qui hominum, sιnt instituti dies. Agonales per quos rex in regia arietem immolat, dicti ab agone, eo quod interrogat a principe civitatis et princeps gregis immolatur. Carmentalia nominantur quod sacra tum et feriae Carmentis.

III. 12. Aux distinctions naturelles du temps se sont jointes des distinctions civiles. Je parlerai d'abord des jours consacrés aux dieux; puis de ceux dont la solennité est purement humaine. Agonales, jours pendant lesquels le roi des sacrifices préside au sacrifice d'un bélier dans le palais royal, de agone (frapperai-je?), parce que le chef de la cité adresse cette question au roi du sacrifice : après quoi le chef du troupeau est immolé. Carmentalia, sacrifices et fêtes en l'honneur de Carmente.

13. Lupercalia dicta, quod in Lupercali luperci sacra faciunt. Rex quom ferias menstruas Nonis Februariis edicit, hunc diem Februatum appellat. Februm Sabini purgamentum, et id in sacris nostris verbum non ignotum: nam pellem capri, cuius de loro caeduntur puellae Lupercalibus, veteres februm vocabant, et Lupercalia Februatio, ut in Antiquitatum libris demonstravi. Quirinalia a Quirino, quod ei deo feriae et eorum hominum, qui Furnacalibus suis non fuerunt feriati. Feralia ab inferis et ferendo, quod ferunt tum epulas ad sepulcrum, quibus ius ibi parentare. Terminalia, quod is dies anni extremus constitutus; duodecimus enim mensis fuit Februarius et quom intercalatur, inferiores quinque dies duodecimo demuntur mense. Equiria ab equorum cursu; eo die enim ludis currunt in Martio Campo.

13. Lupercalia, fêtes célébrées par les Luperques dans le lieu appelé Lupercal. Lorsque le roi des sacrifices annonce la fête mensuelle des nones de février, il appelle februatus le jour où elle tombe. Februum, chez les Sabins, signifie purification; et ce mot est employé dans nos sacrifices ; car les Lupercales sont une purification (februatio), comme je l'ai démontré dans mon traité des Antiquités. Quirinalia, fêtes en l'honneur de Quirinus, qui viennent se confondre avec celles des Furnacales, dont la populace n'a pas encore achevé la solennité. Feralia, fêtes funéraires, pendant lesquelles on va déposer des aliments sur les tombeaux, de inferi (enfers) et de ferre (porter). Terminalia, fêtes du dernier jour de l'année; car le douzième mois était février, dont on retranchait les cinq derniers jours dans les années bissextiles, pour former un mois intercalaire. Equiria, consacré à des courses de chevaux (equus) dans le champ de Mars.

14. Liberalia dicta, quod per totum oppidum eo die sedent ut sacerdotes Liberi, anus hedera coronatae, cum libis et foculo pro emptore sacrificantes. In libris Saliorum, quorum cognomen Agonensium, forsitan hic dies ideo appelletur potius Agonia. Quinquatrus: hic dies unus ab nominis errore observatur, proinde ut sint quinque. Dictus, ut ab Tusculanis post diem sextum Idus similiter vocatur Sexatrus, et post diem septimum Septimatrus, sic hic, quod erat post diem quintum idus, Quinquatrus. Dies Tubulustrium appellatur, quod eo die in atrio Sutorio sacrorum tubae lustrantur.

14. Liberalia, jour consacré à Bacchus (Liber), pendant lequel de vieilles femmes, assises dans tous les quartiers de la ville, la tête couronnée de lierre, brûlent des gâteaux sur un petit foyer, en invoquant la protection de Bacchus sur ceux qui achètent ces gâteaux. Dans les livres des Saliens ce jour est appelé Agonis, peut-être à cause du surnom de agonenses, que portent les prêtres. Quinquatrus est une fête qui ne devrait durer qu'un jour, et que la méprise causée par tous nous fait prolonger pendant cinq jours. Quinquatrus signifie cinquième jour après les ides, de même que dans le territoire de Tusculum sexatrus signifie sixième jour, et septimatrus, septième jour après la même époque, Tubulustrium, jour où les trompettes sacrées sont purifiées avec de l'eau lustrale dans un lieu consacré à cette cérémonie.

15. Megalesia dicta a Graecis, quod ex Libris Sibyllinis arcessita ab Attalo rege Pergama, ubi prope murum Megalesion, id est templum eius deae, unde advecta Romam. Fordicidia a fordis bubus. Bos forda quae fert in ventre. Quod eo die publice immolantur boves praegnantes in curiis complures, a fordis caedendis Fordicidia dicta. Palilia dicta a Pale, quod ei feriae, ut Cerialia a Cerere.

15. Megalesia, fêtes en'honneur de Cybèle, qui, suivant les livres sibyllins, furent introduites par le roi Attale de la ville de Pergame, où cette déesse avait son temple près du mur Mégalésien. C'est de là qu'elles ont passé à Rome. Fordicidia, sacrifice où l'on immolait publiquement dans les curies des vaches pleines, de fada (vache pleine) et de caedere (tuer). Forda vient de ferre (porter). Palilia, fêtes en l'honneur de Palès. Cerealia, fêtes en l'honneur de Cérès.

16. Vinalia a vino; hic dies Iovis, non Veneris; huius rei cura non levis in Latio: nam aliquot locis vindemiae primum ab sacerdotibus publice fiebant, ut Romae etiam nunc; nam flamen Dialis auspicatur vindemiam, et ut iussit vinum legere, agna Iovi facit, inter cuius exta caesa et porrecta flamen primus vinum legit. In Tusculanis portis est scriptum:

Vinum novum ne vehatur in urbem ante quam Vinalia kalentur.

Robigalia dicta ab Robigo; secundum segetes huic deo sacrificatur, ne robigo occupet segetes...

16. Vinalia, fêtes où l'on fait des libations de vin nouveau à Jupiter, et non a Vénus. Cette fête est l'objet d'une grande solennité dans le Latium, où autrefois, en certaines contrées, les prêtres présidaient publiquement à la vendange comme cela se pratique encore aujourd'hui dans le territoire de Rome. C'est un flamine diale qui inaugure la vendange : après avoir recueilli les grappes, il sacrifie une brebis à Jupiter, et, au cours de l'immolation et de l'offrande, il choisit la première grappe de raisin. Il est écrit dans les livres sacrés de Tusculum qu'on n'emmène point de vin nouveau à la ville avant la procession des Vinales. Robigalia, fête en l'honneur du dieu Robigus, qui a lieu au temps de la moisson, et pendant laquelle on fait des sacrifices à ce dieu afin qu'il garantisse les blés de la rouille.

17.... Dies Vestalia ut virgines Vestales a Vesta. Quinquatrus minusculae dictae Juniae Idus ab similitudine maiorum, quod tibicines tum feriati vagantur per urbem, et conveniunt ad Aedem Minervae. Dies Fortis Fortunae appellatus ab Servio Tullio rege, quod is fanum Fortis Fortunae secundum Tiberim extra urbem Romam dedicavit Iunio mense.

17. Vestalia,  fête en l'honneur de Vesta; Vestale, prêtresse de Vesta. Quinquatrus minusculae, fête des ides de juin, semblable à celle des ides de mai, et pendant laquelle des joueurs de flûte errent par la ville, et se rassemblent dans le temple de Minerve. Le jour de Fors-Fortunae tire son nom du roi Servius Tullius, qui fit bâtir un temple à cette déesse sur les bords du Tibre, en dehors de Rome pendant le mois de juin.

18. Dies Poplifugia videtur nominatus, quod eo die tumultu repente fugerit populus; non multo enim post hic dies quam decessus Gallorum ex urbe, et qui tum sub urbe populi, ut Ficuleates ac Fidenates et finitimi alii, contra nos coniurarunt. Aliquot huius diei vestigia fugae in sacris apparent, de quibus rebus Antiquitatum Libri plura referunt. Nonae Caprotinae, quod eo die in Latio Iunoni Caprotinae mulieres sacrificant et sub caprifico faciunt; e caprifico adhibent virgam. Cur hoc, toga praetexta data eis ...

18. Le jour appelé Poplifugia doit probablement aussi ce nom à une alarme qui aurait fait prendre le fuite au peuple ; car ce jour vient peu après celui où les Gaulois et d'autres peuples conjurés contre nous, tels que les Ficuléates et les Fidénates, abandonnèrent la ville. La fuite que l'on simule dans les cérémonies de ce jour semble confirmer cette origine, comme je l'ai fait voir dans mon traité des Antiquités. Nones Caprotines, jour de fête où, dans le Latium, les femmes font des sacrifices à Junon Caprotine, sous un figuier sauvage, dont elles cueillent une branche...

19. ... Apollinaribus Ludis docuit populum. Neptunalia a Neptuno: eius enim dei feriae. Furrinalia Furrinae, quod ei deae feriae publicae, dies is; cuius deae honos apud antiquos. Nam ei sacra instituta annua et flamen attributus ; nunc vix nomen notum paucis. Portunalia dicta a Portuno, cui eo die aedes in portu Tiberino facta et feriae institutae.

19.  .... Neptunalia, fête en l'honneur de Neptune. Furrinalia, fête de la déesse Furrina, qui était très honorée des anciens. Ils avaient institué en son nom des sacrifices annuels, auxquels présidait un flamine. Le nom de cette déesse est aujourd'hui presque inconnu. Portunalia, fête en l'honneur de Portunus, en mémoire du jour où un temple lui fut élevé dans le port du Tibre.

20. Vinalia rustica dicuntur ante diem XIV Kalendas Septembres, quod tum Veneri dedicata aedes et horti ei deae dicantur, ac tum sunt feriati holitores. Consualia dicta a Conso, quod tum feriae publicae ei deo, et in circo ad aram eius ab sacerdotibus ludi illi, quibus virgines Sabinae raptae. Volcanalia a Volcano, quod ei tum feriae et quod eo die populus pro se in ignem animalia mittit.

20. Vinalia Rustica, fête des jardiniers, en l'honneur de Vénus, comme déesse des jardins. Elle a lieu le quatorzième jour avant les calendes de septembre, en mémoire de la dédicace du temple consacré à cette déesse. Consualia, fête en l'honneur du dieu Consus, pendant laquelle les prêtres célèbrent, dans un cirque autour de son autel, les jeux qui rappellent l'enlèvement des Sabines. Volcanalia, fête de Vulcain, pendant laquelle le peuple jette des animaux dans les flammes pour obtenir la protection du dieu.

21. Opeconsiva dies ab dea Ope Consiva, cuius in regia sacrarium, quod adeo artum, eo praeter virgines Vestales et sacerdotem publicum introeat nemo. Is cum eat, suffibulum ut habeat scriptum. Id dicitur ab suffiendo ut subliigaculum. Volturnalia a deo Volturno cuius feriae tum. Octobri mense Meditrinalia dies, dictus a medendo, quod Flaccus flamen Martialis dicebat, hoc die solitum vinum novum et vetus libari et degustari medicamenti causa; quod facere solent etiam nunc multi quom dicunt: Novum vetus vinum bibo: novo veteri morbo medeor.

21. Opeconsiva, jour consacré à Ops Consiva, qui avait un sanctuaire dans le palais royal : ce qu'on avait fait pour qu'il n'y entrât que les Vestales et le prêtre public. On y lit : Is cum eat, suffibulum haut habeat. Suffibulum (sorte de voile), comme qui dirait subligaculum, de suffio (lier dessous). Vortumnalia, fête du dieu Vortumne. Meditrinalia, de mederi (guérir), jour férié du mois d'octobre, pendant lequel, suivant le flamine de Mars, Flaccus, on était dans l'usage de faire des libations de vin vieux mêlé à du vin nouveau, et d'en boire comme d'une manière de remède : ce que font encore aujourd'hui beaucoup de personnes, en disant : Je bois du vin vieux et nouveau ; je me guéris avec du vin vieux et nouveau.

22. Fontanalia a Fonte, quod is dies feriae eius; ab eo tum et in fontes coronas iaciunt et puteos coronant. Armilustrium ab eo quod in Armilustrio armati sacra faciunt, nisi locus potius dictus ab his; sed quod de his prius, id ab ludendo aut lustro, id est quod circumibant ludentes ancilibus armati. Saturnalia dicta ab Saturno, quod eo die feriae eius, ut post diem tertium Opalia Opis.

22. Fontanalia, fête en l'honneur des nymphes des fontaines, pendant laquelle on jetait des guirlandes dans les fontaines et l'on couronnait les puits. Armilustrium, jour férié, qui doit ce nom au lieu appelé armilustrium, où les soldats célèbrent des jeux sacrés, à moins plutôt que le lieu ne doive son nom à cette sorte de jeux ; mais, quelle qu'en soit l'origine, armilustrium dérive évidemment de ludere (jouer) ou de lustrare (parcourir), comme l'indique l'exercice auquel se livrent les soldats, et qui consiste à tourner en jouant, armés de boucliers. Saturnalia, jour consacré à Saturne, comme Opalia, fête qui doit son nom à Ops, et qui vient trois jours après les Saturnales.

23. Angeronalia ab Angerona cui sacrificium fit in Curia Acculeia et cuius feriae publicae is dies. Larentinal, quem diem quidam in scribendo Larentalia appellant, ab Acca Larentia nominatus, cui sacerdotes nostri publice parentant e sexto die, qui ab ea dicitur..

23. Angeronalia, fête célébrée en l'honneur d'Angerona dans la curie Acculeia. Larentinal ou Larentalia, jour funéraire consacré à Acca Larentia...

24. ... diem Tarentum Accas Tarentinas. Hoc sacrificium fit in Velabro, qua in Novam viam exitur, ut aiunt quidam, ad sepulcrum Accae, ut quod ibi prope faciunt diis Manibus Servilibus sacerdotes; qui uterque locus extra urbem antiquam fuit non longe a porta Romanula, de qua in priore libro dixi. Dies Septimontium nominatus ab his septem montibus, in quis sita Urbs est; feriae non populi, sed montanorum modo, ut Paganalia, qui sunt alicuius pagi.

24.... Ce sacrifice se fait dans le Vélabre, à l'entrée de la rue Neuve, où, dit-on, Acca fut ensevelie, et dans le voisinage d'un autre lieu où les prêtres sacrifient aux dieux Mânes Serviles. Ces deux lieux étaient autrefois hors de Rome, à peu de distance de la porte Romanula, dont j'ai parlé dans le livre précédent. Septimontium, jour férié, qui doit son nom aux sept monts dans lesquels est renfermée Rome, et qui n'est célébré que par les habitants de ces monts, de même que les Paganales (Paganalia) sont des fêtes de village particulières.

25. De statutis diebus dixi; de annalibus nunc dicam. Compitalia dies attributus Laribus Compitalibus: ideo ubi viae competunt, tum in competis sacrificatur. Quotannis is dies concipitur. Similiter Latinae Feriae dies conceptivus dictus a Latinis populis, quibus ex Albano Monte ex sacris carnem petere fuit ius cum Romanis, a quibus Latinis Latinae dictae.

25. J'ai parlé des jours de fête fixes et déterminés : je passe aux fêtes mobiles, dont le renouvellement est annoncé tous les ans. Compitalia, fête en l'honneur des Lares Compitales, qui se célèbre dans les carrefours, place où aboutissent plusieurs rues (ubi viae competunt). Ce jour est désigné de nouveau tous les ans. Les féries latines sont aussi des fêtes mobiles qui doivent leur nom aux peuples latins, à qui le droit avait été accordé de venir du mont Albain partager la chair des sacrifices avec les Romains.

26. Sementivae Feriae dies is, qui a pontificibus dictus, appellatus a semente, quod sationis causa susceptae. Paganicae eiusdem agriculturae causa susceptae, ut haberent in agris omnis pagus, unde paganicae dictae. Sunt praeterea feriae conceptivae quae non sunt annales, ut hae quae dicuntur sine proprio vocabulo aut cum perspicuo, ut Novendiales sunt.

26. Les fêtes de semailles (sementinae) tirent leur nom de sementis. Ces fêtes sont également annoncées par les pontifes. Les fêtes Paganiques ont été instituées dans l'intérêt de l'agriculture : ce sont les fêtes de village (pagus). Il y a en outre des fêtes mobiles, qui ne sont pas annuelles, et qui n'ont pas de nom particulier, ou dont le nom est manifeste, comme Novendialis (qui dure neuf jours).

IV.  27. De his diebus satis; nunc iam, qui hominum causa constituti, videamus. Primi dies mensium nominati Calendae, quod his diebus calantur eius mensis Nonae a pontificibus, quintanae an septimanae sint futurae, in Capitolio in Curia Calabra sic: Die te quinti calo Iuno Covella Septem dies te calo Juno Covella.

IV. 27. J'arrive aux noms des jours dont la distination se rapporte aux hommes. Le premier jour de chaque mois a été appelé Calendes, de ce que ce jour-là les pontifes annoncent si les nones commenceront le cinq ou le six du mois. Cette annonce se faisait au Capitole dans la curie Calabre, en ces termes : Dies te quinque calo Juno Covella. Septem dies, etc.

28. Nonae appellatae aut quod ante diem nonum Idus semper, aut quod, ut novus annus calendae Ianuariae ab novo sole appellatae, novus mensis ab nova luna Nonis. Eodem die in urbem ab agris ad regem conveniebat populus. Harum rerum vestigia in sacris Nonalibus in arce, quod tunc ferias primas menstruas, quae futurae sint eo mense, rex edicit populo. Idus ab eo quod Tusci Itus, vel potius quod Sabini Idus dicunt.

28. Le nom de Nones vient de ce qu'elles précèdent toujours les Ides de neuf jours, ou de ce que, de même que les Calendes de janvier sont appelées Nouvel an à cause du renouvellement du soleil, le commencement de chaque mois est appelé Nones à cause du renouvellement de la lune. Ce jour-là le peuple de la campagne se rendait auprès du roi. On retrouve les traces de ces anciens usages dans les cérémonies des Nones, qui ont lieu à cette époque dans la citadelle, lorsque le roi des sacrifices annonce au peuple les fêtes que doit ramener le mois. Idus (Ides) vient du mot étrusrque Itus, ou plutôt du mot sabin Idus (division).

29. Dies postridie Calendas, Nonas, Idus appellati atri, quod per eos dies nihil novi inciperent. Dies fasti, per quos praetoribus omnia verba sine piaculo licet fari. Comitiales dicti, quod tum ut in Comitio esset populus constitutum est ad suffragium ferundum; nisi si quae feriae conceptae essent, propter quas non liceret, ut Compitalia et Latinae.

29. Le lendemain des Calendes, le lendemain des Nones et le lendemain des Ides ont été appelés atri, parce qu'ils étaient, en quelque sorte, le vestibule de nouveaux jours. Les jours fastes sont ceux pendant lesquels le préteur peut impunément prononcer toute sorte de paroles (fari). Les jours dits comitiales dies sont ceux où le peuple s'assemble (coit) pour donner son suffrage, à moins qu'il ne se rencontre quelques fêtes mobiles, comme les Compitales et les fêtes Latines.

30. Contrarii horum vocantur dies nefasti, per quos dies nefas fari praetorem : do dico addico; itaque non potest agi; necesse enim aliquo eorum uti verbo, cum lege quid peragitur. Quod si tum imprudens id verbum emisit ac quem manumisit, ille nihilo minus est liber, sed vitio; ut magistratus vitio creatus nihilo setius magistratus. Praetor qui tum fatus est, si imprudens fecit, piaculari hostia facta piatur; si prudens dixit, Quintus Mucius ambigebat eum expiari ut impium non posse.

30. Les jours néfastes, au contraire, sont ceux où il est interdit (nefas fari) au préteur de prononcer les mots : do dico addico; de sorte que les plaidoiries sont suspendues, puisqu'il est impossible de faire un acte judiciaire sans se servir de quelqu'un de ces trois mots. Que si le préteur a par mégarde prononcé une manumission, l'affranchi est libre, mais contrairement à la loi; de même qu'un magistrat, irrégulièrement nommé, ne laisse pas de conserver le caractère de magistrat. Si le préteur a agi par mégarde, le sacrifice d'une victime expiatoire l'absout de sa faute; mais s'il a agi sciemment, Quintus Mucius doute que son crime soit susceptible d'expiation.

31. Intercisi dies sunt per quos mane et vesperi est nefas, medio tempore inter hostiam caesam et exta porrecta fas; a quo quod fas tum intercedit, aut eo intercisum nefas, intercisum. Dies qui vocatur sic : Quando rex comitiavit, fas, is dictus ab eo quod eo die rex sacrificio ius dicat ad comitium, ad quod tempus est nefas, ab eo fas: itaque post id tempus lege actum saepe.

31. Les jours appelés intercisi sont ceux dont une partie est néfaste et l'autre faste, néfaste, le matin et le soir; faste, dans l'intervalle qui sépare l'immolation de la victime et la présentation des entrailles : d'où intercisum, de intercidere (couper par le milieu), ou de intercedere (intervenir). Le jour qu'on appelle Quando rex comitiavit, fas, a tiré son nom de ce que, ce jour-là, le roi des sacrifres se rend au comice, et que, pendant ce temps seulement, le travail est interdit; et en effet, l'action de la justice a souvent repris son cours dans la même journée.

32. Dies qui vocatur : Quando stercum delatum, fas, ab eo appellatus, quod eo die ex aede Vestae stercus everritur, et per Capitolinum Clivum in locum defertur certum. Dies Alliensis ab Allia fluvio dictus; nam ibi exercitu nostro fugato Galli obsederunt Romam.

32. Le jour appelé Quando stercum delatum, fas a tiré son nom de ce que, ce jour-là, on balaye les immondices du temple de Vesta, pour les transporter ensuite, par la voie dite clivus Captitolinus, dans un lieu determiné. Le jour dit Alliensis doit son nom au fleuve Allia, sur les bords duquel les Romains furent mis en déroute par les Gaulois, qui vinrent ensuite assiéger Rome.

33. Quod ad singulorum dierum vocabula pertinet dixi. Mensium nomina fere sunt aperta, si a Martio, ut antiqui constituerunt, numeres. Nam primus a Marte. Secundus, ut Fulvius scribit et Iunius, a Venere, quod ea sit Aphrodite; cuius nomen ego antiquis litteris quod nusquam inveni, magis puto dictum, quod ver omnia aperit, Aprilem. Tertius a maioribus Maius, quartus a iunioribus dictus Junius.

33. Je passe des noms des jours à ceux des mois, dont l'origine est, en général, évidente,  si l'on commence à compter par le mois de Mars (Martius), qui, d'après l'institution de nos péres, est le premier mois de l'année. Martius, en effet, vient de Mars. Le second mois, Avril, tire son nom, suivant Fulvius et Junius, de Vénus, dont le nom grec est Ἀφροδίτη mais comme je n'ai lu le nom d'Aphrodite dans aucun de nos anciens livres, je crois plutôt qu'Avril vient de aperire, parce que le printemps ouvre tout. Maius (Mai) vient de majores (vieillards); Junius (Juin), de juniores (jeunes).

34. Dehinc quintus Quintilis et sic deinceps usque ad Decembrem a numero. Ad hos qui additi, prior a principe deo Januarius appellatus; posterior, ut idem dicunt scriptores, ab diis inferis Februarius appellatus, quod tum his parentetur; ego magis arbitror Februarium a die Februato, quod tum februatur populus, id est lupercis nudis lustratur antiquum oppidum Palatinum gregibus humanis cinctum.

34. Puis viennent Quintilis (Juillet), Sextilis (Août), etc, jusqu'à Décembre, des noms de nombre quintus, sextus, etc. Des trois autres, le premier a été appelé Januarius (Janvier), du nom du premier des dieux; le second, Februarius (Février), suivant les auteurs que j'ai cités plus haut, de ce que, pendant ce mois, on sacrifie aux dieux infernaux. Je crois plutôt que Februarius vient de Februatus, nom du jour expiatoire où les Luperques parcourent tout nus l'ancienne ville du mont Palatin, entourés de la foule du peuple.

V. 35. Quod ad temporum vocabula Latina attinet, hactenus sit satis dictum. Nunc quod ad eas res attinet quae in tempore aliquo fieri animadverterentur, dicam, ut haec sunt: legisti, cursus, ludens. De quis duo praedicere volo, quanta sit multitudo eorum et quae sint obscuriora quam alia.

V. 35 J'en ai dit assez sur ce qui regarde les noms latins des temps; je vais maintenant rechercher l'origine des noms des choses qui se font dans le temps, de legisti (tu as lu), par exemple, de cursus (course), de ludens (jouant). A l'égard de cette espèce de mots, je signalerai d'abord leur variété infinie, et ceux dont l'origine est la plus obscure.

36. Quom verborum declinatuum genera sint quattuor, unum quod tempora adsignificat neque habet casus, ut ab lego legis, leges; alterum quod casus habet neque tempora adsignificat, ut ab lego lectio et lector; tertium quod habet utrunque et tempora et casus, ut ab lego legens, lecturus; quartum quod neutrum habet, ut ab lego lecte ac lectissime: horum verborum si primigenia sunt ad mille, ut Cosconius scribit, ex eorum declinationibus verborum discrimina quingenta milia esse possunt ideo, quod a singulis verbis primigeniis circiter quingentae species declinationibus fiunt.

36. Les mots sont susceptibles de quatre sortes de modifications : ou ils ont des temps et n'ont pas de cas, comme lego (je lis), legis (tu lis), leges (tu liras); ou ils ont des cas et n'ont pas de temps, comme lectio (lecture) et lector (lecteur); ou ils ont des temps et des cas, comme legens (lisant), lecturus (devant lire) ; ou enfin ils n'ont ni cas ni temps, comme lecte (élégamment) et lectissime (très élégamment). Or, si les mots primitifs sont au nombre de mille, comme le dit Cosconius, les dérivés peuvent s'élever jusqu'au nombre de cinq cent mille, puisque chaque mot primitif est susceptible d'environ cinq cents espèces de modifications.

37. Primigenia dicuntur verba ut lego, scribo, sto, sedeo et cetera, quae non sunt ab alio quo verbo, sed suas habent radices. Contra verba declinata sunt, quae ab alio quo oriuntur, ut ab lego legis, legit, legam et sic indidem hinc permulta. Quare si quis primigeniorum verborum origines ostenderit, si ea mille sunt, quingentum milium simplicium verborum causas aperuerit una; sin nullius, tamen qui ab his reliqua orta ostenderit, satis dixerit de originibus verborum, quom unde nata sint, principia erunt pauca, quae inde nata sint, innumerabilia.

37. Les mots primitifs sont, par exemple, lego (je lis), scribo (j'écris), sto (je me tiens debout), sedeo (je suis assis), et tous ceux qui ne tirent pas leur origine d'un autre mot, mais qui ont une racine propre. Les mots dérivés, au contraire, sont ceux qui tirent leur origine d'un autre mot, comme legis (tu lis), legit (il lit), legam (je lirai), etc… Si donc on indiquait les origines des mots primitifs, ces mots étant au nombre de mille, on indiquerait en même temps les racines de cinq cent mille mots simples ; mais celui qui, sans remonter si haut, se bornerait à faire connaître les mots dérivés des mille mots primitifs, aurait encore assez fait pour la science, puisque les mots primitifs sont en petit nombre, et leurs dérivés innombrables.

38. A quibus iisdem principiis antepositis praeverbiis paucis immanis verborum accedit numerus, quod praeverbiis inmutatis additis atque commutatis aliud atque aliud fit: ut enim et processit, et recessit, sic accessit et abscessit; item incessit et excessit, sic successit et decessit, discessit et concessit. Quod si haec decem sola praeverbia essent, quoniam ab uno verbo declinationum quingenta discrimina fierent, his decemplicatis coniuncto praeverbio ex uno quinque milia numero efficerentur, ex mille ad quinquagies centum milia discrimina fieri possunt.

38. Remarquons d'abord que les prépositions quoique peu nombreuses par elles-mêmes, multiplient et varient à l'infini les mots devant lesquels elles sont placées. Ainsi le verbe cedere donne processit, recessit, accessit, abscessit, incessit, excessit, successit, decessit, concessit, discessit. Supposons qu'il n'y ait que ces dix prépositions : comme un seul mot est susceptible de cinq cents modifications, en multipliant par dix chacun de ces mots modifiés par l'adjonction d'une préposition, avec un seul on irait jusqu'à cinq mille; et avec mille, jusqu'à cinq millions.

39. Democritus, Epicurus, item alii qui infinita principia dixerunt, quae unde sint non dicunt, sed cuiusmodi sint, tamen faciunt magnum: quod quae ex his constant in mundo, ostendunt. Quare si etymologus principia verborum postulet mille, de quibus ratio ab se non poscatur, et reliqua ostendat, quod non postulet; tamen immanem verborum expediat numerum.

39. Démocrite, Épicure, et les autres philosophes qui ont dit que les principes sont infinis, sans expliquer l'origine de ces principes, n'ont pas laissé de faire beaucoup en faisant connaître la nature de ces principes, et en expliquant par eux ce que nous voyons dans le monde. Il en est de même de l'étymologie qui demande qu'on la dispense de rendre raison de mille mots primitifs, mais qui ne sollicite pas la même grâce pour les dérivés : il est évident qu'elle ne laissera pas de donner l'étymologie d'une foule innombrable de mots.

40. De multitudine quoniam quod satis esset admonui, de obscuritate pauca dicam. Verborum quae tempora adsignificant, ideo locus, difficillimus ἔτυμα, quod neque his fere societas cum Graeca lingua, neque vernacula ea quorum in partum memoria adfuerit nostra; e quibus, ut dixi, quae poterimus.

40. Après avoir fait voir l'immensité de la science étymologique, je dirai un mot de son obscurité. L'étymologie des mots qui indiquent le temps est très obscure, parce que nous n'en avons emprunté qu'un très petit nombre aux Grecs, et que ceux à la formation desquels nous avons assisté ne sont pas primitifs. Je ne promets donc, comme je l'ai dit, que mes soins et mes efforts.

VI. 41. Incipiam hinc primum quod dicitur ago. Actio ab agitatu facta; hinc dicimus agit gestum tragoedus et agitantur quadrigae; hinc agitur pecus pastum. Qua vix agi potest, hinc angiportum; qua nil potest agi, hinc angulus, vel quod in eo locus angustissimus, cuius loci is angulus.

VI. 41. Je rechercherai d'abord ce qu'on entend par ago (je mets en mouvement). L'action est le résultat de la mise en mouvement : c'est pourquoi l'on dit agitare gestum (gesticuler), agitare quadrigas (conduire un char), agere pecus pastum (mener paître un troupeau). De là, angiportum, impasse, lieu ou l'en ne peut se mouvoir qu'avec peine; angulus (angle), lieu où tout mouvement est impossible, à moins que ce mot ne dérive de angustus (étroit).

42. Actionum trium primus agitatus mentis, quod primum ea quae sumus acturi, cogitare debemus, deinde tum dicere et facere. De his tribus minime putat volgus esse actionem cogitationem; tertium, in quo quid facimus, id maximum; sed et quom cogitamus quid et eam rem agitamus in mente, agimus; et cum pronuntiamus, agimus. Itaque ab eo orator agere dicitur causam et augures augurium agere dicuntur, quom in eo plura dicant quam faciant.

42. Il y a trois sortes d'action : penser, parler, faire. La pensée précède les deux astres, puisqu'on ne peut parler et faire qu'après avoir pensé. Il est vrai qu'elle est vulgairement regardée comme nulle, et que la troisième passe pour la plus importante; mais sachons reconnaîltre que penser et parler sont des actions aussi réelles que faire. Aussi dit-on agere causam (plaider), augurium agere (augurer, prédire), quoique, dans ces deux cas, on parle plus qu'on ne fait.

43. Cogitare a cogendo dictum; mens plura in unum cogit unde eligere possit. Sic e lacte coacto caseus nominatus; sic ex hominibus contio dicta, sic coemptio, sic compitum nominatum. A cogitatione concilium, inde consilium. Et vestimentum apud fullonem quom cogitur, conciliari dictum.

43. Cogitare (penser) dérive de cogere (pousser devant soi, rassembler), parce que l'esprit rassemble ses idées pour choisir entre elles. Ainsi caseus (fromage) vient de lac (lait), et coactum (coagulé). De cogere on a formé aussi contio (assemblée du peuple), coemptio (achat), compitum (carrefour). Cogitatio a produit concilium (assemblée), d'où consilium (conseil, délibération). Conciliare est même un terme qui désigne l'action du foulon.

44. Sic reminisci, quom ea quae tenuit mens ac memoria, cogitando repetuntur. Hinc etiam comminisci dictum, a con et mente, quom finguntur, in mente quae non sunt; et ab hoc illud quod dicitur eminisci, quom commentum pronuntiatur. Ab eadem mente meminisse dictum et amens, qui a mente sua discedit.

44. Reminisci (se ressouvenir) indique l'effort de celui qui rappelle une nation disparue de son esprit (mens) et de sa mémoire (memoria). De cum (avec) et de mens (esprit) a été formé comminisci (méditer, imaginer). Eminisci (énoncer sa pensée), meminisse (se souvenir), amens (déchu de sa raison, troublé), dérivent également de mens.

45. Meminisse a memoria, cum in id quod remansit in mente rursus movetur; quae a manendo ut manimoria potest esse dicta. Itaque Salii quod cantant: Mamuri Veturi, significant memoriam veterem. Ab eodem monere, quod is qui monet, proinde sit ac memoria. Sic monimenta quae in sepulcris; et ideo secundum viam, quo praetereuntis admoneant et se fuisse et illos esse mortalis. Ab eo cetera quae scripta ac facta memoriae causa monimenta dicta.

45. Meminisse, rappeler une idée qui, après être entrée dans la mémoire, s'en est échappée, est peut-être composé de manere (demeurer) et de moveri (être mis dehors). Peut-être aussi le mot memoria est-il une contraction de manimoria. Sans doute ces mots du chant des Saliens, Mamuri Veturi, signifient vetus memoria (ancienne mémoire). De là monimenta, inscriptions gravées sur les tombeaux de la voie Flaminienne, par lesquelles les morts rappellent (admonent) aux passants qu'ils sont mortels comme eux. Ce mot désigne, en général, tout ce qui est écrit et fait pour transmettre la mémoire d'une chose à la postérité.

46. Curare a cura dictum. Cura, quod cor urat. Curiosus, quod hac praeter modum utitur. Recordari, rursus in cor revocare. Curiae, ubi senatus rempublicam curat, et illa ubi curam sacrorum publica; ab his curiones.

46. Curare (avoir soin) derive de cura (soin). Cura, de urere (brûler) et de cor (cœur). Recordari (se ressouvenir), de revocare rusrsus (rappeler de nouveau) et de cor. Curia, lieu où le sénat s'occupe des intérêts de la République (curat). Ce mot désigne encore le lieu où l'on s'assemble pour le soin (cura) des choses sacrées: d'où curio (prêtre de chaque curie).

 

47. Volo a voluntate dictum et a volatu, quod animus ita est, ut puncto temporis pervolet quo volt. Lubere ab labendo dictum, quod lubrica mens ac prolabitur, ut dicebant olim. Ab lubendo libido, libidinosus ac Venus Libentina et Libitina, sic alia.

47. Volo (je veux) vient de voluntas (volonté) et de volatus (vol), parce que l'âme est si lègère qu'elle vole en un instant au lieu où elle veut. Lubere (suivre son penchant, sa fantaisie), de labi (glisser), parce que l'âme se laisse aisément entraîner, lubrica prolabitur, comme on disait autrefois. De lubere, libido (caprice, passion), libidinosus, Venus Libentina et Libitina, etc.

 

48. Metuere a quodam motu animi, quom id quod malum casurum putat, refugit mens. Quom vehementius in movendo ut ab se abeat foras fertur, formido; quom parum movetur pavet, et ab eo pavor.

48. Metuere (craindre), de motus (mouvement), parce que l'âme, en présence d'un danger, tressaille et s'enfuit. Formido, crainte excessive, qui met l'âme hors d'elles-même (foras). Pavor, peur, trouble de l'âme égarée (quum per avia it).

49.  Hinc etiam metuo mentem quodammodo motam vel metuisti amovisti; sic quod frigidus timor, tremuisti timuisti. Tremor dictum a similitudine vocis, quae tunc quom valde tremunt apparet, quom etiam in corpore pili, ut arista in spica ordei, horrent.

49. Metuere indique plus particulièrement l'état d'une âme émue (mota); et tremere, le frisson causé par la crainte : d'où tremor, frayeur qui se manifeste par le tremblement de la voix et même du corps, dont les poils se hérissent comme l'épi de l'orge.

50. Maerere a marcere, quod etiam corpus marcesceret. Hinc etiam macri dicti. Laetari ab eo quod latius gaudium propter magni boni opinionem diffusum. Itaque Juventius ait:

Gaudia sua si omnes homines conferant unum in locum,
Tamen mea exsuperet laetitia.

Sic quom se habent, laeta.

50. Maerere (être triste), de marcere, parce que le chagrin refroidit le corps. De marcere est venu macer (maigre). Laetari (se réjouir), de ce que le bonheur dilate le coeur. Juventius a dit : Toutes les joies humaines réunies ensemble n'égaleront pas ma joie (laetitia). De là laeta (choses heureuses).

VII. 51. Narro, cum alterum facio narum, a quo narratio, per quam cognoscimus rem gestam. Quae pars agendi est ab dicendo ac sunt aut coniuncta cum temporibus aut ab his: eorum hoc genus videntur ἔτυμα.

VII. 51. Narro (je raconte), de narum ou gnarum facere alterum (faire connaître à quelqu'un) d'où narratio, exposition qui nous fait connaître un fait. Je suis donc arrivé à la seconde partie de l'action, laquelle consiste à parler; et je vais expliquer l'origine des mots qui s'y rapportent, et appartiennent aux actions qui se passent dans le temps conjoint et dans le temps non conjoint. En voici, ce me semble, la source étymologique.

52. Fatur is qui primum homo significabilem ore mittit vocem. Ab eo, ante quam ita faciant, pueri dicuntur infantes; quom id faciunt, iam fari, quod vocabulum a similitudine vocis pueri, id dictum. Ab hoc tempore quod tum pueris constituant Parcae fando, dictum fatum et res fatales. Ab hac eadem voce qui facile fantur facundi dicti, et qui futura praedivinando soleant fari fatidici; dicti idem vaticinari, quod vesana mente faciunt. Sed de hoc post erit usurpandum, cum de poetis dicemus.

52. L'homme commence a parler (fatur), dès qu'il articule un mot significatif. Jusque-là l'homme est infans (qui ne parle pas). Fari (parler) est un mot imitatif, qui rappelle les premiers bégayements de l'entant. Fatum (destinée) doit son nom à l'époque de la vie, déterminée par les Parques, où l'enfant commence à parler. Du même mot fari on a fait facundus (qui parle avec facilité), fatidicus (qui prédit l'avenir). Vaticinari (prophétiser) a été formé de vesanus (qui est en délire), parce que ceux qui prophétisent sont transportés d'une fureur divine. Mais j'anticipe sur les mots poétiques, dont j'aurai à  parler plus tard.

53. Hinc fasti dies, quibus verba certa legitima sine piaculo praetoribus licet fari. Ab hoc nefasti, quibus diebus ea fari ius non est et, si fati sunt, piaculum faciunt. Hinc effata dicuntur, qui augures finem auspiciorum caelestum extra urbem agris sunt effati ut esset; hinc effari templa dicuntur ab auguribus; effantur qui in his fines sunt.

53. Les jours pendant lesquels il est permis au préteur de prononcer certains mots judiciaires ont été appelés fasti, de fari; et ceux pendant lesquels il lui est interdit, sous peine d'expiation, de prononcer ces mots, ont reçu le nom de nefasti, de ne (adverbe négatif) et du même mot fari. De là effata, dernières paroles par lesquelles les augures annoncent hors de la ville la fin des auspices; effari, affari, mots sacramentels du même genre.

54. Hinc fana nominata, quod pontifices in sacrando fati sint finem; hinc profanum, quod est ante fanum coniunctum fano; hinc profanatum quid in sacrificio; atque inde Herculi decuma appellata ab eo est, quod sacrificio quodam fanatur, id est ut fani lege fit. Id dicitur polluctum, quod a porriciendo est fictum: quom enim ex mercibus libamenta porrecta sunt Herculi in aram, tum polluctum est, ut, quom profanatum dicitur, id est proinde ut sit fani factum; itaque ibi olim in fano consumebatur omne quod profanatum erat, ut etiam nunc fit, quod praetor urbanus quotannis facit quom Herculi immolat publice iuvencam.

54. De là fana (temples), parce que les pontifes, en les consacrant, en annoncent la circonscription (fati sint finem); profanum (profane), la façade extérieure du temple, et profanatum, ce qui, dans les sacrifices est placé devant le temple. La dîme d'Hercule a été aussi appelée profanatum, parce qu'elle est vouée au temple. On l'appelle encore polluctum, de porricere (présenter). C'est pourquoi on consomait autrefois dans le temple tout ce qui était profane: ce que fait encore aujourd'hui le préteur en immolant publiquement une génisse à Hercule.

55. Ab eodem verbo fari fabulae, ut tragoediae et comoediae, dictae. Hinc fassi ac confessi, qui fati id quod ab is quaesitum. Hinc professi; hinc fama et famosi. Ab eodem falli, sed et falsum et fallacia, quae propterea, quod fando quem decipit ac contra quam dixit facit. Itaque si quis re fallit, in hoc non proprio nomine fallacia, sed tralaticio, ut a pede nostro pes lecti ac betae. Hinc etiam famigerabile et sic compositicia alia item ut declinata multa, in quo et fatuus et fatuae.

55. Du même mot fari on a fait fabula (pièce de théâtre, tragique ou comique); fassi et confessi (qui confessent ce qu'on leur demande); professi (promettant, avouant); fama (renommée); famosus (fameux). Il faut ajuster à ces dérivés fallere (tromper), falsum (fausseté) et fallacia (tromperie) : dont le racine fari implique l'idée d'une déception, causée par une parole, que le fait a démentie. Quand la déception ne repose que sur la chose, il n'y a pas là à proprement parler ce qu'on appelle fallacia, mais tralaticio (métaphore), comme dans pied de lit, et  dans poirée. Ajoutons enfin famigerabile (illustre) et autres mots composés, ou simplement comme déclinés comme fatuus (fat) et fatuae (devineresses).

56. Loqui ab loco dictum, quod qui primo dicitur iam fari vocabula et reliqua verba dicit ante quam suo quique loco ea dicere potest, hunc Chrysippus negat loqui: quare ut imago hominis non sit homo sic in corvis, cornicibus, pueris primitus incipientibus fari verba non esse verba, quod non loquantur. Igitur is loquitur, qui suo loco quodque verbum sciens ponit, et is tum prolocutus, quom in animo quod habuit extulit loquendo.

56 Loqui (parler) vient de locus (lieu), puisque, suivant Chrysippe, autre chose est de parler des mots, autre chose de les émettre dans leur ordre et dans le lieu qui leur convient. Dans le premier cas, ce n'est point parler (loqui), mais bégayer (ut loqui, quasi loqui) ; et l'enfant ressemble alors au corbeau ou à la corneille, qui engendre des mots par imitation, mais qui ne parlent pas. Parler (loqui) est donc mettre sciemment chaque mot en son lieu (locus) : d'où proloqui, produire au dehors en parlant ce qu'on a dans l'esprit.

57. Hinc dicuntur eloqui ac reloqui in fanis Sabinis, e cella dei qui loquuntur. Hinc dictus loquax, qui nimium loqueretur; hinc eloquens, qui copiose loquitur; hinc colloquium quom veniunt in unum locum loquendi causa; hinc adlocutum mulieres ire aiunt, quom eunt ad aliquam locutum consolandi causa; hinc quidam loquelam dixerunt verbum quod in loquendo efferimus. Concinne loqui dictum a concino, ubi inter se conveniunt partes ita ut inter se concinant aliud alii.

57. De là eloqui et reloqui, qui, dans les temples sabins, désignent l'action du dieu au fond du sanctuaire; loquax (qui parle de trop) eloquens (qui parle avec abondance); colloquium (entretien de plusieurs personnes). De là adlocutum ire (faire une visite de condoléance) mot en usage parmi les femmes; loquela (langage). Concinne loqui (être d'accord en parlant), de concinnus (concordant), parce que cet accord rappelle celui d'un chœur. Cette étymologie, du reste, n'est pas adoptée par tous les grammairiens.

58. Pronuntiare dictum enuntiare; pro idem valet quod ante, ut in hoc: proludit. Ideo actores pronuntiare dicuntur, quod in proscaenio enuntiant poetae cogitata, quod maxime tum dicitur proprie, novam fabulam cum agunt. Nuntius enim est a novis rebus nominatus, quod a verbo graeco νέος potest declinatum; ab eo itaque Neapolis illorum Novapolis ab antiquis vocitata nostris.

58. Pronuntiare (prononcer) est composé de pro (devant) et enuntiare (énoncer), comme proludere (préluder). C'est pourquoi ce mot se dit des acteurs, parce qu'ils récitent souvent sur le devant de la scène les vers des poètes. Il est principalement applicable à ceux qui jouent une piece nouvelle. Car nuntius (nouvelle) vient de novus (nouveau), qui dérive peut-être du mot grec νέος. Nos ancêtres disaient Novapolis au lieu du nom grec Neapolis.

59. A quo etiam extremum novissimum quoque dici coeptum volgo, quod mea memoria ut Aelius, sic senes aliquot, nimium novum verbum quod esset, vitabant; cuius origo, ut a vetere vetustius ac veterrimum, sic ab novo declinatum novius et novissimum, quod extremum. Sic ab eadem origine novitas et novicius et novalis in agro et sub Novis dicta pars in foro aedificiorum, quod vocabulum ei pervetustum, ut Novae Viae, quae via iam diu vetus.

59. De novus on a formé novissimus (dernier, extrême), que de mon temps, quelques vieillards, et entre autres Ælius, évitaient d'employer comme un mot trop nouveau. Novissimus est le superlatif de novus, comme veterrimus, par exemple, dont la racine est vetus (ancien). Novitas (nouveauté), novicius (novice), novalis (jachère), ont la même origine, ainsi que Sub novis, d'un quartier du Forum, qui est néanmoins très anclen, de même que le nom de rue Neuve, désigne une rue déjà fort ancienne.

60. Ab eo quoque potest dictum nominare, quod res novae in usum quom additae erant, qui eas novissent, nomina ponebant. Ab eo nuncupare, quod tunc pro civitate vota nova suscipiuntur. Nuncupare nominare valere apparet in legibus, ubi nuncupatae pecuniae sunt scriptae; item in choro in quo est:

Aenea! Quis is est qui meum nomen nuncupat?

Item in Medo:

Quis tu es, mulier, quae me insueto nuncupasti nomine?

60. Nominare (nommer) vient peut-être du même mot, parce que la connaissance (qui eas novissent) des choses nouvelles, qui étaient mises en usage, était suivie d'une dénomination. De là encore nuncupare (dédier, prononcer des vœux), parce que, dans les solennités religieuses, on se lie par de nouveaux vœux. Dans les actes judiciaires, nuncupare et nominare sont synonymes : on dit, par exemple, nuncupatae pecuniae. Nuncupare a également le sens de nominare dans ce vers d'un chœur : Énée ! car qui est-ce qui prononce mon nom (nuncupat) ? et dans cet autre : Qui es-tu, femme, qui m'as appelé d'un nom inaccoutumé (nancupasti) ?

61. Dico originem habet Graecam, quod Graeci δικάζω. Hinc Ennius:

Dico qui...

Hinc dicare, hinc iudicare, quod tunc ius dicatur; hinc iudex, quod iudicat accepta potestate, id est quibusdam verbis dicendo finit; sic enim aedis sacra a magistratu pontifice praeeunte, dicendo dedicatur. Hinc ab dicando, indicium; hinc illa: indicit bellum, indixit funus, prodixit diem, addixit iudicium; hinc appellatum dictum in mimo ac dictiosus; hinc in manipulis castrensibus dicta ab ducibus; hinc dictata in ludo; hinc Dictator magister populi, quod is a consule debet dici; hinc antiqua illa ; dicimonium et dicis causa et addictus

61. Dico (je dis) vient du grec δικάζω. On lit dans Ennius: Dico qui, etc. De dico on a formé dicere (dédier); judicare (juger), composé de dicere et de jus (droit, justice) ; judex (juge), qui rend la justice au nom de la loi, et en prononçant (dicendo) certaines paroles sacramentelles; dedicare (consacrer), parce que le magistrat qui consacre un temple en présence du pontife prononce également certaines paroles (dici). De là encore indicium (indice, denonciation); indicere duellum (déclarer la guerre); indicere funus (publier les funérailles); prodicere diem (assigner un jour); addicere iudicium (adjuger ou fixer le jour de jugement); dictum (bon mot d'une comédie); dictiosus (plaisant)) : dicta (commandement), terme militaire; didacta (ce qu'on dicte), terme d'école; dictator (dictateur), maître du peuple, nommé (dictus) par le consul; et autres mots anciens, comme : dicimonium (mendicité), dicis causa (pour la forme, par manière d'acquit), et addictus (assigné, enrôlé).

62. Si dico quid inscienti, quod ei quod ignoravit trado, hinc doceo declinatum, vel quod quom docemus, dicimus, vel quod qui docentur, inducantur in id quod docentur ab eo quod scit ducere, qui est dux aut ductor qui ita inducit ut doceat. Ab ducendo docere, disciplina litteris commutatis paucis. Ab eodem principio documenta, quae exempla docendi causa dicuntur.

62. Docere (enseigner, faire connaître) vient, ou de dicere (dire), ou de inducere (introduire), parce que celui qui enseigne est comme le guide (dux ou ductor) de celui qui est enseigné. De docere on a fait  discere (apprendre) et disciplina (discipline), qui n'en diffèrent que par quelques lettres, et documentum (document, précepte).

 

63. Disputatio et computatio cum praepositione a putando quod valet purum facere. Ideo antiqui purum putum appellarunt; ideo putator, quod arbores puras facit, ideo ratio putari dicitur, in qua summa sit pura. Sic is sermo in quo pure disponuntur verba, ne sit confusus atque ut diluceat, dicitur disputare.

63. Disputalio (discussion) et computatio (calcul) viennent de putare (penser), qui, au propre, signifie purifier, éclaircir (purum facere). Les anciens disaient putus au lieu de purus. Celui qui émonde les arbres a été appelé putator, parce qu'il les éclaircit; et, par analogie, putare a servi à désigner l'action de penser, parce que la pensée éclaire, en quelque sorte, la raison. De là disputare, discuter, mettre une pensée dans un beau jour, à l'aide d'un discours dont les mots sont disposés avec ordre et clarté.

64. Quod dicimus disserit, item translaticio aeque ex agris verbo: nam ut olitor disserit in areas sui cuiusque generis res, sic in oratione qui facit, disertus. Sermo, opinor, est a serie, unde serta; etiam in vestimento sartum, quod comprehensum: sermo enim non potest in uno homine esse solo, sed ubi oratio cum altero coniuncta. Sic conserere manum dicimur cum hoste; sic ex iure manum consertum vocare. Hinc adserere manu in libertatem, quom prendimus. Sic augures dicunt: Si mihi auctor est verbi...

***
nam manu asserere dicit.
.***

64. Disserrere (disserter) est une expression métaphorique, qui, au propre, signifie semer ou planter de coté et d'autre : d'où disertus (disert), parce que l'orateur ressemble au jardinier qui distribue avec ordre les semences et les plantes de son jardin. Sermo (conversation) dérive, je crois, de series (série, enchaînement): d'où serta (guirlandes), et sartum (raccommodé, cousu), en parlant d'un habit. Par conséquent sermo ne peut se dire dune seule personne, et implique l'idée d'interlocution. Serere (nouer, enchaîner) a produit conserere manum (en venir aux mains, livrer bataille), et la formule judiciaire : manum consertum vocare (appeler ad manum conserendam). De là aussi adserere manum in libertatem, mettre en liberté, ce qui se fait en prenant par la main celui qu'on affranchit. Les augures disent...

65. .... consortes ; hinc etiam consortes, ad quos eadem sors; hinc etiam sortes, quod in his iuncta tempora cum hominibus ac rebus, ab his sortilegi; ab hoc pecunia quae in faenore, sors est, impendium quod inter se iungit.

65.... et consortes (qui partagent le même sort), sortes (divinations), parce que le sort enchaîne les temps, les hommes et les choses. De sortes est issu sortilegi (devins). L'intérêt de l'argent a été appelé sors, parce qu'il augmente le capital, de serere (unir, attacher).

66. Legere dictum, quod leguntur ab oculis litterae; ideo etiam legati, quod ut publice mittantur leguntur. Item ab legendo leguli, qui oleam aut qui uvas legunt; hinc legumina in frugibus variis. Etiam leges quae lectae et ad populum latae, quas observet; hinc legitima. Et collegae, qui una lecti, et qui in eorum locum suppositi, sublecti; additi allecti et collecta quae ex pluribus locis in unum lecta. Ab legendo ligna quoque, quod ea caduca legebantur in agro quibus in focum uterentur. Indidem ab legendo legio et diligens et dilectus.

66. Legere, cueillir, et, au figuré, lire, distinguer les lettres avec les yeux : d'où legati, magistrats choisis pour une mission publique; legulus, qui cueille des olives ou du raisin; legumina (légumes); leges (lois), parce que elles sont lues et annoncées au peuple afin qu'il ait à les observer; et legitima (formalités judiciaires). Collegae (collègues), de lecti (choisis) et cum (avec, ensemble); sublecti (substituts), de lecti et de sub (sous); allecti (adjoints), de lecti et de ad; collecta (choses rassemblées de divers lieux en un seul), de cum et de legere. Ligna (bois) vient aussi de legere, parce qu'on recueille dans les champs le bois tombé des arbres pour en faire du feu. Ajoutons legio (légion), diligens (soigneux), et dilectus (chéri).

67. Murmuratur dictum a similitudine soni surdi, qui ita leviter loquitur, ut magis e sono id facere quam ut intellegatur videatur. Hinc etiam poetae murmurantia litora. Similiter fremere, gemere, clamare, crepare ab similitudine vocis sonitus dicta. Hinc illa  arma sonant, fremor oritur; hinc

Nihil me increpitando commoves.

67. Murmurari (murmurer). mot imitatif, qui se dit d'une personne parlant à voix si basse, qu'elle semble plutôt vouloir faire entendre un son ou une parole inintelligible. De là murrnurantia litora (des rives murmurantes). Fremere (trembler), gemere (gémir), clamare (crier), crepare (retentir ), sont pareillement des mots imitatifs. D'où : Arma sonant, FREMOR oritur; nihil me INCREPITANDO commoves.

68. Vicina horum quiritare, iubilare. Quiritare dicitur is qui Quiritum fidem clamans inplorat. Quirites a Curensibus; ab his cum Tatio rege in societatem venerunt civitatis. Ut quiritare urbanorum, sic iubilare rusticorum: itaque hos imitans Aprissius ait:

Io bucco! — quis me iubilat?

Vicinus tuus antiquus.
Sic triumphare appellatum, quod cum imperatore milites redeuntes clamitant per urbem in Capitolium eunti  : Io triumphe; id a
θριάμβῳ, Graeco Liberi cognomento potest dictum.

68. Quiritare (plaindre publiquement), jubilare (appeler à grands cris), sont des mots analogues. Quiritare se dit de celui qui en appelle à haute voix aux Quirites. Quirites dérive de Curenses, qui étaient les habitants de Cures, qui s'associèrent avec le roi Tatius au peuple romain. Quiritare se dit des habitants de Rome; et jubilare, des gens de la montagne; ce qui a fait dire à Aprissius : Io bucco! — Quis me iubilat? etc. Triumphare (triompher) vient du cri : Io triumphe, que les soldats vainqueurs poussent dans la ville en accompagnant leur général au Capitole; ou bien du mot θρίαμβος, surnom de Bacchus.

69. Spondere est dicere : spondeo, a sponte; nam id idem valet et a voluntate. Itaque Lucilius scribit de Cretaea,

Cum ad se cubitum venerit
Sponte ipsam suapte adductam, ut tunicam et cetera reiceret.

Eandem voluntatem Terentius significat, cum ait satius esse

Sua sponte recte facere quam alieno metu.

Ab eadem sponte, a qua dictum spondere, declinatum et respondet et desponsor et sponsa, item sic alia. Spondet enim qui dicit a sua sponte : spondeo. Spondet etiam sponsor qui idem ut faciat obligatur.

69. Spondere (promettre volontairement), de spons qui a le sens de voluntas (volonté). On lit dans Lucilius, parlant de Crétéa: cum ad se cubitum venerit sponte suapte  (de son plein gré), et spons a le même sens dans ce passage de Térence : Il vaut mieux faire le bien librement (sua sponte) que par crainte. Du même mot venant de la racine de spondere, on a formé respondere (répondre), desponsor (qui s'engage), sponsa (fiancée), etc., etc. Spondere se dit de celui qui s'engage le premier volontairement; et sponsor, de celui qui garantit cet engagement.

70. Sponsus, consponsus; hoc Naevius significat cum ait : consponsi. Spondebatur pecunia aut filia nuptiarum causa, nam ut in comoediis vides dici:

Sponden' tuam gnatam filio uxorem meo?

Appellabatur et pecunia, et quae desponsa erat, sponsa; quae pecunia inter se contra sponsum rogata erat, dicta sponsio; cui desponsa quae erat, sponsus. Quo die sponsum erat, sponsalis.

70. Sponsus (fiancé, qui s'engage à épouser) et consponsus sont synonymes. On lit, en effet, dans Naevius, consponsi (les fiancés ou du fiancé). Spondere se dit et de la dot et de la fille promise en mariage; car on lit dans les comédies : sponden' tuam, etc.: promets-tu ta fille en mariage à mon fils? Sponsa désigne et la dot et la fiancée; sponsio, l'indemnité réciproquement stipulée pour le cas d'inexécution des conventions; sponsus, celui à qui une fille est promise en mariage; sponsalis, le jour des fiançailles.

71. Qui spoponderat filiam, despondisse dicebant, quod de sponte eius, id est de voluntate, exierat: non enim si nolebat, non dabat, quod sponsu erat alligatus;  quod tum et praetorium ius ad legem et censorium iudicium ad aequum existimabatur. Sic despondisse animum quoque dicitur, ut despondisse filiam, quod suae spontis statuerat finem.

71. Despondere (promettre sa fille en mariage), composé de spondere et de la préposition de, implique l'idée de démission de volonté; car celui qui promet sa fille en mariage est tenu d'exécuter sa promesse, sous peine d'être condamné par le préteur à ce que la loi ordonne, et par le censeur à ce que l'équité réclame. De là despondisse animum (se décourager), qui, comme despondisse filiam, suppose l'abandon de la volonté.

72. A quo sponte dicere, respondere quoque, dixerunt, quom ad spontem responderent, id est ad voluntatem rogationis. Itaque qui ad id quod rogatur non dicit, non respondet : ut non spondet ille, statim qui dixit : Spondeo, si iocandi causa dixit, neque agi potest cum eo ex sponsu. Itaque quoi quis dicitur in tragoedia :

Meministin' te despondere mihi gnatam tuam

quod sine sponte sua dixit, cum eo non potest agi ex sponsu.

72. Respondere (répondre), composé aussi de spons et de dicere, indique par son étymologie que celui qui répond, obéit à la volonté (ad spontem) de celui qui interroge. C'est pourquoi l'on dit de celui dont les paroles ne satisfont pas d'une manière pertinente à la question qui lui a été adressée, qu'il n'a pas répondu; de même que ce n'est pas s'engager ni donner action contre soi, que de dire sans intention sérieuse : spondeo (je promets). Par exemple, dans ce passage d'une tragédie: Te souviens- tu de m'avoir promis ta fille en mariage? on sent qu'il ne s'agit pas d'une promesse sérieuse, qui puisse donner lieu à une action judiciaire.

73. Etiam spes a sponte potest esse declinata, quod tum sperat, quom, quod volt, fieri putat; nam quod non volt si putat, metuit, non sperat. Itaque hi quoque qui dicunt in Astraba Plauti:

Nunc sequere adseque, Polybadisce, meam spem cupio consequi.
Sequor hercle equidem; nam libenter mea sperata consequor:

quod sine sponte dicunt, vere neque ille sperat qui dicit adolescens, neque illa quae sperata est.

73. Spes (espérance) vient peut-être aussi de spons, parce que l'espérance consiste à croire que ce qu'on souhaite (quod volt) peut arriver; car si l'on croit qu'il arrivera ce qu'on ne souhaite pas, on craint alors, on n'espère pas. Les personnages de l'Astraba, auxquels Plaute prête les paroles suivantes, sont dans ce dernier cas : Poursuis, Polybadiscus, poursuis; J'aspire à posséder l'objet de mon espérance. Je me hâte de toute l'ardeur qui m'entraîne vers toi, ô ma fiancée! Or, la volonté n'anime point ces paroles ; car le jeune homme n'espère pas véritablement ce qu'il dit, et la jeune fille n'est rien moins que sa fiancée et l'objet de son espérance.

74. Sponsor et praes et vas neque idem, neque res a quibus hi, sed e re simili. Itaque praes qui a magistratu interrogatus, in publicum ut praes siet; a quo, et quom respondet, dicit : praes. Vas appellatus, qui pro altero vadimonium promittebat. Consuetudo erat quom reus parum esset idoneus inceptis rebus, ut pro se alium daret; a quo caveri postea lege coeptum est ab his, qui praedia venderent, vades ne darent; ab eo ascribi coeptum in lege mancipiorum:

Vadem ne poscerent nec dabitur.

74. Sponsor, praes et vas ont de l'analogie sans avoir la même racine. Ainsi on appelle praes celui à qui le magistrat adresse cette question : praesne es in publicum (êtes-vous caution envers le peuple)? et qui répond : praes. On appelle vas celui qui garantit la comparution d'un autre en justice. L'usage était autrefois de présenter un garant, lorsque par soi-même on n'était pas en état de satisfaire aux suites d'un procès ; mais depuis, pour prévenir les abus qui pouvaient résulter de cet usage, l'État prit des précautions contre ceux qui vendaient leur héritage pour n'avoir pas à fournir de cautionnement sur leurs biens; et la loi sur les mancipations interdit la faculté de présenter des garants.

75. Canere, accanit et succanit ut canto et cantatio ex Camena permutato pro M N. Ab eo, quod semel, canit; si saepius, cantat. Hinc cantitat, item alia; nec sine canendo tibicines... dicti: omnium enim horum quodam canere; etiam bucinator, a vocis similitudine et cantu dictus.

75. Canere (chanter) et les composés accanit et succanit, ainsi que canto et cantatio, viennent de Camena (muse), dont la lettre m a été remplacée par n. Cantare, cantitare sont des verbes fréquentatifs, qui dérivent de canere. Tibicen  (joueur de flûte), et les autres mots de cette espèce sont composés du nom de l'instrument et de canere (chanter), parce que les sons des instruments de musique tiennent du chant. Bucccinator (qui sonne de la trompette] est composé du même verbe et de bucca (bouche), parce que le son de la trompette ressemble à la voix.

76. Oro ab ore et perorat et exorat et oratio et orator et osculum dictum. Indidem omen, ornamentum; alterum quod ex ore primum elatum est, osmen dictum; alterum nunc cum propositione dicitur vulgo ornamentum, quod sicut olim, ornamentum scaenici plerique dicunt. Hinc oscines dicuntur apud augures, quae ore faciunt auspicium.

76. Orare (dire, prier), perorare (pérorer) exorare (supplier), oratio (discours), orator (orateur) et osculum (baiser), dérivent de os (bouche). Omen (présage) et ornamentum (ornement) ont la même racine : omen, contraction de osmen, parce que les présages étaient originairement tirés du bec ou du chant des oiseaux; ornamentum, mot qui est aujourd'hui accompagné d'une préposition dans le langage commun, mais dont la plupart des auteurs dramatiques se servent, comme autrefois, sans préposition. De là encore oscines, nom des augures qui tirent des auspices du bec ou du chant des oiseaux.

VIII. 77. Tertium gradum agendi esse dicunt, ubi quid faciant; in eo propter similitudinem agendi et faciendi et gerendi quidam error his, qui putant esse unum. Potest enim aliquid facere et non agere, ut poeta facit fabulam et non agit, contra actor agit et non facit, et sic a poeta fabula fit, non agitur, ab actore agitur, non fit. Contra imperator quod dicitur res gerere, in eo neque facit neque agit; sed gerit, id est sustinet, translatum ab his, qui onera gerunt, quod hi sustinent.

VIII. 77. Faire est le troisième degré de l'action. Ici la ressemblance entre agere, facere et gerere a fait croire communément que ces trois mots étaient synonymes. Cependant facere n'implique pas agere. Ainsi un poète facit fabulam (compose une pièce), non agit (il ne la joue pas) et réciproquement un acteur agit (joue une pièce), et ne l'a pas faite (facit). Gerere, à son tour, n'implique ni facere ni agere,  et se dit d'un général d'armée, qui porte (gerit) comme un fardeau le commandement qui lui a été confié.

78. Proprio nomine dicitur facere a facie; qui rei, quam facit, imponit faciem. Ut fictor quom dicit fingo, figuram imponit; quom dicit informo, formam; sic cum dicit facio, faciem imponit; a qua facie discernitur, ut dici possit aliud esse vestimentum, aliud vas, sic item quae fiunt apud fabros, fictores, item alios alia. Qui quid amministrat, cuius opus non extat quod sub sensum veniat, ab agitatu ut dixi magis agere quam facere putatur; sed quod his magis promiscue, quam diligenter consuetudo est usa, translaticiis utimur verbis: nam et qui dicit, facere verba dicimus, et qui aliquid agit, non esse inficientem.

78. Facere vient directement de facies (face, figure), parce que celui qui fait une chose la réalise par une figure. Il faut ranger dans la même classe fingere (façonner), informare (former) qui désignent l'action de donner à une matière la forme d'un vêtement, d'un vase, etc. Agere nous paraît, plutôt que facere , convenir à celui dont l'oeuvre ne tombe pas sous les sens ; mais comme, dans le langage usuel, on n'observe pas toujours l'acception rigoureuse de chaque mot, on se sert indistinctement de facere et de agere, et l'on dit par métaphore, d'un orateur qui parle: facit verba; et de celui qui applique son esprit à une action qui ne consiste pas proprement à faire : non est inficiens (il n'est pas oisif, il fait quelque chose).

79. .... qui adlucet. Dicitur lucere ab luere, quod et luce dissolvuntur tenebrae. Ab luce Noctiluca. Lugere item a luce, quod propter lucem amissam is cultus institutus. Acquirere est ad et quaerere; ipsum quaerere ab eo quod quae res ut reciperetur datur opera; a quaerendo quaestio, ab his tum quaestor.

79.... Lucere (luire) vient de luere (délier, dissoudre), parce que la lumière (lux) dissout les ténèbres. Lugere (porter le deuil), de lux, parce que le deuil a pour cause le regret de ceux qui ont perdu la lumière. Acquirere (acquérir) est composé de la préposition ad et de quaerere (chercher); et quaerere, de quae res, parce que celui qui cherche s'efforce de trouver quelque chose. Quaerere a produit quaestio (question) et quaestor ( questeur).

80. Video a visu, id a vi: quinque enim sensuum maximus in oculis: nam cum sensus nullus, quod abest mille passus, sentire possit; oculorum sensus vis usque pervenit ad stellas. Hinc: Visenda vigilant, vigilium invident et Attianum illud :

Oculis violavit, qui invidit invidendum.

A quo etiam violavit virginem pro vitiavit dicebant; aeque eadem modestia potius cum muliere fuisse quam concubuisse dicebant.

 

 

80. Video (voir) vient de vis (force), parce que la vue est le plus étendu des cinq sens. En effet, aucun des autres sens ne peut percevoir ce qui est au-delà de mille pas, tandis que la vue s'étend jusqu'aux étoiles. De videre on a fait visere (visiter), vigilare (veiller), vigilium (veille), et invidere (envier). Cette étymologie d'invidere est confirmée par le passage suivant d'Attius : Celui qui regarde une chose qui ne doit pas être vue (invidendum) la viole par les yeux. Violare (violer) dérive également de videre. On emploie ce mot, de préférence à vitiare (souiller), pour désigner l'outrage fait à la pudeur d'une vierge, de méme que cum muliere fuisse (avoir commerce avec une femme) est une expression plus réservée que concubuisse (coucher avec une femme ). 

81. Cerno idem valet; itaque pro video ait Ennius:

Lumen iubarne in caelo cerno.

Canius:

Sensumque inesse et motum in membris cerno.

Dictum cerno a cereo, id est a creando : dictum ab eo quod, quom quid creatum est, tunc denique videtur. Hinc capilli discripti quod finis videtur, discrimen. Et, quod in testamento, cernito, id est facito videant te esse heredem: itaque in cretione adhibere iubent testes. Ab eodem est quod ait Medea:

Ter sub armis malim vitam cernere,
Quam semel modo parere;

quod, ut decernunt de vita eo tempore, multorum videtur vitae finis.

81. Cerno a le même sens que video, témoin ce passage d'Ennius : Est-ce la lumière d'un astre que je vois (cerno) dans le ciel? et celui-ci de Cassius : Je vois (cerno) que les membres sont doués de sensibilité et de mouvement. Cerno vient de cereo, c'est-à-dire creo (créer), parce que ce qui est créé tombe sous le sens de la vue. Discrimen désigne la séparation faite par le peigne, et qui laisse voir chaque cheveu distinctement. Le mot cernito, employé dans les testaments, contient implicitement cette injonction : FACITO UT VIDEANT te esse haeredem (fais voir que tu es héritier.) C'est pourquoi dans l'acceptation de la succession (in cretione) on est tenu d'avoir des témoins. Le poète fait dire à Médée : J'aimerais mieux risquer trois fois ma vie (cernere vitam) sur un champ de bataille, que d'enfanter une seule fois. Dans ce passage, l'expression cernere vitam (combattre) s'explique par ce qui se passe dans un combat : lutte sanglante, où plusieurs voient la fin de leur vie.

82. Spectare dictum ab specio antiquo, quo etiam Ennius usus:

Vos epulo postquam spexit,

et quod in auspiciis distributum est qui habent spectionem, qui non habeant; et quod in auguriis etiam nunc augures dicunt avem specere. Consuetudo communis quae cum praeverbiis coniuncta fuerunt etiam nunc servat, ut aspicio, conspicio, respicio, suspicio, despicio, sic alia; in quo etiam expecto quod spectare volo. Hinc specula, hinc speculum, quod in eo specimus imaginem. Specula, de quo prospicimus. Speculator, quem mittimus ante, ut respiciat quae volumus. Hinc qui oculos inunguimus quibus specimus, specillum.

82. Spectare (regarder) vient de l'ancien mot specio, qui se trouve dans Ennius : après que l'hôte vous eut regardé (spexit ). On le retrouve aussi dans spectio, terme employé dans les auspices, où l'on distingue les augures qui ont ce qu'on appelle spectio (inspection), et ceux qui ne l'ont pas. Avem specere est encore aujourd'hui un terme d'augure. L'usage a conservé cet ancien mot dans les verbes composés aspicio, conspicio, respicio, suspicio, despicio, etc., au nombre desquels est exspecto (j'attends), c'est-à-dire spectare volo (je veux regarder). De là specula (lieu élevé, d'où l'on voit ce qui se passe au loin) ; speculum (miroir); speculator (éclaireur, qui va à la découverte); specillum, petit instrument à distiller dans les yeux, par lesquels nous voyons (quibus specimus).

83. Ab auribus videntur dicta verba audio et ausculto; aures ab aveo quod his avemus discere semper, quod Ennius videtur ἔτυμον, ostendere velle in Alexandro cum ait:

Iam dudum ab ludis animus atque aures avent,
Avide expectantes nuntium.

Propter hanc aurium aviditatem theatra replentur. Ab audiendo etiam auscultare declinatum, quod hi auscultare dicuntur qui auditis parent, a quo dictum poetae:

Audio, ausculto.

Littera commutata dicitur odor, olor, hinc olet et odorari et odoratus et odora res.

83. Audio (entendre) et ausculto (écouter) paraissent venir de aures (oreilles). Auris (oreille), de aveo, parce que nous sommes continuellement avides d'apprendre quelque chose de nouveau. Ennius semble confirmer cette étymologie dans ce passage de la pièce intitulée Alexandre : Depuis longtemps mon âme et mes oreilles désirent avidement (avent avide), etc. C'est à cause de cette avidité que les théâtres sont toujours pleins. Ausculto vient de audio, et désigne l'action d'obéir à ce qu'on a entendu : ce qui a fait dire à un poète : audio, ausculto. Le changement d'une lettre a fait olor (senteur), de odor (odeur). Ces deux mots ont produit olere (exhaler quelque odeur), odorari (flairer), odoratus (odorat), et odora res (chose odoriférante).

84. Ore edo, sorbeo, bibo, poto. Edo a Graeco ἔδω, hinc esculentum et escae, edulia; et quod Graece γεύεται, Latine gustat. Sorbere, item bibere a vocis sono, ut fervere aquam ab eius rei simili sonitu. Ab eadem lingua, quod πότον, potio, unde poculum, potatio, repotia. Indidem puteus, quod sic Graecum antiquum, non ut nunc φρέαρ dictum.

84. Edo (manger), sorbeo (avaler, absorber), bibo (boire) et poto (id.) ont pour racine os (bouche). De là esculentum (aliment), esca (nourriture), edulia (comestibles). Gustat (goûter) vient de grec γεύεταιSorbere, bibere, sont des mots imitatifs, comme fervere (bouillonner). Du grec πότος est encore venu potio (action de boire, bolsson) : d'où poculum (coupe), potatio (action de boire), repotia (repas du lendemain des noces). Puteus (puits) a aussi une origine étrangère, et vient de l'ancien mot grec πύτεος, remplacé aujourd'hui par φρέαρ.

85. A manu manupretium; mancipium, quod manu capitur; quod coniungit plures manus, manipulus; manipularis, manica. Manubrium, quod manu tenetur. Mantelium, ubi manus terguntur .

85. De manus ( main) on a fait manupretium (prix de la main-d'oeuvre); mancipium (achat, esclave), composé de manus et de capere (prendre); manipulus (bataillon), composé de manus (poignée d'hommes) et de plures (plusieurs); manipularis (compagnon) ; manica (manche de vêtement); manubium (partie par où l'on prend certains instruments) ; mantelium (essuie-main).

IX. 86. Nunc primum ponam de Censoriis Tabulis:

« Ubi noctu in templum censurae auspicaverit atque de caelo nuntium erit, praeconi sic imperato ut viros vocet:
« Quod bonum fortunatum felix salutareque siet populo Romano Quiritium, reique publicae populi Romani Quiritium mihique collegaeque meo, fidei magistratuique nostro ! omnes Quirites, pedites, armatos privatosque, curatores omnium tribuum, si quis pro se sive pro altero rationem dari volet, voca inlicium huc ad me.

 

IX. 86. Je citerai d'abord les registres des censeurs : Après avoir pris les auspices pendant la nuit, dans le temple de la  censure, ordre sera donné en ces termes au héraut (praeco) de convoquer le peuple :  « Au nom du peuple romain, à qui fassent les dieux que cela soit utile, propice et salutaire, ainsi qu'à mon collègue et à moi, convoque (voca inlicium) ici auprès de moi les citoyens de toute classe, etc.

87. « Praeco in templo primum vocat; postea de moeris item vocat.
« Ubi lucet, censor, scribae, magistratus, murrha unguentisque unguentur.
« Ubi praetores, tribunique plebei quique inlicium vocati sunt, venerunt : censores inter se sortiuntur, uter lustrum faciat.
« Ubi templum factum est, post tum conventionem habet qui lustrum conditurus est.

87. Le héraut fait deux convocations : la première dans le temple, et la seconde du haut des murs.
A l'aube du jour, le censeur, les scribes, les magistrats, se parfument de myrrhe et de substances odiférantes.
Lorsque les préteurs, les tribuns du peuple et les autres magistrats convoqués, sont arrivés, les censeurs tirent entre eux au sort le nom de celui qui doit présider au lustre.
Ensuite le censeur, chargé de cette fonction rassemble le peuple dans le nouveau temple.

88. In commentariis consularibus scriptum sic inveni:

« Qui exercitum imperaturus erit, accenso dicito:
« C. Calpurni, voca inlicium omnes Quirites huc ad me.
« Accensus dicit sic: Omnes Quirites, inlicium vos ite huc ad iudices.
« C. Calpurni, Cos. dicit, voca ad conventionem omnes Quirites huc ad me.
« Accensus dicit sic: Omnes Quirites, ite ad conventionem huc ad iudices.
« Dein consul eloquitur ad exercitum: Impero qua convenit ad comitia centuriata. »

88. Je lis dans les archives consulaire : Celui qui doit commander l'armée dit au héraut (accensus) : Calpurnius, ordonne à tous les Romains de se rassembler ici auprès de moi (voca inlicium).
Le héraut dit : Romains, rassemblez-vous tous ici devant les juges (inlicium vos ite). Le consul dit : Calpurnius, convoque tous les Romains (voca ad conventionem), etc. Ensuite le consul dit aux soldats  : Je vous ordonne de vous rendre au lieu où  s'assemblent les centuries.

89. Quare hic accenso, illic praeconi dicit, haec est causa: in aliquot rebus item ut praeco, accensus acciebat, a quo accensus quoque dictus. Accensum solitum ciere Boeotia ostendit, quam comoediam, alii Plauti, alii Aquili esse dicunt, hoc versu:

Ubi primum accensus clamarat meridiem.

Hoc idem Cosconius in actionibus scribit praetorem accensum solitum tum esse iubere, ubi ei videbatur horam esse tertiam, inclamare horam tertiam esse, itemque meridiem et horam nonam.

89. Praeco et accensus sont employés indistinctement pour désigner le héraut, parce que, de même que l'officier public appelé praeco, celui qu'on appelle accensus convoquait le peuple, acciebat, d'où accensus. Cette étymologie est attestée par le vers suivant de la comédie intitulée Boeotia, qu'on attribue à Aquilius : Dès que le héraut (accensus ) eut annoncé l'heure de midi. Cosconius dit aussi, en parlant des actes judiciaires, que le préteur a coutume d'ordonner au héraut, appelé accensus, d'annoncer la troisième heure, ainsi que celle de midi et la neuvième.

90. Circum moeros mitti solitum, quo modo inliceret populum in eum locum, unde vocare posset ad contionem, non solum ad consules et censores, sed etiam quaestores, Commentarium indicat vetus Anquisitionis M. Sergii, Mani filii, quaestoris, qui capitis accusavit Trogum; in qua sic est:

Auspicio operam sede in templo auspicii, dum aut ad praetorem aut ad consulem mittas auspicium petitum :

90. Un héraut était envoyé autour des murs (circum muros), pour inviter le peuple à se rendre dans ce lieu, d'où il pût lui signifier l'ordre de paraître, non seulement devant les consuls et les censeurs, mais encore devant les questeurs. C'est ce qu'indique un ancien acte de poursuite criminelle rédigé par le questeur M. Sergius Manius le fils, accusateur de Trogus, et dans lequel on lit :
Va prendre les auspices dans le temple, pour les communiquer au préteur ou au consul. Que le crieur public se rende sur les murs, et prie l'accusé de comparaître devant toi.
Que le héraut sonne du cor à la porte de la maison de l'accusé et dans la citadelle.

91. « Commeet tum praeco, reum vocet ad te, et eum de moeris vocet praeco : id imperare oportet.
« Cornicinem ad privati ianuam et in Arcem mittas, ubi canat.
« Collegam roges ut comitia edicat de Rostris, et argentarii tabernas occludant.
« Patres censeant exquaeras, et adesse iubeas. Magistratus censeant exquaeras, consules, praetores tribunosque plebis collegasque tuos, et in templo adesse iubeas omnes, ac cum mittas, contionem advoces. »

91. Dis à mon collègue de convoquer le peuple du haut de la tribune et d'ordonner aux banquiers de fermer leurs boutiques. Que les sénateurs te commettent pour rechercher et faire comparaître l'accusé. Que les magistrats décrètent que les consuls, les préteurs, les tribuns du peuple et tes collègues, se rassemblent, à ta voix, dans le temple, et que, après les avoir congédiés, tu  convoques l'assemblée du peuple.

92. In eodem Commentario Anquisitionis ad extremum scriptum caput edicti hoc
est:

« Item quod attingat qui de censoribus classicum ad comitia centuriata redemptum habent, uti curent eo die quo die comitia erunt, in Arce classicus canat circumque moeros et ante privati huiusce T. Quinti Trogi scelerosi ostium canat, et ut in Campo cum primo luci adsiet. »

92. A la fin du même acte d'accusation, on lit : Que les hérauts, chargés par les censeurs de convoquer les centuries au son de la trompette, aient soin que, le jour des comices, la trompette donne le signal dans la citadelle et autour des murs, ainsi qu'à la porte de la maison de l'accusé T. Quinto, Trogus, et qu'il ait à comparaître, à l'aube du jour, dans le champ de Mars.

93. Et inter id, quom circum muros mittitur et cum contio advocatur, interesse tempus apparet ex iis quae interea fieri inlicium scriptum est. Sed ad comitia tum vocatur populos ideo, quod alia de causa hic magistratus non potest exercitum urbanum convocare; censor, consul, dictator, interrex potest, quod censor exercitum centuriato constituit quinquennalem, quom lustrare et in urbem ad vexillum ducere debet; dictator et consul in singulos annos, quod hic exercitui imperare potest quo est : id quod propter centuriata comitia imperare solent.

93. II résulte évidemment de ce qui se passait entre l'envoi du héraut autour des murs (circum muros) et la convocation de l'assemblée publique, que ces deux actes n'avaient pas lieu dans un temps continu. Quant à l'assemblée des comices, elle est alors convoquée, parce que le questeur ne peut autrement réunir l'armée urbaine : ce que peuvent faire, au contraire, le censeur, le consul, le dictateur et le magistrat temporaire (interrex) ; et cela, parce que le censeur fait décréter, dans l'assemblée des centuries, la formation d'une armée quinquennale, à l'époque du renouvellement du lustre; et quant au dictateur et au consul de l'année, parce qu'ils peuvent commander l'armée partout où elle va : ce qui explique, à l'égard du questeur, la nécessité de convoquer l'assemblée des comices par centuries.

94. Quare non est dubium, quin hoc inlicium sit, quom circum muros itur, ut populus inliciatur ad magistratus conspectum, qui Quirites vocare potest in eum locum, unde vox ad contionem vocantis exaudiri possit. Quare una origine inlici et inlicis quod in choro Proserpinae est, ut pellexit quod in Hermiona, quom ait Pacuvius:

Regni alieni cupiditas pellexit.

Sic Elicii Iovis ara in Aventino, ab eliciendo.

94. C'est pourquoi il n'est pas douteux qu'il n'y ait ce qu'on appelle inlicium (invitation, convocation), lorsque le héraut va autour des murs pour inviter le peuple à comparaître devant le magistrat, qui doit ordonner aux Romains de se rendre dans un lieu d'où la voix du héraut puisse être entendue. Inlici ( être attiré) et inlicis (tu attires), qu'on lit dans le choeur de Proserpine, ont donc la même origine, ainsi que pellexit qui se trouve dans ce passage de l'Hermione de Pacuvius : La possession d'un trône étranger l'a séduit (pellexit). Il faut de même reconnaître dans elicere (tirer de, faire sortir) le surnom de Elicius, donné à Jupiter, qui a, sous cette invocation, un autel sur le mont Aventin.

95. Hoc nunc aliter fit atque olim, quod augur consuli adest tum cum exercitus imperatur, ac praeit quid eum dicere oporteat. Consul auguri imperare solet, ut is inlicium vocet, non accenso aut praeconi; id inceptum credo, cum non adesset accensus, et nihil intererat cui imperaret; et dicis causa fiebant quaedam, neque item facta, neque item dicta semper. Hoc ipsum inlegium inlexit scriptum inveni in M. Iunii commentariis, quod tamen ibi idem est quod inlicium illexit, quod I cum E et C cum G magnam habet communitatem.

95. Contrairement aux usages anciens, un augure assiste le consul qui commande l'armée, et lui dicte ce qu'il doit dire. C'est à l'augure, et non à l'officier public dit accensus ou praeco, que le consul ordonne de convoquer l'armée. Cet usage est venu, je crois, de ce qu'il n'avait point de héraut auprès de lui, et que le choix de la personne chargée de ce soin importait peu. Cet ordre était accompagné, pour la forme, de certaines pratiques, qui variaient souvent. J'ai trouvé aussi, dans les actes de M. Junius, inlegium, inlexit, pris dans le même sens que inlicium, inlexit : ce qui ne doit pas étonner, à cause de la grande affinité de la lettre I avec la lettre E, et de la lettre C avec la lettre G.

X. 96. Sed quoniam in hoc de paucis rebus verba feci plura; de pluribus rebus verba faciam pauca, et potissimum quae a Graeca lingua putant Latina, ut scalpere a σκαλεῦσαι, sternere a στρωννύειν, lingere a λιχμᾶσθαι, i ab εἶ, ite ab ἴτε, gignitur a γίγνεται, ferte a φέρετε, providere a προιδεῖν, errare ab ἐρρεῖν, ab eo quod dicunt στραγγαλᾶν strangulare, tinguere a τέγγειν. Praeterea ades... Ab eo quod illi μαλάσσειν nos malaxare, ut gargarissare ab ἀναγαργαρίζεσθαι, putere a πυθέσθαι, domare a δαμάζειν, mulgere ab ἀμέλγειν, pectere a πέξαι, stringere a στραγγαλίσαι: id enim a στραγγαλὶς, ut runcinare a runcina, cuius ῥυκάνη origo Graeca.

X. 96. Comme, dans ce livre, je me suis beaucoup étendu sur l'étymologie d'un petit nombre de mots, je vais procéder d'une manière toute contraire, en me bornant à énumérer ceux qui passent pour avoir une origine grecque. Tels sont scalpere (gratter, sculpter), de σκαλεῦσαι; sternere (étendre à terre), de στρωννύειν; lingere (lécher), de λιχμᾶσθαι; i (va), de εἶ; ite (aller), de ἴτε; gignitur (engendrer ), de  γίγνεται, ferte (portez), de φέρετε; providere (prévoir), de προιδεῖν; errare (errer), de ἐρρεῖν; strangulare (étrangler), de στραγγαλᾶν ; tinguere (tremper), de τέγγειν;.... malassare (pétrir, amollir), de μαλάσσειν; gargarissare (gargariser), d’ἀναγαργαρίζεσθαι; putare (penser),  de πυθέσθαι; domare (dompter), de δαμάζειν; mulgere (traire),  de ἀμέλγειν ; pectere (peigner), de πέξαι ; stringere (serrer étroitement), de στραγγαλίσαι, qui vient de στραγγαλὶς, de même que runcinare (raboter) vient de rumina (rabot), qui a pour racine le mot grec ῥυκάνη.

XI. 97. Quod ad origines verborum huius libri pertinet, satis multas arbitror positas huius generis. Desistam, et quoniam de hisce rebus tris libros ad te mittere institui, de oratione soluta duo, de poetica unum; et ex soluta oratione ad te misi duo, priorem de locis et quae in locis sunt, hunc de temporibus et quae cum his sunt coniuncta : deinceps in proximo de poeticis verborum originibus scribere institui.

ΧΙ. 97. Je crois avoir suffisamment approfondi les origines des mots qui font l'objet de ce livre; je m'arrêterai donc : et puisque je me propose de vous adresser trois livres sur cette matière savoir, deux livres sur les mots du langage prosaïque, et un livre sur les mots du langage poétique; et que de ces trois livres vous en avez déjà reçu deux, le premier sur les noms des lieux et des choses qui sont dans les lieux, et le second sur les noms des temps et des choses qui se font dans le temps, je traiterai dans le prochain livre des origines des mots poétiques.