BIBLIOTHÈQUE DE PHOTIUS
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ANONYME
Résumé de textes prédisant la Chrétienté
cod. clxx.
La bibliothèque de Photius est un véritable trésor qui mériterait d’être publié dans notre langue ; j'en ai une traduction complète, et l’extrait que je vais en donner prouvera combien elle est nécessaire. J'y corrigerai deux fautes graves dans la version latine et une dans le texte grec de l'édition de Rouen, 1663, la seule dont fassent usage ceux qui ne connaissent pas l’édition de Bekker publiée à Berlin en 1824, et qui ne donne point de version latine. L’éditeur et traducteur latin a fait une quatrième faute dans une note jointe à son texte, ainsi qu'on va le voir.
Je vais à présent laisser parler Photius dans celui de ses extraits qui est numéroté 170.
Le Marquis de Fortia d'Urban.
» J'ai lu un ouvrage contenant un grand nombre de lignes,[1] ou plutôt une grande quantité de volumes. Il comprend quinze livres en cinq parties. On y trouve des autorités et des sentences extraites d'ouvrages entiers, non seulement grecs, mais encore persans, thraces, égyptiens, babyloniens, chaldéens, et même italiens, d'auteurs renommés par leur éloquence dans leurs pays respectifs.
» L'auteur s'attache à établir que ces autorités et ces sentences sont en harmonie avec la pure, céleste et divine religion des chrétiens. Il observe, à l'égard de la très sainte et consubstantielle Trinité, comment elle est enseignée et annoncée par les auteurs de ces ouvrages. Il parle aussi de l'avènement du Verbe dans la chair, des règnes divins, et de la croix, de la passion, de la sépulture et de la résurrection, de l'ascension et de la grâce inexprimable du S. Esprit descendu sur les disciples en langues de feu. Il fait aussi mention du second et terrible avènement du Christ, de la résurrection des morts, du jugement et de la récompense des actions de chacun d'eux pendant sa vie. Il ne s'arrête point là. Il traite encore de la création de l'univers, de la providence, du paradis, et d'autres objets de la même nature, de la vertu propre aux chrétiens et de ce qui en approche ; et sur tous ces points il s'attache a démontrer que les auteurs grecs, égyptiens, chaldéens et autres dont nous avons parlé, en ont fait l'objet de leurs exercices philosophiques, et les ont développés dans leurs écrits.
» Il ne s'est pas contenté de recueillir et de rassembler les autorités de ces écrivains ; il a encore mis à profit les écrits chimiques[2] de Zosime, né à Panopolis, dans la Thébaïde.[3] Il n'a pas négligé de fortifier ses assertions par des développements dans lesquels il explique le sens des expressions .hébraïques, et indique les lieux où chacun des apôtres prêcha la doctrine du salut , et la manière dont se terminèrent leurs travaux humains. A la fin de ces chapitres, il expose son avis particulier qu'il entremêle de sentences empruntées tant aux écrits des païens qu'à l'Ecriture sainte, et par lesquels il la confirme. C'est dans cette partie de l'ouvrage que l'on peut reconnaître l'amour de l'auteur pour la vertu et sa piété, que la calomnie ne peut atteindre.
» Quant à la forme de ses discours, peu s'en faut qu'ils n'en aient aucune, car sa composition est très négligée ; sa diction est telle qu'il ne s'est pas même abstenu d'employer des expressions de carrefour, et fort souvent le sens de ses écrits ne vaut pas mieux que le style. Quoique tout homme sensé ne puisse critiquer le travail ni le but de cet auteur, il n'en est pas toutefois ainsi de l'ouvrage ; car très souvent et dans plusieurs endroits il s'efforce d'adapter à nos diverses doctrines, non seulement des maximes qui y répugnent, mais encore des fables et des rêveries que leurs auteurs, tourneraient eux-mêmes en ridicule, pour peu qu'ils eussent de bon sens. Il ne craint pas d'avouer que ces discours sont en parfaite harmonie avec notre sainte religion. Mais il s'attache encore à donner à ces fables et à ces rêveries un sens extraordinaire et contourné, pour l'adapter à celui de nos vraies, pieuses, pures et sincères doctrines, de manière qu'aux yeux des personnes difficiles il paraîtra, non sans raison, avoir moins servi la religion, qu'offert des occasions de l'attaquer. Car ces personnes pourront prouver que quelques-uns des nôtres, pour affermir notre religion, qui n'a besoin d'aucun appui, étant seule pure et vraie, s'efforcèrent d'employer et d'harmoniser avec elle des arguments qui n'y ont aucun trait, qui, pour la plupart, y sont même contraires, et qui offrent entre eux et nos doctrines la même distance qui sépare les ténèbres de la lumière.
» L'auteur à entrepris cet immense ouvrage, ainsi que lui-même l’a déclaré, afin de prouver que la doctrine chrétienne, annoncée et prêchée chez toutes les nations par les hommes les plus éloquents de chacune d'elles, démontrerait que celles de ces nations qui ne se seraient pas rendues à cet enseignement divin, seraient inexcusables. Ce but est digne d'éloge ; mais, pour l'atteindre, il ne convenait pas de recourir à des arguments douteux et dépourvus de vraisemblance. Il valait mieux en employer d'autres que l'on pût comprendre ^ et auxquels on pût ajouter foi.
» Quant au nom de l'auteur de cette collection, je n'ai pu jusqu’à présent le connaître; car, il ne se trouvait point dans les manuscrits que j'ai vus. Cependant l'auteur nous apprend qu’il habitait Constantinople avec sa femme et les enfants qu'il en avait eus, et qu'il vécut après le règne d’Héraclius (mort en février 641 de notre ère). »
Le Zosime dont parle ici Photius est évidemment celui que Suidas dit aussi être né à Panopolis dans la Thébaïde d'Egypte. Il a écrit un ouvrage de chimie, Χυμευτικα, en 28 livres. Les manuscrits de Paris et de Vienne renferment divers traités détachés de ce Zosime qui ont peut-être appartenu, à cette composition volumineuse, tels que le Traité de la vertu de la composition des eaux, celui de l’Art sacré et divin de composer de l’or et de l’argent, celui de l’Art de construire des cheminées, etc.
Il existe de ce même écrivains cinq ouvrages intitulés de l’Art de faire la bière ; une Recette pour la teinture du cuivre, écrite sous le règne de Philippe, une autre recette pour celle du fer, une troisième pour faire des cristaux, , enfin sur la lessive de la calamine.
Ces cinq opuscules ont été publiés par un célèbre médecin d'Allemagne, Chr.-God. Gruner, sous le titre suivant Zosimi Panop. de Zythorum confectione fragmentum, Solisb. 1812, in 8°.
Ce que ce volume .renferme de plus curieux est l’histoire savante et complète de la bière de toutes les nations. Les recettes pour la teinture du cuivre et du fer ont été publiées d'après le manuscrit de Vienne, par Schneider dans ses Eclogae Physicae, partie des notes, pages 96 et 97.— Pélagius, De l’art divin et sacré a été publié en latin dans la collection de Pizimenti.[4]
Le traducteur latin de Photius, a eu complètement tort de confondre ce Zosime, avec Zosime l'Historien, dont Photius parle à son numéro 98.
[1] Le grec dit : πολύστιχον, ce qui signifie composé de beaucoup de lignes, de rangs ou de vers. Le latin dit multorum versuum. Rien ne prouve qu'il soit ici question de vers, et l'ouvrage de Zosime, qui va être cité, était écrit en prose.
[2] La version latine a traduit χειμευτικῶν par frigidis, faute grossière, dont aurait dû l'avertir la leçon χυμευτικῶν donnée dans les notes.
[3] Bekker met ici avec raison une parenthèse dans le texte. Le défaut de cette parenthèse dans le texte de l'édition de Rouen a fait faire un contresens au traducteur, qui a placé ici un alinéa mal à propos. Voyez la note qui suit cet article.
[4] Histoire de la Littérature grecque, par Scholl, vii, 210