Philon de Byzance

PHILON DE BYZANCE

 

TRAITÉ DE FORTIFICATION.

CHAPITRE IV

Chapitre III

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

CHAPITRE IV

 

L’ATTAQUE DES PLACES

 

 

 

 

 

 

1. — Voici comment on doit se préparer pour faire un siège.

Si l’on veut s’emparer d’une ville, il faut choisir, pour l’attaquer, l’un des jours où les citoyens ont coutume de célébrer quelque fête en dehors de leurs murs,[186] ou bien le temps de la moisson, ou celui de la vendange. Quand Lu auras, grâce à ces circonstances, capturé dans la campagne la plus grande partie des habitants, tu te rendras plus aisément maître de la place. Tu pourras encore attendre une nuit d’hiver, ou bien un moment où les ennemis seront pris de vin à la suite de quelque fête publique; alors, ayant des échelles toutes prêtes[187] et t’approchant secrètement du mur, tu t’empareras d’un certain nombre de tours.

2. — Si ces moyens ne réussissent pas et que la ville soit bâtie sur le bord de la mer, il faudra l’entourer complètement du côté de la terre, et, si tu as de grandes chaloupes, tu les placeras à l’entrée du port pour en interdire l’accès,

3. — Si la ville n’est pas sur le bord de la mer, tu établiras tes troupes dans les positions les plus favorables, que tu entoureras d’un palissadement de forme circulaire (περιχαρακώσας κύκλῳ)[188], autant que faire se pourra; puis tu placeras tes avant-postes (φύλακας) et tu commenceras le siège.

4. — D’abord, il faudra défendre aux soldats, par une proclamation, la dépréciation et le pillage; ensuite, après recensement exact, on distribuera les champs entre les différents corps d’infanterie et de cavalerie. De cette manière les soldats auront en abondance tout ce qui leur est nécessaire, et les citoyens seront plus disposés à faire ce que tu voudras, leurs biens n’étant pas trop dévastés.[189]

5. — Après cela, tu détruiras ou tu ruineras tout ce qui peut servir soit au bien-être, soit à la sécurité de la ville. Tu détourneras les eaux qui arrivent dans la place; c’est le meilleur moyen, d’une part de n’en point laisser aux assiégés, d’autre part de t’en assurer l’usage; car, avec tes machines, tu pourras t’en servir à ton gré.

6. — Si un fleuve baigne les murs de la ville,[190] ……………… afin que la chute d’une courtine ou d’une tour te permette de t’emparer de la ville.

7. — Si tu ne peux y arriver ainsi, il faudra, après avoir préparé toutes tes armes de jet, faire proclamer par la voix d’un héraut que tu donneras de brillantes récompenses à celui qui sera monté le premier sur les remparts ennemis, ainsi qu’au second et au troisième. Tu tenteras ensuite une première attaque contre les points les plus faibles du mur, au moyen d’échelles et de masques de mineurs; les citoyens, encore inexpérimentés dans les opérations d’un siège, seront peut-être assez effrayés pour que tu puisses enlever immédiatement la place de vive force : sinon, tu connaîtras au moins le nombre des défenseurs, leurs dispositions morales et la manière dont ils se comportent dans le danger.

8. — Cela fait, si les citoyens n’écoutent pas tes propositions, tu établiras un parapet muni de créneaux au-dessus de ton retranchement palissadé (ἔπαλξιν ἐπὶ τοῦ χάρακος θέμενος) et tu entoureras le camp d’un double fossé.[191]

Restitution du profil d’un retranchement de camp, d’après Philon.

Errata : on a oublié de représenter les traits qui relient le revêtement aux piquets en arrière.

9. — Il faudra construire les tours de charpente dans les.... Tu les feras mobiles sur des roues et pouvant tourner en tous sens, avec des rondins de palmier pour qu’elles résistent aux chocs.

10. — Tu commenceras à élever des portiques et à creuser des mines aux points favorables; si le pays est pluvieux .....................[192]

11. — …………………Ou bien, amenant des tortues de terrassier, tu combleras les fossés en évitent de ravager les champs, ce que tu seras toujours à même de faire lorsque cela te sera utile. Si tu ne peux les combler à cause de leur largeur et de leur profondeur, tu feras approcher une tortue de terrassier munie d’un radeau, à l’aide duquel tu feras passer tes soldats où tu voudras.[193]

12. — Tu feras ensuite les proclamations suivantes, de telle façon que les ennemis puissent les entendre: « Si quelqu’un indique l’emplacement des mines ou des tours de charpente ou d’autres choses semblables;[194] si quelqu’un, après avoir tué un fabricant de machines, ou quelque tireur renommé, ou un homme influent dans les conseils, vient à nous, on lui donnera des honneurs et des richesses. Si c’est un esclave, il recevra la liberté; si c’est un soldat (στρατιώτην) , il sera promu à un grade plus élevé; si c’est un hoplite métèque,[195] on lui décernera une couronne et des présents proportionnés à l’exploit qu’il aura accompli. Ces proclamations troublent très fort les esprits des ennemis et font que les assiégés ne donnent des armes ni aux métèques ni aux esclaves, tout en étant obligés de leur fournir les choses nécessaires à la vie, choses si précieuses en ces circonstances. De la sorte, le nombre des combattants sera moins considérable; on dépensera une plus grande quantité de vivres; peut-être même y aura-t-il une sédition dans la ville. Quant aux personnes inutiles qui viendraient à toi, garde-toi bien de les recevoir. En les accueillant, tu permettrais aux assiégés de faire durer plus longtemps leurs vivres.[196]

13. — Lorsque tu auras fait toutes ces choses, tu ouvriras des routes et tu y feras passer le cylindre[197] pour faciliter l’approche des tours de charpente; puis tu t’efforceras de les amener le plus vite possible près des murs, après les avoir cuirassées avec des rondins de palmier, des lames de fer et des corps mous, et y avoir établi des tuyaux (χολέδρας)[198] propres à conduire de l’eau jusqu’à la partie supérieure. Enfin, tu y placeras des pétroboles et des oxybèles, de façon à contrebattre chaque lithobole de douze mines (5,235 kg) et chaque [dorybole] de cinq spithames (1,15 m).[199]

14. — Ne laisse point deviner le lieu où tu comptes pousser ta véritable attaque; fais des démonstrations d’un côté et amène tes tours de charpente d’un autre, pour que l’assiégé s’épuise en préparatifs de défense.

15. — Fais porter au devant des colonnes d’attaque le plus grand nombre possible de tortues d’osier, afin que tes soldats puissent s’avancer en sûreté jusqu’au moment où ils auront à combattre.

16. — Quant à toi, te tenant dans les plus solides de tes retranchements, ton principal soin devra être d’envoyer des secours partout où cela sera nécessaire et de veiller à l’ensemble des opérations.

17. — Tu suivras une marche analogue quand tu auras à faire une attaque par mer. Tu placeras tes tours de charpente sur des olcas et des lembes et tu t’approcheras de la place.[200] Puis, lorsque, avec les plus grandes de tes chaloupes (σκάφη), tu auras forcé l’entrée du port, tu engageras, si tu as des navires pontés (καταφράκτη ναῦς) , la lutte avec l’aide de ceux de tes soldats qui seront les plus aguerris aux combats sur mer.

18. — Il faut rompre les barrières et les clôtures des ports, ou bien en les choquant avec les éperons des vaisseaux (ταῖς ἐμβολαῖς τῶν νεῶν), ou bien en les tirant au moyen d’ancres remorquées par des olcas.[201]

19. — Lorsque les tours de charpente auront été amenées près des remparts, tu rassembleras les soldats et tu leur feras connaître la proclamation citée plus haut (§ 7); puis tu commenceras l’attaque sur tout le pourtour de la ville, par terre et aussi par mer, si la mer baigne quelque endroit des murs. Tu inspireras ainsi plus de terreur à l’ennemi et tu diviseras mieux ses forces.

20. — Sers-toi, à la fois par terre et par mer, de tous les engins que la nature des lieux te permettra d’employer : projectiles de toute espèce, béliers, trépans, corbeaux et ponts.

21. — Fais que les colonnes d’attaque se succèdent sans interruption, de manière à avoir toujours en ligne des troupes fraîches; n’épargne rien pour que le combat continue sans relâche avec toute la violence possible.[202]

22. — Aie soin que l’on fasse beaucoup de bruit et de tumulte, et que les trompettes ne cessent de retentir vers les points les mieux fortifiés de la ville; les ennemis croyant qu’on attaque ces parties de l’enceinte, y courront en foule en abandonnant les courtines et te permettront d’enlever ainsi la place de vive force.[203]

23. — Quant à toi, il ne faut jamais t’exposer; car l’aide que tu apporterais aux tiens en combattant en personne ne saurait être mise en balance avec la fâcheuse position où ils se trouveraient si tu venais à être blessé.

24 — On devra choquer les courtines avec les éperons des navires les plus grands parmi les moins utiles, si la mer est suffisamment profonde, et s’il y a au devant du mur des jetées (προσβλητάς) assez faibles dont la rupture pourrait entraîner la chute du rempart.[204]

25. — Il faudra également avoir recours, avec le plus de mystère possible, à la mine (ὑπορύξεσι) des remparts, telle qu’ont coutume de la pratiquer aujourd’hui les mineurs (οἱ μεταλλεύοντες) . Si la galerie (τὸ ὅρυγμα) des contre-mineurs (τῶν ἀντιμεταλλευόντων) vient à rencontrer de face ou à croiser de très près celle de l’attaque, il faudra se servir de broches à embrocher les bœufs (βουπόροις) , de fortes javelines (γάῖσοις),[205] d’épieux (ζιβυναίς), de catapultes de trois palmes (0,32 m) et de pétroboles de dix mines (4,363 kg). On enfumera aussi ceux qui se trouvent dans les mines (ἐν τοῖς μετάλλοις). Ces procédés sont du reste communs aux assiégés et aux assiégeants.[206]

26. — Pour que ni les tours de charpente, ni les ponts, ni les tortues, ne puissent être incendiés, on doit les recouvrir de lames de fer, d’airain ou de plomb; on se servira aussi d’algues enfermées dans des filets, d’éponges humides et de peaux imbibées de vinaigre, d’eau ou de glu; ou bien encore on oindra de sang pétri avec de la cendre les bois du côté où ils sont le plus exposés au feu.[207]

27. — Les tortues d’osier ἁἱ γερροχελῶναι) se font avec des branches d’osier entrelacées, de façon à former une arête à la partie antérieure et à la partie supérieure; on les couvre de peaux. Le cadre inférieur est composé de poutrelles à section carrée et les montants de poteaux cylindriques solidement assemblés. Leur légèreté fait que les soldats les portent facilement.[208]

Tortue d’osier, fig. extr. de Héron.

28. — Les tortues que l’on établit sur les embarcations appelées lembes sont arrondies et recouvertes d’épais madriers à la partie supérieure; elles sont munies à la partie antérieure d’un sabord (ὑπόφαυσις) pour le tir des lithoboles.[209]

29. — Les tortues de terrassier (αἱ χωστρίδες) sont construites de la même façon que les précédentes; mais elles sont de plus montées sur des roues et munies par devant d’un toit destiné à protéger ceux qui se servent de cette machine pour combler les fossés.[210]

Tortue de terrassier, fig. extr. de Héron.

30. — Quant aux tortues bélières (αἱ κριοφόροι), elles ne présentent aucune de ces deux dispositions du côté de l’ennemi;[211] mais elles sont également portées sur des roues (ὑπότροχοι) et arrondies [par dessus]. On les munit, à la partie antérieure, d’amarres et de piquets (ἀντίτονα) pour s’opposer à l’action des filets jetés [par les ennemis].[212]

Tortue bélière, fig. ext. d’Apollodore.

31. — On s’opposera encore à l’action de ces filets, soit en les éloignant avec de longues perches placées obliquement contre le mur, soit en les brûlant avec des torches, soit en les coupant avec des sabres recourbés en forme de faux[213] que l’on devra porter en guise de poignard.

32. — Cette sorte de glaive est encore utile pour faciliter les escalades et pour couper le jarret aux ennemis.

33. — Pour se garantir des roues et des pierres que les assiégés font rouler, il faut faire avancer les tortues d’osier[214] ...

34. — Pour découvrir les vases de terre et les fosses couvertes,[215] on sondera le sol avec des siromastes.[216]

35. — Pour ne point être blessé par les portes couchées et par les chausse-trappes, il faut se servir d’endromides[217] comme chaussures. Quand on aura découvert une de ces portes, on la déterrera à l’aide de hoyaux fourchus (δικέλλαις);[218] on enlèvera les chausse-trappes avec des râteaux de jardinier.

 

Soldat enlevant des chausse-trappes, fig. ext. de Héron.          

 

 

 

36. — Pour franchir les fossés creusés [par l’ennemi], on jettera des ponts.

37. — On s’opposera à l’effet des pierres que l’assiégé fait tomber, en saisissant avec des mains de fer (χεῖρας σιδηρᾶς) les chaînes qui les retiennent.[219]

38. — Contre les chausse-trappes et les poutres que l’on suspend,[220] et contre les corbeilles que l’on dispose en avant (τούς προτιθεμένους φορμούς) , les assiégés devront se servir de faux.[221]

39. — Contre les béliers, les faux et les corbeaux,[222] il faudra avoir recours aux lanceurs (τοῖς ἐνετῆρσι) ,[223] aux antennes,[224] aux filets destinés à les saisir (τοῖς περιβαλλομένοις βρόχοις) , et enfin à d’autres béliers.

40. — Contre les matières incendiaires, contre les chausse-trappes enflammées,[225] contre les torches et contre les contremines,[226] on emploiera les moyens que nous avons déjà décrits.

41. — Quant aux paliures,[227] ou bien on les enfoncera sous des remblais, ou bien on les coupera pour combler les fossés.

42. — Pour garantir les portiques des coups des pétroboles, on usera de l’un des deux moyens suivants, selon que les projectiles arriveront par dessus ou par côté : dans le premier cas, on couvrira les portiques d’un triple clayonnage, et l’on mettra au-dessus des corbeilles remplies de paille et d’algues;[228] dans le second, on abritera les parois de la galerie par une levée de terre jusqu’à la couverture en osier. Contre les autres coups de toute nature, on se servira de corps mous.[229]

43. — Pour s’opposer à l’effet de l’eau que l’ennemi fait couler (sur le terrain des approches), il faut creuser des canaux d’écoulement.[230]

44. — Pour empêcher les assiégés de couper les cordages des ancres, on se servira de chaînes, si le mouillage est peu profond; mais si ……[231]

45. — Pour qu’on ne perce pas les navires, il faut surveiller les plongeurs ennemis en plaçant des gardes sur toute la circonférence du bâtiment, et faire flotter, autour de la coque, des madriers garnis de tridents du côté de l’extérieur.[232]

46. — Pour se débarrasser des enrochements sous-marins (ὑποχώσεις)[233] et des pierres que les assiégés envoient du haut des murs et des avant-murs sur les attaques de terre, il faudra employer, sur mer, des dragues à nettoyer les ports et des harpons (ἁρπάγας) de fer;[234] sur terre, quand on sera arrivé à ces obstacles, on devra avoir recours à des tortues de terrassier, à des pinces, à des hoyaux fourchus et à des chars.[235]

47. — Si quelqu’une de tes tours de siège vient à avoir l’un de ses côtés endommagé, il faudra tourner vers l’ennemi un côté en bon état et refaire celui qui a souffert.

48. — Quand il se présentera d’autres circonstances, guide-toi sur ce que je viens de te dire et ingénie-toi pour y parer.

49. — Si tu peux faire durer longtemps le siège, tâche de persuader aux ennemis que tu n’as que peu de temps à rester devant leur ville, afin qu’ils consomment leurs provisions sans économie, qu’ils ne se préparent point aux attaques futures et ne fassent point venir de troupes auxiliaires.

50. — Si, au contraire, tu ne disposes que de peu de temps, il faut menacer les ennemis d’un long siège, afin que, effrayés de ce qui se prépare dans l’avenir, ils t’accordent plus tôt ce que tu leur demandes.

51. — Efforce-toi de te procurer les ressources qui sont à l’intérieur de la ville, soit en les faisant soustraire, soit en faisant acheter sur le marché aux meilleures conditions possibles,[236] soit enfin en inventant, pendant les armistices, quelque bon prétexte pour persuader aux assiégés que tu n’enverras plus de cavalerie dans l’intérieur [du pays], et que tu cesseras de faire surveiller les lieux où ils ont l’habitude de mener paître leurs troupeaux; tu leur dresseras alors des embuscades et tu les laisseras tranquillement s’avancer jusqu’à ce qu’ils arrivent près de tes troupes. Parais à ce moment et empare-toi d’eux.[237]

52. — Ne laisse gaspiller aucune des choses qui pourront t’être utiles pendant la durée du siège, comme la paille ou le foin : on s’en servira pour nourrir les troupeaux, si précieux au point de vue de l’hygiène et de l’alimentation, à cause du lait qu’ils fournissent et de leur chair que l’on peut découper et vendre en détail; leurs peaux servent, en outre, très avantageusement à recouvrir les tours de charpente, les béliers, et à d’autres usages importants.

53. — Ne regarde pas à l’argent soit pour corrompre tes ennemis, soit pour faire d’autres dépenses; car, en prenant la ville, tu rentreras bien largement dans tes déboursés.

54. — Il te faut avoir des guérites de cuir,[238] et veiller à ce que ceux qui lancent des projectiles du haut de ces guérites (οἱ ἐκ τῶν καρβατίνων βάλλοντες) , ainsi que les servants des lithoboles (οἱ λιθοβόλοι) , les archers (οἱ τοξόται) et les frondeurs (οἱ σφενδονῆται) , soient très nombreux et très habiles, afin de blesser dans les attaques le plus grand nombre possible d’ennemis; car, pour toi, que les ennemis soient morts ou simplement hors de combat, le résultat est le même.

55. — Quant à toi, te tenant hors de la portée du trait ou accompagnant tes troupes sans t’exposer, tu exhorteras les soldats, tu distribueras des éloges et des récompenses aux braves; tu accableras d’injures et tu puniras les lâches. De cette façon, tous se conduiront vaillamment au moment du danger.

56. — Lorsque la ville sera prise, il faudra avoir grand soin que les soldats ne s’élancent point au pillage; car ils s’exposent ainsi à s’entretuer, ou à se faire massacrer par l’ennemi et rejeter hors de la place. De plus, ils exaspèrent les habitants et les rendent incapables de supporter les réquisitions et les impôts, de sorte que toutes tes peines se trouveraient sans résultat et les richesses gaspillées. Tu te verrais enfin exposé à la haine de tous sans pouvoir seulement donner les vivres et la solde à tes troupes.

57. — Quand on s’empare d’une ville, il faut d’abord occuper les remparts, la citadelle, la place publique, la caserne (τὸ στρατόπεδον) et les autres lieux qui pourraient être fortifiés. Si tes troupes ne sont pas assez nombreuses, tu établiras seulement des postes dans les tours et les autres lieux les plus propres à te maintenir dans la place.

58. — Si tu ne peux prendre la ville à force ouverte parce qu’elle est trop bien fortifiée, tu essaieras tous les moyens de t’en emparer, soit par surprise, soit par trahison, soit par famine.

59. Pour t’en emparer par surprise, tu feras amener la nuit des échelles de cuir, qui sont cousues comme des outres et dont les coutures sont ointes avec de la graisse. On fixe à leur partie supérieure des échelles de corde qui sont nouées et cousues comme des filets; celles-ci ont à leur extrémité des crochets pour saisir, quand on les jette, les pointes des créneaux τὰ ἄκρα τῶν προμαχώνων).[239]

Echelle de cuir, fig. ext. de Héron

60. On se sert aussi de clous de fer trempés et aiguisés, que ceux qui montent enfoncent, avec des maillets de fer, dans les fissures naturelles des rochers, dans les joints des murs de pierre et dans les murs de briques.[240]

61. — On peut encore lancer sur les parapets des crochets de fer munis de cordes à nœuds, le long desquelles des soldats exercés montent très facilement; c’est ce qui se pratique en Egypte.

62. — On prend les villes par la trahison, soit en faisant venir quelqu’un des citoyens comme pour traiter des conditions de la paix, soit en envoyant dans la place des ambassadeurs ou des hérauts avec des lettres secrètes, et en distribuant des signes de reconnaissance (σύμβολα)[241] et de l’argent.

63 — Les lettres secrètes s’écrivent sur un chapeau de feutre (εἰς καυσίαν) neuf[242] ou sur la peau, avec une infusion de noix de galle concassée. Quand les caractères sèchent, ils deviennent invisibles ; il suffit pour les voir reparaître de les mouiller avec une éponge imbibée d'une dissolution de sulfate de cuivre (χαλκοῦ ἄνθος), comme quand on prépare l'encre (ὣσπερ ἐν ὕδατι τὸ μέλαν.)

64. — Tu pourras aussi les écrire sur une petite membrane que tu colleras à la partie supérieure d'un chapeau à double fond, ou à l'intérieur de la couronne [d'un casque] (01), ou bien sur un petit morceau de cuir que tu coudras entre les deux semelles d'un soulier, ou bien encore sur une vessie que tu feras entrer dans une fiole vide (02) d'une dimension convenable ; puis tu gonfleras la vessie en soufflant dedans, tu l'humecteras, tu l'égoutteras, tu la fixeras près du goulot à l'intérieur avec de la colle et tu la rempliras d'huile pour qu'elle devienne invisible ; tu l'enverras alors, et celui qui la recevra jjourra lire facilement ce qui est écrit dessus.

65. — Il y a bien d'autres manières d'envoyer des lettres en secret, comme je le montrerai dans mon traité des Messages secrets.

66. — Si, avec des lettres envoyées secrètement, tu n'aboutis à rien, adresses-en d'autres à ceux qui dirigent les affaires de la cité ;. tu leur promettras de l'argent et de grandes récompenses. Ces lettres venant à être connues ne tarderont pas à exciter une sédition dans la ville.

67. — Pour prendre la ville par la famine , il faudra d'abord l'enfermer dans des lignes palissadées (περιχαρακῶσας); puis , choisissant dans les environs une forte position , tu l'entoureras d'un mur (περιτειχίσας) et tu y posteras un corps d'observation dans lequel tu auras pleine confiance : ces troupes devront veiller à ce que rien ne puisse entrer dans la cité ni par terre ni par mer. Après avoir pris ces dispositions, tu pourras vaquer à d'autres aflaires et tu finiras par t'emparer de la ville, soit en la réduisant par la force, soit en la domptant par la faim , sans éprouver de retard dans le reste de tes
entreprises.

68. — Si tu apprends que des troupes se préparent à porter secours aux ennemis et que tu ne te sentes pas la force de leur résister, traite au plus tôt avec la ville, si elle y consent ; impose-lui la plus forte contribution possible et retire-toi avant que l'armée de secours ne s'approche. Mais , si les assiégés refusent de te donner de l'argent, pille et dévaste leur territoire, puis pars en prenant toutes les précautions nécessaires pour lever le camp en sûreté.

69. — Si, au contraire, tu as des troupes soit égales, soit supérieures à celles qui s'avancent, il faudra, dans le cas où tu devrais être attaqué par terre, te fortilier de tous côtés et le plus solidement possible par des palissades, par des fossés et même par des murailles (τοιχοποιία) (03).

70. — Tu amèneras ensuite dans ton camp les viandes, le fourrage, le blé et tout ce qui peut servir à la nourriture; puis, après avoir formé autour de ces approvisionnements une enceinte munie d'une palissade et d'un fossé, tu y mettras en réserve ce que tu jugeras convenable. Une partie de ce qui restera sera vendue, et l'autre sera distribuée par corps à l'infanterie et à la cavalerie.

71. — Quant aux. fourrages et au blé que tu n'aurais pu apporter dans ton camp, il faudra les brûler.

72. — On empoisonne aussi les vivres et les sources quand l'ennemi s'approche; nous avons indiqué comment on doit s'y prendre dans notre traité sur les Préparatifs de guerre (ἐν τοῖς παρασκευαστικοῖς) (04).

73. — Cela fait, tu établiras aussi solidement que possible les grands-gardes (φύλακας);[243] il est nécessaire en outre d’avoir de petits postes (ἐκκοιτίαι) [244] pour la nuit. Pendant le jour, tu devras occuper les lieux favorables pour observer le pays et envoyer en avant des vedettes (κατασκόπους)[245] sûres et prudentes, afin qu’aucun corps ennemi ne puisse s’approcher à ton insu.

74. — Avant tout, essaie de corrompre les généraux ou les autres chefs (τοὺς στρατηγοὺς ἢ τοὺς ἡγεμόνας), en leur donnant de l’argent et en leur promettant des récompenses; car, si tu parviens ainsi à les mettre de ton côté, tu es sûr de la victoire. Il n’y a pas de stratagème qui puisse être comparé à celui-là; et, quand la ville sera prise, tu t’indemniseras largement de tes dépenses sur les biens des vaincus.

75. — Si tu ne peux y arriver, tu corrompras les guides de l’armée (τοὺς ἡγουμένους τοῦ στρατοπέδου);[246] tu dresseras alors des embûches ou tu t’empareras des positions favorables pour tomber sur les ennemis, à la faveur de la unit, au moment où ceux-ci traceront le camp, avant qu’ils n’aient creusé le fossé et planté les palissades. C’est le moment le plus favorable pour les tailler en pièces.

76. — Si tu dois résister à une attaque par mer, ferme, si tu le peux, par une jetée l’entrée du port. Si cela n’est pas possible, il faudra l’obstruer avec des olcas et tous les navires qui seront susceptibles de servir à cet usage puis, avec les bois que tu auras sous la main tu construiras un radeau [organisé pour la défense] (σχεδίαν)[247] que tu fixeras à ces embarcations.

77. — Observe attentivement les signaux qui seront faits au moyen de flambeaux allumés (τοὺς φρυκτούς) et fais bonne garde, surtout la nuit, afin que l’armée de secours ne te surprenne pas en entrant dans la ville du côté opposé à la mer.

78. — Si tu te trouves avoir des forces navales à peu près équivalentes à celles de ton adversaire, tu devras tenter le combat. Tu choisiras dans tes troupes les soldats les plus vaillants et le plus expérimentés, et tu les placeras sur les ponts des navires ; tu donneras les ordres pour qu’on ne cherche ni à désarmer (ἀκρωτηριάζειν), ni aborder (ἀναβαίνειν) les vaisseaux ennemis, mais pour qu’on les coule avec l’éperon (τῷ χαλκώματι χρᾶσθαι). Tu attaqueras ensuite, en disposant ta flotte en forme de croissant[248] les navires les meilleurs, ceux qui obéissent le mieux soit à la voile, soit aux rames, seront aux ailes; les navires non pontés (τὰ ἄφρακτα) et les bateaux de charge seront au milieu à côté du radeau.

79. — Quand tu seras à portée de l’ennemi, tu embraseras ses navires avec des matières incendiaires (τοῖς πυροφόροις) , des chausse-trappes enflammés (τοῖς ἡμμένοις τριβόλοις) ,[249] de la poix, si tu en as, et des torches. Il faut que tes marins lancent la plus grande quantité, possible de flèches et d’autres projectiles. Tu tâcheras de couler et d’incendier les bâtiments des ennemis, soit à l’aide des machines qui sont à terre, soit avec des tours de charpente portées sur des bateaux, soit enfin en les brisant à l’aide d’autres navires. Quand tu auras ainsi porté la plus grande confusion chez ton adversaire, soit qu’il résiste, soit qu’il se retire, tu engageras la mêlée en réunissant tes ailes; tu submergeras ses vaisseaux en les prenant de flanc, ou bien tu briseras et tu incendieras, comme nous l’avons dit plus haut, ceux qui t’attaqueront de front.

80. — Si tu les surprends naviguant à la débandade, tu t’avanceras sur eux avec toute ta flotte rangée en ordre; tu t’efforceras de couler et d’incendier ceux qui te résisteront. Quant à ceux qui tenteront de fuir, il faudra, après les avoir pris, briser leur gouvernail, enlever leurs rames et les conduire à terre.

81. — Si tu n’as point de flotte, sers-toi du feu et des traits pour empêcher l’ennemi de faire quelque chose; on peut, de cette façon, continuer à assiéger la ville sans être trop incommodé par la flotte de secours.

 

 

 

[186] Cf. Ænéas, xvii. On sait que les anciens avaient un grand nombre de cérémonies religieuses caractérisées par des processions qui se faisaient en dehors de la cité. Telles étaient les fêtes de l’enceinte (amburbalia) et celles du territoire (ambarvalia). Pausanias (i, 30) décrit les courses aux flambeaux que l’on voyait à Athènes dans une foule de circonstances et qui s’exécutaient au delà du mur d’enceinte dans les jardins de l’Académie.

[187] Cf. Philon, iv, 59.

[188] J’ai lu quelque part, dans un auteur moderne, que les Grecs avaient l’habitude de donner la forme ronde à leur camp; mais je n’en ai trouvé d’autres preuves, dans les auteurs anciens, que ce passage de Philon. Onosander la recommande bien, il est vrai (le Général, chap. xiii), en donnant pour raison que cette forme permet moins facilement que les autres à l’ennemi d’évaluer les forces renfermées dans le camp; mais l’auteur des Cestes (ch. lxxvi, Vet. Math., p. 314) la rejette. « Il n’est pas bon, dit-il, de donner à un camp la forme circulaire, à cause de la facilité qu’elle fournit à l’ennemi de l’entourer dans son attaque. Il vaut mieux la tracer en carré; alors les ennemis, ou bien n’attaqueront qu’un côté, ou bien seront forcés d’étendre et de diviser leurs forces pour en attaquer deux, trois ou même quatre. L’avantage de cette figure se montre encore lorsqu’on peut protéger un côté en l’appuyant soit à quelque ravin, soit à quelque autre obstacle sûr. Dans ce cas, il faut donner au quadrilatère des côtés inégaux, afin de placer le plus grand du côté du fleuve. Nous ferons observer que Philon n’indique le camp de forme ronde que pour le cas où l’on n’a pas à redouter les entreprises de l’ennemi; dans le cas contraire, il prescrit (i, 37; iv, 69) le tracé en crémaillère, qui ne s’applique convenablement qu’à des côtés en ligne droite.

Xénophon (Lacedémon., xii) dit que les Lacédémoniens campaient en rond toutes les fois que le terrain n’imposait pas de disposition différente, parce que les angles d’une fortification sont difficiles à défendre. Les autres Grecs adoptèrent cet usage: on en vint même chez les Athéniens à désigner simplement par le mot o kukloV le camp que les assiégeants avaient coutume d’élever devant la ville ennemie, au moment où ils commençaient l’investissement (Cf. Thucyd., vi, 98, 99, 101, 102.)

[189] On lit dans Polyen (Timothée V): « Timothée, ayant assiégé une certaine ville, marqua un certain espace dans lequel il permit à ses soldats de faire du butin. Dans tout le reste du pays, il fit enlever ce qu’il y avait de bon et le vendit. Il ne voulut pas qu’on démolit aucune maison ni cabane: il défendit de couper aucun arbre fruitier et voulut qu’on se contentât d’en prendre les fruits. Sa vue était, dans cette conduite, que, s’ils étaient vainqueurs, les tributs seraient plus abondants; que, si la guerre traînait en longueur, ils auraient toujours des vivres et de quoi se loger; enfin, et c’était là l’important, qu’on s’attirerait par cette modération la bienveillance des habitants »

[190] Il y a ici une lacune évidente, et je crois qu’il faut ainsi restituer la phrase: Si un fleuve baigne les murs de la ville et que ceux-ci soient en briques crues, il faut barrer le fleure pour en élever le niveau, afin que la chute, etc. Plusieurs villes de l’antiquité avaient, en effet, leurs remparts composés de briques crues avec un soubassement en maçonnerie c’est ainsi notamment qu’étaient construits ceux d’Athènes (O. Müller, De munimentis Ath.) et de Mantinée (Xénophon, Hell., v, 2, 4; Pausanias, viii, 8. 5). Les anciens avaient déjà remarqué que les murs de briques résistaient mieux aux chocs que les murs de pierre (Pausanias, loc. cit. Vitruve, ii, 8, 9); mais les briques, quand elles étaient crues, avaient un très grand inconvénient, celui de se désagréger sous l’action de l’eau. Xénophon (l. c.) raconte que, quand les Spartiates, sous la conduite d’Agésipolis, assiégèrent Mantinée (385 av. J.-C.), ils coupèrent par une digue le fleuve qui baigne la ville, et forcèrent ainsi le niveau de l’eau à s’élever jusqu’au-dessus du soubassement en pierre des murailles; celles-ci, détrempées à leur base, finirent par s’écrouler. Ce ne peut être qui un évènement de ce genre que Philon fait allusion.

[191] On remarquera la double opération qu’indique Philon pour l’établissement du camp. La première consiste à élever tout à l’entour une palissade destinée à parer le plus tôt possible aux surprises. Par la seconde, on complète cette barrière insuffisante en creusant deux fossés: on rejette les terres en arrière de façon à former une banquette élevée dont les palissades constituent le revêtement extérieur, en ayant soin de fortifier ces palissades par des piquets et des harts placés dans l’intérieur du remblai; puis, sur la banquette, on établit une nouvelle palissade, que l’on relie à l’ancienne et que l’on clayonne de façon à former des créneaux et des merlons. Les anciens employaient généralement un double fossé devant leurs retranchements, ainsi qu’on peut le voir encore au siège d’Alesia par César. Cela tient, je crois, à ce que, grâce à l’élévation de leur banquette, ils pouvaient plonger dans le fossé extérieur et lancer leurs javelots sur l’ennemi qui y était arrêté. On pouvait encore y avoir recours, pour un motif analogue, quand les grenades à main étaient en usage; mais aujourd’hui que nous n’employons plus que des armes à longue portée et la baïonnette, un large fossé unique est à peu près aussi efficace et présente beaucoup moins de difficultés pour sa construction. — Cf. Vég., i, 24; Strat. An., xxix.

Il est probable que la braye ménagée entre les deux fossés était souvent palissadée comme dans la fortification permanente. (Cf. Philon, i, 2-48.) On peut expliquer ainsi un passage obscur du récit du siège de Syracuse par Thucydide (vi, 102). Cet historien raconte que, dans une sortie, les Syracusains se portèrent contre le retranchement circulaire des Athéniens et en détruisirent l’enceinte extérieure sur une longueur de 10 plèthres.

[192] Τὰς στοὰς οἰκοδομεῖν, καὶ τοὺς ἐπιτηδείους τόπους ὑπορύττειν, ἐὰν μὲν ὕπομβρος ἦν ὁ τόπος... Je suppose ici une lacune. — Cf. Strat. An., xiii, 4.

[193] Cf. Poliorcétiques de Héron, xxi, 1.

[194] Le texte est ici corrompu : il faut sans doute lire σημαίνειν au lieu de σίδερον. - L’assiégé partait souvent en galeries de mines pour aller creuser le sol au-dessous des tours de l’attaque et les faire effondrer (Végèce, iv, 20). De plus, quand il voyait ces tours s’approcher du mur, il en élevait lui-même en charpente pour se conserver l’avantage du commandement, et quelquefois, par ruse, il les dissimulait derrière un rempart, afin que l’ennemi ne fût pas porté à élever davantage les siennes; puis, au dernier moment, il les soulevait avec des câbles et des poulies. — Cf. Végèce, iv, 19.

[195] Métèque, étranger autorisé à fixer son domicile dans la ville.

[196] On sait avec quelle impitoyable rigueur les Romains assiégeant Alesia (César, De Bell. Gall. vii) et les Prussiens bloquant Metz repoussaient dans ces malheureuses villes tous ceux que la famine en chassait.

[197] Ὁδοποιήσας, καὶ φαλαγγώσας τὰς προσαγωγὰς τοῖς μηχανήμασι... - Cf. Philon, iii, 39. — Le rouleau des ponts et chaussées n’est pas, on le voit, d’invention nouvelle. — Cf. Vitruve, x, 2.

[198] Cf. Philon, iv, 26. — On lit dans Apollodore : « Il faut, dans les parties des tours exposées aux projectiles incendiaires, se servir, à la place de tuyaux, d’intestins de bœuf pour conduire l’eau aux étages supérieurs ; des outres pleines d’eau sont placées à l’extrémité des tuyaux; comprimées et pressées, elles envoient l’eau. Si le feu venait à prendre à quelque partie éloignée où il fût difficile d’accéder et que l’on n’eût pas la machine dite siphon, il faudrait prendre des roseaux comme ceux dont se servent les oiseleurs; en les réunissant bout à bout, on enverrait l’eau où l’on voudrait. (Edit. Wescher, p. 173.) — Le siphon dont parle Apollodore n’est pas autre chose que notre pompe à incendie que Héron d’Alexandrie décrit (V. M., p. 180). — Au siège d’Egine, Philippe de Macédoine avait fait placer au premier étage des tours d’attaque « de grands récipients contenant de l’eau et les autres munitions nécessaires pour éviter tout incendie. » (Polybe, ix, 8.)

[199] Cf. Philon, iii, 4, 42.

[200] Cf. Héron, xxv.

[201] Cf. Philon, iii, 29, 30.

[202] Voir dans Diodore de Sicile (xiii, 54-56) le récit du siège de Sélinonte.

[203] Cf. Héron, i, 1.

[204] Cf. Philon, iii, 35; Strat. An., xi, 3; Comp. sur la déf. des places, 20.

[205] Le texte porte γάρσοις, qui n’est pas grec et que le traducteur latin a rendu par virgis. Cette leçon est évidemment mauvaise, car le bâton n’est pas une arme suffisante. Le γαῖσον, forte javeline toute en fer, était l’arme nationale de nos pères les Gaulois; mais Stace, dans sa Thébaïde (iv, 64), nous apprend qu’elle était également en usage chez les Grecs.

[206] Cf. Philon, iii, 5; iv, 10; — Héron, i, 12; — Ænéas, xxxvii.

[207] Cf. Philon, iv, 13;— Héron, v, xx, 5;— Ænéas, xxxiv. — L’auteur des Cestes (ch. 38) dit qu’on préserve les murailles de l’action du feu en les humectant de vinaigre.

On lit dans le Journal des savants (avril 1847, p. 214) un article de M. Chevreul, qui montre le degré de confiance que l’on doit avoir dans la plupart des recettes analogues. « Les anciens, dit le savant chimiste, attribuaient au vinaigre, à l’exclusion de l’eau, l’effet d’éteindre plusieurs mélanges incendiaires, et ils croyaient que le vinaigre, doué de la faculté de mouiller et même de dissoudre les matières inflammables résineuses, devait en éteindre la flamme... A cette assertion, nous ne ferons qu’une objection, c’est que le vinaigre ne dissout les résines qu’à l’état concentré (acide acétique radical) et qu’alors il est lui-même inflammable. »

[208] Cf. Héron, i, 5.

[209] Voir le siège de Rhodes par Démétrius Poliorcète dans Diodore de Sicile (ch. xx), et les observations de Folard à ce sujet (Comm. sur Polybe, t. iii. p. 53).

[210] Cf. Héron, i, 8.

[211] Elles n’ont ni le sabord des tortues construites sur des barques, ni le toit des tortues de terrassier.

[212] Ces amarres et ces piquets servaient à fixer au sol la partie antérieure de la tortue que les assiégés cherchaient à soulever en accrochant avec des filets soit la tortue elle-même, soit la tête du bélier.

[213] Cette arme, appelée ξιφοδρέπανον en grec et ensis falcatus ou hamatus en latin (Ovide, Métam., i, 718; iv, 726; v, 80), se voit souvent dans les peintures et bas-relief antiques entre les mains de Mercure et de Persée, ou seule sur des tauroboles. La figure du § 34 représente une de ses formes les plus ordinaires.

[214] Cf. Philon, iii, 27; iv, 15; — Héron, i, 2.

[215] Cf. Philon, i, 48; iii, 28; — Héron, i, 9.

[216] La siromaste (σειρμάστα) était, suivant Hésychius, une espèce de lance. Ducange, dans son Glossaire grec, prouve qu’elle devait être assez semblable aux sondes dont se servent les employés de l’octroi. Elle était en usage chez les Hébreux.

[217] L’endromide (ἐνδρομίς) est une espèce de brodequin montant jusqu’à la naissance du mollet et lacé par devant. L’extrémité du pied est découverte et les orteils ont le jeu libre. Cette chaussure était portée, dans l’origine, par les chasseurs de Crète, et elle fut adoptée par les artistes grecs pour Diane chasseresse. — Héron le jeune dit (Poliorcétiques, i, 10) qu’il faut avoir, pour se préserver des chausse-trappes, des semelles de bois; l’empereur Léon répète la même prescription; l’auteur des Cestes conseille (ch. lxix) des plaques de plomb sous les souliers. — La gravure du § 35 est tirée d’une vieille édition des Machines de guerre de Valturius.

[218] Cf. Philon, iii, 28. — Un des, Plus curieux exemples de l’emploi de ces portes garnies de clous dans l’antiquité se rapporte au siège de Mégalopolis par Polysperchon. — Au siège de Metz, en 1552, « on avait piqué, dit Vieilleville, un nombre infini d’aisses (ais) semés de pointes, de dagues et d’espées, de chausse-trappes, et mille inventions pour la défense d’une brèche. »

[219] On appelait main de fer un crampon fixé à l’extrémité d’une chaîne de fer. — Le corbeau (κόραξ) était un engin analogue dans lequel la chaîne de fer était remplacée par un manche. Les historiens anciens confondent souvent ces instruments entre eux et avec le harpon (ἁρπάγη ou ἅρπαξ, en latin harpago). — Cf. Philon, iv, 39. — Un instrument de cette catégorie a été recueilli, en 1862, sur le champ de bataille où Verginius Rufus défit Vindex. (A. Castan, La bataille de Vesontio et ses vestiges, dans les Mém. de la Soc. d’Emul. du Doubs, 3e série, t. VII, p. 488.)

[220] Cf. Philon, iii, 3, 23. — Ænéas, xxxii, 3. — On suspendra, dit l’empereur Léon (Inst., xvi), aux créneaux avec des cordes de grosses poutres, des tronçons d’arbres et des meules pour les laisser tomber sur les échelles de l’assaillant. » — Au siège d’Utique par Scipion, l’assiégé amortissait le choc du bélier au moyen de poutres suspendues transversalement.

[221] Cf. Philon, iii, 19; — Diod. de Sic., Siège de Tyr. — Au siège de Massada par Vespasien, Josèphe, qui défendait la place, avait fait pendre devant le mur, pour amortir le choc du bélier, une grande quantité de sacs remplis de paille ; les Romains coupèrent, avec des faux emmanchées de longues perches, les cordes qui retenaient les sacs. (Josèphe, Antiq. Jud., iii, 15.) — On lit encore dans Polyen chap. x, 15): « Timothée assiégeait Torone. Ceux de la ville élevaient des cavaliers fort hauts par le moyen de poches de cuir et de corbeilles pleines de sable. Timothée prépara de grandes machines, où il y avait des mâts avec des pointes de fer et des faux. Par le moyen des pointes, on déchira les poches de cuir et avec les faux on rompit les corbeilles. Les Toroniens, voyant cela, se rendirent. »

[222] Cf. Philon, iii, 10; iv, 37. note.

[223] Cf. Philon, iii, 9.

[224] Cf. Philon, iii, 7; — Strat. an., xiii, 28.

[225] Cf. Philon, iii. 3, 8, 23, 41.

[226] Cf. Philon, iii. 5; iv. 25.

[227] Cf. Philon, i, 42.

[228] César (De bell. civ. II), parlant du siège de Marseille par son lieutenant Trébonius, dit que cette ville était si bien pourvue de machines qu’il n’y avait pas de mantelets d’osier qui pussent y résister. Leurs balistes lançaient des poutrelles de 12 pieds de long garnies de pointes de fer par le bout, lesquelles perçaient quatre rangs de claies et entraient encore assez avant dans la terre : on fut donc obligé de couvrir les galeries de pièces de bois d’un pied d’épaisseur, à l’abri desquelles on se passait de main à main ce qui était nécessaire pour la construction de la terrasse. »

[229] Cf. Philon, iii, 8, 9; — Héron, i, 4. — Voir, dans Polybe, le siège d’Egine par Philippe.

[230] Cf. Philon. iii, 9;— Ænéas, xxxii, 4, note. — Vitruve (liv. X, ch. xvi raconte que les Rhodiens empêchèrent l’hélépole de Démétrius de s’approcher de leurs murs, en couvrant d’eau, d’immondices et de telle glaise au moyen de tuyaux traversant le rempart. le sol sur lequel elle devait passer.

[231] Cf. Philon, III .36. — Ce paragraphe a été altéré, et je n’ai pu trouver un sens plausible au second membre de phrase dont voici le texte : πρὸς δὲ τὰς ἀποτμήσεις τῶν ἀγκυρίων, ἐὰν βραχὺς ὁ τόπος, ἁλύσεις· ἐὰν δὲ τεδίονες τὰς ἀγκύρας τῶν πύργων χῶναι καυέζουσι. — Il y a dans Arrien (liv. II, Siège de Tyr), un passage qui se rapporte à cet ordre d’idées « Les Tyriens s’avançaient d’ailleurs sur des vaisseaux couverts, se glissaient jusqu’aux câbles des ancres qu’ils coupaient et s’opposaient à l’abord de l’ennemi. Alexandre, couvrant de même plusieurs triacontères, les disposa en flanc pour défendre les ancres de l’approche des Tyriens. Alors leurs plongeurs venaient couper les cordes entre deux eaux; pour les éviter, les Macédoniens furent réduits à jeter l’ancre avec des chaînes de fer. »

[232] Cf. Philon, iii, 36.

[233] Lisez ὑποχώσεις pour ὑποχωρήσεις. -  Cf. Philon, iii, 29, 35; iv. 24; — Vitruve, liv. X. chap. xvi, Siège de Chio; Diod. de Sic., liv. XX, ch. lxxxvii, Siège de Rhodes.

[234] Cf. Philon, iii, 35, 39. — On lit dans Arrien (liv. II, Siège de Tyr) « Les bâtiments de charge et les trirèmes qui devaient porter les machines des assiégeants au pied des murs étaient arrêtés par les quartiers de roc jetés par les Tyriens pour en barrer l’approche. Alexandre ordonna de la débarrasser; mais il était difficile d’ébranler ces masses, vu que les vaisseaux n’offraient qu’un point d’appui mobile... Cependant, à l’aide de câbles, on tira des eaux les quartiers de pierre accumulés devant la place; les machines les rejetèrent au loin à une distance où ils ne pouvaient plus nuire; l’approche des murs devint facile. »

[235] « Démétrius fit construire, en outre, deux tortues, l’une pour protéger les terrassiers, l’autre pour le bélier; il y ajouta des portiques où les ouvriers pouvaient travailler en sûreté, et il employa les équipages des navires à niveler, dans une étendue de quatre stades, le sol sur lequel les machines devaient passer. (Diod. de Sic., Siège de Rhodes, xx, 91.)— Cf. Strat. An., xiii, 24.

[236] Cf. Comp. sur la déf. des places, 3. — Ces prescriptions se rapportent sans doute surtout à l’époque qui précède le siège. — Les lois (l’Athènes défendaient l’exportation de tous les produits du territoire. l’huile exceptée (Plutarque, Solon, 24; Ulpien, Dise. de Dém. à Timoc., p. 122), ainsi que des matières utiles à la construction et à l’équipement des vaisseaux, telles lue bois de charpente, ancres, cordages, outres, etc. (Aristoph., les Grenouilles, 365-367; — Suidas, ἀσκώματα.)

[237] Les anciens n’avaient aucune idée du droit des gens à la guerre. Le Lacédémonien Phœbidas, en pleine paix, s’était emparé de la citadelle des Thébains; on interrogeait Agésilas sur la justice de cette action. « Examinez seulement si elle est utile, dit le roi; car, dès qu’une action est utile à la patrie, il est beau de la faire. » Un autre roi de Sparte. Cléomène, disait que tout le mal qu’on pouvait faire aux ennemis était toujours juste aux yeux des dieux et des hommes. Les Prussiens seuls, parmi les nations civilisées modernes, ont conservé ces barbares théories.

[238] Cf. Philon, iii, 12.

[239] Cf. Héron, ii.

[240] Cf. Héron, xxi.

[241] Le symbolon était un objet quelconque, le plus souvent une petite tablette de bois, que les gens qui avaient à communiquer plus tard brisaient en deux. Le porteur d’un de ces fragments n’avait qu’à le présenter au détenteur de l’autre pour se faire reconnaître d’une façon certaine.

[242] Le causia était un chapeau de feutre à haute forme et à larges bords; il était surtout porté par les Macédoniens : sur certaines médailles, Alexandre est représenté coiffé de ce chapeau.

(01) On appelait couronne, dans certains casques, un ornement qui formait sur le front une sorte de visière relevée, analogue à celle des toques espagnoles.

(02) Lisez κενήν pour καινήν. Cette description est tronquée ; on la trouvera bien plus intelligible dans Aenéas, xxxi. 10,

(03) Philon (i, 37) dit que, dans ce cas, on doit entourer le camp d'une enceinte en maçonnerie tracée en crémaillère.

(04) Philon (ii, 28) ne parle que très sommairement de ces procédés. Il est très probable que le livre auquel notre auteur fait allusion n'est pas ce que j'ai réuni sous la rubrique du chapitre II, mais formait un traité

[243] Cf. Service des arm. en camp., titre viii, § 84.

[244] Cf. Id., 85.

[245] Cf. Id., 88.

[246] Litt. ceux qui précèdent l’armée: il s’agit du groupe d’officiers que nous appelons aujourd’hui le campement. — Cf. Serv. des arm. en camp., iii, 34.

[247] Le mot σχεδία paraît toujours désigner, chez les ingénieurs grecs, un radeau organisé défensivement avec un parapet. Apollodore, et d’après lui Héron de Byzance, décrivent cet engin à propos du passage des fleuves devant l’ennemi.

César, qui avait étudié l’art militaire en Grèce, raconte en ces termes comment il ferma l’entrée du port de Brindisium où il assiégea Pompée: « César, craignant que Pompée ne crût pouvoir tirer du secours de l’Italie, commença par fermer l’entrée et la sortie du port de Brindisium ; voici comment il s’y prit. Dans l’endroit où l’entrée du port était la plus étroite, il fit faire un môle et une digue (molem atque aggerem) de chaque côté du rivage, car la mer était basse en ces endroits. Ensuite, comme la profondeur de l’eau l’empêchait de pousser sa digue aussi loin qu’il le voulait, il fit, pour la continuer, avancer de trente pieds en mer de chaque côté plusieurs radeaux doubles (rates duptices) et les fixa par les quatre coins avec des ancres que les vagues ne pussent pas les ébranler. Ceux-ci étant achevés et mis en place, il leur joignit d’autres radeaux de moyenne grandeur qu’il couvrit de terre et qu’il munit d’un rempart (terra atque aggere integebat) afin qu’on pût facilement les aborder et les parcourir pour les défendre; il les garnit de masques et de clayonnages (pluteis atque cratibus) sur le devant et de chaque côté; enfin, de quatre en quatre, il fit élever, au-dessus, des tours à deux étages pour pouvoir mieux les défendre contre le choc des navires et l’incendie. A cela, Pompée opposa de gros navires de charge (naves onerarias) qu’il avait trouvés dans ce port; il fit élever, au-dessus, des tours à trois étages, les remplit de quantité de machines de projection (tormenta), ainsi que de toutes sortes de traits, et les envoya contre les radeaux de César pour les briser et ruiner les travaux; il en résulta que, tous les jours, on se battit à l’aide de frondes, de flèches et d’autres traits. » (Caes., Bell. civ., i, 25 et 26.)— Cf. Philon, iv, 29 à 34: — Thucyd., vii, 59; — Arrien, ii, 20; vi, 91;— Appien, viii, 96;— Diod. Sic., xx, 85,

[248] Cf. Végèce, V, 15; Léon, emp., Inst., xix, 31.

[249] Cf. Philon, iii, 23, 30; iv, 38; — Léon, emp, Inst., xix, 3.