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ATTENTION : police Athenian pour le grec.

 

M. VITRUVE POLLION

DE L'ARCHITECTURE

LIVRE SIXIÈME.

traduction française seule - texte latin

 

Marci Vitruvii Pollionis 

de Architectura

Liber sextus.

Praefatio

1. Aristippus philosophus Socraticus, naufragio quum eiectus ad Rhodiensium litus animadvertisset geometrica schemata descripta, exclamavisse ad comites ita dicitur : « Bene speremus ! hominum enim vestigia video : » statimque in oppidum Rhodum contendit, et recta gymnasium devenit, ibique de philosophia disputans muneribus est donatus, ut non tantum se ornaret, sed etiam eis, qui una fuerant, et vestitum et cetera, quae opus essent ad victum, praestaret. Quum autem eius comites in patriam reverti voluissent, interrogarentque eum quidnam vellet domum renuntiari, tunc ita mandavit dicere : eiusmodi possessiones et viatica liberis oportere parari, quae etiam e naufragio una possent enatare.

2. Namque ea vera praesidia sunt vitae, quibus neque fortunae tempestas iniqua, neque publicarum rerum mutatio, neque belli vastatio potest nocere. Non minus eam sententiam augendo Theophrastus, hortando doctos potius esse quam pecuniae confidentes, ita ponit : doctum ex omnibus solum neque in alienis locis peregrinum, neque amissis familiaribus et necessariis inopen amicorum, sed in omni civitate esse civem, difficilesque fortunae sine timore posse despicere casus; at qui non doctrinarum, sed felicitatis praesidiis putaret se esse vallatum, labidis itineribus vadentem, non stabili, sed infirma conflictari vita.

3. Epicurus vero non dissimiliter ait, pauca sapientibus fortunam tribuere; quae autem maxima et necessaria sunt, animi mentisque cogitionibus gubernari. Haec ita etiam plures philosophi dixerunt. Non minus poetae, qui antiquas comoedias graece scripserunt, easdem sententias versibus in scena pronuntiaverunt, ut Eucrates, Chionides, Aristophanes, maxime etiam cum his Alexis, qui Atheniensis ait ideo oportere laudari, quod omnium Graecorum leges cogunt parentes ali a liberis, Atheniensium non omnes, nisi eos, qui liberos artibus erudissent (01). Omnia enim munera fortunae quum dantur, ab ea faciliter adimuntur; disciplinae vero coniunctae cum animis nullo tempore deficiunt, sed permanent stabiliter ad summum exitum vitae.

4. Itaque ego maximas infinitasque parentibus ago atque habeo gratias, quod Atheniensium legem probantes me arte erudiendum curaverunt, et ea, quae non potest esse probata sine litteratura encyclioque doctrinarum omnium disciplina. Quum ergo et parentum cura, et praeceptorum doctrinis auctas haberem copias disciplinarum, philologis et philotechnis rebus commentariorumque scripturis me delectans, eas possessiones animo paravi, e quibus haec est fructuum summa : nullam plus habendi esse necessitatem, eamque esse proprietatem divitiarum maxime, nihil desiderare. Sed forte nonnulli haec levia iudicantes putant, eos esse tantum sapientes, qui pecunia sunt copiosi. Itaque plerique ad id propositum contendentes, audacia adhibita cum divitiis etiam notitiam sunt consequuti.

5. Ego autem, Caesar, non ad pecuniam parandam ex arte dedi studium, sed potius tenuitatem cum bona fama, quam abundantiam cum infamia sequendam probavi; ideo notities parum est assequuta; sed tamen his voluminibus editis, ut spero, posteris etiam ero notus. Neque est mirandum, quid ita pluribus sim ignotus. Ceteri architecti rogant et ambiunt, ut architectentur; mihi autem a praeceptoribus est traditum, rogatum non rogantem oportere suscipere curam; quod ingenuus color movetur pudore, petendo rem suspiciosam. Nam beneficium dantes, non accipientes ambiuntur. Quid enim putemus suspicari, qui rogetur de patrimonio sumptus faciendos committere gratiae petentis, nisi quod praedae compendiique eius causa iudicet faciundum?

6. Itaque maiores primum a genere probatis operam tradebant architectis; deinde quaerebant, si honeste essent educati ingenuo pudori, non audaciae protervitatis committendum iudicantes. Ipsi autem artifices non erudiebant nisi suos liberos aut cognatos, et eos viros bonos instituebant, quibus tantarum rerum fidei pecuniae sine dubitatione permitterentur. Quum autem animadverto ab indoctis et imperitis tantae disciplinae magnitudinem tractari, et ab is, qui non modo architecturae sed omnino ne fabricae quidem notitiam habent, non possum non laudare patres familias eos, qui litteraturae fiducia confirmati per se aedificantes ita iudicant, si imperitis sit committendum, ipsos potius digniores esse ad suam voluntatem, quam ad alienam pecuniae consumere summam.

7. Itaque nemo artem ullam aliam conatur domi facere, uti sutrinam, vel fullonicam, aut ex ceteris quae sunt faciliores, nisi architecturam; ideo quod qui profitentur, non arte vera sed falso nominantur architecti. Quas ob res corpus architecturae rationesque eius putavi diligentissime conscribendas, opinans id munus omnibus gentibus non ingratum futurum. Igitur quoniam in quinto de opportunitate communium operum perscripsi, in hoc volumine privatorum aedificiorum ratiocinationes et commensus symmetriarum explicabo. 

M. VITRUVE POLLION

DE L'ARCHITECTURE

LIVRE SIXIÈME.

INTRODUCTION.

1. ARISTIPPE, philosophe de l'école de Socrate, ayant été jeté par la tempête sur les côtes de l'île de Rhodes, et ayant aperçu des figures géométriques tracées sur le sable, s'écria, dit-on : « Ayons bon espoir, mes amis! car je vois des indices qui me révèlent qu'il y a ici des hommes. » Il se dirige aussitôt vers la ville de Rhodes, va droit au gymnase, y discute sur quelques matières de philosophie, et est comblé de présents qui le mettent à même, non seulement de s'entretenir lui-même honorablement, mais encore de fournir à ses compagnons de naufrage des vêtements et toutes les choses nécessaires à la vie. Ces hommes eurent le désir de retourner dans leur patrie, et allèrent lui demander ce qu'il voulait faire savoir à sa famille : « Recommandez à mes enfants, leur dit-il, d'acquérir de tels biens que, si dans un voyage ils sont surpris par la tempête, leur bagage puisse échapper avec eux au naufrage. »

2. Les véritables ressources de la vie sont en effet celles auxquelles ni l'injustice de la fortune, ni l'inconstance des événements, ni les malheurs de la guerre, ne peuvent porter atteinte. Théophraste va plus loin. En exhortant les hommes à mettre leurs espérances plutôt dans l'instruction que dans les richesses, il déclare que de tous les mortels le savant seul a la prérogative de n'être point étranger hors de sa patrie, de ne point manquer de personnes qui l'aiment, après avoir perdu ses amis, d'être citoyen dans toutes les villes du monde, de braver et de mépriser les revers de la fortune; il ajoutait que celui qui viendrait à faire fond, moins sur les avantages de la science que sur le bonheur de la fortune, éprouverait avec amertume combien, dans le chemin glissant de la vie, le pied est peu ferme, peu solide. 

3. Épicure dit aussi que le sage doit peu à la fortune; que tout pour lui repose sur la grandeur et sur la force de son âme. Tel a été le langage d'un grand nombre de philosophes. Les poètes mêmes, dans les anciennes comédies grecques, ont fait retentir la scène de vers exprimant la même idée : ce sont Eucrate, Chionide, Aristophane, et surtout Alexis. Celui-ci dit que les Athéniens méritent le plus grand éloge de ce que la loi commune à tous les Grecs, qui obligeait les enfants à nourrir leurs père et mère, n'avait chez ce peuple d'application qu'à l'égard des enfants qui en avaient reçu de l'instruction. Et tous ces présents que la fortune fait à l'homme, ne les lui dérobe-t-elle pas le plus souvent, tandis que les sciences, liées, pour ainsi dire, à notre existence, loin de jamais nous-faire défaut, demeurent nos compagnes fidèles jusqu'au dernier instant de notre vie.

4. Aussi quelles actions de grâces n'ai-je pas à rendre aux auteurs de mes jours, qui, comprenant toute la justice de la loi athénienne, ont pris soin de me faire instruire dans un art qui ne peut avoir d'importance qu'autant qu'il renferme, comme clans un cercle, et la connaissance de la littérature, et celle des autres sciences. Grâce à la sollicitude de mes parents et à l'enseignement de mes maîtres, j'ai acquis de nombreuses connaissances, et c'est au goût que j'ai pour les belles-lettres et pour les arts, aussi bien qu'au plaisir que je puise dans la lecture des bons ouvrages, que je dois l'avantage d'avoir enrichi mon âme d'un bien dont la possession m'a fait comprendre que le trop n'est pas nécessaire, et que la véritable richesse est celle qui ne laisse rien à désirer. Je sais qu'il y a des personnes qui, faisant bon marché de cette philosophie, ne voient de sagesse que là où il y a beaucoup d'argent. Aussi la plupart des hommes ne tendant qu'à ce but, arrivent, à force d'audace, à acquérir réputation et richesse tout à la fois. 

5. Pour moi, ô César, ce n'est point en vue d'amasser des richesses que je me suis livré à l'étude de l'architecture : pauvreté et bonne réputation valent mieux, à mon avis, que richesse et mauvais renom. Aussi je suis peu connu; mais j'espère que la publication de mon ouvrage apprendra mon nom, même à la postérité. Et faut-il s'étonner que je sois resté inconnu au plus grand nombre! Les autres architectes n'épargnent ni prières ni instances pour se produire. Pour moi, j'ai appris de mes maîtres qu'un architecte doit attendre qu'on vienne le prier de se charger d'un travail, et qu'il ne peut, sans rougir, faire une demande qui l'expose à d'injurieux soupçons : car ce n'est pas de la bouche de celui qui rend un service, mais bien de celle de la personne qui le reçoit, que doit venir la prière. Quelle ne devrait pas être la défiance de celui à qui l'on demanderait une partie de son bien pour que l'emploi en fût confié au bon plaisir d'un demandeur? Ne penserait-il pas qu'on veut s'enrichir à son préjudice ?

6. Voilà pourquoi nos ancêtres n'employaient un architecte qu'après s'être assurés de l'honnêteté de sa naissance, de la bonté de son éducation. C'était à l'homme simple et modeste, et non à celui qui n'a en partage que présomption et effronterie, que s'adressait leur confiance. Les architectes n'instruisaient alors que leurs enfants et leurs parents, et ils en faisaient des hommes de bien, à la fidélité desquels on pût sans inquiétude confier des sommes importantes. Aussi quand je vois des gens sans instruction, sans expérience, exercer une science aussi noble, des gens complètement étrangers, je ne dirai pas aux connaissances nécessaires à l'architecte, mais même à celles qu'on exige du maçon, je ne puis qu'approuver ces pères de famille qui, forts d'ailleurs de leurs connaissances littéraires, pensent que, si tant est qu'ils doivent confier leurs travaux à des manoeuvres, il vaut mieux qu'ils en prennent eux-mêmes la direction, libres d'employer, comme ils l'entendent, les sommes qu'ils aventureraient. 

7. Si l'on ne voit personne essayer de se mêler chez soi de la besogne facile du cordonnier, du foulon, ou de tout autre artisan de même sorte il n'en est pas de même de l'architecte; pourquoi? parce que ce n'est véritablement pas à leur talent que ceux qui font profession d'être architectes, doivent le nom qu'ils usurpent. Voilà les raisons qui m'ont porté à renfermer avec le plus grand soin, en un seul corps, tout ce qui a rapport à l'architecture, dans la pensée que cet ouvrage pourrait être accueilli avec plaisir; et comme, dans le cinquième livre, j'ai traité des règles particulières aux édifices publics, je vais dans celui-ci donner le plan et les proportions des maisons particulières.

Caput 1 : De aedificiis disponendis secundum locorum proprietates.

1. Haec autem ita erunt recte disposita, si primo animadversum fuerit, quibus regionibus aut quibus inclinationibus mundi constituantur (02). Namque aliter Aegypto, aliter Hispania (03), non eodem modo Ponto, dissimiliter Romae, item ceteris terrarum et regionum proprietatibus oportere videntur constitui genera aedificiorum (04) : quod alia parte solis cursu premitur tellus, alia longe ab eo distat, alia per medium temperatur. Igitur uti constitutio mundi ad terrae spatium inclinatione signiferi circuli, et solis cursu, disparibus qualitatibus naturaliter est collocata, ad eundem modum etiam ad regionum rationes caelique varietates videntur aedificiorum debere dirigi conlocationes.

2. Sub septentrione aedificia testudinata et maxime conclusa et non patientia, sed conversa ad calidas partes oportere fieri videntur. Contra autem sub impetu solis meridianis regionibus, quod premuntur a calore, patentiora conversaque ad septentrionem et aquilonem sunt faciunda. Ita quod ultro natura laedit, arte erit emendandum. Item reliquis regionibus ad eumdem modum temperari, quemadmodum caelum est ad inclinationem mundi collocatum.

3. Haec autem ex natura rerum sunt animadvertenda, et consideranda, atque etiam ex membris corporibusque gentium observanda (05). Namque sol quibus locis mediocriter profundit vapores, in his conservat corpora temperata : quaeque proxime currendo deflagrat, eripit exurendo temperaturam humoris. Contra vero refrigeratis regionibus, quod absunt a meridie longe, non exhauritur a caloribus humor, sed ex caelo roscidus aer, in corpora fundens humorem, efficit ampliores corporaturas, vocisque sonitus graviores. Ex eo quoque sub septentrionibus nutriuntur gentes immanibus corporibus, candidis coloribus, directo capillo et rufo (06), oculis caesiis, sanguine multo, quoniam ab humoris plenitate, caelique refrigerationibus sunt conformati.

4. Qui autem sunt proximi ad axem meridianum, subiectique solis cursui, brevioribus corporibus, colore fusco, crispo capillo, oculis nigris, cruribus squalidis, sanguine exiguo, solis impetu perficiuntur. Itaque etiam propter sanguinis exiguitatem timidiores sunt ferro resistere; sed ardores ac febres sufferunt sine timore, quod nutrita sunt eorum membra cum fervore. Itaque corpora, quae nascuntur sub septentrione, a febri sunt timidiora et imbecilla, sanguinis autem abundantia ferro resistunt sine timore.

5. Non minus sonus vocis (07) in generibus gentium dispares et varias habet qualitates; ideo quod terminatio orientis et occidentis circa terrae librationem, qua dividitur pars superior et inferior mundi, habere videtur libratam naturali modo circumitionem, quam etiam mathematici horizonta dicunt. Igitur quoniam id habemus certum animo sustinentes, a labro, quod est in regione septentrionali, linea traiecta ad id quod est super meridianum axem, ab eoque altera obliqua in altitudinem ad summum cardinem, qui est post stellas septentrionum, sine dubitatione animadvertemus ex eo, esse schema trigoni mundo, uti organi, quam
σαμβύκην Graeci dicunt (08).

6. Itaque quod est spatium proximum imo cardini ab axis linea in meridianis finibus, sub eo loco quae sunt nationes, propter brevitatem altitudinis ad mundum, sonitum vocis faciunt tenuem et acutissimum, uti in organo chorda qui est proxima angulo : secundum eam autem reliquae ad mediam Graeciam remissiores efficiunt in nationibus sonorum scansiones, item a medio in ordinem crescendo ad extremos septentriones, sub altitudines caeli, nationum spiritus sonitibus gravioribus a natura rerum exprimuntur. Ita videtur mundi conceptio tota propter inclinationem consonantissime per solis temperaturam ad harmoniam esse composita.

7. Igitur quae nationes sunt inter axis meridiani cardinem ac septentrionalis medio positae, uti in diagrammate musico,mediae vocis habet sonitum in sermone : quaeque progredientibus ad septentrionem sunt nationes, quod altiores habent distantias ad mundum, spiritus vocis habentes humore repulsos ad hypatas et proslambanomenon, a natura rerum sonitu graviore coguntur uti : eadem ratione e medio progredientibus ad meridiem gentes paranetarum netarumque acutissimam sonitus vocis perficiunt tenuitatem.

8. Hoc autem verum esse, ex humidis naturae locis graviora fieri et ex fervidis acutiora, licet ita experiendo animadvertere. Calices duo (09) in una fornace aeque cocti, aequoque pondere, ad crepitumque uno sonitu sumantur : ex his unus in aquam demittatur, postea ex aqua eximatur : tunc utrique tangantur. Quum enim ita factum fuerit, largiter inter eos sonitus discrepabit, aequoque pondere non poterunt esse. Ita et hominum corpora uno genere figurationis et una mundi coiunctione concepta, alia propter regionis ardorem acutum spiritum aeris exprimunt tactu (10), alia propter humoris abundantiam gravissimas effundunt sonorum qualitates.

9. Item propter tenuitatem caeli, meridianae nationes, ex acuta fervore mente expeditius celeriusque moventur ad consiliorum cogitationes. Septentrionales autem gentes, infusae crassitudine caeli, propter obstantiam aeris humore refrigeratae, stupentes habent mentes. Hoc autem ita esse, a serpentibus licet aspicere (11), quae per calorem quum exhaustam habent humoris refrigerationem, tunc acerrime moventur; per brumalia autem et hiberna tempora ab mutatione caeli refrigeratae, immotae sunt stupore. Ita non est mirandum, si acutiores efficit calidus aer hominum mentes, refrigeratus autem contra tardiores.

10. Quum sint autem meridianae nationes animis acutissimis infinitaque solertia consiliorum, simul ad fortitudinem ingrediuntur, ibi succumbunt; quod habent exsuctas ab sole animorum virtutes. Qui vero refrigeratis nascuntur regionibus, ad armorum vehementiam paratiores sunt, magnis virtutibus sunt sine timore, sed tarditate animi sine considerantia irruentes, sine solertia, suis consiliis refragantur. Quum ergo haec ita sint ab natura rerum haec ita sint in mundo clnlocata, ut omnes nationes immoderatis mixtionibus sint disparatae, placuit ut inter spatia totius orbis terrarum regionumque medio mundi populus Romanus possidet fines.

11. Namque temperatissimae ad utramque partem et corporum membris animorumque vigoribus pro fortitudine sunt in Italia gentes. Quemadmodum enim Iovis stella (12) inter Martis ferventissimam et Saturni frigidissimam media currens temperatur, eadem ratione Italia inter septentrionalem meridianamque ab utraque parte mixtionibus temperatas et invictas habet laudes. Itaque refringit barbarorum virtutes forti manu,consiliis meridianorum cogitationes. Ita divina mens civitatem populi Romani egregia temperataque regione collocavit, uti orbis terrarum imperii potiretur.

12. Quod si ita est, uti dissimiles regiones ab inclinationibus caeli, variis generibus sint comparatae, et ut etiam naturae gentium disparibus animis et corporum figuris qualitatibusque nascerentur, non dubitemus aedificiorum quoque rationes ad nationum gentium qui proprietates apte distribuere, quum habeamus ab ipsa rerum natura solertem et expeditam monstrationem. 

13. Quoad potui summa ratione proprietates locorum ab natura rerum dispositas animadvertere, exposui, et quemadmodum ad solis cursum et inclinationes caeli oporteat ad gentium figuras constituere aedificiorum qualitates, dixi. Itaque nunc singulorum generum in aedificiis commensus symmetriarum et universos et separatos breviter explicabo. 

1. De la disposition des maisons appropriées aux localités.

1. La disposition d'une maison aura été avantageusement choisie, si, pour la bâtir, on a eu égard au pays et au climat. Qui ne voit, en effet, qu'une maison doit être différemment construite en Égypte qu'en Espagne, autrement dans le royaume de Pont qu'à Rome; que tel pays, tel climat exige une ordonnance particulière, parce qu'ici la terre est rapprochée de la ligne que parcourt le soleil, que là elle s'en trouve à une grande distance, qu'ailleurs elle tient le milieu entre ces deux extrémités. L'aspect du ciel, par rapport à l'étendue, de la terre, fait naturellement sentir à notre globe une influence différente, selon l'inclinaison du zodiaque, et le cours du soleil; il en résulte que l'emplacement des maisons doit être approprié à la nature des lieux et à la différence des climats.

2. Dans les pays septentrionaux, les maisons doivent être voûtées, parfaitement closes, avec de petites ouvertures, et tournées vers les parties où règne la chaleur. Au contraire, dans les régions méridionales qui sont exposées à l'action brûlante du soleil, elles doivent avoir de vastes ouvertures, et être tournées vers le septentrion et l'aquilon. Ainsi ce que la nature présente d'incommode, pourra être corrigé par l'art; et dans tous les pays, il faudra choisir une exposition accommodée à l'exposition du ciel, eu égard à l'élévation du pôle.

3. Il y a là des remarques, des observations, une étude à faire sur la nature des choses, et sur l'organisation des hommes. En effet, aux lieux où le soleil verse une chaleur modérée, les corps conservent dans une juste proportion les éléments qui les composent; mais ceux que, dans sa course plus rapprochée, il brûle, il consume, perdent leur humidité, ce qui en rompt l'équilibre. Dans les régions froides, au contraire, le grand éloignement du soleil empêche que l'humidité ne soit épuisée par la chaleur; bien plus, l'air chargé de rosée, remplissant les corps d'humidité, leur donne plus d'ampleur, et rend le son de la voix plus grave. Voilà aussi pourquoi les régions septentrionales voient naître des peuples à la taille colossale, au teint blanc, à la chevelure plate et rousse, à l'oeil pers, au tempérament sanguin, soumis qu'ils sont à l'influence d'un ciel froid et humide. 

4. Quant à ceux qui sont voisins de la ligne équinoxiale, et qui reçoivent perpendiculairement les rayons du soleil, ils ont la taille plus petite, la peau basanée, les cheveux crépus, les yeux noirs, les jambes faibles, et peu de sang dans les veines à cause de l'ardeur du soleil. Aussi cette disette de sang leur fait-elle appréhender toute espèce de blessure; mais ils supportent sans crainte les chaleurs et les fièvres, parce que leurs corps y sont accoutumés. Les corps, au contraire, qui naissent au septentrion, craignent la fièvre, qui les affaiblit; mais l'abondance du sang leur ôte la crainte que pourrait leur donner une blessure.

5. Il n'y a pas moins de différence, de diversité dans le son de la voix des différents peuples de la terre, selon l'inclinaison de la ligne qui, bornant à l'orient et à l'occident la vue tout autour du globe, qu'elle divise en deux hémisphères, l'un supérieur, l'autre inférieur, semble former un cercle naturel que les mathématiciens appellent horizon. Une fois cette vérité reconnue, supposons que du bord de l'horizon, qui est vers le septentrion, on tire une ligne jusqu'au centre de l'axe du méridien, et que de ce point on trace obliquement une autre ligne qui s'élève jusqu'au pôle qui est derrière la constellation de l'Ourse, nul doute que ces lignes ne forment sur le globe une figure triangulaire semblable à l'instrument appelé par les Grecs sambyce.

6. Il suit de là que les peuples qui habitent l'espace le plus rapproché de la partie inférieure du triangle, c'est-à-dire sous l'équateur, ont, à cause du peu d'élévation du pôle, un son de voix plus grêle, plus aigu, comme les cordes qui, dans l'instrument, sont les plus voisines de l'angle. En suivant la progression, les peuples qui habitent le milieu de la Grèce, ont dans le son de la voix moins d'élévation; et si, partant de ce point, nous nous étendons, en parcourant la ligne, jusqu'aux extrémités septentrionales, à la partie la plus élevée du pôle, nous trouverons les nations faisant entendre naturellement des sons de voix plus graves. Il semble que le monde ait été, suivant son inclinaison, formé dans une proportion harmonique parfaitement en rapport avec la température que donne le soleil. 

7. Les nations qui habitent le milieu entre l'équateur et le pôle ont, en parlant, un son de voix semblable aux tons qui occupent le milieu dans le diagramme. Celles qui avancent vers le septentrion, parce que le pôle est plus élevé pour elles, et que l'humidité remplit les conduits de la voix, font entendre naturellement et nécessairement des sons plus graves, comme l'hypate et la proslambanomenos. Voilà pourquoi aussi les peuples qui s'étendent de la région moyenne vers le midi ont, dans la voix, le timbre grêle et aigu des paranetes et des netes.

8.Cette vérité, que les lieux naturellement humides grossissent la voix, et que ceux qui sont chauds la rendent plus aiguë, peut se démontrer par cette expérience. Si l'on prend deux godets de terre, cuits ensemble dans le même fourneau, ayant même poids et même son, que l'on plonge l'un des deux dans l'eau, et qu'après l'en avoir retiré, on vienne à les frapper tous deux, on trouvera une grande différence dans les sons qu'ils rendront, aussi bien que dans leur poids. Il en est de même des corps des hommes : bien que formés de la même manière, et composés des mêmes éléments, les uns doivent à la chaleur du climat les sons aigus que leur voix fait entendre, les autres rendent des sons dont la qualité grave est le résultat d'une humidité abondante.

9. C'est encore à la subtilité de l'air, à la chaleur du climat, que les peuples méridionaux sont redevables de cette activité dans la conception de leurs projets. Les septentrionaux, au contraire, assoupis par la densité de l'air, refroidis par l'humidité de l'atmosphère, ont de l'engourdissement dans l'esprit. C'est une vérité dont les serpents pourront nous donner une preuve : lorsque la chaleur a épuisé l'humidité froide qui est dans leur corps, ils sont d'une agilité extraordinaire; l'hiver revient-il avec ses rigueurs, ses frimas, ce changement de température les refroidit, les engourdit, les rend immobiles. Il ne faut donc pas s'étonner que la chaleur donne de la vivacité à l'esprit de l'homme; le froid, au contraire, de la pesanteur. 

10. Mais ces nations méridionales avec toute leur pénétration, leur subtilité, s'il vient à être question de faire acte de valeur, se trouvent sans énergie : le soleil, par sa chaleur, les énerve et leur ôte la force du courage ; tandis que celles qui naissent dans les pays froids ont plus d'assurance au milieu des horreurs de la guerre, et y déploient une valeur à toute épreuve; mais la pesanteur de leur esprit, le défaut de réflexion, le manque d'habileté sont les plus grands obstacles à l'exécution de leurs desseins. S'il est entré dans le plan de la nature de mettre entre toutes les nations des différences aussi marquées, elle a aussi voulu que le peuple romain occupât sur la terre l'espace intermédiaire qui participait à l'influence de ces divers climats.

11. C'est en effet le mélange de vigueur corporelle et de force d'âme qui fait le caractère des peuples d'Italie. La planète de Jupiter doit sa nature tempérée à sa position entre la chaleur immodérée de Mars et le froid excessif de Saturne; on peut dire, par la même raison, que c'est à la situation de l'Italie, entre le septentrion et le midi, qu'on doit attribuer la supériorité incontestable de ses qualités. Par sa valeur elle triomphe de la force des barbares, comme par sa prudence elle déjoue les projets des méridionaux. Il semble que les dieux n'aient placé la ville du peuple romain dans une région aussi belle et aussi tempérée que pour établir son empire sur toute la terre. 

12. S'il est vrai que les pays, si diversement modifiés par les climats, soient appropriés à la nature différente des nations qui les habitent, et que les peuples y naissent avec de si grandes disparités, tant du côté de l'esprit que de celui du corps, ne doutons point que la disposition des maisons ne doive également être assortie au tempérament de chaque peuple, puisque la nature nous ouvre elle-même, d'une manière aussi simple qu'ingénieuse, la voie que nous devons suivre.

13. J'ai expliqué, avec toute l'exactitude qu'il m'a été possible d'y apporter, les propriétés que la nature a départies à chaque lieu; j'ai dit comment il fallait disposer les édifices suivant le cours du soleil, et l'inclinaison du ciel, suivant la nature des peuples; je vais maintenant donner en peu de mots les proportions générales et particulières de chaque espèce d'édifice.

 Caput 2 : De aedificiorum privatorum proportionibus et mensuris secundum naturam locorum.

1. Nulla architecto maior cura esse debet, nisi uti proportionibus ratae partis habeant aedificia rationum exactiones. Quum ergo constituta symmetriarum ratio fuerit, et commensus ratiocinationibus explicati, tunc etiam acuminis est proprium providere ad naturam loci aut usum aut speciem, et detractionibus vel adiectionibus temperaturas efficere, uti, quum de symmetria sit detractum aut adiectum, id videatur recte esse formatum in aspectuque nihil desideretur.

2. Alia enim ad manum species esse videtur, alia in excelso, non eadem in concluso, dissimilis in aperto; in quibus magni iudicii est opera, quid tandem sit faciundum. Non enim veros videtur habere visus effectus, sed fallitur saepius iudicio ab eo mens (13). Quemadmodum etiam in scenis pictis videntur columnarum proiecturae, mutulorum ecphorae, signorum figurae prominentes, quum sit tabula sine dubio ad regulam plana. Similiter in navibus remi, quum sint sub aqua directi, tamen oculis infracti videntur, et quatenus eorum partes tangunt summam planitiem liquoris, apparent, uti sunt, directi ; quum vero sub aqua sunt demissi, per naturae perlucidam raritatem remittunt enatantes ab suis corporibus fluentes imagines ad summam aquae planitiem (14), atque hae ibi commotae efficere videntur infractum remorum oculis aspectum.

3. Hoc autem sive simulacrorum impulsu seu radiorum ex oculis effusionibus, uti physicis placet, videmus, utraque ratione videtur ita esse, uti falsa iudicia oculorum habeat aspectus.

4. Quum ergo quae sunt vera falsa videantur, et nonnulla aliter quam sunt oculis probentur, non puto oportere esse dubium, quin ad locorum naturas aut necessitates, detractiones aut adiectiones fieri debeant  (15), sed ita uti nihil in his operibus desideretur. Haec autem etiam ingeniorum acuminibus non solum doctrinis efficiuntur.

5. Igitur statuenda est primum ratio symmetriarum, a qua sumatur sine dubitatione commutatio; deinde explicetur operis futuri locorum imum spatium, longitudinis et latitudinis : cuius quum semel constitua fuerit magnitudo, sequatur eam proportionis ad decorem apparatio, uti non sit considerantibus aspectus eurythmiae dubius. De qua, quibus rationibus efficiatur, est mihi pronuntiandum; primumque de cavis aedium, uti fieri debent, dicam.

II. Des proportions et des mesures que doivent avoir les édifices des particuliers, suivant la nature des lieux.

1. Le premier soin de l'architecte doit être de prendre une mesure déterminée pour régler les proportions de l'édifice dans son ensemble. Une fois ces proportions bien établies, une fois toutes les mesures parfaitement prises sur le plan, ce sera alors faire preuve de talent, que de savoir, selon que la nature dur lieu, l'usage et la beauté le demandent, retrancher ou ajouter pour faire des amendements, sans que les corrections paraissent faire perdre à la symétrie rien de sa régularité, rien de ce qui plaît à la vue.

2. Tel objet placé sous la main est vu d'une tout autre manière, quand il est élevé; tel autre se trouve dans un lieu enfermé, qui est tout différent lorsqu'il est à découvert. C'est dans la combinaison des moyens à prendre dans ces circonstances, que le jugement se fait remarquer. L'oeil ne calcule pas toujours avec exactitude; souvent il nous induit en erreur par ses appréciations. Dans un tableau, les colonnes semblent se détacher sur le fond, les mutules être en saillie, les statues s'avancer hors de la toile que nous savons pourtant avoir une surface plane. Les rames d'un vaisseau, bien que droites sous l'eau, nous paraissent néanmoins rompues, et tant que leurs parties ne font qu'effleurer la superficie de l'eau, elles apparaissent telles qu'elles sont droites ; mais elles ne sont pas plutôt plongées dans l'eau que, à cause de la rareté transparente de l'élément qui laisse passer jusqu'à sa surface l'image que le corps des rames y envoie, et qui vient s'y refléter, elles produisent à l'oeil l'effet de rames brisées. 

3. Or, que ce soient les objets qui renvoient leur image ou qui reçoivent, comme le veulent les physiciens, les rayons qui partent de nos yeux, il n'en est pas moins vrai, dans l'un et l'autre cas, que nos yeux portent des jugements erronés.

4. Puis donc que ce qui est vrai semble ne pas l'être, et que certaines choses sont reconnues pour n'être pas ce que l'oeil les a jugées, je ne crois pas qu'on doive douter qu'il ne soit nécessaire d'ajouter ou de retrancher, selon que l'exige la nature des lieux, sans toutefois que les changements laissent rien à désirer; mais pour réussir en cela, il faut avoir autant de pénétration que de science.

5. Le premier point sera donc d'établir une règle de proportion à laquelle on puisse faire d'une manière précise les changements nécessaires ; le second, de tracer le plan du bâtiment que l'on veut faire, en y joignant celui de la localité, avec la longueur et la largeur : une fois les dimensions bien prises, on y conformera les proportions et la convenance, afin qu'au premier aspect on en saisisse facilement l'eurythmie. C'est de cet accord symétrique, et des moyens d'y parvenir, que je vais parler maintenant. Je commencerai par expliquer comment doivent être faites les cours des maisons.

Caput 3 : De cavis aedium, sive atriis, de alis, tablino et peristylio; de tricliniis, exedris, pinacothecis et eorum dimensionibus; de oecis more Graeco.

1. Cava aedium (16) quinque generibus sunt distincta, quorum ita figurae nominantur : Tuscanicum, Corinthium, tetrastylon, displuviatum, testudinatum. Tuscanica sunt in quibus trabes in atrii latitudine (17) traiectae habeant interpensiva et collicias (18) ab angulis parietum ad angulos tignorum intercurrentes, item asseribus stillicidiorum in medium compluvium (19) deiectis. In Corinthiis iisdem rationibus trabes et compluvia conlocantur, sed a parietibus trabes recedentes in circumitione circa columnas imponuntur. Tetrastyla sunt, quae subiectis sub trabibus angularibus columnis et utilitatem trabibus et firmitatem praestant, quod neque ipsae magnum impetum coguntur habere, neque ab interpensivis onerantur.

2. Displuviata autem sunt (20), in quibus deliquiae arcam sustinentes stillicidia reiciunt. Haec hibernaculis maximas praestant utilitates, quod compluvia erecta non obstant luminibus tricliniorum. Sed ea habent in refectionibus molestiam magnam, quod circa parietes stillicidia defluentia continent fistulae, quae non celeriter recipiunt ex canalibus aquam defluentem : itaque redundantes restagnant et intestinum opus et parietes in eis generibus aedificiorum corrumpunt. Testudinata vero (21) ibi fiunt, ubi non sunt impetus magni, et in contignationibus supra spatiosae redduntur habitationes.

3. Atriorum vero latitudines (22) ac longitudines tribus generibus formantur; et primum genus distribuitur, uti longitudo quum in quinque partes divisa fuerit, tres partes latitudini dentur. Alterum quum in tres partes dividatur, duae partes latitudini tribuantur. Tertium, uti latitudo in quadrato paribus lateribus describatur inque eo quadrato diagonios linea ducatur, et quantum spatium habuerit ea linea diagonios, tanta longitudo atrio detur.

4. Altitudo eorum, quanta latitudo fuerit, quarta dempta, sub trabes extollatur, reliquum lacunariorum (23) et arcae supra trabes ratio habeatur. Alis dextra ac sinistra latitudo, quum sit atrii longitudo ab triginta pedibus ad pedes quinquaginta, ex tertia parte (24) eius constituatur. Ab quadraginta ad pedes quinquaginta longitudo dividatur in partes tres et demidiam : ex his una pars alis detur. Quum autem erit longitudo ab quinquaginta pedibus ad sexaginta, pars quarta longitudinis alis tribuatur. Ab pedibus sexaginta ad octoginta longitudo dividatur in partes quatuor et dimidiam : ex his una pars fiat alarum latitudo. Ab pedibus octoginta ad pedes centum, in quinque partes divisa longitudo, iustam constituerit latitudinem alarum. Trabes earum liminares (25) ita altae ponantur, ut altitudines latitudinibus sint aequales.

5. Tabulino (26), si latitudo atrii erit pedum viginti, dempta tertia, eius spatio reliquum tribuatur. Si erit ab pedibus triginta ad quadraginta, ex atrii latitudine tabulino dimidium tribuatur. Quum autem ab quadraginta ad sexaginta, latitudo dividatur in partes quinque, et ex his duae tabulino constituantur. Non enim atria minora ab maioribus easdem possunt habere symmetriarum rationes. Si enim maiorum symmetriis utemur in maioribus, neque tablina neque alae utilitatem poterunt habere; sin autem maiorum in minoribus utemur, vasta et immania in his ea erunt membra. Itaque generatim magnitudinum rationes exquisitas et utilitati et aspectui conscribendas putavi.

6. Altitudo tabulini ad trabem adiecta latitudinis octava constituatur. Lacunaria eius (27) sexta latitudinis ad altitudinem adiecta extollantur. Fauces minoribus atriis e tabulini latitudine dempta tertia, maioribus dimidia, constituantur. Imagines item alte cum suis ornamentis (28) ad latitudinem alarum sint constitutae. Latitudines ostiorum ad altitudinem, si Dorica erunt, uti Dorica, si Ionica erunt, uti Ionica perficiantur, quemadmodum de thyromatis, in quibus quarto libro rationes symmetriarum sunt expositae. Compluvii lumen latum latitudinis atrii ne minus quarta, ne plus tertia parte relinquatur; longitudo uti atrii pro rata parte fiat.

7. Peristylia (29) autem in transverso tertia parte longiora sint quam introrsus : columnae terram altae quam porticus latae fuerint. Peristylorum intercolumnia ne minus trium, ne plus quatuor columnarum crassitudine inter se distent. Sin autem Dorico more in peristylo columnae erunt faciundae, uti in quarto libro de Doricis scripsi, ita moduli sumantur, et ad eos modulos triglyphorumque rationes disponantur.

8. Tricliniorum quanta latitudo fuerit (30), bis tanta longitudo fieri debebit. Altitudines omnium conclaviorum (31), quae oblonga fuerint, sic habere debent rationem, uti longitudinis et latitudinis mensura componatur, et ex ea summa dimidium sumatur, et quantum fuerit, tantum altitudini detur. Sin antem exedrae (32) aut oeci quadrati fuerint (33), latitudinis dimidia addita, altitudines educantur. Pinacothecae, uti exedrae amplis, magnitudinibus sunt constituendae : oeci Corinthii, tetrastylique, quique Aegyptii vocantur (34), latitudinis et longitudinis, uti supra tricliniorum symmetriae scriptae sunt, ita habeant rationem, sed propter columnarum interpositiones spatiosiores constituantur.

9. Inter Corinthios autem et Aegyptios hoc erit discrimen : Corinthii simplices habeant columnas aut in podio positas aut in imo, supraque habeant epistylia et coronas (35), aut ex intestino opere aut albario; praeterea supra coronas curva lacunaria ad circinum delumbata (36). In Aegyptiis autem supra columnas epistylia (37), et ab epistyliis ad parietes, qui sunt circa, imponenda est contignatio, supra coaxationem, pavimentum, sub dio ut sit circumitus. Deinde supra epistylium ad perpendiculum inferiorum columnarum imponendae sunt minores quarta parte columnae : supra earum epistylia et ornamenta lacunariis ornantur, et inter columnas superiores fenestrae collocantur; ita basilicarum ea similitudo, non Corinthiorum tricliniorum, videtur esse.

10. Fiunt autem etiam non Italicae consuetudinis oeci, quos Graeci Κυζινηκοὺς appellant (38). Hi collocantur spectantes ad septentrionem, et maxime viridia prospicientes, valvasque habent in medio. Ipsi autem sunt ita longi et lati, uti duo triclinia, cum circumitionibus  (39) inter se spectantia, possint esse collocata, habentque dextra ac sinistra lumina fenestrarum valvata (40), uti viridia de lectis  (41) per spatia fenestrarum viridia prospiciantur. Altitudines eorum (42) dimidia latitudinis addita constituuntur.

11. In his aedificiorum generibus omnes sunt faciendae earum symmetriarum rationes, quae sine inpeditione loci fieri poterunt : luminaque parietum altitudinibus, si non obscurabuntur, faciliter erunt explicata : sin autem impedientur ab angustiis aut aliis necessitatibus, tum opus erit ut ingenio et acumine de symmetriis detractiones aut adiectiones fiant, uti non dissimiles veris symmetriis perficiantur venustates. 

III. Des cavaedium, ou atrium, et de leurs ailes; du cabinet d'étude et du péristyle; des salles à manger, des salons, des exèdres; des galeries du tableaux, et de leurs dimensions; des salons à la manière des Grecs.

1. Les cavædium sont de cinq espèces. Leur disposition les a fait appeler toscans, corinthiens, tétrastyles, découverts et voûtés. Les toscans sont ceux où il y a deux poutres qui, s'étendant dans la largeur de la cour, soutiennent les poutres de traverse, et les conduits des noues qui sont entre les angles des murs et les croix que font les poutres; outre cela, les pièces de bois qui soutiennent le toit, disposé en pente pour l'écoulement des eaux, inclinent vers le compluvium. Les cavaedium corinthiens ont aussi des poutres et un compluvium disposés de la même manière ; seulement ces poutres s'éloignent davantage des murs et portent sur des colonnes dans le pourtour de la cour. Les tétrastyles sont ceux où quatre colonnes, placées aux angles formés par les poutres, soutiennent ces poutres et les affermissent, parce qu'il n'est pas nécessaire qu'elles aient une grande longueur, et qu'elles n'ont point à supporter la charge des traverses.

2. Les cavædium découverts sont ceux où les royaux qui soutiennent le chéneau renvoient l'eau de pluie par derrière. La disposition de ces cours est très avantageuse, en ce que, pendant l'hiver, le compluvium, étant tout droit, n'empêche point la lumière de pénétrer dans les appartements; mais ce qu'il y a de très désagréable, ce sont les réparations qu'elles exigent; les eaux qui coulent en abondance de dessus les toits, ont bientôt rempli les tuyaux de descente qui ne leur ouvrent point un passage assez libre au moment où elles sortent des chéneaux; elles grossissent, elles regorgent, et elles altèrent la menuiserie des croisées, et les murs de ces sortes d'édifices. Les cavædium voûtés se font où il y a peu d'espace, et ce moyen permet de rendre plus spacieux les appartements des étages qu'elles supportent.

3. La longueur et la largeur des cavædium en forment trois genres différents. Le premier, c'est quand, ayant divisé la longueur en cinq parties, on en donne trois à la largeur; le second, lorsque, l'ayant divisée en trois parties, deux sont consacrées à la largeur; le troisième, quand, ayant tracé un carré équilatéral, et tiré dans ce carré une ligne diagonale, on prend cette diagonale pour en faire la longueur. 

4. La hauteur, jusqu'au-dessous des poutres, doit être égale à la longueur, moins une quatrième partie. La profondeur des plafonds aura, au-dessus des poutres, une proportion convenable. La largeur des deux galeries, qui se développent à droite et à gauche, doit être du tiers de la longueur de la cour, si elle est de trente à quarante pieds; si sa longueur est de quarante à cinquante pieds, elle sera divisée en trois parties et demie, dont une sera donnée à la largeur de la galerie; si elle est de cinquante à soixante pieds, les galeries auront la quatrième partie; si elle est de soixante à quatre-vingts pieds, on la divisera en quatre parties et demie, dont une sera pour la largeur des galeries. Enfin, si elle est de quatre -vingts à cent pieds, la cinquième partie de cette longueur donnera justement la largeur des galeries. Les architraves de ces galeries seront placées assez haut pour que la hauteur réponde à la largeur.

5. Le cabinet d'étude aura les deux tiers de la largeur de la cour, si elle est de vingt pieds. Si elle est de trente à quarante, on ne lui en donnera que la moitié; si elle est de quarante à soixante, on divisera cette largeur en cinq parties, dont deux seront données au cabinet d'étude. Les petits atrium et les grands ne peuvent avoir les mêmes proportions: car si les proportions des petits sont suivies pour les grands, les cabinets d'étude, aussi bien que les galeries, ne pourront être d'aucune utilité; et si, au contraire, on se sert des proportions des grands atrium pour les petits, ces parties seront trop vastes. Voilà pourquoi, en général, il faut, pour déterminer les proportions qu'ils doivent avoir, consulter l'usage auquel on les destine, et l'effet qu'elles produiront à la vue. 

6. La hauteur du cabinet d'étude, jusqu'au-dessous des poutres, doit être égale à sa largeur, plus une huitième partie. La profondeur du plafond ajoutera à cette hauteur la sixième partie de la largeur. L'entrée des plus petites cours sera des deux tiers de la largeur du cabinet d'étude, et celle des plus grandes de la moitié de cette largeur. La hauteur des images avec leurs ornements, sera proportionnée à la largeur des galeries. Pour la largeur et la hauteur des portes, on suivra les proportions doriques, si elles doivent être doriques, et les proportions ioniques, si elles doivent être ioniques. On se conformera aux proportions qui ont été établies à cet égard au quatrième livre. L'ouverture du compluvium ne peut avoir ni moins du quart, ni plus du tiers de la largeur de l'atrium; quant à sa longueur, elle sera proportionnée à celle de l'atrium.

7. La longueur des péristyles doit avoir en travers un tiers de plus qu'en profondeur. Les colonnes seront aussi hautes que le portique sera large. Les entre-colonnements ne comprendront ni moins de trois diamètres de colonne, ni plus de quatre. Si toutefois les colonnes du péristyle doivent être d'ordre dorique, il sera nécessaire de recourir aux mesures dont j'ai parlé au quatrième livre, à propos de l'ordre dorique, pour en régler les proportions aussi bien que celles des triglyphes.

8. Les salles à manger doivent être deux fois aussi longues que larges. La hauteur de tous les appartements qui sont oblongs, sera déterminée de cette manière : on en réunira la longueur à la largeur, et du tout on prendra la moitié : cette moitié sera la mesure qu'on lui donnera. Si les salons et les exèdres sont carrés, on ajoutera la moitié de la largeur pour en avoir la hauteur. Les galeries de tableaux, comme les exèdres, seront établies sur une plus grande échelle. Les salons corinthiens, et les tétrastyles, et ceux qu'on appelle égyptiens, auront en longueur et en largeur les proportions qui viennent d'être prescrites pour les salles à manger; mais l'emplacement des colonnes exige un espace plus étendu. 

9. Les salons corinthiens et les salons égyptiens offriront pourtant cette différence, que les corinthiens ont des colonnes du même ordre, avec ou sans piédestal, et soutiennent des architraves et des corniches en menuiserie ou en stuc. De plus, au-dessus de sa corniche, s'arrondit le plafond en voûte surbaissée, tandis que les salons égyptiens ont les architraves sur les colonnes, et des planchers qui vont des architraves jusqu'aux murs qui sont alentour. Le dessus de ce plancher est pavé et forme une galerie découverte qui tourne tout autour. Sur l'architrave, au droit des colonnes d'en bas, on en élève de nouvelles d'un quart plus petites. Elles sont surmontées de leurs architraves et des autres parties de l'entablement sur lesquelles posent les ornements du plafond. Entre les colonnes d'en haut sont placées les fenêtres; ce qui les fait ressembler aux basiliques, bien plus qu'aux salles à manger corinthiennes. 

10. On fait encore des salons dont le style n'appartient point à l'Italie : les Grecs les appellent cyzicènes. Ils sont tournés vers le septentrion, et ont vue le plus souvent sur des jardins. Leurs portes sont au milieu. Ils doivent être assez longs et assez larges pour contenir deux tables à trois lits, mises en regard l'une de l'autre, avec l'espace exigé pour la commodité du service. Ils ont à droite et à gauche des fenêtres qui ouvrent jusqu'au bas comme des portes, afin que de dessus les lits on puisse facilement voir les jardins. Leur hauteur répond à la largeur, plus la moitié de cette largeur. 

11. Pour ces sortes d'édifices, on ne peut guère adopter de proportions que celles que comporte la nature du lieu. Il est facile d'avoir des jours, si la hauteur des murs voisins ne vient pas intercepter la lumière; s'il y avait obstacle à cause du peu d'espace ou de toute autre raison, c'est alors qu'il faudrait user de son adresse et de son talent pour diminuer ou augmenter les proportions de manière à exécuter de belles choses qui ne fussent point contraires aux véritables proportions.

 Caput 4 : Ad quas caeli regiones quaeque aedificiorum genera spectare debeant ut uni et salubrati sint idonea.

1. Nunc explicabimus quibus proprietatibus genera aedicifiorum ad usum et caeli regiones apte debeant spectare. Hiberna triclinia et balnearia uti occidentem hibernum spectent (43), ideo quod vespertino lumine opus est ut;: praeterea quod etiam sol occidens adversus habens splendorem, calorem remittens, efficit vespertino tempore regionem tepidiorem. Cubicula et bibliothecae ad orientem spectare debent : usus enim matutinum postulat lumen; item in bibliothecis libri non putrescent. Nam quaecumque ad meridiem et occidentem spectant, a tineis et humore libri vitiantur, quod venti humidi advenientes procreant eas et alunt, infundentesque humidos spiritus pallore volumina corrumpunt.

2. Triclinia verna et autumnalia ad orientem. Nam cum praetentura luminibus adversa, solis impetus progrediens ad occidentem efficit ea temperata ad id tempus, quo his solite est uti. Astiva ad septentrionem, quod ea regio, non ut reliquae quae per solstitium propter calorem efficitunur aestuosae, eo quod est aversa a solis cursu, semper refrigerata, et salubritatem et voluptatem in usu praestat. Non minus pinacothecae et plumariorum textrinae (44) pictorumque officinae, uti colores eorum in opere propter constantiam luminis immutata permaneant qualitate. 

IV. Vers quelle partie du ciel doit être tournée chaque espèce d'édifices, pour qu'ils soient commodes et sains.

1. Je vais maintenant expliquer vers quelles parties du ciel doivent être tournés les divers genres d'édifices, suivant l'usage auquel ils sont destinés. Les salles à manger d'hiver et les bains auront vue sur le couchant d'hiver, parce qu'on a besoin de la lumière du soir, et encore parce que le soleil couchant, en envoyant en face sa lumière, répand vers le soir une douce chaleur dans les appartements. Les chambres à coucher et les bibliothèques seront tournées vers l'orient; leur usage demande la lumière du matin; et de plus les livres ne pourrissent point dans ces bibliothèques, tandis que dans celles qui sont exposées au midi et au couchant, les teignes et l'humidité gâtent les livres, parce que les vents humides font naître et nourrissent ces insectes, et altèrent les livres en les faisant moisir.

2. Les salles à manger dont on se sert au printemps et pendant l'automne, doivent être tournées vers l'orient: car, à l'aide d'un rideau placé devant les fenêtres, on éloigne les rayons du soleil, dont la marche rapide vers l'occident y laisse bientôt une douce température pour le temps où l'on a particulièrement besoin de s'en servir. Les salles d'été regarderont le septentrion, parce que cette exposition ne ressemble point aux autres que les chaleurs du solstice rendent insupportables; opposée au cours du soleil, toujours fraîche, elle offre à la fois salubrité et agrément. Cette exposition ne convient pas moins pour les galeries de tableaux, et les ateliers de broderie et de peinture, parce que le jour, qui y est toujours égal, ne fait rien perdre aux couleurs de leur éclat.

Caput 5 : De aedificiorum propriis locis et generibus ad quascumque personarum qualitates convenientibus.

1. Quum ad regiones caeli ita ea fuerint disposita, tunc etiam animadvertendum est, quibus rationibus privatis aedificiis propria loca patribus familiarum, et quemadmodum communia cum extraneis aedificari debeant. Namque ex his quae propria sunt, in ea non est potestas omnibus introeundi nisi invitatis; quemadmodum sunt cubicula, triclinia, balneae ceteraque, quae easdem habent usus rationes. Communia autem sunt, quibus etiam invocati suo iure de populo possunt venire, id est vestibula cava aedium peristyla quaeque eundem habere possunt usum. igitur is qui communi sunt fortuna, non necessaria magnifica vestibula nec tabulina neque atria, quod magis aliis officia praestant ambiundo quam ab aliis ambiuntur.

2. Qui autem fructibus rusticis serviunt, in eorum vestibulis stabula, tabernae, in aedibus cryptae, horrea, apothecae ceteraque, quae ad fructus servandos magis quam ad elegantiae decorem possunt esse, ita sunt facienda. Item feneratioribus et publicanis commodiora et speciosiora et ab insidiis tuta : forensibus autem et disertis elegantiora et spatiosiora ad conventus excipiundos; nobilibus vero, qui honores magistratusque gerundo praestare debent officia civibus, facienda sunt vestibula regalia, alta atria, et peristyla amplissima, silvae, ambulationesque laxiores, ad decorem maiestatis perfectae : praeterea bibliothecaei pinacothecaei basilicaei non dissimili modo quam publicorum operum magnificentia comparatae, quod in domibus eorum saepius et publica consilia et privata iudicia arbitriaque conficiuntur (47).

3. Ergo si his rationibus ad singulorum generum personas, uti in libro primo de decore est scriptum, ita disposita erunt aedificia, non erit quod reprehendatur : habebunt enim ad omnes res commodas et emendatas explicationes. Earum autem rerum non solum erunt in urbe aedificiorum rationes, sed etiam ruri, praeterquam quod in urbe atria proxima ianuis solent esse, ruri vero pseudourbanis (48) statim peristyla, deinde tunc atria habentia circum porticus pavimentatas spectantes ad palaestras et ambulationes. 

4. Quoad potui, urbanas rationes aedificiorum summatim perscripsi, ut proposui : nunc rusticorum expeditionem, ut sint ad usum commoda, quibusque rationibus collocare oporteat ea, dicam. 

V. Des édifices considérés sous le rapport de leur disposition particulière, relativement à la qualité des personnes qui doivent les habiter.

1. Après avoir ainsi orienté une maison, il faudra s'occuper de la manière d'en distribuer les différentes parties, selon qu'elles seront destinées au père de famille, ou aux étrangers. Ce n'est, en effet, que sur une invitation qu'on peut entrer dans les appartements particuliers, tels que chambres à coucher, salles à manger, bains et autres pièces également consacrées à des usages particuliers. Mais il est d'autres parties dans lesquelles le public a le droit d'entrer sans être invité : ce sont les vestibules, les cavædium, les péristyles et autres endroits destinés à des usages communs. Or, les personnes d'une condition ordinaire n'ont besoin ni de magnifiques vestibules, ni de cabinets de travail, ni de cours spacieuses, parce qu'elles vont ordinairement présenter leurs hommages aux autres, sans qu'on vienne en faire autant chez elles. 

2. Ceux qui font trafic des biens de la terre, doivent avoir à l'entrée de leur maison des étables, des boutiques, et, dans l'intérieur, des caves, des greniers, des celliers et autres pièces qui servent plus à la conservation des fruits qu'à la beauté et à l'agrément de la maison. Aux gens d'affaires et aux financiers, il faut des demeures plus commodes et plus belles, et qui soient à l'abri des voleurs. Il en faut encore de plus élégantes et de plus grandes aux avocats et aux gens de lettres, qui ont à recevoir beaucoup de monde. La noblesse, enfin, qui occupe les grandes charges de la magistrature et de l'État, devant donner audience au public, doit avoir de magnifiques vestibules, de vastes cours, des péristyles spacieux, des jardins ombragés, de larges promenades; tout doit être beau et majestueux; ajoutez à cela des bibliothèques, des galeries de tableaux, des basiliques dont la magnificence égale celle des édifices publics, parce que chez eux les affaires publiques se traitent souvent en conseil, et que les différends des particuliers y sont réglés par sentence du juge et par arbitrage. 

3. Si la disposition des édifices a été de cette manière appropriée aux différentes conditions des personnes, les principes posés dans le premier livre, au sujet de la bienséance, auront été parfaitement observés, et les parties de chaque maison seront commodes et correctes. Telles sont les règles dont l'application importe, non seulement aux constructions de la ville, mais encore à celles de la campagne, avec cette différence pourtant qu'à la ville la cour vient immédiatement après la porte, et qu'à la campagne les péristyles touchent à l'habitation du maître, et que les cours sont entourées de portiques pavés qui ont vue sur les palestres et les promenades. 

4. Je viens, autant qu'il m'a été possible de le faire sommairement, de donner, comme je l'avais promis, la manière de disposer les maisons de la ville ; je vais dire comment il faut s'y prendre pour rendre celles de la campagne commodes et propres aux usages auxquels elles sont destinées.

Caput 6 : De rusticorum aedificiorum rationibus.

1. Primum de salubritatibus (49), uti in primo volumine de moenibus collocandis scriptum est, regiones aspiciantur, et ita villae collocentur. Magnitudines earum ad modum agri, copiasque fructuum comparentur : cortes (50) magnitudinesque earum ad pecorum numerum, atque quot iuga boum opus fuerit ibi versari, ita finiantur. In corte culina quam calidissimo loco designetur, coniuncta autem habeat bubilia (51), quorum praesepia ad focum (52) et orientis caeli regionem spectent; ideo quod boves lumen et ignem spectando (53) horridi non fiunt. Item agricolae regionum periti non putant oportere aliam regionem caeli boves spectare nisi ortum solis.

2. Bubilium autem debent esse latitudines, nec minores pedum denum, nec maiores quindenum (54) : longitudo, uti singula iuga, ne minus occupent pedes septenos. Balnearia (55) item coniuncta sint culinae : ita enim lavationi rusticae ministratio non erit longe. Torcular (56) item proximum sit culinae : ita enim ad olearios fructus commoda erit ministratio : habeatque coniunctam vinariam cellam, habentem ad septentrionem lumina fenestrarum (57); quum enim alia parte habuerit, qua sol calefacere possit, vinum quod erit in ea cella, confusum ab calore efficietur imbecillum.

3. Olearia autem ita est collocanda, ut habeat a meridie calidisque regionibus lumen : non enim debet oleum congelari, sed tepore caloris extenuari. Magnitudines autem earum ad fructuum rationem et numerum doliorum sunt faciundae; quae quum sint cullearia (58), per medium occupare debent pedes quaternos. Ipsum autem torcular, si non cochleis torquetur, sed vectibus et prelo premitur, ne minus longum pedes quadraginta constituatur : ita enim erit vectiario spatium expeditum; latitudo eius ne minus pedum senum denum : nam sic erit ad plenum opus facientibus libera versatio et expedita. Sin autem duobus prelis loco opus fuerit, quatuor et viginti pedes latitudini dentur.

4. Ovalia et caprilia ita magna sunt facienda, ut singula pecora areae ne minus pedes quaternos et semipedem, ne plus senos possint habere. Granaria sublimata (59) et ad septentrionem aut aquilonem spectantia disponantur : ita enim frumenta non poterunt cito concalescere, sed afflatu refrigerata diu servantur : namque ceterae regiones procreant curculionem (60) et reliquas bestiolas quae frumentis solent nocere. Equilia (61) quae maxime in villa, ubi loca calidissima fuerint, constituantur, dum ne ad focum spectent : quum enim iumenta proxime ignem stabulantur, horrida fiunt.

5. Item non sunt inutilia praesepia, quae collocantur extra culinam (62) in aperto, contra orientem; quum enim in hieme anni sereno caelo in ea traducuntur, matutino boves ad solem pabulum capientes, fiunt nitidiores. Horrea, foenilia, farraria (63), pistrina extra villam facienda videntur, ut ab ignis periculo sint villae tutiores. Si quid delicatius in villa faciendum fuerit, ex symmetriis, quae in urbanis supra scriptae sunt, constituta ita struantur, ut sine impeditione rusticae utilitatis aedificentur.

6. Omnia aedificia ut luminosa sint, oportet curari; sed quae sunt ad villas, faciliora videntur esse, ideo quod paries nullius vicini potest obstare : in urbe autem aut communium parietum altitudines aut angustiae loci impediundo faciunt obscuritates. Itaque de ea re sic erit experiundum : ex qua parte lumen oporteat sumere, linea tendatur ab altitudine parietis, qui videtur obstare ad eum locum, cui lumen oporteat immittere; et si ab ea linea, in altitudinem quum prospiciatur, poterit spatium puri caeli amplum videri, in eo loco lumen erit sine impeditione.

7. Sin autem officiunt trabes seu limina (64) aut contignationes, de superioribus partibus aperiatur, et ita immittatur : et ad summam ita est gubernandum, ut e quibuscumque partibus caelum prospici poterit, per eas fenestrarum loca relinquantur (65) : sic enim lucida erunt aedificia. Quum autem in tricliniis ceterisque conclavibus maximus est usus luminis, tum etiam in itineribus, clivis scalisque; quod in his saepius alii aliis obviam venientes ferentes sarcinas solent incurrere.

8. Quoad potui distributiones operum nostratium, uti sint aedificatoribus non obscurae, explicui : nunc etiam quemadmodum Graecorum consuetudinibus aedificia distribuantur, uti non sint ignota, summatim exponam. 

VI. De la disposition des maisons à la campagne.

1. Il faut d'abord s'occuper de la salubrité, comme nous l'avons prescrit dans le premier livre au sujet des fondements des murs, et pour cela, examiner les différentes expositions, et donner la meilleure à la maison. Sa grandeur doit être proportionnée à l'étendue de la terre, à la quantité des produits ; le nombre et la grandeur des basses-cours seront déterminés par la quantité des bestiaux et le nombre des charrues. La cuisine sera placée dans l'endroit le plus chaud de la cour, et les étables à boeufs y attenant auront leurs crèches tournées vers la cheminée et le soleil levant; les boeufs, à la vue du feu et de la lumière, ne deviennent point hérissés. Aussi les laboureurs expérimentés pensent-ils que les étables à boeufs ne doivent être exposées qu'au soleil levant. 

2. Leur largeur ne doit pas avoir moins de dix pieds ni plus de quinze; quant à leur longueur, elle devra être dans la proportion de sept pieds au moins pour chaque paire de boeufs. Que la salle de bains soit aussi contiguë à la cuisine; le service qu'exigent les bains à la campagne sera plus facile. Il faudra encore que le pressoir soit tout auprès de la cuisine : cette proximité rendra plus aisée la préparation des olives; viendra ensuite le cellier dont les fenêtres tireront le jour du septentrion : car si elles étaient exposées de manière à laisser pénétrer la chaleur du soleil, le vin qu'il contiendrait tournerait et perdrait de sa force. 

3. L'endroit où l'on serre les huiles doit, au contraire, avoir ses jours ouverts du côté du soleil du midi : car la gelée leur est nuisible, au lieu qu'une douce chaleur conserve leur qualité. La grandeur des celliers doit être proportionnée à la quantité des fruits, et au nombre des tonneaux, qui, s'ils sont de la plus grande mesure, doivent occuper par le milieu une place de quatre pieds. Quant au pressoir, si la machine, au lieu d'être à vis, est à leviers et à arbre, il n'aura pas moins de quarante pieds de longueur, ce qui permettra de faire jouer librement le levier. Sa largeur ne sera pas moindre que seize pieds. Par là les ouvriers auront tous leurs mouvements libres et faciles. Mais si l'on a besoin de deux machines, il faudra donner au pressoir vingt-quatre pieds de largeur. 

4. Les étables à brebis et à chèvres doivent être assez grandes pour que chaque bête puisse avoir quatre pieds et demi de place au moins, et six au plus. Les greniers seront élevés et tournés vers le septentrion ou vers l'aquilon; ces précautions empêcheront le grain de s'échauffer, et la fraîcheur du vent les conservera longtemps. Les autres expositions engendrent les charançons et tous ces insectes qui rongent ordinairement le blé. Il faut que les écuries soient bâties tout auprès de la maison, dans l'endroit le plus chaud, pourvu toutefois qu'elles ne soient pas tournées vers la cheminée, car les chevaux qui se trouvent placés dans le voisinage du feu perdent le poli de leur poil. 

5. Il n'est point non plus inutile que des crèches soient placées en dehors de la cuisine, à découvert, du côté de l'orient; en hiver, lorsque par un beau temps, les boeufs y sont menés, ils prennent leur nourriture au soleil du matin, et deviennent plus beaux. Les granges, les greniers à foin et à blé, le moulin doivent être construits à une certaine distance de la maison, pour qu'elle n'ait rien à craindre du feu. Si l'on veut ajouter quelque ornement à la maison, les proportions qui ont été données ci-dessus pour les édifices de la ville, pourront être suivies, pourvu qu'il n'en résulte aucun embarras pour le service de la ferme.

6. Tous les édifices doivent être parfaitement éclairés; le point est important. C'est une chose facile à la campagne, où les murailles d'un voisin ne peuvent venir s'opposer au jour; à la ville, au contraire, la hauteur d'un mur mitoyen, le rapprochement des maisons répandent de l'obscurité. Pour voir si l'on aura assez de jour, il faut faire l'expérience suivante : du côté où l'on voudra prendre le jour, on tendra une corde depuis le haut du mur qui peut faire obstacle au jour, jusqu'à l'endroit où il doit être reçu; et si de cette corde, en regardant en haut, on peut découvrir une vaste étendue du ciel, la lumière arrivera dans le lieu sans empêchement. 

7. Si le jour était arrêté par une poutre, un linteau, un plancher, il faudrait faire des ouvertures au-dessus des obstacles qu'il rencontre, et l'introduire par là; en un mot, il faut s'y prendre de manière que partout où le ciel pourra être vu à découvert, il y ait place pour des fenêtres : c'est ainsi qu'on aura des maisons bien éclairées. Les chambres et les salles à manger exigent beaucoup de jour; mais c'est surtout aux passages, aux escaliers en limaçon et aux droits qu'il faut en donner, parce que souvent il arrive que des personnes s'y rencontrent venant les unes d'un côté, les autres de l'autre, et s'y croisent avec des fardeaux qu'elles portent.

8. Je viens d'expliquer la manière de distribuer les maisons en Italie, assez clairement, je pense, pour que les constructeurs n'y trouvent rien d'obscur. Je vais dire sommairement comment les Grecs ont l'habitude de disposer leurs maisons, afin qu'on ne l'ignore pas.

Caput 7 : De Graecorum aedificiorum eorumque partium dispositione.

1. Atriis Graeci quia non utuntur, neque aedificant, sed ab ianua introeuntibus itinera faciunt latitudinibus non spatiosis, et ex una parte equilia, ex altera ostiariis cellas, statimque ianuae interiores finiuntur. Hic autem locus inter duas ianuas graece θυρωρεῖον appellatur. Deinde est introitus in peristylon : id peristylon in tribus partibus habet porticus; in quarta parte, quae spectat ad meridiem, duas antas inter se spatio amplo distantes, in quibus trabes invehuntur, et quantum inter antas distat, ex eo tertia dempta spatium datur introrsus. Hic locus apud nonnullos προστάς, apud alios παραστάς nominatur.

2. In his locis introrsus constituuntur oeci magni, in quibus matres familiarum cum lanificis habent sessionem. In porostadii autem dextra ac sinistra cubicula sunt collocata, quorum unum thalamus, alterum amphithalamus (66) dicitur. Circum autem in porticibus triclinia quotidiana, cubicula, etiam et cellae familiaricae (67) constituuntur. Haec pars aedificii gynaeconitis appellatur (68).

3. Coiunguntur autem his domibus ampliores habentes latiora peristylia (69), in quibus pares sunt quatuor porticus altitudinibus, aut una, quae ad meridiem spectat, excelsioribus columnis constituitur. Id autem peristylium, quod unam altiorem habet porticum, Rhodiacum (70) appellantur. Habent autem eae domus vestibula egregia et ianuas proprias cum dignitate porticusque peristyliorum albariis et tectoriis et ex intestino opere lacunariis ornatas, et in porticibus, quae ad septentrionem spectant, triclinia cyzicena et pinacothecas; ad orientem autem bibliothecas; exedras ad occidentem; ad meridiem vero spectantes oecos quadratos terram ampla magnitudine, uti faciliter in eis tricliniis quatuor (71) stratis ministrationum ludorumque operis  (72) locus possit esse spatiosus.

4. In his oecis fiunt virilia convivia : non enim fuerat institutum matres familiarum eorum moribus accumbere. Haec autem peristylia domus andronitides dicuntur, quod in is viri sine interpellationibus mulierum versantur. Praeterea dextra ac sinistra domunculae constituuntur habentes proprias ianuas, triclinia et cubicula commoda, uti hospites advenientes non in peristylia, sed in ea hospitalia recipiantur (73). Nam quum fuerunt Graeci delicatiores et fortuna opulentiores, hospitibus advenientibus instruebant triclinia, cubicula, cum penu cellas, primoque die ad coenam invitabant, postea mittebant pullos, ova, olera, poma reliquasque res agrestes. Ideo pictores ea, quae mittebantur hospitibus, picturis imitantes xenia (74) appellaverunt. Ita patres familiarum in hospitio non videbantur esse peregre, habentes secretam in his hospitalibus liberalitatem.

5. Inter duo autem peristylia ad hospitalia, itinera sunt, quae mesaulae dicuntur, quod inter duas aulas media sunt interposita; nostri autem eas andronas appellant. Sed hoc valde est mirandum, nec enim Graece nec latine potest id convenire. Graeci enim ἀνδρῶνες appellant oecos, ubi convivia virilia solent esse, quod eo mulieres non accedunt. Item aliae res sunt similes, uti xystus, prothyrum, telamones et nonnulla alia eius modi. Ξυστός enim, graeca appellatione, est porticus ampla latitudine, in qua athletae per hiberna tempora exercentur. Nostri autem hypaethras ambulationes xysta appellant, quas Graeci παραδρομίδας dicunt. Item prothyra Graece dicuntur, quae sunt ante ianuas vestibula; nos autem appellamus prothyra; quae Graece dicuntur διάθυρα..

6. Item si qua virili figura signa mutulos aut coronas sustinent, nostri telamones appellant; cuius rationes, quid ita aut quare dicantur, ex historiis non inveniuntur, Graeci vero eos ἄτλαντας vocitant. Atlas enim formatur historia sustinens mundum, ideo quod is primum cursum solis et lunae siderumque omnium ortus et occasus, mundique versationum rationes rigore animi solertiaque curavit hominibus tradendas, eaque re a pictoribus et statuariis deformatur pro eo beneficio sustinens mundum; filiaeque eius Atlantides, quas nos Vergilias, Graeci autem Πλειάδες nominant (75), cum sideribus in mundo sunt dedicatae.

7. Nec tamen ego ut mutetur consuetudo nominationum aut sermonis, ideo haec proposui; sed uti ea non sint ignota philologis, exponenda iudicavi. Quibus consuetudinibus aedificia Italico more et Graecorum institutis conformantur exposui, et de symmetriis singulorum generum proportiones perscripsi; ergo quoniam de venustate decoreque ante est scriptum, nunc exponemus de firmitate quemadmodum ea sine vitiis permaneat et ad vetustatem collocentur. 

VII. De la disposition des édifices grecs, et des parties qui les composent.

1. Les cours ne sont point en usage chez les Grecs, aussi n'en bâtissent-ils point; mais de la porte d'entrée on pénètre dans un corridor assez étroit, ayant d'un côté les écuries, de l'autre la loge du portier, et terminé par une porte intérieure. Ce passage, ainsi placé entre deux portes, s'appelle en grec θυρωρεῖον. De là on entre dans le péristyle. Ce péristyle a des portiques de trois côtés; à celui qui regarde le midi, il y a deux antes, placés à une grande distance l'un de l'autre, qui soutiennent un poitrail; l'espace compris entre les deux antes, moins un tiers, donne la profondeur de ce lieu, que quelques-uns appellen προστάς, et d'autres παραστάς.

2. C'est là que sont placées intérieurement de grandes salles où les mères de famille vont s'asseoir au milieu des femmes qui apprêtent les laines. À droite et à gauche du prostadium se trouvent des chambres, dont l'une s'appelle thalamus, l'autre antithalamus. Autour des portiques sont les salles à manger ordinaires, les chambres à coucher, le logement des domestiques. Cette partie de la maison s'appelle gynécée.

3. À ce bâtiment s'en joint un autre plus vaste, ayant de plus larges péristyles, dont les quatre portiques sont de hauteur égale, ou dont l'un, celui qui regarde le midi, est soutenu par des colonnes plus hautes. Ce péristyle, dont le portique est plus élevé, se nomme rhodien. Il y a de ce côté de magnifiques vestibules, des portes particulièrement belles. Les portiques des péristyles sont ornés de stuc, de peintures et de lambris en menuiserie. Le long du, portique qui regarde le septentrion, sont placées les salles à manger, nommées cyzicènes, et les cabinets de tableaux; celui qui regarde l'orient contient la bibliothèque; celui de l'occident renferme les salles de conférence; on voit au portique du midi les grandes salles carrés assez vastes et assez spacieuses pour pouvoir contenir sans difficulté quatre tables à trois lits, avec l'espace nécessaire pour le service et pour les jeux. 

4. Ces salles sont réservées aux festins des hommes; il n'est point d'usage chez eux d'admettre à leur table les mères de famille. Ces péristyles s'appellent andronitides, parce que les hommes n'y sont point importunés par les femmes. Il y a encore à droite et à gauche de petits appartements avec des portes particulières, des salles à manger et des chambres commodes, destinées à recevoir les étrangers qu'on ne met point dans les appartements qui ont des péristyles. Les Grecs, si délicats et si somptueux, faisaient préparer, à l'arrivée de leurs hôtes, des salles à manger, des chambres à coucher, un office bien approvisionné. Le premier jour ils les invitaient à leur table, et les jours suivants, ils leur envoyaient des poulets, des oeufs, des légumes, des fruits et toutes les autres choses qu'ils recevaient de la campagne. Voilà pourquoi les peintres ont appelé xenia les peintures qui représentent ces présents qu'on envoyait à ses hôtes. Ainsi les pères de famille ne se sentaient point étrangers sous le toit hospitalier, jouissant, dans ces appartements, de la même liberté qu'ils auraient eue chez eux. 

5. Entre ces péristyles et les appartements. consacrés aux hôtes, sont des passages appelés mesaulae, nom tiré de la position qu'ils occupent entre deux bâtiments; nous les appelons, nous, andrones. Et ce qu'il y a d'étonnant, c'est que ce mot n'a point en grec la même signification qu'en latin. Les Grecs, en effet, appellent ἀνδρῶνες les grandes salles où les hommes ont coutume de faire leurs festins, sans que les femmes y paraissent. Nous nous servons encore de quantité de mots pris dans des acceptions différentes, tels que xystus, prothyyrum, telamones et quelques autres. Ξυστός dans l'acception grecque, signifie un vaste portique où s'exercent les athlètes pendant l'hiver, et nous, nous appelons xysta les promenades découvertes que les Grecs nomment παραδρομίδας. Les Grecs appellent encore prothyra les vestibules qui sont devant les portes; chez nous, prothyra est lle διάθυρα des Grecs. 

6. Si quelques figures d'hommes soutiennent des mutules ou des corniches, nous les nommons telamones. Pourquoi leur donne-t-on ce nom? C'est ce que l'histoire ne nous apprend pas : les Grecs les appellent ἄτλαντες. L'histoire représente Atlas soutenant le ciel sur ses épaules, parce qu'il est le premier qui, après de longues et judicieuses observations, enseigna aux hommes le cours du soleil et de la lune, le lever et le coucher des astres, les révolutions de l'univers; et c'est en récompense de ce bienfait que les peintres et les statuaires l'ont représenté soutenant le ciel sur ses épaules, et que ses filles Atlantides, que les Latins appellent Vergiliae, et les Gres Πλειάδες, ont été mises au nombre des étoiles.

7. Ce n'est pas pour changer des noms consacrés par l'usage que j'ai fait cet exposé; mais j'ai cru ne pas devoir taire des choses que les philologues ne devaient pas ignorer. Après avoir exposé les différentes manières de construire les édifices tant en Grèce qu'en Italie, et donné les proportions suivies par les deux peuples, après avoir parlé de leur beauté et de leur disposition, il me reste à traiter de leur solidité et des moyens de les faire durer à jamais, sans qu'ils aient à souffrir des injures du temps.

 Caput 8 : De firmitate et fundamentis aedificiorum.

1. Aedificia quae plano pede instituuntur (76), si fundamenta eorum facta fuerint ita, ut in prioribus libris de muro et theatris a nobis est expositum, ad vetustatem ea erunt sine dubitatione firma. Sin autem hypogea concamarationesque instituentur, fundationes eorum fieri debent crassiores quam quae in superioribus aedificiis structurae sunt futurae, eorumque parietes, pilae, columnae ad perpendiculum inferiorum medio collocentur, uti solido respondeant : nam si in pendentibus (77) onera fuerint parietum aut columnarum, non poterunt habere perpetuam firmitatem.

2. Praeterea inter limina secundum pilas et antas postes si supponentur (78), erunt non vitiosae : limina enim et trabes structuris quum sint oneratae, medio spatio pandantes frangunt sublisae (79) structuras. Quum autem subiecti fuerint et subcuneati postes, non patiuntur insidere trabes, neque eas laedere.

3. Item administrandum est, uti levent onus parietum fornicationes cuneorum dividionibus, et ad centrum respondentes earum conclusurae : quum enim extra trabes aut liminum capita, arcus cuneis erunt conclusi, primum non pandabit materies levata onere; deinde si quod e vetustate vitium ceperit, sine molitione fulturarum faciliter mutabitur.

4. Itemque quae pilatim (80) aguntur aedificia, et cuneorum divisionibus, coagmentis ad centrum respondentibus fornices concluduntur, extremae pilae in his latiores spatio sunt faciundae, ut vires eae habentes resistere possint, quum cunei ab oneribus parietum pressi, per coagmenta ad centrum se prementes extrusetint incumbas (81). Itaque si angulares pilae erunt spatiosis magnitudinibus, continendo cuneos firmitatem operibus praestabunt.

5. Quum in his rebus animadversum fuerit, uti ea diligentia in his adhibeatur, non minus etiam observandum est, uti omnes structurae perpendiculo respondeant (82), neque habeant in ulla parte proclinationes. Maxima autem esse debet cura substructionum, quod in his infinita vitia solet facere terrae congestio : ea enim non potest esse semper uno pondere, quo solet esse per aestatem; sed hibernis temporibus recipiendo ex imbribus aquae multitudinem, crescens et pondere et amplitudine disrumpit et extrudit structurarum septiones.

6. Itaque ut huic vitio medeatur, sic erit faciundum, uti primum pro amplitudine congestionis crassitudo structurae constituatur; deinde in frontibus (83) anterides, sive erismae (84) sint, una struantur, crassitudine eadem qua substructio, eaeque inter se distent tanto spatio (85), quanto  crassitudo constituta fuerit substructionis. Procurrant autem ab imo quantum altitudo substructionis est futura, deinde contrahantur gradatim ita, uti summam habeant prominentiam quanta operis est crassitudo.

7. Praeterea introrsus contra terrenum, uti dentes  coniuncti muro serratim struantur, uti singuli dentes ab muro tantum distent, quanta altitudo futura erit substructionis : crassitudines autem habeant dentium structurae uti muri. Iem in extremis angulis, quum recessum fuerit ab interiore angulo, spatio altitudinis substructionis, in utramque partem signetur, et ab his signis diagonios structura collocetur, et ab ea media, altera coniuncta cum angulo muri. Ita dentes et diagoniae structurae non patientur tota vi premere murum, sed dissipabunt retinendo impetum congestionis.

8. Quemadmodum opera sine vitiis oporteat constitui, et uti caveatur, incipientibus exposui : namque de tegulis aut tignis aut asseribus immutandis non eadem est cura, quemadmodum de his, quod ea, quamvis sint vitiosa, faciliter mutantur. Ita quae nec solida quidem putantur esse, quibus rationibus haec poterunt esse firma, et quemadmodum instituantur, exposui.

9. Quibus autem copiarum generibus oporteat uti, non est architecti potestas; ideo quod non in omnibus locis omnia genera copiarum nascuntur, uti in primo volumine est expositum. Praeterea in domini est potestate, utrum latericio, an caementicio, an saxo quadrato velit aedificare. Itaque omnium operum probationes tripartito considerantur, id est fabrili subtilitate, magnificentia et dispositione. Quum magnificenter opus perfectum aspicietur a domini potestate, impensae laudabuntur; quum subtiliter, officinatoris probabitur exactio; quum vero venustate, proportionibus et symmetriis habuerit auctoritatem, tunc fuerit gloria architecti.

10. Haec autem recte constituuntur, quum is et a fabris et ab idiotis patiatur accipere se consilia (86). Namque omnes homines, non solum architecti, quod est bonum possunt probare; sed inter idiotas et eos hoc est discrimen, quod idiota, nisi factum viderit, non potest scire quid futurum sit; architectus autem simul animo constituerit, antequam inceperit, et venustate, et usu, et decore quale sit futurum habet definitum. Quas res privatis aedificiis utiles putavi, et quemadmodum sint faciunda, quam apertissime potui perscripsi. De expolitionibus autem eorum, uti sint elegantes et sine vitiis ad vetustatem, in sequenti volumine exponam.

VIII. De la solidité et des fondements des édifices.

1. Si les édifices qui se construisent au rez-de-chaussée, ont leurs fondements faits de la manière que nous avons enseignée dans les livres précédents qui traitent des murailles et des théâtres, ils renfermeront certainement toutes les conditions d'une longue durée. Mais si des caves nécessitent la construction d'une voûte, il faudra donner aux fondements plus d'épaisseur qu'ils n'en auraient, s'il n'était question que d'édifices bâtis hors de terre, et faire en sorte que les murailles, les piliers, les colonnes soient parfaitement d'aplomb sur les mêmes parties inférieures, et ne reposent point sur le vide: car si le poids des murailles et des colonnes porte à faux, impossible de compter sur une grande solidité.

2. Il ne sera pas mauvais de placer au-dessus de chaque linteau deux poteaux qui se rapprochant par le haut s'appuieront sur les pieds-droits: car les linteaux, les poitrails qui ont à supporter une lourde maçonnerie, venant à plier au milieu, se rompent, et entraînent cette maçonnerie. Mais ces poteaux, ayant été mis dessus et bien assujettis, empêcheront que les linteaux ne s'affaissent et n'endommagent les constructions.

3. Il faut encore avoir soin que le poids des murs soit allégé par des décharges faites avec des pierres taillées en forme de coin, et dont les lignes correspondent à un centre. Les arcs formés avec des pierres ainsi taillées, venant se fermer aux deux extrémités du linteau et du poitrail, empêcheront d'abord que le bois, déchargé de son fardeau, ne plie, et permettront, si le temps vient à occasionner quelque dommage, de le réparer facilement, sans qu'il soit besoin d'avoir recours aux étais.

4. Les édifices élevés sur des piliers réunis par des arcades formées avec des pierres taillées en forme de coin, et dont les jointures correspondent à un centre, exigent que les piliers des angles soient plus larges, afin qu'ils puissent opposer plus de résistance aux pierres taillées en forme de coin qui, chargées par le poids des murailles, et s'abaissant par les jointures vers le centre, pourraient faire reculer les impostes. Si donc on donne beaucoup de largeur aux piliers des extrémités, les pierres en forme de coin seront fortement contenues, et l'ouvrage y gagnera en solidité.

5. Après que toutes ces observations auront été exactement mises en pratique, il faudra encore faire attention à ce que toutes les parties de la maçonnerie soient bien d'aplomb, sans que rien penche d'aucun côté. C'est surtout aux murs des souterrains qu'il faut apporter le plus grand soin, à cause des terres qui ordinairement déterminent grand nombre d'accidents. Les terres, en effet, n'ont pas dans les autres saisons le même poids qu'en été; pénétrées par les pluies abondantes de l'hiver, elles se gonflent, et par le poids et le volume qu'elles acquièrent, elles pressent et rompent la maçonnerie.

6. Pour remédier à cet inconvénient, il faut d'abord proportionner l'épaisseur du mur au volume de terre qu'il a à soutenir, bâtir ensuite en même temps que le mur et en dehors, des arcs-boutants et des contre-forts dont la largeur soit égale à celle des fondements, et qui soient distants les uns des autres de toute la grandeur qu'on aura donnée à l'épaisseur des fondements. La partie inférieure devra avoir autant de longueur que les fondations auront de hauteur, puis ils se rétréciront graduellement de manière que la partie supérieure de leur saillie ne soit pas plus grande que le mur n'est épais. 

7. Il faudra encore disposer en dedans une espèce de dentelure en forme de scie qui soit jointe au mur, et opposée à la terre. Chaque dent devra s'éloigner du mur à une distance égale à la hauteur des fondements; la maçonnerie de ces dents sera aussi épaisse que celle du mur. Enfin à l'extrémité des angles, après s'être éloigné de l'angle intérieur d'un espace égal à la hauteur des fondements, on fera une marque de chaque côté, et de l'une de ces marques à l'autre, on dirigera un mur diagonal, du milieu duquel un autre ira joindre l'angle du mur. Par cette disposition les terres seront arrêtées, retenues; les dentelures et les murailles diagonales empêcheront que tout leur poids ne vienne peser contre le mur.

8. Je viens d'enseigner à ceux qui entreprennent de bâtir la manière de faire une construction sans défaut, et les mesures qu'il faut prendre pour cela : car pour ce qui regarde les couvertures, les poutres, les chevrons, leur renouvellement ne présente pas la même importance; et, s'ils viennent à pourrir, il est facile de les remplacer. Donner les moyens de rendre solide ce qui ne paraissait pas susceptible de l'être, tracer le plan d'une bonne disposition, tel a été le but que je me suit efforcé d'atteindre. 

9. De quelle espèce de matériaux faut-il se servir? Voilà ce qu'il n'est pas au pouvoir de l'architecte de déterminer, parce qu'on ne trouve pas en tous lieux toute espèce de matériaux, comme nous l'avons dit dans le dernier livre, et qu'il dépend de la volonté de celui qui fait bâtir d'employer la brique, le moellon ou la pierre de taille. Tout ouvrage peut être considéré sous trois points de vue, la main d'oeuvre, la magnificence et la disposition. Quand un ouvrage se distingue par une magnificence et une perfection qui annoncent la richesse du possesseur, on loue la dépense; s'il se fait remarquer par le fini du travail, on apprécie le mérite de l'ouvrier; mais lorsqu'il se recommande par la beauté et la justesse des proportions, c'est alors que triomphe l'architecte. 

10. Et son succès sera assuré, s'il veut bien ne pas fermer l'oreille aux conseils des simples ouvriers, et même des personnes étrangères à son art : car ce n'est point à l'architecte seulement qu'il est donné de juger ce qui est bon. Il y a pourtant cette différence entre l'architecte et celui qui ne l'est pas, que ce dernier ne peut se faire une idée de l'ouvrage que lorsqu'il est terminé; tandis que l'architecte, avant même d'avoir commencé l'exécution du plan qu'il a imaginé, saisit parfaitement de son oeuvre future la beauté, la disposition, la convenance.
Je viens de tracer le plus nettement qu'il m'a été possible la marche qu'il faut suivre dans la construction des édifices particuliers; je vais, dans le livre suivant, exposer les moyens de les embellir et de les préserver longtemps de toute altération.

NOTES DU LIVRE SIXIÈME.

J'ai besoin avant de commencer les notes de ce second volume, d'adresser de sincères remerciements pour toute les attentions dont j'ai été l'objet de leur part, à M. Lucas, directeur de l'imprimerie de M. Panckoucke, et à M. J. Chenu correcteur et collaborateur, aussi modeste que distingué, de la collection des Classiques et les prie d'avoir pour agréable le seul témoignage que je puisse leur offrir de ma reconnaissance.

(01) - Athenensium non omnes, nisi eos, qui liberos artibus erudissent. La population d'Athènes, dit Plutarque (Vie de Solon, ch. XXX), s'augmentait chaque jour, par le grand nombre d'étrangers qu'attirait de toutes parts la liberté dont on jouissait dans l'Attique. Mais la plus grande partie de son territoire n'offrait qu'un sol ingrat et stérile, et les marchands qui faisaient le commerce maritime, n'apportaient rien à ceux qui ne leur donnaient rien en échange. Solon, frappé de ces inconvénients, tourna du côté des arts l'industrie de ses concitoyens, et fit une loi qui dispensait un fils de l'obligation de nourrir son père, quand celui-ci ne lui avait point fait apprendre un métier.

(02). - Si primo animadversum fuerit, quibus regionibus aut quibus inclinationibus mundi constituantur. Bien que Vitruve, dans l'explication qu'il donne de l'influence des climats sur le corps humain, ne soit pas toujours d'une grande exactitude, il n'en est pas moins vrai qu'un architecte doit différemment construire les édifices dans les diverses contrées, suivant le climat et la nature du pays. Et ces règles générales, que l'auteur donne dans ce chapitre, l'architecte doit savoir les appliquer à une infinité de cas particuliers, parce qu'il ne faut pas croire que la température soit exactement la même dans les pays situés sous le même climat : car combien de circonstances, comme les vents, les volcans, le voisinage de la mer, la position des montagnes, ne se combinent-elles pas avec l'action du soleil, et ne rendent-elles pas la température très différente dans des lieux placés sous le même parallèle?

(03) - Namque aliter Aegypta, aliter Hispania. Ces pays ont en effet des horizons différents. Or, l'horizon est un cercle qui rase la surface de la terre, et qui sépare la partie visible de la terre et du ciel, de celle qui est invisible. Ce mot, purement grec, signifie à la lettre finissant ou bornant la vue ὅριζω termino, definio, d'où en latin finitor.

(04) - Ceteris terrarum et regionum proprietatibus oportere videntur constitui genera aedificiorum. Bien que ce précepte saute aux yeux, les architectes ne sauraient trop se pénétrer de cette idée, que ce n'est point seulement par imitation qu'ils doivent procéder, et que ce serait grandement se tromper que de transporter l'architecture italienne dans les pays septentrionaux ; qu'avant de tracer un plan, ils doivent étudier la nature du climat, connaître les mœurs et les habitudes du pays.

(05). - Haec autem ex natura rerum sunt animadvertenda, et consideranda, atque etiam ex membris corporibusque gentium observanda. Montesquieu, dans le XIVe livre de l'Esprit des lois, examine l'influence du climat sur les mœurs, le caractère et les lois des peuples; et bien qu'on puisse dire en général qu'il en étend trop les effets, il est incontestable, et plusieurs auteurs anciens et modernes l'ont remarqué, que la température, la localité, la nourriture contribuent à former les inclinations de l'homme, et à déterminer sa constitution morale; mais il n'en est pas moins vrai, comme le dit l'éditeur anonyme de 1764, que l'éducation et les lois peuvent vaincre ses inclinations et ses mœurs, et leur donnant une autre direction, le former au vice ou à la vertu. L'histoire est remplie de changements arrivés dans les mœurs des peuples ; et souvent une génération ne ressemble en rien à celle qui l'a précédée. Personne ne sera tenté d'attribuer ces révolutions à l'influence du climat. Voyez MONTESQUIEU, de l'Esprit des lois, liv. XIV, ch. 2. Hippocrate, Platon, Aristote et les hommes les plus doctes de l'antiquité ont reconnu et proclamé l'influence du climat sur la société; et Varron (Écon. rur., liv. I, ch. 2), parlant de la division qu'Ératosthène fait de notre globe, semblerait donner tort à J.-J. Rousseau qui, dans le Contrat social, attribue cette doctrine à Montesquieu. Mais si nous ne nous attachons qu'aux affections corporelles de chaque nation par rapport au climat, nous verrons qu'on a assez généralement observé que les habitants des climats chauds sont plus petits, plus secs, plus vifs, plus gais, communément plus spirituels, moins laborieux, moins vigoureux; qu'ils ont la peau moins blanche ; qu'ils sont plus précoces ; qu'ils vieillissent plus tôt, et vivent moins longtemps que les habitants des climats froids; que les femmes des pays chauds sont moins fécondes que celles des pays froids; que les premières sont plus jolies, mais moins belles que les dernières, etc.

(06) - Sub septentrionibus nutriuntur gentes immanibus corporibus, candidis coloribus, directo capillo et rufo. Tacite a dit des Germains : Truces et caerulei oculi, rutilae comae, magna corpora. Leurs yeux bleus et farouches, leurs cheveux d'un blond ardent, leurs grands corps. Comment douter, dit Pline (Hist. Nat., liv. II, ch. 80), que l'Éthiopien brûlé par l'ardente chaleur d'un astre trop près de lui, ne lui doive ce teint brûlé, cette barbe et ces cheveux crépus? Les plages glacées du septentrion, au contraire, ne voient que des peaux blanches, de longues chevelures blondes, etc.

(07). - Non minus sonus vocis. Vitruve revient encore dans ce passage aux principes de Pythagore, qui prétend qu'une harmonie générale compose et fait mouvoir le globe. Pour démontrer, d'après ce principe, dit de Bioul, comment la voix de l'homme n'est pas la même dans les différents climats, il se sert d'une comparaison plus ingénieuse qu'exacte. Vitruve suppose placé sur le globe un triangle semblable à l'instrument de musique appelé sambyce, qui est composé de plusieurs cordes inégales qui vont toujours en augmentant, ce qui forme un triangle. L'embarras où se trouvait l'auteur pour expliquer en aussi peu de mots comment tout dans le monde se réduit aux principes de la musique, rend l'interprétation de ce passage assez difficile. Joconde, que Perrault a suivi, l'a rendu d'une manière, et Barbaro, dont Galiani a adopté l'interprétation, le rend d'une autre. L'explication de ce dernier m'a paru préférable; 'a voici : soit l'horizon du monde dab; du bord septentrional d, on tire la ligne de, au centre de l'axe du méridien ou de l'équateur e ; et de ce point e on tire par en haut une autre ligne oblique jusqu'au pôle c. Ensuite, quoique l'auteur ne le dise pas, on tire encore une autre ligne du point c jusqu'au point d, ce qui forme le triangle edc. Cela posé, voici son raisonnement les peuples qui ont le pôle peu élevé, comme ceux, par exemple, qui, dans la fig. 88, occupent l'espace d1, ont le ton de la voix semblable à celui de la corde de la sambyce uu, qui est égale à l'élévation du pôle d1. Ceux qui ont le pôle plus élevé, comme d2, ont le ton de la corde qui est égale à l'élévation du pôle nn. Ceux qui ont le pôle encore plus élevé, comme d3, ont le ton de la corde oo, qui est égal à l'élévation du pôle d3. Il en est de même pour les autres.

Cette hypothèse de Pythagore, par laquelle il veut prouver que tout ce qui se fait dans le monde, est l'effet d'une harmonie générale, est assurément une des plus ingénieuses des anciens.

(08). - Uti organi, quam σαμβύκην Graeci dicunt. La sambyce était un instrument à cordes, usité en Chaldée, et dont on se servit à la dédicace et à l'adoration de la statue de Nabuchodonosor. Euphorion rapporte que les Parthes et les Troglodytes faisaient usage de sambyces à quatre cordes. C'est aussi lui qui nous assure, d'après Suidas, que les sambyces étaient des instruments de musique triangulaires. Musonius nous apprend encore que la sambyce, espèce de cythare triangulaire, fut inventée par Ibycus, et que, suivant Semus de Délos, la Sibylle fut la première à se servir de cet instrument appelé sambyce, du nom de son inventeur. Dans la fig. 88, j'ai substitué des tuyaux aux cordes pour éviter toute confusion dans les lignes. Une machine de guerre dont il est parlé au dernier chapitre du Xe livre, portait le nom de sambyce.

(09)  - Calices duo. L'expérience des godets de terre, dit Perrault, a plus de rapport avec ce dont il s'agit que la sambyce : car il est vrai que les choses sèches rendent un son plus haut, plus aigu que celles qui sont humectées, parce que la vitesse du frémissement des corps durs et secs, quand ils sont frappés, étant cause qu'ils happent aussi l'air avec plus de vitesse, rend le son plus aigu et au contraire, la lenteur du mouvement des corps que l'humidité à relâchés, frappant l'air par des secousses moins entrecoupées, rend un son plus bas.

(10) - Exprimant tactu. Philander, dans une de ses notes, trouve digne de remarque ce que rapporte Janus-Parrhasius, d'après Capella et Ausone, qu'il y a dans les arbres différentes proportions musicales. En effet, dit-il, plus un arbre est élevé, plus sont aigus les sons que leur fait rendre le vent qui les agite; moins ils sont hauts, plus les sons sont graves. Voyez le passage d'Ausone, lett. XXV, v. 9.

Le phénomène dont parle ici Philander s'explique par la différence de grosseur que présente un arbre, d'une de ses extrémités à l'autre. Mais il n'en est pas d'un arbre comme d'une corde, dont les sons seront d'autant plus aigus qu'elle sera plus mince; ce ne sont point les branches, ce n'est point le tronc qui fait entendre des sons. L'air, en se précipitant sur eux, éprouve les mêmes agitations sonores que lui fait éprouver une baguette qu'on fait mouvoir régulièrement dans l'espace.

(11) - Hoc autem ita esse, a serpentibus licet aspicere. Galien, à la fin du second livre De affectis locis, dit que la chaleur accélère le mouvement dans l'animal; que le froid, au contraire, le paralyse, l'amortit; que c'est pour cette raison que les animaux d'une nature plus froide ont coutume de se cacher pendant l'hiver ; que, pendant cette saison, la vipère engourdie ne mord point ; que dans l'été, au contraire, et surtout pendant la canicule, elle est pleine d'activité et de fureur. Voyez OVIDE, Métamorph., liv. II, v. 173.

(12) - Jovis stella. Vitruve suit le système, qui porta par la suite le nom de Ptolémée, qui place la terre au centre de l'univers, et fait tourner autour d'elle toutes les planètes, en les supposant s'éloigner de ce centre dans l'ordre suivant : la Lune, placée le plus près d'elle, ensuite Mercure, Vénus, le Soleil, Mars, Jupiter et Saturne placé le plus loin. Comme Mars est très près du Soleil, on jugeait qu'il devait avoir très-chaud.
Il n'en est pas de même du système des pythagoriciens et de Cléante de Samos, renouvelé par Copernic. Ils placent Mars beaucoup plus loin du Soleil que la terre, tellement que par rapport à la terre, Mars serait dans la classe des planètes les plus froides.

(13) - Non enim veros videtur habere visus effectus, sed fallitur saepius judicio ab eo mens. Il y a, dit Perrault, deux choses dans la vue : l'impression, c'est-à-dire la réception de l'image de l'objet dans l'organe, et la réflexion que fait naître cette image, ce qui peut s'appeler le jugement. Or, ce jugement est de deux espèces : par l'une on juge de la bonté, de la beauté, de l'utilité et des autres qualités qui se connaissent quand on les a examinées à loisir; par l'autre on juge de la grandeur, de la figure, de la couleur, de la distance des objets à l'instant même où on les aperçoit; c'est ce qu'on appelle le jugement de la vue. Mais pour entendre ce que veut dire Vitruve, il faut considérer que ce jugement de la vue n'est point infaillible, et qu'il peut être surpris; en sorte qu'il est quelquefois nécessaire qu'il soit aidé par l'autre jugement, c'est-à-dire qu'il ait recours à la réflexion qu'il faut employer pour bien juger des images, comparant toutes les choses qui leur appartiennent les unes aux autres, et faisant servir ce qu'on a de connu et d'assuré pour juger de ce qui ne l'est pas, se servant, par exemple, de la grandeur connue pour faire juger de la distance, ou de la distance dont on est assuré pour juger de la grandeur.

(14) - Quum vero sub aqua sunt demissi, per naturae perlucidam raritatem remittunt enatantes ab suis corporibus fluentes imagines ad summam aquae planitiem. Vitruve suppose que le passage des espèces visuelles se fait par les pores, qui sont au milieu diaphane, et que ce sont ces pores qui le rendent diaphane. Mais, dit Perrault, il est assez difficile de concevoir que cela se fasse ainsi, parce qu'il est impossible qu'il y ait assez de conduits dans un corps pour donner passage à toutes les espèces qui le traversent de tous côtés, et que ces conduits soient parallèles et obliques en cent mille façons, comme cela est nécessaire, parce qu'un corps diaphane l'est toujours également partout. De plus, on remarque que les corps transparents cessent de l'être lorsqu'ils sont raréfiés, c'est-à-dire lorsque leurs pores sont élargis, et qu'ils le deviennent derechef par la condensation, ce qui se voit dans la neige et dans le brouillard, qui sont de l'eau que la raréfaction rend opaque et impénétrable à la vue.
La raison qui fait que la raréfaction d'un corps transparent le rend opaque, est que la vue n'étant autre chose que l'impression que l'oeil reçoit de l'objet, par le moyen du milieu qui la lui transmet telle qu'il l'a reçue, il est impossible qu'il la transmette telle qu'il l'a reçue, s'il n'est homogène ; et parce qu'il est composé de parties de nature différente, les impressions qui lui viennent de l'objet seront altérées en passant d'une partie à une autre, et, par conséquent, l'oeil les recevra d'une autre manière. Or, il est constant que la raréfaction du milieu le rend hétérogène, parce qu'elle ne se fait que par l'interposition d'un corps qui remplit les espaces de celui dont les parties ont changé de situation par la raréfaction. Ainsi, Vitruve se trompe, lorsqu'il dit qu'une rame à demi enfoncée dans l'eau parait rompue à cause du mouvement que doit faire la partie qui est dans l'eau pour renvoyer son image jusqu'à la superficie. Le pli qu'offrent ces rames vient de la raréfaction que souffrent les rayons visuels en passant obliquement d'un milieu plus dense, celui de l'eau, dans un autre qui l'est moins, celui de l'air. Voyez Lucrèce, de la Nat. des choses, liv. IV, v. 439.

(15) - Quum ergo quae sunt vera falsa videantur, et nonnulla aliter quam sunt oculis probentur, non puto oportere esse dubium quin ad locorum naturas aut necessitates, detractiones aut adiectiones fieri debeant. Cette maxime de Vitruve est approuvée, selon Perrault, de la plupart des architectes et des sculpteurs qui regardent la pratique judicieuse de ce changement de proportions connue une des choses les plus fines de leur art ; c'est par là qu'ils prétendent remédier aux mauvais effets que les aspects désavantageux peuvent produire dans les ouvrages, lorsqu'ils en corrompent ou du moins qu'ils empêchent d'en voir la véritable proportion, à cause du raccourcissement qui arrive aux choses qui sont vues obliquement. On donne, par exemple, moins de diminution aux grandes colonnes, qu'à celles qui sont petites, selon la règle établie au ch. 2 du liv. III ; on augmente la hauteur des architraves et des autres ornements à proportion que les colonnes sont plus grandes, ainsi qu'il a été dit au ch. 3 du liv. III; on incline toutes les faces verticales des membres qui sont posés en haut, comme architraves, frises, corniches, tympans, acrotères, ainsi qu'il a été dit au même lieu. On allonge aussi de même les statues placées dans des lieux élevés, et qui ne peuvent être vues que du pied de l'édifice sur lequel elles sont posées.
Mais il y a des architectes et des sculpteurs qui ne pensent pas qu'il faille avoir toujours égard à ces raisons; quelques-uns même estiment que ces précautions ne doivent être employées que rarement, parce que, selon leur opinion, l'oeil ne se trompe point aussi facilement que le prétend Vitruve, parce qu'une longue habitude et une expérience aussi souvent réitérée qu'elle l'est à un âge parfait, ont tant de fois corrigé les premières erreurs, qu'il n'y retombe que rarement. Et il est vrai que la certitude de ce jugement est une chose que tout le monde a, sans y penser, sans songer aux règles de la perspective, et sans examiner expressément les raisons et les différents effets de l'éloignement, qui dépendent de rétrécissement des angles que forment les lignes visuelles et de l'affaiblissement des teintes des objets ; ce sens commun manque rarement à observer ces circonstances, de sorte que pour rendre nécessaire la précaution que Vitruve veut que l'on apporte, par le changement des proportions, contre les erreurs que l'éloignement et l'obliquité des aspects pourraient causer, il faudrait supposer que tout ce qui appartient à la vue dépend de l'oeil ce qui n'est pas exact, parce qu'elle se sert toujours du jugement du sens commun qui la redresse, et il n'arrive guère que ce jugement lui manque ; autrement la perspective et la peinture tromperaient toujours.
Ces raisons qui, à la vérité, ne sont pas capables de détruire tout à fait celles que Vitruve a données, quand il a établi son précepte du changement des proportions, peuvent cependant lui apporter des restrictions. Et pourquoi n'en serait-il pas de l'architecture comme de la sculpture? L'oeil accoutumé à ses proportions, comme il l'est à celles du corps humain, se plairait-il à les voir changées? Mais quand même ce changement pourrait tromper le sens commun, quand même on en userait seulement pour faire paraître les choses élevées aussi grandes que celles qui sont en bas, cela ferait-il un bon effet? Ne faut-il pas, au contraire, que les parties qui sont au haut des édifices paraissent plus petites que celles qui sont au bas? Les anciens d'ailleurs n'ont pas pratiqué ce changement de proportions.

(16). - Cava aedium. Perrault et Galiani regrettent que, parmi les ruines des anciens édifices, il ne se trouve aucune cour de maison assez entière pour faciliter l'interprétation de ce chapitre. Nous sommes plus heureux aujourd'hui, puisqu'on en a découvert plusieurs, parfaitement conservées, dans les ruines de Pompéies. Toutes celles que de Bioul y a vues et examinées sont de l'espèce que Vitruve appelle corinthiennes, c'est-à-dire carrées ou rectangles, et entourées de colonnes qui portent le devant des corps de logis qui ferment leur enceinte. Ces corps de logis s'avancent assez fort, et couvrent un espace assez large entre le mur et les colonnes, ce qui forme des galeries par lesquelles on se rend, à couvert, dans les pièces qui sont rangées tout le long du mur : c'étaient le plus souvent les salles à manger.

(17) - In atrii latitudine. Le mot atrium qui, comme nous le verrons bientôt, a un autre sens, est mis ici pour exprimer en général le dedans des maisons, c'est-à-dire ce qu'on voit par la porte quand elle est ouverte, la cour et les vestibules. Virgile a pris ce terme dans la même acception quand il a écrit
Apparet domus intus, et altria longa patescunt.
(Énéide lib.II, v. 483.)
Et ensuite :
Porticibus longis fugit, et vacua atria lustrat.
(Énéide lib. II, v 528.)

(18) - Interpensiva et collicias. Barbara a cru que le mot interpensiva signifiait une pièce de bois dont une des extrémités était appuyée sur l'angle des murs, et l'autre sur l'angle que formaient les poutres en se croisant, et cela parce qu'il s'est imaginé que les mots interpensiva et colliciæ désignaient une même chose ; mais en examinant le texte avec un peu plus d'attention, on voit que ce sont deux choses bien différentes. Le premier signifiait les deux poutres bd, bd ( fig. 89) qui traversaient la longueur de la cour, et l'autre les conduits des noues en.

Perrault, qui suit l'interprétation de Philander, croit qu'interpensiva exprimait des potences ou plutôt des soutiens posés diagonalement, dont l'extrémité inférieure était enfoncée dans l'angle des murs, et dont l'extrémité supérieure portait les poutres dans l'endroit où elles se croisaient. Son explication forcée, et les changements qu'il fait encore ici au texte, font voir qu'il s'éloigne du vrai sens.

Malgré l'autorité de Barbaro et de Perrault, Galiani croit que par interpensiva on doit entendre, comme Baldi, les deux poutres bd,bd qui étaient posées sur les deux premières rr,rr, et formaient avec elles un carré long. Si l'on analyse le mot interpensiva, on verra qu'il signifie proprement une poutre qui pend dans le milieu entre deux autres. Ce que dit l'auteur un peu plus loin, en parlant des cours tétrastyles, prouve que telle est la vraie signification de ce mot. Des colonnes cc doivent être placées pour soutenir les poutres dans l'endroit où elles se croisent; ce qui, dit-il, produit deux avantages, l'un que les poutres qui traversent la largeur, auront moins de fatigue, et seront moins sujettes à plier, quand même la cour serait un peu large : neque ipsae trabes magnum impetum coguntur habere. Par trabes, comme nous l'avons vu tout à l'heure, il entend proprement les poutres qui traversent la longueur de la cour; et, quoi qu'en dise Perrault, par impetus Vitruve désigne la longueur de la poutre et la charge qui serait dessus. En effet, des poutres supportées par des colonnes ne fatiguent pas autant dans leur longueur, non coguntur habere magnum impetum. Ce qu'il dit ensuite des cours couvertes et voûtées, prouve encore mieux que c'est là le sens qu'il faut donner à ce mot. L'autre avantage, c'est que le poids de ces poutres n'est pas augmenté par celui des poutres qui traversent : neque ab interpensivis onerantur. Ces colonnes placées par dessous, immédiatement à l'endroit où elles se croisent, les empêchent de plier. Dans les cours corinthiennes, il faut nécessairement faire porter ces poutres tout autour par des colonnes, parce qu'étant beaucoup plus étendues que les cours toscanes, il serait impossible de trouver des poutres assez longues pour les faire d'une seule pièce; si même on en trouvait, on ne pourrait les employer, à cause qu'elles éprouveraient trop de fatigue et plieraient infailliblement. 

(19) - In medium compluvium. Au milieu des cours, dit de Bioul, se trouve un enfoncement carré ou rectangle, suivant la forme de la cour, profond d'environ un pied; le fond en était très uni et pavé de carreaux de marbre, comme le reste de la cour. C'était là le réceptacle nommé compluvium, dans lequel toutes les eaux de pluie qui tombaient sur les toits venaient s'écouler. De Bioul se trompe ; c'était le milieu de l'atrium qui restait ouvert, qu'on nommait compluvium, et l'espèce de bassin qui était au-dessous pour recevoir les eaux versées par la pente des toits, s'appelait impluvium : la pente des toits en,en (fig. 89) s'avançant assez fort, les y versait elle-même. Cet impluvium est représenté par la lettre e dans la même figure. Au moyen de cet enfoncement, la partie élevée de la cour et les galeries étaient toujours à sec.
Il est presque impossible, dit de Bioul, de deviner ce que c'était que le compluvium (disons impluvium) des anciens, qu'on n'emploie plus aujourd'hui, sans avoir vu les maisons de Pompéies. Aussi est-il étonnant que Perrault, qui n'en avait pas vu, ait à peu près représenté la chose dans la figure qu'il donne de la cour corinthienne; voici comment : il place les galeries qui l'entourent sur des trottoirs assez élevés au-dessus du pavé de la cour; ce pavé de trois ou quatre pieds plus bas environ que celui des galeries, ressemble assez au compluvium (impluvium); il y a cette différence, que cet enfoncement, ainsi que toute la cour, sont bien plus spacieux qu'ils n'étaient l'un et l'autre chez les anciens. Le compluvium (impluvium) occupait chez eux, au milieu de la cour, un espace de 3 ou 4 mètres, tandis que celui de Perrault en occupe au moins 35, dans une cour très vaste. Il suppose qu'on y descend des galeries par cinq degrés, au lieu que, dans les cours de Pompéies, on y descend par un seul degré, puisqu'il n'a qu'un pied d'enfoncement.
Mais cet espace laissé par Perrault au milieu de la cour, n'est pas ce qu'il appelle compluvium (impluvium). Il est certain, dit-il, que le compluvium (impluvium) est un lieu qui reçoit et amasse les eaux de pluie, selon l'explication de Festus. Mais les interprètes de Vitruve ne s'accordent pas sur la signification que ce mot doit avoir ici. Barbaro entend que medium compluvium est un réservoir placé sur le plancher qui couvre le cava aedium; Cesariano croit que c'est un cloaque ou citerne qui est sous la cour. Mais ce medium compluvium, à voir la manière dont en parle Vitruve, peut être pris avec plus de vraisemblance pour un chéneau qui, étant à l'extrémité des toits, fait un carré composé de quatre canaux; de sorte que ce carré dans lequel toute l'eau de pluie qui tombe sur les toits est reçue, peut être appelé medium compluvium. De plus, Vitruve, parlant des toits de la cour découverte, dit que leurs compluvia étant élevés sur des murs, ne dérobent point le jour des fenêtres, comme aux autres cours qui ont des auvents, sur l'extrémité desquels les compluvia sont placés (Vitruve ne dit point qu'ils fussent élevés sur les murs; il se sert de l'expression erecta, qui signifie que le compluvium était tout droit, c'est-à-dire qu'il comprenait toute l'ouverture de la cour dont l'enceinte était formée par quatre murs sans auvents). La difficulté qui reste, c'est qu'il n'est point dit ici par où s'écoule l'eau des chéneaux. Il y a apparence que dans les encoignures, au droit de chaque colonne, il y avait une gouttière qui jetait l'eau dans la cour, suivant une règle de Vitruve, qui est de percer des têtes de lion le long de la corniche, au droit des colonnes; à moins qu'on ne veuille percer les colonnes par le milieu, du haut en bas, pour recevoir une descente de plomb qui conduise l'eau sous terre dans un égout.
Les cours des anciens n'étaient pas semblables à celles de nos palais, de nos grands hôtels. Suivant leur dénomination, c'était la partie cave, le creux ou le vide de la maison, qui servait à donner de l'air et du jour dans l'intérieur, et à recevoir les eaux de pluie qui tombaient des toits. Toutes celles que de Bioul a vues à Pompéies sont très petites; on s'en ferait une idée bien fausse, si on les comparait à celles de nos grands hôtels. Les quadriges des anciens, quoique bien plus petits que nos voitures, n'auraient pu y entrer. Les bâtiments qui les entourent sont très peu élevés; ils n'ont que le rez-de-chaussée. Dans les murs de la galerie sont les portes des appartements. On y voit aussi quelques ouvertures assez élevées qui servent de fenêtres ; elles ne ressemblent point aux nôtres. Il paraît que les Romains, dans l'intérieur de leurs maisons, préféraient l'obscurité à la lumière, sans doute pour éviter la chaleur. Ils ne prenaient jamais, non plus, le jour sur la rue; toutes leurs fenêtres étaient dans l'intérieur; ainsi les toits avancés garantissaient de la pluie les portes et les fenêtres, et empêchaient les rayons du soleil de pénétrer dans les appartements.

(20) - Displuviata autem sunt. Pour ne pas m'écarter du texte, et donner au mot displuviata toute son expression, je suppose, dit de Bioul, que cette cour est entièrement découverte, et que la pente des toits, au lieu de verser les eaux dans la cour, les verse de l'autre côté, c'est-à-dire en dehors. Le mot stillicidium signifie ici, comme toutes les fois que Vitruve l'emploie, la pente du toit qui est favorable à l'écoulement des eaux. Vitruve (liv. II, ch. I) appelle les toits des cabanes des premiers hommes stillicidia; et (liv. IV, ch. 7), en parlant de la forme que doit avoir le toit d'un temple toscan, il dit : stillicidium tertiario respondere debet. Pline appelle aussi stillicidia l'épaisseur du feuillage des arbres, quand elle est capable de mettre à couvert de la pluie, parce que l'eau s'écoule de l'extrémité des branches, comme de dessus la pente d'un toit. J'ai donc représenté cette cour entièrement découverte, sans aucun auvent; et la pente des toits n'est pas, comme dans les autres, dirigée vers la cour, mais en dehors, du côté opposé, comme l'indiquent les expressions stillicidia rejiciunt : par là rien n'empêche la lumière de pénétrer dans les salles à manger, non obstant luminibus tricliniorum.

(21) - Testudinata vero. Si l'on fait bien attention au texte, dit de Bioul, et si l'on n'oublie pas l'interprétation qui vient d'être donnée du mot impetus, on verra clairement que les cours voûtées, testudinatum, étaient entièrement couvertes, et non entourées de portiques voûtés, comme l'a cru Perrault; parce que, d'après les expressions de l'auteur, on ne pouvait faire des cours couvertes qu'autant qu'elles étaient peu spacieuses, ubi non sunt impetus magni, et qu'on avait besoin d'agrandir par ce moyen la partie supérieure de l'habitation qui se trouvait augmentée de tout l'espace qu'il y avait au-dessus de la cour. Galiani fait observer, en outre, qu'il devait naturellement y avoir une espèce de cour entièrement couverte, et qu'il aurait été étonnant que Vitruve ne l'eût pas mise au nombre des cinq dont il parle dans ce chapitre : elle ne s'y trouverait pas, en effet, si la cour voûtée était telle que Perrault la représente. Et si elle était telle, ajoute Galiani, elle ne mériterait pas de faire une espèce séparée, puisqu'elle ne diffère pas assez de la cour corinthienne : car il n'y a entre elles d'autre différence, sinon que la couverture des portiques de l'une était portée par des voûtes, et celle de l'autre par des poutres.
L'atrium testudiné, dit Le Mazois dans son magnifique travail sur Pompéies (1ere partie, p. 23), était celui où le toit ne laissait point de compluvium, ou espace à découvert. In hoc locus si nullus relictus erat, sub divo qui esset, dicebatur testudo a testudinis similitudine (VARRO, de Ling. Lat., lib. v, c.161). « Si ce lieu ne reçoit le jour d'aucun cité, il prend le nom de testudo, à cause de sa ressemblance avec la carapace d'une tortue. » Ce passage prouve d'une manière irrécusable qu'il n'était pas nécessaire que le cavaedium fût voûté pour être testudiné, comme on l'a cru, et qu'il lui suffisait d'être sans compluvium pour être rangé dans cette classe.

(22). - Atriorum vero longitudines. C'est mal à propos qu'on a fait un nouveau chapitre des alinéa 3, 4, 5, 6, 7, parce que Vitruve y traite, comme dans les alinéa précédents, de la disposition des cours. Celui qui le premier a fait cette division, et qui a induit tous les autres en erreur, s'est imaginé que le mot atrium, employé dans ce chapitre pour désigner les cours des maisons, n'était pas synonyme de cavum ædium, dont il se sert précédemment pour exprimer le même objet, mais que atrium était le synonyme de vestibulum. D'après cela, dit de Bioul, des commentateurs ont fait de atrium une espèce de vestibule. Ils auraient vu combien ils étaient dans l'erreur, s'ils avaient fait attention à ce que dit l'auteur dans le ch. 10 de ce livre, où l'on voit clairement que l'atrium et le vestibulum sont deux choses différentes, comme nous le remarquerons alors; et s'ils avaient réfléchi, ils auraient vu que l'auteur, après avoir distingué, au commencement de ce chapitre, cinq espèces de cours, continue ici à en donner les proportions, et que ce sont ces proportions qu'on trouve décrites dans ces alinéa. Il est cependant aisé de voir que atrium et cavum ædium signifient la même chose. Au commencement du chapitre, on lit : cava ædium Tuscanica sunt in quibus trabes atrii latitudine trajectae, etc.; dans le ch. 8 de ce livre, en parlant de cette partie de la maison dans laquelle tout le monde pouvait entrer sans être invité, il dit alors vestibula, cava ædium, peristylia, etc.; et un peu après, en parlant des maisons de la noblesse, il dit qu'elles doivent avoir vestibula regalia, alta atria et peristylia. En un mot, partout dans son ouvrage on voit que les mots atrium et vestibulum signifient deux choses différentes, et, au contraire, que le mot atrium est synonyme de cavum ædium. Tel est aussi le sentiment de Barbaro, de Palladio, de Scamozzi, d'Ortiz, de Marquez. Il est encore confirmé par Festus, qui a écrit : « Atrium est genus ædificii ante aedem continens mediam arcam in quam collecta ex omni tecto pluvia descendit. Dictum autem, atrium vel quia id genus aedificii Atriae primum in Etruria sit institutum, vel quia e terra oriatur quasi aterreum. » Joconde ayant reconnu cette vérité, n'a fait, dans son édition, qu'un seul chapitre de ces deux parties.
Nous sommes néanmoins, sur la véritable signification de ces mots, dans une grande ignorance. « Nous suivons sans examen la tradition et l'usage, dit Aulu-Gelle (Nuits attiques, liv. XVI, ch. 5), et nous semblons exprimer notre idée sans l'énoncer en effet. Je citerai le mot vestibulum, qui se rencontre si fréquemment dans nos conversations, et qu'on emploie le plus souvent sans en avoir examiné le sens. Des hommes, qui ne sont pas dépourvus d'instruction, entendent par ce mot (je l'ai souvent remarqué) la première pièce de la maison, ce qu'on nomme vulgairement atrium. C. Élius Gallus, dans son ouvrage de la Signification des mots usités dans le droit civil, liv. II, a dit : Le vestibule n'est pas dans la maison, ne fait pas partie de la maison; c'est un espace vide devant la porte d'entrée entre la la rue et la maison; c'est la cour entre les deux ailes et le corps principal du logis.»
Cicéron, dans une lettre à Atticus, semble faire entendre que cela était ainsi, lorsqu'il dit que, passant par la rue Sacrée, il fut poursuivi par des assassins envoyés par P. Clodius, et que pour s'en défendre secessit in vestibulum M. Tertii Domionis, afin que les amis qui l'accompagnaient pussent empêcher cette troupe de gens armés de se jeter sur lui. Voyez VARRON, de la Langue lat., liv. v, ch. 162.
Bien que l'espèce de cour couverte qui se trouvait à l'entrée des maisons, dit Le Mazois, portât indistinctement le nom de cavædium et celui d'atrium, je croirais pourtant volontiers que cette dernière dénomination était prise quelquefois dans un sens collectif, et qu'elle signifiait alors non seulement le cavædium, mais toute la partie publique, c'est-à-dire l'entrée de la maison.
En effet, Pline le Jeune, décrivant sa maison de Laurentinum, dit (liv. II, lett. 17) : In prima parte atrium frugi. On trouve d'abord un atrium modeste. Puis il décrit le portique de cet atrium, et enfin la cour à laquelle il donne le nom de cavædium : « Est contra medias cavædium hilare. Au milieu est un cavaedium agréable. »
L'atrium était une espèce d'édifice ayant une cour au milieu (FESTUS, de la Signification des mots, liv. 1er, p. 24 de l'édit. Panckoucke), et fermant la partie antérieure de la maison (AULU-GELLE, Nuits att., liv. XVI, ch. 5). Ce lieu était ouvert à tout le monde (VARRON, de la Langue lat., liv. V, ch. 182). Il était confié à la garde d'un domestique appelé atrienris.
Indépendamment des pièces dont Vitruve entoure l'atrium, il s'y trouvait encore presque toujours un lieu consacré aux dieux Lares, appelé lararium. Il n'était quelquefois distingué que par l'image figurée ou symbolique de ces divinités, peinte sur la muraille; mais le plus souvent on y dressait un petit autel qu'on avait soin de couvrir d'offrandes, et sur lequel on faisait des sacrifices. L'usage de semblables autels n'existait point dans les premiers temps de Rome car il était défendu par les lois de Numa, d'adorer les dieux chez soi, ou ailleurs que dans leurs temples.
Dans le lieu le plus secret de la maison, on consacrait encore une petite chapelle où l'on adorait les divinités auxquelles on était le plus attaché, et où l'on renfermait aussi les objets les plus précieux et les papiers importants; c'est ce qu'on appelait le sacrarium.

(23) - Reliquum lacunariorum. Quelle mesure représente ce reliquum? C'est ce que n'ont expliqué ni Vitruve, ni ses commentateurs. Voici comment le comprend Galiani : Au huitième alinéa de ce chapitre, Vitruve enseigne que la hauteur des salles à manger doit être déterminée par la moitié de la somme de la longueur et de la largeur. Il est probable que c'est là la proportion qui convient aux cours (atriis, cavædiis) qui étaient ou couvertes ou découvertes. Or, le précepte veut que la hauteur des cours couvertes soit prise de la mesure de leur longueur, moins une quatrième partie. Ainsi, soit la longueur de la cour 25 pieds, la largeur 15 ; la moitié des deux sommes sera 20. La hauteur de la cour, déduite de sa longueur dont on ôte une quatrième partie, sera 25, moins 6 1/4 c'est-à-dire 18 3/4. La différence entre ce premier nombre 18 3/4, et le second 20, est 1 1/4; c'est là le reliquum qu'il faut donner à la profondeur des plafonds, au-dessus des poutres. Cette explication n'est point approuvée par Newton, qui croit que le reliquum n'est autre chose que la quatrième partie qui est ôtée sur la longueur.

(24) - Ex tertia parte. La raison nous dit que cette troisième partie de la longueur qui est attribuée à la largeur des galeries, ne doit s'entendre que pour les deux prises ensemble, de manière que chacune n'a que la sixième partie de la longueur de la cour.
« La signification du mot alae, dans le ch. 4 (selon quelques éditions) du liv. VI de Vitruve, dit Le Mazois (2e partie, p. 24), n'a jamais été bien comprise; l'interprétation la plus suivie est de prendre ce mot comme exprimant l'intérieur du portique du cavædium : mais outre que les maisons découvertes à Pompéies font connaître ce qu'étaient les ailes, c'est-à-dire des pièces semblables au tablinum, mais plus petites, placées à droite et à gauche de l'atrium, et aussi ornées de portraits, les observations suivantes achèveront de prouver que la première interprétation est vicieuse.
1°. Vitruve parle des ailes des atrium d'une manière générale, sans spécifier à quelle espèce de ceux-ci elles appartiennent. Or, l'atrium toscan, et souvent le testudiné et le displuviatum, n'ont point de colonnes et, par conséquent, point de portiques; cependant ils ont des ailes. Le mot ailes ne peut donc signifier l'intérieur du portique.
2°. Vitruve dit : alis dextra et sinistra latitudo, etc. Si l'atrium était tétrastyle ou corinthien, et que véritablement le mot ailes signifiât l'inférieur du portique, pourquoi dire à droite et à gauche, lorsque le portique tournant autour de l'impluvium se trouvait avoir quatre côtés? Ne suffisait-il pas de dire alis latitudo, sans ajouter dextra et sinistra? Le mot alis doit donc se rapporter à une chose qui n'existait que de deux côtés, et non sur quatre, comme la largeur du portique.
3°. Vitruve établit la largeur des ailes en rapport avec la grandeur de l'atrium (et cela doit être ; car la grandeur du tablinum étant fixée sur cette donnée, les ailes qui lui sont semblables et qui sont destinées au même usage, doivent avoir la même symétrie); mais après avoir fixé cette largeur, s'il a entendu parler de l'intérieur du portique, pourquoi donner encore celle de l'impluvium? N'est-il pas clair que la largeur du portique étant défalquée de celle de l'atrium, l'excédant doit rester pour l'impluvium? Il a donc voulu parler d'une dimension qui ne se combine point avec celle de l'impluvium; et, par conséquent, il est ici question de toute autre chose que de la largeur des portiques.
4°. Enfin, si les ailes doivent signifier l'intérieur du portique, pourquoi cette même largeur de l'impluvium qui doit être le tiers ou le quart de l'atrium, se trouve-t-elle dans un rapport incompatible (hors un seul cas) avec les diverses proportions données aux ailes par Vitruve quelques lignes auparavant?
Il est donc clair que Vitruve n'a jamais voulu exprimer par le mot alae la largeur d'un portique.»
Malgré tout mon respect pour le talent et l'expérience de M. Le Mazois, je ne puis adopter ici sa décision, et croire que les ailes dont parle Vitruve soient ces deux pièces placées sur la même ligne, l'une à droite, l'autre à gauche de l'atrium, que l'on remarque dans quelques-uns des plans qui il a donnés de plusieurs maisons de Pompéies. Entrons dans certaines cathédrales par la porte du milieu; devant nous se présente la nef, la grande nef, c'est-à-dire la division principale, centrale, l'espace qui se trouve entre le portail et l'entrée du choeur, qui est compris entre les divisions latérales, c'est-à-dire les nefs secondaires, vulgairement appelées bas-côtés, au delà desquelles on aperçoit, à droite et à gauche, des chapelles placées à la suite les unes des autres. Avançons jusqu'au milieu du transept, c'est-à-dire jusqu'à cette nef transversale qui donne aux églises la forme d'une croix ; appellera-t-on, a-t-on jamais appelé ailes les bras de cette croix ? Non, assurément. Ce qu'on nomme ailes, ce sont les nefs secondaires, les bas-côtés. Eh bien, changeons les noms de toutes ces divisions dont la disposition est celle de la partie des maisons romaines qui nous occupe le choeur sera le tablinum ; la grande nef, le cavædium; les bas-côtés ou ailes seront les galeries ou ailes; les chapelles latérales seront les diverses pièces qui sont rangées le long des galeries; les transepts qui ne sont le plus souvent que deux chapelles plus grandes que les autres, sans grilles qui les séparent des galeries ou ailes, seront ces deux pièces qu'aucun mur ne sépare des galeries ou ailes, qui sont un peu plus grandes que celles qui les précèdent, auxquelles M. Le Mazois donne le nom d'ailes; ce qui ne peut être admis, du moins j'ose le penser; et je ne sache pas qu'un seul des commentateurs que j'ai eus entre les mains, ait pensé autrement. Maintenant, que Vitruve parle de ces ailes d'une manière générale, sans spécifier l'espèce des cavædium à laquelle elles appartiennent, qu'importe, si les principaux cavædium, c'est-à-dire les corinthiens, les tétrastyles et quelquefois les testudinés, avaient des colonnes. Et encore l'atrium toscan, dont la disposition était celle du tétrastyle, moins les quatre colonnes, avait lui-même ses galeries, ses ailes. M. Le Mazois veut que les ailes qui étaient à droite et à gauche, soient autre chose que les galeries, parce que ces galeries tournant autour de l'impluvium, avaient quatre côtés? Mais les cavædium dont parle Vitruve avaient tous plus de longueur que de largeur, et alors les ailes étaient les deux côtés les plus longs du rectangle; et même dans un cavædium carré, les mots dextra et sinistra devaient s'appliquer tout simplement à la droite et à la gauche des personnes qui y entraient . Et puis, quoi de plus naturel, de plus juste que de déterminer la largeur des ailes sur la grandeur de l'atrium avec lequel elles doivent être en harmonie? C'est ce que fait Vitruve, c'est ce qu'il fait en dernier lieu, avant de passer aux proportions des pièces intérieures, aux proportions du tablinum par lequel il commence, comme étant la pièce qui a le plus d'importance.

(25) - Trabes earum liminares. Le mot limen signifie généralement ce qui est posé en travers, et plus particulièrement ce qui traverse ou le haut ou le bas des portes, superum, inferum limes, le seuil, le linteau; et il paraît, dit Perrault, que les Latins ne faisaient pas cette distinction comme nous. À la fin du ch. 9 de ce livre, Vitruve parle du jour qui était empêché par le limen des fenêtres, c'est-à-dire par leur linteau. Il faut donc entendre par tabes liminares alarum, les architraves soutenues par les colonnes qui étaient aux côtés des cours, et qui en formaient les galeries.

(26). - Tablino. C'était probablement ce que nous nommons les archives, où l'on conservait les registres de recette et de dépense, comme dans la pinacotheca on conservait les tableaux. Ce serait une erreur, de confondre, comme l'a fait Philander, le tablinum avec la pinacotheca, dont Vitruve donne séparément la description.

(27) - Lacunaria ejus. Si par lacunaria on n'entend pas ici le plafond d'une voûte cintrée que l'auteur désigne (p. 32) par ces expressions, curva lacunaria ad circinum delumbata, il faut absolument supposer avec Perrault qu'il y a une faute de copiste, et lire VI au lieu de III ; on aura facilement fait cette faute eu écrivant le six de cette manière \/I. Si nous supposons que l'auteur ne veuille qu'un enfoncement ordinaire dans le plafond, il est évident, dit de Bioul, qu'en le faisant du tiers de la largeur de la galerie, il serait plus d'une fois plus grand qu'il ne doit être.

(28) - Imagines item alte cum suis ornamentis. Les nobiles jouissaient du droit de faire dessiner leurs images, jus imaginum; leurs descendants les conservaient avec un soin extrême, et les faisaient porter devant eux aux funérailles. Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. XXXV, ch. 2. « N'omettons point ici une idée moderne, continue Pline ; on dédie aujourd'hui dans les bibliothèques, en or, en argent, ou du moins en bronze, non seulement les bustes des hommes dont la voix immortelle retentit en ces lieux, mais encore des bustes imaginaires. Les regrets des curieux ont prêté des traits à des têtes inconnues, par exemple à celle d'Homère.... Cet usage fut, je crois, établi à Rome par Asinius Pollion, qui le premier, en ouvrant une bibliothèque, fit des beaux génies une propriété publique. »
Ces images, au rapport de Polybe (liv. VI, ch. 51), étaient pour l'ordinaire de cire et de bois, quoiqu'il y en eût quelquefois de marbre ou d'airain. On les exposait dans l'atrium de la maison, enfermées dans des boîtes de bois; on ne les sortait que dans les circonstances solennelles. Voyez JUVENAL, sat. VIII.
Appius Claudius fut le premier qui les introduisit dans les temples, l'an de Rome 259.
Le droit d'images généalogiques fut d'abord particulier aux patriciens; mais les plébéiens l'obtinrent dans la suite, lors de leur admission aux dignités curules.
Vitruve veut que la hauteur des images soit proportionnée à la largeur des galeries, et la largeur de ces mêmes images à la hauteur des galeries.
Les ornements des images, selon Perrault, doivent s'entendre des piédestaux qui les soutiennent, de même que l'architrave, la frise et la corniche qui sont posées sur les colonnes, sont appelées les ornements de la colonne. L'expression n'est pas très juste : car il semble qu'il n'est pas raisonnable de donner le nom d'ornements à des choses aussi nécessaires et aussi essentielles que des architraves, des corniches et des piédestaux, les colonnes et les statues étant ordinairement des parties qu'on peut plutôt prendre pour des ornements que pour des choses dont les édifices ne peuvent se passer.

(29) - Peristylia. Outre la cour dont on vient de parler, il y en avait encore aux maisons de la ville de beaucoup plus grandes, appelées péristyles, c'est-à-dire entourées de colonnes. Les logements des maîtres se trouvaient tout autour. Ces péristyles ressemblaient parfaitement aux cloîtres des abbayes et des couvents des religieux : usage qu'ils avaient pris de la manière de bâtir des Romains.

(30) - Tricliniorum quanta latitudo fuerit. Le triclinium, ou lieu où mangeaient les Romains, portait ce nom à cause des trois lits qui y étaient ordinairement dressés autour de la table. On appelait aussi triclinium les lits sur lesquels mangeaient les Romains, parce que chaque lit était pour trois personnes, et rarement pour quatre. Cicéron, dans son plaidoyer contre L. C. Pison, lui reproche d'entasser les Grecs autour de ses tables, cinq sur un lit, souvent davantage :
Græci stipati quini in lectulis, sæpe plures.
Saepe tribus lectis videas coenare quaternos.

(HORACE, Serm. lib. III, sat. 4, 86.)
On mettait sur les lits des coussins plus ou moins précieux, suivant la richesse du maître de la maison.
Jam pater Æneas, et jam Trojana juventus
Conveniunt, stratoque super discumbitur ostro,

(VIRGILE, Enéide, lib. 1, v. 699.)
Nec non et Tyrii per limina læta frequentes
Convenere, toris jussi discumbere pictis.

(Ibid., v. 707.)
Chacun soutenait la partie supérieure de son corps sur le bras gauche; la tête était un peu élevée; on appuyait le dos sur des coussins; les membres étaient étendus de toute leur longueur, ou légèrement fléchis. Les pieds du premier convive allaient à la hauteur du dos du second, qui avait les siens dans la même position à l'égard du troisième, avec un oreiller entre deux. La tête du second convive se trouvait ainsi au niveau de la poitrine du premier ; aussi pour lui parler, et surtout s'il s'agissait d'un secret, il fallait qu'il se penchât sur son sein. Coenabat Nerva cum paucis, dit Pline le Jeune (liv. IV, lett. 22), Veiento proxirnus, atque etiam in sinu recumbebat. Dans la conversation, ceux qui portaient la parole se redressaient sur les coussins du lit, au lieu qu'en mangeant ils se tenaient toujours appuyés sur le coude,
Et subito remanete presso.
(HORACE, Carm. lib. I, od. 27, v. 8.)
On faisait usage de la main droite, et quelquefois des deux mains pour se servir. Nous ne voyons pas que les Romains employassent ni couteau, ni fourchette; de là le rnanibus unctis d'Horace (liv. 1, épît. 16, v. 23).
Bien que Vitruve se serve ici du mot triclinium pour désigner la salle à manger, on voit, d'après ce qui précède, que ce mot signifiait proprement la table, avec les trois lits sur lesquels les convives étaient assis, ou plutôt couchés. Vitruve lui a donné ce sens au ch. 7 de ce livre, où parlant des grandes salles à manger des Grecs, il les appelle, non plus triclinia, mais oeci, c'est-à-dire des maisons, et cela à cause de leur grandeur, qui était telle, qu'elles pouvaient contenir quatre triclines (quatuor triclinia) ; mais ici, dans ce ch. 3, on ne peut douter que Vitruve n'ait entendu par triclinium la salle même où l'on dressait une table à trois lits.
Les domestiques affectés au service particulier des salles à manger s'appelaient tricliniarchae.
Dans les premiers temps, dit Le Mazois, on s'asseyait à table (VIRGILE, Énéide, liv. VII, v. 176). L'usage de manger couché s'introduisit de Carthage à Rome, à la suite des guerres puniques (ISIDORE, Origines, liv. XX, ch. 11) ; mais ces lits étaient d'une forme grossière (ibid.), revêtus de matelas rembourrés de jonc ou de paille (PLINE, Hist. Nat., liv. VIII, ch. 73). Les matelas de bourre, de laine, furent plus tard apportés des Gaules (ibid.), et ils furent bientôt suivis de coussins remplis de plumes. D'abord ces lits tricliniaires, petits et bas (ISIDORE, Origines, liv. XX, ch.11), furent de bois les formes en étaient rondes et solides ; puis, sous Auguste, elles commencèrent à devenir carrées et ornées (PLINE, Hist. Nat., liv. XXXIII, ch. 52). Avant Sylla, on ne comptait pas à Rome plus de deux lits de table garnis en argent (ibid.), quoique Carvilius Pollion, chevalier romain, inventeur de ce genre de magnificence, eût aussi fait des lits puniques, plaqués en or pur (PLINE, Hist. Nat., liv. XXXIII, ch. 51). Sous Tibère, on commença à revêtir les lits de bois précieux, et enfin d'écaille (PLINE, Hist. Nat., liv. XXXIII ch. 52). Lorsque la première simplicité eut disparu, on couvrit les lits de table de couvertures tricliniaires brodées en couleurs; c'était à Babylone que se faisaient les plus belles. A la fin de la république, des couvertures semblables avaient été vendues 800.000 sesterces (1.600 fr.), et les mêmes achetées par Néron 4.000.000 (8.000 fr.). Les places n'étaient point indifférentes; chacune avait son rang et sa dignité. Voici, selon Ciacconius, De Triclinio Romano, p. 23, dans quel ordre les convives étaient placés :


1. Le maître de la maison.
2. Sa femme : les femmes ne se couchaient point sur le lit; elles s'y asseyaient (VALÈRE MAXIME, liv. II, ch. 1, n° 2).
3. Un convive.
4. Place consulaire, place d'honneur.
5. 6. 7. 8. 9. Convives ou ombres, c'est-à-dire personnes amenées par un convive, sans avoir été invitées.

(31) - Altitudines omnium conclaviorum. Cette règle générale ne peut, selon Perrault, être appliquée aux grandes pièces : car une salle de 12 toises sur 6, ce qui donne une somme de 18 toises, en aurait 9 de haut, et la galerie des Tuileries, qui a 243 toises de longueur sur 5 de largeur, en devrait avoir 124 de hauteur. La règle établie plus bas pour la hauteur des pièces qui ont une grande longueur est plus sûre ; c'est de prendre pour la hauteur la largeur et demie.

(32) - Sin autem exedrae. Les exèdres étaient, comme le dit Cicéron, cellae ad colloquendum, des salles garnies de sièges où l'on conversait. On a vu dans le ch. 11 du liv. V, que les exèdres étaient dans les palestres les lieux où les philosophes, les rhéteurs, les sophistes avaient coutume de tenir leurs conférences, et de disputer entre eux. C'étaient, selon Perrault, des espèces de petites académies, bien que Budée prétende que ce que les anciens appelaient exèdres, répondait plutôt à ce que nous appelons chapitres dans les cloîtres ou dans les églises collégiales.

(33) - Aut oeci quadrati fuerint. Chez les Grecs il y avait des oeci ou salles réservées aux festins que donnaient les hommes (VITRUVE, liv. VI, ch. 7). Un célèbre ouvrier nommé Sosus exécuta à Pergame l'asaratos oecos (salle non balayée), ainsi nommée de ce que les petite compartiments, de nuances diverses, représentaient les débris qu'on jette dans un repas, et qu'ensuite il s'agit de balayer (PLINE, Hist. Nat., liv. XXXVI, ch. 6o). Dans ce même ch. 7, Vitruve nous dit que les dames se tenaient. dans les ceci avec les femmes qui filaient les laines. C'étaient les pièces qu'en français on appelle salles.

(34) - Oeci Corinthii, tetrastylique, quique Ægyptii vocantur. Perrault croit que Vitruve distingue trois sortes de salles, les corinthiennes, les tétrastyles, les égyptiennes. Newton partage cette opinion. Il en est autrement de Barbaro et de Galiani, qui pensent qu'il n'est ici question que de deux espèces de salles :Barbaro, que la salle corinthienne et la salle tétrastyle n'en font qu'une seule; Galiani, que la salle tétrastyle et la salle égyptienne sont la même. Mais après avoir mûrement réfléchi sur les paroles du texte, Newton trouve que les salles tétrastyles avaient quatre colonnes qui servaient, non seulement à proportionner la largeur avec la hauteur, mais aussi à affermir l'étage de dessus; que les corinthiennes et les égyptiennes avaient un plus grand nombre de colonnes, mais avec cette différence, que les salles corinthiennes avaient toujours près du mur leurs colonnes qui étaient ou simplement posées sur le pavé, ou assises sur des piédestaux, tandis que les salles égyptiennes, assez semblables aux basiliques, avaient dans leur pourtour un portique formé de colonnes éloignées du mur, sur lesquelles il y avait un entablement avec plate-forme et balustrade entre ce mur et ces colonnes au-dessus desquelles s'élevait un second ordre de colonnes d'un quart plus petites que les premières. Ces salles égyptiennes devaient être magnifiques et d'une proportion admirable, tant à cause de l'ornement des colonnes qu'à cause de leur hauteur. Leur disposition procurait trois grands avantages : le premier, c'est qu'elles pouvaient être dégagées des quatre côtés qui répondaient à quatre appartements; le second, qu'on y respirait un air très frais en été; le troisième, que le jour qui venait d'en haut n'éblouissait pas autant, et laissait, tout à l'entour, l'espace vide pour y placer des tableaux et autres ornements dont on voulait les décorer, espace qui d'ordinaire est occupé en grande partie par les fenêtres.

(35) - Supraque habent epistylia et coronas. Vitruve ne parle point ici de la frise que les anciens omettaient souvent au dedans des édifices, comme étant un obstacle à l'introduction de la lumière. Cette suppression de la frise donnait cette espèce de corniche qu'on appelle architravée, dont l'usage est fréquent.

(36) - Delumbata. Ce mot pourrait être traduit littéralement par éreinté, parce que les sortes de voûtes qu'il désigne sont plus faibles que les autres. Si le mot éreinté était en usage, dit Perrault, il serait d'autant plus significatif qu'on est déjà accoutumé à la métaphore des reins, en fait de voûtes, dont les parties qui s'élèvent et qui posent sur les impostes, sont vulgairement appelées les reins.

(37) - Supra columnas epistylia. Cette suppression de la frise et de la corniche, à l'intérieur, a déjà été indiquée, au ch. du liv. V, dans la description de la basilique de Fanum. Bien que les édifices anciens qui subsistent encore ne nous présentent que fort peu d'exemples de cette manière, on peut dire néanmoins qu'elle était appuyée sur la raison qui veut que les ornements d'architecture soient fondés sur quelque usage. Or, l'usage des corniches étant de défendre les murs et les colonnes des injures du temps, elles sont inutiles dans des lieux couverts; elles seraient même nuisibles dans une pièce telle que le salon égyptien, décrit dans ce chapitre, où elles ne feraient qu'intercepter le jour d'en haut, le seul que cette pièce puisse avoir. Je suis donc persuadé avec Perrault et Galiani, dit de Bioul, que le mot epistylium ne signifie ici autre chose que l'architrave, bien qu'il exprime parfois tout l'entablement. Perrault, à cette occasion, rapporte l'exemple d'un ancien édifice qui existait encore de son temps auprès de Bordeaux, nommé les Tutèles, dont il donne la figure. Elle représente une colonnade d'ordre corinthien au-dessous de laquelle règne un attique ; entre l'attique et les chapiteaux des colonnes, il n'y a que l'architrave.

(38) - Oeci, quos Graeci Κυζινηκοὺς appellant. La ville milésienne de Cyzique était dans une île du même nom, dans la mer de Propontide. Elle était très renommée pour la magnificence des bâtiments qui étaient tous de marbre, jusqu'aux murailles de la ville, dit L. Florus. Il y a apparence que le nom donné aux grandes et magnifiques salles dont parle Vitruve, a été pris de là.

(39) - Cum circuitionibus. J. Martin, ayant cru que, par triclinia, il fallait entendre des salles à manger qui faisaient une partie de l'édifice appelé oecos, a traduit circuitiones par leurs promenoirs environ. Mais la manière dont Vitruve s'en explique au ch. 7, fait voir qu'en cet endroit le mot triclinia désigne les tables à trois de ces lits sur lesquels on se couchait pour manger. D'ailleurs, l'explication donnée à ce passage est prise de ce même chapitre 7, où Vitruve, parlant encore de ces salles à manger, en fait concevoir la grandeur par le nombre des tables à trois lits qu'elles pouvaient contenir, outre la place qu'il fallait pour le service qu'il appelle ministrantium locus.

(40) - Lumina fenestrarum valvata. Des interprètes ont traduit ces mots par fenêtres doubles. C'est une erreur, selon Perrault. Y aurait-il du sens, en effet, à dire que les fenêtres des lieux où l'on mange doivent être doubles, afin que ceux qui sont à table, c'est-à-dire éloignés des fenêtres, puissent voir dans les jardins. Et supposé qu'on entende par des fenêtres doubles, des fenêtres larges, elles ne sauraient faire autre chose que de découvrir, à ceux qui en sont éloignés, une plus grande partie du ciel; au lieu que, lorsqu'elles sont ouvertes jusqu'au bas, on découvre,non seulement la campagne qui est éloignée, mais même les lieux plus proches, les jardins, par exemple. Pline le Jeune, dans la description qu'il fait de sa maison des champs, parlant d'une chambre qui avait vue sur la mer de trois côtés, dit : Undique valvas aut fenestras non minores valvis habet. Et il semble que par valvas aut fenestras, il veut faire entendre qu'on ne saurait dire si ce sont des portes ou des fenêtres; aussi les appelle-t-on communément en français des portes-fenêtres.

(41) - De lectis. La plupart des exemplaires portent de tectis, ce qui ne parait pas avoir de sens. Tous les commentateurs ont adopté la correction de Philander, de lectis.

(42) - Altitudines eorum. Les proportions des salles cyzicènes ne sont point indiquées dans ce chapitre. Cependant, d'après la hauteur qui leur est assignée, laquelle doit égaler une fois et demie leur largeur, on pourrait, selon l'opinion de Galiani, supposer qu'elles étaient carrées, puisque nous avons vu auparavant qu'on prescrivait cette hauteur pour les salles carrées. Si pourtant elles avaient été telles, il eût été inutile de répéter quelle devait être leur hauteur. Il est donc plus probable qu'elles étaient deux fois aussi longues que larges, parce que cette forme est plus convenable pour placer, comme l'auteur le prescrit, deux triclines en face l'un de l'autre. De Bioul est d'autant plus persuadé que ces salles devaient avoir ces dimensions, que ce sont celles que Vitruve, au commencement du chap. 5 de ce livre, assigne aux salles destinées aux triclines.

(43) - Uti occidentem hibernum spectent. Perrault fait remarquer que Vitruve semble vouloir dire que les salles à manger ne servaient que le soir; et cela confirme l'opinion que l'on a que les anciens ne mangeaient guère que le soir, et que s'ils dînaient, ce n'était que fort légèrement. Hippocrate parle de manger deux fois le jour, comme d'une chose qui n'était pas ordinaire. Celse dit que ceux qui dînent doivent se contenter de peu de chose, sans manger de chair, et même sans boire, si c'est en hiver; c'est peut-être la raison pour laquelle Isidore ( liv. XX, ch. 2) ne compte le dîner pour rien.
Le principal repas chez les Romains était ce qu'on appelait coena. Ils le prenaient à la neuvième heure ou trois heures après midi, en été. Voyez CICÉRON, Let. fam., liv. IX, ch. 26; MARTIAL, liv. IV, épigr. 8, v. 6; et à la dixième heure en hiver. Voyez Auct. ad Herenn., lib. IV, c. 51 ; PLINE LE JEUNE, lett. 3, liv. I. Vers le milieu du jour les Romains prenaient un autre repas, prandium, le dîner, appelé anciennement coena (κοινή) c'est-à-dire cibus communis a pluribus sumptus (PLUTARQUE, Sympos., liv. VIII, ch. 6), parce que c'était le repas qu'on faisait autrefois en commun, ou en famille, ou avec des amis ; et alors ils prenaient quelque nourriture le soir. Mais lorsque les Romains enrichis donnèrent plus de temps à leur repas principal ou commun, ils le différèrent jusqu'à la fin du jour pour ne pas interrompre leurs affaires, et ils firent à midi un léger déjeuner qu'on appela prandium. Voyez les Antiquités rom. de A. Adam.

(44) - Plumariorum textrinae. On ne sait pas bien précisément ce qu'était parmi les anciens le plumarium opus. Quelques-uns croient que c'était un ouvrage fait avec des plumes d'oiseaux; mais il y a plus d'apparence, dit Perrault, que c'était de la broderie, qui diffère de la tapisserie en ce que la broderie n'est pas une étoffe continue et tissée, mais une étoffe composée de pièces rapportées, ou de fils couchés sur une étoffe ou sur une toile, de la même manière que les plumes des oiseaux sont sur leur peau.

(45). - Vestibula. Nous avons peu de notions sur la forme extérieure et sur la distribution intérieure des maisons romaines; il ne nous en reste aucune espèce de modèle, et les ruines de Pompéies ne suffisent pas pour faire connaître, dans tous leurs détails, les édifices habités par les Romains opulents. Bien que les grammairiens ne soient pas sûrs de la signification du mot vestibulium, on peut dire que c'était une vaste place devant la porte qui servait d'accès à l'atrium. Il ne formait pas, à proprement parler, une partie du bâtiment. Lorsqu'on bâtissait du temps de nos pères des maisons spacieuses, on laissait devant la porte un espace vide, dit Aulu-Gelle (liv. XVI, ch. 5), une cour entre la rue et le corps principal de l'édifice. Là se tenaient, avant d'être admis, ceux qui venaient saluer le maître de la maison; ils n'étaient ni dans la rue ni dans la maison. Cette large place où l'on faisait, pour ainsi dire, station, fut appelée vestibule. Quaero, si te hodie domum tuam redeuntem coacti homines et armati non modo limine tectoque aedium tuarum, sed primo aditu vestibuloque prohibuerint, quid acturus sis? (Cicéron, pro C. Caecina, c. XX) « Eh bien je vous le demande à mon tour, si aujourd'hui, lorsque vous retournerez chez vous, des hommes rassemblés et armés vous éloignaient, non seulement de la porte et de l'intérieur, mais des premières avenues et du parvis de votre maison, je vous le demande, quelle action auriez-vous? »

(46) - Quod hi aliis officia praestant ambiundo, quae ab aliis ambiuntur. À Rome, c'était un très grand honneur que de recevoir des visites, comme c'était une très grande marque de déférence d'en faire. Les hommes d'une fortune médiocre attendaient de plus faibles qu'eux l'honneur de la visite qu'ils faisaient eux-mêmes à de plus puissants. Voyez MARTIAL, qui (liv. II, épigr. 18) a fait à ce sujet une plaisante épigramme contre Maximus.

(47) - Et privata judicia arbitriaque conficiuntur. À Rome, dit de Bioul, les juges et les arbitres étaient toujours pris parmi les citoyens les plus distingués. Lorsqu'il survenait un différend entre des particuliers, le demandeur requérait le préteur de lui nommer une ou plusieurs personnes pour juger son affaire (judicem vel judicium) : demandait-il une seule personne, c'était un juge proprement dit, judex, ou bien un arbitre, arbiter; s'il demandait plus d'une personne, judicium, c'étaient alors des recuperatores ou centumviri. Ce fut d'abord parmi les sénateurs qu'on prit les juges, pour les affaires des particuliers; mais l'an 631 de la fondation de Rome, le tribun Sempronius Gracchus publia une loi qui ôtait aux sénateurs le pouvoir de juger, et le transportait à l'ordre des chevaliers. Cependant, quelque temps après, le droit de juger fut commun aux uns et aux autres. Ces juges s'assemblaient quelquefois dans les basiliques qui faisaient partie des édifices publics, dont Vitruve a décrit la construction et la forme dans le ch. 1er du liv. V ; mais on conçoit que, dans le temps de la grande richesse de Rome, il était impossible de rendre dans les basiliques publiques tous les jugements qu'entraînait la quantité de différends qui survenaient entre les citoyens qui formaient son immense population. Les juges et les arbitres rendaient donc cette justice chez eux. Le luxe ayant été porté à un point incroyable dans cette ville, la noblesse, c'est-à-dire les sénateurs et les chevaliers, auxquels était réservé le droit de juger, firent construire chez eux des basiliques, à l'instar de celles qui faisaient partie des édifices publics. Voilà pourquoi Vitruve, dans ce chapitre, veut qu'une basilique, avec ses accessoires, se trouve au nombre des édifices qui composaient l'habitation de la noblesse romaine.

(48) - Ruri vero pseudourbanis. Voyez COLUMELLE, Écon. rur., liv. 1er ch. 6.

(49) - Primum de salubritatibus. Si l'on veut avoir plus de détails sur ce que voulaient les anciens à ce sujet, il faut consulter les auteurs qui ont traité de l'agriculture : CATON, Écon. rur., ch. 1er; VARRON, Écon. rur., liv. 1er, ch. 6; COLUMELLE, Econ. rur., liv. 1er, ch. 2 ; PALLADIUS, Écon. rur., liv. 1er, ch. 2 et suiv.

(50) - Cortes. - Voyez VARRON, Écon. rur., liv. 1er ch. 13. Il est probable que notre mot cour a pris sou origine du mot cors.

(51) - Conjuncta autem habeat bubilia. Les étables destinées aux bestiaux, dit Columelle (Écon. rur., liv. 1er ch. 6), ne devront être ni trop chaudes ni trop froides. Les animaux soumis au joug auront des étables d'été et des étables d'hiver. Les détails que donne Columelle sont intéressants; j'engage à les lire. Voyez aussi PALLADIUS, Écon. Rur, liv. 1er, ch. 21.

(52) - Ad focum. J'ai cru, dit Perrault, qu'on pouvait sans difficulté traduire ici focum par cheminée, puisqu'il est question de la cuisine, où il est certain que les anciens avaient des cheminées car ou doute qu'ils eu eussent dans leurs chambres, qu'ils chauffaient seulement, à ce qu'on croit, ou par des conduits qui apportaient la vapeur chaude d'un feu qui était allumé dans un fourneau souterrain, ou par une espèce de charbon de terre qui brûlait sans faire de fumée, et que Suétone appelle miscui carbones, dans la Vie de Tibère. Cependant on trouve dans les auteurs anciens bien des passages qui peuvent faire croire qu'ils avaient des cheminées dans leurs chambres. Il paraîtrait, d'après Homère, que les Grecs faisaient du feu dans leurs chambres, même en été, car la princesse Nausicaa, qui s'était baignée dans la rivière, après midi, se faisait allumer du feu dans sa chambre, en y arrivant. Suétone dit que la chambre de Vitellius fut brûlée, le feu ayant pris à la cheminée, Appien d'Alexandrie et Aristophane font mention de cheminées. Virgile dit (églog. I, v, 83) :
Et jam summa procul villarum culmina fumant.
Il paraît donc certain que les anciens avaient des cheminées, comme l'a prouvé, par plusieurs autres passages, Octavio Ferrari. Elles n'étaient cependant pas faites comme les nôtres : c'était au milieu de la chambre qu'elles étaient construites, sans tuyau ni manteau ; il y avait seulement au haut de la chambre, et au milieu du toit, une ouverture pour la fumée qui sortait d'ordinaire par là. C'est pourquoi Horace dit (ode II, liv. IV) :

Sordidum flammae trepidant volantes
Vertice fumum.

Et (ode 2, livre des Épodes) :

Positosque vernas, ditis examen domus,
Circum renidentes lares!

Et (sat. 5, liv. 1er)

Udos cum foliis ramos urente camino.
Ailleurs il conseille à son ami de mettre force bois dans le foyer pour chasser le froid :

Dissolve frigus, ligna super foco
Large reponens.

Cicéron dit la même chose à Atticus dans une des lettres adressées à cet ami : Luculento camino utendum censeo.
Tous ces passages confirment encore l'existence des cheminées chez les anciens.
Vitruve lui-même (liv. VII, ch, 3), en parlant des corniches que l'on fait dans les chambres, avertit de les flaire simples et sans sculpture dans les lieux où l'on fait du feu.

(53) - Boves lumen et ignem spectando. - Voyez PALLADIUS . Écon. rur., liv. 1er, ch. 21.

(54) - Bubilium autem debent esse latitudines, nec minores pedum denum, nec majores quindenum. On lit bubilium au lieu de cubilium, dit Pontédéra ; mais c'est évidemment une erreur. Vitruve a pu déterminer l'espace nécessaire à chaque boeuf, et non la grandeur des étables, qui doit être proportionnée au nombre des boeufs. La même faute se rencontre dans Columelle (Écon. rur., liv. 1er, ch. 6) : « Lata bubilia esse oportebit pedes decem, vel minime novem : quae mensura et ad procumbendum pecori, et jugario ad circumeundum laxa ministeria praebeat. » Il faut corriger et mettre lata cubilia. C'est avec raison que Palladius (Écon. rur., liv. 1er, ch. 21) a écrit : « Octo pedes ad spatium standi singulis boum paribus abundant et in porrectione XV. »
Pontédéra se trompe, et son erreur vient de ce qu'il a lu longitudines au lieu de latitudines. Columelle, dont il invoque l'autorité, a dit lui-même : lata bubilia esse oportebit, etc., et non longa.

(55) - Balnearia. - Voyez COLUMELLE, Econ. rur., liv. 1er, ch. 6.

(56) - Torcular. - Voyez COLUMELLE, Écon. rut., liv. 1er, ch. 6. Si l'on veut avoir tous les détails relatifs au pressoir des anciens, il faut lire, dans l'Écon. rur. de Caton, les ch. XIII, XVIII, XX, XXI,XXII, LXIV, LXV, LXVI, LXVII, LXVIII, CXLV, CXLVI.

(57) - Habeatque conjunctam vinariam cellam, habentem ad septentrionem lumina fenestrarum. Telle est l'exposition que lui donnent aussi Pline, Palladius, Columelle. De plus, disent ces deux derniers auteurs, il devra se trouver très éloigné des bains, du four, du trou à fumier, de toutes les immondices d'où s'échappent des émanations fétides, ainsi que des citernes ou des eaux saillantes dont les évaporations gâtent le vin.

(58) - Quae quum sint cullearia. Le vase que les Latins appelaient culleare contenait vingt amphores. Fannius a dit du culleus:
Est et bis decies quem conficit amphora nostris Culleus, hoc nulla est major mensura liquoris.
Prenons en passant une idée de la grandeur de ces mesures


Le culleus contient
L'amphore
L'urne
Le conge
Le setier
L'hémine
La quarte
L'acetabulum
Le cyathe
La ligula.
 
20 amphores ou
2 urnes 
4 conges
6 setiers 
2 hemines 
2 quartes
2 acetabula 
1 cyatbe 1/2 
4 ligulae
Litres
517
25
12
3
Décil.
90
89
94
23
53
26
13
4
1

 

(59) - Granaria sublimata. Pour le blé, il faut le serrer dans de hauts greniers où les vents soufflent du nord et de l'est, et où l'humidité ne puisse pénétrer d'aucun côté. Voyez VARRON, Écon. rur., liv. ch. 57; COLUMELLE, Écon. rur, liv. 1er, ch. 6; PALLADIUS, Écon. rur., liv. 1er, ch. 19; PLINE, Hist. Nat., liv. XVIII, ch. 73.Varron dit encore (ubi supra) que certains cultivateurs construisent dans leurs champs mêmes des greniers qui sont comme suspendus. On en voit de ce modèle dans l'Espagne Citérieure, et dans certaines contrées de l'Apulie. Ces greniers sont éventés, non seulement sur les côtés par les courants qui viennent des fenêtres, mais encore par l'air qui frappe en dessous leur plancher. Cette disposition des greniers avait pour but. principal la ventilation des grains. Il y avait encore un autre avantage dont ne parlent pas ces auteurs, dit un annotateur de Pline, mais qui n'était guère moins important, c'était d'empêcher les souris d'y pénétrer. En Valais, dit Fée (Voyage inédit dans la Suisse occidentale), les granges sont isolées du sol, à l'aide de poteaux qui portent de larges dalles élevées à deux ou trois pieds de terre, et plus larges que les poteaux eux-mêmes. Cet isolement a pour but d'empêcher les mulots et les souris d'y pénétrer. Ces animaux fort communs partout, et qui fourmillent dans le Valais, s'établiraient dans les granges, et là, pullulant avec une incroyable rapidité, y nourriraient, au dépens du cultivateur, leurs générations affamées. « Pour du blé, dit Quinte-Curce (liv. VII, ch. 4), il n'y en avait point, ou peu car les barbares ont de profondes fosses qu'ils appellent syrrhes, lesquelles ils cachent si subtilement qu'il n'y a que ceux qui les ont faites qui les puissent trouver, et c'est là qu'ils retirent leurs grains.»

(60) - Namque ceterae regiones procreant curculionem. Pourquoi ceterae? s'écrie Pontédéra. Pourquoi excepter l'Italie, où les charançons sont les plus nuisibles au blé? Ne faudrait-il point lire namque calidae? C'est au moins le sens adopté par l'auteur du Compendium : vaporatae enim regiones curculiones et ali genera bestiarum nutriunt. L'erreur du commentateur vient de ce qu'il ne donne pas au mot regiones la signification qu'il doit avoir.

(61) - Equilia. Voyez PALLADIUS, Écon. rur., liv. 1er, ch. 21.

(62) - Extra culinam. Le mot cuisine ne désigne pas toujours, et ici particulièrement, le lieu où l'on préparait les mets, et il n'est pas probable que les étables et les écuries y fussent placées. C'était plutôt un office vaste et exhaussé, afin que la charpente fut à l'abri du feu, et que les gens de la maison pussent s'y tenir commodément dans toutes les saisons de l'année.

(63) - Horrea, faenilia, farraria. « Peu importe, dit Palladius (Écon. rur., liv. 1er, ch. 48), en quel endroit on serrera le foin, la paille, le bois et les cannes, pourvu que cet endroit soit sec, ouvert à tout vent et éloigné de la métairie, dans la crainte du feu. » Bien que le mot horrea signifie ordinairement des greniers à serrer le blé, quand il est battu, et que le mot de grange signifie un lieu à serrer les gerbes, il y a apparence que, comme il s'agit ici du danger du feu, Vitruve a entendu par horrea nos granges car les grammairiens tiennent que horreum se dit ab horrore spicaram; or, les épis ne sont qu'aux gerbes; ils ne sont point au grain, quand il est battu; d'ailleurs la signification du mot horreum s'étend dans Horace jusqu'aux caves et aux celliers :
Nardi parvus onyx eliciet cadum
Qui nunc Sulpiciis accubat horreis.

(Carm. lib IV, ode 12.)
Il semblerait aussi que le mot farraria, de far, qui signifie le grain du blé battu, devrait être traduit par grenier à blé; mais parce que le blé battu n'est pas sujet à prendre feu, comme la paille et le foin, Perrault a cru que Vitruve avait pu se servir de farraria pour désigner un grenier à serrer les pailles, et que de même que far qui signifie du blé battu est dit de faciendo, par la même raison, la paille pouvait aussi être dite far, parce que la même action qui sépare le grain de la paille sépare aussi la paille du grain. Le mot français foarre ou feurre, qui signifie de la paille, vient peut-être de ce mot farraria.

(64) - Sin autem officiunt trabes seu limina. C'est bien limina qu'il faut lire, comme au dernier chapitre de ce livre, et dans Pline (Hist. Nat., liv. XXXVI, ch. 21), difficillime hoc contigit in limine ipso quod forihus imponebat. Voilà pourquoi Varron, au ch. 4 du liv. II, a donné au mot limen l'épithète de inferius pour le distinguer du limen superius. Nonius a exprimé l'un et l'autre : Exue limen superius quod mihi misero sæpe confregit caput, inferum autem ubi ego omneis digitos defregi meos.

(65) - Per eas fenestrarum loca relinquantur. Vitruve ne prescrit aucune règle pour la proportion des croisées. Toutes les fenêtres des maisons découvertes à Herculanum; sont petites, fermées simplement avec des volets de bois; quelques-unes ont des châssis garnis de talc ou de pierre spéculaire. On a trouvé dans cette ville de gros morceaux de plaques de verre épaisses et brutes ; ce qui prouve que l'art d'étendre le verre sur des tables pour en faire des espèces de vitres, n'était pas totalement ignoré, On voit dans les tableaux d'Herculanum quantité de paysages embellis de superbes palais. Les fenêtres des maisons et des temples ne paraissent pas toujours d'une forme agréable; on en voit qui sont rondes, d'autres carrées, d'autres en feuilles de trèfle, en ovale, en figures très singulières; quelques-unes sont placées près des angles des murs. Elles ne sont pas toujours alignées et espacées avec régularité et proportion. On voit dans plusieurs bâtiments des anciens Romains, qu'ils donnaient à leurs fenêtres à peu près la même coupe que nous leurs donnons. c'est-à-dire un parallélogramme rectangle dont la hauteur est le double de la largeur; ils les formaient simplement en cadre de tableau. Ils coupaient un peu les bords inférieurs de la pierre qui couvre la fenêtre, pour procurer plus de jour, et pour donner à la couverture la forme d'une petite voûte apparente. En un mot, la forme des fenêtres qui sont en usage aujourd'hui en France, est la même que celle qui était observée dans les bâtiments du temps de l'empereur Auguste; mais les Romains les faisaient beaucoup plus petites. On voit dans les tableaux d'Herculanum, que les anciens connaissaient l'usage de garnir les fenêtres de jalousies, c'est-à-dire de petits treillis de bois ; mais il parait qu'ils ignoraient l'art de former des jalousies en linteaux mobiles qui donnent par le moyen d'une tringle, ou d'une corde qui les lie tous, la quantité de lumière qu'on désire.

a. Vestibulum. Le vestibule.
bcd. Atrium. L'atrium.
c. Cavum aedium, Le cavaedium au milieu duquel se trouve l'impluvium. La cour.
db. Alae. Les ailes, les galeries.
e. Fauces. La porte.
f. Tablinium. Le cabinet d'étude.
g. Pinacothecae. La galerie de tableaux.
h. Exedrae. Le cabinet de conversation.
i. Peristylium. Le péristyle.
k Triclinia hiberna. Les salles à manger d'hiver.
l. Triclinia verna et autumnalia. Salles à manger pour le printemps et l'automne.
m. Basilica. La basilique
n. Triclinia aestiva sive oeci Aegyptii. Salle à manger d'été, ou salle égyptienne.
o. Oeci Cyziceni. La salle cyzicène.
p. Balnearia. Les bains.
q. Cubicula. Les chambres à coucher.
r. Viridia. Le jardin.

La distribution des maisons chez les Romains, dit Le Mazois, quoique subordonnée aux localités, au rang, à la fortune et au nombre des maîtres, était assez généralement la même pour toutes. Les principales divisions consacrées par l'usage se répétaient dans chacune d'elles, et il n'existait guère d'autre différence entre les habitations des citoyens que leur décoration et ces pièces accessoires plus ou moins utiles que le luxe ajoute au nécessaire.
Chaque maison un peu considérable était divisée, pour ainsi dire, en deux parties distinctes, comme on peut s'en convaincre en examinant les maisons découvertes à Pompéies, et les fragments du plan antique conservés au Capitole. La première renfermait toutes les pièces d'un usage public; l'autre était destinée au logement des maîtres et aux dépendances du service.
La partie publique renfermait le portique, le prothyrum, le vestibule, le cavaedium, le tablinum, les ailes, les fauces et diverses autres pièces.
La partie privée contenait le péristyle, les chambres à coucher, le triclinium, les oeci, la pinacotheca, la bibliothèque, les bains, l'exèdre, le xyste, etc.
Parmi les pièces qui composaient les maisons des gens aisés, s'en trouvait une, uniquement consacrée au culte de Vénus. Les Grecs la nommaien
t ἀφροδίσιον, et les Latins venereum. Elle était précédée d'une sorte d'antichambre, procaeton, où logeait l'esclave cubiculaire. Son emploi était de veiller à la sûreté de cette chapelle d'amour; il en éloignait les importuns; il conservait dans une cassette les souliers des dames romaines, objet de luxe qu'elles quittaient souvent dans la journée, même avant de se mettre à table. Plaute appelle les servantes sandaligerulae. C'est dans ces lieux qu'on a retrouvé ces peintures érotiques qui composent le cabinet secret du Musée royal de Naples. L'usage de ces représentations obscènes était fréquent dans l'antiquité, et il y avait peu de maisons qui n'eussent quelqu'une de ces peintures lascives, appelées par les Grecc γρύλλοι, bamboches, saletés, pourceaux, et par les Latins libidines, dans la composition desquelles excellaient Polignote et Parrhasius.

(66) - Antithalamus. C'était là que se tenaient les servantes. Cette pièce devait être tout près du thalamus, pour qu'elles fussent à portée d'entendre la voix de leur maîtresse, et qu'elles pussent se rendre immédiatement à leurs ordres. Les exemplaires portent le mot amphithalamus, corrigé par Hennolaüs. Il y a apparence que cette partie dont Vitruve parle est celle que Pline, dans ses lettres, appelle procaeton, c'est-à-dire lieu qui est devant celui où l'on couche. Nous l'appelons antichambre. Pline dit que son antichambre touche à sa chambre ; ici, au contraire, nous voyons que l'antithalamus des Grecs était séparé du thalamus par le vestibule ou passage appelé prostadium. Et peut-être Pline ne dit-il que son antichambre était joint à sa chambre que parce que ce n'était pas une chose ordinaire.

(67) - Cellae familiaricae. La véritable signification de ces deux mots jette Perrault dans l'incertitude. Bien qu'il dise qu'il n'y a pas apparence que Vitruve se soit servi par mégarde de cella, au lieu de sella, il n'en traduit pas moins cellae familiaricae par garde-robes, malgré toute la différence de signification des mots cella (petite chambre) et sella (chaise). Et on peut croire aussi, selon lui, que Vitruve a ajouté le mot familiaricæ pour désigner l'usage de cette pièce qui était destinée pour la commodité des nécessités ordinaires; mais que ce qui est appelé ici garde-robe n'était qu'un lieu pour serrer la chaise et les autres meubles nécessaires à la chambre, et non pas le lieu qui en français est appelé le privé, parce qu'il ne s'en trouve point dans les bâtiments qui nous restent des anciens, et que ce qu'ils appelaient latrinæ était des lieux publics où allaient ceux qui n'avaient pas d'esclaves pour vider et laver leurs bassins, qui étaient aussi appelés latrinæ, a lavando, suivant l'étymologie de M. Varron. En cela, Perrault est dans l'erreur : car dès l'entrée d'une petite maison de Pompéies, dit Le Mazois, on trouve un réduit sous l'escalier, destiné à l'usage des domestiques ou des personnes étrangères qui visitaient l'atrium. Là sont situées les fosses d'aisances, disposées comme elles le sont de nos jours. Le choix de l'emplacement éloignait la mauvaise odeur de l'intérieur de l'édifice. Les cellae familiaricae ne sont donc plus que l'ergastulum, ou logement des esclaves qui était placé auprès du lieu affecté à leur service. Il paraît, d'après plusieurs maisons de Pompéies qu'on prenait peu de soin pour leur procurer des logements commodes ou même salubres.

(68) - Haec pars aedificii gynaeconitis appellatur. La différence qui existait entre les moeurs des Grecs et celles des Romains, amenait une manière différente de distribuer les habitations. Chez les Grecs, le quartier des femmes était absolument séparé de celui des hommes; ce qui faisait, pour ainsi dire, deux maisons placées à côté l'une de l'autre.
Les Grecs, dit Corn. Nepos, dans sa préface, regardent la plupart des usages reçus parmi nous comme contraires à l'honnêteté. Quel est, en effet, le Romain qui rougit de conduire sa femme dans un festin ? Quelle mère de famille n'occupe pas le premier appartement de la maison, et ne fréquente pas compagnie? Il en est tout autrement dans la Grèce : les femmes ne sont admises qu'aux repas de famille; dans leur maison, elles n'habitent que la partie la plus reculée qu'on appelle gynécée, et dont l'accès n'est permis qu’aux plus proches parents. La vie des femmes, surtout quand elles se trouvaient en puissance de mari, et qu'elles étaient vierges ou veuves, était extrêmement retirée. Le παρθενών,appartement des vierges, était fermé soigneusement par des verrous. Les femmes ne pouvaient même passer d'un appartement dans un autre sans permission. Les femmes mariées depuis peu étaient tenues aussi sévèrement que les vierges; se présenter à la porte extérieure eût été pour elles une tache à leur réputation. Elles osaient à peine franchir le seuil qui les séparait de l'αὐλή. Leur captivité devenait moins rigoureuse, quand elles avaient donné un enfant à leur mari. Elles acquéraient alors le titre d
e μήτηρ, dérivé, dit-on, de μὴ τηρεῖσθαι, n'être plus enfermé. Cette liberté, cependant, dépendait toujours du consentement du mari. Dans tous les cas, la modestie des femmes leur faisait un devoir de n'user de cette faveur qu'avec la plus grande réserve. Elles ne paraissaient en public que la tête couverte d'un voile assez épais pour dérober leur beauté à tous les regards. Voyez les Antiquités grecques.

(69) - Habentes latiora peristylia. Ne devrait-on point lire lautiora au lieu de latiora? Car si l'édifice est plus grand, le péristyle devra nécessairement être plus large; mais comme habens eae domus vestibula egregia et januas proprias cum dignitate.... il faudra bien que les péristyles soient lautiora.

(70) - Rhodiacum. Pourquoi ce portique est-il appelé rhodien? Serait-ce parce qu'étant tourné au midi, et ayant le soleil tout le long du jour, il est semblable à l'île de Rhodes, dans laquelle Pline dit que le soleil est rarement caché par des nuées ?

(71) - Tricliniis quatuor. Au ch. 5 de ce livre, triclinium est pris pour la salle où l'on mangeait, et dans laquelle étaient les tables avec leurs trois lits. Ici il ne signifie, à la lettre, que la table avec ses trois lits. Varron (Écon. rur., liv. III, ch. 13) dit « Au milieu du bois est une espèce d'élévation où l'on avait disposé trois lits (ubi triclinio posito), et où l'on servit à souper. » Et au liv. 1, ch. 59 : « Quand on fait construire un fruitier, il faut avoir soin d'en ouvrir les fenêtres au nord, et de laisser un libre accès aux vents qui soufflent de ce côté. Il importe toutefois de les garnir de volets; car un vent continu finit par ôter aux fruits leurs sucs et par les rendre insipides. Pour plus de fraîcheur encore, on recouvre en stuc les voûtes, les murailles et même les planchers de ces fruitiers. On voit encore certaines personnes y faire dresser des lits pour prendre leurs repas (triclinium sternere solent coenandi causa). »

(72) - Ludorumque operis. On sait que pour réjouir ces riches voluptueux, on donnait des jeux et des spectacles, pendant qu'étendus sur leurs lits, ils jouissaient des plaisirs de la table. Cet usage existait aussi chez les Romains. Juvénal (sat. II) nous apprend que durant leurs repas, ils regardaient des danses lascives, des pantomimes ou des combats de gladiateurs; d'autres se contentaient de la lecture d'un livre (PLUTARQUE, Sympos., liv. VII, quest. 8) ; d'autres aimaient à faire jouer quelques scènes de comédie (JUVENAL, sat. II; PLINE LE JEUNE, liv. 1, lett. 15; liv. III, lett. 1; liv. VI, lett. 31) ; d'autres à entendre des vers récités par quelques poètes (PERSE, sat. 1); souvent ils avaient un concert durant leurs repas (SPARTIEN, Vie d'Adrien, ch. XXIV ; PÉTRONE, Satyricon, ch. XXXIV).

(73). - Uti hospites advenientes non in peristylia, sed in ea hospitalia recipiantur. L'hospitalité, dans les anciens temps, était soigneusement pratiquée. Ce n'était pas seulement une vertu; c'était un devoir de l'exercer envers tout le monde ; il n'y avait rien de plus sacré. Née d'une commisération naturelle, ou la trouve, dit de Bioul, chez les peuples que la civilisation n'a pas absolument corrompus; elle existe encore en Écosse, dans une grande partie de l'Orient, et surtout en Pologne. Nous voyons dans Homère avec quel dévouement les Grecs exerçaient l'hospitalité. L'opulence dont ils jouirent, après avoir repoussé les armées des Perses qui voulaient envahir leurs provinces, cette opulence accrue encore par leur commerce répandu chez toutes les nations connues, n'étouffa pas chez eux ce sentiment qui leur avait été transmis par leurs ancêtres. Si la sainte hospitalité subsista dans la Grèce aux plus beaux jours de sa gloire et de sa puissance, ce pieux devoir n'y fut pas, non plus, négligé au jour du malheur, après le triomphe de Paul Émile, lorsque Rome y établit sa domination.

PLAN D'UNE MAISON GRECQUE.

a. ltinera. Le passage appelé θυρωεῖον.
b. Equilia. Les écuries.
c. Ostiarii cella. La loge du portier.
d. Peristylium. Les trois portiques du péristyle.
e. Duae antae. Les deux antes.
f. Le lieu appel
é προστάς.
g. Thalamus.
h. Antithalamus.
i. Oeci magni. Les grandes salles où les mères de famille filaient avec leurs servantes.
k. Cubicula. Les chambres à coucher.
l. Cellae familiaricae. Logement des esclaves.
m. Triclinia. Les salles à manger.
n. Vestibula egregia. Les beaux vestibules des appartements des hommes.
o. Les portes particulières aux appartements des hommes.
p. Triclinia cyzicena. Les salles appelées cyzicènes.
q. Pinacothecae. Le cabinet de tableaux.
r. Bibliothecae. Les bibliothèques.
s. Exedrae. Les cabinets de conversation.
t. Oeci quadrati. Les grandes salles à manger.
u. Mesaulae. Les passages appelés mésaules.
v. Les appartements des hôtes.
x. Porticus Rhodiaca. Le portique rhodien.
z. Tres porticus. Les trois autres portiques du péristyle.

(74) - Xenia. Dans les premiers temps, les présents étaient rares chez les Romains; mais, dans la suite, l'accroissement du luxe les rendit fréquents et très-dispendieux. Les clients et les affranchis envoyaient des présents à leurs patrons; les esclaves à leurs maîtres ; les citoyens aux empereurs et aux magistrats; les personnes liées entre elles, les unes aux autres, dans plusieurs occasions, aux calendes de janvier, appelées strenae,, aux fêtes de Saturne, aux réjouissances publiques, apophoreta; on en faisait aux hôtes, xenia. - Voyez SUÉTONE, Vie d'Oct. Auguste, ch. LXXV; Vie de Caligula, ch. XV, et de Vespasien, ch. XIX.

(75) - Quas nos Vergilias, Graeci autem Πλειάδας ominant. Elles étaient au nombre de sept : Alcynoë, Céléno, Électre, Maïa, Astérope, Mérope et Taygète. Voyez OVIDE, Fastes, liv. IV, v. 169. On les nomme Pléiades, soit de leur mère Pléione, une des Océanides, soit du mot grec πλέω, naviguer, parce que la constellation qui porte leur nom, et qu'on voit au mois de mai. se montre à une époque favorable à la navigation.
Vitruve (liv. IX, ch. 5) semble indiquer qu'elles sont à la queue du Taureau, et Pline dit la même chose, in cauda Tauri septem quas appellavere Vergilias, bien que certains auteurs rapportent qu'on ne voit que la partie antérieure de cet animal :
Vacca sit an taures, non est cognoscere promptum.
Pars prior apparet, posteriora latent.
Seu tamen est taurus, sive hoc est femina signo,
Junone invita munus amoris habet.

(OVIDE, Fast. lib. IV, v. 717.)

(76) - Aedificia quæ plano pede instituuntur. Vitruve recommande trois choses dans toute construction : la solidité, l'utilité, la beauté. Il a déjà fait connaître les proportions des différentes parties qui composent l'habitation, et l'harmonie qui doit régner entre elles ; ce qui contribue à l'utilité et à la commodité ; il est entré avec détail dans tout ce qui concerne l'ornement et la beauté; ce dernier chapitre est consacré au troisième objet, la solidité. Et à cet égard, il distingue deux sortes de constructions celles qui se font sur la superficie du sol, celles qui se font au-dessous. Il a traité de tout ce qui avait rapport aux premières, dans les livres III et V ; quant aux secondes, qu'il appelle hypogées, mot composé de ὑπό, sous, et γῆ, terre, elles doivent avoir des murs souterrains plus épais que les murs supérieurs; mais il n'assigne ni mesure ni proportion; il recommande seulement une chose fort importante, qui malheureusement est quelquefois oubliée, c'est d'éviter les porte-à-faux qui sont du tous les vices les plus opposés à la nature. En mettant deux ordres l'un sur l'autre, il est nécessaire que les axes des colonnes supérieures et inférieures se répondent à plomb, ne fassent qu'une même ligne perpendiculaire.
Le P. Laugier n'aime pas les porte-à-faux ; aussi dans ses Essais sur l'architecture, ch.I, art, 2, s'écrie-t-il : « Je me vois contraint de m'élever contre les dômes, dont tant de gens me paraissent amoureux. On dira en leur faveur tout ce qu'on voudra; il sera toujours vrai que c'est une chose monstrueuse de voir un péristyle entier de colonnes, porté sur quatre grandes arcades qui ne leur offrent qu'un fondement faux, parce qu'il est excavé. Tous les architectes conviennent que le vide doit être sur le vide, et le plein sur le plein. Or, les dômes avec ordre d'architecture, nous mettent toujours le plein sur le vide. Si l'on veut faire des dômes, qu'on les fasse autrement qu'ils ne sont. Un architecte donnera idée de son génie, s'il invente une manière de les construire qui en conserve les agréments en évitant le défaut insupportable des porte-à-faux. Si la chose n'est pas possible, il vaut beaucoup mieux n'en pas faire. »
Il était difficile de déterminer l'épaisseur des murs, puisque c'est d'après la hauteur du mur, la qualité du terrain et celle des matériaux qu'on doit décider ce qu'il faut faire à cet égard. Au dessus des fondements, le mur doit aller en talus; c'est une des bases principales de la solidité. Voilà pourquoi, selon de Bioul, les Égyptiens, les plus anciens et les plus habiles des architectes, qui s'attachaient surtout à faire des ouvrages qui résistassent au temps, avaient adopté la forme pyramidale comme base de leur architecture. Cette forme se voit dans l'ensemble, et on la retrouve dans les parties de ces constructions colossales qui ont résisté à tant de siècles.

(77) - Nam si in pendentibus. C'est-à-dire si les murs portent, non pas sur d'autres murs construits sur une base solide, mais sur des poutres ou sur des linteaux, il faut avoir recours à quelques moyens de consolidation.

(78) - Postes si supponentur. Par deux sortes de décharges, il est possible d'affermir les murs aux endroits où ils ont des vides, comme au droit des portes et des fenêtres dont les linteaux sont chargés du mur qui est au-dessus. La première se fait par deux poteaux rr (fig. 92) qui, posés au-dessus du linteau a, et touchant à chaque pied-droit ee, se réunissent en pointe comme deux chevrons, pour soutenir la charge du mur xz. La seconde se fait par le moyen d'un arc de voûte vvv (fig. 93), qui empêche que la maçonnerie i ne s'affaisse, parce qu'elle est allégée d'une partie de son faix, savoir de la partie mn.

(79) - Sublisae. Stratico et Perrault ont suivi la correction de Philander qui, au lieu de sub lysi, lit sua lysi. Car, dit Perrault, bien que lysis, au ch. 2 du liv. III, signifie la cymaise ou talon d'une corniche, il n'y a point d'apparence que Vitruve ait songé à un membre d'architecture dont il ne s'agit aucunement ici; de sorte que lysis doit se prendre selon sa signification grecque, à la lettre, c'est-à-dire pour la rupture d'un mur qui se fait par la séparation des pierres dont il est composé. Les grammairiens pourtant croient que Vitruve a voulu par ce mot désigner le vide et l'ouverture d'une porte. Sublisae me parait préférable.

(80) - Pilatim. Ces piliers sont carrés. On les nomme en grec στήλαι, en latin stelae. Quand ils sont ronds, ils prennent le nom de κίονες et de στύλοι.
Pila
a formé oppilare pour signifier affermir, bouclier. Lucrèce (liv. VI, v. 725) l'a employé dans le sens de obstruer, empêcher le libre cours d'un fleuve :
Est quoque uti possit magnus congestus arenae
Fluctibus adversis oppilare ostia contra,
Quum mare permotum ventis ruit ictus arenam.

Jecinoris oppilatio
a été traduit par les médecins obstruction du foie.

(81) - Extruserint incombas. II semblerait que par incumbae Vitruve a entendu les pierres taillées en forme de coin qui, dans une arcade, inclinent de chaque côté de celle qui, placée au milieu, est perpendiculaire au centre. Ou bien, ce qui est encore plus vraisemblable, incomba serait cette dernière pièce du jambage sur laquelle on commence à placer les voussoirs, et à former le cintre d'une voûte ou d'une arcade, l'imposte. Philander fait observer en passant que dans les péristyles, les portiques, les temples, aux portes, aux fenêtres, les anciens architectes ont fait retomber presque tous les arcs, non sur des piliers carrés, mais sur des colonnes rondes; et c'était un grand vice, à son avis, puisqu'ils doivent se rapporter au sommet du fût, ce qui ne pouvait avoir lieu entre deux objets dont l'un était rond et l'autre angulaire.

(82) - Perpendiculo respondeant. Tout le monde connaît l'instrument dont se servent les ouvriers pour élever perpendiculairement un mur ou un pan de bois, et pour juger de son aplomb et de son surplomb, je veux dire le plomb, ce petit poids de métal qui est attaché au bout d'une ligne, ou cordeau, passée dans une plaque de fer ou de cuivre appelée chas.

(83) - In frontibus. En dehors, c'est-à-dire à la face du mur. In frontibus est évidemment opposé à introrsus contra terrenum. Il y a donc des éperons aux deux faces du mur, dont les uns, ceux qui sont en dehors aa, sont droits et parallèles, et dont les autres, ceux qui sont en dedans on, font des angles qui sont en forme de dents de scie (fig. 94).
On ne peut pas toujours bâtir sur un terrain uni ; c'est là un inconvénient qu'on rencontre quelquefois.
L'Italie surtout, qui, dans toute sa longueur, est traversée par les montagnes de l'Apennin, et qui en est presque entièrement composée, n'offre guère partout que les pentes de ces montagnes, aux fondements des édifices. Si l'on excepte les villes qui sont dans la belle plaine de la Lombardie, la plupart des autres sont bâties au milieu des montagnes. On sait que l'ancienne Rome était assise sur sept collines. Pour construire les maisons à mi-côte, on sent qu'il fallait commencer à niveler le terrain. On coupait donc dans la pente de la montagne, et on jetait les terres plus bas; on soutenait ensuite ces terres avec une muraille et des éperons. Ce sont ces éperons aa ( fig. 94, p. 101) qui étaient employés pour soutenir les terres jetées en avant, in frontibus. Ensuite, du côté opposé, par derrière, pour soutenir les terres de la montagne dont la pente était coupée verticalement, on se servait des dentelures en forme de scie oo, qui se trouvaient effectivement en dedans de l'édifice, introrsum.

(84) - Anterides, sive erismae. Ces deux mots grecs employés ici par Vitruve, signifient des appuis. Ils viennent du verbe ἐρείδω, étayer, résister. Nos mots français éperons et arcs-boutants sont métaphoriques, dit Perrault, et désignent les deux espèces d'appuis que l'on met aux murs. Les uns marqués aa (fig. 94), perpendiculaires au mur, sont appelés éperons, parce qu'ils sont attachés au mur, de même que l'éperon l'est au talon; les autres marqués ee, nommés arcs-boutants, sont arqués, et de la même espèce que ceux que Vitruve dit ressembler à des dents de scie oo. Stratico fait remarquer qu'en employant les mots anterides et erismae, Vitruve a voulu indiquer deux choses qui font le même office, et entre lesquelles il ne met plus tard aucune différence.

(85) - Eaeque inter se distent tanto spatio. On lisait dans le texte : Deinde in frontibus anterides,sive erismæ sint, unae struantur, eaeque inter se distent tanto spatio, quanto altitudo substructionis est futura, crassitudine eadem qua substructio. Procurrant autem ab imo quantum crassitudo constituta fuerit substructionis. Ce qui semblerait vouloir dire qu'il faut que les éperons soient aussi distants les uns des autres que le mur qu'ils soutiennent a de hauteur; et, selon Perrault, ce ne serait point raisonnable car plus le mur que les éperons appuient est haut, et plus les éperons doivent être proches les uns des autres; aussi a-t-il cru devoir faire les corrections suivantes : Deinde in frontibus anterides, sive erismæ sint, una struantur, crassitudine eadem qua substructio, eæque inter se distent tanto spatio, quanto crassitudo constituta fuerit substructionis. Procurrant autem ab imo quantum altitudo substructionis est futura. Car cette grandeur de l'empâtement des éperons qui croît à proportion que le mur qu'ils appuient est haut, lui semble plus raisonnable que celle qui en diminue le nombre à mesure que le mur s'élève. On pourrait dire néanmoins que la raison, qui l'a porté à chercher quelque moyen de rétablir ce passage, est fondée sur une opinion contraire à celle des architectes qui veulent que les empâtements des murs soient proportionnés à leur largeur et non à leur hauteur.

(86) - Et ab idiotis patiatur accipere se concilia. Ce conseil est excellent; et Apelle partageait l'opinion de Vitruve. « Quand ses ouvrages étaient terminés, dit Pline (Hist. Nat., liv. XXXV, ch. 36), il les exposait sous un avant-toit à la critique des passants, et, caché derrière, il écoutait les observations, regardant le public comme un juge plus exact que lui. » - « C'est une chose étonnante, s'écrie Cicéron (de l'Orat., liv. III, ch. 51), qu'il y ait tant de différence entre l'ignorant et l'homme habile, lorsqu'il faut produire, et qu'il y en ait si peu lorsqu'il ne faut que juger ! »

 

 

 

 

 

Terminé le 06 décembre 2004