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table des matières de l'œuvre DE POMPONIUS MELA

 

 

POMPONIUS MELA

 

DESCRIPTION DE LA TERRE

LIVRE II

 

LIVRE I - LIVRE III

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

texte latin

 

 

 

DESCRIPTION DE LA TERRE

 

LIVRE DEUXIÈME.

1. Scythie d’Europe.

J’ai achevé la description de l’Asie sur les bords de notre mer jusqu’au Tanaïs. Maintenant si l’on retourne par le même fleuve vers le Méotide, l’Europe, qui d’abord était à la gauche du navigateur, se trouve alors à sa droite. La région voisine des monts Riphées (car ils s’étendent jusque-là) est tellement inaccessible, à cause des neiges qui y tombent sans interruption, qu’on n’y peut même marcher. Ensuite est une contrée fort riche, et néanmoins inhabitable, parce que les gryphons, espèce d’animaux cruels et obstinément attachés au sol, qui n’aiment rien tant que l’or qu’ils arrachent des entrailles de la terre, et qui le gardent avec une vigilance dont rien ne peut les distraire, en rendent les approches très dangereuses. Les premiers hommes que l’on rencontre sont les Scythes, et, parmi ceux-ci, les Arimaspes, qui n’ont, dit-on, qu’un œil. Au delà sont les Essédons, jusqu’au Méotide. Le contour de ce lac, où se jette le fleuve Bucès, est habité par les Agathyrses et les Sauromates, peuples qui vivent dans des chars, et ont été par cette raison surnommés Hamaxobiens. Ensuite est une plage qui s’étend obliquement vers le Bosphore, entre le Pont et le Méotide. Le côté qui touche au lac est occupé par les Satarches; sur le Bosphore sont les petites villes cimmériennes, de Myrmécios, de Panticapée, de Théodosie et d’Hermisium; tout le reste sur l’Euxin est habité par les Tauriques. Ceux-ci ont sur leur côte un golfe d’un mouillage sûr, et qu’on appelle pour cela Καλὸς λιμήν [Bon port]. Ce golfe est enfermé entre deux promontoires, dont l’un, nommé Κριοῦ μέτωπον [Front de bélier], s’avance dans l’Euxin parallèlement au promontoire Carambis dont j’ai parlé dans la description de la côte asiatique; et l’autre, nommé Parthenios, avoisine Cherroné. Cette petite ville, bâtie, dit-on, par Diane, est surtout remarquable par une grotte appelée Nymphée, taillée dans la partie haute de la ville, et consacrée à la déesse et aux Nymphes. Ensuite la mer pénètre dans les terres et, suivant les rivages qui s’enfuient jusqu’à n’être plus éloignés que de cinq mille pas du Méotide, forme une presqu’île du pays des Satarches et des Tauriques. La partie du rivage qui sépare le lac et le golfe s’appelle Taphres, et le golfe, Carcinites; sur ce golfe est la ville de Carciné, près de laquelle le Gerrhos et l’Hypacaris se jettent dans la mer par une même embouchure, quoiqu’ils n’aient pas la même source et qu’ils viennent de pays différents; car le Gerrhos coule entre la région des Basilides et celle des Nomades, tandis que l’Hypacaris traverse le pays des Nomades. Au delà sont des forêts qui, dans cette contrée, sont très étendues, et le fleuve Panticapès, qui sert de limite commune aux Nomades et aux Géorgiens. Vient ensuite une langue de terre qui s’avance au loin dans la mer et qui, d’abord très étroite près du rivage, puis s’élargissant peu à peu pour se rétrécir encore insensiblement, se termine en pointe sous la forme d’une lame d’épée posée horizontalement. On raconte qu’Achille, étant entré dans le Pont-Euxin avec une flotte armée pour y faire la guerre, vint célébrer sa victoire dans cette presqu’île par des jeux militaires, à la suite desquels il s’exerça à la course avec ses compagnons, ce qui fit appeler ce lieu Δρόός Ἀχίλλειος. Plus loin, le Borysthène arrose le territoire d’un peuple qui porte son nom: ce fleuve est le plus beau de tous ceux de la Scythie; son eau claire et limpide, tandis que celle des autres est trouble et bourbeuse, coule aussi plus paisiblement et est très agréable à boire; il alimente de riches pâturages et de gros poissons sans arêtes dont le goût est délicieux. Il vient de loin, et sa source est inconnue: cependant on lui connaît un cours de quarante journées, dans toute l’étendue duquel il est navigable jusqu’à la mer, où il se jette près des petites villes grecques de Borysthénide et d’Olbie. L’Hypanis sert de limite aux Callipides; il sort d’un grand lac que les habitants du pays appellent sa mère, et reste longtemps ce qu’il est à sa naissance; mais, à peu de distance de la mer, il reçoit une petite fontaine, appelée Exampée, dont les eaux sont si amères que leur amertume se communique à celles du fleuve. L’Axiacès, qui vient immédiatement après l’Hypanis, descend entre les Callipides et les Axiaques: ceux-ci sont séparés des Istriens par le Tyra, dont la source est dans la Neuride, et qui baigne à son embouchure une ville qui porte son nom. Quant au fleuve qui sépare les peuples de la Scythie de ceux de la contrée suivante, il a sa source en Germanie, où son nom est tout différent de celui qu’il reçoit à son embouchure; car, après avoir traversé de vastes pays sous le nom de Danube, il prend ensuite celui d’Ister, et s’accroît encore, quoique déjà considérable, de quelques rivières, de sorte qu’il est le plus grand des fleuves qui se jettent dans notre mer, après le Nil; encore a-t-il le même nombre de bouches, dont trois sont exiguës, et les quatre autres navigables.

Les peuples de la Scythie se distinguent entre eux par des mœurs et des coutumes différentes. Les Essedons célèbrent les funérailles de leurs parents par des transports de joie, par des sacrifices et une réunion solennelle de la famille du défunt. Ils coupent le cadavre par morceaux, coupent de même les entrailles des victimes, mêlent toutes ces chairs ensemble et en font un festin. Quant à la tête, après l’avoir dépouillée et proprement nettoyée, ils en font une coupe qu’ils entourent d’un cercle d’or. Tels sont chez eux les derniers devoirs que. la piété rend aux morts. Les Agathyrses se peignent le visage et les autres parties du corps plus ou moins, selon le degré de noblesse; du reste, les taches ont chez tous la même forme, et sont ineffaçables. Les Satarches ne connaissent ni l’or ni l’argent, ces deux fléaux du genre humain, et commercent par échange. Pour se garantir des rigueurs d’un hiver perpétuel, ils habitent sous terre des cavernes profondes ou des trous qu’ils se pratiquent eux-mêmes; une longue braque les enveloppe de la tête aux pieds, et leur visage même est couvert, à l’exception des yeux. Les Taures, dont Iphigénie et Oreste ont rendu le nom célèbre, ont des mœurs barbares et la réputation affreuse d’immoler les étrangers sur leurs autels. Les Basilides, issus d’Hercule et d’Echidna, ont des mœurs royales et ne combattent qu’avec la flèche. Les Nomades, toujours errants, suivent leurs troupeaux dans les pâturages, et y séjournent aussi longtemps qu’ils trouvent à s’y repaître. Les Géorgiens sont sédentaires et agricoles. Les Axiaques ne savent pas ce que c’est que le vol: aussi chacun ne veille-t-il pas plus à ce qui lui appartient, qu’il ne convoite ce qui ne lui appartient pas. Les régions intérieures de la Scythie sont encore plus sauvages, et les mœurs des habitants plus barbares : ils ne respirent que la guerre et le carnage, et, quand ils se battent, ils ont l’habitude de sucer par la blessure même le sang du premier ennemi qu’ils ont tué. Le plus grand honneur chez eux est d’en avoir tué plus que tous les autres, comme l’opprobre le plus insigne est de n’en avoir tué aucun. Il n’est pas jusqu’à leurs traités qui ne soient scellés par le sang: les contractants s’en tirent de part et d’autre, le mêlent ensuite et en boivent tour à tour, regardant cette formalité comme le gage le plus certain d’une fidélité durable. Dans les repas, chaque convive se plaît à dire et à répéter souvent combien d’ennemis il a tué, et celui qui peut en compter davantage est admis à boire dans deux coupes, ce qui est, dans leurs divertissements, le privilège le plus honorable. Ils se font des coupes avec les crânes de leurs plus grands ennemis, comme les Essedons avec ceux de leurs parents. Les Anthropophages se nourrissent de chair humaine comme d’un aliment naturel. Les Gélons se font des vêtements de la peau des têtes de leurs ennemis, et fabriquent avec celle du reste des corps, des housses pour leurs chevaux. Les Melanchlènes portent des vêtement noirs, et de là leur nom. Chez les Neures, tout individu peut, s’il le veut, à une époque déterminée pour chacun, se métamorphoser en loup, et reprendre ensuite sa première forme. Mars est le dieu commun des Scythes; ils lui consacrent des cimeterres et des baudriers en guise de simulacres, et lui sacrifient des victimes humaines. La Scythie est très vaste et abonde partout en pâturages, à cause des fréquenta débordements des fleuves; mais elle est en certains endroits si stérile en tout autre genre de production, qu’à défaut de bois on fait du feu avec des ossements.

II. Thrace.

La Scythie confine à la Thrace, qui, bornée d’un côté par l’Ister et de l’autre par la mer, s’étend en longueur des rivages du Pont-Euxin jusqu’à l’Illyrie. Cette région n’a ni un beau climat ni un bon sol, et, à l’exception de ses parties maritimes, elle est stérile et froide, et ne rend qu’à regret les semences qu’on lui confie. Les arbres fruitiers y sont partout très rares; la vigne y est plus commune, mais les raisins n’y mûrissent qu’autant qu’on a la précaution de les préserver du froid en les abritant sous les feuilles. La nature y est plus favorable aux hommes, non pas sous le rapport de la beauté des formes, car leur extérieur est dur et sauvage, mais sous celui de la fierté et du nombre. La Thrace fournit peu de fleuves à notre mer, mais ces fleuves sont très renommés tels sont l’Hèbre, le Nestos et le Strymon. Dans, l’intérieur s’élèvent l’Hémus, le Rhodope et l’Orbelos, montagnes célèbres par les fêtes de Bacchus et les orgies des Ménades, instituées par Orphée. L’Hémus est si élevé que de son sommet on aperçoit l’Euxin et l’Adriatique. Quoique ne formant qu’une seule nation, les Thraces se distinguent entre eux par des noms et des caractères différents: il en est pour qui la mort n’est qu’un jeu, et tels sont principalement les Gètes. Ce mépris de la vie tient à des opinions diverses: les uns pensent que les âmes des morts reviendront; les autres que, si elles s’en vont sans retour, ce n’est point pour cesser de vivre, mais pour passer dans un séjour plus heureux; d’autres, enfin, croient qu’elles meurent véritablement, mais que la mort est préférable à la vie: et de là vient que, dans certaines parties de la Thrace, on pleure sur les enfantements et sur les nouveau-nés, tandis qu’au contraire on y célèbre les funérailles, comme des fêtes solennelles et sacrées, par des chants et des réjouissances. Les femmes même ont une grande force de caractère: quand leurs maris meurent, leur vœu le plus cher est d’être immolées sur leurs cadavres et ensevelies dans le même tombeau; et, comme souvent un homme a plusieurs femmes, celles-ci se disputent vivement cet honneur devant les juges établis pour prononcer sur le différend. La préférence est le prix de la vertu, et l’épouse qui en est jugée digne est au comble de la joie, tandis que les autres se lamentent et se livrent aux excès du plus affreux désespoir. Ceux qui veulent les consoler se rendent auprès du bûcher avec des armes et de l’argent, déclarant qu’ils sont prêts, s’il y a lieu, à traiter ou à se battre avec le génie du défunt; et comme la provocation reste sans effet, les veuves passent de la douleur à de nouvelles amours. Les parents ne choisissent pas d’époux à leurs filles nubiles, mais ils les mènent sur la place publique, et là on les livre à qui veut les épouser ou bien elles sont vendues. La beauté et les mœurs font la différence des marchés: on vend celles qui sont belles et vertueuses; on paye ceux qui consentent à prendre les autres. Quelques-uns de ces peuples ignorent l’usage du vin; mais ils y suppléent dans leurs repas en jetant sur le feu, autour duquel ils s’assemblent, certaines semences dont l’odeur les enivre et les porte à la gaieté.

Sur les côtes de cette contrée, au voisinage de l’Ister, est Istropolis; ensuite Callatis, fondée par une colonie de Milésiens; puis Tomes, le port Caria et le promontoire Tiristis, au delà duquel est cet autre angle du Pont-Euxin, situé directement en face de celui où se jette le Phase, et qui n’en diffère que parce qu’il est plus large. Là fut Bizone, ruinée par un tremblement de terre; là sont le port Crunos et les villes de Dionysopolis, d’Odessos, de Mésembrie, d’Anchialos et d’Apollonie. Cette dernière ville est située dans le fond d’un golfe, sur le second côté du grand angle que forme le Pont. A partir de là, la côte est droite, à une avance près, qui, vers son milieu, forme le cap Thynias, et correspond à la courbe du rivage opposé on y rencontre les villes d’Almydessos, de Philéas et de Phinopolis. Là se termine le Pont ensuite viennent le Bosphore et la Propontide. Sur le Bosphore est Byzance; sur la Propontide sont Sélymbrie, Périnthe, Bithynis, entre lesquelles coulent l’Erginos et l’Athyras; puis cette partie de la Thrace où régna Rhesus, Bisanthe, colonie samienne, et Cypsèle, ville autrefois considérable; plus loin, un lieu que les Grecs appellent Μακρὸν τεῖχος [Long mur], est Lysimachie, à l’entrée d’une grande presqu’île qui s’étend entre l’Hellespont et la mer Egée, et qui, sans avoir nulle part une grande largeur, en a beaucoup moins là que partout ailleurs. On appelle Isthme cette gorge étroite de la presqu’île, et Mastusie, le front qui fait face à la mer; dans son ensemble, elle prend le nom de Chersonèse, et mérite d’être remarquée sous beaucoup de rapports. Là coule le fleuve Aegos, célèbre par le naufrage d’une flotte athénienne; là, vis-à-vis d’Abydos, est Sestos, fameuse par les amours de Léandre; là est cette partie du détroit sur laquelle l’armée des Perses, bravant l’espace et la mer, osa joindre deux continents par un pont, au moyen duquel elle passa, à pied et sans navires, de l’Asie dans la Grèce; là sont les cendres de Protésilas, dans un temple consacré à ce héros; là est Le port Coelos, théâtre d’un combat naval, où la flotte des Lacédémoniens fut détruite par celle des Athéniens; là est le tombeau d’Hécube, auquel on a donné le vil nom, de Cynosséma, soit parce que cette reine fut, dit-on, métamorphosée en chienne, soit à cause de la misérable condition où elle était tombée; là, enfin, sont les villes de Madytos et d’Elée, dont la dernière marque le terme de l’Hellespont.

De l’Hellespont on entre immédiatement dans la mer Egée. Cette mer baigne une vaste enceinte de rivages, qui s’étendent au loin, en formant, une courbure insensible, jusqu’au promontoire de Sunium. En suivant la côte on rencontre, au delà de ce qu’on appelle Mastusie, un golfe qui baigne l’autre côté de la Chersonèse, et forme une sorte de vallon au pied des hauteurs qui l’environnent: ce golfe se nomme Mélas, du nom d’un fleuve qui s’y jette, et renferme deux villes, Alopéconnèse et Cardie. Cette dernière ville est située sur le second rivage de l’isthme: Plus loin est la ville remarquable d’Aenos, bâtie par Énée dans sa fuite. Les Cicones habitent les bords de l’Hèbre, au delà duquel est une plaine appelée Doriscos, où l’on rapporte que Xerxès ne pouvant mesurer la force de son armée par le nombre, la mesura par l’espace. Viennent ensuite le cap Serrium et la ville de. Zone, près de laquelle les arbres suivaient, dit-on, Orphée et sa lyre; puis le fleuve Schoenos, et sur ses bords la ville de Maronie. La contrée située au delà du Schœnos enfanta le farouche Diomède, qui avait la coutume barbare de faire dévorer les étrangers par des chevaux féroces, et qui fut lui-même livré par Hercule à la voracité de ces animaux. Cette fable est consacrée par une tour appelée la tour de Diomède, et par une ville à laquelle sa sœur Abdère donna son nom, mais qui est bien moins remarquable par son origine que pour avoir donné naissance au physicien Démocrite. Plus loin coule le Nestos, et, entre ce fleuve et le Strymon, sont les villes de Philippes, d’Apollonie et d’Amphipolis. Entre le Strymon et le mont Athos, sont la tour Calarnée, le port appelé Κάπρου λιμήν [port du Sanglier], les villes d’Acanthos et d’Echymnia; entre le mont Athos et la presqu’île de Pallène, celles de Cléone et d’Olynthe. Le Strymon (comme nous l’avons dit) est un fleuve; il prend sa source dans des contrées lointaines: faible d’abord, il s’accroît ensuite du tribut des rivières qu’il rencontre çà et là, et forme à quelque distance de la mer un lac d’où il sort plus considérable qu’il n’y était entré. Le mont Athos est si élevé, que l’on croit qu’il dépasse la région de l’air d’où tombent les pluies: ce qui confirme dans cette opinion, c’est que les monceaux de cendres qu’on laisse sur les autels érigés sur sa cime, n’y sont point délayés par la pluie et y restent toujours dans le même état. Au reste, cette montagne ne s’avance pas dans la mer en forme de promontoire, comme les autres, mais elle y règne au loin en son entier et sans incliner sa cime. Xerxès, allant porter la guerre en Grèce, la fit percer dans la partie qui se confond avec le continent, et y pratiqua un détroit navigable. On trouve au pied du mont Athos quelques petites colonies pélasgiques. Autrefois, sur son sommet, était la petite ville d’Acroathos, où la durée de la vie était, dit-on, de moitié plus longue qu’ailleurs. La presqu’île de Pallène est si étendue, qu’elle renferme cinq villes avec leur territoire; elle est tout entière dans le sein de la mer, et commence par une langue de terre assez étroite, sur laquelle est Potidée. Plus loin, dans une partie plus spacieuse, on remarque Mende et Scione, fondées l’une par une colonie d’Erétriens, l’autre par des Achives qui retournaient dans leur pays après la prise de Troie.

III. Macédoine, Grèce, Péloponnèse, Epire et Illyrie.

Ensuite vient la Macédoine avec ses villes nombreuses dont la plus célèbre est Pella. Cette ville doit son illustration à deux rois dont elle fut le berceau Philippe, vainqueur de la Grèce, et Alexandre, vainqueur de l’Asie. Sur la côte est le golfe Mécybernée, entre le promontoire Derris, le promontoire Canastrée et le port appelé Κωφός, il a sur ses bords les villes de Torone et de Physcella, et celle de Mécyberna, qui lui donne son nom. Tout près du promontoire Canastrée est Sané. Dans le fond du golfe Mécybernée, les eaux bordent le rivage plutôt qu’elles ne le couvrent. Il est suivi d’un autre golfe appelé Thermaïque, dont les deux côtés s’avancent au loin dans la mer, et lui donnent une étendue considérable. Il reçoit l’Axius, fleuve de Macédoine, et même le Pénée, fleuve de Thessalie. Avant l’Axius est Thessalonique, et entre ce fleuve et le Pénée, Cassandrie, Cydna, Aloros, Icaris. Dans l’intervalle qui sépare le Pénée du promontoire Sepias, sont Gyrtone, Mélibée, Castanée, qu’on mettrait au même rang, si Mélibée n’était devenue célèbre pour avoir donné naissance à Philoctète. Dans l’intérieur des terres, il n’est presque pas un lieu dont le nom ne soit illustre. Là, non loin du rivage, s’élèvent l’Olympe, le Pélion et l’Ossa, montagnes fameuses par la guerre des Géants; ici est la Piérie, mère et séjour des Muses; là sont les bois de l’Oeta, où l’Hercule grec termina sa carrière; ici est la vallée de Tempé et ses ombrages sacrés, et plus loin la fontaine de Libethra, noms mémorables et chers aux poètes.

La Grèce, baignée à l’orient par la mer Égée, et à l’occident par la mer Ionienne, présente d’abord, dans la direction du nord au sud, jusqu’à la mer de Myrtos, un front large et avancé; puis, sous le nom d’Hellade, elle continue de se déployer sur une aussi grande surface, jusqu’à ce que les deux mers, et surtout la mer Ionienne, s’introduisant de chaque côté dans les terres, viennent la couper, pour ainsi dire, vers le milieu, au point de ne lui laisser que quatre mille pas de largeur. Ensuite elle reprend, son expansion sur les deux mers, mais plus particulièrement sur la mer Ionienne, au sein de laquelle elle se prolonge au loin. Alors, moins large qu’auparavant, quoiqu’elle le soit encore beaucoup, elle s’étend sous la forme d’une grande presqu’île qu’on appelle Péloponnèse, et dont la figure est tout à fait semblable à celle de la feuille du platane, tant à cause des golfes et des promontoires dont ses bords sont entrecoupés comme de fibres, que parce qu’elle ne tient au reste de la Grèce que par une langue de terre très courte et très étroite, qui s’élargit incontinent.

A partir de la Macédoine, on rencontre d’abord la Thessalie, puis la Magnésie, la Phthiotide, la Doride, la Locride, la Phocide, la Béotie, l’Atthide, la Mégaride. L’Atthide est la plus célèbre de toutes ces contrées. Le Péloponnèse renferme l’Argolide, la Laconie, la Messénie, l’Achaïe, l’Élide, l’Arcadie. Au delà sont l’Étolie, l’Acarnanie, l’Épire, jusqu’à la mer Adriatique. Quant aux lieux et aux villes qui ne sont point baignés par la. mer, voici les plus remarquables: dans la Thessalie, Larisse, et autrefois Iolcos; dans la Magnésie, Antronie; dans la Phthiotide, Phthie; dans la Ponde, Pinde et Erinée, voisines l’une de l’autre; dans la Locride, Cynos et Calliaros; dans la Phocide, Delphes, le mont Parnasse, le temple et l’oracle d’Apollon; dans la Béotie, Thèbes, et le Cithéron, que la fable et la poésie ont rendu célèbre; dans l’Atthide, Eleusis, consacrée à Cérès, et Athènes, trop fameuse pour avoir besoin d’être rappelée à la mémoire; dans la Mégaride, Mégare qui lui donne son nom; dans l’Argolide, Argos, Mycènes, et le temple de Junon, non moins illustre par son antiquité que par le culte qu’on rend à la déesse; dans la Laconie, Thérapné, Lacédémone, Amycles, le mont Taygète; dans la Messénie, Messène et Méthone dans l’Achaïe et l’Elide, autrefois Pise, capitale du royaume d’Oenomaüs, et encore aujourd’hui Eus, et le temple de Jupiter Olympien, si fameux par les jeux gymniques, par la vénération extraordinaire des peuples, et surtout par la statue de ce dieu, ouvrage de Phidias. Dans l’Arcadie, située au centre du Péloponnèse, on distingue les villes de Psophis, de Tégée, d’Orchomène; les monts Pholoé, Cyllenius, Parthenius, Ménale; les fleuves Erymanthe et Ladon; dans l’Etolie, Naupacte, dans l’Acarnanie, Stratos, petites villes; dans l’Épire, le temple de Jupiter Dodonéen, et une fontaine qu’on révère comme sacrée, parce que, quoiqu’elle soit froide, et qu’elle s’éteigne, comme les autres, les flambeaux qu’on y plonge, elle allume, sans le secours du feu, ceux qu’on lui présente éteints, même d’assez loin. Sur les bords de la mer on rencontre, du promontoire Sépias au golfe Pagaséen, Démétrios Halos, Ptéléos et Echinos, et sur ce golfe, célèbre par le départ des Minyes, qui s’y embarquèrent sur l’Argo pour aller en Colchide, la ville de Pagase et l’embouchure du Sperchius; de là jusqu’à Sunium, les deux grands golfes Maliaque et Opontien, et sur leurs bords, les Thermopyles, tombeau glorieux de Léonidas et de ses compagnons, Opoes, Scarpha, Cnémides, Alopé, Anthédon, Larymne, et Aulis, où se réunit la flotte des Grecs, prête à faire voile pour Troie sous le commandement d’Agamemnon; Marathon, témoin de tant de hauts faits, que le nom de Thésée et surtout la défaite des Perses rendent à jamais mémorable; Rhamnonte, petite ville, mais célèbre par le temple d’Amphiaraüs et la Némésis de Phidias; Thorique et Brauronie, qui n’existent plus que de nom; enfin Sunium, qui est un promontoire, et qui termine la côte orientale de l’Hellade. A partir de ce point, l’Attique se tourne vers le midi jusqu’à Mégare et fait face à la mer, qu’elle avait jusque là regardée obliquement. Là est le Pirée, port d’Athènes, et les rochers Scironiens, qui servaient autrefois de retraite au brigand Sciron. La côte de la Mégaride s’étend jusqu’à cet isthme, auquel on a donné le surnom de Diolcos, et qui, séparant la mer Egée de la mer Ionienne par un intervalle de quatre mille pas, joint par une langue de terre le Péloponnèse à l’Hellade. Sur cet isthme, on trouve la petite ville de Cenchrée; un temple de Neptune, célèbre par les jeux Isthmiques; Corinthe, autrefois fameuse par son opulence, plus connue depuis par sa ruine, et aujourd’hui colonie romaine. Du sommet de sa citadelle, qu’on appelle AcroCorinthe, on aperçoit les deux mers. La côte du Péloponnèse est, comme je l’ai dit, entrecoupée de golfes et de promontoires. A l’orient s’avancent le Bucéphale, la Chersonèse et le Scylléon; au midi, le Malée, le Ténare, l’Acritas, l’Ichthys; au couchant, le Chélonates et l’Araxe. Entre l’isthme et le Scylléon sont les Epidauriens, renommés par le temple d’Esculape, et les Trézéniens, célèbres par leur fidélité envers les Athéniens, leurs alliés; les ports Saronique, Schoenitas et Pogonus; les petites villes d’Epidaure, de Trézènes et d’Hermione. Entre le Scylléon et le Malée est le golfe Argolique; entre le Malée et le Ténare, le golfe Laconique; entre le Ténare et l’Acritas, le golfe Asinéen; entre l’Acritas et l’Ichthys, le golfe Cyparissien. On remarque sur le golfe Argolique les embouchures de l’Erasinus et de l’Inachus, et la petite ville de Lerne; sur le golfe Laconique, les embouchures du Cythius et de l’Eurotas; sur le Ténare, un temple de Neptune, et une caverne semblable pour la forme à l’Acherusia du Pont-Euxin, et regardée de même comme une des bouches des enfers; sur le golfe Asinéen, l’embouchure du Pamise, et sur le Cyparissien, celle de l’Alphée. Ces deux golfes ont reçu leur nom de deux villes situées sur leurs bords, Cyparisses et Asiné. Les Messéniens et les Pyliens habitent dans l’intérieur des terres; mais Pylos est située sur les bords de la mer. Cyllène, Ennéapolis, Patres sont rangées sur la côte, d’où le Chélonate et l’Araxe s’avancent dans la mer. Cyllène est célèbre pat la naissance de Mercure. Plus loin la mer de Rhion (car c’est ainsi qu’on l’appelle dans ces parages) s’introduit dans les terres par un étroit passage qu’elle s’ouvre en forme de détroit, et de là s’enfonce entre l’Etolie et le Péloponnèse jusqu’à l’isthme. A partir de ce point, le rivage commence à regarder le nord. Sur ce rivage sont Egion, Egire, Oluros et Sicyone; sur le rivage opposé, Pages, Créusis, Anticyre, Oeanthie, Cirrha, et au delà du détroit de Rhion, la ville de Calydon, un peu plus connue, et l’Evenus. Dans l’Acarnanie on distingue particulièrement la petite ville de Leucas et le fleuve Acheloüs. Dans l’Epire, rien n’est plus célèbre que le golfe Ambracien, soit parce que, par une gorge étroite qui a moins de mille pas de largeur, il introduit une vaste mer au sein des terres, soit parce qu’il baigne Actium, Argos, fondée par Amphiloque, et Ambracie, anciennes résidences des Eacides et de Pyrrhus. Plus loin sont Buthroton et les monts Cérauniens, à partir desquels on tourne vers la mer Adriatique. Cette mer, très large, mais encore plus étendue en longueur, est environnée de nations illyriques jusqu’à Tergeste, et, partout ailleurs, de peuples gaulois et italiques. On rencontre d’abord les Parthéniens et les Dassarètes; puis les Taulantiens, les Enchélies, les Phéaciens; ensuite les Illyriens proprement dits, les Pyréens, les Liburnes et I’Istrie. La première ville est Oricum la suivante est Dyrrachium, nom que les Romains substituèrent à celui d’Epidamnos, qui leur parut de mauvais augure, à cause de son étymologie. Viennent ensuite Apollonie, Salone, Iader, Narone, Tragurium, le golfe Polatique, et Pola, qui fut, dit-on, autrefois habitée par des Colchidiens, et aujourd’hui colonie romaine: tant la fortune se plaît à élever ce qui était abaissé ! Les fleuves qui se jettent dans cette partie de l’Adriatique sont l’Aeas, le Nar, et le Danube, qu’on appelle aussi Ister. L’Aeas baigne les murs d’Apollonie, le Nar coule entre les Pyrens et les Lyburnes, l’Ister traverse l’Istrie. Au fond d’un golfe est Tergeste, qui termine la côte d’Illyrie.

IV. Italie.

Je dirai quelque chose de l’Italie, moins pour en faire la description, car elle est connue dans toutes ses parties, que pour suivre l’ordre de ma description. Elle commence aux Alpes, pour finir fort avant dans la mer, et, entre ces deux extrémités, elle est traversée dans toute sa longueur par la haute chaîne de l’Apennin, à égale distance de l’Adriatique et de la mer Thusque, autrement appelées mer Supérieure et mer Inférieure. Ses côtes suivent une ligne droite, dont la continuité n’est interrompue que vers la mer de Sicile, où elles forment deux pointes, dont l’une regarde cette mer, et l’autre la mer Ionienne. Elle a partout peu de largeur, et même en certains endroits elle est beaucoup plus étroite qu’à son commencement. Elle est habitée dans son intérieur par une multitude de peuples différents: à gauche sont les Carnes et les Vénètes dans la Gaule appelée Togata; puis les Picentes, les Frentaniens, les Dauniens, les Apuliens, les Calabrois et les Salentins, peuples italiques. A droite on rencontre les Ligures au pied des Alpes, l’Etrurie au pied de l’Apennin; ensuite le Latium, les Volsques, la Campanie, la Lucanie et les Bruttiens. Parmi les villes éloignées de la mer, les plus florissantes sont, à gauche, Patavium fondée par Anténor, Mutine et Bononie, colonies romaines; à droite, Capoue, fondée par des Thusques, et Rome, jadis bâtie par des pâtres, et qui aujourd’hui ferait pour moi la matière d’un second ouvrage, si je voulais en parler dignement. Sur les bords de la mer, immédiatement après Tergeste, on trouve Concordia. Entre ces deux villes coule le Timave, qui a neuf sources et une seule embouchure. Le Natison, qui vient ensuite, baigne la riche Aquilée à peu de distance de la mer. Plus loin est Altinum. Le Pô couvre une grande étendue des rivages de la mer Supérieure; car ce fleuve, qui commence au pied du mont Vésule, se forme d’abord de faibles sources, et reste étroit et maigre jusqu’à une certaine distance; puis il s’accroît à tel point du tribut d’autres fleuves, qu’il se jette dans la mer par sept bouches, dont la plus grande retient seule le nom de Pô. Il s’y décharge avec tant de force, qu’il se fraye un passage au milieu des flots, et conserve longtemps son lit au sein même de la mer, jusqu’à la rencontre de l’Ister, qui, du rivage opposé de l’Istrie, se précipite dans l’Adriatique avec la même impétuosité. De là vient que ceux qui naviguent entre les courants de ces deux fleuves trouvent des eaux douces au milieu des eaux marines. Du Pô à Antône on rencontre Ravenne, Ariminum, Pisaure, la colonie de Fanestris, les fleuves Métaurus et Aesis. Ancône, ainsi nommée par les Grecs à cause de sa position dans l’angle formé par deux promontoires, dont la direction oblique fait une espèce de coude, est comme le point de séparation des peuples gaulois et italiques. Au delà, sur les rivages du Picenum, sont les villes de Numane, de Potentie, de Cluane, de Cupre; les forts Firmum, Adria, Truentinum, et, près de Truentinum, un fleuve du même nom. Les Frentaniens, qui viennent ensuite, ont sur leurs bords les embouchures du Matrin et de l’Aterne, et les villes de Buca et d’Histonium. Les Daunes ont le fleuve Tiferne, les petit.es villes de Cliternie, de Larinum, de Teanum, et le mont Garganus. Le golfe qui le suit, appelé Urias, baigne dans toute son étendue les côtes de l’Apulie. Ce golfe est peu considérable et presque partout d’un mouillage difficile. Au delà sont Siponte, ou, en langue grecque, Sipus, et l’Aufide, qui baigne les murs de Canuse; plus loin Barium, Gnatie, et Rudies, célèbre par la naissance d’Ennius; puis, dans la Calabre, Brundusium, Valetium, Lupies, et le mont Hydrus; enfin les champs Sallentins, les rivages Sallentins, et la ville grecque de Callipolis.

Jusque-là s’étendent les rivages de l’Adriatique et l’un des côtés de l’Italie, dont l’extrémité, comme je l’ai dit plus haut, se partage en deux pointes. La mer baigne les rivages renfermés entre ces deux pointes y forme différents golfes séparés les uns des autres par de petits promontoires. Le premier, appelé golfe Tarentin, s’étend entre les promontoires Sallentinum et Lacinium, et sur ses bords sont Tarente, Métaponte, Héraclée, Crotone, Thurium. Le second, nommé Scylacéen, entre les promontoires Lacinium et Zephyrium, baigne Pétilie, Carchie, Scylacée et Mysties. Le troisième, entre les promontoires Zephyrium et Bruttium, a sur ses rivages Consentie, Caulonie et Locres. Dans le Bruttium sont Columna-Rhegia, Rhegium, Scylla, Taurianum et Metaurum. A partir de ce point, l’Italie tourne vers la mer Tusque c’est le commencement du second côté de cette contrée. Médame, Hippone, qu’on appelle aujourd’hui Vibone, Teinèse, Clampétie, Blanda, Buxentum, Vélie, Palinure, lieu ainsi appelé d’un ancien pilote phrygien, le golfe et la petite ville de Paestum, le fleuve Silerus, Picentie, Pètres, autrefois le séjour des Sirènes, et le promontoire de Minerve, appartiennent à la Lucanie. Le golfe Putéolain, Surrentum, Herculaneum, d’où l’on aperçoit le mont Vésuve, Pompéies, Néapolis, Putéoles; les lacs Lucrin et Averne, Baïes, Misène, lieu ainsi appelé du nom d’un ancien soldat phrygien, Cumes, Linterne; le fleuve et la petite ville de Volturne, couvrent les rivages délicieux de la Campanie. Sinuesse, le Liris, Minturnes, Formies, Fundi, Tarracine, Circéies, autrefois demeure de Circé, Antium, Aphrodisium, Ardée, Laurentumn, Ostie, sont en deçà du Tibre sur ce second côté de l’Italie. Au delà de ce fleuve, Pyrgi, Minione, Castrum-Novum, Gravisces, Cossa, Télamon, Populonie, Cecina, Pises, sont des noms et des lieux étrusques. Viennent ensuite Luna, Tigulie, Gènes, Sabatie et Albingaunum, dans la Ligurie; puis les fleuves Paulon et Var, qui tous deux prennent leur source dans les Alpes. Le Var est un peu plus connu, en ce qu’il sert de limite à l’Italie. La chaîne des Alpes commence sur cette côte, d’où elle s’étend au loin en longueur et en largeur, court d’abord en droite ligne vers le nord, puis, aux confins de la Germanie, se détourne tout d’un coup vers l’orient, et traverse des contrées immenses jusqu’à la Thrace.

V. Gaule Narbonnaise.

La Gaule, est divisée par le lac Léman et les monts Cébenniques en deux régions, dont l’une s’étend sur la mer Tusque, depuis le Var jusqu’aux Pyrénées, et l’autre sur l’Océan, depuis le Rhin jusqu’aux mêmes montagnes. La région que baigne notre mer, surnommée autrefois Braccata, aujourd’hui Narbonnaise, est mieux cultivée que l’autre et, par conséquent, plus riante. Ses villes les, plus florissantes sont Vasion chez les Vocontiens, Vienne chez les Allobroges, Avénion chez les Cavares, Nemausus chez les Arécomiques, Tolose chez les Tectosages, Arausion, colonie de vétérans de la seconde légion, Arélate, colonie de vétérans de la sixième, Baeterres, colonie de vétérans de la septième; mais par-dessus tout Narbo-Martius, colonie d’Atacines et de vétérans de la dixième légion, autrefois, le boulevard de toute cette contrée, qui lui doit aujourd’hui son nom et sa célébrité. Sur les rivages sont quelques lieux connus sous certains noms; mais les villes y sont peu nombreuses, tant à cause de la rareté des ports, que parce que la côte est exposée dans toute sa longueur aux vents du sud et du sud-ouest. Nicée, Deciatum et Antipolis touchent les Alpes. Vient ensuite Forum-Julii, colonie de vétérans octaviens; puis Athénopolis, Olbie, Tauroïs, Cithariste, et Lacydon, port des Massiliens, au fond duquel est Massilie. Cette ville fut fondée par des Phocéens dans le voisinage de nations barbares, qui, quoique aujourd’hui paisibles, n’ont avec elle aucune ressemblance; de sorte qu’on est surpris de la facilité avec laquelle cette colonie a su s’établir sur une terre étrangère, et y conserver jusqu’à présent ses mœurs primitives. Entre Massilia et le Rhône, les Avatiques possèdent Maritima sur les bords d’un lac. A l’exception de la Fossa-Mariana, canal de navigation qui conduit à la mer une partie des eaux de ce fleuve, cette côte ne présente rien de remarquable, et a été surnommée Pierreuse. On rapporte à ce sujet qu’Hercule ayant épuisé ses flèches dans un combat contre Albion et Bergios, fils de Neptune, implora Jupiter, qui fit pleuvoir sur les ennemis de son frère une grêle de pierres. On serait, en effet, tenté de le croire à cette pluie, à la vue de cette vaste plaine toute couverte de cailloux.

Le Rhône commence à peu de distance des sources de l’Ister et du Rhin; il se jette ensuite dans le lac Léman, le traverse avec son impétuosité ordinaire, sans mêler ses eaux à celles du lac, et en sort aussi gros qu’il y était entré. De là il roule vers l’occident, et sépare les deux régions de la Gaule jusqu’à une certaine distance; puis, se tournant vers le sud, il entre dans la Narbonnaise, où, déjà considérable, il se grossit encore du tribut de plusieurs rivières, et va se jeter dans la mer, entre le pays des Volces et celui des Cavares. Au delà sont les étangs des Volces, le fleuve Ledum, le fort Latera, la colline Mesua, qui, presque de tous côtés environnée par la mer, ne tient au continent que par une langue de terre très étroite. Plus loin, l’Arauris, qui descend des Cévennes, coule sous les murs d’Agatha, et l’Orbis sous ceux de Baeterres. L’Atax, qui descend des Pyrénées, est faible et guéable, tant qu’il ne roule que les eaux de sa source de sorte que, malgré la grandeur de son lit, il ne devient navigable qu’aux environs de Narbonne; mais lorsqu’en hiver il est gonflé par les pluies, il se grossit d’ordinaire à tel point, que son lit ne peut plus le contenir. Il se jette dans un lac appelé Rubresus, et qui, quoique très spacieux, ne communique à la mer que par un canal étroit. Au delà sont le rivage de Leucate, et la fontaine de Salsula, dont les eaux, loin d’être douces, sont plus salées que les eaux marines. Dans le voisinage est une terre couverte de petits roseaux, et suspendu sur un étang. Ce qui le prouve, c’est que, au milieu de cette terre, une partie détachée du reste, en forme d’île, flotte çà et là, et cède à toutes les impulsions qu’elle reçoit. Bien plus, en creusant à une certaine profondeur, on découvre une infiltration souterraine de la mer. De là vient que, soit par ignorance, soit pour le plaisir d’en imposer sciemment à la postérité, certains auteurs grecs et même quelques-uns des nôtres, ont prétendu que les poissons qu’on tue, et qu’on prend par les trous qu’on pratique dans cette espèce d’île, sont une production de la terre même, tandis qu’ils viennent de la mer par une voie souterraine. Au delà, sont les rivages des Sordones, et les embouchures du Télis et du Tichis, fleuves peu considérables dans leur état naturel, mais terribles dans leur crue; la colonie Ruscino, et le bourg Eliberri, faible reste d’une ville autrefois grande et florissante; enfin, entre deux promontoires du Pyrénée, le port de Vénus, célèbre par son temple, et le lieu appelé Cervaria, où se termine la Gaule.

VI. Côte citérieure de l’Hispanie.

A partir de ce lieu, le Pyrénée s’avance d’abord jusqu’à l’océan Britannique; puis, se retournant vers la terre, il fait irruption dans l’Hispanie, où, poussant vers la droite une petite branche, il traverse toute cette contrée avec sa chaîne principale, et se prolonge sans interruption jusqu’aux rivages qui regardent l’occident. Quant à l’Hispanie, elle est de toutes parts environnée par la mer, à l’exception du côté par lequel elle touche aux Gaules, très étroite dans cette partie, elle s’étend ensuite peu à peu sur notre mer et sur l’Océan, en s’élargissant de plus en plus à mesure qu’elle se porte vers l’Occident, où elle est dans sa plus grande largeur. Elle abonde en hommes, en chevaux, en fer, en plomb, en airain, et même en argent et en or. Elle est si fertile, que dans les endroits où le manque d’eau l’appauvrit et la rend méconnaissable, elle ne laisse pas de produire du lin ou du genêt. Elle se divise en trois parties: l’une appelée Tarraconaise, l’autre Bétique, et la troisième Lusitanie. La Tarraconaise, qui d’un bout touche aux Gaules, et de l’autre à la Bétique et à la Lusitanie, présente son côté méridional à notre mer, et son côté septentrional à l’Océan. La Bétique et la Lusitanie sont séparées par le fleuve Anas; ce qui fait que la Bétique regarde les deux mers: à l’occident, l’Atlantique; au midi, la nôtre. La Lusitanie ne s’étend que sur l’Océan, qui en baigne le côté au nord, et le front au couchant.

Parmi les villes intérieures de l’Hispanie, les plus florissantes, dans la Tarraconaise, sont Caesar-Augusta (autrefois Palantia et Numance); dans la Lusitanie, Emerita; dans la Bétique, Astigi, Hispal, Corduba. En longeant le rivage, à partir de Cervaria, on rencontre un rocher, qui prolonge le Pyrénée dans la mer; les fleuves Tichis et Clodianum, dont le premier baigne les murs de Rhoda, et le second ceux d’Empories; la montagne de Jupiter, où l’on voit, sur la partie occidentale des pointes de rocher s’élever en forme de degrés, à peu de distance les uns des autres: ce qui a fait donner à cette partie le nom d’Échelles d’Annibal; et de là jusqu’à Tarracon, les petites villes de Blanda, d’Eluron, de Baetulon, de Barcinon, de Subur, de Tolobi; trois petits fleuves, le Boetulon au pied de la montagne de Jupiter, le Rubricatum auprès de Barcinon, et le Maïus entre Subur et Tolobis. Tarracon est la plus opulente des villes situées sur cette côte. Le petit fleuve Tulcis coule sous ses murs, et plus bas le grand fleuve Ibère baigne ceux de Dertosa. Ensuite, la mer fait irruption dans les terres, et s’y partage en deux golfes, séparés par un promontoire qu’on appelle Ferraria. Le premier, connu sous le nom de Sucrone, est plus grand que l’autre: assez large dans son ouverture, il se rétrécit à mesure qu’il devient plus profond, et reçoit trois fleuves peu considérables. Parmi les villes situées sur ses bords, on distingue Valentia, et celle de Sagonte, célèbre par sa fidélité et ses malheurs. L’autre golfe, nommé Illicitanus, baigne Alon, Lucentia, et Illicé, qui lui donne son nom. Ensuite les terres, à leur tour, s’avancent dans la mer, et rendent l’Hispanie plus large qu’elle ne l’a été jusque là. On n’y rencontre rien, du reste, jusqu’au lieu où commence la Bétique, qui mérite d’être cité, à l’exception de Carthage, ville fondée par Asdrubal, général carthaginois. Les rivages suivants n’offrent de même que des villes obscures, et dont je ne fais mention que pour l’ordre. Telles sont Urci sur le golfe Urcitain, et, au delà de ce golfe, Abdère, Suel, Hexi, Maenoba, Malaca, Salduba, Lacippon, Barbesul. Ensuite vient le détroit formé entre les rivages de l’Europe et de l’Afrique par les monts Abyla et Calpé, qu’on appelle, comme je l’ai dit au commencement, les Colonnes d’Hercule. Ces deux montagnes, et surtout Calpé, s’avancent presque tout entières dans la mer. Calpé est extraordinairement creuse, et présente, vers le milieu de son côté occidental, l’entrée d’une caverne, dont le fond est presque aussi vaste que son ouverture. Au delà on rencontre un golfe sur lequel est Cartéia, anciennement connue, selon quelques auteurs, sous le nom de Tartessos, et habitée par des Phéniciens venus d’Afrique, et Tingentera, d’où je suis; puis Mellaria, et Belon, et Besippon sur les bords u détroit, jusqu’au promontoire de Junon, qui, se portant obliquement vers l’Océan, fait face au promontoire d’Afrique que j’ai indiqué sous le nom d’Ampélusie, et termine les côtes de l’Europe baignées par notre mer.

VII. Iles de la mer Méditerranée.

L’île de Gadès, qu’on aperçoit en sortant du détroit, m’avertit de parler des autres îles de la mer Méditerranée, avant de faire la description des côtes extérieures du globe comme je l’ai annoncé en commençant. Il y a peu d’îles dans le Méotide (c’est le point d’où je crois devoir partir), encore ne sont-elles pas toutes habitées; car elles ne sont pas même très fertiles en blé: de là vient que les habitants font sécher au soleil la chair des gros poissons, la réduisent en farine et en font du pain. Le Pont-Euxin renferme également peu d’îles: celle de Leucé, qui fait face à l’embouchure du Borysthène, est très petite, et porte le surnom d’Achillée, comme étant le lieu de la sépulture d’Achille; celle d’Arie, peu éloignée du rivage des Colchidiens, est consacrée à Mars. La fable rapporte qu’on y vit autrefois certains oiseaux faire beaucoup de mal aux voyageurs qui voulaient y aborder, en leur lançant leurs plumes comme des traits. Il y en a six entre les bouches de l’Ister: la plus connue et la plus grande est Peucé. Tout près du pays des Mariandyns, l’île de Thynias possède une ville qu’on appelle Bithynis, parce qu’elle est habitée par des Bithyniens. En face du Bosphore de Thrace on en voit deux petites, séparées par un étroit intervalle, et qu’on appelle Cyanées et Symplégades; on a cru et dit autrefois qu’elles étaient mobiles et se rapprochaient l’une de l’autre. Dans la Propontide, l’île de Proconnèse est seule habitée. Au delà de l’Hellespont, parmi celles qui bordent les côtes de l’Asie, les plus célèbres sont Ténédos, en face des rivages Sigéens, et vis-à-vis du promontoire du Taurus, celles qu’on voit rangées dans l’ordre où je vais les nommer, et qui, dit-on, s’appelaient autrefois Μακάρων [des Bienheureux], soit à cause de l’heureuse nature du climat et du soi, soit pour avoir été gouvernées par Macar et ses descendants. Telles sont Lesbos, en face de la Troade (on y comptait autrefois cinq petites villes, Antissa, Pyrrha, Erèse, Méthymne et Mytilène); Chios et Samos, en face de l’Ionie; Cos, en face de la Carie; Rhodes, en face de la Lycie. Ces fies ont chacune une ville de leur nom; Rhodes en comptait anciennement trois, Lindos, Camiros et Ialysos. On appelle Chélidoniennes, ce1ls qui font face au promontoire du Taurus, et dont l’approche est si dangereuse aux navigateurs. Dans le vaste golfe qui baigne à peu près le milieu de la côte asiatique, est Cypre, qui s’étend d’orient en occident, et s’avance en droite ligne entre la Cilicie et la Syrie: c’est une grande île qui fut autrefois le siège de neuf royaumes, et qui aujourd’hui renferme quelques villes, dont les plus célèbres sont Salamis, Paphos et Palaepaphos, qui, suivant la tradition du pays, reçut d’abord Vénus sortant du sein des flots. Près de la Phénicie est Arados, île peu considérable: qui n’est guère, dans toute son étendue, qu’une petite ville; elle est cependant très peuplée, parce qu’on, y put bâtir des maisons les unes au-dessus des autres. Canope, en face de l’embouchure du Nil qu’on appelle Canopique, est également peu étendue: elle est ainsi nommée d’un certain Canope, pilote de Ménélas, qui, étant mort dans cette île, lui laissa son nom; et l’île, à son tour, le donna à la bouche du fleuve. Pharos, qui aujourd’hui tient à Alexandrie par un pont, en était autrefois éloignée, suivant Homère, de toute une journée de navigation. Or, si le poète a dit vrai, on peut attribuer cet accroissement du rivage au limon que roule le Nil, surtout dans ses débordements. Au voisinage de l’Afrique, vis-à-vis de la grande Syrte, est Euteletos; en face des promontoires de la petite Syrte, sont Meninx et Cercinne. Du golfe de Carthage, on aperçoit les Tarichies et les Aegates: celles-ci sont fameuses par la victoire que les Romains y remportèrent sur les Carthaginois. Les rivages de l’Europe sont bordés d’une grande quantité d’îles. Dans la mer Egée, près de la Thrace, sont Thasos, Imbros, Samothrace, Scandile, Polyaegos, Sciathos, Halonèse, et Lemnos, située en. face du mont Athos. On dit qu’autrefois les femmes de Lemnos, après avoir tué tous les hommes, restèrent seules en possession de cette île. Scyros et Cinynethos sont situées, l’une au devant et l’autre dans l’intérieur du golfe Pagaséen. L’Eubée se termine au midi par les promontoires Geraestos et Capharée, au nord par le Cenaeum; elle est partout peu large, et même, en un certain endroit, sa largeur se réduit à deux mille pas; mais elle. est longue et correspond à toute l’étendue de la Béotie, dont elle n’est séparée que par un petit détroit, qu’où appelle Euripe. Cette mer, dont les eaux sont très tumultueuses, éprouve sept fois le jour et sept fois la nuit des mouvements alternatifs, qui la portent tantôt d’un côté, tantôt d’un autre, avec une telle impétuosité, qu’elle repousse les vents contraires et les vaisseaux qui viennent à pleines voiles. L’Eubée renferme quelques villes, Styra, Érétrie, Pyrrha, Nesos, Oechalie; mais les plus florissantes sont Carystos et Chalcis. Dans l’Atthide est Hélène, témoin de l’adultère d’Hélène, et Salamine, plus connue par la défaite des Perses. Au voisinage du Péloponnèse, et toujours dans la mer Égée, sont Pityuse, Aegine, près du rivage d’Épidaure, et Calaurie, près de Trézène, île qui se distingue de quelques autres îles obscures, par la fin tragique de Démosthène. Dans la mer de Myrtos, Cythère s’élève en face du cap Malée, Oenussa et Théganuse en face du promontoire Acritas. Dans la mer Ionienne, on rencontre Proté, Astérie, Céphalénie, Neritos, Samé, Zacynthe, Dulichium; et, parmi d’autres îles qu’on pourrait citer encore, Ithaque, que le nom d’Ulysse a rendue à jamais célèbre. Viennent ensuite, près de l’Épire, les Echinades et les Strophades, autrefois appelées Plotes; en face du golfe Arnbracien, Leucadie, et près de la mer Adriatique, Corcyre.

Toutes ces îles avoisinent les côtes de la Thrace et de la Grèce. Dans l’intérieur des mers, on rencontre Melos, Aegilie, Cothon, Ios, Thia, Thera, Gyaros, Hippuris, Dionysie, Cythnos, Chalcie, Icarie, Cinara, Nisyros, Lébinthe, Calymnie, Symé. Comme elles sont dispersées et là, on les appelle Sporades. Viennent ensuite Sicinos, Siphnos, Seriphos, Rhenea, Paros, Mycone, Syros, Tenos, Naxos, Delos, Andros, qu’on appelle toutes ensemble Cyclades, parce qu’elles forment un cercle. Plus loin, en pleine mer, on aperçoit la grande île de Crète, où l’on comptait autrefois cent villes. Elle est terminée à l’orient par le promontoire Samonium, et à l’occident par le promontoire Κριοῦ μέτωπον [Front de bélier], et. ressemble à l’île de Cypre, si ce n’est qu’elle est plus grande. Elle est célèbre, dans la fable, par l’arrivée d’Europe, par les amours de Pasiphaé et d’Ariadne, par la férocité et la destruction du Minotaure, par les ouvrages et la fuite de Dédale, par la surveillance et la mort de Talus; mais ce qui la rend plus fameuse encore, c’est un tombeau sur lequel les habitants font remarquer le nom de Jupiter, ce qui prouverait en quelque sorte que c’est là le lieu de sa sépulture. Les villes les plus connues de la Crète sont Gnosôs, Gortyne, Lyctos, Lycastos, Holopyxos, Thérapnes, Cydonée, Marathuse, Dictynne. Parmi ses montagnes, nulle n’est aussi renomme que l’Ida, parce que, suivant la tradition, Jupiter y fut élevé. Dans le voisinage de la Crète, on rencontre Astypalée, Naumachos, Zéphyré, Chrysé, Gaudos, les Musagores, qui, quoiqu’au nombre de trois, portent cependant le même nom, et Carpathos, qui donne le sien à la mer Carpathienne. La mer Adriatique renferme Apsoros, Dyscelados, Absyrtis, Issa, Pityia, Hydria, Electrides, Corcyre la Noire, Tragurium, Diomédie, Aestrie, Sason, et Pharos, aussi voisine de Brundusium que l’autre l’est d’Alexandrie.

La Sicile, à ce qu’on dit, faisait autrefois partie du continent, et tenait au Bruttium, dont elle fut séparée par un détroit que forme en ce lieu la mer de Sicile. Ce détroit, qui a peu de largeur, éprouve des mouvements alternatifs, qui portent ses flots tantôt vers la mer Tusque, tantôt vers la mer Ionienne; il est partout difficile, dangereux et fameux par les noms terribles de Scylla et de Charybde. Scylla est un rocher, Charybde un tourbillon, tous deux également redoutables pour les navigateurs. Quant à la Sicile, c’est une île d’une grande étendue, et à laquelle trois côtés différents, terminés chacun par un promontoire, donnent la forme de la lettre grecque appelée delta. Le promontoire qui regarde la Grèce se nomme Pachynum; celui qui regarde l’Afrique, Lilybée, et celui qui, du côté de l’Italie, fait face au rocher de Sylla, Pelons. Ce dernier tient son nom d’un pilote nommé Peloris, à qui Annibal éleva un tombeau sur cette pointe de terre, dans le temps où il fuyait d’Afrique en Syrie. Annibal, engagé dans ce détroit dont il n’avait pu de loin apercevoir l’issue, et se croyant trahi par son pilote, l’avait tué dans un mouvement de colère. Sur cette côte de la Sicile, du cap Peloris au cap Pachynum, on rencontre des villes illustres, Messane, Tauromenium, Catine, Mégaride, Syracuse, et dans cette dernière ville la merveilleuse Aréthuse. C’est une fontaine où l’on voit reparaître tout ce qu’on jette dans l’Alphée, qui, comme je l’ai dit, a son embouchure au rivage du Péloponnèse: ce qui a fait croire que ce fleuve, au lieu de se perdre dans la mer, y continue son cours, et pénètre dans la Sicile par un lit souterrain, pour venir se mêler à la fontaine Aréthuse. Entre le Pachynum et le Lilybée, sont Acragas, Héraclée et Thermes; entre le Lilybée et le Peloris, Panorme et Himère. Dans l’intérieur de l’île, sont Leontini, Centuripinum, Hybla, et plusieurs autres villes, parmi lesquelles Enna est célèbre par son temple de Cérès. Ses principales montagnes sont l’Eryx, fameux par un temple qu’y bâtit Enée en l’honneur de Vénus, et l’Etna, ancien séjour des Cyclopes, qui vomit aujourd’hui des feux continuels. Parmi ses fleuves, il faut citer l’Himère, qui a cela de particulier, que, prenant sa source au centre même de l’ile, il coule de là dans deux directions opposées, et divisant la Sicile en deux parties, va se jeter dans la mer Libyque par une embouchure, et dans la mer Tusque par une autre. Dans les environs de la Sicile on rencontre quelques autres îles: telles sont, dans le détroit, Aeaeé, qui fut, dit-on, habitée par Calypso; du côté de l’Afrique, Gaulos, Melite, Cossure; du côté de l’Italie, Galata, et ces sept îles qu’on appelle Eoliennes, savoir: Ostéodes, Lipara, Héraclée, Didymé, Phoenicuse, Hière et Strongylé. Ces deux dernières sont toujours en feu, comme l’Etna. Près de la côte d’Italie, jusqu’à l’embouchure du Tibre, on rencontre Pithécuse, Leucothée, Aenarie, Phitoni, Caprées, Prochyta, Ponties, Pandaterie, Sinonie, Palmarie. Au delà de l’embouchure du Tibre, on en trouve encore quelques petites: Dianium, Igilium, Carbanie, Urgo, Ilva, Caprarie; deux grandes qui sont séparées par un détroit, la Corse et la Sardaigne. La Corse, plus voisine du rivage étrusque, est étroite et longue, et partout habitée par des barbares, à l’exception des colonies d’Alérie et de Mariana. Quant à la Sardaigne, elle touche à la mer d’Afrique, et formerait un carré parfait, si celui de ses côtés qui regarde l’occident n’était plus court que celui qui regarde l’orient. Elle est partout un peu plus large que la Corse, même considérée dans sa plus grande largeur. Elle est fertile; mais son sol vaut mieux que son climat, qui est presque aussi pestilentiel que la terre est féconde. Ses plus anciens habitants sont les Iliens, et ses plus anciennes villes, Calaris et Sulci.

Près de la Gaule, on ne peut guère nommer que les Stoechades, qui sont dispersées çà et là, depuis la côte de la Ligurie jusqu’à Massilia. Les îles Baléares, situées en face de l’Hispanie Tarraconaise, sont à peu de distance l’une de l’autre, et ont reçu de leur étendue comparée les surnoms de Grande et de Petite. Dans la petite, sont les forts Iamnon et Magon; dans la grande, les colonies de Palma et de Pollentia. L’île Ebusos, en face du promontoire Ferraria, qui domine le golfe Sucronien, possède une ville de son nom. Elle est peu fertile en blé, mais elle est plus abondante en d’antres genres de fruits. Les animaux malfaisants y sont inconnus, même ceux qu’on peut apprivoiser; car non seulement elle n’en produit aucun, mais ceux qu’on y transporte d’ailleurs n’y vivent pas. En face d’Ebusos est Colubraria, remplie de toutes sortes de serpents dangereux qui la rendent inhabitable, île dont Ebusos me rappelle le souvenir; car il y a, pour ceux qui veulent y descendre, un moyen de se préserver de toute attaque, c’est de former autour d’eux une enceinte avec de la terre d’Ebusos; car alors ces reptiles, toujours prêts à s’élancer sur ceux qu’ils rencontrent, s’enfuient épouvantés à l’aspect de cette terre, qu’ils redoutent comme un poison.