Heron d'Alexandrie

HÉRON D'ALEXANDRIE

 

LE CHIROBALISTE (EXTRAITS)

 

Traduction française : Victor PROU

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

 


Auteur : Victor PROU

 

  

 

 

Extraits de

La Chirobaliste

Héron d’Alexandrie

 

 

 

DEUXIEME PARTIE, CHAPITRE DEUXIÈME.

STRUCTURE ET PROPORTIONS DES ENGINS DU SYSTÈME NEUROTONE.

155. Chez les Grecs, la balistique appliquée fut l'objet de nombreux écrits. Celui de Biton, Κατασκευα πολεμικῶν ὀργάνων καὶ καταπαλτικῶν[1] ainsi que les Βελοποιῖκά d'Héron d'Alexandrie[2] et le Βελοποιῖκῶν λόγος Δ de Philon de Byzance,[3] sont les plus complets qui nous soient parvenus. Quelques fragments d'Athénée et d'Apollodore,[4] avec trois chapitres du livre X de Vitruve achèvent l'ensemble des seuls matériaux qui aient surnagé de l'artillerie antique.

156. Rien n'est comparable, pour la clarté et pour la méthode, à l'élégant traité des Βελοποιῖκά. Une tradition tendrait à le faire remonter à Archimède. C'est cet opuscule qui va nous fournir les éléments les plus certains de la structure des machines de jet grecques.

Héron d'Alexandrie débute par un spirituel exorde :

 

157. De tous les problèmes abordés par les philosophes, le plus grand, le plus nécessaire à résoudre, c'est celui du maintien de la paix.[5]

Jusqu'ici, parmi les maîtres de la science[6] la question a soulevé et soulève encore une infinité de controverses.

Selon moi, de pareilles disputes, purement spéculatives, n'ont aucune chance d'aboutir.[7]

Pourtant, sur ce terrain, la mécanique a supplanté la doctrine. Par elle, les hommes ont conquis la sécurité d'une existence paisible, dont elle leur offre les garanties dans la plus humble sphère de son enseignement, je veux dire, dans les applications de ce qu'on nomme l'artillerie.

Grâce à elle, en effet, point d'attaque à redouter en temps de paix, au dedans ni au dehors; et, si la guerre éclate, rien n'ébranle une tranquillité fondée sur la philosophie des machines.

Il faut donc, en tout temps, y apporter tous les soins, y consacrer tous les moyens que suggère la prudence.

S'il règne une paix profonde, nul doute qu'on la verra fortifiée par l'activité déployée dans les armements, et cette conviction sereine perpétuera la paix.[8]

D'ailleurs, en face d'un appareil de guerre formidable, toute velléité d'émeute serait paralysée.

Que l'artillerie, au contraire, soit négligée : la moindre machination, si faible qu'elle surgisse, triomphera bientôt d'un État pris au dépourvu.

 

Voilà un assez beau commentaire du si vis pacem, para bellum antique !

ENGINS EUTHYTONES ET PALINTONES.

Après avoir exposé le plan de l'ouvrage. Héron aborde la classification suivante :

 

158. De ces engins, dit-il, les uns sont appelés Έθύτονα, et les autres Παλίντονα.[9] Quelquefois, par analogie de forme, les Έθύτονα s'appellent aussi Scorpions.[10] Les Έθύτονα lancent exclusivement des dards. Les Παλίντονα, que l’on nomme aussi Λιθοβόλα (Pierriers), jettent à volonté des pierres ou des traits, et même simultanément les deux sortes de projectiles.[11]

La balistique a pour objet d'atteindre, du plus loin et avec le plus de force possible, un but déterminé. A cela doivent tendre tous les efforts de la construction desdites machines.

On nomme projectile (βέλος) tout corps lancé au moyen d'un engin ou instrument quelconque, tel que l'arc, la fronde, etc.

159. Le point de départ des machines en question fut l'arc à main. On tenta d'abord de lancer, avec cet instrument, un trait plus fort et à une distance plus considérable. Naturellement, on fit l'arc plus grand, et l'on en renforça les branches flexibles, en grossissant les courbures des extrémités, c'est-à-dire en donnant plus de rigidité aux cornes.[12] L'arc ainsi obtenu était difficile à bander; l'effort naturel de la main étant devenu insuffisant, on eut alors recours au mécanisme que voici:[13]

 

Fig. 1. Gastraphète, arbalète primitive A

Soit ABGD l'arc en question, dont les branches courbes AB, GD, ne fléchissent que sous un effort supérieur à celui de la main. Soit AD la corde Archère (Νευρά).

160. A l'arc, et au droit de son front concave, soit adaptée une monture EZHC, présentant pardessus une rainure longitudinale, profilée en queue d'aronde KL.[14]

161. Dans cette rainure s'emboîte une languette,[15] de même profil, faisant corps avec une autre pièce[16] superposée, qui recouvre toute la longueur et toute la largeur de fa monture EZHC. Enfin, sur le dessus de la seconde pièce, soit profilée dans l’axe une cannelure ronde, de même longueur que la rainure en queue d'aronde KL. Sur cette cannelure repose le trait.

Batterie.

162. Maintenant, en arrière de la cannelure, et vers la queue de la monture EZHC, mais sur le dessus de la pièce superposée à celle-ci, soient établis deux supports verticaux en fer, cloués sur le bois, et faisant corps entre eux par le bas, à peu d'écart l'un de l'autre [fig. 2].

Dans l'intervalle, se loge un doigt de fer, recourbé de haut en bas, du côté L de la pièce [KL], et fendu, à son extrémité crochue, de manière à former une griffe,[17] comme dans l’outil nommé tenailles.[18] La largeur de la fente doit être suffisante pour recevoir la queue du trait. Enfin, à travers les supports et le trait en question, s'ajuste une goupille ou broche arrondie.[19]

Fig. 2. Batterie du Gastraphète.

 

Soit donc NXO ledit doigt, N la griffe et XO la goupille engagée dans le corps du doigt. Sous celui-ci, soit encore placée une pièce de fer PR, pivotant autour d'une goupille P, encastrée verticalement dans la face de dessus de la pièce supérieure. Evidemment, en poussant cette pièce PR sous la queue du doigt, on cale celui-ci de manière à l'empêcher de pivoter dans le sens vertical. Mais, lorsqu'on presse l'extrémité R de cette pièce PR, en arrière de XO, le doigt aussitôt se relève du côté de XN.

163. A la pièce EZHC s'adapte une autre pièce TUFQV, ayant la face TUF convexe, et la face QV évidée [fig. 1].

Définitions.

164. On appela Monture ou Coulisse (Σύριγξ),[20] la pièce EZHC (fig. 1 et 2); — Tiroir (Διώστρα),[21] la pièce posée dessus ; — Cannelure (Επιτόξῖτις),[22] la rainure qui reçoit le trait; — Croupe ou Culasse (Χελώνιον, tortue),[23] la portion du tiroir notée XO (c'est, en effet, la partie culminante de la pièce) ; — Main ou Griffe (Χείρ) le doigt NXO; Amarres ou Brides (Κατοχεῖς), les supports correspondants; — Gachette (Σχαστηρία), la pièce PR; Crosse ou Refouloir (Καταγωγίς),[24] la pièce TUFQV; enfin, Bras ou Battants (Αγκῶνες) les branches AB, GD, de l'arc.

165. Grâce à ce mécanisme, lorsqu'on voulait bander l'arc,[25] on remontait le tiroir[26] dans la direction du point K, jusqu'à ce que la griffe, en pivotant, vînt par-dessus saisir la corde archère; celle-ci, en effet, arase le dessus du tiroir [fig. 3].

Ensuite, appuyant sur la griffe, on poussait dessous la gâchette, qui l'empêchait ainsi de pivoter. Cela fait, le tiroir se trouvant alors en saillie vers l'extérieur,[27] on en appuyait la pointe contre le sol ou contre un mur. Des deux mains, on saisissait les branches TUVQF du refouloir; puis on pressait du ventre contre l’évidement QV de la crosse, en appuyant de tout le poids du corps. Refoulé en arrière,[28] le tiroir entraînait la corde archère, et par suite faisait fléchir les branches AB, GD de l’arc. Enfin, lorsqu'on jugeait le tiroir suffisamment rentré,[29] on posait le trait sur la cannelure; et, pressant la gâchette, on lâchait la griffe. Le trait aussitôt partait.

Toutefois, lorsque le tiroir se trouve ainsi refoulé,[30] il faut le soustraire à la réaction de la corde archère, qui tend à le faire remonter;[31] puis, le maintenir fixe, jusqu'à ce que le trait, posé dessus, ait pu atteindre le but.

Voici comment on y parvint :

Fig. 3. — Gastraphète complet.

 

Cliquet d'arrêt.

166. Concevons, sur la joue latérale de la monture EZHC, et dans le sens longitudinal YJ, une pièce clouée WAE, laquelle soit munie de dents;[32] puis au-dessus, adapté en A' B' sur le flanc du tiroir, un corbeau (Κόραξ) G'D', pivotant autour d'une goupille. Dans son recul,[33] le tiroir entraîne le corbeau G' D', que l'on nomme Cliquet ou Déclic (Κατακλες).[34] Celui-ci glisse obliquement d'une dent à l'autre ; mais, dès que le tiroir s'arrête, le cliquet s'arc-boute contre une des dents, et soustrait ainsi le tiroir à la réaction de la corde archère.[35]

Même dispositif sur l'autre flanc de la monture [fig. 3].

167. L'ensemble de l'engin se nomme Gastraphète.[36] C'est en effet la pression du ventre qui détermine la mise au bandé de la corde archère.[37]

Suppression de l'arc.

168. Une pareille machine permettait sans doute de lancer plus loin un trait plus fort. Mais, lorsqu'on voulut augmenter encore la grandeur et la portée du projectile, en cherchant à multiplier la résistance élastique de Tare, la rigidité de la corne se trouva insuffisante.

Système des fibres en faisceaux.

169. Sans rien changer au mécanisme précédent, on fit des bras en bois rigide,[38] mais plus longs que les branches de l’arc primitif. Puis on construisit un cadre ou bâti (Πλινθίον),[39] composé de quatre forts madriers, tels que ABGD [fig. 4]. Les montants AB, GD, de ce cadre étaient munis de tenons. Autour des semelles horizontales AD, BG, on enroula une corde formée de torons[40] filés au moyen d'un outil de commettage (Συμβόλιον) particulier.[41] De la sorte, on obtint un écheveau de grosseur convenable, composé d'un premier rang de cordons fortement tendus. Puis» ajoutant par-dessus un deuxième rang, on battait les cordons avec un coin[42] de manière à les serrer à point les uns contre les autres. On continuait successivement de la sorte, jusqu'à complet enroulement de la corde, dont on cachait le bout libre sous le faisceau des cordons.

170. Cela fait, entre les deux moitiés du faisceau, on installait l'un des battants; puis, entre les semelles AD, BG, et les coudes du faisceau, on logeait des tasseaux de fer. Amenés au biais, ces tasseaux tordaient fortement les cordons. Par suite de cette torsion, le bras se trouvait énergiquement serré entre les deux moitiés du faisceau.

Soit donc EZ, le bras; HC, le faisceau élastique; KL et MN, les tasseaux[43] [fig. 4]:

Fig. 4. — Écheveau de fibres tordues substitué à l'art primitif.

 

171. On prépara de même un second cadre, que l'on conjugua avec l'autre au moyen de moïses, en un commun assemblage, de sorte que les bras eussent vers l'extérieur leur battement et leur effet balistique.[44] A leur extrémité fut adaptée la corde archère, au moyen de boucles,[45] retenues par des broches telles que XO, PR, montées sur l’about des battants, de manière à bien retenir la corde archère. Le reste de l'engin était conforme au dispositif décrit plus haut [fig. 5].

Fig. 5. — Double cadre névrotone primitif.

Définitions.

172. Le faisceau élastique conjugué aux battants fut appelé Ton (Τόνος).[46] Quelques ingénieurs l'appelaient Henáton (Ενάτονος), quelques autres Hémiton (Ημιτόνιον).[47] Les tasseaux servant à produire la torsion s'appelaient Freins (Επιζυγίδες). On les faisait de fer.

Perfectionnement de l'appareil de bandage.

173. Un pareil mécanisme limitait nécessairement l'effet de torsion et de tension de l'organe neurotone. On reconnut bientôt que les traverses AD, BG, ne pouvaient pas recevoir un faisceau de calibre indéfini. Sans rien changer au reste du système, on installa les freins au-dessus d'ouvertures [pratiquées dans les semelles AD, BG]. Mais la torsion par le frein n'en devint pas plus efficace. Au contraire, le frottement du frein sur le bois, au droit des points d'appui, la rendait impossible. Il fallut alors recourir aux Barillets (Χοινίκιδες), dont nous parlerons tout à l'heure.

Poulies, moufles, treuils, affût et appareil de pointage.

174. La puissance balistique étant ainsi assurée, il faut disposer de moyens également énergiques pour entraîner les battants[48] et armer la machine. A cet effet, etc. etc.

 

L'auteur décrit ici plusieurs systèmes de poulies, moufles et treuils, servant à bander la machine. Puis il donne le détail du support, pied ou affût (Καρχήσιον)[49] de l'engin, comprenant l'appareil de pointage, pour les modèles de gros calibres. La χειροβαλλίστρα étant un simple gastraphète portatif, ces diverses particularités seraient ici superflues.[50] Notons seulement que l'auteur les expose avec toute la rigueur de son incomparable méthode, dont la traduction ci-dessus n'aura donné, je le crains, qu'une idée imparfaite.

Héron aborde ensuite le détail des deux systèmes fondamentaux, Παλίντονον (baliste), et Εὐθύτονον (catapulte ou scorpion primitif). On a vu plus haut que le Παλίντονον, à fibres tordues, a été créé le premier. L'auteur lui consacre la description suivante.[51]

 

175. Commençons par l'engin Παλίντονον. Son bâti se compose [ai-je dit] de quatre madriers, deux verticaux et deux horizontaux. Ceux-ci présentent des évidements traversés parle faisceau du ton. En outre ils servent de siège aux barillets, ainsi qu'aux freins autour desquels s'enroule le faisceau.

Faisons connaître les noms et les formes de ces différentes pièces.

Pieds-droits de flanc et de front.

176. Des madriers verticaux, l'un s'appelle montant ou pied-droit latéral ou de flanc (Παραστάτης),[52] adjacent au bras abattu.[53] L'autre est le pied-droit de front (Αντιστάτης)[54] cent au coude du battant.[55]

Pied-droit de flanc.

177. Le pied-droit de flanc se trace de la manière suivante [fig. 6] :

On prend un madrier de bois dur, de forme rectangulaire, tel que ABGD. A mi-hauteur de la face GD, on découpe dans le corps du bois une gorge demi-circulaire, afin que les bras, en remontant, aient une amplitude de battement plus grande et s'écartent davantage l'un de l'autre.[56] La gorge EZH correspond d'ailleurs à l'épaisseur du bras qui s'y loge à la fin du battement. Sur la face opposée, on ménage un renflement égal à ta profondeur de la gorge et au même niveau, tel que CKL, afin de compenser l'affaiblissement causé au bois par l’entaille circulaire EZH.[57] Les arêtes MC et LN sont, d'ailleurs, parallèles aux arêtes DH et EG.

Fig. 6. — Pied-droit de flanc du bâti névrotone.

En outre, sur la longueur totale du pied-droit, il faut réserver, à chaque bout, celle de doubles tenons,[58] tels que X, O, P, R. Puis, sur toute la hauteur de la pièce, de chaque côté, et suivant les contours MCKLN et GEZHD, il faut renforcer les fibres du bois avec des bandes de fer clouées sur la surface. Enfin, au pourtour des doubles tenons, dans la partie ML et GH, il faut également clouer avec soin des bandes de fer, afin que le pied-droit soit bien consolidé dans toutes ses parties, et puisse résister à une tension considérable.

Pied-droit de front.

178. Pour le pied-droit de front, mêmes précautions. Il a même longueur MN et même largeur ND que l'autre. Comme lui, il porte à chaque bout un double tenon MN, GD. Seulement il ne présente ni gorge ni renflement. De même que le pied-droit de flanc, il doit être renforcé de bandes métalliques, clouées sur tout son pourtour.

179. Le pied-droit de front reçoit en outre, sur une de ses faces, un tasseau destiné à soutenir le talon du battant, qui vient s'y appuyer à l'instant de la détente. Ce support s'appelle étrier (Υποπτερνίς, sous-talon).

Ecussons.

180. Les tables horizontales du bâti s'appellent écussons (Περίτρητα) [Scutulae dans Vitruve].[59] Les écussons se tracent de la manière suivante :

Fig. 7. Écusson palintone (batiste).

Construire un parallélogramme rectangle ABGD, ayant le côté AB double de BG. Joindre AG et mener à cette diagonale, par le point D, une parallèle DE. La figure AGDE sera celle de l'écusson. Joindre ensuite AE. Du point Z comme centre, décrire un cercle égal au trou qui doit loger le faisceau; puis, suivant la circonférence, évider ledit trou.[60]

Cela fait, mener les parallèles HC et KL aux arêtes AD et GE, à une distance égale aux épaisseurs respectives des pieds-droits de flanc et de front. Puis découper les entailles destinées aux tenons desdits pieds-droits, telles que M, N, X, O, non pas dans toute l'épaisseur du madrier, mais en laissant sur les entailles une partie pleine d'environ un tiers, en vue de la solidité et du bon aspect de l'assemblage.

181. Les écussons doivent être faits de bois dur, et recevoir, sur tout leur périmètre, des bandes de fer clouées dans l'épaisseur, comme on l’a dit pour les pieds-droits.[61] Les clous doivent se limiter au corps du bois, de telle sorte que leurs pointes horizontales ne percent jamais jusqu'à la lucarne (Τρήμα, trou cylindrique) destinée au faisceau, ni jusqu'aux entailles servant de loge aux tenons. Au reste, la tenue de ces clous dépend surtout de celle du bois.

182. Quant aux joues AG, DE, elles ne sont pas rectilignes; mais, pour renforcer l’écusson, elles sont courbées, telles que APG, DRE; et le diamètre de leur courbure est triple de celui de la lucarne occupée par le faisceau. Et, comme l'écusson, par suite de toutes ces entailles, se trouve très affaibli, on cherche à le renforcer par des baudes de fer, fixées sur les pieds-droits de flanc et de front, et embrassant les bords arrondis APG, DER.

Barillet.

183. Quant au barillet (Χοινικίς),[62] il s'exécute de la manière suivante :

Fig. 8. Barillet et frein.

 

On façonne un mandrin, de la forme ABGDEZ ci-dessus. La partie ABEZ est courbée, et la partie EGZD est droite [c.-à-d. plane]. La dimension AB est égale au diamètre de la lucarne (fig. 8). Sur ce mandrin, on tourne le barillet. S'il doit être coulé en bronze, on le moule en cylindre, d'un bronze mou et d'une épaisseur suffisante pour la solidité de la machine. Dans les grands modèles, les barillets se construisent quelquefois en bois, avec la précaution d'en placée le fil debout.

En outre, le bord supérieur AB, et le bord inférieur GD doivent être renforcés au moyen de colliers circulaires, fixés à l'aide de clous, et dont la face inférieure présente des tenons tels que H, C, distribués sur le pourtour, de manière à ajuster ces frettes dans des entailles ménagées, autour de la lucarne, en regard desdits tenons. On obtient ainsi un manchon cylindrique en forme de tuyau, et s'adaptant par son contour à la lucarne, de telle sorte que le barillet se trouve parfaitement assujetti. On ajoute parfois une semelle (Υπόθεμα) joignant le barillet, mais fixée sur l’écusson et recevant le tuyau ci-dessus. Elle a pour objet de ne point entailler l’écusson, et ainsi de ne point l'affaiblir, en y logeant ledit tuyau.

184. Le manchon en question se nomme sommier (Τριβεύς). Lorsqu'il est installé et ajusté par ses tenons, on pratique sur le dessus AB deux entailles diamétrales recevant la pièce appelée frein (Επιζυγίς),[63] qui s'y adapte de profil. Cette pièce, en fer doux soigneusement corroyé à la forge, est destinée à soutenir tout l'effort de l'engin. Autour du frein, en effet, s'enroule tout le faisceau. Soit KLMN cette pièce.[64]

Fig. 9. Epure du Palintone (baliste)

Plan (A)

 

 

 

 

Montage du bâti.

185. Cela posé, il faut procéder au montage de l'hémiton, qui se compose des pieds-droits de flanc et de front, des deux écussons et de leurs barillets. On installe les deux freins; puis, attachant à l'un d'eux le bout du cordon névrotone, on introduit alternativement, à travers les barillets, l'autre extrémité du cordon, et l’on enroule ainsi l'écheveau, jusqu'à ce que la chambre des barillets soit complètement garnie. Pour plus de facilité, ce travail s'exécute avec l'instrument appelé tendeur (Εντόνιον), dont nous donnerons la description.

Même méthode de montage pour l'autre hémiton.

Concevons donc les deux hémitons, armés comme on vient de le dire, et posés sur certaines pièces transversales, à une distance l’un de l’autre un peu plus grande que deux fois la longueur de l'un des battants.[65] Concevons, en outre, les écussons inférieurs ABGD, EZHC, des hémitons, munis de tenons saillants ΚL, ΜΝ, ΧΟ, PB, et conjugués l'un à l'autre par des moises ST, UF, recevant les tenons. Supposons même dispositif à la partie supérieure.

Trapèze.

186. Les moises inférieures sont elles-mêmes contreventées par des entretoises telles que q, f, v, y, recouvertes d'un plancher qui remplit tout l'espace compris entre les moises. L'ensemble des moises, entretoises et plancher, a reçu le nom de table ou trapèze (Τράπεζα).[66] ».

187. Les hémitons une fois assemblés, comme il vient d'être dit, et les bras orientés de manière à battre vers l'extérieur,[67] celui de ABGD, tel que JAE, étant orienté vers U, et celui de EZHC, tel que QW, étant orienté vers F, il reste à tirer en arrière la corde archère,[68] à poser le projectile et à lâcher la détente, comme on l'a dit plus haut.

188. La monture où se meut le tiroir avec sa gâchette et sa griffe, s'appelle coclisse (Σύριγξ) dans les euthytones, et échelette (Κλιμακίς) dans les palintones, à raison de sa largeur plus grande et des traverses d'assemblage qu'elle reçoit comme le trapèze.

Echelette.

189. L'auteur décrit ici l'échelette, formée de deux longerons maintenus parallèles par des entretoises. Sur le dessus des longerons sont cloués des tasseaux ou bandes longitudinales, entre lesquelles se meut le tiroir. L'échelette se relie aux hémitons par des contrefiches. J'indique sommairement ces particularités, qui n'ont qu'un rapport indirect avec la χείροβαλλίστρα.

 

190. L'ensemble de la machine ci-dessus, continue Héron, se monte ensuite sur l'affût. On lui donne le nom d'oiseau (Πτέρυξ, aile). Les hémitons sont d'ailleurs armés de contrefiches, dont les pieds s'appuient sur l'échelette. . .

191. Les bras étant logés au centre des faisceaux, la torsion s'effectue à l'aide d'un levier de fer muni d'un collet, s'ajustant sur la tête du frein, dans le sens permettant de donner aux bras la battement indiqué plus haut.[69]

Du reste, il faut tendre la corde archère, de manière à ce que les bras louchent presque les pieds-droits de flanc, sans pouvoir les frapper ni s'y briser eux-mêmes, à l'instant de la détente.

 

Armatures métalliques.

192. Suivent diverses recommandations ayant trait aux armatures métalliques, pour la consolidation du système. L'auteur termine par cette remarque :

 

193. Quant aux écussons, on les découpe en parallélogrammes (ῥερόμβωται), afin que les extrémités des battants, reliées par la corde archère, puissent s’écarter davantage l’une de l'autre.[70] D'ailleurs, les gorges ménagées dans les pieds-droits de flanc concourent au même but. Je m'en tiens à ce qui précède, sur les engins palintones.

SYSTÈME ΕΥΘΥΤΟΝΟΝ.

194. Le système de l’Εὐθύτονον est le même que celui du Παλίντονον.[71] Seulement, les deux hémitons y sont fondus en un seul bâti, n'étant séparés que par la largeur du tiroir.[72] Il n'y a donc ni trapèze, ni moïses supérieures, ni contrefiches. Les deux écussons du bas sont d'une seule pièce, et de même les deux du haut.

Tracé des tables.

195. Faisant donc la somme des pieds-droits latéraux et intermédiaires Μεσοστάταί, appelés pieds-droits de front dans les παλίντονα)[73] des diamètres des lucarnes [ou modules] et de largeur du tiroir (intervalle des pieds-droits du milieu) ; puis, traçant sur une planche une droite AB égale à cette somme, on mènera à la droite deux perpendiculaires AG et BD, dont chacune égale ou excède à peine le module. Si, par les points G et D, on fait passer l'arc de cercle GED, on obtiendra ainsi le tracé de l'arête postérieure GZECD de la table[74] de l’Εὐθύτονον, formé par les deux écussons réunis [fig. 10].

Fig. 10. Table de l'Euthytone (Catapulte ou Oxybèle).

196. Maintenant, si l’on prend les longueurs AZ, CB, égales à l'épaisseur des pieds-droits latéraux, et si l’on trace sur la planchette ZH et CK perpendiculaires à AB, on pourra décrire les lucarnes L et M ou chambres des faisceaux, qui toucheront presque les lignes ZH et CK. Puis, comptant à la suite les épaisseurs NX, OP, des pieds-droits intermédiaires, on disposera ceux-ci à angle droit avec AB, et l'intervalle XO sera la largeur du tiroir.

Montage de l’euthytone.

197. On trace une seconde figure identique, pour la table supérieure, qui s'assemble, par des tenons, avec les pieds-droits latéraux et intermédiaires. Le surplus, faisceaux de nerfs, barillets, etc., s'exécute comme il a été dit. Enfin l'installation des bras complète, en un seul bâti, la presque totalité de l'engin. Ces bras, tels que TR et US, battent en remontant, tout près des pieds-droits latéraux de la cage.[75]

Fig. 11. Epure de l'Euthytone (Catapulte).

(A) Plan d'ensemble (abstraction faite du treuil de bandage.)


 

Tendeurs, faisceaux et corde archère.

198. L'auteur passe ensuite au tendeur (Εντόνιον), servant à effectuer le montage des faisceaux névrotones; puis il aborde la fabrication des cordons, formés de tendons ou fibres, ou de cheveux[76] indique, en passant, que la corde archère de l'Euthytone est remplacée, dans le Palintone, par une bande, ceinture ou embrasse (Ζώνη), entourant la moitié postérieure de la pierre, et retenue, lorsque la machine est armée, par un crochet ou doigt unique, engagé dans une boucle ménagée à l'arrière de la ceinture.

Modale.

199. Héron expose ensuite la méthode de calcul du module ou calibre (Τρῆμα), mesuré au diamètre des lucarnes, dans les deux systèmes : unité fondamentale de toutes les autres dimensions.

L'auteur énonce les deux règles suivantes :

1° Dans l’Έὐθύτονον, le module égale le neuvième de la longueur du trait [77]

2° Dans le Παλίντονον, on multiplie par 100 le poids de la pierre exprimé en mines. La racine cubique du produit, augmentée de son dixième, exprime en doigts le module.[78]

Duplication du cube.

200. Le traité de la Bélopée se termine par l'exposé d'une solution graphique du problème de la duplication du cube, si célèbre dans l'antiquité,[79] et servant ici pour calculer l'échelle de proportion de deux machines dont les boulets ont leurs poids dans un rapport déterminé.

Les règles indiquées par Héron d'Alexandrie sont confirmées par Philon de Byzance et par Vitruve.[80]

Dimensions des machines de jet.

201. Les figures 12 et 14, données plus haut, sont les épures du Παλίντονον et de l’Έὐθύτονον construites d'après certains principes que mettra en pleine lumière la restitution graphique de la χειροβαλλίστρα. Pour le moment je dois seulement indiquer les principales proportions des deux types névrotones, au point de vue de la comparaison de leurs effets balistiques.

Les détails suivants sont empruntés au livre IV (Βελοποιῖκῶν) de Philon de Byzance.[81]

 

202. Le diamètre des lucarnes, dit le savant contemporain d'Héron, sert de module pour toutes les autres proportions du type.

203. Ainsi l'écusson, mesuré en son milieu, a une longueur de 2 3/4 modules.[82] Sa hauteur est de 1 module.[83]

204. Le barillet a deux modules de long. Sa largeur est égale à celle de l'écusson. Sa saillie supérieure est de 3/4 de module.[84]

205. L'épaisseur du sommier (Τριβεύς) est de 1/3 de module.[85]

206. Le pied-droit de flanc a 5 1/2 modules de hauteur, sans compter les tenons.[86] Sa largeur est de 1 7/12 de module, et son épaisseur de 3/5 de module.

207. Le support engagé dans l'écusson fait saillie de 1/4 de module.

208. Par suite, la hauteur totale de l’hémiton, mesurée entre les freins,[87] est de 9 modules. Quant au frein, l'épaisseur la plus convenable est 1/8 de module, sur une largeur double de l'épaisseur.[88]

209. Pour le battant,- on recommande la longueur de 6 modules, comme la plus pratique.[89]

210. La largeur et l'épaisseur du battant sont de ½ module.

211. La longueur de la corde excède de 1/10 le double de la longueur du battant.[90]

212. La longueur du trapèze est de 9 modules.[91] L'épaisseur du plancher qui le recouvre est de 1/9 de module. Les entretoises ont même largeur et épaisseur que celles de l’échelette.

213. Les moises longitudinales qui relient les hémitons ont de largeur ½, et d'épaisseur 4/9 de module.

214. L’échelette a, dit-on, en bonne proportion, 19 modules de longueur. Sa largeur, en dedans, est de 1 1/3 module. Ses longerons ont de largeur ½ de module et de hauteur 1 module.

215. Les entretoises sont espacées de à modules. Elles ont ½ de module de large, et 1/4 de module d'épaisseur.

216. Les rebords (Πτερύγια, glissières),[92] entre lesquels se meut la tortue (Χελώνιον, calasse) ont même longueur que l’échelette. Leur longueur est de ¼ de module, et leur épaisseur de 1/10.

217. La tortue doit être de même longueur que l’échelette, et sa largeur doit résulter de celle de cette dernière.

En se conformant, pour les bois, aux proportions ci-dessus, on évitera tonte erreur.

218. Quant au fer forgé, une ma chine bien faite doit en recevoir, tant pour les freins que pour les armatures, environ vingt-cinq fois le poids du boulet de pierre.[93]

219. L'abondance du faisceau n'est pas limitée.[94] Il faut toutefois l'installer avec précaution, tout en cherchant à en introduire le plus possible. Il peut en résulter une différence notable. La meilleure proportion est de vingt-cinq fois le poids de la pierre.[95]

Telles sont, pour les pierriers, les proportions à suivre en pratique.

220. Le module de l'engin à projectile aigu se calcule au neuvième de la longueur que l’on veut assigner au trait. Cette quantité sert de base à toutes les autres dimensions du système.

221. La table a 6 ½ modules de longueur. Sa largeur, mesurée au milieu, est de 2 modules, et aux extrémités de 1 ½ module. Son épaisseur est de 1 module.

222. Les pieds-droits latéraux ont de longueur 3 ½ modules, non compris les tenons, et d'épaisseur ¼ de module.

223. Les pieds-droits du milieu ont même longueur que les précédents, 1 ½ module de largeur, et 3/4 modules d'épaisseur.

224. Les bras doivent avoir 7 modules de longueur.[96] Quant à la monture (coulisse) la longueur la mieux proportionnée est de 16 modules.

Je m'en tiens à ces données sur les proportions des machines.

 


 

DEUXIEME PARTIE, CHAPITRE QUATRIÈME.

ORIGINE DES ENGINS À RESSORTS MÉTALLIQUES

DÉFAUTS PRATIQUES DU SYSTÈME NEVROTONE.

249. Les engins à pivots névrotones, si exactement décrits par Héron d'Alexandrie et par Philon de Byzance, étaient loin, à notre point de vue moderne, de constituer des modèles irréprochables. Mais il ne faut pas croire que les anciens, de leur côté, fussent très convaincus de la perfection du système. Au contraire, ils en connaissaient jusqu'aux moindres défauts ; et nous devons à Philon de Byzance la discussion complète des imperfections, des vices même de ces machines.

LE LIVRE IV DE PHILON DE BYZANCE.

Sous le titre de Βελοποιῖκῶν λόγος Δ',[97] Philon a rédigé, en forme de lettre à Ariston, personnage inconnu, une remarquable histoire des progrès réalisés de son temps dans l’artillerie hellénique. Il commence par décrire, en praticien consommé, les précautions à suivre pour la bonne exécution des engins névrotones. Il signale avec vivacité et critique avec une sagacité merveilleuse les inconvénients nombreux du système. Il fait connaître les améliorations qu'il y a lui-même introduites, entre autres la méthode de bandage des faisceaux à l'aide d'un coin, substituée à la torsion par rotation des barillets. Insistant sur l'insuffisance des libres tordues, il démontre la supériorité du métal, du bronze essayé par Ctésibius, en remplacement du système névrotone. Racontant ensuite les expériences de son illustre prédécesseur, il en fait ressortir les défectuosités. Il termine par la description du modèle qu'il a personnellement produit de la machine à ressorts de bronze, de l'engin dit χαλκότονον, précurseur de la χειροβαλλίστρα.

250. La valeur historique du livre IV de Philon est considérable. L'enchaînement des détails y est rigoureusement exact. La filiation des progrès racontés par lui est manifeste. On peut contester à Philon la justesse de quelques-uns de ses jugements théoriques.[98] Mais on ne peut qu'admirer sa bonne foi, dans le récit qu'il apporte d'inventions antérieures à la sienne, et qu'il surpasse sans les éclipser. Au surplus, il se montre partout si épris de son art, que son emphase même n'émousse jamais chez lui le sens du vrai. Son livre est le spécimen vivant de l'industrie antique, au milieu de ses préoccupations savantes, de sa pratique réfléchie. Rien n'est laissé au hasard par un esprit de cette nature. Tel apparaît Philon de Byzance, une des illustrations les plus brillantes du monde technique, au IIe siècle avant l'ère chrétienne.

251. MM. Köchly et Rüstow ont traduit l'opuscule de Philon de Byzance à la suite des Βελοποιῖκά d'Héron d'Alexandrie.[99] Leur texte est celui de Thévenot, corrigé par conjecture, sans remonter aux manuscrits! Une réédition de l'ouvrage eût mérité la place d'honneur dans la Poliorcétique des Grecs, de M. Wescher, dont les cent vingt dernières pages sont consacrées à des fragments dépourvus de toute valeur technique.[100] Le regret que j'exprime, à l'égard du livre IV, s'applique également au livre V de l'illustre ingénieur de Byzance.

DISCUSSION DU SYSTEME NEVROTONE.

252. Comme dans la Bélopée, je n'emprunterai, du livre IV de Philon, que les passages utiles à la restitution de la χειροβαλλίστρα.

Calibre limité des faisceaux

Avant de montrer toute la supériorité, théorique et pratique, de mes propres machines, je crois nécessaire, dit Philon, de mettre en lumière les imperfections, les points faibles des anciennes : d'une part, le manque de vigueur inhérent au système; d'autre part, la difficulté pratique du montage. De là vient, en effet, que l'exécution de ces machines est compliquée, couteuse, et que, dans les cas pressants, elles se trouvent tout à fait insuffisantes, par l'impossibilité de fournir un service soutenu. Et je m'en explique aisément les raisons.

Veut-on, par exemple, en vue d'augmenter la portée, renforcer au maximum le faisceau élastique? J'admets, et tous les ingénieurs sont de mon avis, que c'est là, en effet, le moyen le plus efficace. Or la grosseur du faisceau dépend de l'ouverture des lucarnes. Pour renforcer le faisceau, il faut donc élargir les lucarnes : autrement, point de place pour le supplément du faisceau. Par suite, les rebords[101] conservés au pourtour des chambres cylindriques seront amincis au point de perdre toute solidité. Aussi bien il est impossible de faire les écussons plus larges, sans rompre la proportion appropriée à leur longueur.[102]

On essaye, j'en conviens, de les renforcer par dessous à t'aide de bandes de fer. Mais ces pièces, réduites elles-mêmes à l'espace disponible, ne sont d'aucun secours. Lorsque le faisceau fonctionne en manœuvre soutenue, on les voit bientôt se courber, et amener la rupture de la portion de l’écusson qui les recouvre.

253. D'un autre côté, les entailles ménagées à l'aplomb[103] des tenons des pieds-droits latéraux et intermédiaires se trouvent très rapprochées des lucarnes. C'est là encore une cause d'affaiblissement sensible. D'ailleurs les évi-déments exigés par les assemblages sont presque contigus, et disposés latéralement dans le sens parallèle aux lucarnes. Tout cela contribue à affaiblir la machine. Elle s'appuie, pour ainsi dire, sur des copeaux de bois. Aussi, nombre d'écussons, incapables de résister, se brisent même pendant le montage.

254. Considérez un écusson, isolé du bâti et en dehors de tout assemblage, de tout ornement accessoire.[104] Quel pauvre aspect il présente, avec ses évidements percés à jour de tous côtés, et ses entailles multipliées au pourtour des lucarnes! De bonne foi, je vous prie, quelle résistance peut-il fournir ? Vous aurez bien raison de le juger ridicule.

Insuffisance des armatures.

255. Pour remédier à cette faiblesse, inhérente aux exigences de la forme en question, on essaye, il est vrai, de renforcer l'écusson, en clouant au pour tour des bandes de fer ployé, ainsi que des fourrures fixées par-dessous, comme je l'ai indiqué. On cherche également à faire reposer les barillets sur des sommiers plus forts et à consolider le système par d'autres moyens analogues. Mais ces moyens sont très coûteux, et leur application prend beaucoup de temps. C'est pourquoi je veux examiner une à une les difficultés pratiques que présente le montage de ces machines.

Complication du jeu des tendeurs.

256. Et d'abord, l'installation du faisceau n'est rien moins qu'expéditive. Il faut tendre brin à brin le cordon élastique; et, à chaque passe, il faut le dévider tout entier à travers les barillets. Chaque inflexion du cordon en compromet la ténacité. En passant sur les treuils du tendeur, il s'y aplatit et s'y affaiblit considérablement. En outre, le bandage de l'engin exige l'emploi de machines beaucoup plus grandes, c'est-à-dire de tendeurs.[105] Souvent même il arrive qu'au moment de recourir aux catapultes, certains cordons s'y trouvent rompus ou d'autres relâchés, et qu'il est impossible, faute des tendeurs ci-dessus, de les remettre en état. Ce cas, déjà fréquent en campagne, est presque inévitable à bord.

Effet nuisible de ta torsion.

257. Il a pour conséquence un autre inconvénient non moins grave et non moins funeste à ta portée constante que l'art assigne au jet. En effet, dans les manœuvres prolongées, le faisceau se relâche et exige un nouveau bandage. De là une diminution sensible dans la portée. Veut-on rendre au faisceau sa tension primitive? Loin d'en pouvoir maintenir les cordons rectilignes, il faut le faire tourner et rai donner, contre nature, la torsion convenable. On croit par là lui venir en aide, mais on en compromet grandement la vigueur. Je dirai même qu'on amoindrît la portée et l'intensité du jet, en affaiblissant la machine par la torsion oblique du faisceau en hélice serrée, ce qui enlève aux cordons leur force et leur élasticité naturelle : tel est l'effet de la torsion qui leur est appliquée à la partie supérieure. Dans cet état, le faisceau devient rebelle à la manœuvre de bandage. Dans la détente, au contraire, il se montre affaibli, relâché; comme si la torsion qu'il a reçue en excès se traduisait par une perte de force équivalente.

258. Quant à vouloir de nouveau bander verticalement le faisceau, c'est une opération longue, pénible, hors de proportion avec le résultat cherché. Aussi bien on court le risque de détériorer le cordon, en le retirant brin à brin des barillets, pour le réinstaller ensuite au degré voulu de tension. C'est pour éviter ces ennuis, que la plupart des ingénieurs emploient le procédé ci-dessus.

Résumé.

259. Telles sont, en résumé, les critiques méritées que l’on peut adresser au système eu usage. Quant aux détails, chacun peut, d'un coup d'œil, en apprécier la valeur. Toutefois on doit des éloges aux premiers inventeurs de ces machines. Pour le fond, comme pour la forme, ils furent, en effet, de véritables créateurs, qui laissèrent bien loin derrière eux, tant pour la portée que pour le poids du projectile, les instruments primitifs, arc, javelot, fronde. Aussi bien une idée fécondée dans son germe et mûrie à point par le travail procède de plus haut, dans l'échelle de l'intelligence, que le talent banal de modifier ou de corriger ce qui existe. D'ailleurs, l'invention en question remonte à un grand nombre d'années. Naturellement maint ingénieur, maint constructeur, en a fait usage. Nul, jusqu'ici, pourtant, n'a osé rompre avec la routine. Le premier, je m'en suis affranchi; et j'ai obtenu de nombreuses et utiles améliorations, dont vous prendrez connaissance par l'exposé qui va suivre.

 

260. Je passe à regret le développement annoncé, qui occupe huit pages de l'in-folio de Thévenot. C'est un admirable spécimen de la mécanique appliquée des anciens.[106] Un constructeur moderne n'y montrerait pas plus de sagacité, de souci du progrès, ni d'amour de l'art. Le grand mérite, à mon sens, du traité de Philon, c'est que l’auteur y demeure continuellement en scène, non pour afficher sa personnalité, mais pour soutenir hautement la cause de la science désintéressée.

DES ENGINS A RESSORTS METALLIQUES.

ΧΑΛΚΟΤΟΝΟΝ de Ctésibius.

261. A la suite de son exposé, Philon aborde la théorie du Χαλκότονον (engin chalcolone, ou à ressorts de bronze), inventé par Ctésibius d'Alexandrie. « Moi-même, dit-il, j'ai eu à m'occuper du problème, tel qu'il était posé.[107] J'ai cherché à le résoudre, en marchant, sur les traces de Ctésibius, vers une solution meilleure. Entre son type et le mien, il existe, en effet, une grande différence de forme, si j'en crois des personnes qui ont pu examiner avec attention l'engin de Ctésibius. Je vais donc vous décrire ma machine, telle que je l'ai exécutée. »

 

262. Le pied, la monture, le tiroir, avec la griffe commandant la corde archère, le treuil, le déclic,[108] les leviers, etc., sont absolument les mêmes que dans les Οξυβελεῖς[109] ordinaires. La cage seule présente une autre disposition.

Théorie du faisceau névrotone.

263. Avant de décrire, poursuit Philon, les propriétés particulières du moteur chalcotone, je crois utile, même à ce sujet, de jeter encore un coup d'œil sur les anciennes machines, et d'y rechercher quelles sont les conditions requises pour lancer loin le trait. Je ne donnerai point, d'ailleurs, comme je l'ai fait plus haut, une théorie détaillée du système. Ces questions, déjà résolues, comme je l'ai dit, se trouvent à la portée de tout le monde, et maintes fois la pratique les a étudiées. Ce que j'ai à présenter, pour le moment, ce sont des considérations générales, c'est l'examen sommaire et spécial d'un principe tout à fait original et nouveau.

264. La quantité de force accumulée dans le battant, telle est la cause de la longue portée du projectile. Le faisceau névrotone est un moyen de l'augmenter. Examinons donc, dans ce système, de quelle manière peut en varier l'effet. . .

Et d'abord, le battant est au centre du faisceau. Une moitié de celui-ci tombe au droit du talon, du côté extérieur, et pousse le talon vert l’intérieur du bâti; l'autre moitié, symétriquement placée, pousse en ayant le bras.[110] Or je dis que, plus vive sera la détente des ballants, plus loin sera lancé le trait. En effet, plus le mouvement de la corde archère est rapide, plus forte est l'impulsion qu'elle communique au projectile. De sorte que, dans le même temps, grâce à la continuité de l'impulsion, l'espace parcouru est plus grand.

265. Cela posé, faut-il admettre, comme je l'ai dit, avec la plupart des ingénieurs, que la puissance du battant[111] est engendrée simultanément par les deux moitiés du faisceau, ou bien par une seule? Examinons ce point, afin de l'éclaircir. Aussi bien, pour ma thèse, il est de la dernière importance.

Lorsque nous tendons la corde archère, ne voyons-nous pas simultanément les deux moitiés du câble réagir en sens contraire? A tel point que souvent, par ces deux efforts inverses, le bras lui-même se trouve, pour ainsi dire, broyé. En outre, dans la détente, on voit la corde archère entraîner, d'une vitesse égale, les deux moitiés du faisceau, dont les forces composantes sont égales et identiques. Pour imprimer au bras sa vitesse, une force unique ne suffirait donc pas, à moins de surpasser l'autre. Alors, en effet, elle vaincrait cette seconde force et viendrait en aide à la vitesse.[112]

266. Ce que je viens de dire peut être mis en lumière par l'exemple suivant :

Que l’on prenne deux corps de même substance et de même forme, l'un pesant une mine et l'autre deux. Qu'on laisse de haut tomber ces deux corps. J'observe que le poids double sera entraîné avec un excès considérable de force vive.[113] Même raisonnement pour tout autre poids. Toujours, proportionnellement, le plus lourd aura le plus de force vive; soit parce que, au dire de quelques physiciens, il fend et écarte l'air avec plus de facilité; soit parce qu'au poids le plus lourd correspond une impulsion plus forte.[114] Il suit de là qu'une impulsion plus grande ajoute à la force vive de chute.

 

267. Philon appuie sa démonstration sur des exemples qu'il serait trop long d'exposer, mais qui sont contraires aux principes, les mieux établis aujourd'hui, de la physique. Au fond, Philon sent·d'instinct les phénomènes naturels. Mais il confond à chaque instant la vitesse d'un mouvement avec l'effet de force vive. Dans la comparaison qu'il donne ci-dessus de la chute des corps, j'ai respecté la distinction entre les deux faits, et restitué à chacun son rôle effectif. Chose remarquable, les connaissances scientifiques de Philon se montrent habituellement exactes, à la condition de rendre aux termes par lesquels il décrit des phénomènes certains une précision qui trop souvent semble impossible à sa plume.

ORIGINE DE L'INVENTION DES RESSORTS.

268. Quoi qu'il en soit, l'habile praticien arrive aux conclusions suivantes :

 

269. Dans cet état de choses, il fut clairement prouvé que chaque moitié du faisceau n'ajoutait rien à la vitesse du bras, à cause de son identité de force avec l'autre. On conclut donc avec raison qu'il fallait enlever et supprimer ce dispositif, qui n'était d'aucun secours pour la machine. Or, le faisceau étant formé de cordons de nerfs, tendus d'après l'ancienne méthode, il n'était pas possible de n'en supprimer que la moitié.[115] Comment, en effet, avec l'autre moitié seulement, te bras eût-il pu déployer la moindre force? Il fallait donc recourir à un moyen nouveau, permettant d'obtenir plus de puissance qu'avec la moitié du faisceau appliquée au talon du bras, et de supprimer alors l'autre moitié, qui ne pouvait rien ajouter à la force balistique, et dont la résistance entravait la manœuvre.[116]

FABRICATION DES RESSORTS DE BRONZE.

270. On fabriqua alors, pour la catapulte de trois empans, des lames ou rubans (Λεπίδες) de bronze, car on leur donna ce nom. Ces rubans étaient des ressorts (Ελάσματα) métalliques, ayant de longueur [12 doigts], de largeur [2 doigts] et d'épaisseur [1/12 de doigt].[117] On les fondit en cuivre rouge bien préparé, de première qualité et purifié avec soin, à plusieurs reprises, puis mélangé, à raison de trois drachmes par mine (trou pour cent) avec de l'étain pur, bien nettoyé et corroyé.

271. Au sortir du moule, les rubans furent aplatis et mis aux dimensions ci-dessus. Puis ils reçurent une courbure douce sur un gabarit de bois (Εμβολεύς). Ensuite je les battis à froid sans relâche, pendant très longtemps, leur donnant une épaisseur uniforme, ainsi que des arêtes rectilignes au pourtour du profil; et, dans l'autre sens, une courbure régulière épousant exactement celle du gabarit. Enfin je les conjuguai deux à deux, mettant en regard leurs parties concaves.[118] Les extrémités, limées avec soin, s'assemblaient deux à deux au moyen de tenons.

272. Les rubans empruntaient donc leur force à la nature même du bronze. Le plus blanc et le plus pur, quand on le fond avec toutes les précautions requises, donne un métal fort, souple, élastique. Les ressorts furent battus à froid,[119] sans relâche et pendant longtemps, afin d'en durcir les fibres superficielles et de leur procurer plus de résistance. On leur donna, comme j'ai dit, une double convexité.

INSTALLATION DES RESSORTS.

273. Cela fait, on installa les ressorts au droit du talon du bras. Celui-ci s'appuyait donc contre les lames flexibles. Lui-même pivotait autour d'un collier de fer extérieur, qui embrassait le contour du bras,[120] et qui se reliait à la cage, par ses extrémités, au moyen d'étriers de même métal. D'ailleurs, pour ne point fatiguer le bâti, ces étriers, de forme arrondie, s'assemblaient avec les cadres des ressorts. Enfin, le long du battant, se trouvait une douille en bronze, ajustée sur la surface du bras, et dans laquelle pénétrait le pivot de fer, au droit de la feuille de lierre (Κισσόφυλλον), disposée en relief sur la douille.[121]

Fig. 15. Engin chalcotone de Philon de Byzance.

(Catapulte à ressorts de bronze).

 

ELASTICITE DU SYSTEME.

274. Grâce à ce dispositif, continue Philon, lorsque la corde archère venait à entraîner le bras, celui-ci, pivotant librement dans son collier métallique, pressait du talon contre l'un des rubans, en appuyant sur la face convexe.[122] Ainsi comprimé, ce ruban se redressait, et transmettait son effort, par les extrémités, au second ruban, qui se redressait pareillement. En effet le dos de celui-ci s'appuyait contre le bâti et contre les armatures de fer, qui le maintenaient en position. Ainsi que je l'ai dit, l'entraînement de la corde avait pour effet de comprimer, redresser et arc-bouter l'un contre l'autre les deux rubans. La détente les ramenait à leur position primitive. S'éloignant alors violemment l'un de l'autre, ils réagissaient avec force contre le talon du bras.

ÉLASTICITÉ NATURELLE DE CERTAINS CORPS.

275. Sans doute un pareil fait vous paraîtra, comme à beaucoup de personnes, incroyable. Il est impossible, dira-t-on, que des lames déjà courbées, puis redressées par l'effort du battant, ne restent pas indéfiniment rectilignes, bien loin de se détendre et de revenir à leur courbure première. A dire vrai, on admet que l'élasticité est une propriété naturelle de la corne[123] et de certains bois, comme on le voit dans l'arc. Mais on soutient que le bronze, bien que doué, comme le fer, d'une certaine rigidité, d'une certaine dureté et résistance, conserve néanmoins la courbure qu'il a reçue d'un effort puissant, et ne peut plus ensuite spontanément se redresser. Excusons l'objection, fondée sur une notion imparfaite des choses.

LAMES D'ÉPEES CELTIQUES ET ESPAGNOLES.

276. La propriété desdits ressorts fut, en effet, devinée à la vue des épées celtiques et espagnoles. Pour essayer celles-ci, et pour juger de leur qualité pratique, on saisit une lame de la main droite et on se l'applique contre la tête. Puis, des deux mains, on en abaisse les extrémités, jusqu'à ce qu'elles fléchissent au niveau des épaules. On lâche alors brusquement la lame qui, d'elle-même, redevient droite comme devant, sans conserver, même après des épreuves répétées, la moindre trace de courbure.

THEORIE DU BATTAGE.

277. On se demandait en vertu de quel principe ces lames possèdent une pareille élasticité. On finit par comprendre que le fer, lorsqu'il est bien pur, et qu'on le corroie à la forge de manière à n'y laisser ni rouille ni paille, ne se montre par lui-même ni dur ni mou, mais plutôt d'une consistance moyenne; d'un autre côté, que ces lames, vivement[124] battues à froid, acquièrent plus d'élasticité. C'est là, en effet, ce qui leur donne la souplesse. Toutefois il ne les faut battre ni avec violence ni avec de forts marteaux. Un battage exagéré et maladroit détruit l'arrangement des fibres et se répercute a trop de profondeur. Aussi bien, battues de la sorte, si l'on cherche à les faire ployer, elles s'y refusent absolument, ou bien se rompent sous l'effort, parce que leurs fibres, écrouies par le battage, ne peuvent plus se condenser davantage. Le passage au feu amollit le fer et l'airain, en les dilatant, comme on dit. Au contraire, la trempe et le battage durcissent ces métaux.[125] Ces deux causes expliquent d'ailleurs la contraction des corps par le rapprochement de leurs molécules et par la suppression des pores intermédiaires.

278. Je battis donc mes rubans à froid sur chaque face, et cela eut pour effet d'en durcir l’épiderme. L'intérieur, au contraire, demeura mou, grâce à la douceur du battage, qui ne pouvait se faire sentir à quelque profondeur. Les lames se trouvaient donc formées, pour ainsi dire, de trois métaux juxtaposés : à l'extérieur, deux couvertes dures; à l’intérieur un noyau mou. De là, leur souplesse élastique, décrite plus haut.[126]

SUPÉRIORITÉ PRATIQUE DES ENGINS A RESSORTS.

279. Des engins χαλκότονα et de leur structure actuelle, je borne ici mon exposé; en allant plus loin, je craindrais d'empiéter sans le vouloir sur des questions qui sont plutôt du domaine de la physique. J'ajouterai seulement quelques remarques sur les qualités pratiques du nouveau système. Et d'abord, témoin la description donnée plus haut, il est d'une facilité d'exécution supérieure. Cela tient à ce qu'il ne présente ni lucarnes, ni barillets, ni armatures de fer nombreuses et compliquées. Sa construction se trouve, au contraire, toute simple, tout unie, et partant très facile. D'un autre côté, c'est une arme puissante, moins sujette qu'une autre à se détraquer, car elle tient sa force balistique non des nerfs, mais du bronze.[127] Enfin sa qualité suprême, sans rivale, c'est la longue portée et la vigueur de son tir, qui ne s'affaiblit jamais durant l'action, sur mer comme sur terre. Son organe moteur est, en effet, à l'épreuve de la rupture, de l'humidité ou de tout autre accident. Pour les nerfs, ces circonstances sont funestes. Dès que les faisceaux sont mouillés ou rompus, inévitablement la machine est bientôt détraquée. Souvent même le soin qu'on prend de l'abriter en un local soustrait aux influences atmosphériques ne la sauve point d'une détérioration rapide. Le bronze, au contraire, résiste à toutes les épreuves. L'usage de l'arme, loin d'en rompre ou d'en relâcher le ressort, met en évidence toute sa vigueur pratique. Après l'action, l'organe des ressorts,[128] facile à démonter, s'enlève de la cage et se renferme dans un étui. Les bras se retirent avec la même facilité.[129] Par conséquent, à tous les points de vue, l'arme est économique, d'un assemblage commode, et portative en campagne.[130]

 

280. Tel fut le programme du χαλκότονον ὄργανον, dans les limites rationnelles des connaissances pratiques de Philon de Byzance et de ses contemporains. Fidèle à la loi du progrès, c'est-à-dire attentif à conserver, en les améliorant, les œuvres de ses prédécesseurs, Philon se montre plein de respect pour la tradition primitive. A son exemple, dans mes recherches sur la χειροβαλλίστρα, j'ai pris pour règle de ne m'écarter jamais des indications précieuses du livre IV de Philon de Byzance. La description qu'il donne des pivots, des ressorts faciles à démonter, des battants d'une structure particulière, introduits par lui dans le χαλκότονον, devait éclairer pour moi d'une lumière vive le texte énigmatique de la Chirobaliste. Je dois au savant ouvrage de M. G. Wescher l'indice de plusieurs détails, précisés par la restitution des leçons authentiques correspondantes. Mais je dois, avant tout, à l'illustre émule de Ctésibius le fil d'Ariane qui m'a retiré, sain et sauf, de cet obscur et périlleux labyrinthe.

 


 

[1] Voir Math. vet. p. 105 à 114, et Poliorcét. (Wescher), p. 41 à 68.

[2] Dans un savant travail consacré à Héron d'Alexandrie (Mém. de l’Acad. des insc. 1854). M. H. Martin (de Rennes) a démontré que le célèbre élève de Ctésibius florissait vers l'an 70 avant J. C.

[3] Philon de Byzance fut contemporain de Ctésibius, dont il continua les travaux (Math. vet. p. 73; — Köchly et Rüstow, p. 300). Héron (Math. vet. p. 163) cite de Philon de Byzance un traité des Automates, dont il se déclare le continuateur. Vitruve (lib. VII, praefatio) nomme Philon de Byzance, à la suite de Ctésibius, parmi les auteurs d'ouvrages sur la balistique. D'après Athénée (Déipnosoph. IV), Ctésibius vivait sous Ptolémée Evergète II, septième roi d'Egypte (146 à 147 av. J. C). Fabricius croit Ctésibius contemporain de Ptolémée Philadelphe. Schweighaeuser (ap. Ath. l. c. p. 637) et M. H. Martin (de Rennes) ont réfuté cette opinion (Mém. cit.). Köchly et Rüstow placent Philon de Byzance sous le premier Ptolémée (323-285), à propos du passage relatif aux rois « amis de la gloire et amis des arts, » cité au chapitre précédent. Rien ne prouve que Philon décerne cet éloge aux souverains d'Egypte ses contemporains.

[4] Math. vet. p. 1 à 48. Wescher (op. cit.) p. 137 à 193.

[5] La paix de l'âme, terme employé ici, avec beaucoup de finesse, par Héron d’Alexandrie, dans le sens de la paix politique. Köchly traduit par Seelenruhe, paix des âmes.

[6] C'est la science proprement dite; témoin Pindare (Ol. VII, v. 98-99) :

Δαέντι δὲ καὶ σοφία

     Μείζων ἄδολος τελέθει

[7] Ceci est encore une allusion aux philosophes stoïciens, qui font consister le bonheur dans la paix avec soi-même. Tels sont Aristote, Épictète, Sénèque, Plutarque. Le Nil admirari d'Horace résume la doctrine.

[8] Mot à mot : « Et l'on demeure à bon escient imperturbable. »

[9] On trouvera plus loin la distinction technique à faire entre les deux systèmes. M. de Reffye l'a seulement entrevue (Monit. 6 nov. 1867). Je l'ai déduite du texte même d'Héron. Le παλίντονον de la Bélopée n'a jamais été expliqué comme je le présente aujourd'hui. M. de Reffye a exécuté pour le Musée d'Artillerie et pour celui de Saint-Germain, des modèles euthytone et palintone, dont les battants sont tournés par dehors. Le seul qu'il ait muni de bras convergents, caractère distinctif du παλίντονον, figure, à titre de variante seulement, au Musée d'Artillerie.

[10] Le Καταπέλτης ou Καταπάλτης grec est le nom générique des machines de jet. Οξυβελής, λιθόβολος, ou πετρόβολος, indiquent l'engin spécial lançant des traits ou des pierres, le terme τὸ καταπελτικόν, désignant dans Diodore l'Artillerie. Certains auteurs disent également ἀφετηρία ὅργανα [machines de jet). D'ordinaire καταπέλτης est une arme lançant des flèches. Les pierriers sont le plus souvent παλίντονα, avec ou sans le mot ὅργανα. Le Σκορπίος est une catapulte ὀξυβελής, ou simplement un ὀξυβελής (s. e. καταπέλτης) ou encore ὀξυβελής (s. e. ὅργανον). Les Grecs avaient un troisième système, à moteur névrotone mais à bras unique, ou μονάγκων, qui fonctionnait dans le plan même du tir. Ce battant se terminait par une fronde armée d'une pierre, que l'engin lançait à l'instar du frondeur, à tour de bras. Ce type appartenait à la classe εὐθύτονον. Les Romains modifièrent la nomenclature grecque primitive. Les ὀξυβελεῖς deviennent pour eux des scorpions, et les παλίντονα ou λιθοβόλοι prennent le nom de balistes. Le μονάγκων devient la catapulte, que Vitruve confond pourtant avec le scorpion; de même que σκορπίος et καταπέλτης désignent souvent en grec un seul et même engin, du genre εὐθύτονον. Plus tard, le σκορπίος devint παλίντονος, sans cesser d'être ὀξυβελής; enfin il prit le nom de χειροβαλλίστρα, manubalista. Athénée (Th. p. 3, W. p. 8) cite un engin d'Agésistrate qui, παλίντονος ὧν, dit le texte, envoyait à quatre stades (740 mètres) un trait de quatre coudées (1,85 m). La χειροβαλλίστρα est un type mixte : le corps de l'arme est εὐθύτονον, l'engin étant ὀξυβελής; son mécanisme est παλίντονον, plus puissant et moins encombrant que celui de l’εὐθύτονον, comme il convient à une arme portative. La manubaliste, variété de la baliste, est évidemment παλίντονος. A l'époque où elle se substitue au scorpion euthytone, définitivement délaissé par l'artillerie romaine, le nom de scorpion est cependant maintenu au vocabulaire, et devient celui du pierrier μονάγκων, de la catapulta ou pierrier-fronde de César. Un peu plus tard cette machine reçoit le nom définitif d'onagre. La baliste est le seul engin dont le nom, chez les Romains, soit demeuré invariable. Sa description dans Vitruve est conforme à celle du παλίντονον d'Héron et de Philon. Selon ces trois auteurs, la baliste était un pierrier. Parfois, dans César, elle lance de grosses flèches. Depuis, elle cesse complètement de jeter des pierres. Peut-être la confond-on alors avec la manubaliste, comme les Grecs disent βολίστρα pour χειροβαλλίστρα. Palintone par essence, la baliste lançait probablement à volonté, comme le remarque Héron, des pierres ou des flèches.

[11] M. Wescher écrit : ὀῖστους ,καΐ συναμφότερα, lacune indiquée, paraît-il, mais sans justification plausible, dans le ms. de Mynas.

[12] Thévenot rend σκληρότητας par asperitates.

[13] La figure des Math. vet. est assez correcte, mais la forme de la monture n'est point celle d'une planchette, comme l'a cru également W. Newton (Stratic, Vitruve, p. 184, pl. XVIII, fig. 1 et 3). Rien n'indique non plus, dans Héron, une forme analogue pour le refouloir (καταγωγίς), celui de la chirobaliste est un simple croissant (σελενοηειδὲς σχῆμα), ajusté à tenon et mortaise avec la queue de la monture, La courbure donnée par Thévenot et W. Newton à l'autre extrémité de la monture n'est pas davantage justifiée : « Catagogis extremum Ε arcui propius in rotundam lineam erat conformatum. » (W. New.)

[14] M. Dufour (op. cit. p. 30) la définit coulisse à queue d'aigle (?).

[15] Θῆλυς, ramure ( pièce femelle) ; ἄῤῥην, languette (pièce mâle). Köch. Rüst. traduisent ἄῤῥην par feder, plume, qui a sans doute en allemand l'acception du mot languette. Vitruve appelle buccales (lèvres) les bords de la rainure. Philon (T. 53, KR. a5a) les appelle πτερύγια, ailettes. Double rapprochement curieux entre feder et πτερύγια, d'une part, entre languette et buccalae, de l'autre. Dans toutes les langues, l’analogie avec les formes vivantes préside évidemment à la nomenclature technique.

[16] Κανών, terme ayant en grec le même sens vague que pièce en français.

[17] Δίχηλον (δίχειλον Th. et KR). Baldi, avant M. Wescher, avait adopté δίχηλον, pour le motif suivant (Math. vet. p. 33a) : δίχηλα dicebantur animalia divisas seu bifidas bisulcasve ungulas habentia, ut boves, capre, cervi et cetera ejusmodi. » Dans la χειροβαλλίστρα, Baldi écrit également δίχηλον, honneur rapporté exclusivement aux mss. par M. Wescher.

[18] L'outil en question ressemblerait plutôt à la tête du marteau de menuisier, qui est fendue pour saisir par la tête les pointes ou clous à arracher du bois.

[19] Le dessin de la batterie, dans Thévenot, est fort incorrect. Ses successeurs l'ont mieux restitué.

[20] Silberschlag (Mém. de l'Acad. de Berlin, 1760, p. 378-432), dans sa Dissertation sur les principales machines de guerre des anciens, dit que σύριγξ désignait probablement tout le tronc de la machine. M. Dufour (op. cit. p. 30) traduit σύριγξ par crosse (?). Le terme exact est monture.

[21] M. Dufour (op. cit. p. 30) traduit διώστρα par plateau, et la languette du tiroir par tenon.

[22] Il cavo della saetta, disent les Italiens (Baldi. Math. vet. p. 332). W. Newton (Stratic. t IV, p. 184) appelle cette pièce ἐπιτοξίς (?)

[23] Dufour (p. 31) traduit χελώνιον par chelon, qui désigne, selon lui, la détente ou la noix de détente. Χελώνιον, tortue, est la forme de la batterie elle-même, vue en plan, et proéminente à la queue du tiroir, c'est-à-dire la croupe de l'engin. La calasse d'une arme à feu répond à une analogie du même genre.

[24] Pièce ramenant en bas (le tiroir). A raison du tir incliné, la volée de l'engin était le haut, et l'arrière le bas. Κατάγειν signifie donc ramener en arrière. De la καταγωγίς traduit par refouloir.

[25] Thévenot traduit : Volentes tolum imponere (!)

[26] Equivaut à pousser en avant le tiroir. Meister (op. cit. p. 34) a signalé la précision technique de ces termes de manœuvre, composés avec ἀνὰ et κατὰ, et indiquant le mouvement en avant ou en arrière du tiroir, à cause de l'inclinaison du tir, soit de l’εὐθύτονον ou du παλίντονον. Les simples archers tiraient souvent, au-juger, en visant l’ennemi au-dessus de la tête. Les plus anciens bas-reliefs d'Egypte et d'Assyrie en offrent plus d'un exemple. Xénophon (Cyrop. VI, iii) parle d'archers tirant par-dessus un double rang de combattants. La distinction que l'on a voulu établir entre l’εὐθύτονον et le παλίντονον, d'après l'inclinaison plus ou moins sensible du tir, est insoutenable. Tous les engins antiques tiraient sous un angle très relevé. Les termes de la manœuvre sont identiques pour tous les systèmes. Nous mettrons le fait en complète évidence.

[27] D'abord cela signifie ici principalement la direction du tir, du point où se trouve l’ennemi. L'exemple actuel du γαστραφέτης montre l'engin comme une sorte de rempart, dont l’extérieur est le côté de l’ennemi, le champ du tir. Un peu plus loin (Th. 137, KR. 210, W. 83), Héron dit encore εἰς τὸ ἐκτὸς μέρος, pour définir l’orientation des bras du παλίντονον.Le sens est évidemment identique : « Les bras, dit Héron, doivent avoir leur battement de bas en haut (ἀνάπτωσιν) et leur effet balistique dans la région extérieure. Il est clair, d'après cette indication si précise, que les bras du παλίντονον, installés à la hauteur de la volée, fonctionnent vers l’avant de la machine.

Plus loin encore, nous voyons reparaître le caractère distinctif du ναλίντονον. A propos de ce système, Héron (Th. 135, KR. 334, W. 100) dit : les bras battant vers l'extérieur. Ce point si important revient encore (Th. 132, KR. 336, W. 100-101) quelques lignes après : « Il faut, dit l'auteur, tordre les faisceaux de manière à orienter le battement des bras dans le sens que j'ai dit. » On doit donc tenir compte de l'indication si précise εἰς τὸ ἐκτὸς. De son côté, Philon (Th. 68, KR 388) emploie les termes ἐν τῷ ἐκτὸς... εἰς τὰἐντὸς, pour expliquer le sens des réactions de chaque moitié du faisceau tordu sur le talon du battant. Son témoignage confirme donc celui d'Héron d'Alexandrie. Enfin Vitruve (Schn. t. I, p. 294), parlant de la volée de la baliste (παλίντονον), dit « Climacidos superioris pars quae est proxima brachiis, quae conjuncta est mensae, etc. » Or, d'après Héron (Th. 136, KR. 334, W. 100), la monture (σύριγξ du gastraphète) est de forme modifiée dans le παλίντονον, et s'appelle κλιμακίς. Ainsi on ne peut douter que les battants du παλίντονον ou baliste ne fussent installés en avant de la cage, leurs pointes convergeant vers la volée de la machine. Jusqu'ici on n'avait vu, dans εἰς τὸ ἐκτὸς, que l'extérieur de la cage, c'est-a-dire tout l'espace autour du bâti; et l'on orientait, en conséquence, les bras du παλίντονον en saillie latérale au bâti, comme ceux de l’εὐθύτονον. C'est là un grave contre-sens.

[28] Κατάγειν. Faire descendre, amener en arrière; mettre au bandé la corde archère.

[29] Mot à mot : le refoulement étant suffisant.

[30] Voir, plus haut, note 26.

[31] Mouvement inverse de κατάγειν.

[32] Ce mécanisme est assez correctement rendu dans Thévenot.

[33] Voir, plus haut, note 26.

[34] Clef agissant de haut en bas. M. Dufour (p. 30) l'appelle pied de biche, nom d'une pièce bien différente dans l'arbalète du moyen âge. Littéralement : déclic.

[35] Voir note 31 ci-dessus.

[36] Le γαστραφέτης montre que la première arbalète fut plus compliquée qu'elle ne l'est aujourd'hui. Le Journal des Savants (avril 1868, p. 64) assure que le terme γαστραφέτης indique qu'on appuyait l'arme sur le ventre pour lancer le trait. La pression du ventre servait exclusivement à bander l'arme. Quelle précision aurait eue le trait lancé de la sorte ? Nous avons cité (Introd. hist. viii) les gastraphètes de gros calibre, décrits par Biton, et dont le bandage s'effectuait à l'aide de moufles et de treuils. De tels engins n'employaient point la pression du ventre. Pour viser avec l'arme appuyée sur le ventre, il faudrait que l'œil du tireur arasât le bout du tiroir, et que l'engin fût, dans cette position, incliné à 45 degrés. La portée serait alors maxima; mais elle pourrait varier suivant le refoulement plus ou moins grand du tiroir.

[37] Voir note 26.

[38] Εξ εὐτόνον ξύλου.

[39] Capitulum dans Vitruve. Perrault et M. Dufour traduisent par chapiteau (?) ; le châssis forme la cage, l'embrasure des gros calibres; l’arcade ou le portique des petits.

[40] Cordons élémentaires, formés de fils tordus, entrant dans la composition d'un câble (Aide mém. des offic. d'artillerie, Paris, 1844, p. 211).

[41] Commettage, action de mettre ensemble, en faisceau, les brins composant un cordage. Ce mot traduit littéralement συμβόλίον (Aid. mém. at supra, p. 311). L'art du cordier forme, dans les deux langues, sa nomenclature de termes presque identiques. Baldi (Th. p. 333) voit dans le συμβόλίον un outil de pécheur servant, suivant Hésychius, à tisser les filets.

[42] La leçon adoptée par M. Wescher n'a pas de sens. « Battre les cordons avec un coin, pour les courber et les serrer, » est, au contraire, très acceptable. En frappant doucement avec la pointe du coin, qui peut être simplement de bois, on obtient sans peine l'effet ci-dessus.

[43] La figure de Th. (p. 136) est assez correcte. Le battant y .est orienté de droite à gauche. A la page suivante, au contraire, la figure du second bâti névrotone, donnée par Héron, a son battant orienté de gauche à droite. Les deux figures sont conformes à celles des mss. Ce n'est point par hasard que les deux battants convergent ainsi l'un vers l'autre. J'y trouve un indice frappant de la convergence des bras du παλίντονον, déjà prouvée plus haut par des expressions techniques décisives.

[44] Thévenot traduit : « Ita ut brachia ad exteriores partes vergant. » Silberschlag et Köchly-Rüstow n'ont pas mieux entrevu la portée de cet indice. M. de Reffye trouverait ici, comme il me l'a dit lui-même, une preuve de la convergence en question, s'il était possible de lire ἐντός, au lieu de ἐκτός, battement intérieur, au lieu d'extérieur, entendant par ἐντός l’intérieur de la cage. Les bras convergent, en effet, de ce côté au moment où l'on arme la machine. Mais cette correction est inadmissible, ἐκτός et ἐντός signifiant rigoureusement, dans la Bélopée, l'avant et l’arrière de la cage.

[45] Thévenot rend ce mot par partes sinuatas, courbures. M. de Reffye a très heureusement restitué la forme des boucles d'attache de la corde archère, dans ses modèles des engins grecs.

[46] Voir, plus haut, note 26.

[47] Faisceau isolé, avec son bâti et son levier. Il s'agit peut-être encore des engins à battement vertical, dits μονάγχωνες Ημιτόνιον s'applique à chaque bâti latéral du Παλίντονον, avec ses accessoires. Philon (Math. vet. 69, KR. 288) cependant appelle ἡμιτόνιον chaque moitié de faisceau tordu, actionnant le talon du battant.

[48] Voir, plus haut, note 26.

[49] Hune, et aussi vase à boire, en forme de verre à pied. Dans l'antiquité, la hune d'un navire avait une forme analogue, comme l'attestent deux figures publiées par Dureau de la Malle (Poliorc. des anc. atlas, pl. VIII) et reproduites ci-dessous (fig. 50) :

La hune ressemble à une tulipe épanouie au sommet du mât. Telle est aussi la forme d'un support de machine de jet : un pied analogue à celui d'un pupitre, surmonté d'une caisse en forme d'U entre les parois de laquelle s'installe la monture de l'engin. Le nom de καρχήσιον donné à ce support dérive évidemment d'une analogie de figure. Héron dit aussi καλχήσιον, expression vicieuse, comme virebrequin pris pour vilebrequin. Philon écrit correctement καρχήσιον.

En 1862, j'avais proposé à M. Vincent (Lettre à M. Vincent, Paris, 1863, p. 11) le mot καρχήσιον comme ancêtre de carquois. M. Miller juge cette conjecture très acceptable. J'en eus l'idée, en considérant que le καρχήσιον des engins grecs servait peut-être de magasin ou caisson aux flèches, les traits se trouvant approvisionnés, à hauteur de main, entre les deux tablettes horizontales (πλάγιοι τοῖχοι) du καρχήσιον. Voici d'autres analogies très importantes, que j'ai signalées en mai 1868, au savant M. Miller :

La hune au sommet du mât, la coupe sur son pied élevé, l’étui à flèches sur l'épaule » de l'archer antique, rappellent tous la même idée figurative du καρχήσιον: un vase à pied plus ou moins élancé. A ce titre, le nom de καρχήσιον convient admirablement au support des machines de jet. Le dessin de Thévenot (p. 130) rappelle un verre à pied ordinaire. Il faut remarquer encore ce terme d'azur, ayant succédé au terme ancien de hune, poste d’observation, de vigie, d'affût. L'engin ressemblait à une sorte d'oiseau (πτέρυξ, aile, on l'appelait ainsi) posé sur un perchoir et guettant l'ennemi En grec, « il est bien rare qu'une analogie particulière ne soit pas complétée par plusieurs autres, groupées en faisceau autour de l'idée mère. » Le grec a le génie du bon sens.

[50] La partie que je laisse de côté renferme de nombreux exemples (18 au moins) de termes de manœuvre composés avec ἀνὰ et κατὰ Voir, plus haut, note 26.

[51] Philon (T. 53, KR. 250) place également le παλίντονον avant l’εὐθύτονον. Il appelle le premier Λιθοβόλον ὅργανον, et le second ὀξυβελές.

[52]Vitruve traduit par ce mot parastada, et Dufour par parastade, au féminin !

[53] Contre lequel bat, en remontant, le levier.

[54] Pièce debout et de face, montant de face. Pied-droit est le nom technique de ces montants de flanc et de front.

[55] Köch. Rüst. traduisent πτέρνα par griffe, dans l'acception de manche, poignée.

[56] Cette condition est réalisée par le dispositif que je donne aux pieds-droits, par rapport aux battants.

[57] Les figures de Thévenot et de Köch. Rüst. sont ici fort incorrectes.

[58] Thévenot traduit διτορμίαν par ditormiam, qui n'explique rien. En général, τόρμος se dit de tout renflement ou étranglement observé sur un cylindre ou prisme allongé quelconque. Par exemple, un tenon, un tourillon, façonné à l'about d'une tige. La pomme d'une canne serait un τόρμος. Dans la Chirobaliste, les sabots de l'échelette sont des renflements obliques. .En général, toute modification au profil normal d'une pièce allongée se dit τόρμοι. Et, si ces changements sont nombreux, variés, on dit que la pièce est d'un profil tourmenté. Pourquoi ?

[59] Pièce découpée, taillée au pourtour, et non pas pièce forée ou percée, comme l'ont avancé Saumaise, Perrault et Dufour. Turnèbe dit avec plus de raison : Quod multis locis pertusa et perterebrata sit. Barbaro est du même avis. En effet, l’écusson, avec ses flancs découpés en cercle, ses mortaises extrêmes et sa lucarne centrale, justifie le nom de περίτρητος. Je traduis ce terme par ECUSSON, pour répondre à la version scutula de Vitruve. Cet auteur traduit aussi περίτρητος par tabula. Tabulae, quae sunt in summo et in imo capituli peritretique vocantur. (Schn. t II, p. 290·) « Describatur scutula quae graece peritretos vocatur. (Schn. p. 290.) Perrault traduit peritreti par parallèles, et Dufour par péritrètes.

[60] Ce tracé de l’écusson biais n'a été compris par aucun des commentateurs. Thévenot, Silberschlag, de Folard, Stratico, Dufour, Köchly-Rüstow, le construisent d'après la figure ci-dessous :

Fig. 51. Tracé incorrect de l'écusson, suivant les précédents commentateurs.

Selon eux, l'arc longitudinal de l'écusson fait un léger biais DAB avec l'arc GD, situé dans le plan des pivots et l'angle complémentaire avec le plan du tir. C'est l'inverse qui a lieu. La figure 7 (voir plus haut, p. 65) est identique à celle du ms. de Mynas (f° 50 v°) reproduite par M. Wescher (Poliorcét. p. 95). Le grand angle du biais est transversal au bâti et non longitudinal. La Chirobaliste en offre la preuve convaincante.

Philon (Th. 52, KR. 248) décrit, outre le tracé d'Héron, une autre méthode pour obtenir l’angle aigu du biais. Elle n'a pas été mieux comprise, jusqu'ici, que l'autre. En voici d'abord l'énoncé (voir fig. 52, ci-après) :

« La forme de l'écusson, dit Philon, est celle d'un parallélogramme (ῥομβοειδές) et non d'un rectangle (ὀρθογώνιον). En outre, ses deux côtés principaux ne sont pas rectilignes. Ils sont adoucis en courbe, non point au hasard, mais d'après certaines règles. Sur une planchette horizontale bien dressée, on trace au compas un cercle de grandeur quelconque. On y mène un diamètre, et l'on divise en onze parties l'espace compris dans le demi-cercle. On compte sur le diamètre quatre de ces parties. On mène une droite au centre, et l'on obtient ainsi l'angle aigu de l'écusson. »

Fig. 52. Tracé du biais aigu de l’écusson palintone, d'après Philon de Byzance.

Philon donne cette méthode avant celle décrite plus haut d'après la Bélopée. Les résultats des deux doivent être identiques. Or, dans le tracé d'Héron, le biais mesure 1 de base pour 2 de hauteur, soit l'angle tg α = 2, ou α = 63° 26'. Les précédents commentateurs prennent : tg α = ½ d'où α = 26° 34', et ils orientent l’écusson presque parallèlement au plan des pivots.

Köch. Rüst. traduisant Philon, partagent la demi-circonférence ci-dessus en 11 parties égales, et prennent pour l’angle α quatre de ces parties, soit α =180° x 4/11 = 65° 27'. Or, par la première méthode, ils ont trouvé α = 26° 34'. Il y a là une contradiction manifeste.

D'un autre côté, α = 65° 27' excède d'environ deux degrés l'angle fourni par le tracé d'Héron. Sur un écusson de 1 mètre de longueur, l’erreur sur la petite base serait d'environ 0,10 cm; différence trop sensible, qui atteste encore que l'interprétation des savants éditeurs est erronée.

L'énoncé de Philon est très obscur. Il connaissait peut-être si bien l'épure de l’écusson, qu'il a cru être compris sans plus de précision de style. En pratique, diviser une demi-circonférence en ii parties égales, est un procédé inadmissible. Philon ne dit point d'ailleurs que les 11 parties soient égales. J'ai trouvé qu'elles le sont, à la condition d'être comptées, non sur la demi-circonférence, mais sur le diamètre. En élevant, par les points de division, des perpendiculaires au diamètre, on obtient 11 segments de demi-cercle, qui sont les 11 parties que Philon avait en vue. D'un autre côté, le rayon aboutissant au sommet de l'ordonnée n° 4 (τέσσαρα μέρη) doit fournir l'angle biais cherché. En le calculant, on trouve α = 74° 11, valeur évidemment trop grande. Mais, au lieu de τέσσαρα μέρη, si on lit τρία μέρη, on obtient α = 62° 58', qui diffère de 63° 26' de moins de ½ degré. En effet, le diamètre étant représenté par 11 (fig. 52), le rayon vaut 5 ½. La distance OM du centre à la division n° 3, comptée à partir de la circonférence, est de 2 ½. Dans le cercle de rayon = 5 ½, elle représente le cosinus du biais cherché. On a donc cos α = (2 ½) / (5 ½) ou cos α = 0,454545..., d’où α = 62° 58'. La différence avec 63° 26' donnerait à peine 0,02 cm, sur la petite base d'un écusson de 1 mètre. L'altération de τρία en τέσσαρα dans le mss. n'a rien d'invraisemblable, même si le nombre primitif était figuré par Γ, qu'on a pu lire aisément Δ.

[61] Vitruve dit également (Schn. I, p. 290) : « Anguli quatuor, qui sunt circa in lateribus et frontibus, laminis ferreis aut stylis aereis configantur. » 

[62] W. Newton (Stratic. t. IV, p. 186) observe que Vitruve traduit χοινικίς par modiolus (petit boisseau).

[63] Ενιξυγίς. W. Newton (Stratic. t. IV, 186) : « Hac virgae dicebantur epizyges ! »

[64] Silberschlag (Mém. cit. p. 411) prétend que le barillet, de forme hexagonale, se manœuvrait avec une clef en fer, et se mettait à l'arrêt au moyen d'une roue à rochet. Il n'existe aucun indice antique de ce système. Le plus probable est celui de M. de Reffye. Il consiste en une cheville métallique, traversant l'embase du barillet mobile et pouvant s'ajuster dans des trous distribués au pourtour du sommier recouvert par l'embase. Cette cheville cale le barillet au degré de torsion voulu. Silberschlag prétend encore, sans aucune preuve, que les faisceaux se bandaient à l'aide d'une vis de pression. Or il constate lui-même (p. 411) que la pression du faisceau sur les freins suffit, par le frottement résultant, pour le calage du barillet. Les chevilles de M. de Reffye sont un supplément de sécurité, rien de plus.

[65] Thévenot traduit : « distantia inter se paulo minus duplo longitudinis alterius brachiorum. » Le grand écartement des hémitons prouve, d'une manière nouvelle, la convergence des battants palintones (déjà établie, note 27). Mesurée en longueurs de bras, cette distance ne permet aucun doute. Si les bras divergeaient latéralement, à quoi bon les écarter autant? Ce serait contraire à l'effet balistique, car les bras auraient moins de battement. La convergence seule est admissible, et elle donne au Παλίντονον une supériorité de puissance très remarquable. Dans l’Εύθύτονον, Héron (Math. vet. 137, KR. 226 ; W. 104) ne laisse entre les hémitons que la largeur du tiroir. Phiton (Th. 64, KR. 278) supprime en quelque sorte cet intervalle. Dans son ὀξυβελές à coin, il fait les pieds-droits jointifs, d'épaisseur renforcée, n'offrant vers le bas qu'une mortaise, pour le passage de la monture et du tiroir. D'ailleurs, Philon assigne 6 modules de longueur au battant, et 9 modules au trapèze du παλίντονον. Vitruve (Schn. p. 294) confirme les 6 modules du battant et ne donne que 8 modules au trapèze. « Regulae, quae est in mensa longitudo foraminum vin, latitudo et crassitudo dimidium foraminis... Exterioris regulae latitudo et crassitudo tantumdem, longitudo quam dederit ipsa versura deformationis et parastatœ latitudo ad suam curvaturam. » · Les viii modules de Vitruve s'appliquent donc à la petite base du trapèze (voir note 66, ci-après). L'autre base, la base extérieure (dit Vitruve, confirmant le τὸ ἐκτὸς μέρος de la Bélopée) a une longueur résultant de la grandeur du biais et de ht largeur da pied-droit de flanc. On verra bientôt que les 9 modules de Philon (il faut lire viiii et non viii dans Vitruve) correspondent à l'entraxe de 12 modules donné aux faisceaux du παλίντονον.

[66] τράπεζα, table, mena (Vitruve). Cette partie du παλίντονον a, en effet, la forme d'un trapèze. Peut-être le nom fut-il donné au trapèze géométrique à cause de sa ressemblance avec la toile du παλίντονον ? A priori, une table n'a point la forme d'un trapèze. Il s'agit donc du trapèze régulier, forme exacte de la table ou plancher de l’embrasure palintone. Les commentateurs n'ont compris ni cette forme, imposée par le biais des ailes, ni le rôle de cette embrasure, au point de vue balistique. Thévenot (p. 135 et 136) place la τράπεζα en arrière du bâti. Stratico imite cet exemple. Dufour (p. 38) a bien défini la position de la τράπεζα, mais il n'a rien entrevu de l'orientation des battante. Silberschlag (Mém. cit. p. 415) traduit : « Supposez deux hemitonia rangés et placés comme il a été dit, sur quelques solives, qui sont distantes, etc. » (Voir Silbersch. pl. X, fig. 2, où l’échelette occupe toute la largeur de l'embrasure !) En outre, l'auteur accuse (p. 414) Vitruve d'avoir écrit au hasard la description de la mettre. Cette description est pourtant fort claire. De Folard (Comment. sur Polybe, Amsterd. 1753, t. II, p. 616), assigne à la table le rôle de soutien de l'échelle, qu'il appelle arbrier·. « J’imagine, ajoute-t-il, toutes ces raisons pour prouver cette table, parce que je n'en vois aucune autre; car, à parler franchement, cette charpente me paraît un peu superflue; mais, comme il faut respecter l'antiquité, etc. » (!!)

[67] Voir plus haut, note 27.

[68] MM. Köchly et Rüstow emploient le terme aufziehen, tirer de bas en haut, qui se dit du chien d'un fusil que l'on arme. On le tire, en effet, de bas en haut Entre κατάγειν et aufziehen, tout rapprochement est impossible. C'est un défaut fréquent, chez les savants éditeurs, de négliger trop les analogies figuratives dans l'interprétation du langage technique.

[69] L'insistance que met l'auteur à recommander l'orientation des battants est très remarquable.

[70] Voir la fig. 9, où tout confirme la convergence des battants.

[71] C'est façon de parler. Les deux systèmes n'ont de commun que l'organe balistique névrotone, avec les poulies et le treuil de bandage.

[72] Voir, plus haut, note 65, l'influence de l'intervalle des faisceaux sur l'amplitude du battement des bras.

[73] Les Αντιστάται du Palintone deviennent Μεσοστάται dans l'Euthytone, par suite de leurs positions différentes dans les deux systèmes. Les pieds-droits de front du Palintone sont situés dans les ailes, loin du centre de la machine; ils se présentent de face aux servants, Αντιστάται. Les pieds-droits intermédiaires, dans l'Euthytone, sont au centre même du bâti. Et comme on ne les voit que de champ, le nom Αντιστάται a pu être changé en Μεσοστάται.

[74] Comme on l'a vu pour la manœuvre du tiroir, τὸ ἐκτὸς μέρος indique encore ici la partie postérieure, l'arrière de la table de l'embrasure.

Thévenot traduit: « forma inferioris peritreti, » comme si la table du haut avait une forme différente. En outre, la figure (p. 138-139, des Math. vet.) montre la convexité de la table tournée vers l'extérieur. A ce contresens formel n'a échappé aucun commentateur.

[75] Le datif indique la position des bras au repos. Seulement, dans le Palintone, les pieds-droits sont parallèles au plan central des faisceaux, tandis que, dans l’Euthytone, ils sont parallèles au plan de tir. Dufour prétend (p. 32) que les bras de l'Euthytone étaient « d'acier, courts, forts, sans flexion sensible. De là, dit-il, le nom d'Euthytone, a tension droite, comme dans l'arc ordinaire » (?) donné à cette machine. Quant à la longueur des bras, Philon (Th. 55, K. H. 254) et Vitruve (Schm. 291-293) leur assignent 7 modules, tandis que ceux du Παλίντονον, d'après les mêmes auteurs, n'ont que 6 modules.

[76] Selon Maizeroy, une corde de nerfs tordus est plus puissante d'un cinquième, à torsion égale, qu'une corde de crin d'égale grosseur; elle a aussi plus d'élasticité.

[77] Pour faire concorder cette règle avec la suivante, il faut admettre que le diamètre du trait est proportionnel à sa longueur, et que le poids du fer y représente une fraction constante du poids total. Dufour évalue le diamètre du trait à 1/32e de sa longueur, et suppose que le poids du fer égale celui du bois, ce qui paraît assez voisin de la vérité.

[78] Soient m le poids du boulet en mines et μ le module cherché. Il sera exprimé en doigts par la formule

μ = 1,10 x [Racine cubique (100m)]. (A)

On peut chercher le rapport existant entre le module μ et le diamètre δ du projectile rond du Παλίντονον, de densité égale à 2,75 = ¼ (marbre, silex, cailloux, etc.) Le volume en doigts cubes, sera V = (π/6) δ 3. Un doigt vaut 19 mm; un doigt cube d'eau pèse donc 6,90 grammes. Une drachme vaut 4,363 grammes. Un doigt cube d'eau pèse (6,9 / 4,36) = 31 / 20 de drachme, c’est-à-dire 31/2000 de mine (1 mine = 100 drachmes).

A la densité de l’eau = 1, les V doigts cubes pèsent donc (π/6) δ 3 x 31/2000 de mine, et à la densité de 11/4 pèsent m mines. On a donc :

 m = (π/6) δ 3 x 31/2000 x 11/4 d’où 100m = 961/480 δ 3 ou bien 100m = 2  δ 3. On a donc (A) :

μ = 1,10 x [Racine cubique (100 m)] = 1,10 x 1,26 d = 1, 386 δ   et δ = 0,72 μ donc enfin δ = 3/4 μ.

Ainsi le diamètre du boulet rond du Παλίντονον était égal aux 3/4 du module. Dans l’Εὐθύτονον, le diamètre (pris au 1/36e de la longueur du trait) vaudrait ¼ de module. On pourrait dire que les diamètres des deux sortes de projectiles sont complémentaires (leur somme vaut 1 module); de même que les angles d'orientation de leurs battants respectifs (par rapport au plan des pivots) ont pour somme un angle droit.

[79] Héron d'Alexandrie, Pappus, Archytas, Platon, Philon de Byzance, Apollonius de Perge, Dioclès, Porus, Ménechme, Ératosthène, Nicomède, ont traité le problème de la duplication du cube. (Voir Reiner, Hist. problem. de cubi duplicat. Göttingen, 1798, in 8°, cité par M. Wescher, p. 119)

[80] Math. vet. 51 et 55; Κ. Β. 244 et 252; Schn. 290 et 293.

[81] Math. vet. 49 à 78; K. R. 240 à 316.

[82] La hauteur s'entend ici de l’épaisseur ou dimension verticale de l'écusson. Sous le biais normal, de ½ de base pour 1 de hauteur, la quantité mp = 2,75 correspond à la longueur mn=2,46 pour l'écusson, soit 1/8 de la longueur totale (19 modules) de la machine (voir fig. 53).

Fig. 53. Croquis de l’écusson palintone.

 

 

On a en effet (2,75)² = a² + a²/4 = 5/4 a² d’où a = (2 x 2,75)/Racine carrée (5) = 5,5 / 2,23 = 2,46.

 

Or 1/? de 19 modules = 2,38. L'approximation est de 3 %. La quantité exacte 2,38 donnerait à l'écusson la longueur l = 2,38/2 = 1,19 x Racine carrée (5) = 1,19 x 2,23 = 2, 66 ou 2 2/3 modules.

Vitruve (Schn. 393) dit: « περίτρηπτος appellatur, cujus longitudo foraminum II. F.Z, latitudo duo, etc. Le ms. de Paris 7227 (xie siècle) donne : « foraminum ut latitudo, etc. » Le ms. 10377 de Paris (Olim. suppl. lat. 1009, xe siècle) donne : « foraminum vel latitudo, etc. » Il est évident que les leçons II. F. Ζ, ut, et vel résultent de la difficulté de lecture du ms. original. La notation II. F. Ζ est de Giocundo. Il s'agit d'en interpréter la valeur.

La quantité H. F. Ζ se retrouve dans la description de la tortue d'Hégétor de Byzance, que Vitruve (Schn. I, ch. xv, p. 301) traduit d'après Athénée (Math. vet. p. 5; W. p. 22). L'auteur grec cite des montants de 10 doigts d'épaisseur cotés crassitudinis F. Ζ dans Vitruve, les autres dimensions étant exprimées en pieds. Or 10 doigts = 10/16 ou 0,625 de pied, quantité très voisine de 0,667 = 2/3 trouvés plus haut en fixant (par analogie avec la Χειροβαλλίστρα) la largeur de la cage au ? de la longueur totale de l'engin. De là il faudrait conclure que, dans Philon, il y a altération du texte oncial ΠΕΜΠΤΟΝ en ΤΕΤΑΡΤΟΝ ou encore de Ε en Δ. En effet, ΠΕΜΠΤΟΝ = 2.70 modules = 2 2/5 modules, en nombre rond. J'ai déjà rectifié d'une manière analogue (note 60, plus haut), une autre quantité donnée en toutes lettres par Philon. Le ms. primitif devait être peu lisible, Philon sachant peut-être mieux tenir un rabot qu'une plume.

[83] La hauteur s'entend ici de l’épaisseur ou dimension verticale de l'écusson.

[84] Voici le croquis d'une coupe verticale de l'hémiton, suivant l'axe du faisceau :

Fig. 54. Coupe verticale d'un faisceau palintone.

[85] Silberschlag prétend (Mém. cit. p. 411) que le barillet était hexagonal et muni d'une clef de torsion conforme. Il affirme, en outre, que l'arrêt se faisait au moyen d'une roue à rochet (voir, plus haut, note 64).

[86] Expression familière aux mécaniciens grecs. On la retrouve dans la Χειροβαλλίστρα. Vitruve traduit prœter cardines. Les anciens, comme les modernes, préfèrent indiquer les dimensions apparentes, en œuvre, comme on dit, d'une construction. Mais ils n'omettent jamais de signaler les excédants cachés par les assemblages.

[87] Dufour croit que ces 9 modules comprennent la hauteur des freins· Philon dit le contraire. Voir, plus haut, note 83

[88] Le frein résiste évidemment mieux sur champ, et il obstrue moins la lucarne qu'à plat. Sa largeur n'est ici que sa hauteur en œuvre. Il n'occupait donc que

1/5 μ x μ = μ2/5 = 0,20 μ2 en surface horizontale.

La section de la lucarne est π/4 x μ2 = 0.785 μ2. Le frein n'en obstrue donc que ¼. Les vides adjacents ont donc ensemble 0.60 μ2, soit les 3/4 de l'ouverture totale.

Posé à plat, le frein occuperait 2/5 μ2 = 0.40 μ2, c'est-à-dire moitié de la lucarne et ne laisserait que ¼ pour chaque moitié du faisceau. Le frein serait ainsi quatre fois moins rigide que sar -champ, et le faisceau serait réduit de 1/3. Köch. Rüst. ont pourtant (p. 337-338) adopté le frein à plat, ce qui fausse tous leurs calculs sur ta portée probable des engins névrotones. Philon (Th. 60, K. B. 366 et 268) critique déjà très vivement le frein obstruant la lucarne au détriment du faisceau. De toute manière on devait donc le poser de champ. Pour racheter l'espace perdu par le frein des Romains (Vitruve, Schn. p. 393) ovalisaient la lucarne, « Foramen autem oblongius sit tanto, quantam epixigis habet crassitudinem. » Comme Philon, Vitruve mesure l’épaisseur du frein à la largeur qu'il occupe sur le barillet; cette largeur en est donc la moindre dimension, l’épaisseur.

[89] Vitruve (Cod. Par. lot. 7227 et 10277) : « Brachii longitudo foraminum VI. »

[90] Il semble tout d'abord que cette grande longueur ne convienne qu'à l’Εύθύτονον. Mais le Παλίντονον (voir fig. 9), ayant ses bras au repos presque parallèles au plan de tir, montre, dans la longueur de la corde, un nouvel argument de plus en faveur du battement extérieur particulier au système.

[91] A la base arrière, Vitruve (Schn. 294) dit : « longitudo foraminum VIII » Le ms. 7227 de Paris donne VIIJ, et le ms. 10277 donne VIII. Le texte primitif portait probablement VIIII. L'épure justifie la donnée de Philon de Byzance.

[92] Köch. Rüst : petites plumes, languettes, lèvres.

[93] Thévenot : « viginti quinque circiter libres ! »

[94] Thévenot : « intentionis numerus ! »

[95] MM. Köchly et Rüstow (p. 338) rappellent, à ce sujet, l'usage moderne d'évaluer le poids de la charge en fonction du poids du boulet. Ils supposent cette charge égale à 1/20, et par suite ils affirment que, chez les anciens, elle était de 750 fois le poids du boulet. Un boulet rond moderne ne dépensant qu'un tiers de son poids en poudre, eût exigé dans l'antiquité 25 fois son poids en organe moteur, c'est-à-dire 75 fois plus de matière propulsive. Pour comparer nos bouches à feu avec le système névrotone, il faudrait calculer, à portée égale, le prix de revient d'un coup de baliste, en fonction de l'usure du système, et comparer ce prix de revient avec celui d'un coup de canon sur un projectile rond ou téliforme de même poids et de même portée.

[96] Vitruve (Schn. p. 291-292) : « Brachii longitudo IS foraminum VII. ». Tous les mss. donnent IS, dont le sens paraît indéchiffrable. Peut-être faut-il lire : longitudo ut foraminum VII, » leçon rappelant le ὡς d'Héron d'Alexandrie.

[97] Math. vet. p. 49 à 78; Köch. Rüst p. 240 à 316. C'est le quatrième d'une série de traités spéciaux, dont les premiers sont perdus. Nous avons encore le livre V (Th. 78 à 114) qui traite de la contraction et de la défense des places. Le préambule du livre IV parle du livre III, qui traitait de la construction des ports. Philon de Byzance était donc ingénieur, dans toute l'acception du mot.

[98] J'ai démontré, en plusieurs endroits de Philon, que ses erreurs théoriques proviennent souvent des copistes qui, ne saisissant plus la pensée mathématique de l'auteur, ont pu la transcrire à leur guise, en mutilant un texte à tous égards si vénérable.

[99] Leur traduction est généralement précise; mais les savants éditeurs n'ont pas bien saisi le détail des ressorts chalcotones de Ctésibius. Ils n'ont pas mieux rendu non plus la chaîne sans fin de la machine polybole, dont Meister lui-même, en son lucide commentaire sur cette machine (Göttingen, 1768, in 4°), n'a pas saisi partout l'ingénieux mécanisme.

[100] On s'est abstenu, dit M. Wescher (Introd. p. xii) d'y joindre les deux livres de Philon de Byzance, parce qu'ils manquent dans le manuscrit de Mynas, et qu'il eût fallu se contenter de les réimprimer, d'après les sources moins anciennes et moins pures auxquelles Thévenot avait déjà puisé. M. Wescher nous apprend cependant (ibid. p. xxv) que le λόγος Δ de Philon figure sous le n° 12, dans le manuscrit 1164 du Vatican, auquel il accorde une valeur de premier ordre; puis sous le n° 6, dans le manuscrit 219 du Vatican; enfin (ibid. p. xxvii) sous le n° 11, dans le manuscrit 2442 de Paris, dit de Médicis, et considéré par M. Wescher comme aussi précieux que les manuscrits de Mynas et du Vatican. A la vérité, le manuscrit 2442 (olim 2174) a fourni à Thévenot le livre IV de Philon (Math. vet. p. ix). Mais on pouvait le collationner avec les textes du Vatican. Thévenot est incorrect en maint endroit, notamment dans les quantités numérales. J'ai démontré (plus haut, note 60) que les dimensions indiquées en toutes lettres par Philon, ou transcrites de cette manière par un copiste qui les lisait en chiffres sur le texte original, ne méritent qu'une confiance relative.

[101] Thévenot traduit : « supercilia circumdata. » ·

[102] L'objection est très fondée. La largeur limitée des madriers où l'on découpait les écussons imposait une limite fâcheuse à la puissance des machines. Philon tourna la question en supprimant complètement les écussons, comme on le verra dans son ὀξυβελές à coin.

[103] Entailles placées au-dessus.

[104] Voir, plus haut, fig. 8.

[105] Le tendeur, est décrit dans les Βελοπποιῖκά (Th. 130, KR. 328, W. 107). Il consistait en deux montants, analogues aux longerons d'une échelle, réunis par quatre traverses ou barreaux, dont l'écartement, variable à volonté, était maintenu ensuite & l'aide de coins. Aux extrémités des longerons étaient montés deux treuils. Le bâti de l'engin étant tout prêt pour recevoir le faisceau, on l'installait entre les longerons du tendeur, de manière à l'assujettir entre les deux barreaux intermédiaires, convenablement rapprochés. Le tendeur reposait horizontalement sur des tréteaux. « On attache alors, dit Héron (Th. 139, KR. 230, W. 108), l'extrémité du cordon à l'un des freins, et l'on introduit l'autre dans un trou foré en regard sur l'un des treuils. On le tend jusqu'à réduction d'un tiers dans le diamètre du cordon. On fixe alors celui-ci contre le barillet, à l'aide d'un outil à bec, et on le détache du treuil. Puis, le faisant passer à travers les lucarnes, on le conduit jusqu'au second treuil; et ainsi de suite, en retirant successivement le cordon du treuil, grâce à l'outil à bec. Cet outil consiste en un manche de bois, de deux ou trois palmes [8 à 12 doigts=0,154m à 0,231m], ayant à son extrémité une entaille correspondante à la grosseur du cordon. Pour achever de garnir les lucarnes, on se servait, en outre, d'aiguilles permettant d'introduire le cordon dans un espace de plus en plus resserré. » Vitruve (Schn. p. 295) décrit également le tendeur. Quant au degré de tension des brins, Vitruve le définit ainsi : « Uti... extenti rudentes... aequalem in utroque sonitas habeant responsum. » Et plus loin : « Ita ad sonitum musicis auditionibus catapultae temperantur. » Enfin (Schn. t. I, p. 7) Vitruve dit : « Musicen autem sciat oportet (architectus), uti... balistarum, catapultarum, scorpionum temperaturas possit recte facere... suculis et vectibus e nervo torti funes non praecluduntur nec prœligantur, nisi sonitus ad artificis aures certos et œquales fecerint. » Voir Philon de Byzance (Th. 61, KR. 370).

[106] Voici le résumé de la théorie de Philon de Byzance, par lui-même :

1° Dans l’ὀξυβελές construit par lui, chaque demi-faisceau est rectiligne, vertical, et placé au droit de l'autre. Le battant est logé entre les deux. La torsion est supprimée; et une entente meilleure du mécanisme névrotone a eu pour effet d'augmenter la portée.

2° Philon a supprimé barillets et lucarnes, vu leurs nombreux et graves inconvénients. Il a formé un seul pied-droit des deux montants intermédiaires, et couronné le tout, dans le plan des pivots, d'un fort tasseau enfer, saillant à droite et à gauche du pied-droit central unique. Sur les abouts du tasseau, il enroule librement les cordons, en les serrant au point que permet la main. Le frein de fer est surmonté d'un second frein ou tasseau en bois, à dos arrondi, sur lequel successivement les brins viennent s'enrouler.

3° Philon a ainsi résolu le problème de la prompte et commode installation des faisceaux.

4e Son procédé supprime en outre le tendeur. Les brins sont tendus à la main, un à un, jusqu'à ce qu'ils rendent tous le même son. Mais ce n'est là que la mise en train du montage.

5° La suppression des barillets permet d'améliorer l’aspect des machines. Philon a donné à la cage la forme d'une sorte de portique. N'est-ce pas le précurseur du καμάριον de la chirobaliste ?

6° Enfin, outre la durée du montage, le système de Philon réduit les frais de construction de l'engin lui-même.

Philon explique ensuite le remarquable procédé de bandage, qui lui permet de supprimer la torsion, à l'aide de coins de bois amincis, qu'il introduit, à coups de maillet, entre le frein de fer soutenant le faisceau et le tasseau de bois superposé au frein. Ces coins sont aussi nombreux qu'on le juge convenable. Dès que le faisceau accuse le degré de tension voulu, on rogne à la scie les têtes saillantes des coins. Inversement, pour démonter le faisceau, on arrache les coins, à l'aide d'un outil spécial. Le système se détend à l'instant, sans autre difficulté.

Telle est l'ingénieuse solution due à Philon de Byzance. Elle ne paraît pas avoir été connue de Vitruve, qui n'a décrit que le système des barillets de torsion, les seuls usités alors, probablement, dans l'artillerie romaine.

[107] Thévenot traduit : « Ejusque instrumenti constructio [cum] nondum divuigata sit. »

[108] Voir, plus haut, note 173. Thévenot traduit : Jugulum

[109] L'idée de transformer d'abord en machines à ressorts les engins à flèches fut la plus naturelle et la plus logique. Ces engins étaient de petit calibre, et les premiers ressorts métalliques eurent de médiocres dimensions. Les pierriers ne servaient que dans les travaux de siège. En campagne, au contraire, les armes de jet portatives se réduisaient à l'are, à la fronde et au gastraphète primitif. Les ressorts métalliques résolurent la question de réduction du poids des catapultes. Le chalcotone de Philon, perfectionnement de celui de Ctésibius, était euthytone. La chirobaliste palintone en fut une heureuse transformation. Quant à la généralisation du système, on a vu dans Végèce les archers romains renforcés par les manubalistarii armés, selon toute apparence, d'engins à ressorts métalliques.

[110] La moitié du faisceau s'appuie contre le talon du bras, dans la région regardant l'extériéur du bâti, et elle refoule le talon vers la région intérieure. Il s'agit ici de l’euthytone, où le talon du bras ne sortait point de ta cage. Les expressions ont donc ici la même signification que dans les Βελοπποιῖκά, et désignent l'avant et l'arrière de la machine, séparés par le bâti.

[111] Ce passage confirme le fait de l’inclinaison du tir.

[112] Ce raisonnement n'est pas rigoureusement exact Chaque demi-faisceau fournit moitié de l'impulsion; et les deux réunis constituent un couple, dont le moment mesure l'intensité de l'effort balistique. Ce moment se calcule sur le produit de la résistance de chaque demi-faisceau par la distance des centres de gravité respectifs. A force égale, le battement est d'autant plus intense, d'autant plus prompt, que les deux faisceaux sont plus distants l'un de l'autre.

[113] Sera entraîné plus vite. En remplaçant vitesse par force vive, j'épargne à Philon une erreur réfutée par les principes de la pesanteur

[114] Ici est exprimée avec justesse l'idée de force vive. Philon en avait conscience, et il confond plutôt les termes que les idées.

[115] Thévenot traduit : « Porro autem quando funes ex nervis constant et similem habeant intensionem ac priores, virtus dimidiatorum funium tolli non potest. » (!!)

[116] Dufour (Mém. cit. p. 37) n'a point compris ce raisonnement, assez confus d'ailleurs, de Philon de Byzance. Celui-ci devait dire : « On conclut donc, avec raison, que les efforts des demi-faisceaux, au lieu d'actionner le bras de part et d'autre de sa direction, pouvaient être réunis en un seul, de force égale à leur somme, et appliqué contre le talon du battant. Mais, dans cette hypothèse, comment le bras eut-il pu recevoir l'impulsion d'un effort unique? Il fallait donc lui procurer un point d’appui, un pivot, etc. etc. Sous cette forme, la discussion de Philon montre clairement la filiation de l'inversion des ressorts métalliques, et elle constitue pour l'histoire un précieux témoignage. Dufour n'y voit que la pure et simple adjonction des ressorts aux faisceaux. « Ces faisceaux, dit-il, assimilables a ceux d'une voiture, sont comprimés par le talon du bras, qui traverse le tonon (τόνος, faisceau). » Et il donne (pl. VI, fig. 11, 12 et 13 bis de son Mémoire) la solution graphique correspondante, de pure fantaisie. A son exemple, M. Vincent (Chirob. 1866, pl. III et IV) emploie les ressorts comme auxiliaires de l'élément névrotone. Il réduit celui-ci à un simple rudiment» (p. 10, 11) afin de soustraire la machine aux inconvénients signalée par Philon, c'est-à-dire à l'humidité, a. l'usure rapide des nerfs, etc. — Köchly et Rüstow ont judicieusement supprimé les faisceaux du Χαλκότονον. Toutefois le dispositif des pivots de leur engin est inexact (pl. V, fig. 2, 3, 4 et 5 de leur ouvrage).

[117] La catapulte de 3 empans, c'est-à-dire d'un trait de 36 doigts, avait pour module 4 doigts. Dans la chirobaliste, dont le module est de 3 ½ doigts, les ressorts ont 3 modules de long, ½ module de large, et environ 1/40e de module d'épaisseur; mais ces ressorts sont d'acier. En supposant au bronze du Χαλκότονον de Philon la même élasticité, ses ressorts auraient pour dimensions les nombres restitués entre crochets dans notre traduction. Ce qui rétablit, en effet, les trois dimensions absentes. La longueur et la largeur ainsi calculées sont très rationnelles. Dans le modèle d'essai de Philon, la cage mesurait en dedans 3 ½ modules = 14 doigts de haut (voir, fin du chapitre ii, dimensions de l’euthytone; et Th. p. 56 ; KR. 254). Les ressorts de 12 doigts pouvaient donc s'y loger, et même? se redresser complètement, sans toucher les tablettes. Philon déclare que ces ressorts étaient isolés du bâti et retenus par des armatures spéciales. Quant à leur épaisseur, évaluée ci-dessus à 1/12 de doigt, elle est incertaine a priori, à cause du bronze écroui dont ces ressorts étaient formés, et dont le coefficient d'élasticité est inconnu.

[118] Thévenot : « Sibi invicem cavitates conjungendo. » !

[119] Thévenot : « Laudabantur autem ingidœ. » !! Il prend le battage du bronze pour un battement de mains.

[120] Thévenot et Köchly-Rüstow écrivent περιοχέα d'un seul mot. Cependant le sens et la répétition du mot ὀχεύς un peu plus loin prescrivent de lire περὶ ὀχεά, que Thévenot traduit par circa ansam. — De ce que le collier de fer, traversé par le bras, en touchait par dehors la surface adjacente, il n'en faut pas conclure, avec Köchly et Rüstow, que le pivot était placé sar le côté du bras. Ils traduisent bien. Mais les savants éditeurs interprètent (pl. V, fig. 3 et 15) cette juxtaposition, en plaçant le pivot à côté du bras, tandis que l’auteur dit simplement que le collier embrassait la surface du bras logé dedans,

[121] Cette interprétation littérale du texte montre que, dans le χαλκύτονον primitif, le système du pivot était l'inverse de celui que reçut depuis la chirobaliste. Dans celle-ci, le battant parte les boutons saillants ou crapaudines mâles, et les chapes font fonction de crapaudines femelles. Dans le χαλκότονον, la crapaudine femelle est ajustée sur le battant même et dissimulée sous l’ornement du κισσόφυλλον; et l’axe du pivot fournit les crapaudines mâles.

[122] Ainsi les modèles d'engins à ressorts de Ctésibius et de Philon étaient euthytones. Les ressorts remplacèrent, dans l’oxybèle du temps, les faisceaux défibres, et l’effort balistique fut transporté au talon des battants. Ceux-ci faisaient saillie à droite et à gauche de la cage. La chirobaliste emprunta au χαλκότονον le principe des ressorts, mais au bronze elle substitua l'acier. En outre, les battants de l'engin d'Héron étaient palintones, système plus puissant, plus ramassé et mieux approprié que les précédents au service en campagne, où les combattants se trouvaient d'ordinaire serrés les uns contre les autres.

[123] Thévenot lit περάτων et traduit par extremitatum ! Köchly et Rüstow ont bien compris qu'il s'agit de corne élastique.

[124] À l'instar d'un jeune homme, avec rapidité, vivement. Thévenot traduit par fortiter, et Köchly-Rüstow par Kräftig, avec force. Mais, deux lignes plus bas, Philon recommande d'éviter la violence. Il s'agit simplement d'un battage rapide et soutenu.

[125] L’action du froid et du battage. Philon oppose cette double méthode à celle de la chaude, qui ramollit les métaux. Il doit donc entendre par ψύξεις le refroidissement artificiel, par exemple la trempe par l'eau froide. La désinence de ψύξις indique l'action de refroidir. La trempe était donc connue des anciens, comme une propriété particulière à l'acier. Philon se garde bien de l'appliquer à ses ressorts de bronze. Il n'en parle qu'au sujet des épées celtiques et espagnoles, dont les Romains, au dire de Polybe, ne connurent jamais le secret de fabrication. Philon n'en pouvait donc parler que par conjecture. A la vérité, il semble en attribuer l'élasticité au battage.

[126] Cet effet remarquable d'un battage méthodique est très nettement expliqué par Philon, dont le raisonnement prouve que les anciens avaient une notion exacte des lois de la flexion. M. le général Morin (Leçons de mécaniq. prat. Paris, 1853, in-8°, p. 124-146) attribue à Galilée les premières recherches théoriques sur cette importante question. L'hypothèse de Galilée, admise ensuite par Mariotte et Leibnitz, suppose que toutes les fibres d'un corps fléchissant s'allongent à partir de la surface concave. Les expériences de Duhamel (Du transp. de la conserv. et de la force des bois) démontrèrent, en 1767 seulement, la fausseté de cette hypothèse. Continuées et confirmées en 1811 par M. Charles Dupin, elles ont prouvé en définitive que les fibres des faces fléchissantes travaillent également, les unes à l'extension et les autres à la compression. — Or Philon savait fort bien que la partie centrale de la pièce supporte le minimum de fatigue, et que ce sont les surfaces opposées, perpendiculaires à l'effort fléchissant, qui travaillent le plus. Peut-être ne distinguait-il pas, dans le travail de ces surfaces, l'extension de la compression. Quoi qu'il en soit, sa théorie du battage est rigoureusement d'accord avec les idées modernes; et, en admettant même que Philon n'en soit point l'auteur, on ne peut contester aux Grecs le mérite d'avoir appliqué avec réflexion, il y a vingt siècles, une théorie dont la recherche a égaré Galilée, Mariotte et Leibnitz.

[127] Ce passage n'a pas empêché M. Vincent de conserver à la chirobaliste (p. 35 et pl. III, IV, de son opuscule, 1866) un organe névrotone avec ses accessoires. M. Dufour (Mém. cit. pl. VI) a commis la même erreur au sujet du χαλκότονον.

[128] Philon applique aux ressorts le nom usuel des faisceaux névrotones. Le terme τόνος possède une signification très générale ; on le retrouve encore dans la description de l'engin ἀερότονον de Ctésibius (Th. p. 77, K.R. p. 312). Thévenot se trompe ici en traduisant τόνος par funis, corde ou câble.

[129] Thévenot traduit : « Sed et cubitos nullo negotio eximere licet, extractis vectîbus. » Contre-sens.

[130] Philon critique ensuite l'idée primitive de Ctésibius, qui remplaça d'abord l'organe névrotone par un faisceau analogue de rubans métalliques juxtaposés. Cet essai échoua, mais Philon en explique mal la cause. Il est certain que la réduction du ressort total à deux lames arc-boutées fut un progrès considérable, dû en principe à Philon de Byzance et porté à une haute perfection dans la Chirobaliste d'Héron d'Alexandrie.