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HÉRON D’ALEXANDRIE

DE LA CONSTRUCTION DES AUTOMATES À THEÂTRE FIXE.

 

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

 

 

Extrait des

Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1874

 

Les théâtres d’automates

en Grèce au iie siècle avant l’ère chrétienne

d’après

les ΑΥΤΟΜΑΤΙΠΟΙΙΚΑ d’Héron d’Alexandrie

 

de

 

V. PROU

 

 

RESTITUTION, TRADUCTION ET COMMENTAIRE PHILOLOGIQUE DU LIVRE DES ΣΤΑΤΑ ΑΥΤΟΜΑΤΑ.

2e SECTION DES ΑΥΤΟΜΑΤΟΠΟΙΙΚΑ D’HERON D’ALEXANDRIE.

 

ΠΕΡΙ ΤΩΝ ΣΤΑΤΩΝ ΑΥΤΟΜΑΤΩΝ

 

DE LA CONSTRUCTION DES AUTOMATES À THEÂTRE FIXE.

[CHAPITRE I. LES AUTOMATES DE PHILON DE BYZANCE.]

1. Tout ce qu’il y avait à dire des Automates à siège mobile a reçu, pensons-nous, dans le précédent livre, des développements suffisants. En regard des appareils décrits par nos prédécesseurs, nous avons introduit des combinaisons simples, sûres et originales, fait évident pour quiconque a vu fonctionner l’ancien système.

2. Quant aux Automates à siège fixe, dont nous voulons également traiter, rien ne s’offre à nous de plus récent, de meilleur en fait de progrès ni, en même temps, de plus instructif, que le système décrit par Philon de Byzance. Notre sujet, comme le sien, est donc la Légende de Nauplius, dont les jeux de scène sont nombreux, variés et habilement aménagés, sauf pourtant le mécanisme de sa Minerve. Selon nous, Philon en a compliqué la structure. Aussi bien, sans le secours d’aucune machine, Minerve pouvait surgir en scène, puis disparaître, par le jeu d’une charnière articulée sous ses pieds, et qui lui permettait de pivoter, maintenue d’abord couchée et invisible, puis debout, sous l’effort d’un simple cordon, enfin couchée de nouveau par un second cordon semblable.

3. En outre, Philon avait promis que la foudre tomberait sur le personnage d’Ajax, avec un bruit de tonnerre. Il a omis ce détail. Parmi les nombreuses combinaisons décrites dans son livre, nous n’en trouvons point de trace. La malveillance dira que, par esprit de dénigrement, nous accusons Philon d’avoir été impuissant à exécuter sa promesse. Il n’en est rien. La multiplicité des jeux de scène de sa pièce lui en aura fait sans doute oublier celui-là. Il est facile, en effet, de remplir un vase de grains de plomb; puis, par un orifice ménagé an fond du vase, de les lâcher à point nommé. S’ils tombent sur une membrane tendue, sèche et épaisse, ces grains reproduiront le bruit du tonnerre. Dans les théâtres, pour imiter ce roulement, on vide ainsi des récipients remplis de corps lourds qui, frappant comme ci-dessus contre une peau sèche, épaisse et tendue en tout sens, à l’instar d’un tambour, engendrent le bruit en question.

4. Pour les autres épisodes de la pièce de Nauplius, nous suivrons simplement la marche correcte et méthodique du programme de Philon. Nous n’avons donc rejeté aucune de ses idées, quant aux lacunes en question. Selon nous, rien n’est plus utile que de laisser aux premiers inventeurs le plein mérite de leurs idées justes, sans négliger pourtant de signaler leurs omissions ou de redresser leurs erreurs.

[CHAPITRE II. SUJET PRIMITIF DES SCENES FIXES D’AUTOMATES.]

1. Cela posé, abordons la construction du Théâtre à scène fixe.

Elle est beaucoup plus sûre, beaucoup moins sujette aux accidents, que celle du Théâtre roulant. En outre, elle ne représente que des choses vraisemblables.

2. Le problème est celui-ci: Au sommet d’un support en bois, de la forme d’une colonnette, se dresse un tableau scénique qui, se démasquant lui-même, montre en mouvement divers personnages peints sur sa surface, chacun suivant le rôle qui lui est assigné dans la pièce. Puis la scène se referme toute seule, et bientôt elle s’ouvre de nouveau, laissant voir en mouvement, autant que possible, les mêmes personnages peints sur le tableau, ou du moins certains d’entre eux. Ce jeu doit se répéter plusieurs fois. En avant du tableau, on voit en outre se mouvoir des machines au travail, appareils rotatifs ou autres outils automatiques.

3. Telle est donc la question, et, parmi ceux qui tentent de la résoudre, heureux l’inventeur qui en aura produit la solution la plus élégante! Nous en proposons une qui, selon nous, est la meilleure de toutes, et nous allons en expliquer le mécanisme. Un seul exemple suffira puisque, quelle que soit la représentation, les mêmes jeux de scène s’y exécutent par les mêmes moyens. Nous en avons déjà fait la remarque pour les théâtres à siège mobile.

 4. Primitivement, le sujet de la pièce était tout simple. A l’ouverture de la scène, on voyait une tête, peinte sur le tableau du fond. Cette tête remuait les yeux, les élevant et les abaissant tour à tour. Puis, après s’être fermée, la scène s’ouvrait de nouveau; la tête avait disparu, faisant place à des personnages groupés d’une certaine manière. Enfin, la scène refermée se rouvrait une troisième fois, montrant un nouveau groupe, don le jeu complétait la représentation. Il ne se produisait ainsi, sur le théâtre, que trois mouvements: celui des portes, celui des yeux et celui du changement de scène.

[CHAPITRE III. THEATRES D’AUTOMATES AU TEMPS D’HERON D’ALEXANDRIE.]

1. De notre temps, les constructeurs ont introduit sur les théâtres d’automates des sujets attrayants, qui comportent des manœuvres multiples et variées. Selon ma promesse, je vais en décrire un qui m’a paru le plus parfait. C’était encore la mise en scène de la Légende de Nauplius, distribuée de la manière suivante.

2. A l’ouverture du début, le théâtre représentait douze personnages, rangés en trois groupes. Ils figuraient autant de Grecs, travaillant à construire des navires, près du rivage où ils devaient prendre la mer. Ces personnages se mouvaient, les uns sciant, les autres fendant du bois, ceux-ci jouant du marteau, ceux-là de la mèche rotative et d’autres du trépan. Ils faisaient grand bruit, à l’instar d’ouvriers véritables.

3. Au bout d’un certain temps, la scène se fermait puis se rouvrait sur un nouveau point de vue. On y assistait à la mise à flot des navires par les Grecs. Second entr’acte suivi d’un nouveau décor, qui ne montrait plus que le ciel et l’eau. Bientôt commençait le défilé des navires en ordonnance de flotte. Les uns s’éclipsaient, d’autres revenaient plusieurs fois. Sur les côtés s’ébattaient des dauphins, les uns plongeant sous l’eau, les autres émergeant, comme de véritables poissons. Peu après, la mer se montrait houleuse, et les navires couraient en file serrée. La scène se fermait et s’ouvrait encore une fois: pas une voile à l’horizon, mais le personnage de Nauplius brandissant sa torche, et, debout près de lui, Minerve. Une flamme éclairait le sommet de la scène, visiblement alimentée par la torche. La scène se fermait, puis s’ouvrait de nouveau : naufrage de la flotte et apparition d’Ajax à la nage. Par le jeu d’un mécanisme logé dans le comble du théâtre, un bruit de  tonnerre éclatait sur la scène, et la foudre atteignait Ajax, dont le personnage disparaissait soudain. La clôture de la scène mettait fin au spectacle.

CHAPITRE IV. LE CHANTIER NAVAL (Ier ACTE DE LA PIÈCE DE NAUPLIUS).

1. Voici comment tout cela s’exécute. Au début, dès que la scène est ouverte, nous avons à montrer les Grecs au travail. Examinons de quelle manière ils sont mis en mouvement.

Il faut d’abord que toutes les parties du corps de chaque personnage, sauf le bras droit, soient peintes sous les attitudes les plus naturelles, au bas du tableau formant le fond de la scène. Le bras droit est ensuite rapporté contre le tableau. On le découpe dans une laine mince de corne de cerf, travaillée avec soin, afin qu’elle s’applique exactement et sans joint visible contre le plan du tableau. Il faut aussi que les outils, manœuvrés par les bras, soient fabriqués en corne et adaptés aux mains, qui seront peintes de même couleur que les corps. Les outils seront également de couleur naturelle.

2. Soit donc AB un de ces bras. Près de l’épaule, j’y perce un trou carré, tel qu’on le voit sur le dessin. Je prends ensuite une cheville en corne, de section carrée, et je l’ajuste dans la mortaise de l’épaule, où je la cale solidement. Sur le reste de sa longueur, la cheville est ronde et soigneusement polie. A l’épaule droite du personnage peint sur le tableau, je perce un second trou où je loge à fond la cheville, jusqu’à ce que le bras s’appuie contre le corps. Si donc, avec les doigts et par derrière le tableau, nous saisissons et faisons tourner la queue saillante de la cheville, le bras sera entraîné.

3. Pour rendre ce mouvement automatique, à l’aide d’un contrepoids, je façonne une réglette ΓΔ ; je la perce en Θ, et j’encastre solidement dans ce trou, mais de l’autre côté du tableau, la queue de la cheville provenant du bras. Je colle ensemble les deux pièces, afin que les oscillations de la réglette fassent également pivoter le bras autour de son épaule. Cette réglette est appelée battant.

4. A l’une de ses extrémités, où j’ai percé un trou, j’attache un cordon et j’y suspends un morceau de plomb I. En outre, vers le bout du battant, mais au-dessous, j’installe une cheville Z, contre laquelle s’arrêtera la descente du battant.

Mécanisme du chantier naval en activité.

5. En effet, si, avec le doigt, nous appuyons de haut en bas contre le talon Γ du battant, son extrémité opposée à se relèvera avec le morceau de plomb; mais, à peine lâchée, elle retombera sur la cheville d’arrêt, par l’effet du contrepoids, avec un choc bruyant. En même temps, elle entraînera le bras articulé sur la face de devant du tableau.

6. Pour activer le battement automatique du bras, j’installe auprès de la réglette une petite roue à rochet, pivotant autour d’une broche solidement encastrée vers le bas du tableau. A ce pignon, j’accole une poulie H, faisant corps avec lui et enroulée plusieurs fois d’un cordon de renvoi au contrepoids [moteur], afin que celui-ci, tirant la corde, fasse bientôt tourner le pignon, dont les dents frapperont, à coups très rapprochés, le talon du battant. L’autre bout du cordon, muni d’une boucle, s’accroche en H à un bouton en saillie sur la poulie, et qui pourra indiquer [par la chute de la boucle] que le bras a cessé son mouvement.

[CHAPITRE V. OUVERTURE ET CLÔTURE AUTOMATIQUE DE LA SCENE (ENTR’ACTE).]

1. C’est ainsi que, sur le tableau du fond, s’exécute la scène des ouvriers au travail [aussitôt que les portes se sont ouvertes, au début de la représentation. Les deux vantaux ouverts doivent se refermer simultanément]. Voici comment s’effectue cette manœuvre.

2. Il faut, avons-nous dit, construire le théâtre de telle grandeur que l’on voudra, sur un caisson de même longueur, assemblé de planches aussi légères que possible, et d’une largeur égale au sixième de la longueur des plus grands côtés. Le plancher de la scène doit être établi à mi-hauteur du caisson, dont le soubassement forme ainsi une chambre vide, masquée en avant par un tablier. Les vantaux de porte étant mis en place, leurs pivots plongeront dans cette chambre, où leur longueur permet qu’on les fasse tourner par le pied, de manière à ouvrir et à fermer la porte.

3. Soit donc AB la chambre, supposée vue du devant. Soient Γ et les pivots prolongés en contrebas de la porte. Si on les fait tourner avec la main, dans les deux sens, on ouvrira et fermera la porte à volonté.

Appareil de manœuvre de la porte du théâtre.

4. Pour effectuer cette manœuvre au moyen d’un cordon automatique, commandé par le contrepoids logé dans la trémie contenant le sable, j’applique contre les pivots, sauf un petit intervalle, un arbre horizontal EZ, mobile autour de son axe. Je perce un trou dans chaque pivot. Je prends ensuite un cordon, je le double et j’en forme un bout tordu que j’enfonce dans le trou du pivot, en l’y calant au moyen d’une cheville garnie de colle. Je laisse en cet état le cordon, jusqu’à ce que, ne pouvant plus s’arracher, il demeure solidement fixé. Cela fait, je renvoie les deux brins autour de l’arbre, d’abord en Γ, Δ, par-dessus, puis en E, Z, par-dessous. Perçant de même le corps de l’arbre, j’y fixe solidement par des chevilles les extrémités des brins, l’une en E [Γ] et l’autre en Z [Δ]. Les cordons feront ainsi tourner les pivots et ouvriront la porte; et si je fais tourner l’arbre en sens inverse, pendant que la porte est ouverte, celle-ci sera refermée. Ainsi, par un seul mouvement, les deux vantaux s’ouvriront ou se fermeront à la fois.

5. Pour effectuer cette manœuvre au moyen du contrepoids, j’encastre dans l’arbre des boutons transversaux, les uns H par-dessus, les autres Θ par-dessous. Puis, prenant un cordon et mesurant sa longueur à celle de la trémie qui contient le sable et le contrepoids, je noue sur le cordon des boucles convenablement espacées. Soit K le cordon, et soient L les petites boucles.

6. La boucle L, celle du brin K, je l’accroche au bouton A. Celle du côté de E, je l’accroche en H. Quant à la corde suivante, je l’adapte au bouton inférieur Θ ; et ainsi de suite, je colle toutes ces boucles contre l’arbre EZ, avec un mastic composé de cire et de résine (collage qui, d’ailleurs, demeure caché); et je colle également contre l’arbre les anses flottantes du cordon entre ses boucles, pour les empêcher de s’écarter et de gêner le mécanisme.

Lors donc que le bout du cordon K relié au contrepoids exercera son effort, il ouvrira et fermera graduellement les vantaux de la porte à point nommé, avec les intervalles de temps nécessaires.

[CHAPITRE VI. DEPART DE LA FLOTTE GRECQUE (2e ACTE) ET CHANGEMENT DE DECOR.]

1. La porte s’étant fermée, il faut, lorsqu’elle s’ouvre de nouveau, que le chantier ait disparu et que l’on voie les Grecs mettant à flot leurs navires. Cela s’effectue de la manière suivante :

On prend un morceau de toile, d’un tissu fin et serré, et de longueur égale à celle du fond de la scène. On revêt cette toile d’un très léger empois blanc, afin qu’elle puisse facilement s’enrouler. On y peint ensuite les navires en partance; puis on étend la toile sur le fond de la scène, en la clouant par le haut avec de petites pointes, sur le plan du tableau et au-dessous du plafond du théâtre. Le long du bord inférieur de la toile, on adapte ensuite une tringle en bronze, de diamètre égal sur toute sa longueur; de sorte que, si l’on enroule la toile autour de la tringle, en la remontant vers le sommet du tableau, et si cet enroulement est fait avec soin, on pourra suspendre la toile sous le plafond du caisson et, au moment voulu, la laisser choir. Une fois lâchée, la toile se déroule sous le poids de la tringle, et, aussitôt déroulée, elle masque les objets représentés sur le fond. Cette manœuvre doit s’effectuer lorsque la scène est close et d’une manière automatique.

2. Mais, d’abord, il faut que la toile enroulée soit suspendue en haut. Voici comment on y parvient: Lorsqu’elle a été enroulée avec soin et remontée sous le plafond de la scène, on perce un trou dans la paroi du tableau, un peu au-dessous de l’intervalle occupé par le rouleau; puis, par ce trou, et dans le sens de l’arrière à l’avant de cette paroi, on fait passer un cordon terminé par une boucle, jusqu’à ce qu’il forme un bout saillant de longueur égale au pourtour du rouleau, et on le cale solidement au moyen d’une cheville. La saillie de ce cordon sera déterminée sur place. Cela fait, à l’aplomb du trou pratiqué dans le plan du tableau, je perce dans la paroi du fond du théâtre un second trou, plus large que le précédent, et je l’alèse avec soin, afin de serrer davantage le rouleau de toile, à l’aide d’une broche fichée dans cet orifice et enfilée dans la boucle. Je loge donc une cheville dans le petit trou [inférieur] de la paroi et, dans celui du haut, une broche engagée dans la boucle. Le rouleau de toile, fortement serré, se maintient ainsi suspendu par la boucle; et lorsqu’il s’agira, la scène étant close, de masquer les objets représentés sur le tableau, il suffira de tirer le cordon attaché à la goupille. Or ce cordon est relié avec le contrepoids.

3. C’est ainsi qu’étaient préparés d’avance tous les rouleaux de toile des changements de décor. Chacun d’eux était retenu par une boucle et par une broche. Tout l’espace occupé par lesdits rouleaux de toile doit être caché par un écran, qui les rend invisibles. Cet écran est une planchette qui sert de linteau à la porte. Il faut la revêtir d’une corniche à moulures arrondies, afin d’en rehausser l’aspect. C’est ainsi que s’exécutent les changements de décor.

[CHAPITRE VII. DEFILE NAVAL (3e ACTE, PREMIERE PARTIE).]

1. La scène s’étant fermée puis ouverte de nouveau, on n’y voit plus, avons-nous dit, que l’eau et le ciel. Alors commence le défilé des navires, dont nous disposerons le mécanisme de la manière suivante:

Il manque 2 pages (230-231) au texte traduit

s’enroule autour de la barre, pendant que le théâtre est fermé. On fait ainsi pivoter cette barre, jusqu’à ce que la totalité du plan du fond se trouve masquée par la bande de papier. Elle tournera ainsi, jusqu’à ce que le papier rejoigne l’autre pivot, en remplissant tout l’intervalle, et, s’il en reste un excédent, il sera retranché. Enfin, vers l’extrémité de la bande, on collera une très mince lamelle de bois.

3. Soit donc cette bande de papier, cachée et enroulée derrière les pilastres de la porte et tenue invisible lorsque celle-ci sera ouverte. J’adapte alors de menus cordons à la lamelle collée sur le bord initial de la bande de papier: l’un vers le bas, au pied du pilastre de la scène, et l’autre au sommet, derrière le linteau. Enfin, je renvoie ces cordons à l’autre pivot, situé à gauche de la scène. Si alors on fait tourner le premier pivot, il tirera les cordons, qui s’enrouleront autour de lui; et comme ils sont adaptés à l’extrémité du papier, la bande sera entraînée avec eux. Ainsi, la scène étant fermée, le pivot devra tourner jusqu’à ce que la totalité du tableau soit cachée par le papier. Sur la bande, seront peints le ciel et l’eau.

4. Pour que la bande de papier s’avance automatiquement et que, sous le puissant effort du contrepoids, son déplacement soit rapide, à cause de la multitude des navires à faire défiler, il faut disposer le mécanisme suivant.

Fond de scène mobile pour le défilé naval.

Soit d’abord la scène ABΓΔ, supposée vue par derrière. A l’extrémité supérieure du barreau sur lequel s’enroule le papier, j’adapte une bobine tournée ZH; puis, contre le tableau, un peu au-dessus des battants et pignons moteurs des bras, j’installe un petit tambour ΘK, dont la surface latérale est évidée en gorge de poulie. Enfin, à l’arbre du tambour, j’adapte un second arbre plus petit, solidement ajusté et faisant corps, en quelque sorte, avec le premier, afin que les deux tambours puissent tourner simultanément.

5. Ayant donc enroulé, autour de la bobine HZ, un cordon de longueur suffisante pour le déroulement du papier, je renvoie ce cordon à la poulie MS entaillée dans le premier tambour. Puis, j’enroule suivant N le cordon de renvoi au contrepoids. Il suit de là qu’aux petits déplacements de ce cordon, sous l’action du contrepoids, correspondront des longueurs beaucoup plus grandes du papier NX, qui sera rapidement enroulé par la rotation sur l’arbre K qui porte le tambour. Il faut d’ailleurs que les pignons et le tambour se meuvent facilement. C’est ainsi que s’effectue le défilé naval.

[CHAPITRE VIII. EBATS DES DAUPHINS (3e ACTE, DEUXIEME PARTIE).]

Les dauphins doivent tantôt plonger, tantôt surgir hors de l’eau, de la manière suivante: Dans le plancher séparatif de la scène et du soubassement du théâtre, et à peu de distance des pivots des portes, je pratique des fentes étroites comme des mortaises de menuiserie, lesdites fentes ayant jour dans le soubassement inférieur. Sur une mince planchette, je dessine des dauphins de grandeur convenable, que je découpe en limant avec soin leur pourtour. Soit une tige, ajustée sous la poitrine du dauphin par une goupille de fer, qui traverse la tige et la poitrine de l’animal. Soit en outre une poulie installée au-dessous de la fente, mais un peu en retraite, comme on le voit sur le dessin. Soit AB la fente du plancher, ΓΔ l’arbre de rotation et EZ la poulie. Je perce l’arbre en Θ, à l’aplomb de la fente, et j’y ajuste la tige qui porte le dauphin. Si donc, avec la main, on fait tourner la poulie, tantôt le dauphin plongera en bas, à travers la fente, dans le soubassement; tantôt il émergera au-dessus de la scène.

Appareil de mouvement des dauphins.

2. Pour produire automatiquement cet effet, je noue sur un cordon une boucle que j’adapte au bouton fiché en un point Z de la poulie. Puis, autour de celle-ci, j’enroule le cordon, que je renvoie au contrepoids. Le dauphin sera d’ailleurs installé sur l’arbre en K, perpendiculairement à cet arbre; et celui-ci ΓΔ sera perpendiculaire au tablier du soubassement.

[CHAPITRE IX. APPARITION DE NAUPLIUS ET DE MINERVE.

SIGNAUX DE FEU DE NAUPLIUS. (4e ACTE.)]

1. La flotte s’étant éloignée, la porte se refermera et, en même temps, un cordon tirera la broche de calage de la toile, qui tombera en faisant apparaître Nauplius, une torche à la main, et Minerve. A l’ouverture de la scène, les navires auront donc disparu, donnant place aux personnages ci-dessus.

2. Il faut alors que s’allume subitement la torche. On y pourvoit de la manière suivante Au-dessus de l’entablement et des triglyphes du théâtre, on établira une planchette formant plafond sur toute l’étendue de la scène et qui cachera la bobine directrice du défilé de la flotte, l’appareil d’allumage du feu, et enfin tout le déploiement du mécanisme mis en œuvre, afin qu’aucune des pièces qui le composent ne soit aperçue du public et que cette planche, qui représente le comble du théâtre, abrite élégamment ce mécanisme, à l’instar du fronton d’un temple. Les saillies latérales de la planche sont peintes en noir ou en azur. Puis on installe le mécanisme de la bobine et son moteur, de l’autre côté de la scène.

3. Expliquons maintenant l’appareil de la torche. Avec des lames de bronze, on façonne une sorte de boîte sans couvercle, à bords évasés. Cette boîte doit être installée de champ derrière l’écran qui la cache et clouée contre la paroi du caisson. Son fond s’appuie contre la planche et son ouverture regarde du côté opposé. Dans la paroi supérieure de la boîte est percé un orifice, qui éclaire à l’instar d’une fenêtre, lorsqu’une lampe allumée, placée dans la boîte, projette en montant sa flamme à travers l’orifice.

4. Dans ces conditions, supposons donc la lampe allumée au-dessous de l’orifice, et fermons celui-ci par-dessous au moyen d’une autre lame de bronze triangulaire, de manière à intercepter la flamme. Au-dessus de la boîte et de l’orifice obturé de sa paroi, mettons des copeaux de menuisier très secs. De la sorte, si je retire la lame qui ferme l’orifice, la flamme de la lampe allumera les copeaux, qui brûleront incontinent. Jusque-là, la flamme de la lampe était demeurée invisible, étant cachée dans la boîte inférieure. D’ailleurs, la lampe reposera sur une cheville de bois, si l’on veut que la flamme, masquée de toutes parts, soit totalement inaperçue.

5. Pour que la lampe demeure en sûreté dans la boîte, on l’emmanchera sur une tige dressée en contre-haut du plancher. La lampe sera donc de celles qui se mettent clans les lanternes et qui sont ainsi fichées une tige.

Lanterne sourde pour l’allumage de la torche.

6. Maintenant, il faut que la lame obturatrice s’écarte au moment voulu. Près d’elle, et à distance convenable de la flamme, j’installe un petit arbre, sur lequel j’attache une chaînette reliée à la lame; de sorte que, par la rotation de l’arbre, la chaînette s’enroule autour de lui et entraîne la lame. Le mouvement de l’arbre sera produit par un cordon soumis au contrepoids et relié à l’arbre par un bouton.

Soient A[A] la lame, B[B] la chaînette guidée par des boutons, Γ l’arbre, le bouton d’attache de la corde E[E].

[CHAPITRE X. NAUFRAGE DES GRECS AJAX À LA MER.

COUP DE FOUDRE (5e ACTE, PREMIERE PARTIE).]

1. Après l’exhibition de l’épisode ci-dessus, terminé par l’allumage de la torche, la scène se ferme de nouveau. Un cordon de manœuvre fait jouer une broche, qui laisse tomber la toile représentant le naufrage de la flotte grecque et le personnage d’Ajax à la mer.

2. En même temps apparaît Minerve. Dans son piédestal sont logés des boutons, convenablement placés. Un premier cordon la fait surgir, en la tirant par l’arrière de sa hanche, au droit de son centre de gravité. Ce cordon ayant fonctionné, un second cordon, logé du côté du tablier, la fera pivoter de nouveau, jusqu’à ce qu’elle ait repris sa position première. Ensuite, un autre cordon l’actionnera de nouveau en arrière de la hanche, pour la ramener à la position horizontale.

3. Il nous reste à expliquer comment la foudre tombera sur la scène, et comment disparaîtra le personnage d’Ajax. Cela se fait par les moyens que nous allons décrire. Sur le terrain figurant l’horizon du tableau sera peint le personnage d’Ajax. Au-dessus de lui, dans le plafond de la scène, et au-dessous, comme nous l’avons indiqué pour les dauphins, une double fente sera pratiquée. Par la fente du plafond seront tendues verticalement deux cordes très fines, de celles qui servent pour les sambuques; et elles plongeront dans le soubassement du théâtre, par la fente de sa paroi supérieure. Pour que ces cordes demeurent tendues dans le petit temple, on les adapte par le haut à des clefs ou chevilles qui, en tournant, leur donneront la raideur voulue. On façonnera ensuite une planchette mince et oblongue, qui puisse ainsi traverser facilement les deux fentes, et qui se tiendra logée derrière l’entablement, sans en dépasser le bord du côté de la scène. Cette planchette, percée de deux trous dans sa longueur, y reçoit les deux cordes, qui s’y fixent au moyen de chevilles. En outre, sur sa face postérieure, on colle une plaquette de plomb, afin de lui donner du poids.

4. Si donc, avec la main, nous dirigeons la planchette à travers la fente du plafond, elle tombera debout sur la scène, comme si elle était guidée par les cordes adjacentes. Celles-ci seront teintes en noir, pour demeurer invisibles. Mais le pied de la planchette (ou son extrémité inférieure) doit être doré et poli de la manière la plus parfaite; et, dans le haut, doit être peinte une sorte de flamme, simulant le feu de la foudre. Mise en jeu, la planchette guidée par les cordes frappe au cœur le personnage d’Ajax. Celui-ci regarde le ciel et, comme pour les toiles d’entr’acte, son mouvement est commandé par une broche qui, à l’instant voulu, cède au cordon tiré par le contrepoids et détermine le coup de foudre.

[CHAPITRE XI. DISPARITION D’AJAX (FIN DU 5e ACTE ET DE LA REPRESENTATION).]

1. La foudre étant tombée, Ajax disparaît de la manière suivante: On dispose une dernière toile, en tout semblable aux autres toiles d’entr’acte, mais de dimensions réduites à celles du personnage qu’elle doit cacher. Sur cet écran est peinte la mer, de couleur identique à celle qui entoure Ajax, et près des flots quelques détails du rivage ambiant; de sorte qu’Ajax ayant disparu, la toile se montre peinte d’une couleur marine identique â celle du tableau du fond. En outre, pour que l’écran d’Ajax demeure absolument invisible, on l’enroule par le haut et on le retient au moyen d’une broche qui commande en même temps le coup de foudre; de sorte que cette broche, mise en jeu détermine à la fois la chute de la foudre et la disparition d’Ajax. On dirait que celui-ci a été frappé et anéanti subitement. Telles sont les diverses combinaisons des jeux de scène de la pièce.

2. La translation des personnages, aussi bien que leurs gestes secondaires, s’effectue par les mêmes moyens que ci-dessus. Tous les théâtres d’automates sont aménagés dans ces conditions: ils ne diffèrent que par les sujets de représentation.


 

AUTRES MECANISMES D’HERON D’ALEXANDRIE POUR LE THEATRE

Contrepoids moteur du théâtre roulant

Coupe verticale parallèle aux roues du chariot

 

 

Roulement, aller et retour, à l’aide d’un seul contrepoids.

 

 

Demi-tours alternatifs d’un arbre à l’aide d’un seul contrepoids.

 

 

Liaison de l’arbre horizontal avec le pivot de la porte.

 

Action intermittente du contrepoids sur l’arbre de commande

des pivots de la porte.