Platon traduit par Victor Cousin Tome I

PLINE L'ANCIEN

HISTOIRE NATURELLE.

TOME SECOND. LIVRE XXIII

Traduction française : É. LITTRÉ

livre XXII - livre XXIV

 

LIVRE XXIII,

TRAITANT DES REMÈDES TIRÉS DES ARBRES CULTIVÉS.

I et II.Vignes; remèdes, xx. - III. Feuilles de vigne et pousses, remèdes, vii. - IV. Omphacium de raisin ; remèdes, xiv. - V. Oenanthe; remèdes, xxi. - VI. Raisins mûrs, frais. - VII. Raisins gardée ; remèdes xi. - VIII. Sarments ; remède, i. - IX. Pépins ; remèdes, vi. - X. Marc; remèdes, viii. - XI. Raisin thériacal ; remèdes, iv. - XII. Raisin sec ou astaphls; remèdes, xiv,. - XIII. Astaphis sauvage, ou staphis, ou labrusca, ou pituitaire; remèdes, xii. - XIV. Vigne sauvage; remèdes, xii. - XV. Sallcastrum; remèdes, xii. - XVI. Vigne blanche, ou ampéloleuce, ou staphyle, ou mélothron, ou archézostis, ou cédron, ou madon; remèdes, xxxv. - XVII. Vigne noire, ou bryone, ou chironia, ou gyaechanthe, ou apronla; remèdes, xxxv. - XVIII. Moût; remèdes, iv. - XIX. Du vin. - XX. Vin de Surrente; remèdes, iii ; d'Albe, remèdes, ii ; de Falerne, remèdes, vi. - XXI. Vin de Setia, remède, i ; de Stata, remède, 1 ; de Signia, remède, i. - XXII. Des autres vins ; remèdes, lxiv. - XXIII. LXI observations sur les vins. - XXIV. Quels sont les malades auxquels il faut donner du vin, et quand. - XXV. Comment il faut administrer le vin; observations sur cet objet. - XXVI. Des vins artificiels. - XXVII. Du vinaigre; remèdes, xxviii. - XXVIII. Vinaigre scillitique; remèdes, xiv. - XXIX. Oxymel ; remèdes, vii. - XXX. Sapa ; remèdes, vii. - XXXI. Lie de vin ; remèdes, xii. - XXXII. Lie de vinaigre ; remèdes, xvii. - XXXIII. Lie de sapa; remèdes, iv. - XXXIV. Feuilles d'olivier ; remèdes, xxiii. - XXXV. Fleurs d'olivier ; remèdes, iv. L'olivier même; remèdes, vi. - XXXVI. Olives blanches; remèdes, iv. Olives noires ; remèdes, iii. - XXXVII. Marc d'olives; remèdes, xxi. - XXXVIII. Feuilles de l'olivier sauvage; remèdes, xvi. - XXXIX. Omphacium ; remèdes, iii. - XL. Huile d'oenanthe ; huiles en général ; remèdes, xxviii. - XLI. Huile de ricin ; remèdes, xvi. - XLII. Huile d'amandes ; remèdes, xvi. - XLIII. Huile de laurier; remèdes, ix. - XLIV. Huile de myrte; remèdes, xx. - XLV. Huiles de chamremyrsine ou oxymyrsine, de cyprès, de citre, de noix, de cnidium, de lentisque, de balane. - XLVI. Cypros et huile de cypros; remèdes, xvi. - XLVII. Gleucinum ; remède, i. - XLVIII. Huile de baume ; remèdes, xiii. - XLIX. Malobathrum; remèdes, viii. - Huile de jusquiame, remèdes, ii; de lupin, remède, i ; de narcisse, remède, i ; de raifort, remèdes, v ; de sésame, remèdes, iii ; de lis, remède, i ; huile selgitique, remède, i ; huile d'Iguvium, remède, i. - L. Éléomel, remèdes, ii; huile de poix, remèdes, ii. - LI. Palmier ; remèdes, ix. - LII. Palmier mirobolan; remèdes, iii. - LIII. Palmier élate, remèdes, viii. - LIV. Remèdes tirés des fleurs, feuilles, fruits, branches, écorces, sucs, bois, racines, cendres de chaque espèce. Observations sur les pomacées, vi ; sur les coings, xxii ; sur le coing struthium, i. - LV. Observations sur les pommes douces, vi ; sur les pommes acerbes, iv. - LVI. Sur les citrons, v. - LVII. Sur les grenades, xxvi. - LVIII. Sur la stomatice, xiv. - LIX. Sur le cytinus, viii. - LX. Sur le balaustium, xii. - LXI. Sur la grenade sauvage. - LXII. Observations sur les poires, cii. - LXIII. Sur les figues, cxi. - LXIV. Sur les figuiers sauvages, xliii. - LXV. Sur l'herbe érinéos, iii. - LXVI. Sur les prunes, iv. - LXVII. Sur les pèches, ii. - LXVIII. Sur les prunes sauvages, ii. - LXIX. Sur le limus ou lichen des arbres, ii. - LXX. Sur les mûres, xxxviii. - LXXI. Stomatice ou artériace ou panchrestos, iv. - LXXII. Sur les cerises, v. - LXXIII. Sur les nèfles, ii ; sur les sorbes, ii. - LXXIV. Sur les pommes de pin, xiii. - LXXV. Sur les amandes, xxix. - LXXVI. Sur les noix grecques, i. - LXXVII. Sur le noyer, xxiv. - LXXVIII. Sur les avelines, iii ; sur les pistaches. - LXXIX. Sur les carouges, sur le cornouiller, i; sur l'arbousier. - LXXX. Sur les lauriers, xlix. - LXXXI. Sur le myrte, i. - LXXXII. Sur le myrtidanum, xii. - LXXXIII. Sur le myrte sauvage, ou oxymysrsine ou chamaemyrsine, ou ruscus vi.

Résumé : Remèdes, histoires et observations, 1418.

Auteurs :

C. Valgius, Pompéius Leonteus, Sextius Niger qui a écrit en grec, Julius Bassus qui a écrit en grec, Antonius Castor, M. Varron, Celse, Fabianus.

Auteurs étrangers et médecins :

Les mêmes que pour le livre XXI.

I. 1. Nous avons achevé d'exposer les propriétés, même médicales, des céréales et de tout ce qui naît a la surface de la terre, en fait d'aliments, de fleurs et de parfums. Là aussi Pomone a rivalisé, et elle a donné des vertus médicinales aux fruits suspendus : non contente de protéger et de nourrir, à l'ombre de ses arbres, les plantes que nous avons indiquées (XVII, 18), elle s'indigne, pour ainsi dire, qu'on tire plus de secours des productions les plus éloignées du ciel, et qui n'ont été en usage que les dernières ; elle avertit l'homme que les fruits des arbres ont été sa première nourriture et lui ont fait tourner les regards vers les cieux, et qu'il peut, aujourd'hui encore, s'en nourrir, et se passer des céréales.

II. 1. Ces vertus médicinales, elle les a accordées surtout à la vigne, comme si ce n'était pas assez d'y avoir généreusement préparé des délices, des odeurs, des essences, l'omphacium, l'oenanthe, le massaris, desquels nous avons parlé en lieu et place (XII, 60 et 61). C'est à moi, dit Pomone, que les hommes doivent le plus de jouissances; c'est moi qui fais couler l'huile et le vin; c'est moi qui mûris les dattes et les fruits si variés, sans faire, comme la terre, tout acheter par le travail : il n'est pas besoin de labourer avec des taureaux, de battre sur l'aire, de broyer sous la meule, pour obtenir des aliments au prix de combien de temps, de combien de peine! Mes dons, à moi, sont tous préparés ; il n'y a pas à se courber péniblement; ils s'offrent spontanément, ils tombent même, si l'on ne veut pas se donner la peine de les détacher. Pomone a rivalisé avec elle-même, et elle a encore plus fait pour notre utilité que pour notre plaisir.

III. 1. Les feuilles de vigne et les pousses, avec de la polenta, calment les douleurs de tête et les inflammations; tes feuilles, appliquées seules avec de l'eau froide, les ardeurs d'estomac ; avec de la farine d'orge, les maladies articulaires. Les pousses, pilées et appliquées, résolvent toutes les tumeurs; leur suc, en lavement, guérit la dysenterie. Les larmes de la vigne, qui sont comme une espèce de gomme, sont bonnes pour la lèpre, le lichen et les dartres, traitées auparavant par le nitre; avec de l'huile, elles font, en frictions fréquentes, l'effet d'un dépilatoire, surtout celles que distillent. les vignes vertes qu'on brûle : ce dernier liquide enlève aussi les verrues.

2. Les pousses, infusées dans l'eau et prises en breuvage, sont bonnes pour les hémoptoiques, et pour les défaillances qui suivent la conception. L'écorce et les feuilles sèches arrêtent le sang des plaies, et cicatrisent la plaie elle-même. Le suc de la vigne blanche, pilée encore verte, dissipe l'impétigo. La cendre des sarments, des ceps et du marc de raisin, guérit, dans du vinaigre, les condylomes et les affections du siège; avec l'huile rosat, la rue et le vinaigre, on s'en sert pour les luxations, les brûlures et les gonflements de la rate. Avec du vin, sans huile, on en fait des fomentations sur les érysipèles et l'intertrigo; et elle fait aussi tomber les poils. On donne à boire, pour les affections de la rate, de la cendre de sarment humectée avec du vinaigre, à la dose de deux cyathes (0 litr., 09) dans de l'eau tiède; le malade doit ensuite se tenir couché du côté gauche.

3. Les vrilles avec lesquelles la vigne grimpe, pilées et bues dans de l'eau, arrêtent les vomissements habituels. La cendre de vigne, avec du vieux oing, résout les tumeurs, déterge les fistules et les guérit radicalement, ainsi que les douleurs de nerfs nées du froid et les contractures. Elle est bonne, avec de l'huile, pour les contusions; avec du vinaigre et du nitre, pour les excroissances charnues qui naissent sur les os; avec de l'huile, pour les piqûres des scorpions et les morsures des chiens. La cendre de l'écorce, employée seule, fait renaître le poil des parties brûlées.

IV. 1. Nous avons dit en parlant des parfums (XII, 60) de quelle façon l'omphacium se faisait avec la jeunesse du raisin qui commence; maintenant nous allons en indiquer les propriétés médicinales. L'omphacium guérit les ulcérations des parties humides, telles que la bouche, les amygdales et les parties génitales. Il est excellent pour éclaircir la vue, pour les granulations des paupières, pour les ulcères de l'angle de l'oeil, pour les taies, pour les ulcères humides en quelque partie qu'ils soient, pour les cicatrices baveuses, pour les suppurations sordides des os. On en adoucit la force avec du miel ou du vin cuit. Il est bon dans la dysenterie, l'hémoptysie, l'angine.

V. 1. A l'omphacium tient l'oenanthe, produite par la vigne sauvage, et dont nous avons parlé à propos des parfums (XII, 61). La plus estimée est celle qui vient en Syrie, surtout autour des montagnes d'Antioche et de Laodicée. L'oenanthe de la vigne blanche rafraîchit, resserre; on en saupoudre les plaies; on l'applique sur la région stomacale; elle est bonne pour les urines, pour le foie, les douleurs de tête, la dysenterie; contre les dégoûts, on la fait boire à la dose d'une obole (0 gr., 75), dans du vinaigre. Elle sèche les éruptions humides de la tète; elle est très efficace pour les affections siégeant aux parties humides : aussi l'emploie-t-on avec le miel et le safran pour les ulcérations de la bouche, et pour les affections des parties génitales et du siège. Elle arrête le cours de ventre ; elle corrige la gale des paupières et le larmoiement. Avec du vin, elle arrête le vomissement; avec de l'eau froide, l'hémoptysie. La cendre est estimée comme ingrédient des collyres, ainsi que pour déterger les ulcères et traiter le panaris et le ptérygion. Pour avoir cette cendre on met l'oenanthe dans un four, et on l'y laisse jusqu'à ce que le pain soit complètement cuit. Pour le massaris (XII, 61), il ne sert qu'aux parfums. Le renom de toutes ces préparations est dû à l'avidité humaine, qui cueille les choses avant leur maturité.

VI. (I.) 1. Quant aux raisins qu'on laisse mûrir, les noirs sont les plus forts; aussi le vin qu'ils donnent est-il moins agréable : les blancs sont plus doux, parce qu'étant transparents ils se laissent plus facilement pénétrer par l'air. Les raisins frais cueillis engendrent des flatuosités, gonflent l'estomac et dérangent le ventre ; aussi les défend-on dans la fièvre, surtout pris en trop grande quantité: en effet, ils appesantissent la tête et causent la maladie appelée léthargus. Ceux qu'on laisse longtemps suspendus, après les avoir cueillis, sont plus salutaires; cette sorte de ventilation les rend bons pour l'estomac et pour les malades. Ils sont légèrement rafraîchissants,. et dissipent les dégoûts.

VII. 1. Les raisins confits dans du vin doux portent à la tête. Après ceux qui ont été suspendus à l'air, les meilleurs sont les raisins gardés sur la paille. Quant aux raisins gardés sur le mare, ils font mal à la tête, à la vessie et à l'estomac ; cependant ils arrêtent le flux de ventre, et sont très bons dans les hémoptysies. Les raisins gardés dans le moût (XIV, 3) sont encore pires que les raisins gardés sur le marc; le vin cuit les rend mauvais aussi à l'estomac.

2. Suivant les médecins, les raisins gardés à l'eau de pluie sont les plus salubres, bien que les moins agréables : on sent le bien-être qu'ils causent dans les ardeurs d'estomac, dans les amertumes bilieuses, dans le vomissement de bile par l'effet du choléra, dans les hydropisies, dans les fièvres ardentes. Les raisins gardés dans des pots de terre excitent la bouche, l'estomac, l'appétit; on pense néanmoins que la vapeur du marc dont on les couvre (XIV, 3) les rend un peu pesants. La volaille à laquelle on donne à manger parmi ses aliments de la fleur de vigne ne touche plus au raisin (XIV, 18).

VIII. 1. Les sarments de vigne où il y a eu des raisins sont astringents, et surtout quand ils ont été conservés dans des pots de terre.

IX. 1. Les pépins ont la même propriété; c'est par eux que le vin cause des maux de tête. Brûlés et pilés, ils sont bons à l'estomac; on saupoudre avec cette farine, en guise de polenta, le breuvage des malades affectés de dysenterie, de maladie céliaque et de vomissement. Il est avantageux de fomenter avec la décoction les affections psoriques et prurigineuses.

X. 1. Le marc, seul, est moins nuisible à la tête et à la vessie que les pépins. Pilé avec le sel, on l'emploie pour l'inflammation des mamelles. La décoction, en boisson et en fomentation, est bonne pour les anciennes dysenteries et les affections céliaques.

XI. 1. Le raisin thériacal, dont nous avons parlé en son lieu (XIV, 22), se mange comme antidote contre la morsure des serpents;. on conseille même d'en manger les feuilles, et de les employer en topique; le vin et le vinaigre faits avec ce raisin ont la même propriété salutaire.

XII. 1. Le raisin sec qu'on nomme astaphis serait nuisible à l'estomac, au ventre et aux intestins, sans les pépins qu'il renferme, et qui corrigent ces mauvaises qualités. Les pépins étant ôtés, ce raisin est regardé comme bon pour la vessie,. pour la toux aussi; mais dans ce cas on estime davantage le blanc. Il est avantageux à la trachée-artère et aux reins; et le vin cuit qu'on en fait est en particulier efficace contre le serpent hémorrhoïs. On en fait un topique avec la farine de cumin ou de coriandre, pour les testicules enflammés; pilé sans les pépins, avec la rue, peur les charbons et les maladies des articulations ; il faut auparavant fomenter les plaies avec du vin. Avec les pépins, il guérit les épinyctides, les favus et la dysenterie. Cuit dans l'huile, on. en fait un topique avec la pelure de raifort et avec du miel, pour la gangrène ; avec le panax, pour la goutte et la mobilité des ongles; seul et mâché avec du poivre, on l'emploie pour nettoyer la bouche et purger le cerveau.

XIII. 1. La staphisaigre (delphinium staphisagria, L.), astaphis ou staphis agria, est appelée à tort par quelques-uns uva taminia ; elle forme en effet une espèce particulière à tiges noires, droites, à feuilles semblables à celles de la labrusca; elle porte non des grains, mais des follicules verts, semblables au pois chiche et renfermant une graine triangulaire. Ses fruits mûrissent avec les raisins et deviennent noirs, tandis que les grains du taminia sont rouges; et d'ailleurs ce dernier ne vient que dans les lieux ombragés, et la staphisaigre aime l'exposition au soleil. Je ne conseillerais pas d'employer la graine de la staphisaigre comme purgatif, car elle pourrait étouffer le malade. Je ne la conseillerais pas non plus comme sialagogue, car elle irrite la gorge.

2. Pilée, cette graine tue la vermine de la tète et du reste du corps, surtout si on y mêle de la sandaraque; on l'emploie aussi contre les affections psoriques et prurigineuses. On la fait cuire dans du vinaigre pour les douleurs de dents, pour les maux d'oreilles, pour les cicatrices baveuses, pour les ulcères humides. La fleur pilée se prend dans du vin contre la morsure des serpents; mais ici encore je rejette la graine, comme ayant trop d'âcreté. Quelques-uns nomment cette plante pituitaire, et l'emploient constamment en topique contre les morsures des serpents.

XIV. 1. La labrusca, de son côté, porte l'oenanthe, dont nous avons suffisamment parlé (XII, 61 ) ; elle est appelée vigne sauvage par les Grecs. Les feuilles sont épaisses et blanchâtres, la tige est noueuse, l'écorce fendillée ; elle porte des grappes rouges comme l'écarlate, dont les femmes se servent pour éclaircir leur teint et effacer les taches du visage.

2. Ces grappes, pilées avec les feuilles et le suc, sont employées dans les coxalgies et les affections lombaires. La racine, cuite dans l'eau et bue dans deux cyathes (0 litr., 09) de vin de Cos, fait rendre des selles aqueuses; aussi la donne-t-on aux hydropiques. Je suis porté à croire que c'est là la plante appelée vulgairement uva taminia; on s'en sert comme d'un amulette; on l'emploie aussi dans l'hémoptysie, en gargarisme seulement, prenant garde d'en rien avaler, et ajoutant du sel, du thym et du vinaigre miellé. On ne pense pas en effet pouvoir l'employer avec sûreté comme purgatif.

XV. 1. Il est une autre plante semblable à celle-là, mais venant dans les saussaies; on l'en distingue par le nom, les usages étant les mêmes, et on la nomme salicastrum. Elle fait disparaître avec plus d'efficacité, pilée dans du vinaigre miellé, les affections scabieuses et prurigineuses des hommes et des bestiaux (la douce amère?)

XVI. 1. La vigne blanche est appelée par les Grecs ampéloleuce, ophiostaphylon, melothron, psilothrum, archezostis, cedrostis, madon (bryonia cretica). Les tiges, sarmenteuses et grimpantes, ont des noeuds ; les entre-noeuds sont longs et minces. Les feuilles, garnies de vrilles et grandes comme celles du lierre, sont découpées comme celles de la vigne. La racine est blanche, grosse, et semblable dans le commencement au raifort; il en part des tiges semblables à l'asperge. Cuites, elles sont purgatives et diurétiques. Les feuilles et les tiges ont une propriété ulcérative;

2. on les emploie en topique avec du sel pour les ulcérations phagédéniques, pour les gangrènes, pour les ulcères putrides des jambes. Les fruits sont des baies pendant en grappes et peu serrées, ayant un suc rouge, puis safrané. Ce fruit est connu des corroyeurs, qui l'emploient. On en fait des topiques pour les affections psoriques et lépreuses. Cuit avec du froment et pris en boisson, il fait venir le lait. La racine, renommée pour ses nombreux usages, se prend contre les morsures des serpents, pilée, eu boisson, à la dose de deux drachmes. Elle efface les taches de la peau au visage, les pustules, le lentigo, les meurtrissures et les cicatrices; elle produit les mêmes effets, cuite dans de l'huile.

3. On fait boire la décoction aux épileptiques, à ceux dont l'esprit est troublé, ou qui sont affectés de vertiges, à la dose d'une drachme chaque jour, pendant une année entière. A une dose un peu trop forte, elle trouble les sens. Elle a une propriété remarquable : c'est de faire sortir, appliquée dans de l'eau en topique, les esquilles osseuses, propriété qu'elle partage avec la bryone; aussi quelques-uns la nomment-ils bryone blanche; mais pour le même usage la noire est plus efficace, avec du miel et de l'encens.

4. La vigne blanche résout les suppurations commençantes; elle mûrit et déterge les suppurations anciennes. Elle est emménagogue et diurétique. On en fait un éclegme pour la dyspnée, pour les douleurs de côté, pour les ruptures et les déchirures. Prise en boisson pendant trente jours, à la dose de trois oboles (2 gr., 2.5), elle fait diminuer la rate. On en fait, avec une figue, un topique pour les excroissances des doigts. En pessaire, dans du vin, elle fait sortir l'arrière-faix. Le suc de cette racine à la dose d'une drachme, bu dans de l'eau miellée, évacue la pituite. Ce suc doit être recueilli avant la maturité du fruit; appliqué seul et avec la farine d'ers, il donne à la peau une couleur plus fraîche et plus de souplesse; il chasse les serpents. La racine pilée avec des figues grasses efface aussi les rides, pourvu qu'aussitôt après on parcoure en se promenant deux stades (360 mètres); elle brûle la peau, à moins qu'on ne se lave avec de l'eau froide. Au reste, la vigne noire est, pour cet usage, préférable à la blanche, qui cause du prurit.

XVII. 1. Il y a en effet une vigne noire (bryonia alba, L.), et c'est elle qu'on nomme proprement bryone; on la nomme aussi chironia, gynæcanthe, apronia. Elle ne diffère de la précédente que par la couleur, qui, comme nous l'avons dit, est noire. Dioclès préférait les jets en forme d'asperges qu'elle porte, aux vraies asperges, comme aliment diurétique et propre à diminuer la rate. Elle croit surtout dans les taillis et parmi les roseaux. La racine, noire au dehors, de couleur de buis au dedans, fait sortir les esquilles osseuses avec plus d'efficacité même que la précédente. Au reste, elle a la propriété d'être un remède unique pour les écorchures du cou des bêtes de somme. On prétend que si on en plante autour d'une métairie, elle écarte les oiseaux de proie et met en sûreté la volaille. Attachée autour des talons, elle est utile tant aux hommes qu'aux bêtes de charge, pour résoudre le sang qui s'est jeté dans les pieds. Voilà ce que j'avais à dire sur les espèces de vignes.

XVIII. 1. Les moûts ont des différences naturelles : les uns sont blancs, les autres noirs, d'autres entre deux; ceux dont on fait le vin sont autres que ceux dont on fait le vin cuit. Quant aux différences dues à l'industrie, elles sont innombrables : nous nous bornerons donc à parler du moût d'une manière générale. Toute espèce de moût est mauvais à l'estomac et bon pour le système vasculaire. Bu d'un seul trait, à la sortie du bain, le moût donne la mort (XXIII, 30). Il est un antidote pour les cantharides et pour les morsures des serpents, surtout de l'hémorrhoïs et de la salamandre;

2. il fait mal à la tête et à la gorge; il est avantageux aux reins, au foie et aux parois de la vessie, car il les lubrifie. Il a une vertu particulière contre le buprestis (sorte de cantharide). Bu avec de l'huile et revomi, il empêche les mauvais effets de l'opium, du lait coagulé dans l'estomac, de la ciguë, des venins, du dorycnium (XXI, 105) ; pour tout cela le moût blanc a moins d'efficacité. Le moût de raisin sec est plus agréable, et d'ailleurs il est moins sujet à causer des maux de tête.

XIX. 1. Nous avons exposé (XIV, 8, 9,10) les espèces de vins, les différences nombreuses qu'elles présentent, et presque toutes les propriétés qu'elles possèdent. Il n'est pas de matière plus abondante et plus difficile à traiter : en effet, ou ne saurait dire si l'usage du vin est plus généralement utile que nuisible; mais, en outre, combien est incertain l'effet immédiat en bien ou en mal que le vin produit? Or, c'est uniquement des propriétés médicales du vin que nous parlons. Asclépiade a composé sur l'administration de cette liqueur tout un livre, dont le titre vient de là, et qui a donné lieu à un nombre infini de commentaires. Pour nous, fidèles à la gravité romaine et soucieux des études libérales, nous examinerons diligemment cet objet, non en médecin de profession, mais eu juge de la santé publique. Traiter de chaque espèce en particulier serait d'un travail immense et sans terme, d'autant que les médecins ne s'accordent pas entre eux.

XX. 1. Nos ancêtres ont surtout recommandé le vin de Surrente; l'âge suivant donna la préférence au vin d'Albe ou au Falerne; ensuite d'autres espèces furent mises en vogue, grâce à cette très injuste manière de procéder par laquelle on impose à tous son goût particulier. Mais fût-on d'accord sur les meilleurs, combien peu en pourraient faire usage! Que dis-je? les riches même ne les boivent pas naturels. L'immoralité est telle, qu'on ne vend plus que le nom des crus, et que les vins sont frelatés dès la cuve. Aussi, chose singulière, les vins les moins estimés sont les plus innocents. Cependant, les trois espèces dont nous avons parlé paraissent toujours conserver la vogue. Le Falerne, si l'on veut savoir aussi quand il est à son vrai point, est nuisible à la santé trop nouveau ou trop vieux;

2. à quinze ans il commence à être d'âge moyen alors il est bon à l'estomac, si on ne le boit ni trop froid ni trop chaud. Dans les vieilles toux et dans les fièvres quartes il est avantageux de le boire pur, à jeun ; aucun n'excite autant le mouvement des vaisseaux. Il resserre le ventre, il nourrit le corps. On a pensé qu'il obscurcissait la vue, et qu'il n'était bon ni pour les nerfs ni pour la vessie. Les vins d'Albe sont meilleurs pour les nerfs. Les vins d'Albe doux ne conviennent pas à l'estomac; les vins d'Albe astringents conviennent mieux même que le Falerne. Ils aident moins à la digestion ; ils gonflent médiocrement l'estomac. Les vins de Surrente ne le gonflent pas du tout; ils ne portent pas à la tête; ils arrêtent les débordements de l'estomac et des intestins. Quant au Cécube, on n'en fait plus.

XXI. 1. Mais un vin qui existe encore, le vin de Setia, active la digestion; le Surrente a plus de force, l'Albe plus d'astringence; le Falerne est moins capiteux. Le Statu n'est guère inférieur à ces vins. Il est d'observation que le vin de Signia est très bon pour le cours de ventre.

XXII. 1. Parlons maintenant du vin en général. Le vin entretient les forces, le sang, le teint. C'est lui qui fait la différence entre la zone moyenne et tempérée et les zones extrêmes; le jus de la vigne nous donne autant de vigueur qu'en donnent à leurs habitants ces plages rigoureuses. Le lait nourrit les os, les liqueurs tirées des céréales nourrissent les nerfs, l'eau nourrit les chairs. Aussi les hommes qui usent de ces boissons sont-ils moins colorés, moins robustes, moins résistants à la fatigue. Un peu de vin fait du bien au x nerfs, trop de vin leur fait du mal; de même pour les yeux. Il récrée l'estomac, il excite l'appétit, il amortit le chagrin et les soucis; il est diurétique; il réchauffe; il procure le sommeil.

2. En outre, il arrête les vomissements; des compresses de laine trempées dans du vin et appliquées sur les dépôts fout du bien. Au dire d'Asclépiade, peu s'en faut que les vertus de cette liqueur ne l'emportent sur le pouvoir des dieux. Le vin vieux porte mieux l'eau et est plus diurétique; il désaltère moins. Le vin doux enivre moins, mais il reste sur l'estomac. Le vin astringent se digère plus aisément. Le vin qui vieillit le plus vite est le plus léger; celui qui s'adoucit en vieillissant fait moins de mal aux nerfs. Les vins épais et noirs sont moins bons pour l'estomac, mais ils nourrissent davantage. Les vins astringents et de peu de corps nourrissent moins, et sont meilleurs à l'estomac; ils passent plus rapidement par les urines, et portent d'autant plus à la tête : remarque une fois faite pour toutes les autres liqueurs. Le vin auquel on a fait contracter un goût de vieux à la fumée est très insalubre; c'est une fraude inventée dans les celliers des marchands. Déjà même, dans les maisons particulières, on emploie ce procédé pour rendre la verdeur aux vins cariés [c'est-à-dire passés par le seul effet du temps].

3. Ce mot de carie, employé par les anciens, est par soi seul un avis, puisque dans les bois aussi la fumée détruit la carie; et nous, nous prétendons vieillir les vins par l'amertume de la fumée ! Les vins qui sont très blancs deviennent insalubres en vieillissant. Plus un vin est généreux (XIV, 6), plus l'âge l'épaissit, et lui donne une amertume qui n'est rien moins que salutaire; s'en servir pour couper un vin moins vieux, c'est faire un mélange insalubre. Chaque vin est d'autant plus innocent qu'il a son goût propre, d'autant plus agréable qu'il a son âge propre; et cet âge est l'âge moyen.

XXIll. 1. Quand on veut acquérir de l'embonpoint ou avoir le ventre libre, il importe de boire en mangeant. Ceux, au contraire, qui se trouvent trop replets et qui veulent avoir le ventre moins libre doivent rester sur leur soif en mangeant, et boire peu après le repas. Boire du vin à jeun est une coutume nouvelle (XIV, 28), et très mauvaise quand on a des affaires sérieuses, et besoin de vigueur d'esprit pour les traiter. En prendre à jeun était jadis en usage, mais comme préparation au sommeil et au repos: c'est ainsi que, dans Homère (Od., IV, 19 ), Hélène en offre avant le repas. Le vin, dit le proverbe, obscurcit la raison. L'homme doit au vin d'être le seul animal à boire sans soif. En buvant du vin, il est très bon d'avaler par intervalles quelques verres d'eau, comme aussi, quand on a bu sans cette précaution, d'avaler de l'eau par-dessus. Le fait est qu'un coup d'eau froide dissipe instantanément l'ivresse.

2. Si l'on en croit Hésiode (Op., 594), il est bon de boire du vin trempé vingt jours avant le lever du Chien et vingt jours après. Le vin pur est un antidote contre la ciguë, la coriandre, l'aconit, le gui, l'opium, le vif-argent, les abeilles, les guêpes, les frelons, les araignées-phalanges, les serpents, les scorpions, enfin centre tous les venins froids en général, et en particulier contre les serpents hemorrhoïs et prester, et les champignons. Il est bon contre les gonflements et les douleurs aiguës des hypocondres, les vomissements excessifs, et les débordements d'humeurs dans le ventre ou les intestins.

3. On donne le vin trempé dans la dysenterie, les sueurs excessives, les toux chroniques et les fluxions. Dans la maladie cardiaque, il est bon d'appliquer sur la mamelle gauche une éponge imbibée de vin pur. Dans tous ces cas, le meilleur est le vin blanc vieux. Une fomentation avec du vin chaud sur les parties génitales des bêtes de somme leur fait du bien. On dit aussi qu'on les délasse en leur en faisant avaler à l'aide d'une corne (XIV, 28). On assure que les singes et les autres quadrupèdes digités ne croissent pas quand on les accoutume à boire du vin pur.

XXIV. 1. Maintenant nous parlerons du vin relativement à son usage médical. Les vins de Campanie qui ont le moins de corps sont la boisson la plus saine pour les gens comme il faut; pour les gens du peuple, le plus salutaire est celui qui leur plaît le mieux ; pour tous, le meilleur est un vin fort qui a été dépouillé à l'aide du filtre. Souvenons-nous que le vin n'est autre chose que le moût auquel la fermentation a donné de la force. Le mélange de plusieurs espèces de vins fait une boisson nuisible à tout le monde. Le vin le plus salubre est celui auquel on n'a rien ajouté dans le moût; et il est encore meilleur si les vaisseaux qui le renferment n'ont pas été poissés (XIV, 25).

2. Quant aux vins traités par le marbre, le plâtre ou la chaux (XIV, 24 ), quel est l'homme, même robuste, qui ne les redouterait? Ceux qu'on a préparés avec l'eau de mer (XIV, 9 et 10) sont des plus contraires à l'estomac, aux nerfs, à la vessie. Ceux qu'on a traités avec la résine passent pour avantageux aux estomacs froids; ils ne conviennent pas dans les vomissements, non plus que le moût, le vin cuit, et le vin fait avec du raisin sec. Les vins nouveaux, préparés avec la résine, ne sont bons pour personne : ils causent de la céphalalgie et des vertiges. De là vient qu'on appelle du nom de crapula et la résine et l'ivresse (XIV, 25).

3. Les vins susdits sont bons pour la toux, pour le rhumatisme, pour l'affection coeliaque, pour la dysenterie, pour les règles. Ceux des vins de cette espèce qui sont rouges ou noirs sont plus astringents et plus échauffants. Les vins préparés avec la poix seule sont plus innocents. I l est bonde se souvenir que la poix n'est pas autre chose que de la résine fondue au feu (XIX, 25 ). Ces vins poissés échauffent, aident à la digestion, nettoient le corps, et sont avantageux à la poitrine, au ventre, aux douleurs apyrétiques de matrice, aux vieilles fluxions, aux ulcérations, aux ruptures, aux spasmes, aux vomiques, à la débilité des nerfs, aux gonflements, à la toux, à l'asthme, dans les luxations, en topique avec de la laine en suint. Pour toutes ces affections on préfère le vin qui naturellement a un goût de poix (XIV, 3 et 4 ), et qu'on nomme goudronné. Cependant on convient que les vins goudronnés du territoire helvénaque portent à la tète, pris en trop grande quantité.

4. Quant aux affections fébriles, il est certain qu'il ne faut pas donner le vin aux malades, à moins que la fièvre ne soit ancienne ou sur son déclin. Dans les fièvres aiguës, on ne le donne qu'à ceux qui ont des rémissions manifestes, surtout si elles ont lieu la nuit; en effet, le danger du vin est diminué de moitié quand on le boit la 1 nuit, c'est-à-dire avec probabilité de sommeil. On l'interdit aussi après l'accouchement ou l'avortement, à ceux qui sont malades par excès de libertinage, dans les douleurs de tête, dans les maladies où les redoublements s'accompagnent du froid des extrémités, dans les toux avec fièvres, dans les tremblements et douleurs de nerfs, dans les maux de la gorge, dans les cas où la maladie parait se jeter sur cette partie, dans l'endurcissement des hypocondres, chez ceux qui ont le pouls élevé, dans I'opisthotonos, dans le tétanos, dans le hoquet, dans la dyspnée avec fièvre.

5. Le vin est absolument contraire aux malades qui ont les yeux fixes, à ceux qui ont les paupières immobiles ou relâchées et pesantes, à ceux dont les yeux brillent, malgré le rapprochement des paupières, à ceux dont les paupières ne se rapprochent pas, à ceux qui présentent ce phénomène dans le sommeil, à ceux dont les yeux offrent une suffusion sanguine ou sont remplis de chassie. Il l'est aussi à ceux qui ont la langue épaisse, pesante, et qui, par intervalles, articulent imparfaitement ; à ceux qui urinent difficilement, à ceux qui sont saisis de terreurs subites, à ceux qui éprouvent des mouvements convulsifs et des alternatives de torpeur, à ceux qui ont des pertes séminales pendant le sommeil.

XXV. 1. Dans la maladie cardiaque, il est certain que le vin est une ressource unique. Mais il faut le donner, suivant quelques-uns, dans l'accès seulement; suivant d'autres, seulement dans la rémission, ceux-là pour arrêter la sueur, ceux-ci parce qu'ils en regardent l'administration comme plus sûre au déclin de la maladie : cette dernière opinion est celle du plus grand nombre. En tout cas il faut le donner toujours après un aliment, jamais après le sommeil, jamais après une autre boisson, par conséquent toujours à un malade altéré, jamais hors des cas de toute extrémité, plus facilement à un homme qu'à une femme, à un vieillard qu'à un jeune homme, à un jeune homme qu'à un enfant, pendant l'hiver que pendant l'été, aux personnes habituées qu'à celles qui ne le sont pas. On se règle sur la force du vin, tant pour la quantité à donner que pour la manière de le tremper. On pense généralement que c'est assez d'un verre de vin sur deux verres d'eau. Si l'estomac rejette les aliments, il faut donner du vin, et aussi quand ils ne passent pas.

XXVI. 1. Quant aux vins artificiels dont nous f avons Indiqué la composition (XIV, 18, 19, 20), je pense qu'il ne s'en fait plus et qu'on peut s'en passer, puisque j'enseigne les propriétés des éléments de ces sortes de boissons. D'ailleurs, là-dessus les vanteries des médecins avaient passé la mesure : par exemple, ils prétendaient. que le vin de navet était utile pour se remettre de la fatigue causée par l'exercice des armes ou de l'équitation; et, pour ne rien dire des autres, ils attribuaient la même vertu au vin de genièvre. Qui, en effet, préférerait le vin d'absinthe à l'absinthe elle-même? Je passe encore sous silence le vin de palmier (XIII, 9 ), qui porte à la tête, et qui seulement n'est pas sans avantages pour relâcher le ventre et arrêter l'hémoptysie.

2. On ne peut pas considérer comme un vin artificiel celui que nous avons appelé bion (XIV, 10), puisque tout l'art de le faire consiste à employer les raisins avant leur maturité. I1 est bon quand l'estomac ne garde pas les aliments ou les digère mal, pour les langueurs des femmes enceintes, pour les paralysies, pour les tremblements, pour les vertiges, pour les tranchées, pour les coxalgies. Dans les temps de peste et en voyage, on dit que c'est une boisson d'un grand secours.

XXVII. 1. L'altération même du vin devient un remède : le vinaigre est un excellent réfrigérant, et un résolutif non moins puissant; aussi, versé à terre, il fait effervescence. Nous avons dit plusieurs fois et nous dirons les combinaisons médicamenteuses dans lesquelles il entre. Pris seul, il dissipe les dégoûts, il suspend le hoquet; respiré, il arrête l'éternuement; tenu dans la bouche, il empêche qu'on ne soit incommodé par la chaleur des bains. Avec l'eau, on en fait un breuvage. Ce breuvage, en gargarisme, fortifie l'estomac; il le fortifie aussi chez les convalescents et chez ceux qui ont souffert de l'ardeur du soleil; et de cette façon aussi, en fomentation, il est très - bon pour les yeux.

2. Le vinaigre est un remède quand on a avalé une sangsue : c'en est un aussi pour la lèpre, pour les éruptions furfuracées, pour les ulcères humides, pour les morsures des chiens, pour les piqûres des scorpions, des scolopendres, des musaraignes, contre les piqûres venimeuses et prurigineuses de tous les animaux à aiguillon, contre la piqûre du mille pieds. Appliqué chaud dans une éponge, à la dose de trois setiers auxquels on ajoute deux onces de soufre ou un paquet d'hysope, il remédie aux affections du siège. Pour arrêter l'hémorragie qui suit l'opération de la taille, et toutes les autres hémorragies, on applique le vinaigre le plus fort, à l'extérieur, dans une éponge, et on le fait prendre à l'intérieur à la dose de deux cyathes (0 litr., 09). II dissout les caillots de sang. On s'en sert à l'intérieur et à l'extérieur contre le lichen, et en lavement contre le flux de ventre et les débordements d'humeurs dans les intestins ;

3. on l'emploie dans les chutes de la matrice et du rectum; il dissipe la toux invétérée, les fluxions de la gorge et l'orthopnée; il raffermit les dents; il nuit a la vessie et aux nerfs débiles. Les médecins ont ignoré longtemps combien il était puissant contre les aspics : tout récemment un homme piqué par un aspic sur lequel il avait marché sentait la blessure chaque fois qu'il posait à terre une outre de vinaigre qu'il portait, et cessait de souffrir dès qu'il reprenait sou outre; cela fit comprendre la vertu du vinaigre, et dès lors on l'a donné en potion contre l'aspic. Ceux qui sucent les plaies empoisonnées ne se servent pas d'un autre collutoire.

4. En somme, le vinaigre triomphe non seuIement des aliments, mais de plusieurs autres substances. Des affusions de vinaigre brisent des rochers (XXXIII, 21) sur lesquels même le feu n'avait pu agir. Il n'est point d'assaisonnement plus agréable et plus piquant pour les aliments. Quand on l'emploie à cet usage, on l'adoucit avec du pain grillé ou avec du vin, ou on l'aiguise avec du poivre et du laser (XIX, 15). Dans tous les cas, le sel le prive de sa force. Il ne faut pas omettre ici un cas très remarquable : M. Agrippa, dans les dernières années de sa vie, était violemment tourmenté par la goutte; comme il ne pouvait supporter la souffrance, sur l'avis téméraire d'un seul médecin, et à l'insu du dieu Auguste, au plus fort d'un accès, il plongea ses jambes dans un bain de vinaigre chaud, content d'acheter au prix de l'usage et de la vie de ces parties l'exemption des cruelles douleurs qu'il souffrait.

XXVIII. (II.) 1. Le vinaigre scillitique est d'autant plus estimé qu'il est plus vieux. Outre les propriétés dont nous avons parlé (XX, 39), il est bon pour les aigreurs; il suffit d'en prendre quelques gouttes. Il est bon aussi à ceux qui vomissent à jeun, car il fortifie la gorge et l'estomac. Il dissipe la fétidité de la bouche, il resserre les gencives, il raffermit les dents, il rend le teint meilleur. En gargarismes, il remédie à la dureté de l'ouïe et ouvre les voies auditives. Il éclaircit la vue. Il est très avantageux dans l'épilepsie, la mélancolie, le vertige, l'hystérie, les coups, les chutes, les ecchymoses qui en sont la suite, la débilité des nerfs, et Ies maladies des reins. Il est interdit à ceux qui ont des ulcérations internes.

XXIX. 1. L'oxymel chez les anciens, témoin Dieuchès, se préparait de cette manière (XIV, 21) : On mettait dans une chaudière dix mines de miel (4 kil., 5 ), cinq hémines (1 litr., 35) de vinaigre vieux, une livre et un quart de sel marin, cinq setiers d'eau de mer ; on faisait bouillir le tout ensemble à dix reprises, on transvasait et on laissait vieillir. Asclépiade, qui bannit empiétement l'oxymel, fit le procès à cette boisson, qu'on donnait même dans les fièvres; cependant on convient qu'elle était utile contre les serpents appelés seps, contre l'opium et le gui, et en gargarismes chauds contre I'angine et les affections de l'oreille, de la bouche et de la gorge, usages pour lesquels on emploie maintenant l'oxalme (saumure vinaigrée ) ; l'oxalme la meilleure se fait avec mélange de sel et de vinaigre récent.

XXX. 1. La sapa (XIV, 11) a de l'affinité avec le vin; c'est du moût cuit jusqu'à réduction des deux tiers. Celui qui est fait avec du moût blanc vaut mieux. On s'en sert contre les cantharides, le buprestis (XXIII, 18), les chenilles du pin appelées pityocampes, contre les salamandres et les morsures venimeuses. Pris avec des oignons, il fait sortir l'arrière-faix et le foetus mort. D'après Fabianus, c'est un poison quand on le boit à jeun, au sortir du bain (XXXIII, 18).

XXXI. 1. Maintenant, pour suivre l'ordre naturel des choses, nous avons à parler de la lie du vin de toute espèce. Elle a tant de force, qu'elle tue ceux qui descendent dans les cuves. La précaution à prendre est d'y introduire une lumière : tant que la lumière s'y éteint, il y a danger. La lie sans être lavée s'incorpore aux médicaments. Avec un poids égal d'iris, on en fait un topique pour les éruptions flegmatiques; humide ou sèche, contre les piqûres des phalanges, contre les inflammations des testicules, des mamelles ou de toute autre partie. On la fait bouillir dans du vin avec de la farine d'orge et de la poudre d'encens, après quoi on la brûle et en la fait sécher. On reconnaît qu'elle est bien cuite quand refroidie elle fait sur la langue une impression brûlante.

2. Elle perd rapidement toutes ses forces quand on la laisse exposée à l'air; l'action du feu en augmente beaucoup la vertu. Cuite avec des figues, elle est très bonne pour les lichens et les dartres farineuses, ainsi que pour la lèpre et les ulcères humides. En boisson c'est un contrepoison des champignons, surtout prise crue; cuite et lavée, on l'incorpore dans des compositions ophtalmiques. On l'emploie en topique sur les testicules et les parties génitales. On la prend dans du vin pour la strangurie. Quand elle a perdu sa force elle est bonne encore pour nettoyer le corps et les vêtements, et alors on l'emploie comme le suc d'acacia (XXIV, 67).

XXXII. 1. La lie de vinaigre, en raison de la matière qui la fournit, est plus âcre et plus caustique. Elle s'oppose à la formation du pus. En topique elle est bonne pour les intestins, l'estomac et le ventre. Elle arrête les fluxions humorales dans ces parties et les règles trop abondantes. Elle résout les panus non encore ulcérés et les angines. Avec la cire, elle guérit l'érysipèle. Elle dégonfle les mamelles impatientes de leur propre lait; elle fait tomber les ongles malades. Elle est très efficace avec la polenta contre la morsure du serpent céraste, avec le mélanthium (nielle cultivée) contre la morsure du crocodile et du chien. Elle a aussi plus de force quand elle a été brûlée. Alors si on y incorpore de l'huile de lentisque, et qu'on l'applique sur la tête, en une nuit elle rend les cheveux blonds; appliquée avec de l'eau dans un linge, en pessaire, elle purge la matrice.

XXXIII. 1. La lie de la sapa (vin cuit) guérit les brûlures, en quoi elle agit mieux si on y ajoute du duvet de roseau. Bouillie et prise en boisson, elle apaise les vieilles toux. On la fait cuire dans un plat avec du sel et de la graisse, ce qui forme un onguent pour les tumeurs des mâchoires et du cou.

XXXIV. (III.) 1. Après la vigne, le premier rang appartient à l'olivier. Les feuilles, avec beaucoup de force, resserrent, détergent, suppriment. Mâchées et appliquées sur les plaies, elles les guérissent; avec l'huile, en topique, elles sont bonnes pour les douleurs de tété. La décoction, avec du miel, sert à fomenter les parties cautérisées par les médecins, les gencives enflammées, les panaris, les ulcères sordides et putrides. Avec le miel aussi, elle arrête le sang qui s'écoule des parties nerveuses. Le suc des feuilles est efficace pour les ulcérations et pustules charbonneuses autour des yeux, et pour la procidence de l'iris; aussi le fait-on entrer dans les collyres. Il guérit en effet les anciens larmoiements et l'érosion des paupières. On l'exprime en pilant les feuilles, sur lesquelles on verse du vin et de l'eau de pluie; on le fait sécher, et on en forme des trochisques. En pessaire, avec de la laine, il arrête les pertes chez les femmes. Il est bon pour les ulcères sanieux, pour les condylomes, pour l'érysipèle, pour les ulcères serpigineux, pour les épinyctides.

XXXV. 1. Les fleurs de l'olivier ont les mêmes vertus. On brûle aussi les jeunes tiges bourgeonnantes, pour faire de leur cendre une espèce de spodium (cendre alcaline) (XXXIV, 52). On arrose de vin cette cendre, et on la brûle de nouveau. Pour les suppurations et les tumeurs, on fait un topique avec cette cendre ou avec les feuilles pilées dans du miel. Pour les yeux, c'est avec la polenta. L'eau qui sort du bois d'olivier, quand on le brûle vert, guérit les lichens, les dartres farineuses, les ulcères humides. Quant au suc qui distille naturellement de l'olivier, et surtout de l'olivier d'Éthiopie, on ne peut s'étonner assez qu'il se soit trouvé des auteurs pour le recommander en frictions dans les douleurs de dents, tout en le déclarant un poison, et pour conseiller de l'aller chercher dans l'olivier sauvage. L'écorce des plus tendres racines de l'olivier, prise souvent avec du miel, est salutaire dans l'hémoptysie et l'expectoration purulente. La cendre de l'arbre même, incorporée avec de l'axonge, est bonne pour les tumeurs, et guérit les fistules en détruisant le vice qui les entretient.

XXXVI. 1. Les olives blanches sont meilleures à l'estomac qu'au ventre. Mangées seules et toutes fraîches, avant d'être confites, elles forment un excellent remède pour la gravelle et pour les dents usées ou ébranlées par l'usage de la viande. L'olive noire est mauvaise pour l'estomac, et bonne pour le ventre; elle ne convient pas à la tête et aux yeux. Les unes et les autres, pilées, s'emploient en topique pour les brûlures; les noires s'appliquent sur le mal après avoir été mâchées, et elles empêchent la formation d'ampoules. Les colymbades (olives confites) détergent les ulcères sordides ; elles ne valent rien dans les dysuries.

XXXVII. 1. Quant au marc d'olive, nous pourrions paraître en avoir dit assez (XV, 8), nous étant guidés sur Caton ; mais il faut aussi parler des usages médicaux de cette substance. Le marc d'olive est très bon pour fortifier les gencives, cicatriser les ulcères de la bouche, raffermir les dents. On s'en sert en affusion dans les érysipèles et les ulcères serpigineux. Le marc de l'olive noire vaut mieux pour les engelures, ainsi que pour fomenter les enfants; le marc de l'olive blanche s'emploie en pessaire dans de la laine; mais l'un et l'autre ont beaucoup plus de vertu quand on les fait cuire. Peur cela on les fait bouillir dans un vase de cuivre, jusqu'à consistance de miel. Ainsi préparé, le mare s'emploie, suivant les circonstances, avec du vinaigre, ou du vin vieux, onde l'hydromel, dans le traitement de la bouche, des dents, des oreilles, des ulcères humides, des parties génitales,des rhagades.

2. On en fait un topique, dans du linge pour les plaies, dans de la laine pour les luxations; et il est d' une grande utilité, surtout s'il a vieilli, car alors il guérit les fistules. On s'en sert en injection dans les ulcérations du siège, des parties génitales et de la matrice. On en fait un topique pour la goutte commençante, ainsi que pour toutes les maladies des articulations. Si on le fait recuire jusqu'à consistance de miel avec l'omphacium (huile d'olives vertes), il fait tomber les dents gâtées. Avec une décoction de lupins et l'herbe chaméléon (XXII, 21.), il guérit merveilleusement la gale des bêtes de somme. Des fomentations avec le marc
d'olive cru sont très - utiles dans la goutte.

XXXVIII. (IV.) 1. Les feuilles de l'olivier sauvage ont les mêmes propriétés. Le spodium (cendre alcaline) que l'on fait en brûlant les jeunes tiges arrête avec plus de force encore les fluxions; il apaise les inflammations des yeux, il déterge les ulcères, il incarne les plaies, il réprime légèrement les chairs bourgeonnantes, il les sèche et les mène à la cicatrisation. Les autres propriétés sont les mêmes que celles de l'olivier cultivé; mais il a cela de particulier, que les feuilles, cuites dans du miel et données par cuillerées, sont bonnes dans l'hémoptysie. L'huile est plus âpre et plus efficace; on s'en lave la bouche pour raffermir les dents.

2. On fait un topique avec les feuilles, dans du vin, pour les panaris, les charbons et tous les dépôts; dans du miel, pour ce qui a besoin d'être détergé. On incorpore dans les compositions ophtalmiques et la décoction des feuilles et le suc de l'olivier sauvage. On instille ce suc avec du miel dans les oreilles, même lorsqu'elles donnent du pus. Avec la fleur de l'olivier sauvage, on fait un topique pour les condylomes et les épinyctides. On l'applique avec la farine d'orge sur le ventre, dans la diarrhée; avec l'huile, sur la tête, dans la céphalalgie. Les jeunes tiges cuites et appliquées avec du miel produisent le recollement de la peau détachée des os du crâne. On mange ces tiges, quand elles ont pris de la consistance, pour arrêter le cours de ventre. Rôties et pilées avec du miel, elles détergent les ulcères rongeants et font percer les charbons.

XXXIX. 1. Quant à l'huile, nous en avons suffisamment exposé la nature et la production (XV, 2). Maintenant disons les usages médicinaux des différentes sortes d'huiles. La plus utile est l'omphacium (huile d'olives vertes) (XII, 60 ), puis l'huile verte (XII, 60). En outre, l'huile doit être aussi nouvelle que possible, excepté les cas particuliers où l'on recherche la plus vieille, et en même temps très fluide, de bonne odeur, et qui n'ait pas d'âcreté, au rebours de l'huile à manger. L'omphacium est bon pour les gencives. Il n'est rien de mieux pour se conserver les dents blanches que d'en tenir de temps en temps dans la bouche. Il arrête les sueurs.

XL. 1. L'huile d'oenanthe (XIII, 61 ) a les mêmes vertus que l'huile rosat. L'huile en général assouplit le corps, et lui donne de la force et de la vigueur; elle ne vaut rien à l'estomac; elle incarne les plaies; elle irrite la gorge; elle amortit tous les poisons, surtout la céruse et le plâtre, en boisson dans l'eau miellée ou une décoction de figues sèches; dans l'eau, l'opium, les cantharides, le buprestis, la salamandre, les chenilles du pin; bue seule et revomie, tous les venins susdits. Elle est un grand remède pour les lassitudes et les refroidissements. Bue chaude à la dose de six cyathes (0 litr., 27 ), et surtout quand on y a fait bouillir de la rue, elle apaise les tranchées et chasse les vers intestinaux.

2. Elle relâche le ventre, bue à la dose d'une hémine (0 litr., 27), avec du vin et de l'eau chaude, ou de la décoction d'orge filtrée. Elle entre dans les emplâtres vulnéraires. Elle nettoie le visage ; elle dissipe la tympanite des boeufs, injectée par les naseaux, jusqu'à ce qu'ils la rejettent par éructation. L'huile vieille est plus échauffante, plus sudorifique et plus résolutive. Elle convient aux léthargiques, surtout dans le déclin de la maladie. C'est un assez bon remède pour éclaircir la vue, avec partie égale d'un miel qui n'a pas senti la fumée. On l'emploie contre les douleurs de tête; contre les ardeurs de la fièvre, avec de l'eau; et si l'huile qu'on a n'est pas vieille, on la fait bouillir pour lui donner les propriétés de la vieille huile.

XLI. 1. L'huile de ricin (XV, 7) purge, prise avec une quantité égale d'eau chaude. On prétend que la vertu purgative de cette huile agit principalement sur les hypocondres. Elle est bonne pour les maladies des articulations, pour toutes les duretés, pour les affections de la matrice et des oreilles, pour les brûlures; avec la cendre du murex, pour les inflammations du siège et pour la gale. Elle donne une bonne couleur à la peau, et fait croître les cheveux. Aucun animal ne touche à la graine d'où on tire cette huile. On fait avec la grappe du ricin des mèches (XV, 7 ) qui donnent beaucoup de clarté. Quant à l'huile même, elle ne donne que peu de lumière, parce qu'elle est trop grasse. Les feuilles, dans du vinaigre, s'appliquent sur l'érysipèle. Seules et fraîches, on en fait un topique pour les mamelles et les fluxions. Bouillies dans du vin, on s'en sert dans les inflammations, avec de la polenta et du safran. Bouillies et appliquées seules pendant trois jours sur la face, elles la nettoient.

XLII. 1. L'huile d'amandes est laxative et émolliente. Elle efface les rides, et donne plus d'éclat à la peau. Avec du miel, elle emporte les boutons du visage. Bouillie avec de l'huile rosat, du miel et des bourgeons de grenadier, elle est bonne pour les oreilles, tue les petits vers qui s'y trouvent, dissipe la dureté de l'ouïe, les bruissements, les tintements, les douleurs de tête, les douleurs des yeux. Avec de la cire, elle guérit les furoncles et les coups de soleil ; avec le vin, elle nettoie les ulcères humides et les dartres furfuracées. Avec le mélilot, elle fait disparaître les condylomes. Appliquée seule sur la tête, elle provoque le sommeil.

XLIIl. 1. Quant à l'huile de laurier, plus elle est nouvelle et verte, mieux elle vaut. Les propriétés en sont échauffantes; aussi l'emploie-t-on, chauffée dans l'écorce d'une grenade, pour la paralysie, le spasme, la coxalgie, les meurtrissures, les céphalalgies, les vieux catarrhes, les maux d'oreilles.

XLIV. 1. Mêmes propriétés dans l'huile de myrte. Elle resserre, elle endurcit; avec de la cire et des écailles de cuivre, elle est bonne pour les gencives, pour les maux de dents, pour la dysenterie, pour les ulcérations de la matrice, pour la vessie, pour les ulcères vieux et humides, ainsi que pour les éruptions et la brûlure. Elle guérit les meurtrissures, les dartres furfuracées, les rhagades, les condylomes, les luxations, et fait disparaître la mauvaise odeur de certaines personnes. C'est un antidote pour les cantharides, le buprestis et tous les venins corrosifs.

XLV. 1. L'huile de chamaemyrsine ou oxymyrsine (XV, 7) (ruscus aculeatus) a les mêmes vertus. L'huile de cyprès produit les mêmes effets que celle de myrte et celle de citre. L'huile de noix, que nous avons appelée caryinon (XV, 7), est bonne pour l'alopécie ; instillée dans l'oreille, pour la dureté d'ouïe; en friction sur la tête, pour la céphalalgie; du reste, inerte et d'un goût désagréable : en effet, s'il se trouve quelque chose de pourri dans la noix, toute la cuvée en est infectée. L'huile des graines du Gnidium (daphne Gnidium) a les mêmes vertus que l'huile de ricin. L'huile de lentisque est très bonne dans les compositions médicamenteuses appelées acopes (qui ôtent la fatigue); et elle serait aussi estimée que l'huile rosat, sans sa vertu un peu trop styptique. On s'en sert aussi contre les sueurs excessives et les sudamina. C'est un remède souverain pour la gale des bêtes de somme. L'huile de ben (XII, 46) nettoie les boutons, les furoncles, le lentigo, les gencives.

XLVI. 1. Nous avons dit ce qu'était le cypros (lawsonia inermis, L.), et comment on en retirait l'huile (XII, 51). Cette huile est échauffante; elle relâche les nerfs. Les feuilles s'appliquent sur l'estomac. Le suc de ces feuilles, en pessaire, calme les troubles de la matrice. Les feuilles fraîches, mâchées, sont bonnes pour les ulcères humides de la tête et pour les aphtes, ainsi que pour les abcès et les condylomes. La décoction des feuilles est utile dans les brûlures et les luxations. Pilées et appliquées avec du jus de 2 coing, elles rendent les cheveux blonds. Las fleur appliquée avec du vinaigre sur la tête calme la céphalalgie. Brûlée dans un pot de terre crue, elle guérit les ulcères rongeants. Seule ou avec du miel, on l'emploie contre les ulcères putrides. L'odeur que la fleur exhale provoque le sommeil. L'huile appelée gleucinum (XV, 7, 4 resserre et rafraîchit, de la même manière que l'huile d'oenanthe.

XLVII. 1. L'huile de baume est la plus précieuse t de toutes, comme nous l'avons dit à l'article des parfums (XII, 54). Elle est efficace contre le venin de tous les serpents; elle est très bonne pour éclaircir la vue, elle dissipe les nuages des yeux ; elle est bonne pour la dyspnée, pour tous les dépôts, toutes les duretés; elle empêche le sang de se coaguler; elle déterge les ulcères; elle est très avantageuse pour les maux d'oreilles, les céphalalgies, les tremblements, les spasmes, les ruptures. Prise dans du lait, elle est l'antidote de l'aconit. Employée en liniment dans le frisson de la fièvre, elle en diminue la violence; cependant il faut en user avec modération, parce qu'elle échauffe beaucoup, et qu'elle augmente le mal si on passe la mesure.

XLVIII. 1. Nous avons déjà parlé du malobathrum et de ses espèces (XII, 59 ). Il est diurétique. Exprimé dans du vin, ou s'en sert en topique dans les fluxions des yeux. On l'applique sur le front de ceux qu'on veut faire dormir, et il agit encore plus efficacement si on en frotte les narines, ou si on l'administre dans de l'eau. La feuille tenue sous la langue embaume la bouche et l'haleine, ainsi que les vêtements entre lesquels on l'interpose.

XLIX. 1. L'huile de jusquiame est émolliente, mais contraire aux nerfs ; en boisson, elle trouble le cerveau. L'huile de lupin est émolliente, et produit à peu près les mêmes effets que l'huile rosat. Quant à l'huile du narcisse, nous en avons parlé avec la fleur de cette plante (XXI, 75). L'huile de raifort guérit le phthiriasis contracté à la suite d'une longue maladie, et efface les rugosités du visage. L'huile de sésame guérit les douleurs d'oreilles, les ulcères serpigineux., les ulcères dits malins. L'huile de lis, que nous avons appelée aussi huile de Phaselis et huile de Syrie (XXI, 11), est très bonne pour les reins, pour provoquer les sueurs, pour amollir la matrice et pour mûrir à l'intérieur. Quant à l'huile selgitique, nous avons dit qu'elle était bonne pour les nerfs (XV, 7). Il en est de même de l'huile herbacée ( faite de certaines herbes) que les gens d'Iguvium vendent sur la voie Flaminienne.

L. 1. L'élaeomeli, qui, avons-nous dit (XV, 7), découle des oliviers dans la Syrie, a un goût mielleux et un peu nauséabond. II relâche le ventre, il évacue surtout la bile, à la dose de deux cyathes (0 litr., 09) dans une hémine d'eau. Ceux qui en ont bu tombent dans la torpeur, et il faut les éveiller fréquemment. Les buveurs qui vont faire assaut commencent par en avaler un verre. Quant à l'huile de poix (XV, 7), ou l'emploie communément pour la toux (t 5), et pour la gale des quadrupèdes.

LI. 1. Après la vigne et l'olivier, le premier rang appartient au palmier. Les dattes fraîches enivrent et causent de la céphalalgie; elles sont moins nuisibles étant sèches. Elles ne sont pas aussi bonnes à l'estomac qu'on le croit; elles exaspèrent la toux; elles sont nourrissantes. Les anciens en donnaient la décoction, en guise d'hydromel, aux malades, pour rétablir les forces et, apaiser la soif, et employaient à cet effet les dattes de la Thébaïde de préférence. Les hémoptoïques se trouvent très bien d'en manger. On en fait, avec le coing, la cire et le safran, un topique pour l'estomac, la vessie, le ventre et les intestins. Elles sont bonnes pour les meurtrissures. Les noyaux de dattes, brûlés dans un vase de terre neuf, donnent une cendre qui, lavée, tient lieu de spodium et s'incorpore dans les collyres, ou, avec addition de nard, dans les pommades pour les paupières.

LII. (V.) 1. Quant au palmier qui porte le myrobalan (XII, 47 ), l'espèce la plus estimée croit en Égypte; ses dattes, à la différence des autres, n'ont pas de noyau. Avec du vin astringent, elles arrêtent (16) la diarrhée et les pertes. Elles favorisent la réunion des plaies.

LIII. 1. Le palmier élate (XII, 62) ou spathe fournit à la médecine ses bourgeons, ses feuilles et son écorce. On applique les feuilles sur les hypocondres, l'estomac, le foie, les ulcères serpigineux de cicatrisation difficile. L'écorce encore tendre, avec de la résine et de la cire, guérit la gale en vingt jours On la fait bouillir pour les maladies des testicules. En fumigation, elle noircit les cheveux et fait sortir les foetus. On la fait prendre en boisson dans les affections des reins, de la vessie et des hypocondres; elle ne vaut rien pour la tète et les nerfs. La décoction de cette écorce arrête les flux utérins et la diarrhée. La cendre se prend en boisson, dans du vin blanc, pour les tranchées; elle est souveraine dans les affections de matrice.

LIV. (VI.) 1. Viennent maintenant les propriétés médicales des différentes espèces de pommiers. Les différentes pommes du printemps, qui ont le goût acerbe, sont contraires à l'estomac; elles troublent le ventre et la vessie; elles nuisent aux nerfs; cuites, elles valent mieux. Les coings sont plus agréables quand ils sont cuits; cependant, crus, pourvu qu'ils soient mûrs, ils sont avantageux dans l'hémoptysie, la dysenterie, le choléra, le flux céliaque; ils n'ont plus la même utilité quand ils sont cuits, parce qu'alors ils perdent la vertu astringente qui leur appartient; ou les applique encore sur la poitrine dans les ardeurs de la fièvre; et cependant on les fait cuire dans l'eau de pluie pour les affections énumérées plus haut.

2. Cuits ou crus, on les applique en forme de cérat dans les douleurs d'estomac. Le duvet qui les couvre guérit les anthrax. Cuits dans du vin et appliqués avec de la cire, les coings rendent les cheveux aux têtes chauves. Ceux que l'on confit crus dans du miel sont laxatifs; ils ajoutent beaucoup à la suavité du miel, et le rendent meilleur à l'estomac. Quant à ceux que l'on confit cuits dans du miel, quelques-uns les font piler avec des feuilles de roses bouillies, et les donnent pour aliment dans les maladies de l'estomac.

3. Le suc des coings crus est bon pour la rate, pour l'orthopnée, pour l'hydropisie ainsi que pour les affections des mamelles, pour les condylomes et les varices. Les fleurs fraîches ou séchées s'emploient dans les ophtalmies, les hémoptysies et les pertes. En les pilant avec du vin doux, on en fait un suc adoucissant, qui est avantageux dans le flux céliaque et dans les affections du foie. Avec la décoction de ces fleurs on fait des fomentations dans les chutes de la matrice et du rectum. On tire des coings une huile que nous avons appelée mélinum (XIII, 2, 6): pour cela il faut qu'ils ne soient pas venus dans des lieux humides, ce qui fait qu'on estime le plus ceux de la Sicile. Le coing struthie, quoique très voisin des précédents, est moins bon. On trace sur le sol, autour de la racine de ce cognassier, un cercle avec la main gauche, et on l'arrache en la nommant, et en disant pour qui on l'arrache : portée en amulette, elle guérit les écrouelles.

LV. 1. Les pommes nommées mélimela (XV, 15, 2) et les autres pommes douces relâchent l'estomac et le ventre; elles causent de la soif et de la chaleur, mais elles ne nuisent pas aux nerfs. Les pommes rondes arrêtent la diarrhée et les vomissements; elles sont diurétiques. Les pommes sauvages ressemblent aux pommes acerbes du printemps; elles resserrent le ventre. Pour cet usage on les emploie avant maturité.

LVI. 1. Le citron, pulpe ou graine, se prend en boisson dans du vin contre les poisons. La décoction ou le sue exprimé, en collutoire, rend l'haleine douce. On en fait manger la graine aux femmes grosses atteintes de pics. Le citron est bon dans les faiblesses d'estomac; mais on ne saurait guère en manger sans vinaigre.

LVII. 1. Il est inutile de reparler des neuf espèces de grenades (XIII, 34). Les grenades douces, auxquelles nous avons donné le nom d'apyrina (sans pépins), passent pour mauvaises à l'estomac. Elles produisent des flatuosités, et attaquent les dents et les gencives. Celles dont le goût approche le plus de ces dernières, et que nous avons appelées vineuses (XIII, 34 ), ont de petits pépins et passent pour un peu meilleures. Elles resserrent le ventre et l'estomac, pourvu qu'on n'en prenne qu'en petite quantité et sans se rassasier; mais dans la fièvre, à laquelle ne conviennent ni la pulpe des grains ni le jus, il ne faut pas donner de ces grenades; et, à vrai dire, il n'en faut donner d'aucune espèce. On doit pareillement s'en défier dans les vomissements et les évacuations bilieuses.

2. Dans ce fruit la nature nous a donné du raisin, et je ne dirai pas du moût, mais du vin tout fait; et elle a renfermé ce raisin et ce vin dans une enveloppe coriace. L'enveloppe des grenades acerbes est très employée. On s'en sert pour le tannage des cuirs (XIII, 34 ); c'est pour cela qu'on l'appelle malicorium. Les médecins assurent qu'elle est diurétique, et que bouillie avec de la noix de galle dans du vinaigre elle raffermit les dents mobiles. Cette écorce est bonne dans le pica des femmes enceintes, parce que lorsqu'elles en mâchent cela ranime l'enfant. On coupe par quartiers une grenade, et on la laisse tremper dans de l'eau de pluie pendant trois jours environ; on fait boire cette infusion froide dans le flux céliaque et l'hémoptysie.

LVIII. 1. Avec les grenades acerbes on fait une composition appelée stomatice, très bonne pour les affections de la bouche, des narines, des oreilles, pour l'obscurcissement de la vue, pour les ptérygions, pour les maladies des parties génitales, pour les ulcères rongeants, pour les fongosités des plaies, contre le venin du lièvre marin. Elle se fait ainsi : Après avoir dépouillé la grenade de son écorce, on pile les grains et on fait cuire le jus jusqu'à réduction du tiers, avec safran, alun de roche, myrrhe, miel attique, de chaque, demi-livre.

2. D'autres la font de la manière suivante : On pile plusieurs grenades aigres, on en fait cuire le jus dans une chaudière neuve, jusqu'à consistance de miel. On l'emploie pour les affections des parties génitales et du siège, et pour tout ce que le lycium (XIII, 15; XXIV, 77) guérit, écoulements purulents par l'oreille, fluxions commençantes des yeux, taches rouges. Une branche de grenadier tenue à la main met en fuite les serpents. L'écorce d'une grenade bouillie dans du vin, en topique, guérit les engelures. Une grenade pilée dans trois hémines (0 litr.,81) de vin, qu'on fait bouillir jusqu'à réduction des deux tiers, délivre des tranchées et des vers intestinaux. Une grenade mise dans un vase neuf et bien luté, brûlée dans un four, puis pulvérisée et bue dans du vin, arrête le cours de ventre et dissipe les tranchées.

LIX. 1. Les Grecs donnent le nom de cytinus aux premiers bourgeons du grenadier qui annoncent la fleur. Ils jouissent d'une propriété singulière, dont on a fait plus d'une fois l'épreuve : si après avoir ôté tout lien, défait sa ceinture, dénoué sa chaussure et même retiré son anneau, on cueille un cytinus avec deux doigts de la main gauche, le pouce et l'annulaire; si on s'en frotte légèrement les yeux, et enfin si ou le jette dans la bouche et qu'on l'avale sans qu'il touche les dents, on n'éprouvera de l'année aucune maladie des yeux. Ces mêmes cytinus séchés et pulvérisés répriment les fongosités; ils sont bons pour les gencives et les dents; ou si les dents sont mobiles, la décoction de cytinus les raffermit. Les corpuscules que les cytinus renferment, pilés, s'appliquent sur les ulcères serpigineux ou putrides. On les emploie aussi contre l'inflammation des yeux et des intestins, et en général dans tous les cas où l'on se sert de l'écorce de grenadier; ils sont excellents contre la piqûre des scorpions.

LX. 1. On ne saurait trop admirer les soins diligents des anciens, qui, ayant tout recherché, ont tout essayé. Du sein du cytinus, avant que la grenade paraisse, naissent de petites fleurs qui, avons-nous dit (XIII, 34, ), se nomment balaustes. Ces fleurs n'ont pas non plus échappé à leurs expérimentations; et ils ont trouvé que c'était un remède contre les piqûres du scorpion. En boisson, elles arrêtent les pertes. Elles guérissent les aphtes, les amygdalites, l'inflammation de la luette, l'hémoptysie, les dérangements de ventre et d'estomac, les parties génitales et les ulcères humides, en quelque partie qu'ils soient.

2. Les anciens les ont même fait sécher pour les expérimenter en cet état; et ils ont reconnu que pulvérisées elles rappelaient de la mort les dysentériques et arrêtaient les flux de ventre. Ils n'ont pas même dédaigné d'essayer les pépins de la grenade : ces pépins, grillés et pulvérisés, sont bons à l'estomac; on en saupoudre les aliments ou les boissons. Pour arrêter le flux de ventre on les prend dans l'eau de pluie. La décoction de la racine tue le tenia, à la dose d'un victoriat (1 gr., 62). Cuite dans l'eau jusqu'à consistance de bouillie, elle rend les mêmes services que le lycium (XXIV, 77).

LXI. 1. Il y a un arbrisseau qu'on nomme grenadier sauvage, à cause de sa ressemblance avec le grenadier. La racine a l'écorce rouge. A la dose d'un denier (3 gr., 85 ), prise en boisson dans du vin, elle endort. La graine prise en boisson guérit l'anasarque. La fumée de l'écorce de grenade chasse les cousins.

LXII. (VII.) 1. Toutes les poires, en aliment, sont pesantes même pour les personnes bien portantes : on les défend, comme le vin, aux malades; mais cuites elles sont merveilleusement salutaires et agréables, surtout celles de Crustuminum. Toutes les poires cuites avec du miel sont bonnes à l'estomac. On en fait dos cataplasmes résolutifs. On se sert de leur décoction pour résoudre les duretés. Les poires mêmes sont efficaces contre les bolets et les champignons; elles les précipitent, tant par leur poids que par la vertu neutralisante de leur suc. La poire sauvage mûrit très tardivement. Coupée par quartiers et séchée à l'air, on l'emploie pour arrêter le flux de ventre, effet que la décoction produit aussi ; pour le même usage on fait cuire les feuilles avec le fruit. La cendre du poirier est efficace contre les champignons. Une charge, même petite, de pommes ou de poires est un fardeau singulièrement fatigant pour les bêtes de somme (XXIV, 1); le remède est, dit-on, de leur en faire manger ou seulement de leur en montrer quelques-unes avant de les charger.

LXIII. 1. Le suc laiteux du figuier a les propriétés du vinaigre. Il coagule le lait comme la présure. On le recueille avant la maturité du fruit, on le sèche à l'ombre, et on s'en sert, soit en topique avec un jaune d'oeuf, soit en boisson avec l'amidon, comme maturatif et comme emménagogue. On l'applique sur les pieds goutteux avec de la farine de fenugrec et du vinaigre. Il fait tomber les poils, il guérit les boutons des paupières, les lichens et la gale. Il relâche le ventre. Il guérit les piqûres des frelons, des guêpes et autres insectes, et en particulier des scorpions. Avec de la graisse, il fait tomber les verrues. Avec les feuilles et les figues encore vertes ou fait un topique pour les écrouelles, et dans tous les cas où il faut ramollir on résoudre.

2. Les feuilles employées seules produisent le même effet. On les emploie encore â d'autres usages, par exemple, en frictions dans les lichens, les alopécies, et tout ce qu'il est besoin d'excorier. Les jeunes pousses s'appliquent sur la peau, contre la morsure des chiens. Avec du miel, on en fait un topique pour les ulcères appelés ceria (favus) ; avec les feuilles du pavot sauvage, elles font sortir les esquilles; avec les feuilles pilées dans du vinaigre, elles guérissent la morsure des chiens enragés. Les jeunes pousses blanches du figuier noir s'emploient avec la cire en topique pour les furoncles et la morsure des musaraignes. La cendre des feuilles de ce figuier s'emploie dans les gangrènes, et pour consumer les fongosités.

3. Les figues mûres sont diurétiques, laxatives; elles provoquent la sueur et font venir des papales; aussi sont-elles mauvaises en automne, parce que les sueurs qu'elles excitent sont alors suivies de refroidissement. Elles fout mal à l'estomac, mais pendant peu de temps. On prétend qu'elles gâtent la voix. Les figues qui mûrissent les dernières sont plus salubres que les premières; mais il faut toujours se défier de celles qui ont mûri â l'aide de quelque préparation (XVI, 51). Ce fruit augmente la force des jeunes gens, améliore la santé des vieillards, et fait qu'ils sont moins ridés. Il étanche la soif; il tempère la chaleur; aussi ne faut-il pas le refuser dans les fièvres où la fibre est resserrée, et qu'on appelle stègnes (resserrées).

4. Les figues sèches sont nuisibles â l'estomac, mais merveilleusement avantageuses à la gorge et au gosier. Elles sont échauffantes, causent de la soif, relâchent le ventre, et nuisent dans les fluxions des intestins et de l'estomac. Elles sont toujours utiles pour la vessie, la dyspnée, l'asthme, les maladies du foie, des reins et de la rate. Elles sont nourrissantes et fortifiantes ; aussi jadis les athlètes en usaient comme aliment : c'est le gymnaste Pythagore qui le premier les mit à l'usage de la viande.

5. Les figues sèches sont très avantageuses dans les convalescences après une longue maladie, dans l'épilepsie, dans l'hydropisie. On en fait des topiques pour tout ce qui a besoin de mûrir ou de se résoudre ; elles sont plus efficaces mélangées de chaux ou de nitre. Cuites avec de l'hysope, elles nettoient la poitrine, évacuent la pituite et guérissent les vieilles toux. Cuites avec du vin, on les emploie pour les affections du siège et les tumeurs maxillaires. Bouillies, on les applique sur les furoncles, sur les panus, sur les parotides. Des fomentations avec leur décoction sont utiles aux femmes.

6. Bouillies avec le fenugrec, on s'en sert dans la pleurésie et la péripneumonie. Cuites avec de la rue, elles soulagent les tranchées. On s'en sert pour les ulcères des jambes, avec de la fleur de cuivre; dans les ptérygions, avec de la grenade; dans les brûlures et les engelures, avec de la cire; dans les hydropisies, cuites dans du vin, avec de l'absinthe, de la farine d'orge et du nitre. En aliment, elles resserrent le ventre. Pilées avec du sel, on en fait un topique pour les piqûres des scorpions. Cuites dans du vin et appliquées sur les anthrax, elles les font percer. Dans les carcinomes, pourvu qu'ils ne soient pas ulcérés, appliquer des figues très grasses est un remède presque souverain : de même pour les ulcères phagédéniques.

7. Quant à la cendre du figuier, il n'en est pas de plus âcre. Elle déterge, elle agglutine, elle remplit, elle resserre. Prise en breuvage, elle résout le sang coagulé. On la donne dans un cyathe d'eau et un d'huile pour les coups, les chutes, les convulsions et les ruptures. On la prescrit dans le tétanos et le spasme. On la donne en boisson ou en lavement dans l'affection céliaque et la dysenterie. En liniment avec de l'huile, elle échauffe; pétrie avec de la cire et de l'huile rosat, elle guérit les brûlures, en ne laissant qu'une cicatrice très légère. En liniment avec l'huile, elle est bonne pour les myopes.

8. On l'emploie comme dentifrice contre les maladies des dents. On dit que si un malade attire à soi une branche de figuier, en arrache un noeud avec les dents sans être vu de personne, et le porte dans un sachet suspendu au cou par un fil, cela le guérira des écrouelles et des parotides. L'écorce pilée avec de l'huile guérit les ulcères du ventre. Les figues encore vertes, appliquées crues avec du nitre et de la farine, enlèvent les verrues et les poireaux. La cendre des rejetons qui partent de la racine tient lieu de spodium (cendre alcaline). Brûlée une seconde fois, et mise en trochisque avec de la céruse, elle guérit les ulcérations et les granulations des yeux.

LXIV. 1. Le figuier sauvage a encore plus d'efficacité que le figuier cultivé. Il a moins de suc laiteux : un scion mis dans du lait le caille. Le suc laiteux recueilli et durci donne bon goût aux viandes : on les ou frotte après l'avoir délayé dans tin vinaigre. On l'incorpore dans les médicaments ulcératifs. Il relâche le ventre. Avec l'amidon, il ouvre les voies utérines. Le figuier sauvage en boisson avec un jaune d'oeuf est emménagogue; avec la farine de fenugrec, on en fait des topiques pour la goutte.

2. On l'emploie pour la lèpre, la gale, le lichen, le lentigo, les blessures faites par les animaux venimeux, et les morsures des chiens. Le suc laiteux apaise les douleurs des dents, appliqué avec de la laine ou introduit dans la cavité des dents cariées. Les jeunes pousses et les feuilles, mêlées avec la farine d'ers, sont bonnes contre le venin de certains animaux marins; on y ajoute aussi du vin. Quand on fait cuire du boeuf, on économise beaucoup de bois en mettant de ces tiges dans la marmite. Les figues encore vertes, en topique, amollissent et résolvent les écrouelles et toute espèce de dépôts; les feuilles ont aussi, jusqu'à un certain point, la même propriété, du moins les plus tendres. Ces figues guérissent avec du vinaigre les ulcères humides, les épinyctides et les dartres furfuracées;

3. avec du miel et les feuilles, les ulcères appelés ceria (favus) et les morsures des chiens; fraîches, avec du vin, les ulcères phagédéniques. Avec les feuilles du pavot, elles font sortir les esquilles. Les figues sauvages vertes, en fumigation, dissipent les gonflements; en breuvage, elles combattent les mauvais effets du sang de taureau, de la céruse, et du lait coagulé dans l'estomac. Bouillies dans l'eau et en cataplasme, elles guérissent les parotides. Les plus petits de ces fruits ou les jeunes pousses, dans du vin, sont efficaces contre la piqûre des scorpions. On instille aussi le lait dans la plaie, et on applique les feuilles dessus. Même recette pour la morsure de la musaraigne. La cendre des jeunes pousses guérit le relâchement de la luette ; la cendre de l'arbre même avec du miel, les rhagades; la racine, bouillie dans du vin, les maux de dents. Le figuier sauvage d'hiver, cuit dans du vinaigre et broyé, enlève les dartres impétigineuses.

4. Les raclures de rameaux écorcés, aussi fines que de la sciure de bois, sont employées en topique. On attribue encore au figuier sauvage une propriété merveilleuse : Si un garçon impubère casse une branche, et en arrache avec les dents l'écorce gonflée par la sève, on assure que la moelle de cette branche, attachée en amulette avant le lever du soleil, préserve des écrouelles. Un rameau de cet arbre lié au cou d'un taureau, quelque indompté qu'il soit, apaise sa férocité par une vertu merveilleuse, et le rend immobile.

LXV. 1. Il faut, à cause du rapport des noms, parler ici de l'herbe appelée par les Grecs érinéon (ἐρνεὸς, figuier sauvage) (campanula ramosissima, Sibth.). Elle est haute d'un palme, porte ordinairement cinq petites tiges, ressemble à l'ocimum, et a la fleur blanche, la graine noire et petite. Cette graine, pilée avec du miel attique, guérit les fluxions des yeux. Cette plante, de quelque manière qu'on la cueille, rend un lait abondant et doux. Mêlée avec un peu de nitre, elle est très avantageuse dans les douleurs d'oreille. Les feuilles combattent les venins.

LXVI. 1. Les feuilles de prunier bouillies guérissent les amygdales et les gencives. Si on les fait cuire dans du vin, et qu'on s'en lave de temps en temps la bouche, elles sont bonnes pour la luette. Les prunes mêmes relâchent le ventre. Elles fout mal â l'estomac, mais pour peu de temps.

LXVII. 1. Les pêches sont plus salutaires, de même que le suc de ce fruit seul, ou exprimé dans du vin ou du vinaigre. Il n'est pas de fruit de ce genre plus innocent, qui ait moins d'odeur et plus de suc, tout en excitant la soif. Les feuilles pilées, en topique, arrêtent les hémorragies. Les noyaux, avec de l'huile et du vinaigre, s'emploient en topique dans les douleurs de tête.

LXVIII. 1. Les prunes sauvages ou l'écorce de la racine de l'arbre, bouillies dans une hémine (0 litρ., 27) de vin astringent jusqu'â réduction des deux tiers, guérissent le flux de ventre et les tranchées : la dose est d'un cyathe (0, 45) à chaque fois.

LXIX. 1. Sur les pruniers sauvage et cultivé on trouve une mousse appelée par les Grecs lichen, et merveilleusement bonne pour les rhagades et les condylomes.

LXX. 1. L'Égypte et l'île de Chypre ont, comme nous l'avons dit (XIII, 14 et 15 ), un mûrier d'une espèce particulière; il verse un suc abondant si on entame légèrement l'écorce; mais, chose singulière, il reste sec si l'incision est plus profonde. Ce sue combat le venin des serpents, est bon dans la dysenterie, résout les panus et tous les dépôts, agglutine les plaies, calme les maux de tête et d'oreille, et s'emploie en boisson et en topique contre les affections de la rate et les refroidissements. Il se corrompt très promptement. Le suc de nos mûriers n'a pas moins de propriétés. En boisson dans du vin, il combat l'aconit et le venin des araignées [phalanges]; il relâche le ventre; il fait sortir la pituite, le ténia et autres parasites, des intestins. L'écorce broyée produit le même effet.

2. Les feuilles, cuites dans de l'eau de pluie avec l'écorce du figuier noir et de la vigne, teignent les cheveux. Le jus de mûres relâche incontinent le ventre. Les mûres font un bien momentané à l'estomac : elles sont réfrigérantes, elles causent de la soif; si on ne mange rien par-dessus, elles causent du gonflement. Le suc des mûres vertes resserre le ventre. Les merveilles que présente cet arbre, et que nous avons exposées à son article (XVI, 41,4), semblent, en vérité, appartenir à un animal intelligent.

LXXI. 1. On fait avec les mûres une composition appelée panchrestos (bonne à tous maux), stomatice, artériaque : à une chaleur douce, on réduit jusqu'à consistance de miel trois setiers de jus des mûres; on prend deux deniers d'omphacium sec (XII, 60), ou un denier (3 gr., 85 ) de myrrhe, et autant de safran : ces substances broyées ensemble sont mises dans le jus bouilli. II n'est point de remède meilleur pour la bouche, la trachée artère, la luette et l'estomac. On le prépare encore de cette manière-ci : Prenez deux setiers de jus et un setier de miel attique, et faites cuire comme nous avons dit plus haut.

2. On parle encore de propriétés merveilleuses. Quand le mûrier commence â bourgeonner, et avant que les feuilles sortent, on recommande de cueillir de la main gauche les baies en germe, que les Grecs nomment ricins. Si elles n'ont pas touché la terre, elles arrêtent, portées en amulette, les hémorragies provenant soit d'une plaie, soit de la bouche, soit des narines, soit des hémorroïdes ; on en garde à cet effet. On attribue la même vertu â un rameau cassé durant la pleine lune et commençant â avoir du fruit, pourvu toutefois qu'il n'ait pas touché la terre; ce rameau, attaché aux bras, passe surtout pour efficace contre les pertes utérines. Même effet encore quand les femmes elles-mêmes le cueillent, quelle que soit l'époque, sans qu'il touche la terre, et le portent en amulette. Les feuilles, fraîches et pilées, ou sèches et bouillies, s'emploient en topique pour les morsures des serpents; ou bien on les donne en breuvage. Le suc de l'écorce de la racine, bu dans du vin ou de l'oxycrat, combat le venin des scorpions. Il faut aussi indiquer la manière dont les anciens faisaient la composition susdite :

3. ils prenaient du fruit mûr et non mûr, ils en mélangeaient le jus, et le faisaient cuire dans un vase de cuivre jusqu'à consistance de miel. Quelques-uns y ajoutaient de la myrrhe et du cyprès, et faisaient cuire et durcir ce mélange au soleil, en le remuant trois fois par jour avec une spatule. Telle était la stomatice qu'ils employaient aussi pour la cicatrisation des plaies. Autre recette : ils exprimaient le sue des mûres, qui, ainsi desséchées, relevaient beaucoup le goût des aliments. En médecine cette poudre s'employait contre les ulcères rongeants, contre la pituite de la poitrine, et dans tous les cas où il s'agissait de donner de l'astriction aux viscères. On s'en servait aussi pour se nettoyer les dents. Troisième recette : On fait bouillir les feuilles et la racine, et l'on emploie cette décoction avec de l'huile pour oindre les parties brûlées. On se sert aussi des feuilles seules en topique. La racine, incisée dans le temps de la moisson, donne un suc très bon pour les maux de dents, pour les dépôts et les suppurations. Elle est purgative. Les feuilles, détrempées dans de l'urine, enlèvent le poil des peaux.

LXXII. 1. Les cerises relâchent le ventre, et ne valent rien pour l'estomac; sèches, elles resserrent le ventre et sont diurétiques. Suivant certains auteurs, si le matin l'on mange des cerises toutes couvertes de rosée, et dont on avale le noyau, cela procure des évacuations alvines qui dissipent la goutte des pieds.

LXXIII. 1. Les nèfles, excepté les sétaniennes (XV, 22), qui ont â peu près les mêmes propriétés que les pommes, sont astringentes pour l'estomac. et resserrent le ventre. Il en est de même des sorbes sèches : quant aux sorbes fraîches, elles sont bonnes pour l'estomac et dans le flux de ventre.

LXXIV. (VIII.) 1. Les pommes de pin résineuses, légèrement concassées, cuites jusqu'à réduction de moitié dans l'eau, à raison d'un setier pour chaque, remédient à l'hémoptysie : la dose est de deux cyathes de cette préparation. L'écorce de pin, cuite dans du vin, se donne contre les tranchées. Les pignons calment la soif, les âcretés et les tiraillements d'estomac : ils tempèrent les humeurs nuisibles qui se trouvent dans ce viscère ; ils rétablissent les forces débilitées; ils sont salutaires aux reins et à la vessie; ils paraissent irriter la gorge et exaspérer la toux; ils évacuent la bile pris dans de l'eau ou du vin, ou du vin cuit, ou une décoction de dattes. On les joint, contre les tiraillements violents d'estomac, à la graine de concombre et au suc de pourpier; de même pour les ulcérations de la vessie et pour les reins, attendu qu'ils sont en même temps diurétiques.

LXXV. 1. La racine de l'amandier amer, bouillie, adoucit la peau du visage et embellit le teint. Les amandes amères procurent du sommeil et donnent de l'appétit. Elles sont diurétiques et emménagogues. On en fait un topique pour la tête dans les céphalalgies, surtout quand Il y a fièvre. Si la céphalalgie provient de l'ivresse, on prépare ce topique avec du vinaigre, du miel rosat, et un setier d'eau' Avec l'amidon et la menthe, elles arrêtent le sang. Elles sont bonnes dans la léthargie et l'épilepsie : on en frotte la tête du malade. Elles guérissent les épinyctides dans du vin vieux; les ulcères putrides, les morsures des chiens, dans du miel. Elles enlèvent les dartres farineuses du visage; mais il faut préalablement fomenter la partie. Elles guérissent les douleurs du foie et des reins, prises dans de l'eau ou dans un électuaire avec de la térébenthine;

2. prises avec du vin cuit, elles sont bonnes dans la gravelle et la dysurie. Pilées dans de l'eau miellée, elles nettoient la peau. En électuaire, avec une petite addition de sauge, elles sont salutaires dans les affections du foie, du colon, et dans la toux; on en prend dans du miel, gros comme une aveline. On dit que les buveurs, s'ils en prennent préalablement cinq, ne s'enivrent pas, et que les renards qui en ont mangé meurent s'ils ne trouvent pas d'eau à boire dans le voisinage. Quant aux amandes douces, elles ont moins de vertus médicinales; cependant elles sont purgatives et diurétiques. Fraîches, elles gonflent l'estomac.

LXXVI. 1. Les noix grecques (XV, 24, 4), prises dans du vinaigre avec de la graine d'absinthe, guérissent, dit-on, l'ictère. Seules, elles guérissent, en topique, les affections du siège, et en particulier les condylomes, ainsi que la toux et l'hémoptysie.

LXXVII. 1. Le noyer (XV, 24) a en grec un nom (κάρυα, noix, κάρος, somnolence) exprimant la pesanteur de tête : en effet, les émanations de l'arbre et des feuilles portent au cerveau. Les noix, même en aliment, produisent cet effet, mais à un moindre degré. Les noix fraîches sont plus agréables ; les sèches, plus huileuses; elles ne valent rien pour l'estomac; elles se digèrent difficilement; elles causent de la céphalalgie ; elles sont nuisibles à ceux qui toussent et à ceux qui se font vomir à jeun. Elles ne conviennent que dans le ténesme, attendu qu'elles entraînent la pituite. Mangées préalablement, elles amortissent les poisons que l'on pourrait prendre ensuite. Avec la rue et l'huile, elles guérissent l'angine.

2. Mangées avec l'oignon, elles en corrigent l'acrimonie et en adoucissent le goût. On en fait un topique, avec un peu de miel, pour les oreilles enflammées; avec de la rue, pour les mamelles et les luxations; avec de l'oignon, du sel et du miel, pour les morsures soit des chiens, soit des hommes. On se sert des coquilles pour cautériser la cavité des dents cariées; brûlées et pilées dans de l'huile ou du vin, on en frotte la tête des enfants pour faire croître les cheveux ; on les emploie de la même façon dans l'alopécie. Les noix, si on en mange un bon nombre, expulsent les vers intestinaux. Celles qui sont très vieilles guérissent la gangrène, l'anthrax et les meurtrissures. Le brou de noix guérit le lichen et la dysenterie; les feuilles, pilées avec du vinaigre, la douleur d'oreilles. Après la défaite de Mithridate, puissant monarque, Cn. Pompée trouva dans ses archives secrètes une recette que ce prince avait écrite de sa propre main ; c'était un antidote ainsi composé : Prenez deux noix sèches, deux figues, vingt feuilles de rue; broyez le tout ensemble, après avoir ajouté un grain de sel : celui qui prendra ce mélange à jeun sera pour un jour à l'abri de tout poison. Les noix mâchées par un homme à jeun sont, dit-on, un topique efficace contre la morsure des chiens enragés.

LXXVIII. 1. Les avelines (XV, 24,3) causent des douleurs de tête et des gonflements d'estomac; elles donnent de l'embonpoint plus qu'on ne pourrait le croire. Grillées, elles sont un remède pour les catarrhes; pilées et bues dans de l'eau miellée, pour les vieilles toux ; quelques-uns y ajoutent des grains de poivre, d'autres les prennent dans du vin cuit. Les pistaches ont les mêmes usages et les mêmes vertus que les pignons. De plus, mangées ou prises en breuvage, elles sont bonnes contre le venin des serpents.

2. Les châtaignes (XV, 25) arrêtent puissamment les débordements d'humeur soit de l'estomac, soit du ventre; elles relâchent le ventre; elles sont utiles dans les hémoptysies; elles donnent de l'embonpoint.

LXXlX. 1. Les carouges (XV, 26) fraîches ne valent rien à l'estomac; elles donnent la diarrhée; sèches, elles resserrent le ventre, et deviennent meilleures pour l'estomac. Elles sont diurétiques. Dans les douleurs d'estomac, quelques-uns font bouillir trois carouges de Syrie (XIII, 16) dans un setier d'eau jusqu'à réduction de moitié, et boivent cette décoction. :Le suc qui sort d'une branche de cornouiller se reçoit sur une lame de fer rouge, sans que le bois la touche ; la rouille qui en résulte, appliquée sur les lichens commençants, les guérit. L'arbousier ou unedo (XV, 28) porte un fruit de difficile digestion et mauvais â l'estomac.

LXXX. 1. Tout dans le laurier (XV, 39) a des t propriétés échauffantes, les feuilles, l'écorce et les baies ; aussi la décoction, surtout des feuilles, est-elle reconnue pour utile à la matrice et à la vessie. Les feuilles en topique combattent le venin des guêpes, des frelons, des abeilles, des serpents, et surtout du seps, de la dipsade et de la vipère. Cuites dans de l'huile, elles sont bonnes pour les règles. Celles qui sont molles s'emploient, pilées avec de la polenta, pour les ophtalmies; avec de la rue, pour les orchites; avec de l'huile rosat ou de l'huile d'iris, pour les céphalalgies.

2. Trois feuilles de laurier mâchées et avalées, et cela pendant trois jours, délivrent de la toux. Ces feuilles, pilées avec du miel, sont bonnes dans l'asthme. L'écorce de la racine est dangereuse pour les femmes grosses. La racine même dissout les calculs, fait du bien au foie, prise à la dose de trois oboles dans du vin odorant. Les feuilles prises en boisson excitent le vomissement. Les baies pilées et en pessaire, ou prises en breuvage, sont emménagogues. Deux baies dépouillées de leur peau et bues dans du vin guérissent les vieilles toux et l'orthopnée; s'il y a fièvre, on les donne dans de l'eau, ou en électuaire dans de l'eau miellée, ou bouillies dans du vin cuit. Employées de la sorte, elles sont bonnes dans la phtisie et dans tous les catarrhes de la poitrine; en effet, elles procurent la coction de la pituite et la font sortir.

3. Contre la piqûre des scorpions, on en prend quatre dans du vin. Avec l'huile, on en fait un topique pour les épinyctides, le lentigo, les ulcères humides, les aphtes et les dartres furfuracées. Le suc des baies guérit les démangeaisons et le phthiriasis. On l'instille dans les oreilles en cas de douleur ou de surdité, avec du vin vieux et de l'huile rosat. Tous les animaux venimeux fuient ceux qui s'en sont frottés. Ce sue, surtout celui du laurier à petites feuilles (XV, 39), pris en boisson, est boa coutre les blessures faites par ces animaux.

4. Les baies, avec du vin, combattent le venin des serpents, des scorpions et des araignées. On en fait un topique avec l'huile et le vinaigre, pour la rate et le foie; avec le miel, pour la gangrène. Dans les lassitudes et les refroidissements il est avantageux de se faire oindre avec ce suc, auquel on a ajouté du nitre. Suivant quelques auteurs, la racine prise à la dose d'un acétabule (0 litr., 068) dans de l'eau, hâte beaucoup les accouchements. Pour cela la fraîche est plus efficace que la sèche. Quelques-uns prescrivent dix baies en breuvage coutre la piqûre des scorpions. Dans les relâchements de la luette, il faut, suivant les mêmes auteurs, faire bouillir trois onces de baies ou de feuilles dans trois setiers d'eau jusqu'à réduction du tiers, et se gargariser avec cette décoction chaude. Quant à la douleur de tête, il faut piler, avec de l'huile, des baies en nombre impair, et les faire chauffer.

5. Les feuilles du laurier de Delphes broyées et flairées de temps en temps sont un préservatif contre les contagions pestilentielles, surtout si on les fait brûler. L'huile du laurier de Delphes est employée dans les cérats, dans la préparation appelée acope (qui délasse). On s'en sert pour dissiper les refroidissements, relâcher les nerfs, ainsi que dans les douleurs de côté et les fièvres froides. On s'es sert aussi dans les douleurs d'oreilles, après l'avoir fait chauffer dans l'écorce d'une grenade. On fait bouillir les feuilles dans de l'eau jusqu'à réduction du tiers. Cette décoction, en gargarisme, resserre la luette, en breuvage calme Ies douleurs du ventre et des intestins. Les plus molles, broyées dans du tau et appliquées pendant la nuit, guérissent les papules et les démangeaisons. Les autres espèces de laurier ont des vertus e fort analogues. La racine du laurier d'Alexandrie ou du mont Ida (XV, 39) accélère l'accouchement, a la dose de trois deniers dans trois cyathes de vin doux. Elle provoque l'expulsion de l'arrière-faix, et est emménagogue. Pris en breuvage, le laurier sauvage connu aussi sous le nom de daphnoïde (daphne laureola, L. ), ou sous d'autres noms que nous avons rapportés (XV, au), a les mêmes effets. La feuille fraîche ou sèche, prise à la dose de trois drachmes, avec du sel, dans de l'hydromel, relâche le ventre. Cette feuille évacue la pituite, excite le vomissement; elle ne vaut rien pour l'estomac. Avec quinze baies on se purge.

LXXXI. (IX.) 1. Le myrte cultivé, blanc, est moins utile â la médecine que le noir (XV, 37 ). Les baies sont un remède contre l'hémoptysie ; prises dans du vin, contre les champignons. Elles donnent à l'haleine une bonne odeur, qui dure même le lendemain. Aussi dans les Synaristoses ( les Femmes qui dînent ensemble), comédie de Ménandre, mange-t-on de ces baies. On les donne pour la dysenterie, à la dose d'un denier (3 gr., 85) dans du vin. Légèrement chauffées dans du vin, elles guérissent les ulcères rebelles des extrémités. On en fait un topique avec la polenta, pour l'ophtalmie et pour la maladie cardiaque (dans ce cas on l'applique sur la mamelle gauche); dans du vin pur, pour les piqûres des scorpions, pour les affections de la vessie, les douleurs de tête, les aegilops avant qu'ils suppurent, et les tumeurs. Après en avoir ôté les pépins, on les pile dans du vin vieux, et on les applique sur les éruptions pituiteuses.

2. Le suc des baies resserre le ventre, et est diurétique. Avec le cérat on en fait un topique pour les pustules, les éruptions pituiteuses et la morsure des araignées-phalanges. Il noircit les cheveux. L'huile de ce même myrte est plus adoucissante que le suc; il en est de même du vin (XV, 37) qu'on en tire, et qui n'enivre jamais. Ce vin, vieilli, resserre le ventre et l'estomac, guérit les tranchées et remédie aux dégoûts. La poudre des feuilles sèches jetée sur le corps arrête les sueurs, même dans la fièvre. En fomentation on s'en sert dans la maladie céliaque, dans la procidence de la matrice, dans les affections du siège, dans les ulcères humides, dans l 'érysipèle, dans la chute des cheveux, dans les dartres furfuracées, dans les autres éruptions, dans les brûlures. On la fait entrer dans les médicaments appelés lipares (gras), par la mérite raison qu'on y fait entrer l'huile des feuilles, très efficace pour les parties humides, telles que la bouche et la vulve.

3. Les feuilles mêmes combattent, pilées avec du vin, les champignons; avec de la cire, les maladies articulaires et les dépôts. Bouillies dans du vin, on les fait prendre en breuvage aux dyssentériques et aux hydropiques. Sèches, on les réduit en une poudre, dont on se sert pour les ulcères et les hémorragies. Elles guérissent le lentigo, le ptérygion, le panaris, les épinyctides, les condylomes, les affections des testicules, les ulcères de mauvaise nature. On s'en sert avec du cérat dans les brûlures. Dans les écoulements purulents de l'oreille on emploie et la cendre des feuilles, et le suc, et la décoction. Cette cendre entre aussi dans la composition des antidotes, ainsi que les tiges fleuries, qu'on met dans un vase de terre neuf et fermé d'un couvercle, qu'on brûle dans le four, et qu'on pile dans du vin. La cendre des feuilles guérit les brûlures. Pour empécher qu'une ulcération ne cause la tuméfaction des glandes de l'aine, il suffit de porter sur soi une branche de myrte qui n'ait touché ni à ta terre ni à aucun instrument de fer.

LXXXII. 1. Nous avons dit comment se faisait le vin de myrte (XIV, 19, 4 ). On s'en sert pour la matrice en pessaire, en fomentation, en liniment. Il est beaucoup plus efficace que l'écorce, les feuilles ou les baies. On exprime aussi un sue des feuilles les plus tendres, que l'on pile dans un mortier, en y ajoutant peu à peu du vin astringent ou de l'eau de pluie. On se sert de cette préparation pour les aphtes et les ulcérations du siège, de la vulve et du ventre, pour se noircir les cheveux, pour se frotter les joues, pour effacer le lentigo, et dans tous les cas où Il y a quelque astringence à exercer.

LXXXIII. 1. Le myrte sauvage( petit houx, ruseus aculeatus, L.), ou oxymyrsine, ou chamaemyrsine, diffère du myrte cultivé par ses baies rouges et son peu de hauteur. La racine en est estimée: bouillie dans du vin, on la fait prendre dans la douleur des reins et dans la dysurie, surtout quand l'urine est épaisse et fétide ; pilée avec du vin, dans l'ictère, et pour purger la matrice. Mêmes propriétés dans les jeunes pousses cuites sous la cendre et mangées en guise d'asperges. Les baies prises avec du vin, ou de l'huile, ou du vinaigre, dissolvent les calculs. Pilées dans du vinaigre et de l'huile rosat, elles calment les . céphalalgies. Prises en breuvage, elles guérissent l'ictère. Castor appelle ruscus l'oxymyrsine ou myrte à feuilles piquantes ( petit houx), dont les villageois font des balais. Les propriétés en sont les mêmes. Voilà ce que nous avions à dire sur les propriétés médicinales des arbres cultivés; passons aux arbres sauvages.