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Columelle
De l'agriculture
 L'économie rurale

texte latin seul - traduction française seule

Tome troisième de Columelle ; trad. nouvelle par M. Louis Du Bois
 C. L. F. Panckoucke, 1846. Bibliothèque latine-française. Seconde série



 

 

DE RE RUSTICA

LIBER XII

PROOEMIUM

[1] Xenophon Atheniensis eo libro, P.Silvine, qui Oeconomicus inscribitur, prodidit, maritale coniugium sic comparatum esse natura, ut non solum iucundissima, verum etiam utilissima vitae societas iniretur: quod iampridem etiam Cicero ait : et ne genus humanum temporis longinquitate occideret, propter hoc marem cum femina esse coniunctum : deinde, ut ex hac eadem societate mortalibus adiutoria senectutis, nec minus propugnacula praeparentur.

[2] Tum etiam, cum victus et cultus humanus non, uti feris, in propatulo ac silvestribus locis sed domi sub tecto adcurandus erat, necessarium fuit alterutrum foris et sub divo esse, qui labore et industria compararet, inntus, qui tectis reconderent atque custodiret. Siquidem vel rusticari, vel navigare, vel etiam genere alio negotiari necesse erat, ut aliquas facultates adquireremus;

[3] quum vero paratae res sub tectum essent congestae, alium esse oportuit, qui et illatas custodiret, et ea conficeret opera, quae domi deberent administrari: nam et fruges, et cetera alimenta terrestria indigebant tecto, et ovium, ceterarumque pecudum foetus, atque fructus clauso custodienda erant, nec minus reliqua utensilia, quibus aut alitur hominum genus aut etiam excolitur.

[4] Quare quum et operam et diligentiam ea, quae proposuimus, desiderarent, nec exigua cura foris acquirerentur, quae domi custodiri oporteret : iure, ut dixi, a natura comparata est opera mulieris ad domesticam diligentiam, viri autem ad exercitationem forensem et extraneam : itaque viro calores et frigora perpetienda, tum etiam itinera, et labores pacis ac belli, id est rusticationis et militarium stipendiorum, disribuit;

[5] mulieri deinceps, quod omnibus his rebus eam fecerat inhabilem, domestica negotia curanda tradidit. Et, quoniam hunc sexum custodiae et diligentiae assignaverat, idcirco timidiorem reddidit, quam virilem; nam metus plurimum confert ad diligentiam custodiendi.

[6] Quod autem necesse erat foris et in aperto victum quaerentibus nonnunquam iniuriam propulsare : idcirco virum quam mulierem, fecit audaciorem. Quia vero partis opibus aeque fuit opus memoria et diligentia, non minorem feminae, quam viro, earum rerum tribuit possessionem. Tum etiam, quod simplex natura non omnes res commodas amplecti volebat, idcirco alterum alterius indigere voluit : quoniam, quod alteri deest, praesto plerumque est alteri.

[7] Haec in Oeconomico Xenophon, et deinde Cicero, qui eum Latinae consuetudini tradidit, non inutiliter disseruerunt; nam et apud Graecos, et mox apud Romanos usque in patrum nostrorum memoriam, fere domesticus labor matronalis fuit, tamquam ad requiem forensium exercitationum omni cura deposita,, patribusfamilias intra domesticos penates se recipientibus. Erat enim summa reverentia cum concordia et diligentia mixta, flagrabatque mulier pulcherrima diligentiae aemulatione, studens negotia viri cura sua maiora atque meliora reddere.

[8] Nihil conspiciebatur in domo dividuum, nihil, quod aut maritus, aut femina proprium esse iuris sui diceret : sed in commune conspirabatur ab utroque, ut cum forensibus negotiis, matronalis industria rationem parem faceret. Itaque nec vilici quidem, aut vilicae magna erat opera, quum ipsi domini quotidie negotia sua reviserent atque administrarent.

[9] Nunc vero, quum pleraeque sic luxu et inertia diffluant, ut ne lanificii quidem curam suscipere dignentur, sed domi, [sedentes], confectas vestes fastidio habeant, perversaque cupidine pretiosores alias a viris pelliciant, quae grandi pecunia, et paene totis censibus redimuntur : nihil mirum est, easdem ruris et instrumentorum agrestium cura gravari sordidissimumque negotium ducere paucorum dierum in villa morari.

[10] Quam ob causam, quum in totum non solum exoleverit, sed etiam occiderit vetus ille matrum familiarum mos Sabinarum atque Romanarum, necessaria irrepsit vilicae cura, quae tueretur officia matronae, quoniam et vilici quoque successerunt in locum dominorum, qui quondam, prisca consuetudine non solum coluerant sed habitaverant rura.

[11] Verum, ne videar intempestive censorium opus obiurgandis moribus nostrorum temporum suscepisse, iam nunc officia vilicae persequar.
 

 

DE L'ÉCONOMIE RURALE

LIVRE XII.

AVANT-PROPOS.

[1] L'ATHÉNIEN Xénophon, P. Silvinus, a dit, dans son livre qui a pour titre l'Économique, que l'union conjugale a été instituée par la nature pour former la société non seulement de la vie la plus agréable, mais encore la plus utile. Cicéron aussi a dit autrefois que cette union assemble l'homme avec la femme pour que le genre humain ne pérît pas à la longue, ensuite pour assurer aux mortels par cette association des secours et une protection dans leur vieillesse.

[2] En outre, la nourriture et les autres besoins de la vie de l'homme ne se préparant pas dehors et dans les lieux sauvages comme ceux des animaux, mais bien à l'abri et dans la maison, il était nécessaire que des deux époux l'un sortît et s'exposât aux intempéries de l'air pour se procurer ses provisions par le travail et l'industrie, et, que l'autre restât à la maison pour les y serrer et les conserver. Ainsi, si d'un côté, pour nous procurer quelques ressources, il était nécessaire de travailler la terre, ou de nous livrer à la navigation, ou même de faire divers genres de commerce;

[3] de l'autre, il était indispensable, nos provisions une fois entassées dans notre maison, qu'une autre personne se trouvât là pour veiller à leur garde et s'occuper des autres travaux qui doivent être exécutés dans l'intérieur. En effet, les productions du sol et les autres aliments que fournit la terre manquaient d'un abri sous lequel on peut les mettre à couvert aussi bien que les petits des brebis et des autres animaux, les fruits et les diverses choses qui servent à l'espèce humaine pour sa nourriture et ses vêtements.

[4] C'est pourquoi, les objets dont nous avons parlé demandant du travail et de la diligence, et ne pouvant être conservés à la maison qu'après avoir au dehors exigé beaucoup de peine, il était juste que la nature réservât, comme je l'ai dit, les travaux de la maison à la femme, et les fatigues du dehors ainsi que les excursions lointaines au mari : aussi a-t-elle départi à l'homme les chaleurs et le froid à supporter, les voyages, les travaux de la paix et de la guerre, c'est-à-dire l'agriculture et les services militaires;

[5] et a-t-elle confié à la femme, qu'elle a faite impropre à ces occupations, la gestion des affaires domestiques. Comme elle avait disposé le sexe féminin à la conservation et à la vigilance, elle l'a rendu plus timide que le sexe masculin, parce que la crainte de perdre détermine puissamment à la vigilance pour garder ce qu'on possède.

[6] Mais l'homme étant quelquefois obligé de repousser les attaques au dehors, quand il est en plein champ occupé à chercher sa subsistance, la nature le fit plus hardi que la femme. Et comme, d'un autre côté, après avoir rassemblé les provisions, la mémoire et l'attention n'étaient pas moins nécessaires à l'homme qu'à la femme, elle a également doué l'un et l'autre de ces facultés. De plus, la simple nature, pour que tous les avantages ne fussent pas le partage d'un même individu, a voulu que les deux sexes eussent réciproquement besoin de l'autre : aussi ce qui manque à l'un se trouve ordinairement chez l'autre.

[7] Ce n'est pas en vain que Xénophon dans son Economique, et ensuite Cicéron, qui a traduit cet ouvrage en latin, se sont occupés de cette matière. Chez les Grecs, et bientôt après chez les Romains jusqu'au temps de nos pères, toutes les occupations de l'intérieur de la maison étaient confiées aux femmes, parce que les pères de famille abandonnaient toute espèce de soins de ce genre lorsque, cherchant un délassement après les exercices extérieurs, ils revenaient auprès de leurs pénates domestiques. Aussi voyait-on régner dans le ménage le plus grand respect joint à la concorde et au zèle, et les épouses, même les plus belles, étaient animées d'émulation pour s'appliquer, à force de soins, à accroître et à améliorer les biens de leurs maris.

[8] On ne voyait rien de partagé dans le ménage, rien que le mari ou la femme pût justement révendiquer comme lui appartenant en particulier : mais l'un et l'autre coopéraient à la chose commune; de sorte que le zèle de la femme pour l'intérieur rivalisât avec l'activité du mari pour les affaires du dehors. Ainsi le métayer et la métayère n'avaient pas de grandes occupations dans ces temps où les maîtres surveillaient et administraient eux-mêmes leurs propriétés.

[9] Aujourd'hui, au contraire, la plupart des femmes sont tellement énervées par le luxe et la paresse, qu'elles ne daignent pas même s'occuper du travail de la laine ; et, dans leur oisiveté, elles sont dégoûtées des vêtements faits à la maison, et poussées par leurs désirs pervertis elles obtiennent de leurs maris, à force de cajoleries, des vêtements plus précieux qu'on achète à des prix énormes, et qui absorbent pour ainsi dire leur revenu presque entier. Aussi il n'est pas étonnant que ces dames se trouvent excédées du soin de la campagne et des instruments d'agriculture, et regardent comme une chose ignoble de passer quelques jours dans leurs métairies.

[10] C'est pourquoi les anciennes habitudes des familles sabines et romaines étant non seulement passées de mode, mais même complétement anéanties, les métayères se sont trouvées nécessairement saisies du soin qui faisait partie des devoirs des dames; et les métayers ont aussi pris la place des maîtres, qui précédemment, se conformant aux anciens usages, non seulement se livraient à la culture des champs, mais même les habitaient.

[11] Mais, pour ne pas paraître mal à propos entreprendre un ouvrage de critique en blâmant les moeurs de mes contemporains, je vais maintenant m'occuper des devoirs de la métayère.

VILLICA

Cura rei domesticae et praeceota quae villica exsqui debeat.

I [1] Ea porro, ut institutum ordinem teneamus, quem priore volumine inchoavimus, iuvenis esse debet, id est non nimium puella, propter easdem causas, quas de aetate vilici rettulimus; integrae quoque valitudinis, nec foedi habitus, nec rursus pulcherrimi : nam illibatum robur et vigiliis, et aliis sufficiet laboribus : foeditas fastidiosum, nimia species desidiosum faciet eius contubernalem.

[2] Itaque curandum est, ut nec vagum vilicum, et aversum contubernio suo habeamus, nec rursus intra tecta desidem, et complexibus adiacentem feminae. Sed nec haec tantum, quae diximus, in vilica custodienda sunt:

[3] nam in primis considerandum erit, an a vino, ab escis, a superstitionibus, a somno, a viris remotissima sit, et ut cura eam subeat, quid meminisse, quid in posterum prospicere debeat, ut fere eum morem servet, quem vilico praecepimus : quoniam pleraque similia esse debent in viro atque femina, et tam [etiam] malum vitare, quam praemium recte factorum sperare; tum elaborare, ut quam minimam operam vilicus intra tectum impendat, cui et primo mane cum familia prodeundum est, et crepusculo peractis operibus fatigato redeundum.

[4] Nec tamen instituendo vilicam, domesticarum rerum vilico remittimus curam, sed tantummodo laborem eius, adiutrice data, levamus. Ceterum munia, quae domi capessenda, non in totum muliebri officio relinquenda sunt, sed ita deleganda ei, ut identidem oculis vilici custodiantur : sic enim erit diligentior vilica, si meminerit ibi esse, cui frequenter ratio reddenda sit.

[5] Ea porro persuasissimum habere debebit, aut in totum, aut certe plurimum domi se morari oportere : tum quibus aliquid in agro faciendum erit servis, eos foras emittere; quibus autem in villa quid agendum videbitur, eos intra parietes continere, atque animadvertere, ne diuturna cessatione frustrentur opera : quae domum autem inferuntur, diligenter inspicere, ne delibata sint, et ita explorata atque inviolata recipere : tum separare, quae consumenda sunt, et, quae superfieri possunt, custodire, ne sumptus annuus menstruus fiat.

[6] Tum, si quis ex familia coeperit adversa valitudine affici, videndum erit, ut is quam commodissime ministretur; nam ex eiusmodi cura nascitur benivolentia nec minus obsequium. Quin etiam fidelius quam prius servire student, qui convaluerint, quum est aegris adhibita diligentia.

LA MÉTAYÈRE.

Soins des affaires de la maison, et préceptes sur les choses que la métayère doit exécuter.

1. [1] Pour suivre l'ordre que nous avons commencé d'observer dans le volume précédent, nous dirons que cette femme doit être jeune, sans être pourtant à la fleur de l'âge, pour les raisons que nous avons données en parlant de l'âge du métayer. Elle doit avoir aussi une santé florissante, et n'être ni trop laide ni trop belle : car sa force doit lui permettre de supporter les veilles et les autres fatigues, et sa difformité ne point être pour son mari un sujet de dégoût, pas plus que sa beauté un motif de paresse.

[2] C'est pourquoi il faut veiller à ce que nous n'ayons pas plus un métayer coureur et qui prenne en aversion son ménage, qu'un nonchalant qui reste toujours à la maison et qui soit toujours dans les bras de sa femme. Ce que nous venons de dire n'est pas tout ce qu'on doit observer à l'égard de la métayère :

[3] car il faudra principalement considérer si elle n'est pas adonnée au vin, à la gourmandise, à la superstition, au sommeil, au libertinage, et si elle est assez soigneuse pour se souvenir de ce qu'elle a fait et pour songer à ce qu'elle doit faire, de manière à pouvoir suivre à peu près les règles que nous avons prescrites pour le métayer. En effet, la plupart des obligations s'appliquent également au mari et à la femme : ils devront donc aussi bien l'un que l'autre éviter le mal qu'espérer la récompense de leur bonne conduite. Au surplus la métayère s'occupera assez pour que le métayer n'ait à faire dans la maison que le moins de besogne qu'il sera possible; car dès le point du jour il doit sortir avec ses gens et ne rentrer qu'au crépuscule, alors qu'il est fatigué du travail des champs.

[4] Toutefois, en traçant les devoirs de la métayère, nous ne dispensons pas son mari des soins de l'intérieur, mais nous voulons seulement lui en alléger le fardeau en lui donnant une aide. Au reste le service de la maison ne doit pas être tout entier abandonné à la gestion de la femme, mais lui être remis de telle sorte que le métayer le surveille de temps en temps. Par ce moyen la métayère sera plus diligente en se souvenant qu'il y a près d'elle quelqu'un à qui elle devra rendre compte fréquemment.

[5] Elle sera bien persuadée aussi qu'elle doit, sinon toujours, du moins le plus souvent, rester à la maison, afin de pouvoir envoyer au dehors les esclaves qui ont quelque travail à faire dans les champs, et de retenir près d'elle ceux dont elle a besoin, et de surveiller si, par leur inaction prolongée, ils ne portent pas préjudice aux opérations. Elle examinera avec attention les choses qu'on lui apportera à la maison, pour s'assurer qu'elles sont en bon état, et elle ne les recevra qu'après cette inspection et avoir reconnu qu'elles sont de bonne qualité; elle séparera ce qui doit être aussitôt consommé de ce qui, étant propre à êtregardé, doit être mis en réserve, de manière à ne pas dépenser dans un mois ce qui peut faire la provision de l'année.

[6] Si quelque esclave est affecté d'un commencement de maladie, elle s'appliquera à lui administrer les soins les plus convenables : car ces bons soins ne contribuent pas moins à lui concilier l'affection qu'à rendre l'obéissance plus facile ; outre que, lorsqu'ils sont guéris, grâce à l'assistance qu'ils ont reçue dans leurs maladies, ces gens s'appliquent à servir plus fidèlement encore qu'ils ne l'avaient fait auparavant.

Quemadmodum tractare debeat penora sibe cellaria.

II. [1] Post haec meminisse debebit, quae inferantur, ut idoneis et salubribus locis recondita sine noxa permaneant : nihil enim magis curandum est quam praeparare, ubi quidque reponatur, ut, quum opus sit, promatur. Ea loca qualia esse debeant, et primo volumine, quum villam constitueremus, et in undecimo, quum de officio vilici disputaremus, iam dicta sunt.

[2] Sed ne nunc quidem demonstrare breviter pigebit.
Nam quod est excelsissimum conclave, pretiosissima vasa et vestem desiderat; quod denique horreum siccum atque aridum, frumentis habetur idoneum; quod frigidum, commodissime vinum custodit; quod bene illustre, fragilem supellectilem, atque ea postulat opera, quae multi luminis indigent.

[3] Praeparatis igitur receptaculis, oportebit suo quidque loco generatim, atque etiam specialiter nonnulla disponere, quo facilius, quum quid expostulabit usus, recipere possit : nam vetus est proverbium, paupertatem certissimam esse, quum alicuius indigeas, uti eo non posse, quia ignoretur, ubi proiectum iaceat quod desideratur. Itaque in re familiari laboriosior est neglegentia, quam diligentia.

[4] Quis enim dubitet, nihil esse pulchrius, in omni ratione vitae, dispositione atque ordine ? quod etiam ludicris spectaculis licet saepe cognoscere: nam ubi chorus canentium non ad certos modos, neque numeris praeeuntis magistri consensit, dissonum quiddam ac tumultuosum audientibus canere videtur : at ubi certis numeris ac pedibus velut facta conspiratione consensit atque concinuit, ex eiusmodi vocum concordia non solum ipsis canentibus amicum quiddam et dulce resonat, verum etiam spectantes audientesque laetissima voluptate permulcentur.

[5] Iam vero in exercitu neque miles, neque imperator sine ordine ac dispositione quidquam valet explicare, quum armatus inermem, eques peditem, plaustrum equitem, si sint permixti, confundant. Haec eadem ratio praeparationis atque ordinis etiam in navigiis plurimum valet : nam ubi tempestas incessit, et est rite disposita navis, suo quidque ordine locatum armamentum sine trepidatione minister promit, quum est a gubernatore postulatum.

[6] Quod si tantum haec possunt, vel in theatris, vel in exercitibus, vel etiam in navigiis, nihil dubium est, quin cura vilicae ordinem dispositionemque rerum, quas reponit, desideret: nam et unumquodque facilius consideratur, quum est adsignatum suo loco, et, si quid forte abest, ipse vacuus locus admonet, ut, quod deest, requiratur. Si quid vero curari aut concinnari oportet, facilius intellegitur, quum ordine suo recensetur; de quibus omnibus Marcus Cicero, auctoritatem Xenophontis sequutus, in Oeconomico, sic inducit Ischomachum sciscitanti Socrati narrantem.
 

Comment la métayère doit traiter les provisions ou les celliers.

II [1] Ensuite la métayère n'oubliera pas que les objets qu'on lui apporte doivent être déposés en bon état dans des lieux convenables et sains : car il n'y a rien de plus important que de bien préparer les endroits où l'on doit serrer chaque chose, pour pouvoir l'en tirer au besoin. Nous avons déjà dit comment ces celliers doivent être établis, et dans notre premier volume, lorsque nous nous occupions de la construction de la ferme, et dans le onzième livre, lorsque nous avons discouru sur les obligations du métayer.

[2] Toutefois je ne serai pas fâché d'y revenir ici en peu de mots.
La chambre la plus élevée doit être affectée aux vases les plus précieux et aux vêtements; les greniers, pourvu qu'ils soient sains et secs, sont les lieux qui semblent le plus convenables pour les grains; les lieux frais contribuent puissamment à la garde du vin; les pièces bien éclairées doivent être destinées aux meubles fragiles, et aux travaux qui exigent beaucoup de lumière.

[3] Les dépôts étant préparés, il faudra disposer rationnellement chaque chose en son lieu, et même placer certains objets dans un endroit spécial : c'est le moyen de pouvoir trouver facilement ce dont on peut avoir besoin. En effet, un vieux proverbe dit qu'on n'est jamais plus pauvre que lorsqu'on ne peut se servir des choses dont on a besoin, parce qu'on ignore où on les a jetées au hasard. Aussi, dans l'économie d'une maison, la négligence donne plus de travail que n'en demande l'exactitude elle-même.

[4] Et qui doute, en effet, qu'il n'y a rien de plus beau dans toutes les positions de la vie que l'ordre et l'arrangement? C'est ce qu'on est à même de reconnaître souvent, jusque dans les spectacles les plus frivoles.,En effet, si le choeur des chanteurs ne s'accorde pas sur des modes exacts, et n'observe pas la mesure donnée par le maître qui dirige, on ne paraît faire entendre aux auditeurs que des sons discordants et désordonnés; tandis que, si le choeur observe une mesure déterminée, qu'il la marque et batte du pied, en conspirant en quelque sorte à s'accorder, cette harmonie des voix non seulement produit quelque chose de flatteur et de doux pour les chanteurs, mais charme aussi du plaisir le plus vif les spectateurs et les auditeurs.

[5] Il en est de même dans une armée : ni le soldat ni le général ne sauraient faire leurs évolutions, sans ordre et sans une bonne disposition, et si les hommes armés étaient confondus avec ceux qui ne portent point d'armes, les cavaliers avec les fantassins, et la cavalerie mêlée avec les chariots. La même nécessité de prépara-tifs et d'ordre est aussi de la plus grande importance sur les navires : car, s'il survient une tempête, et que tout dans le vaisseau se trouve à sa place, l'homme de service présente sans embarras chaque agrès qui se trouve en son lieu, lorsque le chef en fait la demande.

[6] Si le bon ordre a tant de pouvoir, soit sur les théâtres, soit dans l'armée, soit dans un vaisseau, il n'est pas moins évident que les soins de la métayère doivent se porter sur l'arrangement et la bonne disposition des objets qu'elle doit serrer. On voit effectivement avec plus de facilité chaque chose, quand elle est placée au lieu qui lui est assigné; et quand par hasard quelque objet ne s'y trouve pas, la place vide avertit elle-même de faire la recherche de ce qui manque. D'ailleurs, si quelque objet a besoin d'être soigné ou réparé, on a moins de peine à s'en apercevoir, s'il occupe sa place ordinaire. M. Cicéron, qui sur ce point asuivi l'autorité de Xénophon, introduit à ce propos dans son Économique Ischomaque donnant ainsi les détails de cette matière à Socrate qui s'en informe.
 

Distributio intrumenti, et supellectilis.

III. [1]  Praeparatis idoneis locis instrumentum et supellectilem distribuere coepimus : ac primum ea secrevimus, quibus ad res divinas uti solemus, postea mundum muliebrem, qui ad dies festos comparatur, deinde [ad] virilem, item dierum sollemnium ornatum, nec minus calciamenta utrique sexui convenientia; tum iam seorsum arma ac tela separabantur, et in altera parte instrumenta, quibus ad lanificia utuntur.

[2] Post quae ad cibum conficiendum vasa (ut asssolent) construebantur : inde quae ad lavationem, quae ad exornationem, quae ad mensam quotidianam, atque epulationem pertinerent, exponebantur. Postea ex iis, quibus quotidie utimur, quod menstruum esset, seposuimus, quod annuum, quoque in duas partes divisimus: nam sic minus fallit, qui exitus futurus sit.

[3] Haec postquam omnia secrevimus, tum suo quaeque loco disposuimus : deinde, quibus quotidie servuli utuntur, quae ad lanificia, quae ad cibaria coquenda et conficienda pertinent, haec ipsa ei, qui  uti solet, tradidimus, et ubi ea ponerent, demonstravimus, et, ut salva essent, praecepimus.

[4] Quibus autem ad dies festos et ad hospitum adventum utimur, et ad quaedam rara negotia, haec promo tradidimus, et loca singulis demonstravimus, et cuique sua annumeravimus, atque annumerata ipsi exscripsimus, eumque admonuimus, ut, quodcumque opus esset, sciret, unde daret, et meminisset, atque annotaret, quid, et quando, et cui dedisset, et quum recepisset, ut quidque suo loco reponeret.

[5] Igitur haec nobis antiqui per Ischomachi personam praecepta industriae ac diligentiae tradiderunt, quae nunc nos vilicae demonstramus. Nec tamen una eius esse cura debebit, ut clausa custodiat, quae tectis illata receperit, sed subinde recognoscat atque consideret, ne aut supellex vestisve condita situ dilabatur, aut fruges, aliave utensilia, neglegentia desidiaque sua corrumpantur.

[6] Pluviis vero diebus, vel quum frigoribus aut pruinis mulier sub dio rusticum opus obire non potuerit, ut ad lanificium reducatur, praeparatae sint, et pectitae lanae, quo facilius iusta lanificio persequi atque exigere possit : nihil enim nocebit, si sibi atque actoribus, et aliis in honore servulis vestis domi confecta fuerit, quo minus patrisfamiliae rationes onerentur.

[7] Illud vero etiam in perpetuum custodiendum habebit, ut eos, qui foris rusticari debebunt, quum iam e villa familia processerit, requirat, ac si quis, ut evenit, curam contubernalis eius intra tectum tergiversans fefellerit, causam desidiae sciscitetur, exploretque, utrum adversa valitudine inhibitus restiterit, an pigritia delituerit; et, si compererit vel simulantem languorem, sine cunctatione in valitudinarium deducat : praestat enim opere fatigatum sub custodia requiescere unum aut alterum diem, quam pressum nimio labore veram noxam concipere.

[8] Denique uno loco quam minime oportebit eam consistere, neque enim sedentaria eius opera est, sed modo ad telam debebit accedere, ac, si quid melius sciat, docere : si minus, addiscere ab eo, qui plus intellegat; modo eos, qui cibum familiae conficiunt, invisere; tum etiam culinam, et bubilia, nec minus praesepia emundanda curare; valitudinaria quoque, vel si vacent ab inbecillis, identidem aperire et inmunditiis liberare, ut, quum res exegerit, bene ordinata et ornata et salubria languentibus praebeantur;

[9] promis quoque et cellariis aliquid appendentibus aut metientibus intervenire; nec minus interesse pastoribus in stabulis fructum cogentibus, aut foetus ovium, aliarumve pecudum subrumantibus; tonsuris vellerum quoque interesse, et lanas etiam diligenter percipere, et vellera ad numerum pecoris recensere; tum insistere atriensibus, ut supellectilem exponant, et ferramenta detersa nitidentur, atque rubigine liberentur, ceteraque, si refectionem desiderant, fabris concinnanda tradantur.

[10] Postremo, his rebus omnibus constitutis, nihil hanc arbitror distributionem profuturam, nisi, ut iam dixi, vilicus saepius, et aliquando tamen dominus aut matrona consideraverit animadverteritque, ut ordinatio instituta conservetur.
Quod etiam in bene moratis civitatibus semper est observatum, quarum primoribus atque optimatibus non satis visum est bonas leges habere, nisi custodes earum diligentissimos cives creassent, quos Graeci νομοφύλακας appellant,

[11] horum erat officium, eos, qui legibus parerent, laudibus prosequi, nec minus honoribus; eos autem, qui non parerent, poena multare. Quod nunc scilicet faciunt magistratus, assidua iurisdictione vim legum custodientes.
Sed haec in universum administranda tradidisse abunde sit.

Distribution des ustensiles, et placement des meubles.

III. [1] Après avoir préparé les emplacements convenables, le premier soin est d'y distribuer les ustensiles et les meubles. D'abord on met à part les effets dont on a coutume de se servir pour le culte divin, ensuite les objets de toilette dont se parent les femmes aux jours de fête, et les habillements nécessaires aux hommes pour ces jours solennels, puis les chaussures propres aux deux sexes; puis on sépare les armes et les traits, et on dépose dans un autre quartier les instruments qui servent pour les ouvrages de laine.

[2] Ensuite, comme c'est l'usage, on place les vases destinés à la préparation des aliments, puis ceux que l'on emploie pour se laver, pour la toilette, pour les repas journaliers, pour les festins d'apparat. En outre, parmi les objets d'un usage journalier, on sépare ce qui doit être consommé dans le mois, de ce qui ne doit l'être que dans l'année : à ce moyen on se trompe moins sur le temps que doivent durer les provisions.

[3] Après cette distribution, nous donnons encore une place à chaque objet; ensuite nous remettons aux esclaves subalternes les choses qui servent tous les jours, soit pour les travaux de lainage, soit pour cuire et préparer les aliments, et chaque objet à celui qui doit en faire usage, en lui enseignant où il doit être mis, et lui prescrivant ce qu'il faut faire pour le tenir en bon état.

[4] Quant à ce qui n'est de service que les jours de fêtes, ou quand il survient des hôtes et dans des circonstances rares, nous le confions à l'économe en lui montrant la place assignée à chaque chose, en lui délivrant les effets par nombre : nous devons prendre ce compte par écrit. Après avoir informé l'économe, de manière qu'il puisse s'en souvenir, de l'endroit où il pourra prendre tout ce qu'on pourrait lui demander quand le besoin se fera sentir, on lui recommande de prendre note des objets qu'il délivrera, de la date de la remise, du nom de celui à qui il la fera, et de remettre chaque objet à sa place dès qu'il aura été rendu.

[5] Ainsi, par l'organe d'Ischomaque, les anciens nous ont transmis les préceptes d'économie et de vigilance que nous donnons en ce moment à la métayère. Toutefois ses soins ne doivent pas avoir pour unique objet de garder sous la clef les choses qu'elle a reçues pour les mettre en sûreté à la maison; elle doit encore de temps en temps en faire la revue et les examiner avec soin, pour éviter que les meubles et les vêtements ne se détériorent dans leur dépôt, et que les provisions ou les ustensiles n'aient à souffrir de son inattention et de sa paresse.

[6] Dans les journées pluvieuses ou pendant les froids et les frimas, lorsqu'une femme ne peut se livrer en plein air aux travaux champêtres, la métayère doit s'occuper des ouvrages de laine, et en avoir d'avance de peignée, pour qu'elle puisse plus facilement faire par elle-même ce travail ou le donner à exécuter : car il ne sera pas niai que l'on confectionne à la maison ses propres vêtements, ceux des gens qu'on y emploie et des esclaves les plus considérés, afin que les comptes à rendre au père de famille soient moins chargés.

[7] En outre, elle devra toujours s'assurer, après le départ des travailleurs, si, des esclaves qui doivent aller aux champs, quelques-uns, comme il arrive quelquefois, se cachant dans la maison, n'ont pas trompé la vigilance du maître : dans ce cas, elle s'informera de la cause de leur oisiveté, et s'assurera si c'est pour cause de maladie qu'il sont restés, ou s'ils se sont cachés par paresse. Quand bien même elle aurait découvert qu'ils feignent d'être malades, elle les conduira à l'infirmerie sans retard : car il y a plus d'avantage à laisser reposer un ou deux jours, en le surveillant, un homme fatigué, que de l'exposer à contracter une véritable maladie, accablé qu'il serait par un excès de travail.

[8] Enfin cette femme restera le moins qu'elle pourra dans la même place, car sa charge n'est pas sédentaire; au contraire, tantôt elle devra se mettre au métier à toile, et, si elle est la plus habile, y donner des leçons, sinon en recevoir de l'ouvrier qui a plus de savoir; tantôt elle surveillera ceux qui préparent la nourriture des gens, et veillera à ce qu'on tienne propres la cuisine, les bouveries et les crèches, ainsi que les infirmeries, lors même qu'elles ne renferment pas de malades : ces infirmeries seront de temps en temps aérées et nettoyées, afin que, lorsque le cas l'exigera, les gens qu'on y dépose les trouvent bien tenues, bien propres et salubres.

[9] Elle sera présente lorsque les écènomes et ceux qui ont la garde des celliers auront quelque chose à peser ou à mesurer ; et aussi quand les pâtres trairont le lait dans les étables ou feront teter les agneaux ou les autres jeunes bêtes; elle assistera à la tonte des laines, qu'elle recueillera avec soin, et comptera les toisons pour s'assurer que le nombre en est égal à celui des moutons; elle veillera à ce que les gens qui ont soin de l'intérieur exposent les meubles à l'air, enlèvent la rouille des instruments qu'ils doivent tenir propres et brillants, et donnent aux ouvriers, pour qu'ils les mettent en état, ceux des outils qui ont besoin de réparation.

[10] Enfin, toutes ces choses étant ainsi réglées, je pense que ces dispositions ne seront profitables qu'autant que, comme je l'ai dit, le métayer très souvent, et le maître ou la maîtresse quelquefois, jetteront un coup d'oeil et veilleront à ce que l'ordre établi soit conservé.
C'est ce qu'on a aussi observé toujours dans les villes bien policées, dont les chefs et les notables ne croyaient pas avoir fait assez en ayant de bonnes lois, tant qu'ils n'avaient pas pour leur exécution établi des citoyens très diligents, que les Grecs appellent nomophylaques,

[11] et dont l'office est de donner des louanges, même de décerner des honneurs à ceux qui obéissent à la loi, et de frapper de punitions ceux qui l'enfreignent. C'est justement ce que font encore maintenant les magistrats, qui maintiennent la force des lois par un exercice assidu de leurs fonctions.
En voilà assez pour ce qui concerne l'administration générale de la ferme.

Quae vasa parare debeat penoribus et salgamis condiendis.

IV. [1] Nunc de ceteris rebus, quae omissae erant prioribus libris, quoniam vilicae reservabantur officiis, praecipiemus, et ut aliquis ordo custodiatur, incipiemus a verno tempore, quoniam fere maturis [herbis] atque trimenstribus consummatis sationibus, vacua tempora iam contingunt ad ea exsequenda, quae deinceps docebimus.

[2] Parvarum rerum curam non defuisse Poenis Graecisque auctoribus, atque etiam Romanis, memoria tradidit: nam et Mago Carthaginiensis, et Hamilcar, quos sequuti videntur Graecae gentis non obscuri scriptores Mnaseas atque Paxamus, tum demum nostri generis, postquam a bellis otium fuit, quasi quoddam tributum victui humano conferre non dedignati sunt, ut M. Ambivius, et Maenas Licinius, tum etiam C.Matius; quibus studium fuit pistoris et coci, nec minus cellarii diligentiam suis praeceptis instruere.

[3] His autem omnibus placuit eum, qui rerum harum officium susceperit, castum esse continentemque oportere, quoniam totum in eo sit, ne contrectentur pocula, vel cibi, nisi aut ab impube, aut certe abstinentissimo rebus venereis; quibus si fuerit operatus vel vir, vel femina, debere eos flumine aut perenni aqua, priusquam penora contingant, ablui; propter quod his necessarium esse pueri vel virginis ministerium, per quos promantur, quae usus postulaverit.

[4] Post hoc praeceptum, locum et vasa idonea salgamis praeparari iubent: locum esse debere aversum a sole, quam frigidissimum et siccissimum, ne situ penora mucorem contrahant. Vasa autem fictilia vel vitrea, plura potius quam ampla, et eorum alia recte picata, nonnulla tamen pura, prout conditio conditurae exegerit.

[5] Haec vasa dedita opera fieri oportere patenti ore et usque ad imum aequalia nec in modum doliorum formata, ut, exemptis ad usum salgamis, quidquid superest aequali pondere usque ad fundum deprimatur, quum ea res innoxia penora conservet, ubi non innatent, sed semper sint iure summersa; quod in utero dolii fieri vix posse propter inaequalitatem figurae; maxime autem ad haec necessarium esse aceti, et durae muriae usum; quae utraque sic conficiuntur.

Quels vases sont nécessaires pour les provisions et les conserves salées.

IV. [1] . Maintenant nous allons donner des préceptes sur les autres choses dont nous ne nous sommes pas occupés clans les livres précédents, parce que nous nous réservions d'en parler en traitant des fonctions de la métayère. Afin de garder un certain ordre, nous commencerons par le printemps, parce qu'alors les cultures étant en état et l'ensemencement des trémois terminé, le temps qui reste inoccupé s'offre pour exécuter ce que désormais nous allons enseigner.

[2] Il est de tradition que les auteurs carthaginois et grecs, et même les romains, n'ont pas négligé le soin des petites choses : car Magon le Carthaginois et Amilcar (que Mnaséas et Paxamus, écrivains grecs qui ne sont pas sans réputation, paraissent avoir suivis, comme l'ont fait aussi ceux de notre nation, tels que M. Ambivius, Ménas Licinius et même C. Matius, quand après les guerres ils ont eu quelque loisir) n'ont pas dédaigné de payer une sorte de tribut à ce qui concerne la nourriture des hommes : ils ont pris soin de former par leurs préceptes d'habiles boulangers, des cuisiniers et même des économes.

[3] Tous ces auteurs ont trouvé convenable que tous ceux qui s'adonnent à ces emplois soient chastes et continents, parce qu'il importe surtout que les boissons et les aliments ne soient touchés que par des impubères, ou au moins par des personnes qui s'abstiennent tout à fait de l'acte vénérien; et que, si un homme ou une femme mariés s'occupent des provisions, ils doivent se laver, avant d'y porter la main, dans une rivière ou toute autre eau courante. C'est pourquoi il leur semble nécessaire d'employer soit un jeune garcon, soit une jeune fille, pour tirer du magasin les provisions dont on a besoin pour l'usage.

[4] Après cette prescription, ils ordonnent de préparer le lieu et les vases destinés aux conserves. Ce lieu sera opposé au soleil, très frais et très sec, afin que les provisions n'y contractent. pas un goût de moisi. Quant aux vases, soit en terre cuite, soit en verre, ils seront plutôt nombreux que grands, et parmi eux quelques-uns seront enduits de poix, d'autres seront dans leur état de pureté, selon que la nature de la conserve l'exigera.

[5] On aura soin que ces vases aient une large ouverture, que leur diamètre soit le même du haut jusqu'au bas, et qu'ils ne soient pas faits en manière de tonneaux, afin que, lorsqu'on a extrait de la conserve pour l'usage, ce qui reste descende également jusqu'au fond, entraîné par son propre poids : à ce moyen la provision se conserve sans altération, lorsqu'il n'en surnage rien et que le tout est toujours recouvert par la saumure. On n'obtiendrait pas cet avantage d'un tonneau, à cause de l'inégalité de sa forme vers son ventre. Pour ces opérations, l'usage du vinaigre et de forte saumure est très nécessaire. Voici comment on obtient l'un et l'autre.

Quemadmodum ex vino vapido acetum fiat.

V [1] In vini vapidi, ut acre fiat, sextarios duodequadraginta, fermenti libram, fici aridae pondo quadrantem, salis sextarium subterito, et subtrita cum quartario mellis aceto diluito, atque ita in praedictam mensuram adicito. Quidam hordei tosti sextarios quattuor, et nuces ardentes iuglandes quadraginta, et mentae viridis pondo selibram in eamdem mensuram adiciunt;

[2] quidam ferri massas exurunt, ita ut ignis speciem habeant, easque in eamdem mensuram demittunt; tum etiam exemptis nucleis ipsas nuces pineas vacuas numero quinque vel sex incendunt, et ardentes eodem demittunt; alii nucibus sapineis ardentibus idem faciunt.

Comment on fait le vinaigre avec du vin éventé.

V. [1] Pour faire tourner du vin éventé à l'acidité, mettez dans quarante-huit setiers de ce liquide, une livre de levain, un quarteron de figues sèches, un setier de sel, broyés ensemble, après avoir préalablement délayé le quart d'un setier de miel dans la mesure que j'ai indiquée. Quelques personnes ajoutent dans la quantité de vin ci-dessus déterminée quatre setiers d'orge torréfiée, quarante noix enflammées, et une demi-livre de menthe verte;

[2] d'autres font chauffer des barres de fer jusqu'à ce qu'elles aient la couleur du feu, et les plongent dans la même quantité de vin; il y en a même qui allument cinq ou six pommes de pin vides de leurs amandes, et les y jettent tout enflammées; d'autres font la même chose avec des cônes de sapin.

Quomodo muria dura fiat.

VI. [1] Muriam duram sic facito: Dolium quam patentissimi oris locato in ea parte villae, quae plurimum solis accipit. Id dolium aqua caelesti repleto : ea est enim huic aptissima; vel, si non fuerit pluviatilis, certe fontana dulcissimi saporis. In eam tum indito sportam iunceam, vel sparteam, quae replenda est sale candido, quo candidior muria fiat. Quum salem per aliquot dies videbis liquescere, et ex eo intellegis nondum esse muriam maturam.

[2] Itaque subinde alium salem tamdiu ingeres, donec in sporta permaneat integer, nec minuatur. Quod quum animadverteris, scies habere muriam maturitatem suam; et, si aliam [in id vas facere]volueris, hanc in vasa bene picata diffundes, et opertam in sole habebis: omnem enim mucorem vis solis aufert, et odorem bonum praebet.
Est aliud muriae maturae experimentum: nam ubi dulcem caseum demiseris in eam, si pessum ibit, scies esse adhuc crudam, si innatabit, maturam.

Comment on fait la saumure forte.

VI. [1] Faites ainsi la saumure forte : Établissez un tonneau, dont l'ouverture soit très grande, dans la partie de la ferme qui est le plus exposée au soleil. Remplissez ce tonneau d'eau pluviale, car elle est la meilleure pour cette préparation; ou bien, si vous n'avez pas d'eau de pluie, employez de l'eau de fontaine dont la saveur soit très douce. Alors suspendez dans le vase une corbeille de jonc ou de sparte, qui devra être remplie de sel blanc, afin que la saumure ait plus de blancheur. Tant que vous verrez (ce qui a lieu pendant quelques jours) le sel se fondre, vous en tirerez la conséquence que la saumure n'est pas encore faite.

[2] C'est pourquoi vous ajouterez de temps en temps de nouveau sel, jus-qu'à ce qu'il reste entier dans le panier et qu'il n'y éprouve pas de diminution. Quand vous serez assuré qu'il en est ainsi, vous saurez que votre saumure est parfaite; et, si vous désirez en préparer d'autre dans le même vaisseau, versez dans un vase bien enduit de poix celle que vous venez de faire, et placez-la au soleil, après l'avoir couverte : car la force du soleil n'y laisse pas de moisissure se former et lui procure une bonne odeur.
Il existe une autre manière d'éprouver si la saumure est parfaite : si, après y avoir mis du fromage frais, il s'y enfonce, c'est la preuve qu'elle n'est pas assez saturée; elle sera à son point, s'il surnage.

Quae per quatuor anni tempora herbae, et quomodo condiantur.

VII. [1] His praeparatis, circa vernum aequinoctium, herbas in usum colligi et reponi oportebit, cymam, caulem, capparim, apii coliculos, rutam, olus atrum cum suo cole, antequam de folliculo exeat; item ferularum coliculo silentes, quam tenerrimum florem, pastinacae agrestis, vel sativae, cum coliculis, silentem florem vitis albae, et asparagi, et rusci, et thamni, et digitelli, et puleii, et nepetae, et lapsanae, et battis, et eius coliculum, qui milvinus pes appellatur; quin etiam tenerum coliculum faeniculi.

[2] Haec omnia una conditura commode servantur, id est, aceti duas partes, et tertiam durae muriae si miscueris. Sed vitis alba, ruscus, et thamnum, et asparagus, lapsana, et pastinaca, et nepeta, et battis, generatim in alveos componuntur, et sale consparsa biduo sub umbra, dum consudent, reponuntur; deinde, si tantum remiserunt humoris, ut suo sibi iure ablui possint;

[3] si minus, superfusa dura muria, lavantur, et pondere imposito exprimuntur; tum suo quidque vase conditur, et ius, ut supra dixi, quod est mixtum duabus partibus aceti, et una muriae, infunditur, faeniculique aridi, quod est per vindemiam proximo anno lectum, spissamentum imponitur, ita ut herbas deprimat, et ius usque in summum labrum fideliae perveniat.

[4] Holus atrum et ferulam et faeniculum quum legeris, sub tecto rexponito, dum flaccescat; deinde folia et corticem omnem folliculorum detrahito. Caules si fuerint pollice crassiores, arundine secato et in duas partes dividito; ipsos quoque flores, ne sint inmodici, diduci et partiri oportebit atque ita in vasa condi, deinde ius, quod supra scriptum est, infundi et paucas radiculas laseris, quod Graeci σίλφιον vocant, adectas, ita spissamento faeniculi aridi contegi, ut ius superveniat.

[5] Cymam, caulem, capparim, pedem milvi, puleium, digitellum, compluribus diebus sub tecto siccari, dum flaccescat, et tum eodem modo condiri convenit quo ferulam, rutam, satureiam, cunilam. Sunt qui rutam muria tantum dura sine aceto condiant, deinde, qum usus exigit, aqua vel etiam vino abluant et superfuso oleo utantur.
Hac conditura possit commode satureia viridis, et aeque viridis cunela servari.

Quelles sont les herbes dont on fait usage dans les quatre saisons de l'année, et comment on les confit.

VII. [1] Il faudra, vers l'équinoxe du printemps, recueillir pour l'usage et jeter, dans cette saumure ainsi préparée, diverses herbes, telles que des brocolis et des feuilles de chou, des câpres, de jeunes pousses d'ache, de la rue, du maceron avec sa tige avant qu'elle s'élance de son enveloppe, des jets de férule qui ne soient pas encore entrés en végétation, des ombelles à peine épanouies de panais sauvage, ou de panais cultivé, avec ses petites feuilles, la fleur encore en bouton de la vigne blanche, de l'asperge, du houx fragon, du thamnus, de la digitale, du pouliot, de la cataire, du lapsana, de la criste marine avec sa tige que nous appelons pied de milan, et en outre de jeunes tiges de fenouil.

[2] Toutes ces plantes se conserveront facilement dans une même préparation, c'est-à-dire dans un mélange de deux parties de vinaigre et d'une troisième de saumure forte. Quant à la vigne blanche, au houx fragon, au thamnus, à l'asperge, au lapsana, au panais, à la cataire, à la criste marine, on les dépose dans des vases séparément, on les saupoudre de sel, et on les place à l'ombre pendant deux jours jusqu'à ce qu'ils aient ressué ; ensuite, s'ils ont rendu assez de liquide, on les lave dans ce jus,

[3] sinon, dans la saumure forte, et on exprime leur eau sous une masse pesante; puis on les dépose dans leur vase particulier, on verse dessus la sauce qui, comme je l'ai dit, est un mélange de deux parties de vinaigre et d'une de saumure. On étend sur le tout une couche de fenouil desséché, qu'on a cueilli l'année précédente à l'époque de la vendange, de façon qu'il comprime les herbes et fasse monter la sauce jusqu'aux bords de la cruche.

[4] Après avoir cueilli le maceron, la férule et le fenouil, vous les étendrez à l'abri jusqu'à ce qu'ils se flétrissent, et vous détacherez les feuilles et toute l'écorce de ces jeunes végétaux. Si les tiges sont plus grosses que le pouce, coupez-les avec une lame de roseau, et fendez-les en deux; les fleurs mêmes, si elles sont trop grandes, doivent être divisées et jetées ainsi dans les vases. On verse ensuite la sauce dont nous venons de parler, et on ajoute une petite quantité de racines de laser, que les Grecs appellent σίλφιον, puis on étend la couche de fenouil sec de manière que le liquide la recouvre.

[5] On laissera se flétrir, durant plusieurs jours, à l'abri, les brocolis, les choux, les câpres, le pied de milan, le pouliot et la digitale, que l'on confit de la même manière que la férule, la rue, la sarriette et l'origan. II y a des personnes qui confisent la rue seulement avec de la saumure forte sans vinaigre, et, avant d'en faire usage, la trempent dans de l'eau ou dans du vin, puis la man-gent après l'avoir arrosée d'huile.
On pourrait, au moyen de cette préparation, conserver avantageusement de la sarriette et également de l'origan vert.

 

Oxygala quomodo fiat.

VIII. [1] Oxygalam sic facito: Ollam novam sumito, eamque iuxta fundum terebrato; deinde cavum, quem feceris, surculo obturato, et lacte ovillo quam recentissimo vas repleto, eoque adicito viridium condimentorum fasciculos origani, mentae, cepae, coriandri; has herbas ita in lacte demittito, ut ligamina earum exstent.

[2] Post diem quintum surculum, quo cavum obturaveras, eximito, et serum emittito. Quum deinde lac coeperit manare, eodem surculo cavum obturato, intermissoque triduo, ita ut supra dictum est, serum emittito, et fasciculos condimentorum exemptos abiicito; deinde exiguum aridi thymi, et cunilae aridae super lac distringito, concisique sectivi porri, quantum videbitur, adiicito et permisceto. Mox intermisso biduo rursus emittito serum, cavumque obturato, et salis triti, quantum satis erit, adiicito, et misceto, deinde operculo imposito, et oblinito, non ante aperueris ollam, quam usus exegerit.

[3] Sunt qui, sativi, vel etiam silvestris lepidii herbam quum collegerunt, in umbra siccent, deinde folia eius, abiecto caule, die et nocte muria macerata expressaque, lacti misceant sine condimentis, et salis, quantum satis arbitrantur, adiiciant. Tum cetera, quae supra praecepimus, faciant.

[4] Nonnulli recentia folia lepidii cum dulci lacte in olla miscent, et post diem tertium, quemadmodum praecepimus, serum emittunt. deinde compertam satureiam viridem; tum etiam arida semina coriandri, atque anethi, et thymi, et apii in unum bene trita adiiciunt, salemque bene coctum cribratum permiscent. Cetera eadem, quae supra, faciunt.

Comment on fait l'oxygale.

VIII. [1] Préparez l'oxygale ainsi qu'il suit : Prenez un pot neuf; percez-le à son fond; bouchez avec une cheville le trou que vous aurez pratiqué; remplissez ce vase de lait de brebis très frais, et ajoutez-y des bouquets de fournitures vertes, telles que de l'origan, de la menthe, de l'oignon et de la coriandre; en cet état, plongez vos herbes dans le lait, de manière que leurs liens sortent au-dessus.

[2] Au bout de cinq jours, tirez la cheville avec laquelle vous aviez bouché le trou du vase, et faites écouler le petit-lait. Dès que le caillé commencera à paraître, vous reboucherez le vase avec la même cheville,et, trois jours après, vous ferez écouler le sérum, comme je l'ai dit ci-dessus, puis vous enleverez et jetterez les bouquets de fournitures, et froisserez sur le lait un peu de thym sec et de sarriette sèche; enfin vous y ajouterez et y mêlerez ce que vous voudrez de poireaux sectiles, hachés bien menu. Bientôt après, quand deux jours se seront écoulés, donnez de nouveau issue au sérum; bouchez le vase; ajoutez quantité suffisante de sel égrugé et opérez le mélange; mettez un couvercle et lutez. Vous n'ouvrirez ce vase que lorsque le besoin l'exigera.

[3] Certaines personnes cueillent des plantes de passerage soit cultivé, soit sauvage, et les font sécher à l'ombre; après en avoir rejeté les tiges et fait macérer les feuilles dans la saumure un jour et une nuit, puis les avoir fortement pressées, elles mettent ces feuilles dans du lait non assaisonné et y ajoutent du sel en quantité suffisante à leur gré. Au surplus, elles feront ce que nous avons prescrit ci-dessus.

[4] Quelques autres personnes jettent dans une cruche des feuilles fraîches de passerage avec du lait doux, et, trois jours après, comme nous l'avons enseigné, elles font écouler le sérum. Ensuite elles mettent dans le vase de la sarriette verte, des graines sèches de coriandre et d'aneth, du thym et de l'ache, fortement broyés ensemble; elles y mêlent du sel bien grillé et tamisé, et terminent la préparation comme ci-dessus.

Conditura lactucae.

IX. [1] Caules lactucae ab imo depurgatos eatenus, qua tenera folia videbuntur, in alveo sallire oportet, diemque unum et noctem sinere, dum muriam remittant; deinde muria eluere, et expressos in cratibus pandere, dum assiccescant; tum substernere anethum aridum, et faeniculum, rutaeque aliquid et porri concidere, atque ita miscere; tum siccatos coliculos ita componere, ut faseoli virides integri interponantur, quos ipsos ante dura muria die et nocte macerari oportebit;

[2] similiterque assiccatos cum fasciculis lactucarum condi, et superfundi ius, quod sit aceti duarum partium, atque unius muriae; deinde arido spissamento faeniculi sic comprimi, ut ius supernatet. Quod ut fiat, is, qui huic officio praeerit, saepe suffundere ius debebit, nec pati sitire salgama, sed extrinsecus munda spongia vasa pertergere, et aqua fontana quam recentissima refrigerare.

[3] Simili ratione intibum, et cacumina rubi, qua lactucam condire oportet, nec minus thymi et satureiae, et origani, tum etiam armoraciorum cymam. Haec autem, quae supra scripta sunt, verno tempore conponuntur.

Conserve de laitues.

IX. [1] On salera dans un vase des tiges de laitue bien nettoyées depuis le pied jusqu'aux feuilles tendres, on les y laissera un jour et une nuit, jusqu'à ce qu'elles puissent rendre la saumure; ensuite il faudra les laver avec d'autre saumure, les étendre en les exprimant sur des claies, jusqu'à ce qu'elles s'y soient desséchées. Alors on fera une couche d'aneth sec, de fenouil, sur lesquels on étendra et mêlera une petite quantité de rue et de poireau ; puis on disposera les tiges de laitue de manière qu'on puisse y interposer des haricots verts entiers, qu'on devra faire préalablement macérer dans de la saumure forte un jour et une nuit.

[2] Ces haricots, également égouttés, seront confits avec les hottes de laitues, et sur le tout on versera la sauce, qui consistera en deux parties de vinaigre et une de saumure; ensuite on pressera avec un bouchon de fenouil sec, de sorte que le liquide surnage. Pour obtenir ce résultat, celui qui préside à cette opération devra de temps en temps verser de nouvelle sauce, ne pas laisser dessécher les plantes confites, essuyer même l'extérieur des vases au moyen d'une éponge, et les rafraîchir avec de l'eau de fontaine très fraîche.

[3] Par ce procédé employé pour la conservation de la laitue, on confit la chicorée, les sommités de la ronce, ainsi que les cimes du thym, de la sarriette, de l'origan et même des raiforts. Les préparations que je viens de décrire se font au printemps.

Cepae, pirorum, et malorum, ceterorumque pomorum compositio

X. [1] Nunc, quae per aestatem, circa messem, vel etiam exactis iam messibus, colligi et reponi debeant, praecipiemus. Pompeianam vel Ascaloniam cepam, vel etiam Marsicam simplicem, quam vocant unionem rustici, eligito : ea est autem, quae non fruticavit, nec habuit suboles adhaerentis.

[2] Hanc prius in sole siccato, deinde sub umbra refrigeratam, substrato thymo vel cunila componito in fidelia, et infuso iure, quod sit aceti trium partium, et unius muriae, fasciculum cunilae superponito, ita ut cepa deprimatur : quae quum ius combiberit, simili mixtura vas suppleatur.
Eodem tempore corna, et pruna onychina, et pruna silvestria, nec minus genera pirorum et malorum conduntur.

[3] Corna, quibus pro olivis utamur; item pruna silvestria, et pruna onychina adhuc solida, nec maturissima, legenda sunt, nec tamen nimium cruda. Deinde uno die umbra siccanda; tum aequis partibus acetum, et sapa, vel defrutum misceatur, et infundatur; oportebit autem aliquid salis adiicere, ne vermiculus, aliudve animal innasci possit. Verum commodius servantur, si duae partes sapae cum aceti una parte misceantur.

[4] Pira Dolabelliana, Crustumina, regia, Veneria, volema, Naeviana, lateritiana, decumana, laurea, myrappia, pruna purpurea, quum inmatura, non tamen percruda legeris, diligenter inspicito, ut sint integra sine vitio aut vermiculo : tum in fictili picata fidelia componito et aut passo aut defruto completo, ita ut omne pomum submersum sit, operculum deinde impositum gypsato.

[5] Illud in totum praecipiendum existimavi, nullum esse genus pomi, quod non possit melle servari; itaque quum sit haec res interdum aegrotantibus salutaris, censeo vel pauca poma in melle custodiri, sed separata generatim : nam si commisceas, alterum ab altero genere corrumpitur.

[6] Et quoniam opportune mellis fecimus mentionem, hoc eodem tempore alvi castrandae, ac mel conficiendum, cera facienda est : de quibus nono libro iam diximus; nec nunc aliam curam exigimus a vilico, quam ut administrantibus intersit, fructumque custodiat.

Préparation de l'oignon, des poires, des pommes et d'autres fruits.

X. [1] Enseignons maintenant ce qui doit être cueilli et conservé pendant l'été, vers la moisson ou même après cette époque. Choisissez l'oignon de Pompéi ou d'Ascalon, ou même le simple oignon des Marses, que les paysans appellent union : c'est celui qui n'a pas poussé de jets et qui ne se divise pas en caïeux.

[2] Mettez-le d'abord sécher au soleil, puis, après l'avoir fait rafraîchir à l'ombre, dressez-le dans un vase de terre sur une couche de thym ou de sarriette; versez sur le tout une sauce composée de deux tiers de vinaigre et d'un de saumure; placez dessus une botte de sarriette de manière à contenir l'oignon ; et. quand il aura absorbé le liquide, vous remplirez le vase du même mélange. C'est dans le même temps que l'on confit les cormes, les prunes d'onyx, les prunes sauvages et diverses espèces de poires et de pommes.

[3] Les cormes, dont nous usons en guise d'olives, les prunes sauvages et les prunes d'onyx doivent être cueillies fermes encore, avant leur maturité complète, mais non trop vertes. On les laisse sécher à l'ombre pendant un jour, et l'on verse dessus un mélange, à parties égales, de vinaigre et de vin plus ou moins réduit par la cuisson. Il faudra, en outre, ajouter un peu de sel, de crainte qu'il ne s'y engendre des vers ou d'autres insectes. Au surplus, on conserve mieux cette préparation si on mêle ensemble deux parties de vin cuit avec une partie de vinaigre.

[4] Cueillez avant leur maturité, mais non pas vertes, les poires de Dolabella, les crustumines, les royales, les poires de Vénus, les volèmes, les néviennes, les latéritiennes, les décumanes, les laurées, les myrappies, et les prunes pourprées; visitez-les avec soin, afin de n'employer que celles qui sont parfaitement saines et non atteintes des vers. Mettez-les dans un vase de terre cuite, enduit de poix, et remplissez-le avec du vin de raisins desséchés au soleil, ou avec du vin cuit, de manière que tous les fruits en soient recouverts, puis posez le couvercle et lutez avec du plâtre.

[5] Je crois devoir dire qu'il n'y a aucune sorte de fruit proprement dit qu'on ne puisse conserver dans le miel. C'est pourquoi, comme ces dernières conserves sont. quelquefois salutaires aux malades, je pense qu'il faut en préparer, ne fût-ce qu'une petite quantité; mais il faut mettre les fruits de chaque espèce séparément : car, s'ils étaient mélangés, une espèce pourrait altérer l'autre.

[6] Puisque l'occasion s'est présentée de faire mention du miel, nous ajouterons que la préparation dont il s'agit doit être faite dans le même temps où l'on châtre les rayons, recueille le miel et presse la cire : opérations don t nous avons parlé déjà dans notre neuvième livre; aussi nous ne demandons ici d'autres soins au métayer que d'assister à ces travaux et de bien conserver ses fruits.

Aquae dulcis compositio, qua in condituris utuntur.

XI. [1] Ceterum, quum eodem tempore mella, nec minus aqua mulsa, in vetustatem reponi debeat, meminisse oportebit, ut, quum secundarium mel de favis fuerit exemptum, cerae statim minute resolvantur, et aqua fontana vel caelesti macerentur; expressa deinde aqua coletur, et in vas plumbeum defusa decoquatur, omnisque spurcitia cum spumis eximatur : quae decocta, quum tam crassa fuerit, quam defrutum, refrigeretur, et bene picatis lagoenis condatur.

[2] Hac quidam mella pro aqua mulsa utuntur, nonnulli etiam pro defruto in condituras olivarum; quibus quidem magis idoneam censeo, quod cibarium saporem habet; nec potest languentibus pro aqua mulsa remedio esse, quoniam, si bibatur, inflationem stomachi et praecordiorum facit.

Composition de l'hydromel que l'on emploie pour les confitures.

XI. [1] Au reste, comme on serre le miel en même temps qu'on doit mettre en réserve l'hydromel pour le laisser vieillir, il importe de se souvenir qu'après avoir recueilli des rayons le miel secondaire, on doit aussitôt diviser la cire en petits morceaux, la faire macérer dans de l'eau de fontaine ou de pluie, qu'on fera couler ensuite en pressant fortement la cire, puis recuire dans un vase de plomb où on l'aura recueillie : on la débarrassera de ses ordures en l'écumant. Quand la cuisson en sera parfaite et que le liquide aura acquis la consistance du vin cuit, on le laissera refroidir, et on le renfermera dans des cruches bien enduites de poix.

[2] Quelques personnes se servent, au lieu d'hydromel, de l'eau dans laquelle les rayons ont trempé; d'autres l'emploient en place de vin cuit pour confire les olives, et je suis d'avis qu'elle y est plus convenable, parce qu'elle a une saveur appétissante ; on ne doit pas toutefois la donner aux malades au lieu d'hydromel, parce que, si on la boit, elle occasionne le gonflement de l'estomac et produit des flatuosités.

De aqua mulsa facienda.

XII. [1] Itaque seposita ea, et ad condituras destinata, per se facienda erit optimo melle aqua mulsa. Haec autem non uno modo componitur : nam quidam multos ante annos caelestem aquam vasis includunt, et sub dio in sole habent; deinde quum saepius eam in alia vasa transfuderint, et eliquaverint (nam quotiens etiam per longum tempus diffunditur, aliquod crassamentum in imo simile faeci reperitur) veteris aquae sextarium cum libra mellis miscent.

[2] Nonnulli tamen quum austeriorem volunt efficere gustum, sextarium aquae cum dodrante pondo mellis diluunt, et ea portione repletam lagoenam gypsatamque patiuntur per caniculae ortum in sole quadraginta diebus esse; tum demum in tabulatum, quod fumum accipit, reponunt.

[3] Nonnulli, quibus non fuit curae caelestem inveterare aquam, recentem sumunt, eamque usque in quartam partem decoquunt; deinde quum refrixerit, sive dulciorem mulseam facere volunt, duobus aquae sextariis sextarium mellis permiscent; sive austeriorem, sextario aquae dodrantem mellis adiiciunt, et his portionibus factam in lagoenam diffundunt : eamque, ut supra dixi, quadraginta diebus insolatam postea in tabulatum, quod suffumigatur, reponunt.

Manière de faire l'hydromel.

XII. [1] Ainsi ce lavage étant mis à part et destiné à des conserves, on fera de l'hydromel avec le meilleur miel. Il y a plus d'une manière de le préparer. En effet, quelques personnes renferment, plusieurs années d'avance, de l'eau de pluie dans des vases qu'ils tiennent en plein air au soleil ; ensuite elles la décantent fréquemment dans d'autres vases et la tirent au clair (car toutes les fois qu'on tarde quelque temps à la transvaser, on trouve au fond un sédiment semblable à de la lie); puis on mêle un setier de cette vieille eau avec une livre de miel.

[2] D'autres personnes, pour donner un goût plus ferme à l'hydromel, délayent le setier d'eau avec le miel à la dose de neuf onces, et placent au soleil, durant quarante jours, à l'époque du lever de la canicule, la cruche qu'on a remplie de cette préparation et lutée avec du plâtre; dans cet état, ils la déposent sur une tablette où elle puisse recevoir la fumée.

[3] D'autres, qui n'ont pas eu soin de faire vieillir de l'eau de pluie, en prennent de fraîche et la font bouillir jusqu'à réduction des trois quarts; puis, quand elle est refroidie, mélangent un setier de miel avec deux setiers d'eau, s'ils désirent faire un hydromel très doux; ou bien, s'ils le veulent plus fort, ils ajoutent à un setier d'eau neuf onces de miel, et, ces proportions observées, versent dans la cruche leur préparation. Ensuite, comme je l'ai dit ci-dessus, ils l'exposent quarante jours au soleil, et la déposent sur des tablettes où elle soit exposée à l'action de la fumée.

De caseo et de quibusdam herbis condiendis.

[1] Caseo usibus domesticis praeparando, hoc maxime idoneum tempus est, quo et caseus seri minimum remittit : et ultimo tempore, quum iam exiguum lactis est, non tam expedit operas morari ad forum fructibus deferendis : et sane saepe deportati propter aestum, acore vitiantur. Itaque praestat, eos hoc ipso tempore in usum conficere; id autem ut quam optime fiat, opilionis officium est, cui septimo libro praecepta dedimus, quae sequi debeat.

[2] Sunt etiam quaedam herbae, quas appropinquante vindemia condire possis, ut portulacam, et olus cordum, quod quidam sativum battim vocant. Hae herbae diligenter purgantur, et sub umbra expanduntur; deinde, quarto die, sal in fundis fideliarum substernitur, et separatim unaquaeque earum componitur, acetoque infuso iterum sal superponitur : nam his herbis muria non convenit.

De la conservation du fromage, et de certaines herbes à confire.

XIII. [1] Le temps le plus éminemment favorable pour la confection du fromage destiné aux usages domestiques, est celui où il s'en écoule le moins de petit-lait, ainsi que le temps de l'arrière-saison où l'on ne recueille que peu de lait : car il n'y a pas alors d'avantage à consumer des journées pour porter au marché ces denrées qui, même par l'effet de la chaleur, sont exposées à s'aigrir. Aussi est-ce le moment le plus convenable de faire des fromages pour l'usage de la maison. Au reste, pour qu'ils soient bien faits, on doit en confier le soin au berger, auquel nous avons, dans notre septième livre, donné à ce sujet les préceptes qu'il doit suivre.

[2] Il existe aussi certaines herbes qu'à l'approche des vendanges on peut confire, telles que le pourpier, et ce légume tardif que quelques personnes appellent la perce-pierre cultivée. On nettoie avec soin ces herbes, on les étend à l'ombre ; puis, quatre jours après, on fait au fond des cruches un lit de sel, sur lequel on place chaque plante séparément; après avoir versé un bain de vinaigre, on jette par-dessus une couche de sel ; car la saumure ne convient pas à ces herbes.

De malis et piris in sole siccandis

XIV. [1] Hoc eodem tempore, vel etiam primo mense augusto, mala et pira dulcissimi saporis mediocriter matura eliguntur, et in duas aut tres partes arundine, vel osseo cultello divisa in sole ponuntur, donec arescant. Eorum si est multitudo, non minimam partem cibariorum per hiemem rusticis vindicant : nam pro pulmentario cedit, sicuti ficus, quae, quum arida seposita est, hiemis temporibus rusticorum cibaria adiuvat.

Des pommes et des poires à faire sécher au soleil,

XIV. [1] Dans ce même temps, ou même dès le commencement d'août, on fait choix, avant qu'elles soient parfaitement mûres, de pommes et de poires d'une saveur très douce; on les expose au soleil jusqu'à leur dessiccation, après les avoir coupées en deux ou trois morceaux avec une lame de roseau ou avec un couteau d'os. Quand la récolte de ces fruits est abondante, les paysans en réservent une bonne quantité pour leur hiver : car ils leur tiennent lieu de mets, comme les figues, qui, serrées bien sèches, font dans la mauvaise saison partie de la nourriture des gens de campagne.

De figis aridis.

XV. [1] Ea porro neque nimium vieta, neque immatura legi debet, et in eo loco expandi, qui toto die solem accipiat. Pali autem quattuor pedibus inter se distantes figuntur, et perticis iugantur; factae deinde in hunc usum cannae iugis superponuntur, ita ut duobus pedibus absint a terra, ne humorem, quem fere noctibus remittit humus, trahere possint : tunc ficus iniicitur, et crates pastorales, culmo, vel carice, vel filice textae, ex utroque latere super terram planae disponuntur, ut, quum sol in occasu fuerit, erigantur, et inter se adclines testudineato tecto, more tuguriorum, inarescentem ficum a rore, et interdum a pluvia defendant : nam utraque res praedictum fructum corrumpit.

[2] Quum deinde aruerit, in orcas bene picatas meridiano tempore calentem ficum condere, et calcare diligenter oportebit, subiecto tamen arido faeniculo, et iterum, repletis vasis superposito : quae vasa confestim operculare, et oblinire convenit et, in horreum siccissimum reponi, quo melius ficus perennet.

[3] Quidam lectis ficis pediculos adimunt, et in sole eas expandunt; quum deinde paulum siccatae sunt, antequam indurescant, in labra fictilia vel lapidea congerunt eas : tum pedibus lotis in modum farinae proculcant, et admiscent torrefactam sesamam cum aniso Aegyptio, et semine faeniculi et cymini.

[4] Haec quum bene proculcaverint, et totam massam comminutae fici permiscuerint, modicas offas foliis ficulneis involvunt, ac religatas iunco vel qualibet herba offas reponunt in crates, et patiuntur siccari. Deinde quum peraruerunt, picatis vasis eas condunt. Nonnulli hanc ipsam famam fici orcis sine pice includunt, et oblita vasa clibano vel furno torrefaciunt, quo celerius omnis humor excoquatur; siccatam in tabulatum reponunt, et, quum exegerit usus, testam comminuunt : nam duratam massam fici aliter eximere non possunt.

[5] Alii pinguissimam quamque viridem ficorum eligunt, et arundine vel digitis divisam dilatant, atque ita in sole viescere patiuntur; quas deinde bene siccatas meridianis teporibus, quum calore solis emollitae sunt, colligunt; et, ut est mos Afris atque Hispanis, inter se compositas comprimunt, in figuram stellarum flosculorumque, vel in formam panis redigentes; tum rursus in sole assiccant, et ita vasis recondunt.

Des figues sèches.

XV. [1] Les figues ne seront cueillies ni trop mûres ni trop vertes; elles doivent être étendues en un lieu qui reçoive le soleil toute la journée. On fiche en terre quatre pieux distants entre eux de quatre pieds, et que l'on assujettit l'un à l'autre par des perches. On pose sur ces jougs des roseaux taillés exprès, de manière qu'ils soient élevés de deux pieds au-dessus du sol, pour qu'ils ne puissent pas attirer l'humidité que la terre rend presque toutes les nuits. Alors on jette sur ce joug les figues, et l'on dispose à plat sur la terre, de chaque côté, des claies de berger tissues de chaume, de laîche ou de fougère, afin que, dès le coucher du soleil, on puisse, en les dressant et les inclinant en forme de toit voûté comme les chaumières, protéger contre la rosée, et quelquefois la pluie, les figues qui se dessèchent : car ces deux météores font gâter ces fruits.

[2] Quand ils seront bien secs, il faudra, sur le midi, les entasser toutes chaudes dans des vaisseaux bien enduits de poix, et les y fouler fortement, après avoir toutefois mis du fenouil sec au fond des vases, et en avoir aussi étendu dessus quand ils sont remplis. Il importe de boucher immédiatement ces vases, de les luter et de les déposer dans un grenier très sec, afin que les figues se conservent longtemps.

[3] Quelques personnes enlèvent la queue des figues qu'elles ont cueillies, et les étendent au soleil; puis, quand elles sont un peu desséchées, avant qu'elles soient fermes, elles les entassent dans des vases de terre cuite ou de pierre, et, après s'être lavé les pieds, elles les foulent comme on fait pour la farine, et y mêlent du sésame torréfié avec de l'anis d'Égypte et des graines de fenouil et de cumin.

[4] Quand cette pression est terminée et que ces ingrédients sont incorporés avec toute la masse des figues pétries, elles font du tout des pains de moyenne grosseur, qu'elles roulent dans des feuilles de figuier, lient avec du jonc ou toute autre plante, établissent sur des claies et laissent sécher. Ensuite, quand la dessiccation s'est opérée, elles les renferment dans des vases enduits de poix. D'autres personnes renferment ces pains de figues dans des vases non poissés, et leur font subir la cuisson de la tourtière ou du four, afin de dissiper au plus vite toute leur humidité; puis elles placent sur des tablettes cette préparation bien desséchée, et, quand le besoin l'exige, elles cassent le vase : car la masse de figue est tellement dure qu'on ne peut l'en tirer autrement.

[5] Quelques autres font choix des plus grosses figues vertes, les ouvrent avec un roseau ou avec les doigts, et, dans cet état, les font sécher au soleil; puis, quand la chaleur du midi les a bien desséchées et que l'ardeur du soleil les a amollies, elles les relèvent, et, comme il est d'usage en Afrique et en Espagne, elles leur donnent, en les rangeant symétriquement, la figure soit d'étoiles, soit de fleurs, ou bien la forme d'un pain et les pressent dans cet état; alors elles font de nouveau sécher ces fruits au soleil, et les enferment dans des vases.

De uvis passis faciendis et sorbis servandis.

XVI. [1] Similem curam uvae desiderant, quas dulcissimi saporis, albas, maximis acinis, nec spissis, luna decrescente, sereno et sicco caelo post horam quintam legi oportet, et in tabulas paulisper porrigi, ne inter se pondere suo pressae collidantur; deinde aheno, vel in olla nova fictili ampla, praeparatam lixivam cineris sarmenti calefieri convenit, quae quum fervebit, exiguum olei quam optimi adiici, et ita permisceri; deinde uvas pro magnitudine binas, vel ternas inter se colligatas in ahenum fervens demitti, et exiguum pati, dum decolorentur; nec rursus committere, ut excoquantur : nam quadam moderatione temperamentoque opus est.

[2] Quum deinde exemeris, in crate disponito rarius, quam ut altera alteram contingat. Post tres deinde horas unamquamque uvam convertito, nec in eodem vestigio reponito, ne in humore, qui defluxerit, corrumpatur. Noctibus autem contegi debent, quemadmodum fici, ut a rore vel pluvia tutae sint. Quum deinde modice aruerint, in vasa nova sine pice operculata et gypsata, sicco loco reponito.

[3] Quidam uvam passam foliis ficulneis involvunt, et assiccant : alii foliis vitigineis, nonnulli plataninis semivietas uvas contegunt, et ita in amphoras recondunt. Sunt qui culmos fabae exurant, et ex eo, quod cremaverint, cinere lixivam faciant, deinde in lixivae sextarios decem salis tres cyathos, et olei cyathum adiiciant, tum adhibito igne calefaciant, et cetera eodem modo administrent. Quod si videbitur in aheno parum inesse olei, subinde, quantum satis erit adiiciatur, quo sit pinguior et nitidior uva passa.

[4] Eodem tempore sorba manu lecta curiose in urceolos picatos adiicito, et opercula picata imponito, et gypso linito, tum, scrobibus bipedaneis sicco loco intra tectum factis, urceolos ita collocato, ut oblita ora eorum deorsum spectent; deinde terram congerito, et modice supercalcato. Melius est autem pluribus scrobibus pauciora vasa distantia inter se disponere : nam in exemptione eorum, dum unum tollis, si reliqua commoveris, celeriter sorba vitiantur.

[5] Quidam hoc idem pomum etiam in defruto commode servant, adiecto spissamento spissi faeniculi, quo deprimantur ita sorba, ut semper ius supernatet; ac nihilominus picata opercula diligenter gypso linunt, ne possit spiritus introire.

De la préparation des raisins secs et de la conservation des cormes.

XVI. [1] Les raisins réclament le même soin. Ceux qui sont de saveur très douce, dont les grains sont très gros et non serrés, doivent être cueillis au décours de la lune, par un temps sec et serein, après la cinquième heure; on les étend alors sur des planches pendant quelques temps, afin qu'ils ne soient pas comprimés par leur propre poids. Il convient ensuite de faire chauffer, dans un vase d'airain ou dans un pot neuf de terre cuite de grande capacité, une lessive préparée avec des cendres de sarments; quand elle bouillira, on y versera et on y mélangera un peu d'huile de la meilleure qualité; puis dans le vase bouillant on mettra les grappes liées ensemble deux à deux ou trois à trois, suivant leur volume; on les y laissera quelques instants, jusqu'à ce qu'elles aient perdu leur couleur; toutefois elles n'y resteront pas assez de temps pour cuire il faut adopter une juste proportion, un certain tempérament.

[2] Quand vous les tirerez de la lessive, vous les disposerez clairsemées sur une claie, de manière que l'une ne touche pas l'autre. Trois heures après, vous retournerez chaque grappe, en évitant de les remettre à la même place, de peur qu'elles ne se gâtent par l'effet de l'humidité qui s'en sera écoulée. Pendant les nuits, on doit les couvrir, comme les figues, pour les mettre à l'abri de la rosée ou de la pluie. Quand ces raisins sont un peu desséchés, on les dépose en lieu sec, dans des vases neufs non enduits de poix, mais couverts et plâtrés.

[3] Certaines personnes enveloppent de feuilles de figuier leurs raisins et les font sécher; d'autres les couvrent à demi flétris avec des feuilles soit de vigne, soit de platane, et les déposent ainsi dans des amphores. Il y en a qui brûlent des tiges sèches de fèves et font leur lessive avec la cendre qui en provient; ils ajoutent trois cyathes de sel et un cyathe d'huile à dix setiers de lessive qu'ils font chauffer sur un bon feu, et terminent l'opération comme ci-dessus. Si l'on voit qu'il n'y ait pas assez d'huile dans le vase, on y en verse de temps en temps jusqu'à ce qu'il y en ait suffisamment, afin que les grappes soient plus grasses et plus luisantes.

[4] A la même époque, placez dans de petites cruches enduites de poix des cormes cueillies avec soin à la main; mettez sur ces cruches des couvercles enduits aussi de poix, et couvrez-les de plâtre. Alors, dans des fosses de deux pieds creusées dans la maison en terrain sec, placez vos cruches de manière que leur ouverture bien fermée soit en dessous; puis tassez de la terre par dessus, et foulez. la un peu avec les pieds. Le mieux est de déposer le moins de vases possible dans un grand nombre de fosses, et de laisser un certain intervalle entre eux : car, si en fouillant pour en ôter un, on agitait les autres, les cormes se gâteraient promptement.

[5] Quelques personnes conservent parfaitement les cormes dans du vin réduit à moitié par la cuisson, et mettent dessus un lit de fenouil sec avec lequel elles compriment ce fruit, de façon que le liquide surnage toujours, et toutefois lutent soigneusement avec du plâtre les couvercles enduits de poix, afin que l'air ne puisse s'y introduire.

De aceto ficulneo faciendo.

XVII. [1] Sunt quaedam regiones, in quibus vini, ideoque etiam aceti penuria est. Itaque hoc eodem tempore est ficus viridis quam maturissima legenda est, utique etiam si iam pluviae incesserunt, et propter imbres in terram decidit. Quae quum sublecta est, in dolium vel in amphoras conditur, et ibi sinitur fermentari; deinde quum exacuit, et remisit liquorem, quidquid est aceti diligenter colatur, et in vasa picata bene olida diffunditur. Hoc primae notae acerrimi aceti usum praebet, nec umquam situm aut mucorem contrahit, si non humido loco positum est.

[2] Sunt qui multitudini studentes aquam ficis permisceant, et subinde maturissimas ficos recentis adiiciant, et patiantur in eo iure tabescere, donec satis acris aceti sapor fiat; postea in iunceis fiscellis, vel sparteis saccis percolant, liquatumque acetum infervefaciunt, dum spumam et omnem spurcitiam eximant. Tum torridi salis aliquid adiiciunt, quae res prohibet vermiculos aliave innasci animalia.

Manière de faire le vinaigre de figues.

XVII. [1] Il existe de certaines contrées dans lesquelles on manque de vin et, par conséquent, de vinaigre. Là il faut, à l'époque que nous venons de fixer, cueillir des figues vertes très mûres, et même, si la pluie a commencé, celles qu'elle a fait tomber à terre. Après les avoir réunies, on les jette dans un tonneau ou dans des amphores, où on les laisse fermenter; ensuite, lorsque l'acidité s'est développée et qu'elles ont rendu leur jus, on tire au clair avec soin le vinaigre obtenu, et on le versera dans des vaisseaux enduits de poix bien odorante. Cette préparation remplace avantageusement le vinaigre fort de première qualité, et elle ne prend jamais le goût de relent ni de moisi, si on ne le dépose pas dans un lieu humide.

[2] Il y a des personnes qui, visant à la quantité, versent de l'eau sur leurs figues, et de temps en temps en ajoutent de nouvelles très mûres, qu'on laisse macérer dans le même jus que les autres, jusqu'à ce qu'il ait contracté une saveur de vinaigre assez fort; ensuite elles le coulent dans des corbeilles de jonc ou dans des cabas de sparte, et font bouillir ce vinaigre tiré au clair jusqu'à ce qu'il ne jette plus d'écume ni aucune ordure. Alors elles y ajoutent un peu de sel torréfié, qui empêche qu'il ne s'y engendre des vers ou d'autres insectes.

Quae praeparanda sint vindemiae.

XVIII. [1] Quamvis priore libro, qui inscribitur Vilicus, iam diximus, quae ad vindemiam praeparanda sunt, non tamen alienum est etiam vilicae de iisdem rebus praecipere, ut intellegat, suae curae esse debere, quaecumque sub tecto administrantur circa vindemiam.

[2] Si ager amplus, aut vineta aut arbusta grandia sunt, perenne fabricandae decimodiae, et trimodiae, et fiscellae texendae, et picandae; nec minus falculae et ungues ferrei quam plurimi parandi et exacuendi sunt, ne vindemitor manu destringat uvas, et non minima fructus portio dispersis acinis in terram dilabatur.

[3] Funiculi quoque fiscellis aptandi sunt, et lora trimodiis. Tum lacus vinarii et torcularii, et fora, omniaque vasa, si vicinum est mare, aqua marina; si minus, dulci eluenda sunt, et commundanda, et diligenter assiccanda, ne humorem habeant. Cella quoque vinaria omni stercore liberanda, et bonis odoribus suffienda, ne quem redoleat foetorem acoremve.

[4] Tum sacrificia Libero, Liberaeque, et vasis pressoriis quam sanctissime castissimeque facienda : nec per vindemiam ab torculari aut vinaria cella recedendum est, ut omnia, qui mustum conficiunt, pure mundeque faciant;  ne furi locus detur praesentem fructum intercipiendi.

[5] Dolia quoque, et seriae, ceteraque vasa ante quadragesimum vindemiae diem picanda sunt, atque aliter ea, quae demersa sunt humi, aliter quae stant supra terram: nam ea, quae demersa sunt, ferreis lampadibus ardentibus calefiunt, et quum picem in fundum destillavit, sublata lampade, rutabulo ligneo, et ferrea curvata radula ducitur, quod destillavit, aut quod in lateribus haesit : deinde penicillo detergitur, et ferventissima pice infusa, novo alio rutabulo et scopula picatur.

[6] At quae supra terram consistunt,  complures dies, antequam curentur, in solem producuntur; deinde, quum satis insolata sunt, in labra convertuntur, et subiectis parvis tribus lapidibus suspenduntur; atque ita ignis subiicitur, et tamdiu incenditur, donec ad fundum calor tam vehemens perveniat, ut apposita manus patiens eius non sit. Tum dolio in terram demisso, et in latus deposito, pix ferventissima infunditur, volutaturque, ut omnes doli partes linantur.

[7] Sed haec die quieto a ventis fieri debent, ne, admoto igne, quum afflaverit ventus, vasa rumpantur. Sunt autem satis sesquicullearibus doliis picis durae pondo vicenaquina; nec dubium quin, si quinta pars picis Brutiae in universam cocturam adiiciatur, utilissimum sit omni vindemiae.

Préparation des vendanges.

XVIII. [1] Quoique dans le livre précédent, qui est intitulé le Métayer, nous ayons déjà dit ce qu'il faut disposer pour la vendange, il n'est pas toutefois hors de propos de donner à la métayère des préceptes sur les mêmes choses, afin qu'elle sache que tout ce qui se fait à la maison vers l'époque de la vendange réclame ses soins.

[2] Si les champs ont une grande étendue, si les vignobles et les vergers sont considérables, il faut sans cesse fabriquer des vaisseaux de dix et de trois modius, tresser des paniers et les enduire de poix; il n'est pas moins utile de préparer et d'aiguiser un très grand nombre de faucilles et de serpettes, afin que le vendangeur n'arrache pas les grappes avec la main, et n'occasionne pas ainsi la chute d'une partie des grains du raisin.

[3] On adaptera aussi des ficelles aux corbeilles et des courroies aux vaisseaux de trois modius. On lavera aussi les cuves, les pressoirs, les barriques et tous les vases, avec de l'eau de mer, si l'on est à proximité, sinon, avec de l'eau douce; on les nettoiera avec soin et on les séchera parfaitement, pour qu'ils ne conservent pas d'humidité. Les celliers au vin seront aussi purgés de toute espèce d'ordures; on y brûlera des parfums agréables, afin qu'on n'y sente ni mauvaise odeur ni acidité.

[4] Alors, pieusement et dans un état de chasteté, on sacrifie à Bacchus, à Proserpine et aux ustensiles du pressurage. Pendant la durée de la vendange, on ne perdra de vue ni les pressoirs ni les celliers au vin, afin que ceux qui préparent le moût le travaillent avec pureté et propreté, et pour que les voleurs ne trouvent pas l'occasion de dérober les raisins cueillis.

[5] Quarante jours avant la vendange, on enduira de poix les tonneaux, les barils et les autres vases; le procédé variera suivant que les vases doivent rester sur le sol ou être mis en terre : ceux que l'on doit enfouir seront chauffés avec des lampes de fer ardentes; après avoir fait couler la poix au fond, on enlèvera la lampe, et, avec un râble de bois et une ratissoire de fer recourbée, on étend la poix qu'on y a fait distiller et celle qui s'est attachée aux parois du vaisseau. Ensuite, on nettoiera avec une brosse; puis, versant de la poix brûlante, on enduira avec un autre râble et un petit balai.

[6] Quant aux vaisseaux qui doivent rester sur le sol, on les exposera plusieurs jours au soleil avant de les nettoyer; ensuite, quand ils auront été suffisamment soumis à l'action de cet astre, on les renversera sur leur ouverture, et on les y maintiendra soulevés au moyen de trois petites pierres; en cet état, on mettra dessous du feu qu'on laissera brûler jusqu'à ce que leur fond ait acquis une chaleur tellement forte que la main ne puisse la supporter. Alors, le vaisseau étant posé à terre et mis sur le côté, on y versera de la poix bouillante, puis on le roule afin qu'elle s'étende sur toutes les parties du tonneau.

[7] Cette opération doit être faite pendant un jour calme, pour que, lorsqu'on allume le feu, le vent qui soufflerait ne fasse pas briser les vaisseaux. Au surplus, il suffit de vingt-cinq livres de poix dure pour les vases de la contenance d'un culléus et demi; et il n'est pas douteux que, si on ajoute dans la totalité de la préparation un cin¬quième de poix du Brutium, cette résine ne soit très-profitable au vin qu'on déposera dans le vase.

De pluribus generibus conditurarum, quibus vinum confirmatur.

XIX. [1] Cura quoque adhibenda est, ut expressum mustum perenne sit, aut certe usque ad venditionem durabile; quod quemadmodum fieri debeat, et quibus condituris adiuvari, deinceps subiciemus.
Quidam partem quartam eius musti, quod in vasa plumbea coniecerunt, nonnulli tertiam decoquunt; nec dubium quin ad dimidiam si quis excoxerit, meliorem sapam facturus sit, eoque usibus utiliorem, adeo quidem, ut etiam vice defruti, sapa, mustum, quod est ex veteribus vineis, condire possit.

[2] Quaecumque vini nota sine condimento valet perennari, optimam esse eam censemus, nec omnino quidquam permiscendum, quo naturalis sapor eius infuscetur : id enim praestantissimum est, quod suapte natura placere potuerit. Ceterum quum aut regionis vitio, aut novellarum vinearum, mustum laborabit, eligenda erit pars vineae, si est facultas, Amineae; si minus, quam bellissimi vini, quaeque erit et vetustissima, et minime uliginosa.

[3] Tum observabimus decrescentem lunam, quum est sub terra, et sereno siccoque die uvas quam maturissimas legemus, quibus proculcatis mustum, quod defluxerit, ante quam prelo pes eximatur, satis de lacu in vasa defrutaria deferemus, levique primum igne, et tenuibus admodum lignis, quae cremia rustici appellant, fornacem incendemus, ut ex commodo mustum ferveat.

[4] Isque, qui praeerit huic decoquendo, cola iuncea, vel spartea ex crudo, id est non malleato, sparto praeparata habeat : itemque fasciculos faeniculi fustibus illigatos, quos possit utique ad fundum vasorum demittere, ut, quidquid faecis subsederit, exagitet, et in summum reducat; tum colis omnem spurcitiam, quae redundarit, expurget. Nec absistat id facere, donec videbitur eliquatum omni faece mustum carere.
Tum sive mala cydonea, quae percocta sublaturus sit, seu quoscumque voluerit convenientes odores adiiciat, et nihilo minus subinde faeniculo peragitet, ne quid subsederit, quod possit plumbeum perforare.

[5] Quum deinde iam acriorem potuerit ignem vas sustinere, id est, quum aliqua iam parte mustum excoctum in se fervebit, tum codices et vastiora ligna subiiciantur, sed ita, ne fundum contingant; quod nisi vitatum fuerit, saepe vas ipsum, quod aliquando contingit, pertundetur; vel si id factum non erit, utique aduretur mustum, et amaritudine concepta, condituris fiet inutile.

[6] Oportebit autem, antequam mustum in vasa defrutaria coniiciatur, oleo bono plumbea intrinsecus imbui, bene fricari, atque ita mustum adiici. Ea res non patitur defrutum aduri.

De plusieurs espèces de condiments propres à faciliter la conservation du vin.

XIX. [1] Une chose qu'on ne doit pas non plus négliger, c'est le soin qu'on doit apporter à la conservation du moût qu'aura rendu le raisin : il doit au moins se garder jusqu'à la vente. Nous allons dire ci-après ce qu'il faut faire pour parvenir et quels condiments sont propres à faciliter sa conservation. Certaines personnes font réduire le moût dans des vases de plomb, les uns d'un quart, les autres d'un tiers ; il est certain que, si la réduction est de moitié, on obtiendra un meilleur vin cuit, plus propre aux usages auxquels on le destine, à tel point que ce vin, au lieu de celui qui a subi une réduction des deux tiers, peut assaisonner le moût, surtout celui qui provient de vieilles vignes.

[2] Nous croyons que le vin de la meilleure qualité est celui qui peut se conserver longtemps sans avoir besoin de condiments, et qu'il n'y faut mettre aucune mixtion qui altérerait sa saveur naturelle : le plus parfait effectivement est celui qui peut plaire par sa propre nature. Au reste, lorsque le moût aura quelque défaut, soit par le vice du terroir, soit par la jeunesse des vignes, on choisira, si on le peut, un cepage d'Aminée, sinon de plant très vieux qui ne soit pas en terre humide, et produisant un vin très agréable.

[3] Ensuite on observera le temps du déclin de la lune où elle est au-dessous de la terre, et, par un jour serein et sec, on cueillera les grappes les plus mûres, desquelles, après les avoir foulées avec les pieds, on retirera le moût qui s'en sera écoulé ; puis on en portera une quantité suffisante du cuvier dans les chaudrons, et on allumera dans le fourneau un feu d'abord modéré, avec des brindilles et ces menus bois que les paysans appellent crémies, afin que le liquide bouille sans précipitation.

[4] Celui qui présidera à cette cuisson doit avoir tout prêts des couloirs de jonc ou de sparte brut, c'est-à-dire faits de sparte qui n'ait point été amolli sous le maillet, et, en outre, des bottes de fenouil liées à des bâtons, qu'il puisse introduire au fond des vases pour y agiter la lie qui s'y est précipitée et la faire remonter à la surface ; puis on enlèvera, au moyen des couloirs, toutes les ordures que forme l'écume. Il ne doit pas négliger ces soins, jusqu'à ce qu'il s'aperçoive que le moût, en s'éclaircissant, est débarrassé de toute sa lie.
Alors il doit ajouter soit des coings qu'il retirera dès qu'ils seront cuits, soit toute autre substance odorante qu'il voudra, sans discontinuer toutefois d'agiter le bâton garni de fenouil, afin qu'il ne se précipite rien qui puisse déterminer la perforation du vase de plomb.

[5] Lorsque ensuite ce vaisseau pourra supporter un feu plus vif, c'est-à-dire quand le moût cuit en partie éprouvera un mouvement intestin, il mettra dans le fourneau des bûches et du gros bois, mais de manière qu'ils ne touchent pas le fond du vase. Si on n'évitait pas cet inconvénient, le chaudron se percerait, comme il arrive quelquefois; ou bien, dans le cas où cet accident n'arriverait pas, le moût brûlerait, et parle goût d'amertume qu'il aurait contracté il deviendrait impropre aux usages pour lesquels on le réserve.

[6] Il faudra, au surplus, avant de verser le moût dans les vases de plomb qui doivent être employés pour le faire cuire, les humecter avec de bonne huile, les en frotter convenablement, et, dans cet état, y mettre le moût : cette précaution préservera de la brûlure le vin cuit.

De sapa coquenda

XX. [1] Quin etiam diligenter factum defrutum, sicut vinum, solet acescere. Quod quum ita sit, meminerimus anniculo defruto, cuius iam bonitas explorata est, vinum condire : nam vitioso medicamento tunc fructus, qui perceptus est, vitiatur. Ipsa autem vasa, quibus sapa aut defrutum coquitur, plumbea potius quam aenea esse debent.

[2] Nam in coctura aeruginem remittunt aenea, et medicaminis saporem vitiant. Odores autem vino fere apti sunt, qui cum defruto coquuntur: iris, faenum Graecum, schoenum : harum rerum singulae librae in defrutarium, quod ceperit musti amphoras nonaginta, quum iam deferbuerit, et expurgatum erit, tum adiici debent. Deinde si natura tenue mustum erit, quum ad tertiam partem fuerit decoctum, ignis subtrahendus est, et fornax protinus aqua refrigeranda. Quod etiam si fecerimus, nihilominus defrutum infra tertiam partem vasis considit.

[3] Sed id quamvis aliquid detrimenti habeat, prodest tamen: nam quanto plus decoquitur, si modo non est adustum, melius et spissius fit. Ex hoc autem defruto, quod sic erit coctum, satis est singulos sextarios singulis amphoris inmiscere.
Nam quum amphoras musti nonaginta in defrutario decoxeris, ita ut iam exiguum supersit de coctura, [quod significat decoctum ad tertias :] tum demum medicamina adiicito, quae sunt aut liquida, aut resinosa, id est picis liquidae Nemeturicae, quum eam diligenter ante aqua marina decocta perlueris, decem sextarios, item resinae terebinthinae sesquilibram. Haec quum adicies, plumbeum peragitabis, ne adurantur.

[4] Quum deinde ad tertias subsederit coctura, subtrahe ignem, et plumbeum subinde agitabis, ut defrutum et medicamenta coeant : deinde quum videbitur mediocriter calere defrutum, reliqua aromata contusa et cribrata paulatim insparges, et iubebis rutabulo ligneo agitari, quod decoxeris, eo usque, dum defrigescat. Quod si non ita, ut praecipimus, permiscueris, subsident aromata, et adurentur.

[5] Ad praedictum autem modum musti adiici debent hi odores: nardi folium, iris Illyrica, nardum Gallicum, costum, palma, cyperum, schoenum, quorum singulorum selibrae satisfacient; item myrrhae quincunx, calami pondo libram, casiae selibram, amomi pondo quadrans, croci quincunx, cripae pampinaceae libram.

[6] Haec, ut dixi, arida, contusa et cribrata debent adiici, et his commisceri rasis, quod est genus crudae picis; eaque, quanto est vetustior, tanto melior habetur: nam longo tempore durior facta, quum est contusa, in pulverem redigitur, et his medicaminibus admiscetur : satis est autem praedictis ponderibus sex libras eius misceri. Ex hac compositione, quantum in sextarios musti quadragenos octonos adiiciendum sit, incertum est, quoniam pro natura vini aestimari oportet, quod satis sit,; cavendumque est, ne conditus sapor intellegatur : nam ea res emptorem fugat.

[7] Ego tamen, si humida fuerit vindemia, trientem; si sicca, quadrantem medicaminis in binas amphoras miscere solitus sum, [ita ut quattuor urnarum esset musti modus : urna autem quattuor et viginti sextariorum.] Nonnullos agricolas singulis amphoris quadrantem medicaminis indidisse scio, sed hoc coactos fecisse propter nimiam infirmitatem vini eiusmodi, quod vix triginta diebus integrum permanebat.

[8] Hoc tamen mustum, si sit lignorum copia, satius est infervefacere, et omnem spumam cum faecibus expurgare : quo facto decima pars decidet, sed reliqua perennis erit. At si lignorum penuria est, marmoris, vel gypsi, quod flos appellatur, uncias singulas, item ad tertias decocti defruti sextarios binos singulis amphoris miscere oportebit. Ea res etiamsi non in totum perennat, certe usque in alteram vindemiam plerumque vini saporem servat.

De la cuisson du vin à l'évaporation des deux tiers.

XX. [1] Quoique préparé avec soin, le vin cuit a coutume de tourner à l'acidité, comme le vin naturel. Comme cet accident peut avoir lieu, n'oublions pas qu'il faut préparer le vin avec du vin cuit d'un an dont la bonté est éprouvée : car un mauvais remède gâterait le produit qu'on a recueilli.

[2] Quant aux vases dont on se sert pour faire cuire le vin soit à deux tiers d'évaporation, soit à moitié, ils doivent être de plomb plutôt que d'airain : car pendant la cuisson ces derniers produisent du vert-de-gris et altèrent la saveur de la préparation. Au reste, les substances odoriférantes, propres au vin que l'on veut faire réduire à moitié, se bornent à peu près à l'iris, au fenugrec et au schoenum. On jette une livre de chaque espèce dans un chaudron contenant quatre-vingt-dix amphores de moût, lorsqu'il sera en pleine ébullition et bien écumé. Ensuite, si le moût est naturellement faible, il faudra, dès qu'il sera réduit de deux tiers, éteindre le feu, et, sans perdre de temps, rafraîchir le fourneau avec de l'eau. En opérant ainsi, le vin cuit ne s'élèvera pas au-dessus du tiers du vase;

[3] mais, quoiqu'il y ait quelque perte apparente, l'avantage est cependant incontestable : car, pourvu que ce vin ne soit pas brûlé, plus il est cuit, meilleur il est et plus il a de consistance. D'un tel vin, réduit à ce point, il suffit d'un setier par amphore. Quand vous aurez fait cuire dans la chaudière quatre-vingt-dix amphores de moût de manière qu'après la cuisson il n'en reste que peu, c'est-à-dire un tiers, ajoutez-y les ingrédients, qui sont ou liquides ou résineux, c'est-à-dire dix setiers de térébenthine néméturique, préalablement délayée dans de l'eau de mer qui aura bouilli, et en outre une livre et demie de térébenthine. En faisant ce mélange de substances, vous agiterez le vase de plomb pour qu'elles ne brûlent pas.

[4] Lorsque ensuite la préparation sera réduite au tiers, retirez le feu, et agitez de temps en temps le vase de plomb pour que le vin cuit et les ingrédients forment un tout homogène; puis, dès que cette liqueur sera devenue tiède, jetez-y peu à peu le reste des aromates bien pilés et tamisés, et faites remuer le tout avec un râble de bois jusqu'au refroidissement de la mixtion. Si vous ne procédez pas au mélange ainsi que nous l'avons prescrit, les ingrédients se précipiteront au fond du vase et y brûleront.

[5] A cette sorte de moût on doit ajouter ces substances odorantes : nard, iris d'Illyrie, nard gaulois, costus, palmier, souchet, schoenum, de chacun une demi-livre; puis cinq onces de myrrhe, une livre de canne, une demi-livre de cannelle, un quarteron d'amome, cinq onces de safran et une livre de tripe pampinacée.

[6] Toutes ces substances doivent, comme je l'ai dit, être employées pilées et tamisées, et mêlées de rasis, qui est une sorte de poix crue, et qui passe pour être d'autant meilleure qu'elle est plus vieille : car par la longueur du temps elle se durcit beaucoup, et quand on la pile, elle se pulvérise : dans cet état, on la mêle aux ingrédients que je viens de nommer. Il suffit d'en mêler six livres aux quantités susénoncées. On ne saurait spécifier combien il faut mettre de cette composition dans quarante-huit setiers de moût, puisqu'on ne peut faire l'évaluation de la dose suffisante que d'après la nature du vin. Il faut prendre garde qu'on ne puisse reconnaître la saveur du condiment; car ce serait le moyen d'écarter l'acheteur.

[7] Toutefois j'ai l'habitude, si la vendange a été humide, d'employer quatre onces de cette mixtion ; mais si elle a été sèche, seulement trois, pour une double amphore; c'est-à-dire pour quatre urnes de vin doux, en évaluant l'urne à vingt-quatre setiers. Je sais que quelques agriculteurs mettent trois onces de cette composition par chaque amphore, mais qu'ils y sont forcés par la trop grande faiblesse de leur vin, qui se conserverait trente jours à peine sans altération.

[8] Au surplus, il vaut mieux, si l'abondance du bois le permet, faire bouillir le moût et le débarrasser de son écume et de sa lie : par ce procédé on en sacrifie un dixième, mais le reste se conserve parfaitement. Si on manque de bois, il faudra mêler à chaque amphore de vin une once de ce qu'on appelle fleur de marbre ou de gypse, ou bien deux setiers de vin cuit jusqu'à réduction de deux tiers. Quoique ces substances ne donnent pas au vin une durée illimitée, elles lui conservent pourtant une bonne saveur jusqu'à la prochaine vendange.

De defruto, quod quidam Neapolitanum vocant.

XXI. [1] Mustum quam dulcissimi saporis decoquetur ad tertias, et decoctum, sicut supra dixi, defrutum vocatur. Quod quum defrixit, transfertur in vasa, et reponitur, ut post annum sit in usu. Potest tamen etiam post dies novem, quam refrixerit, adiici in vinum; sed melius est, si anno requieverit. Eius defruti sextarius in duas urnas musti adiicitur, si mustum ex vineis collinis est : sed, si ex campestribus, tres heminae adiiciuntur.

[2] Patimur autem, quum de lacu mustum sublatum est, biduo defervescere, et purgari; tertio die defrutum adiicimus; deinde interposito biduo, quum id mustum pariter cum defruto deferbuerit, purgatur, et ita eo adiicitur in binas urnas ligula cumulata, vel mensura semunciae bene plenae salis cocti et triti. Sal autem quam candidissimus coniicitur in urceo fictili sine pice : qui urceus, quum recipit salem, diligenter totus oblinitur luto paleato, et ita igni admovetur, ac tamdiu torretur, quamdiu strepitum edit. Quum silere coepit, finem habet cocturae.

[3] Praeterea faenum Graecum maceratur in vino vetere per triduum; deinde eximitur, et in furno siccatur, vel in sole; idque quum est aridum factum, molitur, et ex eo molito post sallituram musti cochlear cumulatum, vel simile genus poculi eius, quae est quarta pars cyathi, adiicitur in binas urnas. Deinde quum iam perfecte mustum deferbuit et constitit, tantundem gypsi floris miscemus, quantum salis adieceramus : atque ita postero die purgamus dolium, et nutritum vinum operimus, atque oblinimus.

[4] Hac conditura Columella, patruus meus, illustris agricola, uti solitus est in iis fundis, in quibus palustres vineas habebat; sed idem, quum collina vina condiebat, aquam salsam decoctam ad tertias pro sale adiciebat. Ea porro facit sine dubio maiorem mensuram, et odoris melioris; sed periculum habet ne vitietur vinum, si male cocta sit aqua. Sumitur autem haec, ut iam dixeram, quam longissime ab litore : nam liquidior et purior est, quantum altiori mari hausta est.

[5] Eam si quis, ut Columella faciebat, reponet, post triennium in alia vasa eliquatam transfundat; deinde post alterum triennium decoquat usque ad partem tertiam. Longe meliorem habebit condituram vini, nec ullum periculum erit, ne vina vitientur. Satis est autem sextarios singulos adiicere salsae, eosque in binas musti urnas : quamvis multi etiam binos inmisceant, nonnulli etiam ternos sextarios. Idque ego facere non recusem, si genus vini tantum valeat, ut aquae salsae non intellegatur sapor.

[6] Itaque diligens paterfamilias, quum paraverit fundum, statim prima vindemia tres aut quattuor notas conditurae totidem amphoris musti experietur, ut exploratum habeat, quantum plurimum salsae vinum, quod fecerit, sine offensa gustus pati possit.

Du vin cuit que quelques personnes nomment napolitain.

XXI. [1] Le moût, quand il est de saveur très douce, doit être cuit jusqu'à ce qu'il soit réduit à un tiers : ainsi réduit, il prend, comme nous l'avons dit, le none de vin cuit. Lorsqu'il est refroidi, on le transvase dans d'autres vaisseaux et on le met en réserve pour l'employer au bout d'un an. Cependant on peut le mêler avec le vin, neuf jours après qu'il a été refroidi; mais il est meilleur après une année de repos. On mélange un setier de ce vin cuit dans deux urnes de moût, s'il provient de vignes de coteaux; on ajoute trois hémines, s'il provient de vignes plantées en plaine.

[2] Au surplus, on laisse pendant deux jours fermenter, et se purger de lie le moût qui a été tiré de la cuve; le troisième jour, on y ajoute le vin cuit; puis, au bout de deux autres jours, pendant lesquels ces liqueurs ont fermenté ensemble, elles sont purifiées; dans cet état, on y joint, pour deux urnes, une ligule comblée ou la mesure d'une demi-once bien pleine de sel grillé et égrugé. Ce sel, le plus blanc qu'on puisse se procurer, est jeté dans un pot de terre non poissé, qui, dès qu'il a reçu le sel, doit être soigneusement enduit tout entier de terre mêlée de paille hachée, et placé sur le feu : on torréfiera tant qu'on entendra des pétillements. Quand le crépitement commencera à ne plus se faire entendre, la cuisson sera complète.

[3] On fait en outre macérer du fenugrec dans du vin vieux pendant trois jours ; ensuite on l'en retire, et on le fait sécher au four ou au soleil; dès qu'il est sec, on le broie, et on en jette, dans deux urnes de vin après la salaison, plein une cuiller ou autre vase semblable qui soit le quart d'un cyathe. Après cette opération, lorsque le moût a terminé sa fermentation et s'est reposé, on y mêle une quantité de fleur de gypse, égale à celle du sel employé; puis, le lendemain, on nettoie le tonneau, on couvre le vin ainsi accommodé, et on lute le vaisseau.

[4] C'est de cette préparation que Columelle, mon oncle paternel, agriculteur distingué, se servait habituellement sur ses terres, dans lesquelles il avait des vignobles en terres humides; mais, lorsqu'il opérait sur des vins de coteaux, il employait, au lieu de sel, de l'eau de mer réduite à un tiers. Cette eau, sans nul doute, ajoute à la quantité et au bouquet; mais il y a à craindre, si l'eau salée n'est pas assez cuite, que le vin n'en soit taré. Comme je l'ai dit, on doit puiser cette eau le plus loin du rivage qu'il est possible : elle sera plus limpide et plus pure, si elle est prise en haute mer.

[5] Si, comme le faisait Columelle, on la conserve quelque temps, il faut, après l'avoir épurée, la décanter au bout de trois ans dans d'autres vaisseaux ; puis, trois autres années après, la faire bouillir jusqu'à réduction au tiers. Ainsi on obtient un meilleur condiment pour le vin, et on n'a point à craindre qu'il se gâte. Il suffit d'un setier de cette eau salée pour deux urnes de moût, quoiqu'il y ait beaucoup de cultivateurs qui en versent deux setiers, et quelques-uns même jusqu'à trois, ce que je ne désapprouve pas, si le vin a une force suffisante pour qu'on n'y sente pas la saveur de l'eau salée.

[6] C'est pourquoi un père de famille intelligent, qui a fait l'acquisition d'une terre, doit, aussitôt après la première vendange, faire l'expérience des trois ou quatre espèces de préparations sur autant d'amphores, afin de bien connaître combien le vin qu'il a obtenu peut supporter d'eau salée au plus sans que le goût en souffre.

De defruto quod adiicitur in vinum ad vetustatem.

XXII. [1] Picis liquidae Nemeturicae metretam adde in labrum, aut in alveum, et in eodem infundito cineris lixivae congios duos, deinde permisceto spatha lignea. Quum requieverit, eliquato lixivam; deinde iterum tantundem lixivae addito, eodem pacto permisceto, et eliquato. Tertio quoque idem facito. Cinis autem odorem picis aufert, et eluit spurcitiam.

[2] Post eodem addito picis Brutiae, si minus, alterius notae quam purissimae, quinque libras. Haec minute concidito, et admisceto pici Nemeturicae; tum aquae marinae quam vetustissimae, si erit; si minus, ad tertiam partem recentis aquae marinae decoctae congios duos iniicito. Apertum labrum sinito in sole per Caniculae ortum, et spatha lignea permisceto quam saepissime, usque eo, dum ea, quae addideris, in pice conliquescant, et unitas fiat. Noctibus autem labrum operire conveniet, ne irroretur.

[3] Deinde quum aqua marina, quam addideris, sole consumpta videbitur, sub tectum vas totum ferre curabis. Huius autem medicaminis quidam pondo quadrantem in sextarios XLVIII miscere soliti sunt, et hac conditura contenti esse; alii cyathos tres eius medicamenti adiiciunt in totidem sextarios, quot supra diximus.

Du vin cuit que l'on ajoute au vin pour le vieillir.

XXII. [1] Mettez une métrète de térébenthine néméturique dans une cuvette ou un autre vaisseau, versez-y deux canges de lessive de cendres, et mêlez le tout avec une spatule de bois. Quand ce mélange sera reposé, tirez au clair le liquide, puis remplacez-le par de nouvelle lessive, mêlez de même et tirez au clair; puis répétez cette opération pour la troisième fois : or, la cendre fait disparaître l'odeur de la poix et enlève les ordures.

[2] Ajoutez ensuite cinq livres de poix du Brutium, ou, à son défaut, de toute autre, pourvu qu'elle soit très pure. Concassez-la très-menu, et mélangez-la avec la poix néméturique; versez dessus deux conges de très vieille eau de mer, si vous en avez, ou du moins de l'eau marine récente réduite au tiers par l'ébullition. Pendant le lever de la canicule, laissez au soleil votre cuvette découverte, et avec la spatule de bois mêlez le plus fréquemment que vous pourrez, jusqu'à ce que les substances ajoutées soient bien fondues dans la poix et forment un tout homogène. Il sera convenable de couvrir ce vase pendant la nuit, pour que l'humidité n'y pénètre pas.

[3] Ensuite, lorsque l'eau marine que vous y aurez versée vous paraîtra évaporée par l'effet du soleil, ayez soin de faire porter à la maison le vase dans l'état où il se trouve. Quelques personnes ont l'habitude de mêler trois onces de cette préparation avec quarante-huit setiers de vin, et se trouvent bien de cette proportion : d'autres mettent. trois cyathes de ce condiment sur le nombre de setiers que nous venons de déterminer.

De pice quae utuntur Allobroges ad condituram vini picati.

XXIII. [1] Pix corticata appellatur, qua utuntur ad condituras Allobroges. Ea sic conficitur, ut dura sit, et quanto facta est vetustior, eo melior in usu est : nam omni lentore misso facilius in pulverem resolvitur, atque cribratur. Hanc ergo conteri et cribrari oportet; deinde quum bis mustum deferbuerit, quod plerumque est intra quartum diem, quam de lacu sublatum, diligenter manibus expurgatur; et tum demum praedictae picis sextans, et semuncia, in sextarios quinque et quinquaginta adiicitur, et rutabulo ligneo permiscetur, nec postea tangitur, dum confervescat.

[2] Quod tamen non amplius diebus quattuordecim a conditura patiendum est : nam oportebit post hunc numerum dierum confestim vinum emundare, et, si quid faecis aut labris vasorum aut lateribus inhaesit, eradi, ac suffricari, et protinus operculis inpositis oblini.
At si ex eadem pice totam vindemiam condire volueris, ita ne gustus picati vini possit intellegi, sat erit eiusdem picis, sex scripula in sextarios quinque et quadraginta tum demum miscere, quum mustum deferbuerit, et faeces expurgatae fuerint.

[3] Oportebit autem salis decocti contritique semunciam in eumdem modum musti adiicere. Nec solum huic notae vini sal adhibendus est, verum, si fieri possit, in omnibus regionibus omne genus vindemiae hoc ipso pondere salliendum est : nam ea res mucorem vino inesse non patitur.

De la poix dont se servent les Allobroges pour assaisonner le vin poissé.

XXIII. [1] On appelle poix cortiquée celle que les Allobroges emploient en condiment. On la prépare de manière qu'elle se durcisse, et plus elle est faite depuis longtemps, meilleur elle est pour l'usage : car ayant perdu son principe visqueux, elle est alors plus facile à réduire en poudre et à passer au tamis. Il faut donc la pulvériser et la tamiser; ensuite, quand le moût a jeté deux bouillons, ce qui arrive ordinairement le quatrième jour après qu'on l'a tiré de la cuve, on enlève ses ordures avec la main; après quoi on y jette deux onces et demie de la poix dont nous venons de parler, pour cinquante-cinq setiers de vin; on opère alors le mélange avec le râble de bois, puis on s'abstient de toucher au liquide tant qu'il bout.

[2] Toutefois le terme de l'ébullition ne doit pas s'étendre au-delà de quatorze jours, à partir du moment de l'opération : car après ce laps de temps il faut sans plus tarder purifier le vin, et gratter ou essuyer la lie qui se sera attachée aux bords ou aux parois des vases, et placer immédiatement les couvercles qui devront être lutés.
Si vous voulez vous servir de la même pdix pour toute votre vendange, de manière qu'on ne puisse reconnaître au goût du vin s'il est poissé, il suffira, lorsque le moût aura bouilli et qu'il aura été purgé de ses lies, d'y mêler six scrupules de poix par quarante-cinq setiers de liqueur.

[3] Au reste, il faudra ajouter dans cette quantité de moût une demi-once de sel grillé et égrugé. Ce n'est pas seulement dans le vin de ce genre qu'il faut mettre du sel, mais, si on le peut, on salera au même degré toute espèce de vin, et en tout pays, parce que cette pratique l'empêche de contracter le goût de moisi.

De pice Numeturica ad conditoras.

XXIV. [1] Pix Nemeturica in Liguria conficitur. Ea deinde, ut fiat condituris idonea, aqua marina quam longissime a litore de pelago sumenda est, atque in dimidiam partem decoquenda. Quae quum in tantum refrixerit, quantum ne contacta corpus urat, partem aliquam eius, quae satis videbitur, praedictae pici immiscebimus, et diligenter lignea spatha, vel etiam manu peragitabimus, ut, si quid inest vitii, eluatur.

[2] Deinde patiemur picem considere, et quum siderit, aquam eliquabimus; postea bis aut ter ex reliqua parte aquae decoctae tamdiu lavabimus, et subigemus eam, donec rutila fiat. Tum eliquatam in sole quattuordecim diebus patiemur esse, ut, quisquis ex aqua humor remansit assiccetur; noctibus autem vas tegendum erit, ne irroretur. Quum hoc modo picem praeparaverimus, et vina, quum iam bis deferbuerint, condire voluerimus, in musti sextarios octo et quadraginta, cyathos duos picis praedictae sic adiciemus.

[3] Ex ea mensura, quam condituri sumus, sextarios duos musti sumere oportebit, deinde ex his sextariis in picis sextantem paulatim mustum infundere, et manu tamquam mulsum subigere, quo facilius coeat. Sed ubi toti duo sextarii cum pice coierint, et quasi unitatem fecerint, tum eosdem in id vas, unde sumpseramus, perfundere, et ut permisceatur medicamen, rutabulo ligneo peragitare conveniet.

De la poix néméturique pour les condiments.

XXIV. [1] La poix néméturique se prépare en Ligurie. Pour la rendre propre aux condiments, on prend de l'eau de mer le plus loin qu'il est possible du rivage, et on la fait réduire à la moitié par l'ébullition. Quand elle est refroidie au point de ne pas brûler la partie du corps qu'on y plonge, on mêle une quantité suffisante avec la poix dont nous venons de parler, et on l'agite soit avec une spatule de bois, soit même avec la main, pour on retirer les ordures qui pourraient s'y trouver.

[2] Ensuite on laisse la poix se précipiter, et, quand elle est tombée au fond, on décante l'eau; puis, avec le reste de l'eau réduite, on la lave quelque temps, et on la manie jusqu'à ce qu'elle soit devenue rougeâtre Alors, après l'avoir tirée au clair, on la laisse quatorze jours exposée au soleil, afin qu'elle se débarrasse de l'humidité que l'eau y a laissée; mais on doit couvrir le vase pendant la nuit, afin qu'il ne reçoive pas de rosée. Après avoir préparé la poix de cette manière, si l'on voulait assaisonner son vin, on y mettrait, après l'avoir fait bouillir deux fois, deux cyathes de cette poix sur quarante-huit setiers de moût.

[3] De cette quantité que l'on doit travailler, il faut prendre deux setiers et les verser peu à peu sur deux onces de poix, que l'on doit pétrir à la main, comme on le fait pour le vin miellé, afin qu'elle s'incorpore plus facilement. Lorsque les deux setiers de vin seront tota¬lement mêlés avec la poix, et ne feront pour ainsi dire qu'une seule substance, il conviendra de les verser dans le vaisseau d'où on les avait tirés, et d'agiter le tout avec un râble de bois, afin de bien mélanger la préparation.

De aqua salsa vel muria ad vina condienda.

XXV. [1] Quoniam quidam, immo enim fere omnes Graeci, aqua salsa vel marina mustum condiunt, eam quoque partem curae non omittendam putavi. In mediterraneo, quo non est facilis aquae marinae invectio, sic erit ad condituras conficienda muria.

[2] Huic rei maxime est idonea caelestis aqua; si minus, ex fonte liquidissimo profluens;  harum ergo alterutram curabis quam plurimam, et quam optimis vasis conditam ante quinquennium in sole ponere. Deinde quum computruerit, tamdiu pati, donec ad pristinum modum perveniat; quod quum factum fuerit, alia vasa habeto, et in ea sensim aquam eliquato, donec ad faecem pervenias; semper enim in requieta aqua crassamen aliquod in imo reperitur.

[3] Sic curata quum fuerit, in modum defruti ad tertias decoquenda est. Adiiciuntur autem in aquae dulcis sextarios quinquaginta, salis sextarius, et mellis optimi unus sextarius; haec pariter decoqui, et omnem spurcitiam expurgari oportet; deinde quum refrixerit, tum quantumcumque humoris est, tantum in amphoram musti portionem adiici.

[4] Quod si ager maritimus est, silentibus ventis de alto quam quietissimo mari sumenda est aqua, et in tertiam partem decoquenda, adiectis, si videbitur, aliquibus aromatis ex iis, quae supra retuli, ut sit odoratior vini curatio. Mustum autem antequam de lacu tollas, vasa rore marino, vel lauro, vel myrto subfumigato, et large repleto, ut in effervescendo vinum se bene purget; postea vasa nucibus pineis suffricato.

[5] Quod vinum volueris dulcius esse, postero die; quod austerius, quinto die, quam sustuleris, condire oportebit, et ita supplere, et oblinire vasa. Nonnulli etiam suffumigatis seriis prius condituram addunt, et ita mustum infundunt.

De l'eau salée ou saumure pour assaisonner les vins.

XXV. [1] Quelques Grecs, je dirai même presque tous, préparant leur moût avec de l'eau salée ou avec de la saumure, j'ai cru devoir ne pas omettre cette partie de l'économie rurale. Dans l'intérieur des terres où il n'est pas facile de transporter de l'eau de la mer, voici comment on préparera la saumure pour les condiments.

[2] L'eau de pluie est la plus propre à cette composition, sinon celle qui coule d'une fontaine très limpide. Vous aurez soin, cinq ans d'avance, d'exposer au soleil une forte quantité de l'une ou de l'autre de ces eaux dans des vases bien choisis; puis, lorsqu'elle se sera corrompue, vous lui donnerez le temps de revenir à son premier état. Quand cette dépuration se sera opérée, prenez d'autres vases, et décantez-y peu à peu cette eau jusqu'à ce que vous soyez arrivé au sédiment : car on trouve toujours quelque crasse au fond des vases où l'eau s'est reposée.

[3] Traitée ainsi, on la réduit au tiers par l'ébullition, comme on le fait pour le vin cuit. Alors on mêle, dans cinquante setiers de cette eau douce, un setier de sel et autant d'excellent miel; puis on fait bouillir encore le mélange et on en retire toutes les ordures. Quand cette composition est refroidie, on verse ce qui en reste dans une amphore de moût.

[4] Si le vignoble est situé sur une côte maritime, il faudra, quand les vents ne souffleront pas et que la mer sera calme, puiser loin du rivage de l'eau qu'on fera réduire au tiers par l'ébullition, en y ajoutant, si on le juge à propos, et pour que la préparation de ce vin ait plus de bouquet, quelques-uns des aromates dont j'ai parlé plus haut. Avant de tirer le moût des cuviers, vous parfumerez les vases avec du romarin, du laurier et du myrte, et vous les remplirez entièrement, afin que le vin se purge parfaitement dans l'ébullition ; puis vous frotterez ces vases avec des pignons de pin.

[5] Il faut assaisonner le vin le lende¬main du jour où on l'aura tiré de la cuve, si on veut qu'il ait de la douceur, et le cinquième jour après, s'il convient de l'avoir plus âpre. On remplit les vases à mesure qu'ils se réduisent, et on les bouche. Quelques personnes aussi mettent le condiment dans les vases qu'ils ont parfumés, et y versent le moût.

Remedia acescentis vini.

XXVI. [1] In quo agro vinum acescere solet, curandum est, ut, quum uvam legeris et calcaveris, priusquam vinacea torculis exprimantur, mustum in corbem defundas, et aquae dulcis puteanae, ex eodem agro partem decimam adiicias, et coquas, donec ea aqua, quam adieceris, decocta sit. Postea quum refrixerit, in vasa defundas, et operias, et oblinas : ita diutius durabit, et detrimenti nihil fiet.

[2] Melius est, si veterem servatam compluribus annis aquam addideris, longeque melius, si aquae nihil addideris, et decimam musti decoxeris, frigidumque in vasa transtuleris, et si in sextarios VII musti heminam gypsi miscueris, posteaquam decoctum refrixerit. Reliquum mustum, quod in vinaceis fuerit expressum, primo quoque tempore absumito, aut aere commutato.

Remèdes pour le vin qui tourne à l'aigre.

XXVI. [1] Dans les vignobles où le vin a coutume de tourner à l'aigre, il faut avoir soin, quand on a cueilli et foulé le raisin, avant de soumettre le marc à l'action du pressoir, de passer le moût dans une corbeille, et d'y verser un dixième d'eau douce d'un puits, creusé sur le terrain même, et de le faire bouillir jusqu'à évaporation d'une quantité égale à celle de l'eau ajoutée. Ensuite, quand la liqueur sera refroidie, on la versera dans des vases, que l'on couvrira et qu'on lutera. Par ce moyen le vin se conserve longtemps et n'éprouve pas d'altération.

[2] Il vaut mieux employer de vieille eau conservée depuis plusieurs années, et il est préférable encore de ne pas se servir d'eau, de faire bouillir le moût jusqu'à réduction d'un dixième, de le verser dans un vaisseau, et de jeter une hémine de gypse sur sept setiers de moût, quand il est refroidi. Quant au reste du moût que l'on aura ex-primé du marc, il faut le consommer sans retard, ou le vendre.

De vino dulci faciendo.

XXVII. [1] Vinum dulce sic facere oportet: Uvas legito; in sole per triduum expandito; quarto die, meridiano tempore, calidas uvas proculcato; mustum lixivum, hoc est, antequam prelo pressum sit, quod in lacum musti fluxerit, tollito. Quum deferbuerit, in sextarios quinquaginta irim bene pinsitam, nec plus unciae pondere addito, vinum a faecibus eliquatum diffundito. Hoc vinum erit suave, firmum, corpori salubre.

De la manière de faire du vin doux.

XXVII. II faut faire ainsi le vin doux : Cueillez des raisins; exposez-les durant trois jours au soleil; le quatrième jour, à l'heure de midi, foulez vos grappes toutes chaudes; enlevez, de la cuve où il a coulé, le vin de mère goutte, c'est-à-dire celui que l'on obtient avant que le raisin ait été soumis au pressoir. Quand il aura cessé de bouillir, mêlez-y pour cinquante setiers une once au plus d'iris bien pilé, et entonnez-le après l'avoir bien dégagé de sa lie. Ce vin sera agréable, fort et salutaire pour le corps.

De aliis salubribus conditurarum generibus.

XXVIII. [1] Alia medicaminum genera vini condituris et firmitati aptissima sic facito : Irim quam candidissimam pinsito, faenum Graecum vetere vino macerato; deinde in sole exponito, aut in furno, ut siccescat; tum commolito minutissime. Item odoramenta trita, id est irim cribratam, quae sit instar pondo quincuncem et trientem, faeni Graeci pondo quincuncem et trientem, schoeni pondo quincuncem in unum permisceto; tum in serias singulas, quae sint amphorum septenum, addito medicaminis pondo unciam, scripula octo;

[2] gypsi, quum ex locis palustribus mustum erit, in singulas ternas heminas; quum de novellis vineis erit, sextarium; quum de veteribus et locis siccis, heminas singulas adiicito. Tertio die quam calcaveris, condituram infundito, sed antequam condias, musti aliquantum in seriam de seria transferto, ne in condiendo cum medicamento effervescat, et fluat.

[3] Sic autem curatum gypsum et medicamentum in labello permisceto, quantum seriis singulis fuerit necessarium, idque medicamentum musto diluito, et ipsa ad serias addito, et permisceto : quum deferbuerit, statim repleto et oblinito. Omne vinum quum condieris, nolito statim diffundere, sed sinito in dolis quiescere; postea quum de doliis aut de seriis diffundere voles, vere, florente rosa, defaecatum quam liquidissimum in vasa bene picata et pura transferto.

[4] Si in vetustatem servare voles, in cado duarum urnarum quam optimi vini sextarium, aut faecis generosae recentis sextarios tres addito : aut si vasa recentia, ex quibus vinum exemptum sit, habebis, in ea confundito. Si horum quid feceris, multo melius et firmius erit vinum; etiam, si bonos odores addideris, omnem malum odorem et saporem prohibueris : nam nulla res alienum odorem celerius ad se ducit quam vinum.

Autres espèces de condiments bons pour la santé.

XXVIII. [1] Faites comme il suit les autres espèces de condiments pour assaisonner et fortifier le vin : Pilez de l'iris le plus blanc; faites macérer, dans du vin vieux, du fenugrec, que vous exposez ensuite au soleil ou au four pour qu'il se dessèche; alors broyez-le bien menu. Après cette opération vous mêlerez ensemble des aromates pulvérisés, tels que de l'iris passé au tamis à la dose de neuf onces, autant de fenugrec et cinq onces de schoenum. Alors ajoutez, par chaque cruche de sept amphores, une once et huit scrupules de cette mixtion

[2] et trois hémines de gypse, si le moût provient de terres humides; un setier, s'il est tiré de jeunes vignes, et seulement une hémine, s'il a été donné par de vieilles vignes plantées eu terrain sec. Trois jours après avoir foulé le raisin, versez le condiment; mais, avant de l'employer, tirez un peu de moût du vaisseau dans lequel vous opérez, pour le déposer dans un autre, afin qu'il ne s'en répande pas quand il bouillira avec la mixtion.

[3] Ainsi mélangez dans un bassin du gypse broyé et des autres ingrédients, autant qu'il en faudra pour chaque vaisseau; puis délayez-les dans le moût; versez-les dans des cruches, et opérez-en le mélange. Quand le tout sera en ébullition, remplissez-en vos vaisseaux, et bouchez-les. Lorsque vous assaisonnerez du vin, ne le versez pas aussitôt dans vos vaisseaux, mais laissez-1e reposer dans les premiers vases; lorsque ensuite vous voudrez le décanter des tonneaux ou des cruches, à l'époque du printemps, lors de la floraison des roses, transvasez-le parfaitement purgé de lies et très clair dans des vaisseaux bien poissés et bien nets.

[4] Si vous désirez le conserver longtemps, ajoutez-y, dans une futaille de deux urnes, un setier d'excellent vin, ou trois setiers de lie d'un vin généreux et nouveau, ou bien, si vous avez des vaisseaux qui soient vides depuis peu de temps, versez-y votre liqueur. Quelle que soit celle de ces méthodes que vous emploirez, votre vin y gagnera de la bonté et de la durée. Si d'ailleurs vous y mêlez des aromates agréables, vous en chasserez toutes les mauvaises odeurs et la saveur fâcheuse; car aucune substance ne se pénètre plus promptement des odeurs étrangères que ne le fait le vin.

Quemadmodum mustum semper dulce tamquam recens permaneat.

XXIX. [1] Mustum ut semper dulce tamquam recens permaneat, sic facito: Antequam prelo vinacea subiciiantur, de lacu quam recentissimum addito mustum in amphoram novam, eamque oblinito, et impicato diligenter, ne quidquam aquae introire possit; tunc in piscinam frigidae et dulcis aquae totam amphoram mergito ita, ne qua pars exstet : deinde post dies quadraginta eximito, sic usque in annum dulce permanebit.

Par quel procédé le mout peut se maintenir toujours aussi doux que lorsqu'il est nouveau.

XXIX. [1] Pour que le moût reste toujours aussi doux que dans sa nouveauté, usez du procédé suivant : Avant de soumettre le marc à l'action du pressoir, tirez de la cuve, dans une amphore neuve, le moût le dernier écoulé; bouchez-Ia, enduisez-la de poix avec beaucoup de soin, pour qu'il ne puisse pas s'y introduire d'humidité. Alors plongez-la en son entier dans une piscine d'eau froide et douce, de manière qu'aucune portion du vase ne soit à découvert; ensuite, au bout de quarante jours, retirez l'amphore. Par ce moyen la liqueur se maintiendra douce toute une année.

Optima vini curatio, et remedia languentis vini.

XXX. [1] Ab eo tempore, quo primum dolia operculaveris, usque ad aequinoctium vernum semel in diebus XXXVI vinum curare satis est, post aequinoctium vernum bis; aut, si vinum florere incipiet, saepius curare oportebit : ne flos eius pessum eat, et saporem vitiet. Quanto maior aestus erit, eo saepius convenit vinum nutriri refrigerarique, et ventilari : nam quamdiu bene frigidum erit, tamdiu recte manebit.

[2] Labra vel fauces doliorum semper suffricari nucibus pineis oportebit, quotiens vinum curabitur. Si qua vina erunt duriora, aut minus bona, quod agri vitio aut tempestate sit factum, sumito faecem vini boni, et panes facito, et in sole arefacito et coquito in igne; postea terito, et pondo quadrantem amphoris singulis infricato, et oblinito, bonum fiet.

Bons soins à donner au vin, et remèdes pour ses maladies.

XXX. [1] Du moment où vous aurez bouché vos vaisseaux, il suffit de visiter le vin une fois tous les trente-six jours, jusqu'à l'équinoxe du printemps, et deux fois après cette époque. Mais, si le vin commence à se couvrir d'efflorescences, il est nécessaire de lui donner des soins plus fréquemment, de peur que cette maladie n'aille en empirant, et n'altère le goût de la liqueur. Plus l'été sera chaud, plus souvent il convient de rafraîchir le vin, de le nourrir et de lui procurer de l'air : car, tant qu'il se maintiendra bien frais, il offrira des gages de durée. Toutes les fois qu'on soignera le vin, il faudra avec des pignons de pommes de pin frotter l'ouverture ou les rebords du vaisseau. Dans le cas où quelques vins seraient durs, ou de qualité inférieure, soit par l'effet d'un terrain ingrat, soit en raison des mauvais temps, prenez de la lie d'un bon vin, composez-en des houlettes, sèchez-les au soleil, et faites-les cuire au feu ; puis broyez-les, frottez l'intérieur de chaque amphore avec trois onces de cette substance, et boucliez hermétiquement : votre vin s'améliorera.

Si quod animal in mustum ceciderit et interierit remedia.

XXXI. [1] Si quod animal in mustum ceciderit, et interierit, uti sepens, aut mus, sorexve, ne mali odoris vinum faciat, ita ut repertum corpus fuerit, id igne adoleatur, cinisque eius in vas, quo deciderat, frigidus infundatur, atque rutabulo ligneo permisceatur. Ea res erit remedio.

Remèdes pour le cas où un petit animal serait tombé dans le moût et y serait mort.

XXXI. [1] Si quelque animal, tel qu'un serpent, un rat ou une souris, est tombé et a péri dans le moût, il faudra, pour qu'il ne donne pas mauvaise odeur au vin, brûler au foyer son corps dans l'état où vous l'aurez trouvé, et en jeter la cendre refroidie dans la vase où il s'est noyé, et l'y mélanger avec un râble de bois. Cette opération servira de remède.

Vinum ex marrubio.

XXXII. [1] Vinum marruvii multi utile putant ad omnia intestina vitia, et maxime ad tussim. Quum vindemiam facies, marrubii caules teneros, maxime de locis incultis et macris legito, eosque in sole siccato; deinde fasciculos facito, et tomice palmea aut iuncea ligato, et in seriam mittito, ita ut vinculum exstet; in musti dulcis sextariis CC, marrubii libras VIII adiicito, ut simul cum musto defervescat; postea eximito marrubium, et purgatum vinum diligenter oblinito.

Vin de marrube.

XXXII. [1] Beaucoup de personnes considèrent le vin de marrube comme utile à la guérison de toutes les maladies internes, et principalement de la toux. Quand vous ferez la vendange, cueillez des tiges tendres de marrube, surtout dans les lieux incultes et maigres, et faites-les sécher au soleil; mettez-les en bottes que vous lierez avec une corde de palmier ou de jonc; placez-les dans un vaisseau de manière que le lien surnage; jetez dans deux cents se-tiers de moût très-doux huit livres de marrube, pour les faire bouillir ensemble; ensuite retirez le marrube, et, après avoir tiré le vin au clair, bouchez-le soigneusement.

Vinum scilliten ut condire oporteat.

XXXII. [1] Vinum scilliten ad concoquendum, et ad corpus reficiendum, itemque ad veterem tussim, et ad stomachum hoc modo condire oportet: Primum ante dies quadraginta, quam vinum voles vindemiare, scillam legito, eamque secato quam tenuissime, sicut raphani radicem, taleolasque sectas suspendere in umbra, ut assiccentur; deinde quum aridae erunt, in musti Aminei sextarios XLVIII, scillae aridae adde pondo libram, eamque inesse patere diebus XXX, postea eximito, et defaecatum vinum in amphoras bonas adiicito.

[2] Alii scribunt, in musti sextarios XLVIII, scillae aridae pondo libram, et quadrantem adiici oportere; quod et ipsum non improbo.

Comment il faut préparer le vin de scille.

XXXIII. [1] On doit préparer ainsi qu'il suit le vin de scille qui sert à faciliter la digestion, à rétablir les forces, à guérir la toux et à fortifier l'estomac D'abord, quarante jours avant de procéder à la vendange, cueillez la scille, coupez-la par tranches très menues, comme on fait pour les racines de raifort; suspendez ces rouelles à l'ombre, afin qu'elles s'y dessèchent ; ensuite, quand leur dessiccation sera complète, jetez dans quarante-huit setiers de vin doux d'Aminée une livre de scille sèche; laissez-l'y séjourner trente jours, ensuite retirez-la et versez votre vin, tiré au clair, clans deux amphores.

[2] D'autres cultivateurs prescrivent de mettre une livre et un quart de scille sèche dans les quarante-huit setiers de moût; dose que j'approuve volontiers.

De aceto scillitico.

XXXIV. [1] Hoc ipsum scillae pondus, quod supra, in aceti duas urnas adiiciunt, et per XL dies inesse patiuntur, qui scilliticum acetum facere volunt. Ad embammata, in tres amphoras musti mittis aceti acris congium, aut duplum, si non est acre; et in ollam, quae fert amphoras tres, decoquis ad palmum, id est ad quartas aut, si non est dulce mustum, ad tertias : despumatur; sed mustum desub massa et limpidum sit.

Du vinaigre scillitique.

XXIV. [1] Ceux qui veulent faire du vinaigre de scille, en mettent une livre et un quart, comme je l'ai dit, dans deux urnes de vinaigre, et l'y laissent infuser pendant quarante jours. Pour obtenir une sauce forte, vous mettrez sur trois amphores de moût un conge de fort vinaigre, ou le double, s'il n'a pas beaucoup d'acidité; vous ferez bouillir le tout dans une marmite de la contenance de trois amphores, jusqu'à l'abaissement d'un palme, c'est-à-dire jusqu'à réduction d'un quart ou d'un tiers, si le moût n'est pas très doux. Vous écumerez. Au surplus, le moût doit être du premier tiré et être bien limpide.

Vinum absinthiten, hyssotiten, abroniten, et reliquarum notarum, quomodo condire oporteat.

XXXV. [1] Vinum absinthiten, et hyssopiten, et abrotoniten, et thymiten, et marathriten, et glechoniten sic condire oportet: Pontici absinthii pondo libram cum musti sextariis IV decoque usque ad quartam; reliquum quod erit, id frigidum adde in musti Aminei urnam. Idem ex reliquis rebus, quae suprascripta sunt, facito. Possunt etiam puleii aridi tres librae cum congio musti ad tertias decoqui, et, quum refrixerit liquor, exempto puleio in urnam musti adiici : idque mox tussientibus per hiemem recte datur : vocaturque vini nota glechonites.

Comment il faut préparer l'absinthite, l'hysopite, l'abrotonite et les autres vins de cette espèce.

XXXV. [1] Voici la recette des vins soit d'absinthe, soit d'hysope, soit d'aurone, soit de thym, soit de fenouil, soit de pouliot : Faites bouillir jusqu'à réduction d'un quart une livre d'absinthe du Pont avec quatre setiers de moût ; puis versez les trois quarts restants, quand ils seront refroidis, dans une urne de moût d'Aminée.
Opérez de même pour les autres plantes que j'ai désignées ci-dessus. On peut aussi faire une décoction, que l'on réduira d'un tiers, de trois livres de pouliot sec dans un conge de moût; et, quand la liqueur est refroidie, on la verse dans une urne de vin doux, après avoir retiré le pouliot. On peut donner de suite cette préparation avec succès pendant l'hiver aux personnes affectées de toux. Cette espèce de vin se nomme gléchonite.

De musto tortivo.

XXXVI. [1] Mustum tortivum est, quod post primam pressuram vinaeceorum circumciso pede exprimitur. Id mustum coniicies in amphoram novam, et implebis ad summum; tum adiicies ramulos roris marini aridi lino colligatos, et patieris una defervescere per dies septem; deinde eximes ramulorum fasciculum, et purgatum diligenter vinum gypsabis. Sat erit autem rorismarini sesquilibram in duas urnas musti adiicere. Hoc vino post duos menses possis pro remedio uti.
 

Du vin de taille.

XXXVI. [1] On appelle vin de taille, celui qu'on exprime, après la première pression du marc, de sa motte retaillée sur toutes ses faces. Remplissez jusqu'au bord avec ce moût une amphore neuve; jetez-y des rameaux de romarin desséchés et liés en bottes avec du fil de lin, et laissez-les fermenter ensemble pendant sept jours. Ensuite retirez ces bottes, et lutez avec du plâtre votre vin tiré au clair. Il suffira de mettre une demi-livre de romarin dans deux urnes de moût. Au bout de deux mois vous pouvez employer ce vin comme remède.

Vinum simile Graeco facere.

XXXVII. [1] Uvas praecoquas quam maturissimas legito, easque per triduum in sole siccato, quarto die calcato, et mustum, quod nihil habeat ex tortivo, coniicito in seriam, diligenterque curato, ut, quum deferbuerit, faeces expurgentur; deinde, quinto die, quum purgaveris mustum, salis cocti et cribrati duos sextarios, vel, quod est minimum, adiicito unum sextarium in sextarios musti XIIXI. Quidam etiam defruti sextarium miscent; nonnulli etiam duos adiiciunt, si existimant vini notam parum esse firmam.

Composition d'on vin semblable au vin grec.

XXXVI.I [1] Cueillez des raisins précoces, les plus mûrs que vous trouverez; laissez-les sécher au soleil pendant trois jours; foulez-les le quatrième; versez dans une cruche le moût non mélangé de vin de taille, et ayez grand soin, dès qu'il cessera de bouillir, de le purger de sa lie; ensuite, le cinquième jour, vous ajouterez à ce moût bien clarifié deux setiers, ou au moins un, de sel torréfié et tamisé, pour quarante-neuf setiers de ce vin. Quelques personnes y mêlent un setier de vin cuit; d'autres en versent même deux, si elles doutent que leur viii puisse se conserver.

Vinum myrtitem quomodo facias.

XXXVIII. [1] Vinum myrtitem ad tormina, et ad alvi proluviem, et ad inbecillum stomachum sic facito. Duo genera sunt myrti, quorum alterum est nigrum, alterum album. Nigri generis bacae, quum sunt maturae, leguntur, et semina earum eximuntur, atque ipsae sine seminibus in sole siccantur, et in fictili fidelia sicco loco reponuntur.

[2] Deinde per vindemiam ex vetere arbusto, vel si id non est, ex vetustissimis vineis Amineae bene maturae uvae sole calido leguntur, et ex his mustum adiicitur in seriam, et statim primo die, antequam id ferveat, baccae myrti, quae fuerant repositae, diligenter conteruntur, et totidem earum librae contusarum appenduntur, quot amphorae condiri debent : tum exiguum musti sumitur ex ea seria, quam medicaturi sumus, et tamquam farina conspargitur, quidquid contusum et appensum est. Post haec complures ex ea massulae fiunt, et ita per latera seriae in mustum demittuntur, ne altera offa super alteram perveniat.

[3] Quum deinde bis mustum deferbuerit et bis curatum est, rursus eodem modo, et tantundem ponderis baccae, sicut supra dixi, contunditur : nec iam, ut prius, massulae fiunt, sed in labello mustum de eadem seria sumitur, praedicto ponderi permiscetur, sicut sit instar iuris crassi. Quod quum est permixtum, in eamdem seriam confunditur, et rutabulo ligneo peragitatur.

[4] Deinde post nonum diem, quam id factum est, vinum purgatur, et scopulis aridae myrti seria suffricatur, operculumque superponitur, ne quid eo decidat. Hoc facto, post septimum diem rursus vinum purgatur, et in amphoras bene picatas et bene olidas diffunditur; sed curandum est ut, quum diffundis, liquidum et sine faece diffundas.

[5] Vinum aliud myrtiten, sic temperato : Mel Atticum ter infervere facito, et totiens despumato; vel si Atticum non habueris, quam optimum mel eligito, et quater vel quinquies despumato : nam quanto est deterius, tanto plus habet spurcitiae. Quum deinde mel refrixerit, baccas albi generis myrti quam maturissimas legito, et perfricato, ita ne interiora semina conteras.

[6] Mox fiscello ligneo inclusas exprimito, sucumque earum, qui sit sextariorum sex, cum mellis decocti sextario immisceto, et in lagunculam diffusum oblinito; sed hoc mense decembri fieri debebit, quo fere tempore matura sunt myrti semina ; custodiendumque erit, ut, antequam baccae legantur, si fieri potest, septem diebus; sin autem, ne minus triduum serenum fuerit, aut certe non pluerit, et ne rorulentae legantur, cavendum.

[7] Multi nigram vel albam myrti baccam, quum iam maturuit, destringunt, et duabus horis eam, quum paululum in umbra expositam siccaverunt, proterunt, ita ut, quantum fieri potest, interiora semina integra permaneant. Tum per lineum fiscum, quod protriverant, exprimunt, et per colum iunceum liquatum sucum lagunculis bene picatis condunt, neque melle, neque alia re ulla inmixta. Hic liquor non tam est durabilis, sed quamdiu sine noxa manet, utilior est ad valitudinem, quam alterius myrtitis notae compositio.

[8] Sunt, qui hunc ipsum expressum sucum, si sit eius copiosior facultas, in tertiam partem decoquant, et refrigeratum picatis lagunculis condant. Sic confectum diutius permanet; sed quod non decoxeris, poterit innoxium durare biennio, si modo munde et diligenter id feceris.

Comment on fait le vin myrtite.

XXXVIII. [1] Préparez ainsi qu'il suit le vin de myrte pour guérir les coliques, la diarrhée et les faiblesses d'estomac. Il y a deux espèces de myrte, dont l'un est noir et l'autre blanc. On cueille les baies de l'espèce noire lorsqu'elles sont mûres; on en retire les semences, et quand elles en sont dépouillées, on les fait sécher au soleil; puis on les dépose en lieu sec dans une cruche de terre cuite.

[2] Ensuite, à l'époque des vendanges, on cueille à la plus grande ardeur du soleil des grappes bien mûres de raisin d'Aminée sur un vieux cépage de vignes mariées à l'ormeau, ou, si l'on n'en a pas, sur les plus anciennes vignes que l'on ait; on verse le moût qui en pro-vient dans une cruche, et aussitôt, dès le premier jour, avant toute fermentation, on écrase avec soin les baies de myrte qu'on avait conservées : on en pèse dans cet état autant de livres qu'on doit assaisonner d'amphores de vin ; alors on prend dans la cruche où l'on doit faire la mixtion, une petite quantité de moût, et de ces baies pulvérisées et pesées on saupoudre la liqueur comme avec de la farine. Ensuite on en fait plusieurs boulettes, et on les fait glisser dans le moût le long des parois de la cruche, afin qu'elles ne s'entassent pas les unes sur les autres.

[3] Après cette opération, dès que le moût aura jeté deux bouillons de fermentation, et que deux fois on l'a soigné, on recommence de la même manière à pulvériser le même poids de haies que j'ai indiqué ci-dessus; mais on n'en forme plus de boulettes : on prend seulement dans un bassin du moût de la même cruche; on le mélange avec la quantité prescrite plus haut de manière à en faire une sorte de bouillon épais. Quand cette mixtion est faite, on le reverse dans la cruche en l'agitant avec un râble de bois.

[4] Neuf jours après cette opération, on purge le vin de toute ordure; on frotte les vases avec des balais de myrte sec; puis on y place les couvercles, pour que rien ne tombe dans le liquide. Cela étant fait, on purge encore le vin sept jours après, et on le verse dans des amphores bien enduites de poix et bien parfumées; mais il faut avoir soin en transvasant de ne laisser couler que la liqueur claire et sans lie.

[5] On obtient un autre vin de myrte par le procédé suivant : Faites jeter trois bouillons à du miel de l'Attique, et écumez-le autant de fois; ou, à défaut de ce dernier, choisissez du miel d'excellente qualité, dont vous enlèverez les écumes à quatre ou cinq reprises : car, moins il est bon, plus il produit d'ordure. Quand le miel sera refroidi, prenez les baies de myrte de l'espèce blanche, les plus mûres que vous trouverez, et écrasez-les de manière à ne pas broyer les semences qu'elles renferment.

[6] Après avoir placé ces baies dans une corbeille de bois, vous en exprimerez le suc, dont vous mélangerez six setiers avec un setier de miel cuit; puis vous verserez le tout dans une fiole que vous luterez, C'est dans le mois de décembre qu'on doit faire cette préparation, parce qu'alors presque toujours les semences de myrte ont atteint leur maturité. Il faudra veiller à ce qu'avant la récolte de ces baies, il se soit écoulé sept jours, s'il est possible, ou tout au moins trois d'un temps serein, et surtout à ce qu'il n'ait pas plu, et à ce qu'elles ne soient pas même couvertes de rosée.

[7] Beaucoup de personnes récoltent les fruits du myrte, soit blanc, soit noir, lorsqu'ils sont mûrs, puis les font un peu sécher à l'ombre pendant deux heures, et les broient de manière à laisser entières, autant que faire se peut, les semences qui y sont contenues. Alors à travers un tamis de lin. elles expriment le suc de ce qu'elles ont broyé, et, après l'avoir épuré dans un couloir de jonc, elles le conservent dans des fioles bien poissées, sans y joindre ni miel ni autres ingrédients. Cette liqueur se conserve peu ; mais, tant qu'elle se maintient sans altération, elle est meilleure, pour la santé que la composition de toute autre espèce de myrtit.e.

[8] Il y a des cultivateurs qui, lorsqu'ils en ont en abondance, font réduire ce suc à un tiers, en le soumettant à l'ébullition, et, lorsqu'il est refroidi, le mettent dans des fioles poissées. Ainsi préparé, il est de longue garde; quant à celui qui n'a pas subi de cuisson, il pourra se conserver deux ans sans s'altérer, pourvu qu'il ait été fait proprement et avec soin.

Passum quemadmodum fiat.

XXXIX. [1] Passum optimum sic fieri Mago praecipit, ut et ipse feci. Uvam praecoquem bene maturam legere, acina mucida aut vitiosa reiicere; furcas, vel palos, qui cannas sustineant, inter quaternos pedes figere, et perticis iugare : tum insuper cannas ponere, et in sole pandere uvas, et noctibus tegere, ne irrorentur. Quum deinde exaruerint, acina decerpere, et in dolium aut in seriam coniicere, eodem mustum quam optimum, sic ut grana summersa sint, adiicere : conbiberint uvae, seque impleverit, sexto die in fiscellam conferre et prelo premere, passumque tollere.

[2] Postea vinaceos calcare, adiecto recentissimo musto, quod ex aliis uvis factum fuerit, quas per triduum insolaveris : tum permiscere, et subactam brisam prelo subiicere; passumque secundarium statim vasis oblitis includere, ne fiat austerius; deinde post viginti vel triginta dies, quum deferbuerit, in alia vasa deliquare, et confestim opercula gypsare et pelliculare.

[3] Passum, si ex uva Apiana facere volueris, uvam Apianam integram legito; acina corrupta purgato et secernito, postea in perticis suspendito; perticae uti semper in sole sint, facito; ubi satis corrugata erunt acina, demito, et sine scopionibus in dolium coniicito, pedibusque bene calcato. Ubi unum tabulatum feceris, vinum vetus conspergito, postea alterum supercalcato, et item vinum conspergito; eodem modo tertium calcato, et infuso vino ita superponito, ut supernaret, et sinito dies quinque; postea pedibus proculcato, et in fiscina nova uvas premito.

[4] Quidam aquam caelestem veterem ad hunc usum praeparant, et ad tertias decoquunt. Deinde quum sic uvas, ut supra scriptum est, passas fecerunt, decoctam aquam pro vino adiiciunt, et cetera similiter administrant. Hoc, ubi lignorum copia est, vilissime constat, et est in usu vel dulcius, quam superiores notae passi.

Comment on confectionne le vin de raisins séchés au soleil.

XXXIX. [1] Magon conseille de faire, comme il suit, le vin de raisins séchés au soleil, et c'est ainsi que j'en ai fait moi-même. Cueillir bien mûres les grappes de raisins précoces; rejeter les grains secs ou altérés; ficher en terre, à la distance de quatre pieds, pour supporter des roseaux, des fourches ou des pieux qu'on unira en forme de joug avec des perches : les roseaux posés dessus, y étendre au soleil les raisins, les couvrir la nuit pour que la rosée ne les humecte pas. Quand ils seront desséchés, détacher les grains et les jeter dans un tonneau ou dans une cruche, ajouter d'excellent moût jusqu'à ce qu'il recouvre les raisins : au bout de six jours, lorsqu'ils auront bu le liquide et s'en seront gonflés, les mettre dans un cabas, les soumettre à l'action du pressoir et recueillir le vin;

[2] ensuite fouler le marc, en y ajoutant du moût tout frais, qu'on aura obtenu d'autres raisins restés au soléil durant trois jours; alors mêler et mettre sous la presse ce marc, et sans retard renfermer dans des vaisseaux lutés ce second vin pour qu'il ne prenne pas trop d'âpreté; puis, vingt ou trente jours après, quand il aura cessé de bouillir, le tirer au clair dans d'autres vases; aussitôt plâtrer les couvercles et les recouvrir d'une peau.

[3] Si on se propose de faire du vin avec du raisin muscat séché au soleil, cueillez-en bien saine la grappe que vous dégagez des grains gâtés; mettez-la à part, puis suspendez-la sur les perches. Ayez soin que ces perches soient sans cesse exposées au soleil. Dès que les grains seront suffisamment flétris, détachez-les; jetez-les sans la rafle dans un tonneau, et foulez-les fortement. Quand vous aurez fait votre première assise de marc, vous l'arroserez de vin vieux ; puis vous foulerez de quoi en dresser une autre, que vous arroserez comme la première; vous foulerez de même une troisième assise, et vous l'étendrez sur les autres et verserez dessus du vin, jusqu'à ce qu'il la recouvre : après quoi vous laisserez le tout reposer cinq jours, espace de temps après lequel vous foulerez de nouveau et vous presserez dans un cabas neuf.

[4] Quelques personnes laissent vieillir pour cet usage l'eau de pluie, et la font bouillir jusqu'à réduction de moitié. Quand ils ont eu desséché leur raisin comme je l'ai expliqué, ils emploient cette eau au lieu de vin, et terminent l'opération comme ci-dessus. Ce procédé, quand on a beaucoup de bois, coûte fort peu, et ce vin est même, pour l'usage, plus doux au goût que ceux qu'on prépare d'après les précédentes méthodes.

Lora optima quomodo fiet.

XV. [1] Lora optima sic fit : Quantum vini uno die feceris, eius partem decimam, quot metretas efficiat, considerato, et totidem metretas aquae dulcis in vinacea, sed quibus unius diei vinum expressum erit, addito : eodem et spumas defruti, sive sapae, et faecem ex lacu confundito, et permisceto, eamque intritam macerari una nocte sinito; postero die pedibus proculcato, et sic permixtam prelo subiicito : quod deinde fluxerit, aut dolis, aut amphoris condito, et, quum deferbuerit, obturato. Commodius autem servatur in amphoris.

[2] Hanc ipsam loram Marcus Columella ex aqua vetere faciebat, et nonnumquam plus biennio innoxiam servabat.

Comment on fabrique de très bonne piquette.

XL. [1] On fait ainsi d'excellente piquette : Voyez combien de vin vous aurez fait en un jour, et combien la dixième partie forme de métrètes; versez ce même nombre de métrètes d'eau douce sur le marc dont en cette journée vous aurez exprimé le vin; mettez dans cette eau les écumes du vin cuit jusqu'à réduction soit de moitié, soit des deux tiers, et la lie déposée dans les cuves : mêlez le tout ensemble, et laissez toute une nuit macérer cette espèce de bouillie; le lendemain vous la foulerez, et après cette opération soumettez-la à l'action du pressoir. Lorsque le liquide se sera écoulé, versez-le dans des tonneaux ou des amphores, et, après qu'il aura bouilli, bouchez vos vases. C'est surtout dans les amphores que la piquette se conserve le mieux.

[2] M. Columelle faisait sa piquette avec de l'eau vieillie, et souvent il la conservait potable plus de deux ans.

Mulsum quomodo fiet.

XLI [1] Mulsum optimum sic facito : Mustum lixivum de lacu statim tollito : hoc autem erit, quod destillaverit, antequam nimium calcetur uva. Sed de arbustivo genere, quod sicco die legeris, id facito. Coniicies in urnam musti mellis optimi pondo X, et diligenter permixtum recondes in lagena, eamque protinus gypsabis, iubebisque in tabulato reponi. Si plus volueris facere, proportione, qua supra, mel adiicies. Post vicensimum et alterum diem lagenam aperire oportebit, et in aliud vas mustum eliquatum oblinire, atque in fumum reponere.

Comment on confectionne le vin miellé.

XLI. [1] Faites ainsi de très bon vin miellé : Tirez sans délai de la cuve du moût de mère goutte, c'est-à-dire de celui qui aura coulé des raisins avant qu'ils n'aient été fortement foulés. Faites ce moût avec du raisin de vignes mariées aux arbres, et que vous aurez cueilli par un temps sec. Jetez dix livres de miel d'excellente qualité dans une urne de moût, et, après l'avoir soigneusement mêlé, emplissez-en une bouteille, enduisez-là de plâtre sans retard, et faites-la déposer sur une tablette. Si vous désirez en confectionner une plus grande quantité, vous ajouterez du miel d'après la proportion que nous venons de fixer. Trente et un jours après, il faudra ouvrir la bouteille, décanter le moût dans un autre vase qu'on lutera, et que l'on conservera sur le four.

[1] Conditura ex cydiniis fit hoc modo : In cacabo figuli novo, vel in stagneo coquitur musti arbustivi Aminei urna, et mala cydonea grandia expurgata viginti, et integra mala dulcia granata, quae Punica vocantur, et sorba non permitia divisa exemptis seminibus, quae sit instar sextariorum trium.

[2] Haec ita coquuntur, ut omnia poma deliquescant cum musto, et sit puer, qui spatha lignea, vel arundine permisceat poma, ne possint aduri. Deinde, quum fuerint decocta, ut non multum iuris supersit, refrigerantur, et percolantur : eaque, quae in colo subsederunt, diligenter contrita levigantur, et iterum in suo sibi iure lento igni, ne adurantur, carbonibus decoquuntur, donec crassamen in modum faecis existat.

[3] Prius tamen quam de igne medicamentum tollatur, tres heminae roris Syriaci contriti et cribrati super omnia aduiciuntur, et spatha permiscentur, ut coeant cum ceteris. Tum refrigeratum medicamentum, adiicitur in vas fictile novum picatum, idque gypsatum alte suspenditur, ne pallorem trahat.

Voici comment on prépare la confiture de coings: Dans une marmite neuve de terre cuite ou dans une marmite d'étain, on fait cuire une urne de moût de raisin d'Aminée marié aux arbres, vingt gros coings bien nettoyés, et environ trois setiers de grenades douces entières connues sous le nom de puniques, et de cormes non encore mûres, séparées de leurs semences:

[2] On fait cuire le tout jusqu'à ce que tous les fruits se fondent dans le moût : on charge un jeune valet de remuer les fruits avec une spatule de bois ou un roseau, pour qu'ils ne puissent pas brûler. Quand la cuisson en est arrivée au point qu'il ne reste qu'une petite quantité de jus, on laisse refroidir, et on coule. Ce qui restera dans le couloir devra être soigneusement écrasé, et, afin qu'il ne brûle pas, mis à cuire dans son propre jus sur un feu doux de braise, jusqu'à ce qu'il ait pris la consistance de lie.

[3] Avant de retirer du feu cette préparation, on ajoutera à tous les ingrédients trois hémines de romarin de Syrie, pulvérisé et passé au tamis; on les incorporera au moyen d'une spatule, afin que tout soit bien homogène. Ensuite, quand cette confiture est refroidie, on la verse dans un vase de terre cuite neuf et poissé, qu'on lute avec du plâtre, et qu'on suspend à une certaine hauteur pour qu'il ne contracte pas de moisissure.

De caseo condendo.

XLII. [1] Caseum sic condiemus : Caesi aridi ovilli proximi anni frusta ampla facito, et in picato vase componito; tum optimi generis mustum adimpleto, ita ut superveniat; et sit ius aliquanto copiosius, quam caseus : nal caseus combibit, et fit vitiosus, nisi mustum semper supernatet. Vas autem, quum impleveris, statim gypsabis; deinde, post dies viginti, licebit aperiri, et uti qua voles adhibita conditura. Est autem etiam per se non iniucundus.

Des conserves de fromage.

XLII. [1] Voici comment nous confisons le fromage : coupez en gros morceaux des fromages de brebis, secs et faits de l'année précédente; disposez-les dans un vase poissé, puis remplissez ce vase de moût de la meilleure qualité, de manière à recouvrir les fromages, et que le liquide surnage : car le fromage s'abreuve de ce moût, et se gâterait si ce liquide ne le couvrait pas toujours. Dès due votre vase sera rempli, vous le plâtrerez; plus, vingt jours après, vous pourrez l'ouvrir et employer cette conserve dans tel assaisonnement que vous voudrez. Mangé seul, il n'est même pas désagréable.

Uvae ollares quemadmodum componantur et serventur.

XLIII. [1] uvas bumastos, vel duracinas, vel purpureas quum desecueris a vite, continuo pediculos earum impicato dura pice; deinde labellum fictile novum inpleto paleis quam siccissimis cribratis, ut sine pulvere sint, et ita uvas superponito : tum labello altero adoperito, et circumlinito luto paleato, atque ita in tabulato siccissimo composita labra paleis siccis obruito.

[2] Omnis autem uva sine noxa servari potest, si luna decrescente, et sereno caelo post horam quartam, quum iam insolata est, nec roris quidquam habet, viti detrahatur. Sed ignis in proximo decumano fiat, ut pix ferveat, in qua pediculi uvarum statim demittantur.
In dolium bene picatum defruti amphoram coniicito, deinde transversos fustes arctato, ita ut defrutum non contingant; tum superponito fictiles novas patinas, et in his sic uvam disponito, ut altera alteram non contingat; tum opercula patinis inponito, et linito. Deinde alterum tabulatum et tertium, et quamdiu magnitudo patitur dolii, similiter instruito, et eadem ratione uvas componito. Deinde picatum operculum dolii defruto large linito, et impositum cinere obturato.

[3] Nonnulli adiecto defruto contenti sunt transversas perticas arctare, et ex his uvas ita suspendere, ne defrutum contingant : deinde operculum inpositum oblinire. Quidam uvas quum ita, ut supra dixi, legerunt, doliola nova sine pice in sole siccant; deinde quum ea in umbra refrigeraverunt, furfures hordeaceos adiiciunt, et uvas ita superponunt, ut altera alteram non comprimat : tum generis eiusdem furfures infundunt, et alterum tabulatum uvarum eodem modo collocant : idque faciunt usque dum dolium alternis furfuribus et uvis compleant. Mox opercula imposita linunt, et uvas siccissimo frigidissimoque tabulato reponunt.

[4] Quidam eadem ratione arida populnea vel abiegnea scobe et virides uvas custodiunt. Nonnulli sicco flore gypsi obruunt uvas, quas non nimium maturas vitibus detraxerunt. Alii, quum legerunt uvam, si qua sunt in ea vitiosa grana, forficibus amputant, atque ita in horreo suspendunt, in quo triticum suppositum est; sed haec ratio rugosa facit acina, et paene tam dulcia, quam est uva passa.

[5] Marcus Columella, patruus meus, ex ea creta, qua fiunt amphorae, lata vasa in modum patinarum fieri iubebat; eaque intrinsecus et exterius crasse picari. Quae quum praeparaverat, tum demum purpureas, et bumastos, et Numisianas, et duracinas uvas legi praecipiebat, pediculosque earum sine mora in ferventem picem demitti, et in praedictis patinis separatim sui cuiusque generis ita componi, ne uvae inter se contingerent;

[6] post hoc opercula superponi, et oblini crasso gypso; tum demum pice dura, quae igni liquata esset, sic picari, ne quis humor transire posset; tota deinde vasa in aqua fontana vel cisternina, ponderibus impositis mergi, nec ullam partem eorum pati extare. Sic optime servatur uva; sed quum est exempta, nisi eo die consumitur, acescit.

[7] Nihil est tamen certius, quam vasa fictilia facere, quae singulas uvas laxe recipiant; ea debent quattuor ansas habere, quibus illigata viti dependeant : itemque opercula eorum sic formari, ut media divisa sint, ut, quum suspensa vasa singulas uvas receperint, ex utroque latere appositi operculi duae partes coeant, et contegant uvas; et haec vasa et opercula extrinsecus et intra diligenter picata esse debebunt. Deinde quum contexerunt uvas, luto paleato multo adoperiri; sed uvae dependentes a matre sic in pultarios condi debebunt, ne qua parte vasa contingant.

[8] Tempus autem, quo includi debent, id fere est, quo adhuc siccitatibus, et sereno caelo crassa variaque sunt acina.
Illud in totum maxime praecipimus, ne in eodem loco mala et uvae conponantur neve in vicino, unde odor malorum possit ad eas pervenire : nam huiusmodi halitu celeriter acina corrumpuntur; et tamen custodiendorum pomorum rationes, quas rettulimus, non omnes omnibus regionibus aptae sunt, sed pro conditione locorum et natura uvarum, aliae aliis conveniunt.

[9] Antiqui plerumque scircitulas et venuculas, et maiores Amineas, et Gallicas, quaeque maiores, et duri et rari acini erant, vasis condebant : nunc autem circa urbem maxime ad hunc usum Numisianae probantur. Haec sereno caelo, quum iam sol rorem sustulit, quarta vel quinta horas (si modo luna decrescit, et sub terris est) modice maturae rectissime leguntur; deinde in cratibus ita ponuntur, ne altera alteram collidat.

[10] Tum demum sub tectum referuntur et arida vel vitiosa grana forpicibus amputantur;  et quum paululum sub umbra refrixerint, ternae aut etiam quaternae, pro capacitate vasorum, in ollas demittuntur, et opercula diligenter pice opturantur, ne humorem transmittant; tum vinaceorum pes bene prelo expressus proruitur, et modice separatis scopionibus, resolutaque intrita folliculorum, in dolio substernitur; et deorsum versus spectantes ollae componuntur, ita distantes, ut intercalcari possint vinacea.

[11] Quae quum diligenter conspissata primum tabulatum fecerunt, aliae ollae eodem modo componuntur, explenturque secundum tabulatum. Deinde similiter dolium completur tabulatis ollarum, spisseque vinaceis incalcantur. Mox usque ad summum labrum vinaceae condensantur, et statim operculo superposito cinere in modum gypsi temperato dolium linitur. Monendus autem erit, qui vasa empturus est, ne bibulas aut male coctas ollas emat: nam utraque res, transmisso humore vitiat uvam. Quin etiam oportebit, quum ad usum promuntur ollae, tota singula tabulata detrahi : nam conspissata vinacea, si semel mota sunt, celeriter acescunt, et uvas corrumpunt.

Comment on prépare et conserve les raisins de barrique.

XLIII. [1] Après avoir coupé sur la vigne des raisins soit bumastes, soit à chair ferme, soit pourprés, enduisez-en de suite la queue avec de la poix dure. Ensuite remplissez, de baies de blé bien sèches et criblées de manière qu'il n'y reste point de poussière, un bassin de terre cuite, dans lequel vous disposerez vos grappes les unes sur les autres. Recouvrez ce vase d'un autre, et enduisez-en les joints avec un lut mêlé de paille; puis, sur un plancher très sec, recouvrez de bales sèches vos vases jusqu'au-dessus de la réunion de leurs bords.

[2] Tout raisin peut se conserver sans altération, s'il a été détaché de la vigne au décours de la lune, par un temps serein, après la quatrième heure, quand il a été séché par le soleil et qu'il n'est plus humide de rosée. Au surplus, on doit tenir du feu dans le sentier le plus voisin pour y faire fondre la poix, dans laquelle on doit, sans retard, plonger la queue des grappes.
Jetez dans un vaisseau bien poissé une amphore de vin cuit jusqu'à réduction de moitié. Ensuite fixez-y des gaulettes transversales, de manière qu'elles ne touchent pas à la liqueur. Vous poserez sur ces gaulettes des plats neufs; vous dresserez dessus les raisins assez espacés les uns des autres pour qu'ils ne se touchent pas; puis vous mettrez et luterez les couvercles sur les plats. Vous établirez de même une seconde assise, une troisième, et autant que la capacité du vaisseau en peut admettre, en disposant toujours les grappes de la même manière. Enfin vous imprégnerez largement de vin cuit le couvercle poissé du vaisseau, et après l'avoir fixé, vous en fermerez les ouvertures avec de la cendre.

[3] Quelques personnes se bornent à établir sur leur vin cuit de petites perches transversales, et y suspendent les raisins assez haut pour qu'ils ne touchent pas à la liqueur; puis elles lutent le couvercle superposé. D'autres, après avoir cueilli les grappes, comme je l'ai dit plus haut, font sécher au soleil de petits vaisseaux neufs et non poissés; puis les mettant rafraîchir à l'ombre, elles y jettent du son d'orge, et y dressent leurs raisins de sorte que l'un ne touche pas l'autre; alors ils répandent dessus du son de la même nature, et font derrière un autre lit de grappes; elles continuent ainsi jusqu'à ce que le vaisseau soit rempli de couches alternatives de raisins et de son. Alors elles lutent les couvercles, et déposent cette provision sur des tablettes très sèches et très froides.

[4] Certaines personnes conservent ces fruits dans leur état de fraîcheur par un procédé analogue, en les couvrant de sciure de peuplier ou d'érable. Il y en a d'autres qui recouvrent de plâtre pulvérisé bien sec leurs raisins détachés des vignes avant leur entière maturité. D'autres encore, après les avoir cueillis, coupent avec des ciseaux les grains gâtés, et suspendent les grappes en cet état dans le grenier au-dessus du froment; mais ce procédé rend les raisins ridés et presque aussi doux que ceux qu'on a fait sécher au soleil.

[5] Marc Columelle, mon oncle paternel, faisait confectionner, avec cette argile dont on fait les amphores, de larges vaisseaux en forme de plats; il les faisait enduire copieusement de poix en dedans et à l'extérieur. Après les avoir ainsi préparés, il ordonnait de cueillir des raisins pourprés, des bumastes, des numides et des raisins à chair ferme; sans retard il en faisait plonger la queue dans de la poix bouillante, et les dressait séparément d'après leur espèce sur les plats dont il est question, de manière que les grappes ne se touchassent pas;

[6] ensuite on adaptait les couvercles, et on les lutait avec une couche épaisse de plâtre. Enfin, avec de la poix dure fondue au feu, on les enduisait de manière à ne laisser filtrer aucune humidité. Après ces opérations, on immergeait les vases dans de l'eau de fontaine ou de citerne, où on les maintenait au moyen d'objets pesants, en ne laissant aucun point à découvert. C'est ainsi que l'on conserve parfaitement le raisin; mais lorsqu'il est sorti de l'eau, il devient acide, si on ne le consomme pas le jour même.

[7] Au surplus, il n'y a pas de procédé plus certain que d'employer des vases de terre cuite, dans chacun desquels on puisse placer une grappe à l'aise. Ils doivent avoir quatre anses, par lesquelles on les attache pour les suspendre aux vignes. Leurs couvercles doivent être faits de manière à pouvoir se partager en deux, afin que lorsqu'on aura suspendu ces vases et introduit dans chacun une grappe de raisin, on puisse rapprocher les deux parties du couvercle superposé et couvrir ce raisin. Ces vases et leurs couvercles devront être soigneusement poissés en dedans et en dehors, et après y avoir renfermé la grappe, on les recouvre avec un mortier épais et mêlé de paille. Il importe que les raisins, pendants de la vigne, soient assez bien disposés dans les vases pour qu'aucune de leurs parties ne soit en contact avec les parois.

[8] Le temps propice à cette opération est à peu près celui où les grains de raisin sont gros et changent de couleur sons l'influence de la chaleur et d'un ciel serein.
Nous devons principalement prescrire de ne pas placer des raisins et des pommes dans le même endroit, ni même dans des endroits voisins, d'où l'odeur des dernières parviendrait jusqu'aux premiers : l'exhalaison des pommes corromprait en peu de temps les grains de raisin. Quant aux moyens de conservation des fruits, que nous avons indiqués, tous ne sont pas applicables à toutes les contrées : les circonstances, les lieux, et la nature des raisins doivent déterminer le choix des procédés. .

[9] Anciennement on conservait de préférence dans des vases les sircitules, les vénucules, les grands aminées, les gaulois et les espèces à grains durs, gros et écartés ; maintenant, dans le voisinage de la ville, on préfère pour cette opération les numides. On choisit soigneusement pour les cueillir des raisins médiocrement mûrs; la récolte doit s'en faire par un temps serein, quand le sol n'est plus couvert de rosée, à la quatrième ou à la cinquième heure du jour, la lune étant dans son décours et sous notre hémisphère; puis on les dresse sur des claies de manière qu'ils ne se touchent pas les uns les autres ;

[10] enfin on les porte à la maison, où l'on enlève avec les ciseaux les grains secs ou gâtés. Quand ces raisins se sont un peu rafraîchis à l'ombre, on les dispose par trois ou quatre dans des pots, selon la contenance de ces vases; et, pour que l'humidité n'y pénètre pas, on enduit soigneusement les couvercles avec de la poix. Ensuite on divise une motte de marc de raisin que l'action du pressoir ait fortement desséchée, et après en avoir un peu séparé les rafles et dégagé les pellicules des grains, on en fait une couche dans un tonneau. Les pots doivent être renversés sens dessus dessous, et assez peu rapprochés pour qu'on puisse fouler le marc qui les sépare.

[11] Ce premier étage soigneusement pressé, on établit dessus un second étage en disposant d'autres pots comme les premiers. On remplit ainsi le tonneau de diverses assises de pots qu'on y intercale de marc bien foulé; puis on entasse du marc jusqu'aux bords, et, aussitôt après, on en lute dessus le couvercle avec de la cendre employée en manière de plâtre. Toutefois celui qui achètera ces pots doit être averti qu'il ne doit pas faire emplette de ceux dont la terre serait poreuse ou mal cuite : car il résulterait de l'un ou de l'autre de ces défauts que l'humidité en s'y introduisant ferait gâter les grappes. Au surplus, lorsque l'on retirera des pots pour l'usage, il faudra en enlever une couche entière : cal' le marc foulé, pour peu qu'il soit remué, s'aigrit promptement et corrompt les raisins.

Mala granata quemadmdum serventur.

XLIV [1] Sequuntur vindemiam rerum autumnalium compositiones, quae et ipsae curam vilicae distendunt. Nec ignoro, plurima in hunc librum non esse collata, quae C. Matius diligentissime persequutus est : illi enim propositum fuit, urbanas mensas, et lauta convivia instruere. Libros tres edidit, quos inscripsit nominibus coci, et cetarii, et salgamari. Nobis tamen abunde sunt ea, quae ex facili rusticae simplicitati non magna impensa possunt contingere, uti sunt in primis omnium generum mala.

[2] Quidam, ut a granatis incipiam, pediculos Punicorum, sicuti sunt, in arbore intorquent, ne pluviis mala rumpantur, et hiantia dispereant, eaque ad maiores ramos religant, ut immota permaneant; deinde sparteis restibus arborem cludunt, ne aut corvis, aut cornicibus, aliisve avibus pomum laceretur. Nonnulli vascula fictilia dependentibus malis aptant, et illita luto paleato arboribus haerere patiuntur; alii faeno vel culmo singula involvunt, et insuper luto paleato crasse linunt, atque ita maioribus ramis inligant, ne, ut dixi, vento commoveantur.

[3] Sed haec omnia, ut dixi, sereno caelo administrari sine rore debent. Quae tamen aut facienda non sunt, quia laeduntur arbusculae; aut certe non continuis annis usurpanda, praesertim quum liceat etiam detracta arboribus eadem innoxia custodire.
Nam et sub tecto fossulae tripedaneae siccissimo loco fiunt : eoque quum aliquantulum terrae minutae repositum est, infiguntur sambuci ramuli; deinde sereno caelo granata leguntur cum suis pediculis, et sambuco inferuntur : [quoniam sambucus tam apertam et laxam medullam habet, ut facile malorum pediculos recipiat;].

[4] Sed cavere oportebit, ne minus quattuor digitis a terra absint, et ne inter se poma contingant; tum factae scrobi operculum imponitur, et paleato luto circumlinitur, eaque humo, quae fuerat egesta, superaggeratur. Hoc idem in dolio fieri potest, sive quis volet resolutam terram usque ad dimidium vas adicere, seu, quod quidam malunt, fluviatilem harenam, ceteraque eadem ratione peragere.

[5] Poenus quidem Mago praecipit aquam marinam vehementer calefieri, et in ea mala granata, lino vel sparto illigata, paulum demitti, dum decolorentur, et exempta per triduum in sole siccari : postea loco frigido suspendi, et quum res exegerit, una nocte, et postero die usque in eam horam, qua fuerit utendum, aqua frigida dulci macerari. Sed et idem auctor est creta figulari bene subacta recentia mala crasse illinire et, quum argilla exaruit, frigido loco suspendere; mox, quum exegerit usus, in aquam demittere, et cretam resolvere. Haec ratio tamquam recentissimum pomum custodit.

[6] Idem iubet Mago in urceo novo fictili substernere scobem populneam vel iligneam, et ita disponere, ut scobis inter se calcari possit; deinde facto primo tabulato rursus scobem substernere, et similiter mala disponere, donec urceus impleatur : qui quum fuerit repletus, operculum imponere, et crasso luto diligenter oblinire.

[7] Omne autem pomum, quod in vetustatem reponitur, cum pediculis suis legendum est; sed, si sine arboris noxa fieri possit, etiam cum ramulis : nam ea res plurimum ad perennitatem confert.
Multi cum ramulis suis arbori detrahunt, et creta figulari quum diligenter mala obruerunt, in sole siccant; deinde si qua rimam creta fecit, luto linunt, et assiccata frigido loco suspendunt.

Comment on conserve les grenades.

XLIV. [1] C'est après la vendange qu'on fait les confitures d'automne, qui sont de la compétence de la métayère.
Je n'ignore pas que je n'ai point mentionné dans ce livre beaucoup de choses que C. Matius a traitées avec un très grand soin : car il avait pour but de pourvoir les tables des villes et les festins splendides. II mit au jour trois ouvrages qu'il intitula : le Cuisinier, le Poissonnier et le Confiseur de saumures. Quant à nous, il nous suffit de parler de choses qui, en raison de leur facile exécution et du peu de dépense qu'elles occasionnent, peuvent convenir à la simplicité des champs : or, les fruits de toutes les espèces se présentent tout d'abord.

[2] Pour commencer par les grenades, quelques cultivateurs tordent sur l'arbre la queue de ces fruits sans les déplacer, pour empêcher que la pluie ne les fasse gercer, et qu'en se crevassant ainsi ils ne se gâtent. Ils les fixent aux rameaux les plus forts, afin qu'ils ne soient pas agités; ensuite ils enveloppent l'arbre avec des filets de sparte pour préserver les fruits de l'atteinte des corbeaux, des corneilles et des autres oiseaux. Quelques personnes adaptent de petits vases de terre cuite au fruit qui pend à l'arbre, et les laissent ainsi en les enduisant d'un mortier mêlé de paille; d'autres enveloppent ces fruits avec du foin ou du chaume, les recouvrent ensuite d'un enduit épais de mortier paillé, et, dans cet état, les attachent aux grands rameaux, pour que, comme je l'ai dit, le vent ne les agite pas.

[3] Ainsi que je l'ai prescrit, toutes ces choses doivent être faites par un temps serein, après la disparition de la rosée. Au reste, il est bon de se dispenser de cette opération, parce qu'elle est nuisible aux arbrisseaux ; ou du moins on doit s'abstenir de la pratiquer plusieurs années consécutives, par cette considération déterminante qu'on a la facilité de conserver les fruits, même après les avoir détachés des arbres.
En effet, on peut creuser à la maison de petites fosses de trois pieds dans un terrain très sec. Après y avoir déposé un peu de terre bien divisée, on y enfonce de jeunes branches de sureau; ensuite, par un beau temps, on cueille les grenades avec leurs queues que l'on insère dans le sureau, parce que cet arbre est pourvu d'une moelle accessible et d'une substance assez lâche pour admettre facilement la queue des fruits.

[4] Toutefois, il faudra veiller à ce que ces fruits soient éloignés de la terre d'un intervalle de quatre doigts, et qu'ils ne se touchent pas entre eux. Alors on place sur la fosse que l'on a faite un couvercle que l'on enduit tout autour avec du mortier paillé, et on amoncèle par-dessus la terre provenant de l'excavation. On peut faire la même chose dans un tonneau que l'on remplit à moitié, soit de terre bien divisée, soit, comme quelques personnes le préfèrent, de sable de rivière, en terminant l'opération ainsi que nous l'avons enseigné.

[5] Le Carthaginois Magon conseille de faire bouillir fortement de l'eau de mer, d'y plonger un moment les grenades liées avec du lin ou avec du sparte, jusqu'à ce qu'elles aient perdu leur couleur, et de les retirer pour les faire sécher au soleil pendant trois jours; puis de les sus-pendre dans un lieu frais, et, lorsqu'on en aura besoin, de les laisser macérer dans de l'eau froide sans sel une nuit, et le lendemain jusqu'à l'heure où l'on en doit faire usage. En outre, ce même auteur prescrit d'enduire d'une couche épaisse d'argile à potier bien maniée,. les grenades récemment cueillies, et, quand cette terre est desséchée, de les suspendre dans un lieu frais; plus tard, lorsqu'on en aura besoin, on les plongera dans l'eau, et on en détachera l'argile. Ce procédé conserve le fruit comme s'il venait d'être cueilli.

[6] Magon ordonne encore de mettre au fond d'un pot de terre neuf de la sciure de peuplier ou d'yeuse, et d'y établir les fruits de manière qu'on puisse fouler cette sciure entre eux; de faire suivre ce premier étage d'un nouveau lit de sciure, d'y placer de même les fruits jusqu'à ce que le pot soit rempli; et quand il le sera, de lui appliquer son couvercle et de le luter soigneusement avec une couche épaisse de mortier.

[7] Tout fruit que l'on serre pour le garder longtemps, doit être cueilli avec sa queue et même avec une partie de rameau, quand on le peut sans nuire à l'arbre : car cette précaution contribue beaucoup à une longue conservation.
Beaucoup de personnes détachent les fruits de l'arbre avec les petites branches auxquelles ils adhèrent, et, lorsqu'elles les ont soigneusement couverts d'argile, elles les font sécher au soleil; si par la suite cet enduit vient à se gercer, elles bouchent la crevasse avec du mortier, et, dès qu'il est sec, les suspendent dans un lieu frais.

Mala orbiculata, Sextiana, melimela, et alia genera quomodo serventur.

XLV. [1] Multi eadem ratione, qua granata, in scrobibus vel dolis servant cydonea; nonnulli foliis ficulneis illigant, deinde cretam figularem cum amurca subigunt, et ea linunt mala : quae quum siccata sunt, in tabulato frigido loco et sicco reponunt; nonnulli haec eadem in patinas novas sicco gypso ita obruunt, ut altera alteram non contingat.

[2] Nihil tamen certius aut melius experti sumus, quam ut cydonea maturissima integra sine macula, et sereno caelo, decrescente luna, legantur, et in lagona nova, quae sit patentissimi oris, detersa lanugine, quae malis inest, componantur leviter et laxe, ne collidi possint; deinde quum ad fauces usque fuerint composita, vimineis surculis sic transversis arctentur, ut modice mala comprimant, nec patiantur ea, quum acceperint liquorem, sublevari; tum quam optimo et liquidissimo melle vas usque ad summum ita repleatur, ut pomum submersum sit.

[3] Haec ratio non solum ipsa mala custodit, sed etiam liquorem mulsei saporis praebet, qui sine noxa possit interdum dari febricitantibus; isque vocatur melomeli. Sed cavendum est ne quae in melle custodire volueris, immatura mala condantur : quoniam grossa si lecta sunt, ita indurescunt, ut usui non sint.

[4] Illud vero, quod multi faciunt, ut ea dividant osseo cultro, et semina eximant, quod putent ex eis pomum vitiari, supervacuum est. Sed ratio, quam non docui, adeo quidem certa est, ut, etiamsi vermiculus inest, non amplius tamen corrumpantur mala, quum praedictum liquorem acceperint : nam ea mellis est natura, ut coerceat vitia, nec serpere ea patiatur, qua ex causa etiam exanimum corpus hominis per annos plurimos innoxium conservat.

[5] Itaque possunt alia genera malorum, sicuti orbiculata, Sestiana, melimela, Matiana, hoc liquore custodiri. Sed quia videntur in melle dulciora fieri sic condita, nec proprium saporem conservare, arculae fagineae vel etiam tiliagineae, quales sunt, in quibus vestimenta forensia conduntur, huic rei paulo ampliores praeparari debent, eaeque in tabulato frigidissimo, et siccissimo, quo neque fumus, neque taeter perveniat odor, collocantur : deinde substrata praedicta poma sic componi, ut flosculi susum, pediculi deorsum spectent, quemadmodum etiam in arbore nata sunt, et ne inter se alterum ab altero contingantur.

[6] Ita observandum est, ut unumquodque genus separatim propriis arculis reponatur : nam quum una clausa sunt diversa genera, inter se discordant, et celerius vitiantur; propter quod etiam conseminalium vinearum non tam est firmum vinum, quam si per se sincerum Amineum, vel Apianum, aut etiam faecinum condideris.
Verum sic,ut praedixi, quum diligenter mala fuerint composita, operculis arcularum contegantur, et luto paleato linantur opercula, ne introire spiritus possit.
Atque ea ipsa nonnulli sicut in aliis generibus, ut supra iam diximus, populnea, quidam etiam abiegnea scobe interposita, mala custodiunt. Haec tamen poma non matura, sed acerbissima, legi debent.

Comment on conserve les pommes orbiculaires les sestiennes, les miellées et les autres espèces.

XLV. [1] Un grand nombre de personnes conservent les coings dans des fosses ou dans des tonneaux, de la même manière que les grenades; quelques autres les enveloppent de feuilles de figuier, puis pétrissent de l'argile à potier avec de la lie d'huile et en enduisent leurs fruits, et, quand cette croûte est sèche, elles les déposent sur des tablettes dans un lieu frais et sec : il en est aussi qui rangent ces fruits dans des plats neufs, où elles les couvrent de plâtre, en observant qu'ils ne se touchent pas l'un l'autre.

[2] Pour nous, l'expérience ne nous a pas révélé de procédé plus sûr et meilleur que de cueillir en décours de lune, par un ciel serein, les coings très mûrs, bien entiers et sans taches; d'enlever le duvet qui les couvre, et, dans un flacon neuf à très large ouverture, de les arranger avec précaution, de manière qu'ils soient à l'aise pour qu'ils ne puissent pas se heurter. Quand le vase en sera rempli jusqu'à son ouverture, on contiendra les coings avec des baguettes d'osier posées transversalement de manière à les comprimer un peu, pour qu'ils ne se soulèvent pas lorsqu'on aura versé le liquide; alors on emplira complétement le vase du meilleur miel fondu, de manière que le fruit en soit tout à fait recouvert.

[3] Cette méthode est non seulement propre à conserver les coings, mais elle procure aussi une liqueur de saveur mielleuse, que l'on peut sans inconvénient administrer aux fiévreux, et que l'on appelle miel de fruit. Il faut éviter d'employer des coings peu mûrs pour les conserver dans le miel, parce que, cueillis verts, ils s'endurcissent au point de ne pouvoir pas servir.

[4] Au surplus, il est inutile de les fendre avec un couteau d'os, comme font beaucoup de personnes, et d'en extraire les pepins, qu'elles regardent comme propres à gâter les fruits. Quant au procédé que je viens d'enseigner ici, il est tellement infaillible, que, lors même que le fruit recèlerait des vers, il ne se conserverait pas moins bien, une fois recouvert du liquide prescrit : car telle est la propriété du miel, qu'il arrête la corruption, et qu'il ne lui laisse pas accès : même il empêche un cadavre humain de se corrompre pendant plusieurs années.

[5] On peut donc conserver dans cette liqueur toutes les autres espèces de pommes, telles que les orbiculaires, les sestiennes, les miellées, les matiennes; mais, comme il paraît que ces fruits ainsi préparés deviennent trop doux par le contact du miel, et perdent la saveur qui leur est propre, on doit disposer des coffres de hêtre ou même de tilleul semblables à ceux dans lesquels on serre les habits de ville, mais un peu plus grands, et les établir sur un plancher très frais dans un lieu très sec, où ne pénètrent ni la fumée ni aucune mauvaise odeur. On y dresse les fruits dont il est question de manière que leur ombilic soit tourné en haut et leur queue en bas, comme ils vivent sur l'arbre, et l'on prend garde qu'ils ne se touchent entre eux.

[6] On observera d'ailleurs de mettre séparément chaque espèce de fruit dans des coffres distincts : car si diverses variétés y étaient mêlées ensemble, elles ne s'accorderaient pas entre elles et se corrompraient plus promptement. C'est par ce motif que le vin tiré de vignes d'espèces différentes, ne se maintient pas aussi bien que celui qui provient soit d'aminées, soit de plants de muscat, ou bien de féciniennes sans mélange.
Au surplus, quand les fruits auront été dressés avec soin, comme je l'ai dit ci-dessus, on les recouvrira au moyen des couvercles des coffres, qu'on lutera avec du mortier paillé, afin que l'air ne puisse pas s'y introduire. Certaines personnes, pour conserver ces mêmes fruits, usent du procédé que nous avons indiqué plus haut pour d'autres espèces, et qui consistent à mettre entre eux de la sciure de peuplier; quelques autres y emploient aussi de la sciure de sapin. Les fruits qu'on destine à être conservés par cette méthode, doivent être cueillis avant leur maturité et lorsqu'ils sont encore très verts.
 

De conditura inulae.

XLVI. [1] Inulae condutura sic fiet : Quum eius radicem mense octobri (quo maxime matura est) e terra erueris, aspero linteolo, vel etiam cilicio, detergeto, quidquid arenae inhaerebit; deinde acutissimo cultello summatim eradito, et quae plenior radicula fuerit, pro modo crassitudinis in duas vel plures partes digiti longitudine diffindito; deinde ex aceto modice in cacabo aeneo coquito, ita ne taleolae inuri possint; post haec in umbra triduo siccentur, et ita in fideliam picatam recondantur, adiecto passo vel defruto, quod supernatet, spissamentoque cunelae inmosito contectum vas pelliculetur.

[2] Aliae inulae conditura : Quum radices eius raseris, taleolas ut supra, facito, et in umbra triduo vel etiam quatriduo siccato; deinde siccatas in vasis sine pice, interiecta cunila, coniicito; cunila imposita, sex partibus aceti una pars sapae misceatur cum hemina salis cocti; ut hoc iure macerentur taleolae, donec quam minimum amaritudinis resipiant.

[3] Postea exemptae iterum siccentur per dies quinque in umbra : tum crassamen vini faeculenti, nec minus, si sit, mulsi, et utriusque eorum quartam partem boni defruti confundito in ollam : quae quum inferbuerit, taleolas inulae adiicito, et statim ab igne removeto, ac rudicula lignea peragitato, donec perfecte refrigescant. Postea transfundito in fideliam picatam, operculo tegito, tumque pelliculato.

[4] Teria eiusdem inulae conditura : Quum radiculas diligenter eraseris, minute concisas in muria dura macerato, donec amaritudinem dimittant. Deinde effusa muria, sorba quam optima et maturissima, semine detracto, contere et cum inula misce; tum sive passum, seu quam optimum defrutum adiocito, et vas opturato.

[5] Quidam, quum condiverunt inulam, muriaque maceraverunt, exsiccant, et malis cydoneis tritis, quae in defruto vel melle decoxerant, miscent, atque ita superfundunt passum, vel defrutum, et vas operculatum pelliculant.

Conserve d'année.

XLVI. [1] On fait ainsi la conserve d'année : Après avoir tiré de terre les racines de cette plante dans le courant d'octobre (c'est l'époque de leur maturité), vous enleverez avec un linge rude ou même avec une brosse de crin tout le gravier dont elles seront couvertes; ensuite vous en graterez la superficie avec un couteau bien affilé, et vous couperez en deux ou trois tranches de la longueur du doigt, selon leur grosseur, celles qui seront les plus fortes. Faites-les cuire modérément dans une marmite d'airain avec du vinaigre, en prenant garde qu'elles ne brûlent. Cette opération terminée, faites-les sécher à l'ombre pendant trois jours; puis, mettez-les dans une cruche poissée, en y ajoutant soit du vin de raisins séchés au soleil, soit du vin réduit à moitié par la cuisson, dans lequel les racines seront submergées; ensuite, après avoir étendu dessus une couche d'origan, couvrez le vase et l'enveloppez d'une peau.

[2] Voici une autre manière de confire l'aunée : Après avoir ratissé les racines, taillez-les en tranches comme ci-dessus; laissez-les sécher à l'ombre pendant trois ou rnêrne quatre jours, et, quand elles seront bien sèches, mettez-les dans un vase non poissé, avec des couches alternatives d'origan : l'origan étant placé, mêlez une partie de vin cuit jusqu'à réduction des deux tiers, avec six parties de vinaigre et une hémine de sel torréfié : faites macérer, dans ce liquide, les tranches d'aunée jusqu'à ce qu'il ne leur reste que le moins d'amertume qu'il sera possible.

[3] Retirées ensuite, vous les ferez sécher une seconde fois à l'ombre pendant cinq jours; alors mélangez dans une marmite de la lie d'un vin épais avec autant de lie de vin miellé, si vous en possédez, et joignez-y, pour un quart, de bon vin cuit jusqu'à réduction de moitié. Quand le tout aura bouilli, jetez-y les tranches d'aunée, et aussitôt retirez la marmite du feu ; puis remuez avec une spatule de bois, jusqu'à refroidissement complet. Transvasez ensuite dans une cruche poissée, placez-y un couvercle et recouvrez avec une peau.

[4] Troisième procédé pour confire l'année : Après avoir ratissé soigneusement les racines, faites-en macérer, dans une saumure forte, les tronçons coupés menu, et tenez-les-y jusqu'à ce qu'ils aient perdu leur amertume. En-suite, jettez la saumure; pilez, après en avoir retiré les pepins, des cormes très bonnes et très mûres, et mêlez-en la pulpe avec l'aunée. Alors ajoutez soit du vin de raisins cuits au soleil, soit du vin cuit jusqu'à réduction de moitié et de qualité supérieure; puis bouchez le vase.

[5] Quelques personnes, après avoir préparé l'aunée et l'avoir fait macérer dans la saumure, la font sécher, et y mêlent des coings pilés, qu'elles ont fait cuire dans du vin cuit jusqu'à réduction de moité, ou bien dans le miel; puis, elles versent par-dessus soit du vin de raisins secs, soit du vin cuit jusqu'à réduction de moitié, et recouvrent d'une peau le vase bien bouché.

De olivarum albarum conditura.

XLVII. [1] Olivarum conditurae : Acerbam pauseam mense septembri, vel octobri, dum adhuc vindemia est, contundere, et aqua calida paululum maceratam exprime, faeniculique seminibus et lentisci cum cocto sale modice permixtam reconde in fideliam, et mustum quam recentissimum infunde. Tum fasciculum viridis faeniculi superpositum merge, ut olivae premantur, et ius superemineat. Sic curata oliva tertio die possis uti.

[2] Albam pauseam, vel orchitam, vel radiolum, vel regiam dum contundes, primam quamque, ne decoloretur, in frigidam muriam demerge, cuius quum tantum paratae habueris, quantum satis fuerit implendae amphorae, faeniculi aridi fasciculum substerne in imo; deinde viridis faeniculi semina, et lentisci, destricta et purgata in urceolo habeto : tum exemptam de muria olivam exprimito, et permixtam praedictis seminibus in vas adiicito; deinde, quum ad fauces pervenerit eius, faeniculi aridi fasciculos superponito, et ita recentis musti duas partes, et unam durae muriae permixtas adiicito. Hac conditura compositis olivis toto anno commode uteris.

[3] Quidam olivam non contundunt, sed acuta arundine insecant. Idque operosius quidem, sed melius est, quia haec candidior est oliva, quam ea, quae ex contusione livorem contrahit.
Alii, sive contuderint, sive insecuerint olivas, modico sale cocto et praedictis seminibus inmiscent; deinde sapam vel passum, vel, si est facultas, mellam infundunt. Mella autem quomodo fiat, paulo ante, hoc ipso libro praecepimus. Cetera omnia similiter administrant.

[4] Posias olivas, vel regias sine macula quam candidissimas manu districtas eligito; deinde, substrato faeniculo arido in amphoram coniicito, intermixtis seminibus lentisci, nec minus faeniculi, et, quum ad fauces ]vas repleveris, adiicito muriam duram : tum, spissamento facto de arundinum foliis, olivam premito, ut infra ius mersa sit : et iterum infundito muriam duram, dum ad summum amphorae labrum perveniat.

[5] At haec oliva per se parum iucunda est, sed ad eas condituras, quae lautioribus mensis adhibentur, idonea maxime est : nam quum res exegit, de amphora promitur, et contusa recipit quamcumque volueris condituram. Plerique tamen sectivum porrum, et rutam cum apio tenero, et mentam minute concidunt, et contusis olivis miscent; deinde exiguum aceti piperati, et plusculum mellis aut mulsi adiiciunt, oleoque viridi inrorant, atque ita fasciculo apii viridis contegitur.

[6] Quidam sic lectae olivae in modios singulos ternas heminas salis permiscent, et adiiectis seminibus lentisci, faeniculoque substrato, amphoram usque ad fauces replent olivis; deinde aceto non acerrimo infundunt, et quum iam paene amphoram inpleverunt, faeniculi spissamento deprimunt baccam, et rursus acetum usque ad summum labrum adiiciunt; postea quadragesimo die omne ius defundunt, et sapae vel defruti tres partes cum aceti una permiscent, et amphoram replent.

[7] Est et illa probata compositio, ut quum muria dura pausea alba maturuerit, omne ius defundatur, et, immixtis duabus partibus defruti, cum aceti una, repleatur amphora. Eadem conditura posset etiam regia componi, vel orchita.

[8] Quidam unam partem muriae, et duas aceti miscent, eoque iure olivas poseas colymbadas faciunt : quibus si per se quis uti velit, satis iucundas experietur, quamvis et hae, quum exeunt de muria, condituram qualemcumque recipere possunt.
Olivae poseae, quum iam decolorantur, antequam mitescant, cum petiolo leguntur, et oleo quam optimo servantur. Haec maxime nota etiam post annum repraesentat viridem saporem olivarum. Nonnulli etiam, quum de oleo exemerunt, trito sale aspersas pro novis apponunt.

[9] Est et illud conditurae genus, quod in civitatibus Graecis plerumque usurpatur, idque vocant epityrum. Oliva pausea vel orchita, quum primum ex albo decoloratur, fitque luteola, sereno caelo manu destringitur, et in vannis uno die sub umbra expanditur, et si qui adhaerent pediculi, foliaque, aut surculi, leguntur; postero die cribratur, et novo fisco inclusa prelo supponitur vehementerque premitur, ut exsudet quantulumcumque habet amurcae.

[10] Patimur autem nonnumquam tota nocte, et postero die pondere pressam baccam velut exaniari; tum, resolutis corticulis eximimus eam, et in singulos modios olivae triti salis cocti singulos sextarios infundimus : itemque lentisci semen, rutaeque et faeniculi folia sub umbra siccata, quae uti satis videntur concisa minute admiscemus; patimurque horis tribus, dum aliquatenus bacca salem combibat; tum superfundimus boni saporis oleum, ita ut obruat olivam, et faeniculi aridi fasciculum deprimimus, ut ius supernatet.

[11] Huic autem conditurae vasa nova fictilia sine pice praeparantur : quae nec possint oleum sorbere, tamquam olivariae metretae imbuuntur liquamine : tum demum et assiccantur.

Comment on confit les olives blanches.

XLVII. [1] Manières de confire les olives. Pendant la vendange, en septembre ou en octobre, meurtrissez l'olive pausée, cueillie encore acerbe; pressez-la après l'avoir fait un peu macérer dans de l'eau chaude; mettez-la dans des cruches, en y mêlant des graines de fenouil et de lentisque avec un peu de sel torréfié, et versez par-dessus du moût tout nouveau. Alors plongez dans le vase et placez sur les olives, de manière qu'elles en soient comprimées et que le jus surnage, une botte de fenouil vert. Ainsi traitées, les olives sont bonnes à manger dès le troisième jour.

[2] A mesure que vous meurtrissez la pausée blanche, ou l'orchite, ou la radiole, ou la royale, vous la jetterez dans de la saumure froide, afin qu'elle ne se décolore pas. Quand vous en aurez préparé assez pour remplir une amphore, placez au fond une botte de fenouil sec. Vous vous prémunirez d'un petit pot de graines de fenouil vert et de lentisque détachées et Inondées; et après avoir exprimé la saumure des olives retirées de ce liquide, vous les mélangerez dans un vase avec les graines; quand il sera rempli jusqu'à son col, vous recouvrirez avec de petites bottes de fenouil sec, et ajouterez deux parties de moût nouveau et une partie de saumure forte. Vous pouvez pendant toute l'année user avantageusement des olives ainsi confites.

[3] Quelques personnes ne meurtrissent pas leurs olives, mais les ouvrent avec une pointe, de roseau. Ce procédé exige plus de travail, mais il est le meilleur, parce que les olives ainsi traitées sont plus blanches que celles que les meurtrissures rendent livides.
Quelques autres personnes, après avoir soit meurtri, soit ouvert les olives, y mêlent un peu de sel torréfié et les graines que nous avons mentionnées; ensuite elles versent dessus, ou du vin cuit jusqu'à réduction des deux tiers, ou du vin de raisins séchés au soleil, ou bien, si elles en ont, de l'eau dans laquelle ont séjourné des rayons de miel. Nous venons dans ce livre même d'enseigner comment on fait cette eau. Elles procèdent pour tout le reste comme nous l'avons indiqué.

[4] Choisissez les olives pausées ou les royales, les plus blanches parmi celles qui sont sans taches, et cueillez-les à la main; puis jetez-les, après y avoir mêlé quelques graines de lentisque et de fenouil, dans une amphore au fond de laquelle vous aurez mis du fenouil sec. Quand le vase sera rempli jusqu'au col, versez-y de la saumure forte. Alors, avec une couche de feuilles de roseau, pressez les olives, afin qu'elles plongent entièrement dans le liquide; puis achevez de remplir avec de la saumure forte jusqu'au bord de l'amphore.

[5] Par elle-même, il est vrai, cette olive est peu agréable; mais elle est très propre aux assaisonnements pour les tables de luxe : lorsqu'on en a besoin, on la tire de l'amphore, et, après l'avoir pilée, on l'emploie aux sauces que l'on veut. Toutefois, le plus ordinairement, on hache menu du poireau sectile, de la rue, de l'ache tendre et de la menthe, qu'on mêle avec les olives écrasées; puis on ajoute un peu de vinaigre poivré et un peu plus de miel ou d'hydromel; et on arrose le tout d'huile verte, et on recouvre avec une petite botte d'ache fraîche.

[6] Quelques personnes mettent dans chaque modius d'olives ainsi cueillies trois hémines de sel, et après y avoir joint les semences de lentisque, jettent ces olives dans une amphore au fond de laquelle est un lit de fenouil, et jusqu'à ce qu'elle soit remplie jusqu'au col; après cela, elles versent du vinaigre qui ne soit pas très fort; et, lorsque l'amphore est à peu près pleine, elles compriment les olives au moyen d'une botte de fenouil, et ajoutent encore du vinaigre jusqu'à ce que le vase soit entièrement plein. Quarante jours après, elles retirent tout le liquide, puis mêlent ensemble trois parties de vin de raisins secs ou de vin cuit jusqu'à réduction de moitié, et une partie de vinaigre, dont elles remplissent l'amphore.

[7] Voici un autre procédé excellent : quand la pansée blanche a été macérée dans de la saumure forte, on jette toute cette saumure, on fait un mélange de deux parties de vin cuit jusqu'à réduction de moitié, avec une partie de vinaigre, et l'on en remplit l'amphore. On peut aussi confire de la même manière la royale ou l'orchite.

[8] On mêle encore ensemble une partie de saumure et deux parties de vinaigre, pour y faire confire les olives pausées. Celui qui jugera à propos de les employer telles qu'elles sont, les trouvera assez agréables, quoique pour-tant, à la sortie de la saumure, elles puissent recevoir tel assaisonnement qu'on jugera convenable.
On récolte avec leurs queues les olives pansées, quand elles commencent à changer de couleur, et avant qu'elles deviennent douces, pour les conserver clans de l'huile de première qualité. Par ce procédé, elles offrent encore au bout d'un an toute la saveur des olives vertes. Il y a même des personnes qui servent comme fraîches, au sortir de l'huile, ces olives saupoudrées d'un peu de sel égrugé.

[9] Voici une autre manière de les confire, presque exclusivement employée dans les villes grecques, et on l'appelle épityre. Quand l'olive pausée ou l'orchite commence à perdre sa blancheur et à jaunir, on la cueille à la main, par un temps serein; on l'étend pendant un jour dans un van, l'ombre, et si quelques queues, des feuilles ou des rameaux y sont restés adhérents, on les en détache. Le lendemain, on passe ces olives au crible, et, après les avoir enfermées dans un cabas neuf, on les soumet à l'action du pressoir; on les presse fortement, afin d'en extraire jusqu'à la dernière goutte de la lie.

[10] Quelquefois on les laisse se dessécher ainsi toute une nuit et le lendemain sous le poids du pressoir. Alors on les retire dégagées de leur peau, et on ajoute à chaque modius d'olives un setier de sel torréfié et égrugé. On y joint aussi de la graine de lentisque, des feuilles de rue et de fenouil séchées à l'ombre, le tout haché aussi menu qu'il paraît nécessaire. On laisse reposer trois heures cette préparation, temps nécessaire pour que le fruit se soit assez pénétré de sel ; alors on verse dessus de l'huile d'un goût exquis, de manière qu'elle recouvre les olives que l'on maintient assez pressées, avec une botte de fenouil sec, pour que le liquide surnage.

[11] Au surplus, pour cette préparation, on dispose à l'avance des vases de terre neufs et non enduits de poix, mais qui, pour ne pas laisser transsuder l'huile, doivent être abreuvés de la liqueur dont on imbibe les métrètes qui servent à me¬surer l'huile d'olive; enfin on les fait sécher.

Nigrae olivae conditura.

XLVIII. [1] Sequitur autem frigus hiemis, per quod olivitas, sicut vindemia, curam vilicae repetit.
Prius itaque, quoniam inchoavimus, de condituris olivarum praecipiemus, ac statim conficiendi olei rationem subiciemus.
Pauseae baccae, vel orchitae, nonnullis regionibus etiam Naeviae, conviviorum epulis praeparantur. Has igitur, quum iam nigruerint, nec adhuc tamen permaturae fuerint, sereno caelo distringere manu convenit, lectasque cribrare, et secernere, quaecumque maculosae, seu vitiosae, minorisve incrementi videbuntur.

[2] Deinde in singulos modios olivae salis integri ternas heminas adiicere, et in vimineos qualos confundere, superposito copioso sale, ita uti olivam contegat, sicque triginta dies pati consudescere, atque omnem amurcam exstillare : postea in alveum diffundere, mundaque spongea salem, ne perveniat, detergere : tum in vas adiicere, et sapa vel defruto amphoram replere superposito spissamento aridi faeniculi, quod olivam deprimat.

[3] Plerique tamen tres partes defruti, aut mellis, et unam miscent aceti, aliqui duas partes, et unam aceti, et eo, quo condiunt, iure.
Quidam, quum olivam nigram legerunt, eadem portione, qua supra, salliunt, et sic collocant in qualis, ut immixtis seminibus lentisci alterna tabulata olivarum et salis usque in summum componant; deinde post qaudraginta dies, quum oliva quidquid habuit amurcae exsudavit, in alveum defundunt, et  cribratam separant ab seminibus lentisci, spongia[m]que detergent, ne quid adhaereat salis : tum in amphoram confundunt, adiecto defruto, vel sapa, vel etiam melle, si est copia, ceteraque similiter faciunt.

[4] In singulos modios olivae singulos sextarios maturi seminis anisi, lentiscique, et ternos cyathos seminis faeniculi; si id non est, ipsum faeniculum concisum, quantum satis videbitur, adiici oportet; deinde in singulis modis olivarum salis cocti, et non moliti ternas heminas admisceri, et ita in amphoris condi; easque fasciculis faeniculi obturari, et quotidie per terram volutari; deinde tertio quoque aut quarto die, quidquid amurcae inest, mitti.

[5] Post quadraginta dies in alveum diffundi, et a sale tantummodo separari, sic ne spongea detergantur olivae, sed ita ut erunt exemptae, massulis salis micis in amphoram condantur, et spissamentis impositis, ad usus in cellam reponantur.
Maturam olivam in statura factam colymbadem, de muria tollito, spongea tergeto; deinde canna viridi scindito duobus vel tribus locis, et triduo in aceto habeto; quarto die spongia extergeto, in urceum aut caccabum novum, mittito, substrato apio et modica ruta. Concisis deinde pleno vase olivis immitte defrutum usque ad os. Lauri turiones in hoc usu mittito, ut olivas deprimant. Post dies viginti utere.

Comment on confit les olives noires.

XLVIII. [1] La froidure de l'hiver arrive, pendant la-quelle la récolte des olives réclame, comme la vendange, les soins de la métayère.
Puisque nous avons commencé à traiter ce sujet, nous parlerons d'abord des procédés à suivre pour confire les olives; puis nous nous occuperons aussitôt après de la fabrication de l'huile.
On prépare pour les bonnes tables les olives pansées ou les orchites, et même dans quelques pays les né-viennes. Il est donc à propos de les cueillir à la main par un temps serein, lorsqu'elles sont déjà noirâtres, sans être encore tout à fait mûres; on les crible ensuite et on écarte toutes celles qui paraîtraient ou tachées ou gâtées, ou qui n'auraient pas acquis leur accroissement ordinaire.

[2] Ensuite il faut jeter sur chaque modius d'olives trois hémines de gros sel, et les agiter dans des corbeilles d'osier, puis étendre sur elles une couche copieuse de sel de manière à les recouvrir entièrement. Dans cet état, on les laisse ressuer durant trente jours et évacuer entièrement leur lie. Alors on les verse dans un bassin, et avec une éponge propre on enlève le sel jusqu'à ce qu'il n'en reste plus; puis on les met dans un vase que l'on remplit de vin cuit jusqu'à réduction soit des deux tiers, soit de moitié, et sur lequel on étend un lit de fenouil sec pour comprimer les olives.

[3] Toutefois, le plus souvent, on mélange trois parties, soit de vin cuit jusqu'à réduction de moitié, soit de miel, et une partie de vinaigre, et on les fait confire dans ce jus.
Certaines personnes, après avoir cueilli l'olive noire, la salent dans la proportion que nous avons indiquée ci-dessus, la déposent dans des paniers, en y entremêlant des graines de lentisque, de manière à faire des couches alternatives de fruit et de sel, jusqu'à ce que les paniers soient remplis. Au bout de quarante jours, quand les olives ont rendu tout ce qu'elles contenaient de lie, elles les versent dans un bassin; elles les séparent, au moyen du crible, des semences de lentisque; elles les nettoient avec l'éponge, pour qu'il n'y reste pas de sel attaché : alors elles les mettent dans une amphore, et versent dessus soit du vin cuit jusqu'à réduction des deux tiers ou de moitié, soit même du miel, si elles en ont une quantité suffisante, et continuent l'opération comme à l'ordinaire.

[4] Par chaque modius d'olives, il faut employer un setier de graines d'anis, de lentisque, et trois cyathes de semences de fenouil; et à défaut de semences de fenouil, se servir, dans une proportion suffisante, de la plante même après l'avoir pilée; mêler ensuite, dans chaque modius de fruits, trois hérnines de sel torréfié, mais non égrugé; en cet état, déposer les olives dans l'amphore, la boucher avec de petites bottes de fenouil, et la rouler à terre tous les jours, et, lo troisième ou le quatrième, répandre la lie qui se sera dégagée.

[5] Au bout de quarante jours on devra verser les olives dans un bassin, se borner à les séparer de leur sel sans les essuyer avec l'éponge, les laisser dans l'état oh elles se trouvent unies à quelques grumeaux de sel, les déposer dans une amphore, et, après les avoir recouvertes d'une couche de fenouil, les placer à la cave pour l'usage.
Tirez de la saumure l'olive cueillie mûre que vous y avez fait macérer; essuyez-la avec une éponge; ouvrez-la avec une pointe de roseau vert, en deux ou trois en-droits.; déposez-la trois jours dans le vinaigre; épongez-la le lendemain; mettez-la dans une cruche ou une mar¬mite neuve, sur un lit d'ache, avec un peu de rue. Versez ensuite le vin cuit sur vos olives fendues, de manière à remplir le vase jusqu'à l'orifice. Employez de jeunes pousses de laurier pour comprimer ces fruits. Vous pourrez au bout de vingt jours en faire usage.

Sirapa quomodo fiat.

XLIX. [1] Oliva nigra maturissima sereno caelo legitur, eaque sub umbra uno die in cannis porrigitur, et quaecumque est vitiosa bacca, separatur. item, si qui adhaeserant pediculi, adimuntur, foliaque et surculi, quicumque sunt intermixti, eliguntur. Postero die diligenter cribratur, ut, si quid inest stercoris, separetur; deinde intrita oliva novo fisco includitur, et prelo subiicitur, ut tota nocte exprimatur.

[2] Postero die iniicitur quam mundissimis molis suspensis, ne nucleus frangatur; et quum est in samsam redacta, tunc sal coctus tritusque manu permiscetur cum ceteris aridis condimentis : haec sunt autem careum, cyminum, semen faeniculi, anisum Aegyptium. Sat erit autem totidem heminas salis adiicere, quot sunt modi olivarum, et oleum superfundere, ne exarescat : idque fieri debebit, quotiensque videbitur adsiccari.

[3] Nec dubium est, quin optimi saporis sit, quae ex oliva posia facta est. Ceterum supra duos menses sapor eius non permanet integer. Videntur autem alia genera huic rei magis esse idonea, sicut Liciniae et culminiae. Verumtamen habetur praecipua in hos usus olea Calabrica, quam quidam propter similitudinem, oleastellum vocant.

Comment on fait la sirape.

XLIX. [1] Par un temps serein, on cueille l'olive noire très-mûre; on l'étend à l'ombre sur des roseaux pendant un jour, et on rejette tous les fruits gâtés. S'il est resté quelques queues, on les enlève ainsi que les feuilles et les petites branches qui s'y trouveraient mêlées. Le lendemain, on crible soigneusement afin de faire disparaître ce qu'il y a d'ordures. Puis on met les olives broyées dans un cabas neuf que l'on soumet à l'action du pressoir pour que l'huile s'écoule pendant la nuit.

[2] On jette cette pâte sous les meules bien nettoyées, et assez suspendues pour ne pas briser les noyaux ; quand elle est réduite en bouillie, on y mêle avec la main du sel torréfié et égrugé, et d'autres assaisonnements secs, c'est-à-dire du fenugrec, du cumin, de la graine de fenouil, de l'anis d'Égypte. Il suffira, au surplus, d'employer autant d'héinines de sel que l'on a de modius d'olives, et de verser dessus de l'huile pour que la composition ne se dessèche pas : ce qu'on devra faire, du reste, toutes les fois qu'on remarquera qu'elle commence à se sécher.

[3] Il est hors de doute qu'elle sera d'un goût exquis si elle provient des pausées. Mais ce bon goût n'a pas plus de deux mois de durée. Les autres variétés d'olives les plus propres à ce condiment sont les licinies et les culminées. Cependant on préfère pour cet emploi les olives de Calabre, que quelques personnes appellent oléastelles, en raison de leur ressemblance avec le fruit de l'olivier sauvage.

Oleum quemadmodum fiat.

L. [1] Media est olivitas plerumque initium mensis decembris : nam et ante hoc tempus acerbum oleum conficitur, quod vocatur aestivum, et circa hunc mensem viride[m] premitur, deinde postea maturum. Sed acerbum oleum facere patrisfamilias rationibus non conducit, quoniam exiguum fluit : nisi si bacca tempestatibus in terram decidit, et necesse est eam sublegere, ne a domesticis pecudibus ferisve consumatur.

[2] Viridis autem notae conficere vel maxime expedit, quum et satis fluit, et pretio paene duplicat domini reditum. Sed si vasta sunt oliveta, necesse est aliqua pars eorum maturo fructui reservetur. Locus autem, in quo confici oleum debet, etiam descriptus est priore volumine : pauca tamen ad rem pertinentia commemoranda sunt, quae prius omiseram.

[3] Tabulatum, quo feratur olea, necessarium est, quamvis praeceptum habeamus, ut uniuscuiusque diei fructus molis et prelo statim subiiciatur. Verumtamen, quia interdum multitudo baccae torculariorum vincit laborem [si labor est,] esse oportet pensile horreum, quo inportentur fructus : idque tabulatum simile esse debet granario, et habere lacusculos tam multos, quam postulabit modus olivae, ut separetur, et seorsum reponatur uniuscuiusque die<i> coactura.

[4] Horum lacusculorum solum lapide vel tegulis oportet consterni ,et ita declive fieri, ut celeriter omnis humor per canales aut fistulas defluat : nam est inimicissima oleo amurca, quae si remansit in bacca, saporem olei corrumpit. Itaque quum lacus, quemadmodum diximus, exstruxeris, asserculos inter se distantes semipedalibus spatiis supra solum ponito, et cannas diligenter spisse textas iniicito, ita ut ne baccam transmittere queant, et olivae pondus possint sustinere.

[5] Iuxta omnis autem lacusculos, ea parte, qua defluet amurca, sub ipsis fistulis in modum fossularum concavum pavimentum, vel canalem lapideum esse oportebit, in quo consistat, et unde exhauriri possit, quidquid defluxerit. Praeterea lacus vel dolia praeparata sub tecto haberi oportebit, quae seorsum recipiant sui cuiusque generis amurcam, sive quae sincera fluxerit, sive etiam quae salem receperit : nam utraque usibus plurimis idonea est.

[6] Oleo autem conficiendo molae utiliores sunt, quam trapetum; trapetum, quam canalis et solea. Molae quam facillimam patiuntur administrationem : quoniam pro magnitudine baccarum vel summitti, vel etiam elevari possunt, ne nucleus, qui saporem olei vitiat, confringatur. Rursus trapetum plus operis, faciliusque quam solea et canalis efficit.

[7] Est et organum erectae tribulae simile, quod tudicula vocatur; idque non incommode opus efficit, nisi quod frequenter vitiatur, et, si baccae plusculum ingesseris, imnpeditur. Pro conditione tamen et regionum consuetudine praedictae machinae exercentur; sed est optima molarum, tum etiam trapeti.
Haec, antequam de oleo conficiendo dissererem, praefari necesse habui.

[8] Nunc ad ipsam rem veniendum est, quamquam multa omissa sint, quae, sicut ante vindemiam, sic et ante olivitatem praeparanda sunt, tamquam lignorum copia, quae multo ante apportanda est, ne, quum res desideraverit, opere avocentur; tum scalae, corbulae, decemmodiae, trimodiae satoriae, quibus districta bacca suscipitur, fisci, funes cannabini et spartei, conchae ferreae, quibus depletur oleum, opercula, quibus vasa olearia conteguntur, spongeae maiores et minores, urcei, quibus oleum progeritur, cannae tegetes, quibus oliva excipitur, et si qua sunt alia, quae nunc memoriam meam fugiunt.

[9] Haec omnia, et multo plura esse debent, quoniam in usu depereunt, et pauciora fiunt; quorum si quid suo tempore defuerit, opus intermittetur. Sed iam, quod pollicitus sum, exsequar.
Quum primum baccae variare coeperint, et iam quaedam nigrae fuerint, plures tamen albae, sereno caelo manibus destringi olivam oportebit, et substratis tegetibus aut cannis cribrari et purgari;

[10] tum diligenter mundatam protinus in torcular deferri, et integram in fiscis novis includi, prelisque subiici, ut, quantum possit, paulisper exprimatur; postea, resolutis cortirculis emolliri debebunt, adiectis binis sextariis integri salis in singulos modios; et aut regulis, si consuetudo erit regionis, aut certe novis fiscis samsae exprimi; quod deinde primum defluxerit, in rotundum labrum (nam id melius est, quam plumbeum quadratum, vel structile gemellar) protinus capulator depleat et in fictilia labra, huic usui praeparata, defundat.

[11] Sint autem in cella olearia tres labrorum ordines, ut unus primae notae, id est primae pressurae oleum recipiat, alter secundae, tertius tertiae : nam plurimum refert non miscere iterationem, multoque minus tertiationem cum prima pressura : quoniam longe melioris saporis est, quod minore vi preli, quasi lixivum defluxerit. Quum deinde paulum in labris primis constiterit oleum, eliquare id capulator in secunda labra debebit, et deinde in sequentia usque ad ultima; nam quanto saepius translatione ipsa ventilatur, et quasi exercetur, tanto fit liquidius, et amurca liberatur.

[12] Sat erit autem in singulis ordinibus tricena componi labra, nisi vasta fuerint oliveta, et maiorem numerum desideraverint. Quod si frigoribus oleum cum amurca congelabitur, plusculo sale cocto utique utendum erit : ea res resolvit oleum, et separat ab omni vitio. Neque verendum est, ne salsum fiat : nam quantumcumque adiieceris salis, nihilominus saporem non recipit oleum. Solet autem ne sic quidem resolvi, quum maiora frigora incesserunt; itaque nitrum torretur, et contritum inspergitur et commiscetur : ea res eliquat amurcam.

[13] Quidam, quamvis diligentes olearii, baccam integram prelo non subiiciunt, quod existimant aliquid olei deperire : nam quum preli pondus accepit, non sola exprimitur amurca, sed et aliquid secum pinguedinis attrahit. Illud autem in totum praecipiendum habeo, ut neque fumus, neque fuligo, quamdiu viride oleum conficitur, in torcular admittatur, aut in cellam oleariam : nam est utraque res inimica huic rei, peritissimique olearii vix patiuntur ad unam lucernam opus fieri; quapropter ad eum statum caeli et torcular, et cella olearia constituenda est, qui maxime a frigidis ventis aversus est, quoniam minime vapor ignis desideretur.

[14] Dolia autem et seriae, in quibus oleum reponitur, non tantum eo tempore curanda sunt, quum fructus necessitas cogit, sed ubi fuerint a mercatore vacuata : confestim vilica debet adhibere curam, ut, si quae faeces aut amurcae in fundis vasorum subsederint, statim emundentur, et non calidissima lixiva, ne vasa ceram remittant, sed semel atque iterum eluantur : deinde aqua tepida leviter manibus defricentur, et saepius eluantur, atque ita spongia omnis humor assiccetur.

[15] Sunt qui cretam figularem in modum liquidae faecis aqua resolvant, et quum vasa laverint, hoc quasi iure intrinsecus oblinant, et patiantur arescere; postea, quum res exigat, pura  eluunt aqua. Nonnulli prius amurca, deinde aqua vasa perluunt et assiccant; tum considerant, numquid ceram novam dolia desiderent : nam fere sexta quaque olivitate cerari oportere, antiqui dixerunt.

[16] Quod fieri posse non intellego: nam quemadmodum nova vasa, si calefiant, liquidam ceram facile recipiant, sic vetera non crediderim propter olei succum, ceraturam pati. Quam tamen et ipsam ceraturam nostrorum temporum agricolae repudiaverunt, existimaveruntque satius esse nova dolia liquida gummi perluere, siccataque suffumigare alba cera, ne pallorem capiant; eamque suffitionem semper faciendam iudicant, quotienscumque vel nova vel vetera vasa curantur, et oleo novo praeparantur.

[17] Multi, quum semel nova dolia vel serias crasse gummi liverunt, una in perpetuum gummitione contenti sunt; et sane, quae semel oleum testa combibit, alteram gummitionem non recipit; respuit enim olei pinguitudo talem materiam, qualis est gummis.
Post mensem decembrem circa kalendas Ianuarias eadem ratione, qua superius, destringenda erit olea, et statim exprimenda : nam si reposita in tabulatum fuerit, celeriter concalescet : quoniam hiemalibus pluviis amurcae plus concipit, quae est contraria huic rei.

[18] Cavendum est itaque, ne fiat oleum cibarium; quod uno modo vitari poterit, si protinus illata de agro baca commolita et expressa erit, quae sic administrata fuerit, ut supra diximus. Plerique agricolarum crediderunt, si sub tecto bacca deponatur, oleum in tabulato crescere : quod tam falsum est, quam in area frumenta grandescere. Idque mendacium vetus ille Porcius Cato sic refellit.

[19] Ait enim, in tabulato conrugari olivam, minoremque fieri; propter quod quum facti unius mensuram rusticus sub tecto reposuerit, et post multos dies eam molere voluerit, oblitus prioris mensurae, quam intulerat, ex alio acervo, similiter seposito, quantum cuique mensurae defuit, supplet, eoque facto videtur plus olei quita, quam recens bacca reddere, quum longe plures modios acceperit.

[20] Attamen si id maxime  verum esset, nihilominus ex pretio viridis olei plus quam multitudine mali] nummorum contrahitur. Sed et Cato dicit: Et sic quidem quidquid ponderis aut mensurae oleo accedit, si portionem velis in factum adiectae baccae conputare non proventum, sed detrimentum sentiens. Quapropter dubitare non debemus, lectam olivam, primo quoque tempore commolere, preloque subiicere.

[21] Nec ignoro, etiam cibarium oleum esse faciendum : nam ubi vel exesa vermiculis oliva decidit, vel tempestatibus et pluviis in lutum defluxit, ad praesidium aquae calidae decurritur; ahenumque calefieri debet, ut immundae baccae eluantur; sed id non ferventissima fieri oportet, verum modice calida, quo commodior gustus olei fiat : nam si excoctus est, etiam vermiculorum, ceterarumque immunditiarum saporem trahit. Sed quum fuerit oliva elota, reliqua, sicut supra praecepimus, fieri debebunt.

[22] Fiscis autem non isdem probum et cibarium oleum premi oportebit: nam veteres ad caducam olivam, novi autem ordinario aptari oleo, semperque, cum expresserint facta, statim ferventissima debent aqua bis aut ter elui; deinde, si sit profluens, impositis lapidibus, ut pondere pressi detineantur, immergi; vel si nec flumen est, in lacu, aut in piscina quam purissimae aquae macerari, et postea virgis verberari, ut sordes faecesque dedicant, et iterum elui, siccarique.

Comment on confectionne l'huile.

L. [1] Le commencement de décembre est ordinairement l'époque où la récolte des olives est en pleine activité : en effet, avant ce temps, on fait l'huile acerbe, à laquelle on donne le nom d'huile d'été; vers le mois de décembre, on exprime l'huile verte, et plus tard l'huile mûre. Il n'est pas de l'intérêt du père de famille de faire de l'huile acerbe, parce qu'on en obtient peu : il ne destinera donc à ce produit que les olives abattues par les tempêtes, et qu'il ne faut pas négliger de ramasser pour qu'elles ne soient pas dévorées par les bêtes et par les animaux domestiques.

[2] Il est au contraire très avantageux de faire de l'huile verte, d'autant plus qu'elle coule assez abondamment des olives et que son prix double à peu près le revenu du maître. Toutefois, si l'on possède un vaste plant d'oliviers, il est nécessaire d'en réserver une partie pour y laisser le fruit arriver à complète maturité.
Quoique nous ayons, dans notre premier livre, décrit le lieu où l'on doit faire l'huile ; nous croyons devoir consigner ici diverses choses relatives à cette opération, et dont nous ne nous étions pas d'abord occupés.

[3] Il est nécessaire d'avoir à sa disposition un plancher sur lequel on porte les olives, quoique nous ayons pour principe qu'on doive soumettre sans retard à l'action de la meule et du pressoir les récoltes de chaque jour. Cependant, comme il peut arriver que le travail des pressureurs soit insuffisant pour la grande abondance du fruit, il faut, s'il y a lieu, avoir un grenier pour recevoir les olives : il doit être planchéie comme celui où l'on placera les grains, mais offrir des cases aussi multipliées que l'exigera la quantité des olives, afin de mettre à part dans une case particulière la cueillette de chaque jour.

[4] Le sol de ces loges sera pavé de pierres ou de briques, et présentera une pente suffisante pour que tout liquide s'écoule promptement par des canaux ou des tuyaux : car la lie est tout à fait ennemie de l'huile, dont elle gâte le goût, si elle séjourne dans le fruit. C'est pourquoi, lorsque vous construirez les compartiments comme nous l'avons dit, établissez au-dessus d'eux des solives distantes entre elles d'un demi-pied, sur lesquelles vous jetterez des claies de roseaux soigneusement rapprochés, de manière que le fruit ne puisse passer au travers, et qu'elles ne cèdent pas sous le poids des olives.

[5] Près de tous les compartiments, au point oh la lie devra couler, formez sous les canaux mêmes un pavage concave en manière de fossette, ou bien une auge de pierre dans laquelle le liquide écoulé s'arrêtera et pourra être puisé. Il faudra, en outre, avoir à la maison des cuves ou des tonneaux disponibles pour recevoir séparément chaque sorte de lie, soit celle qui est naturelle, soit celle que l'on a salée; car l'une et l'autre sont propres à plusieurs usages.

[6] Pour la fabrication de l'huile, les meules offrent plus d'avantages que le trapet, et le trapet plus que le canal et la solde. Les meules sont d'un emploi très facile, parce que, suivant la quantité des olives, on peut les abaisser ou les élever, de manière à ne pas écraser les noyaux, qui altèrent le goût de l'huile. Toutefois le trapet fait plus de besogne, et la fait plus facilement que la solée et le canal.

[7] Il y a encore une autre machine qui est semblable à la tribule dressée debout, et que l'on appelle une tudicule. On s'en servirait avec assez d'avantage, si elle n'était sujette à se déranger souvent, et même à s'arrêter quand on soumet à son action une quantité un peu trop grande d'olives. Au reste, on fait usage de ces machines suivant les circonstances et les pays; mais la meilleure de toutes est la meule, et ensuite le trapet.
J'ai pensé qu'avant de parler de la fabrication de l'huile, il était nécessaire rie traiter de ces objets.

[8] Maintenant venons à notre sujet, quoique nous ayons omis de parler de beaucoup de choses que, comme avant la vendange, il faut préparer pour la récolte des olives, telles que du bois en quantité qu'on doit apporter longtemps d'avance, afin que les ouvriers ne soient pas obligés, lorsqu'ils en auront besoin, d'interrompre leur travail; telles que des échelles, des corbeilles, des mesures de dix modius, des paniers de trois modius, pour contenir les olives que l'on a cueillies, des cabas, des cordes de chanvre et de sparte, des cuillers de fer pour puiser l'huile, des couvercles pour placer sur les vases destinés à la recevoir, des éponges tant grandes que petites, des cruches pour la transporter, des claies de roseaux pour y établir les olives, et d'autres ustensiles dont je ne me souviens pas en ce moment.

[9] On doit être pourvu de toutes ces choses et de beaucoup d'autres de rechange, parce que l'usage en met quelques-unes hors de service, et en diminue, par conséquent, le nombre; et parce que, s'il venait à en manquer quelqu'une, le travail se trouverait interrompu. Mais je vais poursuivre le sujet que j'ai promis de traiter.
Lorsque les olives commencent à changer de couleur, que quelques-unes sont déjà noires et que le plus grand nombre toutefois en est encore blanc, il faut commencer la cueillette à la main par un temps serein, et cribler et nettoyer les olives sur des claies ou des roseaux.

[10] Alors on s'empresse de les porter au pressoir, bien mondées, de les déposer sans les meurtrir dans des cabas neufs, de les pressurer de manière à n'obtenir leur liqueur que peu à peu. Quand leur écorce sera brisée, on devra les ramollir en répandant dessus deux setiers de gros sel par chaque modius de fruit, et, si c'est l'usage du pays, en exprimer le marc à l'aide de claies, sinon à l'aide de cabas neufs. La première huile doit être reçue dans une cuvette ronde (ce qui vaut mieux que d'employer des vases carrés de plomb et des vaisseaux de plusieurs pièces), et l'ouvrier chargé de survider doit la verser clans les cruches de terre cuite préparées pour cet usage.

[11] Il faut avoir dans le cellier à l'huile trois rangs de bassins : le premier sera destiné à recevoir l'huile de qualité supérieure, c'est-à-dire de première expression; le second celle du deuxième pressurage, et le dernier celle du troisième : car il est bien important de ne pas mêler la mère-goutte avec la seconde huile, et surtout avec la troisième; puisque l'huile qui, comme une lessive, s'écoule par l'effet d'une faible pression, est d'un goût bien meilleur que les autres. Quand l'huile a un peu séjourné dans les premiers bassins, le pressureur doit la tirer au clair dans d'autres vaisseaux, et de vase en vase jusqu'au dernier : car, plus souvent on lui procurera de l'air en la décantant, plus dans cette espèce d'exercice elle acquerra de limpidité, et mieux elle se dépouillera de sa lie.

[12] Il suffira, au reste, que chaque rang soit composé de trente vases, à moins que l'on ne possède de vastes plants d'oliviers qui en exigent davantage. Si le temps froid fait congeler l'huile avec sa lie, il est évident qu'il faudra augmenter un peu la dose de sel torréfié, parce qu'il rend l'huile plus fluide et qu'il sépare tout ce qui peut l'altérer. Au surplus, il n'y a pas à craindre que l'huile devienne salée : car, quelle que soit la dose de sel qu'on y mette, l'huile n'en prend jamais le goût. Ordinairement ce procédé ne suffit pas pour la rendre liquide, lorsqu'il survient de grands froids; alors on torréfie du nitre, et, après l'avoir pulvérisé, on en jette dans l'huile et on l'y mêle : cette substance en fait déposer la lie.

[13] Quelques personnes, dont l'expérience d'ailleurs n'est pas douteuse, pensent qu'en soumettant le fruit entier à l'action du pressoir, on perd une petite quantité d'huile : car quand les olives ont reçu le poids de la presse, ce n'est pas seulement la lie qui s'écoule, mais elle entraîne avec elle un peu de liquide onctueux. Voici, au reste, ce que je crois devoir prescrire en général : il faut éviter que la fumée ne pénètre ou que de la suie ne séjourne dans le pressoir ou dans le cellier où se trouve l'huile. Ce sont, en effet, deux choses préjudiciables à ce liquide, et les plus habiles faiseurs d'huile permettent à peine d'employer une lampe quand on la fabrique. C'est pourquoi on doit orienter le pressoir et le cellier de sorte qu'ils ne soient point exposés aux vents froids, car on ne doit y introduire la chaleur du feu que le moins qu'il est possible.

[14] Quant aux tonneaux et aux cruches dans lesquels on dépose l'huile, il ne faut pas, pour les disposer, attendre le temps où la maturité du fruit y force, mais s'en occuper dès qu'ils auront été vidés par les acheteurs : la métayère doit, sans plus tarder, enlever le sédiment ou la lie qui auraient pu se déposer au fond des vaisseaux, et les laver à plusieurs reprises, non avec de la lessive très chaude, de peur qu'elle ne fasse couler la cire dont ils sont induits, mais avec de l'eau tiède, en les frottant légèrement avec la main, puis les rincer à plusieurs reprises, et au moyen d'une éponge enlever toute l'humidité. Il y a des personnes qui délayent dans de l'eau, en manière de vase claire, de l'argile à potier, et, après avoir lavé les vaisseaux, les enduisent de cette espèce de liquide, et les font sécher. Ensuite, lorsqu'elles veulent s'en servir, elles les rincent avec de l'eau pure.

[15] Quelques-unes commencent par laver ces vases avec de la lie d'huile, puis avec l'eau, et les laissent sécher; en même temps elles examinent si leurs vaisseaux n'ont pas besoin de nouvelle cire : car les anciens prétendaient qu'il fallait les enduire de cette substance, après six récoltes environ. Je ne comprends pas la possibilité de cette opération :

[16] car, si les vases neufs étant chauffés peuvent facilement admettre la cire fondue, je ne crois pas que les vieux puissent être enduits de cette substance en raison de l'huile dont ils sont imprégnés. Au surplus, les agriculteurs de notre temps rejettent même le premier enduit de cire, pensant qu'il est préférable de laver les vases neufs avec de la gomme fondue, et, dès qu'ils sont secs, d'y introduire des fumigations de cire blanche, afin de les préserver de la moisissure : ils sont d'avis qu'il ne faut pas omettre de faire cette fumigation toutes les fois qu'on dispose les vaisseaux soit neufs, soit vieux, et qu'on les prépare pour recevoir de nouvelle huile.

[17] Beaucoup de personnes se contentent d'un seul enduit de gomme pour toujours, lorsqu'ils l'ont appliqué assez épais à leurs tonneaux neufs et à leurs cruches neuves. Assurément, une fois qu'un vase est imbibé d'huile, il n'admet plus de nouvelles couches de gomme : car la graisse de l'huile repousse toute substance de nature gommeuse.
A la fin de décembre, vers les calendes de janvier, il faut, par la raison que nous en avons donnée, cueillir les olives et les pressurer sans retard : car, si on les dépose sur le plancher, elles s'échauffent promptement. D'ailleurs, pendant les pluies d'hiver, elles produisent plus de lie : ce qui est un inconvénient pour cette opération.

[18] C'est pourquoi il faut prendre garde d'être réduit à n'en tirer que de l'huile à manger commune. Il n'y a qu'une manière d'écarter cet inconvénient : c'est de traiter le fruit comme nous l'avons prescrit, puis de l'écraser au moyen de la meule et de le pressurer, aussitôt après l'avoir apporté des champs. La plupart des agriculteurs ont cru qu'en déposant les olives sur le plancher, on leur faisait produire une plus grande quantité d'huile : assertion aussi fausse que si l'on prétendait que les grains croissent sur l'aire. C'est ainsi que notre vieux Porcius Caton réfute cette erreur :

[19] « Sur le plancher, dit-il, l'olive se ride et s'amoindrit. En effet, quand le paysan a transporté à la maison la mesure d'un pressurage, et que, plusieurs jours après, il veut la soumettre à l'action de la meule, oubliant la quantité qu'il a d'abord apportée, il tire d'un autre tas, également mis à part, ce qui manque à chaque mesure : c'est ce qui lui fait croire que les olives reposées rendent plus d'huile que celles. qui sont plus récemment recueillies, tandis qu'il en a réellement employé un plus grand nombre de mesures.

[19] Quand bien même l'assertion serait vraie, on retirerait toutefois plus d'argent du prix de l'huile verte que d'une augmentation de fruit. »
Caton ajoute : « Vinssiez-vous à accroître le poids ou la mesure de l'huile, si vous voulez calculer ce que vous avez ajouté d'olives à votre pressurée, vous verrez qu'il y a, non pas du bénéfice, mais de la perte. Aussi ne devons-nous pas balancer à écraser l'olive dès les premiers moments de sa récolte et à la soumettre au pressoir. »

[21] Je n'ignore pas qu'il faut aussi fabriquer de l'huile à manger commune. Quand les olives véreuses viennent à tomber, ou que les vents et les pluies en ont jeté dans la boue, on a recours à l'eau chaude; on fait chauffer un vase d'airain pour laver ces fruits malpropres. Il ne faut pas toutefois que cette eau soit bouillante, ruais simplement tiède, afin que le goût de l'huile soit meilleur; car, si les olives étaient cuites, elles contracteraient le mauvais goût des vers et des autres impuretés. Lorsque l'olive est bien lavée, on la traite, pour le reste, comme nous avons indiqué ci-dessus.

[22] Il ne faudra pas presser dans les mêmes cabas l'huile de première qualité et l'huile commune : en effet, tandis qu'on réserve les cabas neufs pour l'huile ordinaire, les vieux cabas doivent servir pour les olives tombées; et, toutes les fois qu'ils auront servi, on les lavera sans retard deux ou trois fois dans de l'eau bouillante : si l'on a un cours d'eau à sa proximité, on les y plongera en les assujettissant sous des pierres dont le poids les retiendra au fond; si l'on manquait d'eau courante, on les ferait tremper dans une mare ou dans une piscine d'eau très pure, puis on les battrait avec des verges, afin d'en faire sortir les ordures et les lies; on les laverait de nouveau, et on les ferait sécher.

De oleo gleucino.

LI. [1] Quamvis non erat huius temporis olei gleucini compositio, tamen huic parti voluminis reservata est, ne parum opportune vini conditionibus interponeretur. Hac autem ratione confici debet.
Vas olearim quam maximum, et aut novum, aut certe bene solidum praeparari oportet; deinde, per vindemiam, musti quam optimi generis et quam recentissimi sextarios sexaginta cum olei pondo octoginta in id confundi : tum aromata non cribrata, sed ne minute quidem contusa, verum leviter confracta in reticulum iunceum aut linteum adiici, et ita cum saxi pondusculo in olei atque musti partem demitti.

[2] Sint autem iis portionibus pensata, quas infra subiicimus, calami, schoeni, cardamomi, xylobalsami, corticis de palma, faeni Graeci vetere vino macerati, et postea siccati, atque etiam torrefacti, iunci radicis, tum etiam iridis Graecae, nec minus anisi Aegyptii; pari pondere, id est uniuscuiusque libram et quadrantem, ut supra diximus, reticulo inclusa demittito et metretam linito. Post septimum diem aut nonum per se metretae, si quid faecis aut spurcitiae faucibus inhaerebit, manu eximito, et detergito; deinde oleum eliquato, novisque vasis recondito.

[3] Mox reticulum eximito, et aromata in pila quam mundissime contundito, tritaque in eandem metretam reponito, et tantundem olei, quantum prius, infundito, et opturato, in sole ponito. Post septimum diem, oleum depleto, et, quod est reliquum musti, picato cado recondito : nam id si non exhauseris, medicamentum dabitur potandum imbecillis bubus et cetero pecori. Oleum autem secundarium non insuavis odoris quotidianam unctionem praebere poterit dolore nervorum laborantibus.

De l'huile douce.

LI. [1] Quoique la composition de l'huile douce n'appartienne pas à cette époque, je l'ai réservée pour cette partie de mon livre, craignant qu'elle ne parût dépla¬cée dans les recettes pour les vins. Au reste, elle se fait de la manière suivante.
Il faut disposer un grand vaisseau à huile, neuf ou au moins bien solide; ensuite, pendant la vendange, on y verse soixante setiers du moût de la meilleure qualité, et du plus nouveau, avec quatre-vingts livres d'huile; on y ajoute dans un réseau de jonc ou de lin des aromates non tamisés, pas même pulvérisés, mais seulement légèrement concassés, et on maintient ce réseau, sous le poids d'une pierre, dans le mélange d'huile et de moût.

[2] Les substances contenues dans le réseau doivent y être introduites dans les proportions suivantes : calamus, jonc odorant, cardamome, baume de Judée, écorce de palmier, fenugrec macéré dans du vin vieux et séché ensuite, et même torréfié, racine de jonc, même iris grec et aussi anis d'Égypte, à poids égal, c'est-à-dire de chacun une livre et un quart; après quoi on lutera la métrète. Au bout de sept ou de neuf jours, on enlèvera à la main l'écume et les ordures qui se seraient attachées au col de ce vase, et on l'essuyera ; ensuite on tirera l'huile au clair et on la versera dans des vases neufs.

[3] Après quoi on tirera le réseau, on pilera les aromates avec la plus grande propreté, on les mettra bien pulvérisés dans la même métrète, on y versera autant d'huile que la pre¬mière fois, on bouchera le vaisseau et on le placera au soleil. Sept jours après, on décantera l'huile, et on mettra le moût restant dans un vaisseau bien poissé. Si on ne le transvasait pas, on s'en servirait comme de potion médicamenteuse pour les boeufs malades et pour les autres bestiaux. Quant à la seconde huile, qui n'est pas d'une odeur désagréable, elle pourra servir, pour frictions journalières, aux personnes affectées de maladies nerveuses.

Oleum ad unguenta quemadmodum facias.

LII. [1]  Oleum ad unguenta sic facito. Ante quam oliva nigrescat, quum primum decolorari coeperit, nec tamen adhuc varia fuerit, maxime Liciniam, si erit; si minus, rergiam; si nec haec fuerit, tunc Culminiam baccam manu stringito, et statim purgatam prelo integram subiicito, et amurcam exprimito.

[2] Deinde suspensa mola olivam frangito, eamque vel in regulas, vel in novo fisco adiicito, subiectamque prelo sic premito, ne vasa intorqueas, sed tantum ipsius preli pondere quantulumcumque exprimi patiaris; deinde quum sic fluxerit, protinus capulator amurca separet, et diligenter seorsum in nova labra transferat, atque eliquet reliquum olei; quod postea fuerit expressum, poterit ad escam vel cum alia nota mixtum, vel per se approbari.

Comment on fait l'huile dont on se sert pour les parfums.

LII. [1] Faites ainsi l'huile destinée à la préparation des parfums. Avant que les olives soient devenues noires, quand elles commencent à changer de couleur, et qu'elles ne sont pas encore bigarrées, cueillez à la main les liciniennes surtout, si vous en avez, sinon les royales, ou à leur défaut les culminées. Après les avoir nettoyées, soumettez-les à l'action du pressoir telles qu'elles sont, et exprimez-en la lie;

[2] ensuite broyez-les sous la meule peu serrée; disposez-les sur des claies ou dans un cabas neuf; pressez sous le bélier du pressoir de manière qu'il ne déforme pas le cabas ou les claies, mais fasse par son propre poids écouler quelque liquide. A mesure qu'il se dégagera ainsi, l'ouvrier le séparera de sa lie et le transvasera promptement dans des vases neufs, et décantera le reste de l'huile. Ce qui sera ensuite exprimé des olives pourra servir pour les aliments, soit en le mélangeant avec de l'huile d'une autre qualité, soit en l'employant seul.

De salsura suillae carnis.µ

LIII. [1] Hactenus de oleo abunde diximus, nunc ad minora redeamus.
Omne pecus, et praecipue suem pridie, quam occidatur, potione prohiberi oportet, quo sit caro siccior : nam si biberit, plus humoris salsura habebit; ergo sitientem quum occideris, bene exossato: nam ea res minus cariosam, et magis durabilem salsuram facit.

[2] Deinde quum exossaveris, cocto sale, nec nimium minuto, sed suspensa mola infracto diligenter sallito, et maxime in eas partes, quibus ossa relicta sunt, largum salem infarcito, compositisque supra tabulatum tergoribus aut frustis vasta pondera imponito, ut exsanietur; tertio die pondera removeto, et manibus diligenter salsuram fricato; eamque quum voles reponere, minuto et trito sale aspergito, atque ita reponito : nec desieris eius cottidie salsuram fricare, donec matura sit.

[3] Quod si serenitas fuerit iis diebus, quibus perfricatur caro, patieris eam sale consparsam esse novem diebus; at si nubilum, aut pluviae, undecima vel duodecima die ad lacum salsuram deferri oportebit, et salem prius excuti, deinde aqua dulci diligenter perlui, necubi sal inhaereat, et paulum assiccatam in carnario suspendi, quo modicus fumus perveniat, qui, si quid humoris adhuc continetur, siccare eum possit. Haec salsura luna decrescente maxime per brumam, sed etiam mense februario ante idus commode fiet.

[4] Est et alia salsura, quae etiam locis calidis omni tempore anni potest usurpari, quae talis est : quum [ab] aqua pridie sues prohibiti sunt, postero die mactantur, et vel aqua candente, vel ex tenuibus lignis flammula facta glabrantur (nam utroque modo pili detrahuntur), caro in libraria frusta conciditur; deinde in seria substernitur sal coctus, sed modice (ut supra diximus) infractus; deinde offulae carnis spisse conponuntur, et alternus sal ingeritur; sed quum ad fauces seriae perventum est, sale reliqua pars repletur, et impositis ponderibus in vas comprimitur :eaque caro semper consumatur; et tamquam salsamentum in muria sua permanet.

De la salaison de la viande de porc.

LIII. [1] Jusqu'ici nous avons suffisamment parlé de l'huile; passons maintenant à des choses moins importantes.
On doit interdire la boisson à tout animal et surtout au porc, la veille du jour où on doit le tuer, afin que sa chair soit plus sèche; car, s'il avait bu, la salaison en serait plus humide. Après avoir tué l'animal sans lui avoir permis d'étancher sa soif, désossez-le avec soin : c'est le moyen de conserver la salaison mieux et plus longtemps.

[2] Quand il sera désossé, salez-le sans tader avec du sel torréfié, peu égrugé, mais concassé sous la meule desserrée; saupoudrez largement les morceaux, surtout ceux auxquels vous aurez laissé les os. Après avoir disposé les quartiers ou les morceaux sur un plancher, chargez-les de poids très-lourds pour faciliter l'écoulement de l'humidité qu'ils recéleraient. Retirez les poids le troisième jour, frottez avec soin à la main cette salaison, et, lorsque vous voudrez la mettre en place, saupoudrez-la de sel fin bien égrugé; dressez-la en cet état, et vous ne cesserez de la frotter tous les jours jusqu'à ce qu'elle soit à son point convenable.

[3] Si le temps est serein durant les jours où vous ferez cette opération, laissez votre viande neuf jours sous le sel; mais si le temps est couvert, ou s'il pleut, il faudra, le onzième ou le douzième jour, porter la salaison au saloir, secouer d'abord le sel, laver soigneusement les morceaux avec de l'eau douce, n'y laisser de sel nulle part, et, dès qu'ils seront un peu desséchés, les suspendre dans le garde-manger, où on fera pénétrer un peu de fumée pour dessécher ce qui peut rester d'humidité. Il y a de l'avantage à faire cette salaison au décours de la lune, surtout pendant le solstice d'hiver, ou même dans le mois de février avant les ides.

[4] Il existe une autre manière de saler le porc, applicable même dans les lieux chauds, et dans toutes les époques de l'année. La voici : l'animal ayant été privé d'eau la veille de sa mort, on l'égorge le lendemain; puis on l'épile soit à l'eau bouillante, soit à une flamme légère de menu bois (car de l'une et de l'autre façon on peut le dépouiller de ses soies) ; on le coupe par mor¬ceaux d'une livre; ensuite on fait au fond d'un vase un lit de sel torréfié, mais (comme nous l'avons dit ci-dessus) grossièrement égrugé ; puis on dresse bien pressés et par couches les morceaux, qu'on alterne de couches de sel. Quand on est arrivé au col du vase, on achève de le remplir de sel, et l'on y comprime le tout au moyen de poids. Cette chair se conserve indéfiniment, et doit rester dans sa saumure comme toute autre salaison.

Rapa et napos quemadmodum condias.

LIV. [1] Raporum quam rotundissima sumito, eaque, si sunt lutosa, detergito, et summam cutem novacula decerpito; deinde, (sicut consueverunt salgamarii) decusatim ferramento lunato incidito; sed caveto,, ne usque ad imum praecidas rapum. Tum salem inter incisuras raporum non nimium minutum adspergito, et rapa in alveo aut seria componito, et sale plusculo inspersa, triduo sinito, dum exsudent.

[2] Post tertium diem mediam fibram rapi gustato, si receperit salem; deinde, quum videbitur satis recepisse, exemptis omnibus, singula suo sibi iure eluito, vel, si non multum liquoris fuerit, muriam duram adiicito, et ita eluito; et postea in quadratam cistam vimineam, quae neque spisse, solide tamen et crassis viminibus contexta sit, rapa componito; deinde sic aptatam tabulam superponito, ut usque ad fundum, si res exigat, intra cistam deprimi possit.

[3] Quum eam tabula[tu]m sic aptaveris, gravia pondera superponito, et sinito nocte tota et uno die siccari; tum in dolio picato fictili, vel in vitreo componito, et sic infundito sinapi et aceto, ut a iure contegantur.

[4] Napi quoque, sed integri, si minuti sunt, maiores autem insecti, eodem iure, quo rapa, condiri possunt : sed curandum est, ut haec utraque, antequam caulem agant et cymam faciant, dum sunt tenera, conponantur.

[5] Napos minutos integros, aut rursus amplos in tres aut quattuor partes divisos, in vas coniicito, et aceto infundito, salis quoque cocti unum sextarium in congium aceti adiicito. Post tricensimum diem uti poteris.

Comment on confit les raves et les navets.

LIV. [1] Prenez des raves très-rondes; nettoyez-les si elles sont terreuses, et enlevez-en légèrement la pelure avec un couteau; après cela (comme ont coutume de faire les confiseurs), coupez-les en sautoir avec une lame faite en forme de croissant; mais évitez de les fendre tout à fait. Dans ces ouvertures, introduisez du sel qui ne soit pas trop égrugé, dressez les raves dans un bassin ou dans une cruche; laissez-les trois jours saupoudrées d'un peu de sel jusqu'à ce qu'elles aient rejeté leur eau.

[2] Au bout de ces trois jours, goûtez les fibres intérieures de ce légume pour vous assurer si elle a pris assez de sel; puis, quand vous croirez qu'elle s'en est suffisamment imprégnée, tirez du vase vos raves, lavez chacune d'elles dans son propre jus, et, s'il y en a trop peu, ajoutez de la saumure forte, et procédez à votre lavage. Après cette opération, dressez les raves dans une corbeille d'osier carrée, dont le tissu ne soit pas trop serré, mais solide et formé de verges un peu grosses; puis posez une planche de manière à pouvoir, s'il le faut, refouler ces légumes jusqu'au fond du panier.

[3] Après avoir ainsi adapté la planche, chargez-la de poids fort lourds, et laissez tout un jour et toute une nuit la préparation se dessécher; puis mettez-la dans un vaisseau de terre poissé, ou dans un vase de verre, et versez dessus assez de moutarde et de vinaigre pour qu'elle soit recouverte par le jus.

[4] On peut dans une saumure pareille confire des navets, entiers s'ils sont petits, mais coupés par tranches s'ils sont gros; mais il faut avoir soin d'employer ces divers légumes, avant qu'ils aient poussé leur tige et qu'ils montent à graine, tandis qu'ils sont tendres.

[5] Jetez dans un vase les navets en leur entier, s'ils ne sont pas gros, sinon coupés en trois ou quatre morceaux, s'ils ont acquis une certaine grosseur; versez dessus du vinaigre, et ajoutez pour chaque conge de ce liquide un setier de sel torréfié. Vous pourrez au bout de trente jours faire usage de cette préparation.

Sinapin quemadmodum facias.

LV. [1] Semen sinapis diligenter purgato, et cribrato; deinde aqua frigida eluito, et quum fuerit bene lotum, duabus horis in aqua sinito; postea tollito, et manibus expressum in mortarium novum aut bene emundatum coniiicito, et pistillis conterito; quum contritum fuerit, totam intritam ad medium mortarium contrahito, et comprimito manu plana; deinde quum compresseris, scarifato, et impositis paucis carbonibus vivis aquam nitratam suffundito, ut omnem amaritudinem eius, et pallorem exsaniet; deinde statim mortarium erigito, ut omnis humor eliquetur; post hoc album acre acetum adiicito, et pistillo permisceto, colatoque. Hoc ius ad rapa condienda optime facit.

[2] Ceterum, si velis ad usum conviviorum praeparare, quum exsaniaveris sinapi,, nucleos pineos quam recentissimos, et amygdalum adiicito, diligenterque conterito, infuso aceto. Cetera, ut supra dixi, facito. Hoc sinapi ad embammata non solum idoneo, sed etiam specioso uteris : nam est candoris eximii, si sit curiose factum.

Comment on fait la moutarde.

LV. [1] Nettoyez avec soin de la graine de sénevé et criblez-la; lavez-la ensuite à l'eau froide, et quand elle sera bien lavée, laissez-la tremper dans l'eau pendant deux heures. Retirez-la ensuite, et, après l'avoir pressée dans les mains, jetez-la dans un mortier neuf ou très propre, et broyez-la sous le pilon. Lorsqu'elle sera bien moulue, ramenez cette pâte vers le milieu du mortier et aplatissez-la avec la main. Après l'avoir ainsi comprimée, ouvrez-y des sillons, où vous répandrez de l'eau nitrée sur quelques charbons ardents que vous y aurez placés, afin de faire rejeter à cette graine toute son amertume, et la préserver de la moisissure. Relevez ensuite le mortier, afin que l'humidité disparaisse entièrement. Versez sur cette moutarde de fort vinaigre blanc, opérez le mélange au moyen du pilon, et passez au tamis. Ce jus convient parfaitement pour confire les raves.

[2] Au reste, si vous voulez préparer de la moutarde pour l'usage de la table, après avoir exprimé le sue du sénevé, joignez-y des pignons très frais, ainsi que des amandes, et broyez le tout soigneusement après l'avoir arrosé de vinaigre. Faites, pour le surplus, comme je l'ai dit ci-dessus. Vous emploierez cette moutarde qui sera non-seulement bonne pour les assaisonnements, mais qui offrira en outre un coup d'oeil agréable : car, lorsqu'elle est bien préparée, elle est du plus beau blanc.

Oleris atri et siseris radicem quemadmodum condias.

LVI. [1] Priusquam olusatrum coliculum agat, radicem eius eruito mense ianuario, vel etiam februario, et diligenter defricto, ne quid terreni habeat, et in aceto et sale componito; deinde post diem tricesimum eximito, et corticem eius delibratum abiicito. Ceterum, medullam eius concisam in fideliam vitream vel novam fictilem coniicito, et adiicito ius, quod, sicut infra scriptum est, fieri debebit.

[2] Sumito mentam et uvam passam, et exiguam cepam aridam, eamque cum torrido farre et exiguo melle subterito. Quae quum fuerit bene trita, sapae vel defruti duas partes, et aceti unam permisceto; atque ita in eandem fideliam confundito, eamque, operculo contectam, pelliculato. Quum deinde uti voles, cum suo iure concisas radiculas promito, et oleum adiicito.

[3] Hoc ipso tempore siseris radicem poteris eadem ratione, qua supra, condire; sed quum exegerit usus, eximes de fidelia, et oxymelli, cum exiguo oleo superfunde.

Comment ou peut confire les racines du maceron et du chervi.

LVI. Avant que le maceron ait poussé sa tige, déterrez sa racine dans le mois de janvier ou même de février; frottez-la soigneusement, afin qu'il n'y reste pas de terre, et mettez-la tremper dans du vinaigre avec du sel. Vous l'en retirez au bout de trente jours, et vous en jetterez la pelure après l'avoir enlevée. Quant à la partie charnue, vous la placerez dans un vase de verre ou dans une cruche neuve, et y ajouterez un jus dont je vais ci-dessous donner la composition.

[2] Prenez de ma menthe, des raisins séchés au soleil et de petits oignons desséchés; broyez le tout avec du froment torréfié et un peu de miel. Quand le broiement sera par-fait, mêlez-y deux parties de vin cuit, jusqu'à réduction soit des deux tiers,'soit de moitié, et une partie de vinaigre. Versez le tout dans la même cruche, dont vous envelopperez d'une peau le goulot bien bouché. Lorsque vous voudrez vous en servir, vous tirerez des tranches de racines avec leur jus, et vous y ajouterez de l'huile.

[3] A la même époque, vous pouvez, par le procédé qui vient d'être indiqué, confire des racines de chervi; mais quand vous voudrez en faire usage, il faudra, en les tirant de la cruche, verser dessus de l'oxymel avec un peu d'huile.

Moretum oxyporum vel, ut alii, oxygarum quemadmodum componas.

LVII. [1] Addito in mortarium satureiam, mentam, rutam, coriandrum, apium, porrum sectivum, aut si id non erit, viridem cepam, folia lactucae, folia erucae, thymum viride, vel nepetam, tum etiam viride puleium, et caseum recentem, et salsum; ea omnia pariter conterito, acetique piperati exiguum permisceto. Hanc mixturam quum in catillo composueris, oleum superfundito.

[2] quum viridia, quae supra dicta sunt, contriveris, nuces iuglandes purgatas, quantum satis videbitur, inserito, acetique piperati exiguum permisceto, et oleum infundito.
Sesamum leviter torrefactam cum iis viridibus, quae supra dicta sunt, conterito; item aceti piperati exiguum permisceto, cui supra oleum superfundito.

[3] Caseum Gallicum, vel cuiuscumque notae volueris, minutatim concidito, et conterito, nucleosque pineos, si eorum copia fuerit; si minus, nuces avellanas torrefactas adempta cute, vel amygdalas, aeque supra, condimenta pariter misceto, acetique piperati exiguum adiicito, et permisceto, compositumque oleo superfundito.

[4] Si condimenta viridia non erunt, puleium aridum, vel thymum, vel origanum, aut aridam satureiam cum caseo conterito, acetumque piperatum et oleum adiicito. Possunt tamen haec arida, si reliquorum non sit potestas, etiam singula caseo misceri.
Piperis albi, si sit, si minus, nigri, unciae tres, apii seminis unciae duae, laseris radicis, quod σίλφιον Graeci vocant, sescunciam, casei sextantem : haec contusa et cribrata melli permisceto, et in olla nova servato; deinde quum exegerit usus, quantulumcumque ex eo videbitur, aceto et garo deluito.

[5] Ligustici unciam, passae uvae, detractis vinaceis, sextantem, piperis albi vel nigri quadrantem : haec, si maiorem impensam vitabis, possunt melli admisceri, et ita servari. At si pretiosius oxyporum facere voles, haec eadem cum superiore compositione miscebis, et ita in usum repones : quod si etiam [quum] laser non habueris, pro silphio, melius adiicies pondo semunciam.

[6] Clausulam peracti operis mei, P. Silvine, non alienum puto indicem lecturis, [si modo fuerint, qui dignentur ista cognoscere:] nihil dubitasse me, paene infinita esse, quae potuerint huic inseri materiae; verum ea, quae maxime videbantur necessaria, memoriae tradenda censuisse. Nec tamen canis natura dedit cunctarum rerum prudentiam: nam etiam quicumque sunt habiti mortalium sapientissimi, multa scisse dicuntur, non omnia.

Comment on compose le moret oxypore, ou, comme disent d'autres personnes, l'oxygarum.

LVll. [1] Mettez ensemble, dans un mortier, de la sarriette, de la menthe, de la rue, de la coriandre, de l'ache, du poireau sectile, ou bien, si vous n'en avez pas, de l'oignon vert, des feuilles de laitues, des feuilles de roquette, du thym vert ou de la cataire, et aussi du pouliot vert, du fromage frais et du fromage salé; broyez toutes ces substances ensemble, en y mêlant un peu de vinaigre poivré. Puis mettez cette mixtion dans un plat, et arrosez-la d'huile.

[2] Après avoir pilé les plantes vertes dont il vient d'être question, vous y joindrez la quantité qui vous paraîtra suffisante de noix bien nettoyées, ainsi qu'un peu de vinaigre poivré, et vous verserez de l'huile sur le tout. Pilez, avec ces mêmes plantes vertes, du sésame légèrement torréfié; puis ajoutez un peu de vinaigre poivré et de l'huile par-dessus.

[3] Coupez par petits morceaux et écrasez du fromage gaulois ou de toute autre espèce, et, eu outre, des pignons, si vous en avez en abondance; sinon, mêlez à ces mêmes assaisonnements, et de la même manière, des avelines torréfiées et préalablement pelées, ou bien des amandes; puis ajoutez une petite quantité de vinaigre poivré, mélangez, et versez de l'huile sur cette composition.

[4] Si l'on n'a pas d'assaisonnements verts, pilez avec le fromage du pouliot sec, ou du thym, ou de l'origan, ou de la sarriette sèche, et arrosez la préparation avec du vinaigre poivré et de l'huile. De toutes ces plantes sèches une seule peut même être mêlée au fromage, lorsqu'on ne peut se procurer les autres.
Broyez ensemble trois onces de poivre blanc, ou, à son défaut, si l'on en a, de poivre noir, deux onces de graine d'ache, une once et demie de racine de laser, que les Grecs appellent silphion, et deux onces de fromage; passez au tamis, puis mélangez avec du miel et conservez dans un pot neuf. Ensuite, lorsqu'on voudra en faire usage, on en délayera ce que l'on voudra avec du vinaigre et du garum.

[5] Si vous voulez éviter une trop grande dépense, mêlez avec du miel une once de livèche, deux onces de raisins séchés au soleil purgés de leurs pepins, et quatre onces de poivre blanc ou noir ; et conservez cette mixtion. Mais si vous voulez faire un oxypore plus délicat, vous réunirez cette dernière composition avec la précédente, et vous le réserverez pour l'usage. Si vous n'aviez pas de laser, autrement dit silphium, vous ajouteriez une demi-once de miel.

[6] Je crois à propos, P. Silvinus, en terminant mon ouvrage, de déclarer aux personnes qui me liront (s'il s'en trouve qui ne dédaignent pas de prendre connaissance de ces matières, que je n'ai nullement douté qu'il y a une infinité de choses qui auraient pu trouver place dans mon livre; mais j'ai cru ne devoir transmettre à la postérité que les objets les plus nécessaires. La nature n'a pas même donné à ceux qui ont blanchi dans l'étude la connaissance de toutes les sciences. En effet, on convient que ceux même qui ont été considérés comme les plus sages des mortels, s'ils ont su beaucoup de choses, ne ne les connaissaient cependant pas toutes.