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LES QUATRE LIVRES DES STRATAGÈMES DE SEXTUS JULIUS FRONTIN.

PRÉFACE DE L’AUTEUR SUR LE QUATRIÈME LIVRE,

Après avoir essayé (on dira si j'ai réussi), de mettre en trois livres les stratagèmes, fruit de mes nombreuses lectures, et les avoir classés avec un soin tout particulier, je place ici les faits que je n'ai pas cru devoir réunir aux autres, parce qu'ils me semblent appartenir plutôt à la stratégie qu'aux stratagèmes. Ce n'est pas qu'ils ne présentent également un sens très clair ; mais ils sont d'une nature différente ; et il pourrait arriver qu'un lecteur tombant par hasard sur un de ces passages, fût conduit à supposer que j'ai commis une omission. Je donne donc ce nouveau livre comme le complément des autres, et je continuerai autant que possible de conserver le même ordre dans la classification de ses diverses parties.

TABLE DES CHAPITRES DU QUATRIÈME LIVRE.

CHAP. I. De la discipline.
CHAP. II. De l'effet de la discipline.
CHAP. III. De la continence.
CHAP. IV. De la justice.
CHAP. V. De la fermeté.
CHAP. VI. De la douceur et de la modération dans le commandement.
CHAP. VII. Instructions diverses sur la guerre.

LIVRE QUATRIÈME

CHAPITRE PREMIER.

De la discipline.

P. Scipion, près de Numance, rétablit la discipline corrompue par la négligence des chefs ses prédécesseurs, en chassant de son armée cette multitude de marchands qui ne servait qu'à entretenir le luxe ; et en obligeant les soldats à des exercices continuels. Dans les marches forcées qu'il imposait fréquemment à ses troupes, il leur faisait porter pour plusieurs jours ; de vivres ; il les accoutumait à souffrir le froid et la pluie et à passer à gué des rivières. Enfin, il leur reprocha leur lâcheté et leur paresse, et retrancha de son camp tout équipage superflu. Dans cette circonstance on prétend que Scipion dit au tribun C. Memmius : C'est pendant peu de temps que tu seras inutile à moi et à la république, mais tu le deviendras pour toujours à toi-même.

Quintus Metellus, dans la guerre contre Jugurtha, rétablit aussi la discipline, et défendit aux soldats de manger autre chose que ce qu'ils avaient apprêté eux-mêmes.

Pyrrhus disait au commissaire qui levait des troupes par son ordre : Choisis des soldats robustes, et laisse-moi le soin de les rendre braves.

Ce fut sous le consulat de L. Flaccus et de C. Varron, que l'on fit jurer aux soldats qu'ils ne refuseraient aucun péril, par crainte ou par lâcheté ; qu'ils ne fuiraient jamais dans le combat, et ne quitteraient, leur rang que pour aller prendre désarmes et pour tuer un ennemi ou sauver un citoyen. Jusqu'à cette époque, les tribuns recevaient seuls le serment militaire.

Scipion l'Africain disait à un soldat qui avait un bouclier fort paré ; qu'il ne fallait pas que le soldat romain fît plus de cas de son bouclier que de son épée.

La première fois que Philippe de Macédoine leva des troupes, il défendit de mener des chariots de transport, et ne voulut pas qu'un cavalier eût plut d'un valet. Il n'en donna qu'un aussi à chaque dimérie, pour porter la tente, et de quoi moudre le grain ; enfin, par les plus grandes chaleurs, il contraignit ses soldats de porter sur leur dos pour trente jours de farine.

C. Marius, pour réduire autant que possible les bagages qui embarrassent toujours une armée, fit faire à chaque soldat un ballot, tant de son petit équipage que de ses provisions. On le portait sur l'épaule avec une fourche, ce qui en rendait la charge plus facile, et était cause qu'on pouvait se reposer plus aisément. C'est de là qu'est né le proverbe : les mulets de Marius.

Théagène, d'Athènes, répondit à ceux qui lui demandaient leur rang, comme il marchait contre Mégare, qu'il indiquerait la place de tous lorsqu'il serait question de combattre. Il fit ensuite dresser une embuscade par sa cavalerie, et donna à chacun le rang qu'il prit dans cette circonstance, pensant bien que les plus braves se seraient mis à la tête, et les plus lâches à la queue.

Lysandre, Lacédémonien, punit un soldat qui était sorti de son rang pendant la marche ; et comme il criait que ce n'était pas pour piller : - Je veux, lui répliqua Lysandre, qu'on n'en puisse pas même avoir le soupçon.

Antigone ayant appris que son fils était logé dans la maison d'une veuve qui avait trois filles, très belles, l'en fit sortir en lui faisant espérer un meilleur logement, et lorsqu'il en fut dehors, il fit défense de loger par la suite chez une veuve, un homme qui aurait moins de cinquante ans.

Quoique rien n'empêchât le consul Metellus de prendre son fils près de lui, il voulait qu'il demeurât avec les troupes, et qu'il s'acquittât du service de soldat. Publius Rutilius en faisait autant.

M. Scaurus défendit à son fils de se trouver en sa présence, pour avoir manqué de courage dans un combat ; ce qui le rendit si honteux qu'il s'en donna la mort.

Anciennement les Romains, aussi bien que les autres nations, campaient par cohortes, sans aucun retranchement, et les tentes étaient répandues çà et là comme des chaumières dans un hameau ; car on n'avait coutume de ne fortifier que les villes. Pyrrhus fut le premier qui leur enseigna l'art de se retrancher. Lorsque les Romains prirent son camp, et qu'ils en eurent remarqué l'ordre et la disposition, ils l'imitèrent, et en vinrent peu à peu à la méthode qu'ils suivent à présent.

P. Nasica, pour bannir du camp la licence et l'oisiveté, fit construire des vaisseaux par ses soldats pendant la rigueur de l'hiver, quoique ce ne fût pas la saison de s'en servir.

Caton a laissé par écrit, que de son temps, dans les armées Romaines, on coupait la main droite à ceux qui étaient surpris à dérober. Quand on voulait les punir avec moins de rigueur, on leur tirait du sang devant le front des troupes (1).

Cléarque de Lacédémone disait qu'un soldat devait plus craindre son général que son ennemi. Comme s'il eût voulu prévenir ainsi, qu'en fuyant une mort douteuse, on en trouverait une certaine.

Pyrrhus ayant renvoyé les prisonniers qu'il avait faits dans une bataille contre tes Romains, le Sénat, par l'avis d'Appius Claudius, les punit de cette sorte : des cavaliers, il en fit des fantassins, et des soldats pesamment armés, des gens de trait. Il les obligea à camper tous hors du camp, jusqu'à ce que chacun d'eux eût remporté des dépouilles de l'ennemi.

Le consul Otacilius Crassus fit camper de même, hors du camp, des soldats qu'Hannibal avait fait passer sous le joug, afin de les accoutumer au danger, et de les rendre plus audacieux en présence de l'ennemi.

Sous le consulat de P. Cornelius Nasica, et de Décimus Junius, les déserteurs furent fouettés publiquement, et vendus pour esclaves.

Domitius Corbulon, en Arménie, fit camper hors du camp deux corps de cavalerie, et trois d'infanterie, qui avaient lâché le pied dans le combat, et ne les fit rentrer qu'après qu'ils eurent signalé leur valeur.

Le consul Aurélius Cotta, voulant contraindre les cavaliers de travailler aux retranchements dans une circonstance pressante, et une partie d'entre eux n'obéissant pas, Cotta s'en plaignit aux censeurs qui les notèrent. Il leur fit ensuite retrancher, par le Sénat, la paie du jour de leur désobéissance, ce que le peuple ratifia depuis à la sollicitation des tribuns ; de sorte que la discipline fut rétablie d'un consentement unanime.

Metellus le Macédonique, renvoya cinq cohortes reprendre un poste qu'elles avaient perdu, et contraignit les soldats à faire leur testament avant de partir. Il les avertit qu'il ne les recevrait dans le camp que victorieux.

Sous le consulat de P. Valerius, le Sénat ordonna que l'armée qui avait été vaincue à Syre, passerait l'hiver sous les tentes. On décida aussi qu'il ne serait point envoyé de recrues à une armée qui avait fui, avant qu'elle n'eût vaincu et pris l'ennemi.

Ce même Sénat voulut que les légions qui n'avaient pas fait leur devoir pendant la guerre d'Hannibal fussent reléguées en Sicile, et là, qu'on les nourrit d'orge au lieu de froment, l'espace de sept ans.

Le chef d'une cohorte, pour n'avoir pas retenu ses gens qui fuyaient, fut condamné par Pison à demeurer tous les jours, devant les troupes, les pieds nus, et sans épée, pendant qu'on relevait la garde, et à s'abstenir de boire et de manger en public. Sylla condamna une cohorte qui s'était laissé forcer dans un poste, à demeurer avec ses centurions pieds nus et sans épée, devant les troupes.

Domitius Corbulon, en Arménie, fit déchirer par un de ses gardes, les habits d'un préfet de la cavalerie, qui avait lâché pied devant l'ennemi, et de qui les turmes étaient en mauvais état : il l'obligea à demeurer ainsi en présence des troupes, jusqu'à ce qu'on eût relevé les gardes.

Atilius Regulus passant du Samnium dans la Lucernie, vit que ses gens se retiraient à l'arrivée des ennemis. Il s'opposa à leur fuite avec sa cohorte prétorienne, et commanda de traiter en déserteurs ceux qui n'obéiraient pas.

Le consul Cotta en Sicile, fit fouetter un tribun des soldats, de la noble famille des Valerius, pour avoir manqué à son devoir. Il traita de même un de ses parents, qu'il avait laissé pour commander en son absence, ayant trouvé à son retour qu'on avait forcé le camp, et brûlé les fascines dont était composée la plate-forme où l'on plantait les machines. Non content de cette punition, il lui fit faire le service de simple soldat.

Le censeur Fulvius Flaccus chassa du sénat son propre frère, pour avoir fait partir sans son ordre une légion dans laquelle il était tribun.

Le vieux Caton faisant voile avec toute son armée, et quittant un bord étranger où il avait campé quelques jours, fit exécuter un soldat qui était resté sur le rivage malgré les ordres donnés trois fois pour le départ ; aimant mieux qu'il servît d'exemple aux troupes que de proie aux ennemis.

Appius Claudius fit décimer des soldats qui avaient quitté leur place, et l'on frappa du bâton ceux sur qui tomba le sort.

Le consul Fabius Rullus fit décimer de même deux légions qui avaient lâché le pied, et ceux dont les noms sortirent, furent frappés de la hache.

Aquilius châtia de la même façon trois hommes de chacune des centuries qui étaient de garde, pour s'être laissé forcer dans leur poste.

Antoine voyant que les ennemis avaient brûlé le rempart, décima deux cohortes préposées à la garde des travaux, et désigna des centurions dans chacune d'elles. Celui qui les commandait fut chassé avec ignominie, et le reste fut mis à l'orge. On massacra une légion tout entière, composée de quatre mille hommes, pour avoir saccagé la ville de Rhegium du consentement du chef de la légion. Le Sénat ne voulut même pas permettre qu'on donnât la sépulture à ces hommes ; ni qu'on pleurât leur mémoire.

Lucius Papirius Cursor étant dictateur voulut faire trancher la tête à Fabius Rullus son maître de la cavalerie, pour avoir contre son ordre exprès, donné la bataille en son absence ; quoi qu'il eût remporté la victoire. Sans se Laisser fléchir par les prières des soldats, il alla le poursuivre dans Rome où il s'était retiré ; et c'est à peine s'il céda aux supplications de Fabius et de son père, quoiqu'ils fussent appuyés par le sénat et par le peuple.

Manlius fit trancher la tête à son fils, pour avoir aussi combattu contre son ordre quoiqu'il eût remporté la victoire, et il reçut de cette action le surnom de cruel. Manlius le fils, croyant que l'armée préparait une sédition contre son père, dit que la vie ne lui était pas assez chère pour souffrir qu'à cause d'elle on laissât corrompre la discipline. Il obtint que l'armée le laisserait subir son châtiment.

Quintus Fabius Maximus faisait couper le bras droit aux transfuges.

Le consul C. Curio pendant la guerre contre les Dardaniens, près Dyrrachium, voyant une de ses légions qui refusait de le suivre dans une entreprise périlleuse, fit mettre les quatre autres sous les armes ; et l'ayant désarmée, ordonna aux mutins de couper le fourrage, en présence des troupes qui étaient sous les armes ; et le lendemain les fit travailler aux retranchements sans avoir l'épée au côté ; après quoi il cassa la légion, et en distribua les soldats dans les autres corps.

Sous le consulat de Q. Fulvius et d'Appius Claudius, les soldats qui survécurent à la bataille de Cannes, et que l'on avait relégués en Sicile s'étant offerts à Marcellus avec prière de les employer, ce général ne voulut pas les recevoir sans l'ordre du sénat. Mais le sénat ne donna pas cet ordre, car il ne voulait pas que l'on confiât le salut de la république à des gens qui l'avaient trahie par leur lâcheté; cependant il permit au consul de faire ce qu'il jugerait à propos, et lui défendit, dans le cas où il recevrait ces hommes, de les exempter désormais de faction, ni de leur accorder des dons, ou des récompenses, ou bien de les faire repasser en Italie, tandis que les Carthaginois y seraient les maîtres.

M. Salinator, personnage consulaire, fut condamné par le peuple, pour n'avoir pas également distribué le butin à tous les soldats.

Le consul Q. Pétillius ayant été tué dans un combat par les Ligures, le sénat défendit de donner ni paie, ni recrues, ni substance, à la légion dans laquelle il était mort.

CHAPITRE II.

De l'effet de la discipline.

Les armées de Brutus et de Cassius traversant ensemble la Macédoine pendant les guerres civiles, celle de Cassius n'arriva qu'après l'autre à une rivière, sur laquelle il fallait faire un pont. Comme elle parvint malgré ce retard, et à cause de sa bonne discipline, à faire ce pont plus tôt que l'armée de Brutus et à le passer, on l'honora de la préséance dans tous les combats et dans tous les travaux de la guerre.

C. Marius ayant le choix de deux armées qui avaient été commandées par divers généraux, choisit la moins nombreuse, parce que c'était la mieux disciplinée.

Domitius Cerbulon soutint toute la puissance des Parthes avec deux légions, et quelques alliés, après avoir rétabli la discipline.

Alexandre entreprit la conquête du monde avec quarante mille hommes aguerris et expérimentés sous Philippe son père, et défit en bataille rangée, des armées Innombrables.

Cyrus, avec quatorze mille soldats surmonta des dangers infinis pendant la guerre des Perses.

Épaminondas, général des Thébains, avec quatre mille hommes, dans le nombre desquels il n'y avait que quatre cents chevaux, défit l'armée de Lacédémone, qui était de seize cents chevaux et de vingt-quatre mille hommes d'infanterie.

Quatorze mille Grecs qui étaient au service de Cyrus-le-Jeune, firent plier cent mille Perses à la bataille contre Artaxerxès, et retournèrent victorieux dans leur pays sous la conduite de Xénophon. Ils parcoururent l'espace de plus de douze cents lieues à travers mille dangers, après avoir perdu leurs principaux chefs par trahison.

Xerxès se voyant arrêté au pas des Thermopyles par trois cents Spartiates, qu'il eut de la peine à vaincre, se plaignit, de ce qu'il avait beaucoup d'hommes et peu de soldats.

CHAPITRE III.

De la continence.

Caton, dans son armée navale, buvait, dit-on, le même vin que ses matelots.

Cinéas, ambassadeur de Pyrrhus ayant offert à Fabricius une forte somme d'argent, celui-ci la refusa et dit, qu'il aimait mieux commander à ceux qui possédaient ces trésors, que de les posséder lui-même.

Atilius Régulus, qui occupa des emplois si éminents, n'avait pour entretenir toute sa famille, qu'un petit héritage, qu'il faisait cultiver par un valet ; de sorte que son valet étant mort, il écrivit au sénat qu'on envoyât quelqu'un à la tête des troupes pour le remplacer, parce qu'il fallait qu'il revînt chez lui pour mettre ordre à ses affaires.

Cn. Scipion, après de très grands exploits faits en Espagne, ne laissa pas de quoi marier ses filles, et l'on fut contraint de leur donner une dot tirée du trésor public.

Les Athéniens agirent de même à l'égard des filles d'Aristide, lui qui après avoir rempli les fonctions les plus importantes de la république, était mort dans une extrême pauvreté.

Après la mort d'Épaminondas, qui avait affranchi la Grèce, on ne trouva chez lui, pour tout meuble, qu'une broche, et une marmite.

Hannibal se levait avant le jour, et ne se couchait point qu'il ne fût nuit. Il ne se mettait à table qu'après le soleil couché, et sa table n'avait pas plus de deux lits. Lorsqu'il faisait la guerre sous Hasdrubal, il dormait souvent sur la terre, enveloppé dans son manteau.

Scipion Émilien se nourrissait ordinairement de pain, qu'il mangeait en marchant à pied avec ses amis, à la tête de l'armée. On en dit autant d'Alexandre.

Massinissa, âgé de quatre-vingt-dix ans, prenait ses repas debout, en plein soleil, devant sa tente, et quelquefois en se promenant.

M. Curius, après avoir vaincu les Sabins, se contenta d'une portion de terre égale à celle que l'on distribua aux soldats, disant, que c'était se montrer mauvais citoyen que de n'être pas content de ce qui suffisait aux autres.

La même continence s'est vue quelquefois dans les armées entières. Scaurus écrit qu'un arbre, tout chargé de fruits mûrs, s'étant trouvé renfermé dans l'enceinte de son camp, il reconnut le lendemain à son départ, qu'on n'en avait pas cueilli un seul.

Pendant la guerre de Germanie conduite sous les auspices de Domitien contre Civilis, les Lingons (ceux de Langres) qui s'étaient déclarés pour l'ennemi, craignant d'être saccagés à l'arrivée des Romains, se rassurèrent, quand ils virent qu'on ne commettait aucun désordre. Ils rentrèrent dans leur devoir, et fournirent soixante et dix mille hommes.

L. Mummius, qui prit Corinthe, et remplit toute l'Italie et la Grèce de tableaux et de statues, bien loin de s'enrichir de ces dépouilles, mourut si pauvre, qu'il ne laissa pas de quoi marier sa fille, et que le sénat fut contraint de la pourvoir.

CHAPITRE IV.

De la justice.

Au siège de Falisque un maître d'école ayant fait sortir les enfants hors de la ville, sous prétexte d'une promenade, vint les conduire à Camille, qui commandait l'armée romaine ; ce qui était pour ainsi dire lui livrer la place. Mais Camille le renvoya les mains liées derrière le dos, et fouetté par ses écoliers. Cette action excita une telle admiration, parmi les habitants de la ville, qu'ils se rendirent à lui.

Le médecin de Pyrrhus, ayant promis à Fabricius d'empoisonner son maître pour de l'argent, il en avertit Pyrrhus, et par cette magnanimité, l'obligea de rechercher son alliance.

CHAPITRE V.

De la fermeté.

Comme les soldats de Pompée menaçaient de piller l'argent qu'il voulait faire porter à son triomphe, et que deux de ses amis lui conseillaient de le distribuer aux troupes, pour apaiser la sédition, non seulement il n'en fit rien, mais il dit, qu'il mourrait plutôt que de fléchir sous la licence du soldat. Après leur avoir reproché leur insolence, il fit marcher devant lui les faisceaux environnés de lauriers, et les étonnant par cette résolution, les retint dans leur devoir.

César, au plus fort de la guerre civile, cassa toute une légion mutinée, et fit couper la tête aux auteurs de la sédition. Bientôt les soldats, touchés de repentir, demandèrent leur rétablissement, et lui rendirent depuis de grands services.

Postumius, personnage consulaire, tançant les siens qui se mutinaient, ils lui demandèrent, comme par reproche, ce qu'il voulait qu'ils fissent : Me suivre, dit-il et arrachant un drapeau, il les mène alors au combat, et remporte la victoire.

Claudius Marcellus se trouvant enveloppé par les ennemis, tourna son cheval pour se sauver ; mais voyant qu'il ne réussirait pas, il changea sa crainte en résolution. Marcellus donna à travers les bataillons les plus épais, et remporta la victoire, après avoir tué le général ennemi de sa main.

L Paullus, à la bataille de Cannes, voyant l'armée romaine défaite, refusa un cheval pour se sauver. Il s'assit sur une pierre où il s'était appuyé à cause de ses blessures, et y resta jusqu'à ce qu'il fût tué par les ennemis.

Varron son collègue témoigna encore plus de résolution, quoiqu'il fût cause de la perte de la bataille. Il retourna à Rome, pour ne point jeter la ville dans le désespoir, et en ayant été remercié par le peuple et par le Sénat, il ne toucha plus depuis à sa barbe, ni à ses cheveux, et renonça aux honneurs qu'on lui offrait, disant, qu'il les fallait donner à de plus heureux que lui. Il fit assez voir, par cette conduite, qu'il ne s'était pas conservé par amour de la vie, mais pour la République.

Sempronius Tuditanus, et C. Octavius, tribuns des soldats, se trouvant assiégés au petit camp, après la bataille de Cannes, et, voyant tout perdu, conseillèrent à leurs camarades de se frayer un passage l'épée à la main, et dirent qu'ils y étaient décidés quand même personne ne voudrait les suivre. Il exécutèrent cette résolution avec douze soldats seulement, tant cavaliers que fantassins, qui se sauvèrent avec eux.

T. Fonteius Crassus, en Espagne, étant parti pour fourrager avec trois mille hommes, se trouva tout-à-coup enveloppé par les troupes d'Hasdrubal, dans un lieu désavantageux. Il attendit jusqu'à la nuit, communiqua son dessein aux premières cohortes, et se sauva à travers la garde des ennemis, lorsqu'on s'y attendait le moins.

Publius Decius, tribun des soldats pendant la guerre des Samnites, voyant l'armée environnée par les ennemis dans un lieu désavantageux, se détacha du gros des troupes pour s'aller saisir d'une éminence qui était proche, et là attirant sur soi les ennemis, il donna le temps au consul de se sauver avec le reste de l'armée : puis comme il se vit enveloppé, il échappa la nuit par un généreux effort, sans avoir perdu un seul homme.

Un autre, dont on ne connaît pas le nom avec certitude, tenta la même entreprise sous le consul Atilius Calatinus ; car le voyant enfermé dans un vallon, et toutes les montagnes voisines occupées par les ennemis, il prit avec lui trois cents soldats, qu'il encouragea à bien faire. Il s'enfonça ensuite dans le vallon puis y attira l'ennemi et donna le moyen au consul de sauver l'armée, tandis qu'il résistait opiniâtrement.

César, pendant la guerre contre Arioviste, voyant ses soldats étonnés, dit tout haut dans l'assemblée, qu'il n'entreprendrait rien dans cette journée sans le concours de la dixième légion : ce qui piqua les uns d'honneur, les autres de honte, et leur fit demander la bataille.

Philippe menaçant les Lacédémoniens, s'ils ne se rendaient : - Nous empêchera-t-il, dit un Spartiate, de mourir pour la patrie ?

Comme on disait à Léonidas que le soleil était obscurci par les flèches des Perses : - tant mieux, répliqua-t-il, nous combattrons à l'ombre.

Tandis que le préteur L. Coelius rendait la justice dans son camp, une pie étant venue se percher sur sa tête, les devins lui dirent, qu'en la tuant, le peuple Romain serait victorieux, mais qu'il lui en coûterait la vie à lui et à sa famille ; et qu'en laissant aller l'oiseau, il arriverait tout le contraire. Qu'il meure donc, dit-il, et il le tua. Ensuite Coelius donna la bataille, où il périt avec quatorze de ses pareils ; mais les Romains remportèrent la victoire. Quelques-uns, à la place de Coelius, mettent Loelius.

Les deux Decius commandant les armées Romaines, se dévouèrent l'un après l'autre pour le salut de la République, et après s'être précipités au milieu des ennemis, acquirent à leur pays la victoire au prix de leur vie.

Le consul Publias Crassus, lorsqu'il faisait la guerre contre Aristonique en Asie, donna par hasard dans une embuscade. Comme on l'emmenait prisonnier, il s'empara d'une baguette dont on se servait pour le cheval, et creva l'oeil au Barbare. Celui-ci excité par la douleur l'ayant percé avec ses armes, Crassus comme il l'avait prévu, évita le déshonneur de l'esclavage.

M. Caton, le fils du Censeur, étant tombé dans un combat par la chute de son cheval, était remonté dessus, quand il vit qu'il avait perdu son épée, il retourna au milieu des ennemis, et après avoir reçu plusieurs blessures et retrouvé enfin son épée, il reparut auprès des siens.

Les Petiliniens, assiégés par les Carthaginois, tinrent onze mois, après avoir mis dehors toutes les bouches inutiles, et vécurent à la fin de feuilles d'arbres et de cuir trempé, qu'ils grillaient ; car on avait mangé toute sorte d'animaux.

Quelques Espagnols supportèrent la même disette, pour ne pas se rendre au lieutenant de Sertorius.

Ceux de Casilin assiégés par Hannibal, furent réduits à cette extrémité ; qu'une souris y fut vendue cent deniers romains, et sauva la vie à l'acheteur ; mais le vendeur mourut de faim. Cependant malgré cette horrible disette, la ville resta dans l'alliance romaine.

Au siège de Cyzique, Mithridate fit mener au supplice tous les prisonniers à la vue des habitants, supposant que la compassion les obligerait à se rendre. Mais il arriva tout le contraire ; car il les exhortèrent de dessus les murailles à souffrir la mort avec courage et s'opiniâtrèrent encore plus dans leur résolution.

Les Ségoniens opposèrent la même résistance, pendant que Viriathus faisait égorger leurs femmes et leurs enfants, en leur présence ; et les Numantins assiégés par Hannibal, pour ne point abandonner l'alliance romaine, s'enfermèrent chacun chez eux, et s'y laissèrent mourir de faim.

CHAPITRE VI.

De la modération dans le commandement.

Quintus Fabius, répondit à son fils qui lui conseillait de se saisir d'un poste avantageux, que l'on pouvait emporter au prix de quelques soldats : Veux-tu être l'un de ceux-là.

Xénophon ayant commandé à ses troupes de gagner en diligence le sommet d'une montagne, les pressait de s'avancer, lorsqu'un soldat cria qu'il parlait bien à son aise, mais qu'il était à cheval et les autres à pied. Ce propos piqua Xénophon de sorte qu'il descendit à l'instant, obligea le soldat de prendre sa place, et monta lui-même à pied le plus vite qu'il lui était possible, car il souffrait beaucoup du poids de ses armes de cavalier. Cependant le soldat, touché de repentir et des reproches de ses compagnons, ayant prié Xénophon de reprendre son cheval, on eut beaucoup de peine à l'y décider et à lui faire réserver ses forces pour des emplois plus dignes d'elles.

L'armée d'Alexandre marchait pendant la rigueur de l'hiver, et ce prince la regardait passer, assis auprès d'un grand feu. Mais apercevant un soldat à demi gelé dans les rangs, il prit sa place, en lui disant que si l'on regarde comme un crime capital parmi les Perses de s'asseoir à la place du roi, cette action est permise aux Macédoniens.

Vespasien, voyant un jeune homme de bonne famille, peu fait pour porter les armes, et contraint par sa pauvreté de renoncer à la dignité de ses ancêtres, lui donna ce qu'il lui fallait pour soutenir son rang, et l'exempta du service.

CHAPITRE VII.

Instructions diverses sur la guerre.

César disait qu'il fallait vaincre les ennemis en employant les moyens dont se servent les médecins dans les longues maladies ; c'est-à-dire par la faim plutôt que par le fer.

Domitius Corbulon prétendait, lui, qu'il en venait à bout avec la bêche et le hoyau.

L. Paullus veut qu'un général d'armée soit vieux, ou d'âge ou d'humeur ; donnant à entendre qu'il préfère la prudence aux résolutions hasardeuses.

Scipion l'Africain dit, pour répondre aux reproches qu'on lui faisait de n'aimer pas assez à combattre, qu'il était né général et non soldat.

C. Marius répondit à un Teuton qui le provoquait à un combat singulier, que s'il avait envie de mourir, il n'avait qu'a s'aller pendre. Mais comme le barbare insistait, Marius lui montra un gladiateur avancé en âge et ajouta : quand tu auras vaincu celui-ci, je me battrai contre toi.

(Frontin répète ici l'exemple de Sertorius déjà rapporté, liv. I, c. X. commencement.)

Le consul Valerius Levinus ayant pris dans son camp un espion le fit promener partout, et le renvoya avec ordre de dire aux ennemis, qu'il recevrait ainsi tous ceux qu'il leur plairait d'envoyer pour visiter son armée.

Coelius Primipile, qui commandait ceux qui survécurent à la défaite de Varus, craignant que les ennemis ne se servissent du bois qu'on avait amassé autour de ses lignes, afin d'incendier son camp, feignit d'en avoir besoin pour l'usage des soldats, et l'envoyait dérober secrètement. Cette manoeuvre fut cause que l'ennemi le fit transporter plus loin, et le délivra de ses craintes.

Cn. Scipion, dans un combat naval, fit jeter sur les vaisseaux ennemis des tonnes pleines de poix et de résine, lesquelles outre le danger du feu, fatiguaient les galères par leur pesanteur.

Hannibal y fit jeter aussi par les troupes d'Antiochus, des vases pleins de vipères, afin de troubler le service des soldats et des matelots ; et Prusias suivit cet exemple pour se retirer après sa défaite.

M. Porcius s'étant emparé d'un vaisseau ennemi, vêtit ses gens de leurs dépouilles et de leurs armes, et coula à fond plusieurs galères, par ce stratagème.

Les Athéniens, pour se venger des Lacédémoniens, qui faisaient des courses dans l'Attique pendant la fête de Minerve, lorsqu'ils étaient occupés à cette cérémonie, cachèrent leurs armes sous leurs habits en sortant hors de la ville, et prirent ensuite la route de la Laconie. Sans rentrer dans Athènes, ils allèrent ravager le pays, lorsqu'on les croyait occupés ailleurs.

Cassius fit mettre le feu à quelques vaisseaux de charge qui ne lui étaient pas très nécessaires, et profitant d'un grand vent, les envoya au milieu de la flotte des ennemis, et la brûla.

Comme on conseillait à M. Livius, après la défaite d'Hasdrubal, de poursuivre les fuyards : Laissons-en quelques-uns, dit-il, pour porter la nouvelle de ce désastre.

Scipion l'Africain disait qu'il fallait toujours faire un pont d'or à ses ennemis.

Pachès d'Athènes, ayant promis aux ennemis que s'ils mettaient bas leurs armes (leur fer), on ne leur ferait aucun mal, ils exécutèrent de bonne foi ce qu'il exigeait d'eux. Mais Pachès ne leur, tint pas parole, car il fit tuer tous ceux qui se trouvèrent avoir des agrafes de fer à leurs manteaux.

Hasdrubal entra dans la Numidie avec des troupes, sous prétexte d'une chasse aux éléphants, et s'en rendit maître par ce moyen.

Alcétas, général des Lacédémoniens, pour mieux surprendre les vaisseaux qui menaient des vivres à Thèbes, cacha ses galères, à la réserve d'une seule, dans laquelle il exerçait tour à tour toute la chiourme, afin qu'elle ne se relâchât pas un seul instant ; ensuite épiant l'occasion, Alcétas surprit plusieurs vaisseaux chargés de vivres, lorsqu'ils ne croyaient pas qu'il eût des navires pour les attaquer.

Ptolémée, combattant contre Perdiccas qui était plus fort que lui, attacha à des chariots toutes les bêtes du camp. La poussière qui s'éleva fit croire aux ennemis qu'il était suivi d'une grande armée, et il remporta la victoire.

Myronide, général des Athéniens, ayant à combattre dans une plaine contre les Thébains, qui étaient plus forts que lui en cavalerie, dit à ses soldats qu'il était impossible de se sauver par la fuite, mais qu'en se défendant vaillamment, il restait encore quelque espérance de vaincre. Ce raisonnement leur rendit le courage au lieu de les intimider, et ils sortirent victorieux du combat.

L. Pinarius étant en garnison dans une ville de Sicile, et les habitants venant lui redemander les clefs des portes, comme il le pensait, pour la livrer aux Carthaginois, Pinarius prit une nuit pour délibérer, et après avoir averti les soldats de se tenir prêts, répondit le lendemain qu'il rendrait les clefs, mais qu'il voulait que ce fût du consentement de toute la ville. Lors donc que les habitants se furent assemblés dans le théâtre, selon la coutume, pour délibérer, L. Pinarius qui jugeait de leur révolte par le consentement, fit main basse sur tous ceux qui s'y trouvèrent.

Iphicrate, général des Athéniens, ayant équipé ses galères comme celles des ennemis, cingla vers une ville gui lui était suspecte, et voyant accourir les habitants avec joie, reconnut par là leur perfidie et saccagea la ville.

Tibérius Gracchus, comme plusieurs esclaves s'offraient volontairement de prendre les armes pour le salut de la république, dit qu'il donnerait la liberté à tous ceux qui se comporteraient vaillamment, et qu'il ferait mettre les autres en croix. Mais en ayant aperçu quatre mille, après la bataille, qui se retiraient sur une montagne, de peur, de quelque mauvais traitement, parce qu'ils n'avaient pas si bien combattu que les autres, Gracchus ajouta que c'était assez d'avoir remporté la victoire, et ainsi les fit rentrer dans leur devoir.

Hannibal, après la journée de Trasimène, renvoya tous les alliés latins qui étaient parmi les prisonniers, disant qu'il était venu pour affranchir l'Italie et non pour l'assujettir, et gagna ainsi quelques villes.

Magon, assiégé dans la ville des Locriens par Crispinus qui commandait la flotte romaine, répandit le bruit qu'Hannibal ayant défait Marcellus, accourait en diligence ; et pour confirmer cette nouvelle, fit sortir la nuit quelques cavaliers avec ordre de reparaître le lendemain sur les montagnes voisines, comme des coureurs d'Hannibal. Cette ruse troubla tellement Crispinus, qu'il rembarqua en toute hâte ses troupes, et leva le siège.

Scipion Émilien pendant le siège de Numance, entremêla des frondeurs et des archers, non seulement parmi les cohortes, mais aussi parmi les centuries.

Pélopidas défait par les Thessaliens, gagna un pont qu'il avait construit à la hâte sur une rivière, et y fit mettre le feu par ses troupes lorsqu'il fut passé, pour empêcher l'ennemi de le poursuivre.

Les Romains, au siège de Capoue, n'étant pas assez forts pour résister à la cavalerie des assiégés, choisirent par l'avis d'un centurion, les plus agiles de toute l'armée, et ceux qui étaient de taille plus légère ; ils ne leur donnèrent aussi que des armes très faciles à manier, et on les mêla parmi la cavalerie avec tant de succès qu'ils remportèrent la victoire.

Scipion en Lydie, voyant l'année d'Antiochus fatiguée par un orage qui avait duré tout le jour et toute la nuit, de sorte que les archers pouvaient à peine bander leurs arcs, conseilla de donner la bataille le lendemain, quoique ce fût un jour consacré à des pratiques religieuses, et l'on remporta la victoire.

Caton ravageant l'Espagne, une ville alliée lui envoya demander du secours. Mais comme il ne voulait pas partager ses forces, ni la refuser absolument, de peur d'irriter les alliés, il fit embarquer le tiers de l'armée et des vivres, comme pour aller au secours de la ville, avec ordre de revenir aussitôt, et de dire que le vent était contraire. Cependant le bruit de l'arrivée du secours, rendit le courage aux habitants, et arrêta les desseins de l'ennemi.

César, à la bataille de Pharsale, engageait ses soldats à porter la pointe de leurs armes au visage de l'ennemi, pour déconcerter l'adresse des chevaliers romains, qui combattaient dans les troupes de Pompée.

Les Vaccéens pressés par Sempronius Gracchus, environnèrent toutes leurs troupes de chariots, et mirent dessus leurs soldats d'élite vêtus en femme. Sempronius venant les attaquer avec mépris, fut défait.

Eumenès Cardianus, l'un des successeurs d'Alexandre, étant enfermé dans une forteresse où il n'y avait pas de place pour exercer ses chevaux, les faisait suspendre, en sorte qu'ayant les pieds de derrière à terre et ceux de devant en l'air, ils remuaient perpétuellement les jambes pour se remettre dans leur posture naturelle ; ce qui les faisait suer et leur tenait lieu d'exercice.

Des Barbares promettant de servir pourvu qu'on leur donnât une grande somme, Caton n'hésita point à leur accorder ce qu'ils demandaient. Si nous sommes victorieux, dit-il, nous les paierons avec les dépouilles des ennemis, et si nous succombons, nous serons quittes.

Philippe ayant appris que Pythias, brave soldat, parlait mal de lui ; parce qu'étant pauvre, et ayant trois filles à marier, il ne recevait aucun secours du roi, après lui avoir rendu de grands services ; Philippe, au lieu de perdre Pythias, comme on le lui conseillait, dit qu'il valait mieux guérir un membre que de le couper, et l'ayant envoyé chercher lui fit du bien et se le rendit plus affectionné qu'auparavant.

T. Quintius Crispius, craignant qu'Hannibal, après la défaite de Marcellus, ne se servît de son cachet, qu'il avait en son pouvoir, manda par toute l'Italie qu'on n'y apportât point de foi, et fit avorter par là quelques-unes de ses entreprises.

Après la bataille de Cannes, les Romains étonnés, délibéraient, incertains si l'on devait abandonner tout et se retirer hors du pays, lorsque le jeune Scipion entra brusquement dans l'assemblée, et mettant l'épée à la main, jura le premier et fit jurer ensuite tous les autres de ne point quitter la patrie.

( L'exemple de Crassus, celui des Volsques, qui virent incendier leur camp pour s'être placés trop près d'un bois, ces exemples reproduits ici par Frontin, sont déjà rapportés, liv. II,)

Q Mettellus voulant décamper en Espagne, et les soldats pendant la marche cherchant à se rapprocher du camp, Hermocrates les y retint et les rendit ainsi plus propres à sortir le lendemain et à terminer la guerre. (Ce passage, difficile à comprendre, est évidemment corrompu.)

Miltiade, après avoir défait une multitude innombrable de Perses à la bataille de Marathon, apprit que leur armée navale courait eu pillage d'Athènes. Aussitôt il réprimanda les Athéniens de ce qu'ils s'amusaient à recevoir les compliments de toute la Grèce, au lieu de songer à leur défense et les mena droit à la ville. Les Perses voyant le rempart bordé de soldats et s'imaginant qu'ils appartenaient aux milices qui étaient restées dans la place, et non a celles qui avaient livré la bataille, n'osèrent donner l'assaut contre un ennemi si puissant.

Pisistrate, général des Athéniens, défit ceux de Mégare, qui venaient d'aborder la nuit à Eleusine pour enlever les femmes d'Athènes, occupées de leurs mystères ; ensuite il monta sur les vaisseaux ennemis, et faisant mettre vers la poupe quelques femmes équipées en captives, cingla vers Mégare. Mais comme les habitais accoururent en foule au-devant lui, Pisistrate remporta une seconde victoire.

Cimon, autre général des Athéniens, après avoir défait les Perses dans un combat naval, près de l'île de Chypre, arma ses soldats de leurs dépouilles, et montant sur les vaisseaux ennemis, tira vers la Pamphilie, où il surprit les Perses par ruse, et remporta deux victoires dans un même jour, l'une sur mer et l'autre sur terre.

(1) Aut, si levius animadvertere voluissent, in principiis sanguinem missum. D'Ablancourt traduit : " On punissait les principaux en leur faisant tirer beaucoup de sang, pour les punir avec moins de rigueur." Aucun commentateur (tous l'avouent), n'a compris la véritable signification du mot principia. C'est un terme militaire qui indique le front d'une troupe ; mais d'Ablancourt était seul capable de faire un pareil tour de force.