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ATTENTION : police Athenian pour le grec.
M. VITRUVE POLLION
DE L'ARCHITECTURE
LIVRE SIXIÈME.
traduction française seule - texte latin
Marci Vitruvii Pollionis de Architectura Liber sextus. Praefatio |
M. VITRUVE POLLION DE L'ARCHITECTURE LIVRE SIXIÈME. INTRODUCTION. 1. ARISTIPPE, philosophe de l'école de Socrate, ayant été jeté par la tempête sur les côtes de l'île de Rhodes, et ayant aperçu des figures géométriques tracées sur le sable, s'écria, dit-on : « Ayons bon espoir, mes amis! car je vois des indices qui me révèlent qu'il y a ici des hommes. » Il se dirige aussitôt vers la ville de Rhodes, va droit au gymnase, y discute sur quelques matières de philosophie, et est comblé de présents qui le mettent à même, non seulement de s'entretenir lui-même honorablement, mais encore de fournir à ses compagnons de naufrage des vêtements et toutes les choses nécessaires à la vie. Ces hommes eurent le désir de retourner dans leur patrie, et allèrent lui demander ce qu'il voulait faire savoir à sa famille : « Recommandez à mes enfants, leur dit-il, d'acquérir de tels biens que, si dans un voyage ils sont surpris par la tempête, leur bagage puisse échapper avec eux au naufrage. » 2. Les véritables ressources de la vie sont en effet celles auxquelles ni l'injustice de la fortune, ni l'inconstance des événements, ni les malheurs de la guerre, ne peuvent porter atteinte. Théophraste va plus loin. En exhortant les hommes à mettre leurs espérances plutôt dans l'instruction que dans les richesses, il déclare que de tous les mortels le savant seul a la prérogative de n'être point étranger hors de sa patrie, de ne point manquer de personnes qui l'aiment, après avoir perdu ses amis, d'être citoyen dans toutes les villes du monde, de braver et de mépriser les revers de la fortune; il ajoutait que celui qui viendrait à faire fond, moins sur les avantages de la science que sur le bonheur de la fortune, éprouverait avec amertume combien, dans le chemin glissant de la vie, le pied est peu ferme, peu solide. 3. Épicure dit aussi que le sage doit peu à la fortune; que tout pour lui repose sur la grandeur et sur la force de son âme. Tel a été le langage d'un grand nombre de philosophes. Les poètes mêmes, dans les anciennes comédies grecques, ont fait retentir la scène de vers exprimant la même idée : ce sont Eucrate, Chionide, Aristophane, et surtout Alexis. Celui-ci dit que les Athéniens méritent le plus grand éloge de ce que la loi commune à tous les Grecs, qui obligeait les enfants à nourrir leurs père et mère, n'avait chez ce peuple d'application qu'à l'égard des enfants qui en avaient reçu de l'instruction. Et tous ces présents que la fortune fait à l'homme, ne les lui dérobe-t-elle pas le plus souvent, tandis que les sciences, liées, pour ainsi dire, à notre existence, loin de jamais nous-faire défaut, demeurent nos compagnes fidèles jusqu'au dernier instant de notre vie. 4. Aussi quelles actions de grâces n'ai-je pas à rendre aux auteurs de mes jours, qui, comprenant toute la justice de la loi athénienne, ont pris soin de me faire instruire dans un art qui ne peut avoir d'importance qu'autant qu'il renferme, comme clans un cercle, et la connaissance de la littérature, et celle des autres sciences. Grâce à la sollicitude de mes parents et à l'enseignement de mes maîtres, j'ai acquis de nombreuses connaissances, et c'est au goût que j'ai pour les belles-lettres et pour les arts, aussi bien qu'au plaisir que je puise dans la lecture des bons ouvrages, que je dois l'avantage d'avoir enrichi mon âme d'un bien dont la possession m'a fait comprendre que le trop n'est pas nécessaire, et que la véritable richesse est celle qui ne laisse rien à désirer. Je sais qu'il y a des personnes qui, faisant bon marché de cette philosophie, ne voient de sagesse que là où il y a beaucoup d'argent. Aussi la plupart des hommes ne tendant qu'à ce but, arrivent, à force d'audace, à acquérir réputation et richesse tout à la fois. 5. Pour moi, ô César, ce n'est point en vue d'amasser des richesses que je me suis livré à l'étude de l'architecture : pauvreté et bonne réputation valent mieux, à mon avis, que richesse et mauvais renom. Aussi je suis peu connu; mais j'espère que la publication de mon ouvrage apprendra mon nom, même à la postérité. Et faut-il s'étonner que je sois resté inconnu au plus grand nombre! Les autres architectes n'épargnent ni prières ni instances pour se produire. Pour moi, j'ai appris de mes maîtres qu'un architecte doit attendre qu'on vienne le prier de se charger d'un travail, et qu'il ne peut, sans rougir, faire une demande qui l'expose à d'injurieux soupçons : car ce n'est pas de la bouche de celui qui rend un service, mais bien de celle de la personne qui le reçoit, que doit venir la prière. Quelle ne devrait pas être la défiance de celui à qui l'on demanderait une partie de son bien pour que l'emploi en fût confié au bon plaisir d'un demandeur? Ne penserait-il pas qu'on veut s'enrichir à son préjudice ? 6. Voilà pourquoi nos ancêtres n'employaient un architecte qu'après s'être assurés de l'honnêteté de sa naissance, de la bonté de son éducation. C'était à l'homme simple et modeste, et non à celui qui n'a en partage que présomption et effronterie, que s'adressait leur confiance. Les architectes n'instruisaient alors que leurs enfants et leurs parents, et ils en faisaient des hommes de bien, à la fidélité desquels on pût sans inquiétude confier des sommes importantes. Aussi quand je vois des gens sans instruction, sans expérience, exercer une science aussi noble, des gens complètement étrangers, je ne dirai pas aux connaissances nécessaires à l'architecte, mais même à celles qu'on exige du maçon, je ne puis qu'approuver ces pères de famille qui, forts d'ailleurs de leurs connaissances littéraires, pensent que, si tant est qu'ils doivent confier leurs travaux à des manoeuvres, il vaut mieux qu'ils en prennent eux-mêmes la direction, libres d'employer, comme ils l'entendent, les sommes qu'ils aventureraient. 7. Si l'on ne voit personne essayer de se mêler chez soi de la besogne facile du cordonnier, du foulon, ou de tout autre artisan de même sorte il n'en est pas de même de l'architecte; pourquoi? parce que ce n'est véritablement pas à leur talent que ceux qui font profession d'être architectes, doivent le nom qu'ils usurpent. Voilà les raisons qui m'ont porté à renfermer avec le plus grand soin, en un seul corps, tout ce qui a rapport à l'architecture, dans la pensée que cet ouvrage pourrait être accueilli avec plaisir; et comme, dans le cinquième livre, j'ai traité des règles particulières aux édifices publics, je vais dans celui-ci donner le plan et les proportions des maisons particulières. |
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Caput 1
: De aedificiis disponendis secundum locorum proprietates. 13. Quoad potui summa ratione proprietates locorum ab natura rerum dispositas animadvertere, exposui, et quemadmodum ad solis cursum et inclinationes caeli oporteat ad gentium figuras constituere aedificiorum qualitates, dixi. Itaque nunc singulorum generum in aedificiis commensus symmetriarum et universos et separatos breviter explicabo. |
1. De la disposition des maisons appropriées aux localités. 1. La disposition d'une maison aura été avantageusement choisie, si, pour la bâtir, on a eu égard au pays et au climat. Qui ne voit, en effet, qu'une maison doit être différemment construite en Égypte qu'en Espagne, autrement dans le royaume de Pont qu'à Rome; que tel pays, tel climat exige une ordonnance particulière, parce qu'ici la terre est rapprochée de la ligne que parcourt le soleil, que là elle s'en trouve à une grande distance, qu'ailleurs elle tient le milieu entre ces deux extrémités. L'aspect du ciel, par rapport à l'étendue, de la terre, fait naturellement sentir à notre globe une influence différente, selon l'inclinaison du zodiaque, et le cours du soleil; il en résulte que l'emplacement des maisons doit être approprié à la nature des lieux et à la différence des climats. 2. Dans les pays septentrionaux, les maisons doivent être voûtées, parfaitement closes, avec de petites ouvertures, et tournées vers les parties où règne la chaleur. Au contraire, dans les régions méridionales qui sont exposées à l'action brûlante du soleil, elles doivent avoir de vastes ouvertures, et être tournées vers le septentrion et l'aquilon. Ainsi ce que la nature présente d'incommode, pourra être corrigé par l'art; et dans tous les pays, il faudra choisir une exposition accommodée à l'exposition du ciel, eu égard à l'élévation du pôle. 3. Il y a là des remarques, des observations, une étude à faire sur la nature des choses, et sur l'organisation des hommes. En effet, aux lieux où le soleil verse une chaleur modérée, les corps conservent dans une juste proportion les éléments qui les composent; mais ceux que, dans sa course plus rapprochée, il brûle, il consume, perdent leur humidité, ce qui en rompt l'équilibre. Dans les régions froides, au contraire, le grand éloignement du soleil empêche que l'humidité ne soit épuisée par la chaleur; bien plus, l'air chargé de rosée, remplissant les corps d'humidité, leur donne plus d'ampleur, et rend le son de la voix plus grave. Voilà aussi pourquoi les régions septentrionales voient naître des peuples à la taille colossale, au teint blanc, à la chevelure plate et rousse, à l'oeil pers, au tempérament sanguin, soumis qu'ils sont à l'influence d'un ciel froid et humide. 4. Quant à ceux qui sont voisins de la ligne équinoxiale, et qui reçoivent perpendiculairement les rayons du soleil, ils ont la taille plus petite, la peau basanée, les cheveux crépus, les yeux noirs, les jambes faibles, et peu de sang dans les veines à cause de l'ardeur du soleil. Aussi cette disette de sang leur fait-elle appréhender toute espèce de blessure; mais ils supportent sans crainte les chaleurs et les fièvres, parce que leurs corps y sont accoutumés. Les corps, au contraire, qui naissent au septentrion, craignent la fièvre, qui les affaiblit; mais l'abondance du sang leur ôte la crainte que pourrait leur donner une blessure. 5. Il n'y a pas moins de différence, de diversité dans le son de la voix des différents peuples de la terre, selon l'inclinaison de la ligne qui, bornant à l'orient et à l'occident la vue tout autour du globe, qu'elle divise en deux hémisphères, l'un supérieur, l'autre inférieur, semble former un cercle naturel que les mathématiciens appellent horizon. Une fois cette vérité reconnue, supposons que du bord de l'horizon, qui est vers le septentrion, on tire une ligne jusqu'au centre de l'axe du méridien, et que de ce point on trace obliquement une autre ligne qui s'élève jusqu'au pôle qui est derrière la constellation de l'Ourse, nul doute que ces lignes ne forment sur le globe une figure triangulaire semblable à l'instrument appelé par les Grecs sambyce. 6. Il suit de là que les peuples qui habitent l'espace le plus rapproché de la partie inférieure du triangle, c'est-à-dire sous l'équateur, ont, à cause du peu d'élévation du pôle, un son de voix plus grêle, plus aigu, comme les cordes qui, dans l'instrument, sont les plus voisines de l'angle. En suivant la progression, les peuples qui habitent le milieu de la Grèce, ont dans le son de la voix moins d'élévation; et si, partant de ce point, nous nous étendons, en parcourant la ligne, jusqu'aux extrémités septentrionales, à la partie la plus élevée du pôle, nous trouverons les nations faisant entendre naturellement des sons de voix plus graves. Il semble que le monde ait été, suivant son inclinaison, formé dans une proportion harmonique parfaitement en rapport avec la température que donne le soleil. 7. Les nations qui habitent le milieu entre l'équateur et le pôle ont, en parlant, un son de voix semblable aux tons qui occupent le milieu dans le diagramme. Celles qui avancent vers le septentrion, parce que le pôle est plus élevé pour elles, et que l'humidité remplit les conduits de la voix, font entendre naturellement et nécessairement des sons plus graves, comme l'hypate et la proslambanomenos. Voilà pourquoi aussi les peuples qui s'étendent de la région moyenne vers le midi ont, dans la voix, le timbre grêle et aigu des paranetes et des netes. 8.Cette vérité, que les lieux naturellement humides grossissent la voix, et que ceux qui sont chauds la rendent plus aiguë, peut se démontrer par cette expérience. Si l'on prend deux godets de terre, cuits ensemble dans le même fourneau, ayant même poids et même son, que l'on plonge l'un des deux dans l'eau, et qu'après l'en avoir retiré, on vienne à les frapper tous deux, on trouvera une grande différence dans les sons qu'ils rendront, aussi bien que dans leur poids. Il en est de même des corps des hommes : bien que formés de la même manière, et composés des mêmes éléments, les uns doivent à la chaleur du climat les sons aigus que leur voix fait entendre, les autres rendent des sons dont la qualité grave est le résultat d'une humidité abondante. 9. C'est encore à la subtilité de l'air, à la chaleur du climat, que les peuples méridionaux sont redevables de cette activité dans la conception de leurs projets. Les septentrionaux, au contraire, assoupis par la densité de l'air, refroidis par l'humidité de l'atmosphère, ont de l'engourdissement dans l'esprit. C'est une vérité dont les serpents pourront nous donner une preuve : lorsque la chaleur a épuisé l'humidité froide qui est dans leur corps, ils sont d'une agilité extraordinaire; l'hiver revient-il avec ses rigueurs, ses frimas, ce changement de température les refroidit, les engourdit, les rend immobiles. Il ne faut donc pas s'étonner que la chaleur donne de la vivacité à l'esprit de l'homme; le froid, au contraire, de la pesanteur. 10. Mais ces nations méridionales avec toute leur pénétration, leur subtilité, s'il vient à être question de faire acte de valeur, se trouvent sans énergie : le soleil, par sa chaleur, les énerve et leur ôte la force du courage ; tandis que celles qui naissent dans les pays froids ont plus d'assurance au milieu des horreurs de la guerre, et y déploient une valeur à toute épreuve; mais la pesanteur de leur esprit, le défaut de réflexion, le manque d'habileté sont les plus grands obstacles à l'exécution de leurs desseins. S'il est entré dans le plan de la nature de mettre entre toutes les nations des différences aussi marquées, elle a aussi voulu que le peuple romain occupât sur la terre l'espace intermédiaire qui participait à l'influence de ces divers climats. 11. C'est en effet le mélange de vigueur corporelle et de force d'âme qui fait le caractère des peuples d'Italie. La planète de Jupiter doit sa nature tempérée à sa position entre la chaleur immodérée de Mars et le froid excessif de Saturne; on peut dire, par la même raison, que c'est à la situation de l'Italie, entre le septentrion et le midi, qu'on doit attribuer la supériorité incontestable de ses qualités. Par sa valeur elle triomphe de la force des barbares, comme par sa prudence elle déjoue les projets des méridionaux. Il semble que les dieux n'aient placé la ville du peuple romain dans une région aussi belle et aussi tempérée que pour établir son empire sur toute la terre. 12. S'il est vrai que les pays, si diversement modifiés par les climats, soient appropriés à la nature différente des nations qui les habitent, et que les peuples y naissent avec de si grandes disparités, tant du côté de l'esprit que de celui du corps, ne doutons point que la disposition des maisons ne doive également être assortie au tempérament de chaque peuple, puisque la nature nous ouvre elle-même, d'une manière aussi simple qu'ingénieuse, la voie que nous devons suivre. 13. J'ai expliqué, avec toute l'exactitude qu'il m'a été possible d'y apporter, les propriétés que la nature a départies à chaque lieu; j'ai dit comment il fallait disposer les édifices suivant le cours du soleil, et l'inclinaison du ciel, suivant la nature des peuples; je vais maintenant donner en peu de mots les proportions générales et particulières de chaque espèce d'édifice. |
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Caput 2
: De aedificiorum privatorum proportionibus et mensuris secundum
naturam locorum. |
II. Des proportions et des mesures que doivent avoir les édifices des particuliers, suivant la nature des lieux. 1. Le premier soin de l'architecte doit être de prendre une mesure déterminée pour régler les proportions de l'édifice dans son ensemble. Une fois ces proportions bien établies, une fois toutes les mesures parfaitement prises sur le plan, ce sera alors faire preuve de talent, que de savoir, selon que la nature dur lieu, l'usage et la beauté le demandent, retrancher ou ajouter pour faire des amendements, sans que les corrections paraissent faire perdre à la symétrie rien de sa régularité, rien de ce qui plaît à la vue. 2. Tel objet placé sous la main est vu d'une tout autre manière, quand il est élevé; tel autre se trouve dans un lieu enfermé, qui est tout différent lorsqu'il est à découvert. C'est dans la combinaison des moyens à prendre dans ces circonstances, que le jugement se fait remarquer. L'oeil ne calcule pas toujours avec exactitude; souvent il nous induit en erreur par ses appréciations. Dans un tableau, les colonnes semblent se détacher sur le fond, les mutules être en saillie, les statues s'avancer hors de la toile que nous savons pourtant avoir une surface plane. Les rames d'un vaisseau, bien que droites sous l'eau, nous paraissent néanmoins rompues, et tant que leurs parties ne font qu'effleurer la superficie de l'eau, elles apparaissent telles qu'elles sont droites ; mais elles ne sont pas plutôt plongées dans l'eau que, à cause de la rareté transparente de l'élément qui laisse passer jusqu'à sa surface l'image que le corps des rames y envoie, et qui vient s'y refléter, elles produisent à l'oeil l'effet de rames brisées. 3. Or, que ce soient les objets qui renvoient leur image ou qui reçoivent, comme le veulent les physiciens, les rayons qui partent de nos yeux, il n'en est pas moins vrai, dans l'un et l'autre cas, que nos yeux portent des jugements erronés. 4. Puis donc que ce qui est vrai semble ne pas l'être, et que certaines choses sont reconnues pour n'être pas ce que l'oeil les a jugées, je ne crois pas qu'on doive douter qu'il ne soit nécessaire d'ajouter ou de retrancher, selon que l'exige la nature des lieux, sans toutefois que les changements laissent rien à désirer; mais pour réussir en cela, il faut avoir autant de pénétration que de science. 5. Le premier point sera donc d'établir une règle de proportion à laquelle on puisse faire d'une manière précise les changements nécessaires ; le second, de tracer le plan du bâtiment que l'on veut faire, en y joignant celui de la localité, avec la longueur et la largeur : une fois les dimensions bien prises, on y conformera les proportions et la convenance, afin qu'au premier aspect on en saisisse facilement l'eurythmie. C'est de cet accord symétrique, et des moyens d'y parvenir, que je vais parler maintenant. Je commencerai par expliquer comment doivent être faites les cours des maisons. |
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Caput 3
: De cavis aedium, sive atriis, de alis, tablino et peristylio; de
tricliniis, exedris, pinacothecis et eorum dimensionibus; de oecis
more Graeco. |
III. Des cavaedium, ou atrium, et de leurs ailes; du cabinet d'étude et du péristyle; des salles à manger, des salons, des exèdres; des galeries du tableaux, et de leurs dimensions; des salons à la manière des Grecs. 1. Les cavædium sont de cinq espèces. Leur disposition les a fait appeler toscans, corinthiens, tétrastyles, découverts et voûtés. Les toscans sont ceux où il y a deux poutres qui, s'étendant dans la largeur de la cour, soutiennent les poutres de traverse, et les conduits des noues qui sont entre les angles des murs et les croix que font les poutres; outre cela, les pièces de bois qui soutiennent le toit, disposé en pente pour l'écoulement des eaux, inclinent vers le compluvium. Les cavaedium corinthiens ont aussi des poutres et un compluvium disposés de la même manière ; seulement ces poutres s'éloignent davantage des murs et portent sur des colonnes dans le pourtour de la cour. Les tétrastyles sont ceux où quatre colonnes, placées aux angles formés par les poutres, soutiennent ces poutres et les affermissent, parce qu'il n'est pas nécessaire qu'elles aient une grande longueur, et qu'elles n'ont point à supporter la charge des traverses. 2. Les cavædium découverts sont ceux où les royaux qui soutiennent le chéneau renvoient l'eau de pluie par derrière. La disposition de ces cours est très avantageuse, en ce que, pendant l'hiver, le compluvium, étant tout droit, n'empêche point la lumière de pénétrer dans les appartements; mais ce qu'il y a de très désagréable, ce sont les réparations qu'elles exigent; les eaux qui coulent en abondance de dessus les toits, ont bientôt rempli les tuyaux de descente qui ne leur ouvrent point un passage assez libre au moment où elles sortent des chéneaux; elles grossissent, elles regorgent, et elles altèrent la menuiserie des croisées, et les murs de ces sortes d'édifices. Les cavædium voûtés se font où il y a peu d'espace, et ce moyen permet de rendre plus spacieux les appartements des étages qu'elles supportent. 3. La longueur et la largeur des cavædium en forment trois genres différents. Le premier, c'est quand, ayant divisé la longueur en cinq parties, on en donne trois à la largeur; le second, lorsque, l'ayant divisée en trois parties, deux sont consacrées à la largeur; le troisième, quand, ayant tracé un carré équilatéral, et tiré dans ce carré une ligne diagonale, on prend cette diagonale pour en faire la longueur. 4. La hauteur, jusqu'au-dessous des poutres, doit être égale à la longueur, moins une quatrième partie. La profondeur des plafonds aura, au-dessus des poutres, une proportion convenable. La largeur des deux galeries, qui se développent à droite et à gauche, doit être du tiers de la longueur de la cour, si elle est de trente à quarante pieds; si sa longueur est de quarante à cinquante pieds, elle sera divisée en trois parties et demie, dont une sera donnée à la largeur de la galerie; si elle est de cinquante à soixante pieds, les galeries auront la quatrième partie; si elle est de soixante à quatre-vingts pieds, on la divisera en quatre parties et demie, dont une sera pour la largeur des galeries. Enfin, si elle est de quatre -vingts à cent pieds, la cinquième partie de cette longueur donnera justement la largeur des galeries. Les architraves de ces galeries seront placées assez haut pour que la hauteur réponde à la largeur. 5. Le cabinet d'étude aura les deux tiers de la largeur de la cour, si elle est de vingt pieds. Si elle est de trente à quarante, on ne lui en donnera que la moitié; si elle est de quarante à soixante, on divisera cette largeur en cinq parties, dont deux seront données au cabinet d'étude. Les petits atrium et les grands ne peuvent avoir les mêmes proportions: car si les proportions des petits sont suivies pour les grands, les cabinets d'étude, aussi bien que les galeries, ne pourront être d'aucune utilité; et si, au contraire, on se sert des proportions des grands atrium pour les petits, ces parties seront trop vastes. Voilà pourquoi, en général, il faut, pour déterminer les proportions qu'ils doivent avoir, consulter l'usage auquel on les destine, et l'effet qu'elles produiront à la vue. 6. La hauteur du cabinet d'étude, jusqu'au-dessous des poutres, doit être égale à sa largeur, plus une huitième partie. La profondeur du plafond ajoutera à cette hauteur la sixième partie de la largeur. L'entrée des plus petites cours sera des deux tiers de la largeur du cabinet d'étude, et celle des plus grandes de la moitié de cette largeur. La hauteur des images avec leurs ornements, sera proportionnée à la largeur des galeries. Pour la largeur et la hauteur des portes, on suivra les proportions doriques, si elles doivent être doriques, et les proportions ioniques, si elles doivent être ioniques. On se conformera aux proportions qui ont été établies à cet égard au quatrième livre. L'ouverture du compluvium ne peut avoir ni moins du quart, ni plus du tiers de la largeur de l'atrium; quant à sa longueur, elle sera proportionnée à celle de l'atrium. 7. La longueur des péristyles doit avoir en travers un tiers de plus qu'en profondeur. Les colonnes seront aussi hautes que le portique sera large. Les entre-colonnements ne comprendront ni moins de trois diamètres de colonne, ni plus de quatre. Si toutefois les colonnes du péristyle doivent être d'ordre dorique, il sera nécessaire de recourir aux mesures dont j'ai parlé au quatrième livre, à propos de l'ordre dorique, pour en régler les proportions aussi bien que celles des triglyphes. 8. Les salles à manger doivent être deux fois aussi longues que larges. La hauteur de tous les appartements qui sont oblongs, sera déterminée de cette manière : on en réunira la longueur à la largeur, et du tout on prendra la moitié : cette moitié sera la mesure qu'on lui donnera. Si les salons et les exèdres sont carrés, on ajoutera la moitié de la largeur pour en avoir la hauteur. Les galeries de tableaux, comme les exèdres, seront établies sur une plus grande échelle. Les salons corinthiens, et les tétrastyles, et ceux qu'on appelle égyptiens, auront en longueur et en largeur les proportions qui viennent d'être prescrites pour les salles à manger; mais l'emplacement des colonnes exige un espace plus étendu. 9. Les salons corinthiens et les salons égyptiens offriront pourtant cette différence, que les corinthiens ont des colonnes du même ordre, avec ou sans piédestal, et soutiennent des architraves et des corniches en menuiserie ou en stuc. De plus, au-dessus de sa corniche, s'arrondit le plafond en voûte surbaissée, tandis que les salons égyptiens ont les architraves sur les colonnes, et des planchers qui vont des architraves jusqu'aux murs qui sont alentour. Le dessus de ce plancher est pavé et forme une galerie découverte qui tourne tout autour. Sur l'architrave, au droit des colonnes d'en bas, on en élève de nouvelles d'un quart plus petites. Elles sont surmontées de leurs architraves et des autres parties de l'entablement sur lesquelles posent les ornements du plafond. Entre les colonnes d'en haut sont placées les fenêtres; ce qui les fait ressembler aux basiliques, bien plus qu'aux salles à manger corinthiennes. 10. On fait encore des salons dont le style n'appartient point à l'Italie : les Grecs les appellent cyzicènes. Ils sont tournés vers le septentrion, et ont vue le plus souvent sur des jardins. Leurs portes sont au milieu. Ils doivent être assez longs et assez larges pour contenir deux tables à trois lits, mises en regard l'une de l'autre, avec l'espace exigé pour la commodité du service. Ils ont à droite et à gauche des fenêtres qui ouvrent jusqu'au bas comme des portes, afin que de dessus les lits on puisse facilement voir les jardins. Leur hauteur répond à la largeur, plus la moitié de cette largeur. 11. Pour ces sortes d'édifices, on ne peut guère adopter de proportions que celles que comporte la nature du lieu. Il est facile d'avoir des jours, si la hauteur des murs voisins ne vient pas intercepter la lumière; s'il y avait obstacle à cause du peu d'espace ou de toute autre raison, c'est alors qu'il faudrait user de son adresse et de son talent pour diminuer ou augmenter les proportions de manière à exécuter de belles choses qui ne fussent point contraires aux véritables proportions. |
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Caput 4
: Ad quas caeli regiones quaeque aedificiorum genera spectare debeant
ut uni et salubrati sint idonea. |
IV. Vers quelle partie du ciel doit être tournée chaque espèce d'édifices, pour qu'ils soient commodes et sains. 1. Je vais maintenant expliquer vers quelles parties du ciel doivent être tournés les divers genres d'édifices, suivant l'usage auquel ils sont destinés. Les salles à manger d'hiver et les bains auront vue sur le couchant d'hiver, parce qu'on a besoin de la lumière du soir, et encore parce que le soleil couchant, en envoyant en face sa lumière, répand vers le soir une douce chaleur dans les appartements. Les chambres à coucher et les bibliothèques seront tournées vers l'orient; leur usage demande la lumière du matin; et de plus les livres ne pourrissent point dans ces bibliothèques, tandis que dans celles qui sont exposées au midi et au couchant, les teignes et l'humidité gâtent les livres, parce que les vents humides font naître et nourrissent ces insectes, et altèrent les livres en les faisant moisir. 2. Les salles à manger dont on se sert au printemps et pendant l'automne, doivent être tournées vers l'orient: car, à l'aide d'un rideau placé devant les fenêtres, on éloigne les rayons du soleil, dont la marche rapide vers l'occident y laisse bientôt une douce température pour le temps où l'on a particulièrement besoin de s'en servir. Les salles d'été regarderont le septentrion, parce que cette exposition ne ressemble point aux autres que les chaleurs du solstice rendent insupportables; opposée au cours du soleil, toujours fraîche, elle offre à la fois salubrité et agrément. Cette exposition ne convient pas moins pour les galeries de tableaux, et les ateliers de broderie et de peinture, parce que le jour, qui y est toujours égal, ne fait rien perdre aux couleurs de leur éclat. |
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Caput 5
: De aedificiorum propriis locis et generibus ad quascumque personarum
qualitates convenientibus. 4. Quoad potui, urbanas rationes aedificiorum summatim perscripsi, ut proposui : nunc rusticorum expeditionem, ut sint ad usum commoda, quibusque rationibus collocare oporteat ea, dicam. |
V. Des édifices considérés sous le rapport de leur disposition particulière, relativement à la qualité des personnes qui doivent les habiter. 1. Après avoir ainsi orienté une maison, il faudra s'occuper de la manière d'en distribuer les différentes parties, selon qu'elles seront destinées au père de famille, ou aux étrangers. Ce n'est, en effet, que sur une invitation qu'on peut entrer dans les appartements particuliers, tels que chambres à coucher, salles à manger, bains et autres pièces également consacrées à des usages particuliers. Mais il est d'autres parties dans lesquelles le public a le droit d'entrer sans être invité : ce sont les vestibules, les cavædium, les péristyles et autres endroits destinés à des usages communs. Or, les personnes d'une condition ordinaire n'ont besoin ni de magnifiques vestibules, ni de cabinets de travail, ni de cours spacieuses, parce qu'elles vont ordinairement présenter leurs hommages aux autres, sans qu'on vienne en faire autant chez elles. 2. Ceux qui font trafic des biens de la terre, doivent avoir à l'entrée de leur maison des étables, des boutiques, et, dans l'intérieur, des caves, des greniers, des celliers et autres pièces qui servent plus à la conservation des fruits qu'à la beauté et à l'agrément de la maison. Aux gens d'affaires et aux financiers, il faut des demeures plus commodes et plus belles, et qui soient à l'abri des voleurs. Il en faut encore de plus élégantes et de plus grandes aux avocats et aux gens de lettres, qui ont à recevoir beaucoup de monde. La noblesse, enfin, qui occupe les grandes charges de la magistrature et de l'État, devant donner audience au public, doit avoir de magnifiques vestibules, de vastes cours, des péristyles spacieux, des jardins ombragés, de larges promenades; tout doit être beau et majestueux; ajoutez à cela des bibliothèques, des galeries de tableaux, des basiliques dont la magnificence égale celle des édifices publics, parce que chez eux les affaires publiques se traitent souvent en conseil, et que les différends des particuliers y sont réglés par sentence du juge et par arbitrage. 3. Si la disposition des édifices a été de cette manière appropriée aux différentes conditions des personnes, les principes posés dans le premier livre, au sujet de la bienséance, auront été parfaitement observés, et les parties de chaque maison seront commodes et correctes. Telles sont les règles dont l'application importe, non seulement aux constructions de la ville, mais encore à celles de la campagne, avec cette différence pourtant qu'à la ville la cour vient immédiatement après la porte, et qu'à la campagne les péristyles touchent à l'habitation du maître, et que les cours sont entourées de portiques pavés qui ont vue sur les palestres et les promenades. 4. Je viens, autant qu'il m'a été possible de le faire sommairement, de donner, comme je l'avais promis, la manière de disposer les maisons de la ville ; je vais dire comment il faut s'y prendre pour rendre celles de la campagne commodes et propres aux usages auxquels elles sont destinées. |
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Caput 6
: De rusticorum aedificiorum rationibus. 8. Quoad potui distributiones operum nostratium, uti sint aedificatoribus non obscurae, explicui : nunc etiam quemadmodum Graecorum consuetudinibus aedificia distribuantur, uti non sint ignota, summatim exponam. |
VI. De la disposition des maisons à la campagne. 1. Il faut d'abord s'occuper de la salubrité, comme nous l'avons prescrit dans le premier livre au sujet des fondements des murs, et pour cela, examiner les différentes expositions, et donner la meilleure à la maison. Sa grandeur doit être proportionnée à l'étendue de la terre, à la quantité des produits ; le nombre et la grandeur des basses-cours seront déterminés par la quantité des bestiaux et le nombre des charrues. La cuisine sera placée dans l'endroit le plus chaud de la cour, et les étables à boeufs y attenant auront leurs crèches tournées vers la cheminée et le soleil levant; les boeufs, à la vue du feu et de la lumière, ne deviennent point hérissés. Aussi les laboureurs expérimentés pensent-ils que les étables à boeufs ne doivent être exposées qu'au soleil levant. 2. Leur largeur ne doit pas avoir moins de dix pieds ni plus de quinze; quant à leur longueur, elle devra être dans la proportion de sept pieds au moins pour chaque paire de boeufs. Que la salle de bains soit aussi contiguë à la cuisine; le service qu'exigent les bains à la campagne sera plus facile. Il faudra encore que le pressoir soit tout auprès de la cuisine : cette proximité rendra plus aisée la préparation des olives; viendra ensuite le cellier dont les fenêtres tireront le jour du septentrion : car si elles étaient exposées de manière à laisser pénétrer la chaleur du soleil, le vin qu'il contiendrait tournerait et perdrait de sa force. 3. L'endroit où l'on serre les huiles doit, au contraire, avoir ses jours ouverts du côté du soleil du midi : car la gelée leur est nuisible, au lieu qu'une douce chaleur conserve leur qualité. La grandeur des celliers doit être proportionnée à la quantité des fruits, et au nombre des tonneaux, qui, s'ils sont de la plus grande mesure, doivent occuper par le milieu une place de quatre pieds. Quant au pressoir, si la machine, au lieu d'être à vis, est à leviers et à arbre, il n'aura pas moins de quarante pieds de longueur, ce qui permettra de faire jouer librement le levier. Sa largeur ne sera pas moindre que seize pieds. Par là les ouvriers auront tous leurs mouvements libres et faciles. Mais si l'on a besoin de deux machines, il faudra donner au pressoir vingt-quatre pieds de largeur. 4. Les étables à brebis et à chèvres doivent être assez grandes pour que chaque bête puisse avoir quatre pieds et demi de place au moins, et six au plus. Les greniers seront élevés et tournés vers le septentrion ou vers l'aquilon; ces précautions empêcheront le grain de s'échauffer, et la fraîcheur du vent les conservera longtemps. Les autres expositions engendrent les charançons et tous ces insectes qui rongent ordinairement le blé. Il faut que les écuries soient bâties tout auprès de la maison, dans l'endroit le plus chaud, pourvu toutefois qu'elles ne soient pas tournées vers la cheminée, car les chevaux qui se trouvent placés dans le voisinage du feu perdent le poli de leur poil. 5. Il n'est point non plus inutile que des crèches soient placées en dehors de la cuisine, à découvert, du côté de l'orient; en hiver, lorsque par un beau temps, les boeufs y sont menés, ils prennent leur nourriture au soleil du matin, et deviennent plus beaux. Les granges, les greniers à foin et à blé, le moulin doivent être construits à une certaine distance de la maison, pour qu'elle n'ait rien à craindre du feu. Si l'on veut ajouter quelque ornement à la maison, les proportions qui ont été données ci-dessus pour les édifices de la ville, pourront être suivies, pourvu qu'il n'en résulte aucun embarras pour le service de la ferme. 6. Tous les édifices doivent être parfaitement éclairés; le point est important. C'est une chose facile à la campagne, où les murailles d'un voisin ne peuvent venir s'opposer au jour; à la ville, au contraire, la hauteur d'un mur mitoyen, le rapprochement des maisons répandent de l'obscurité. Pour voir si l'on aura assez de jour, il faut faire l'expérience suivante : du côté où l'on voudra prendre le jour, on tendra une corde depuis le haut du mur qui peut faire obstacle au jour, jusqu'à l'endroit où il doit être reçu; et si de cette corde, en regardant en haut, on peut découvrir une vaste étendue du ciel, la lumière arrivera dans le lieu sans empêchement. 7. Si le jour était arrêté par une poutre, un linteau, un plancher, il faudrait faire des ouvertures au-dessus des obstacles qu'il rencontre, et l'introduire par là; en un mot, il faut s'y prendre de manière que partout où le ciel pourra être vu à découvert, il y ait place pour des fenêtres : c'est ainsi qu'on aura des maisons bien éclairées. Les chambres et les salles à manger exigent beaucoup de jour; mais c'est surtout aux passages, aux escaliers en limaçon et aux droits qu'il faut en donner, parce que souvent il arrive que des personnes s'y rencontrent venant les unes d'un côté, les autres de l'autre, et s'y croisent avec des fardeaux qu'elles portent. 8. Je viens d'expliquer la manière de distribuer les maisons en Italie, assez clairement, je pense, pour que les constructeurs n'y trouvent rien d'obscur. Je vais dire sommairement comment les Grecs ont l'habitude de disposer leurs maisons, afin qu'on ne l'ignore pas. |
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Caput 7
: De Graecorum aedificiorum eorumque partium dispositione. |
VII. De la disposition des édifices grecs, et des parties qui les composent. 1. Les cours ne sont point en usage chez les Grecs, aussi n'en bâtissent-ils point; mais de la porte d'entrée on pénètre dans un corridor assez étroit, ayant d'un côté les écuries, de l'autre la loge du portier, et terminé par une porte intérieure. Ce passage, ainsi placé entre deux portes, s'appelle en grec θυρωρεῖον. De là on entre dans le péristyle. Ce péristyle a des portiques de trois côtés; à celui qui regarde le midi, il y a deux antes, placés à une grande distance l'un de l'autre, qui soutiennent un poitrail; l'espace compris entre les deux antes, moins un tiers, donne la profondeur de ce lieu, que quelques-uns appellen προστάς, et d'autres παραστάς. 2. C'est là que sont placées intérieurement de grandes salles où les mères de famille vont s'asseoir au milieu des femmes qui apprêtent les laines. À droite et à gauche du prostadium se trouvent des chambres, dont l'une s'appelle thalamus, l'autre antithalamus. Autour des portiques sont les salles à manger ordinaires, les chambres à coucher, le logement des domestiques. Cette partie de la maison s'appelle gynécée. 3. À ce bâtiment s'en joint un autre plus vaste, ayant de plus larges péristyles, dont les quatre portiques sont de hauteur égale, ou dont l'un, celui qui regarde le midi, est soutenu par des colonnes plus hautes. Ce péristyle, dont le portique est plus élevé, se nomme rhodien. Il y a de ce côté de magnifiques vestibules, des portes particulièrement belles. Les portiques des péristyles sont ornés de stuc, de peintures et de lambris en menuiserie. Le long du, portique qui regarde le septentrion, sont placées les salles à manger, nommées cyzicènes, et les cabinets de tableaux; celui qui regarde l'orient contient la bibliothèque; celui de l'occident renferme les salles de conférence; on voit au portique du midi les grandes salles carrés assez vastes et assez spacieuses pour pouvoir contenir sans difficulté quatre tables à trois lits, avec l'espace nécessaire pour le service et pour les jeux. 4. Ces salles sont réservées aux festins des hommes; il n'est point d'usage chez eux d'admettre à leur table les mères de famille. Ces péristyles s'appellent andronitides, parce que les hommes n'y sont point importunés par les femmes. Il y a encore à droite et à gauche de petits appartements avec des portes particulières, des salles à manger et des chambres commodes, destinées à recevoir les étrangers qu'on ne met point dans les appartements qui ont des péristyles. Les Grecs, si délicats et si somptueux, faisaient préparer, à l'arrivée de leurs hôtes, des salles à manger, des chambres à coucher, un office bien approvisionné. Le premier jour ils les invitaient à leur table, et les jours suivants, ils leur envoyaient des poulets, des oeufs, des légumes, des fruits et toutes les autres choses qu'ils recevaient de la campagne. Voilà pourquoi les peintres ont appelé xenia les peintures qui représentent ces présents qu'on envoyait à ses hôtes. Ainsi les pères de famille ne se sentaient point étrangers sous le toit hospitalier, jouissant, dans ces appartements, de la même liberté qu'ils auraient eue chez eux. 5. Entre ces péristyles et les appartements. consacrés aux hôtes, sont des passages appelés mesaulae, nom tiré de la position qu'ils occupent entre deux bâtiments; nous les appelons, nous, andrones. Et ce qu'il y a d'étonnant, c'est que ce mot n'a point en grec la même signification qu'en latin. Les Grecs, en effet, appellent ἀνδρῶνες les grandes salles où les hommes ont coutume de faire leurs festins, sans que les femmes y paraissent. Nous nous servons encore de quantité de mots pris dans des acceptions différentes, tels que xystus, prothyyrum, telamones et quelques autres. Ξυστός dans l'acception grecque, signifie un vaste portique où s'exercent les athlètes pendant l'hiver, et nous, nous appelons xysta les promenades découvertes que les Grecs nomment παραδρομίδας. Les Grecs appellent encore prothyra les vestibules qui sont devant les portes; chez nous, prothyra est lle διάθυρα des Grecs. 6. Si quelques figures d'hommes soutiennent des mutules ou des corniches, nous les nommons telamones. Pourquoi leur donne-t-on ce nom? C'est ce que l'histoire ne nous apprend pas : les Grecs les appellent ἄτλαντες. L'histoire représente Atlas soutenant le ciel sur ses épaules, parce qu'il est le premier qui, après de longues et judicieuses observations, enseigna aux hommes le cours du soleil et de la lune, le lever et le coucher des astres, les révolutions de l'univers; et c'est en récompense de ce bienfait que les peintres et les statuaires l'ont représenté soutenant le ciel sur ses épaules, et que ses filles Atlantides, que les Latins appellent Vergiliae, et les Gres Πλειάδες, ont été mises au nombre des étoiles. 7. Ce n'est pas pour changer des noms consacrés par l'usage que j'ai fait cet exposé; mais j'ai cru ne pas devoir taire des choses que les philologues ne devaient pas ignorer. Après avoir exposé les différentes manières de construire les édifices tant en Grèce qu'en Italie, et donné les proportions suivies par les deux peuples, après avoir parlé de leur beauté et de leur disposition, il me reste à traiter de leur solidité et des moyens de les faire durer à jamais, sans qu'ils aient à souffrir des injures du temps. |
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Caput 8
: De firmitate et fundamentis aedificiorum. |
VIII. De la solidité et des fondements des édifices. 1. Si les édifices qui se construisent au rez-de-chaussée, ont leurs fondements faits de la manière que nous avons enseignée dans les livres précédents qui traitent des murailles et des théâtres, ils renfermeront certainement toutes les conditions d'une longue durée. Mais si des caves nécessitent la construction d'une voûte, il faudra donner aux fondements plus d'épaisseur qu'ils n'en auraient, s'il n'était question que d'édifices bâtis hors de terre, et faire en sorte que les murailles, les piliers, les colonnes soient parfaitement d'aplomb sur les mêmes parties inférieures, et ne reposent point sur le vide: car si le poids des murailles et des colonnes porte à faux, impossible de compter sur une grande solidité. 2. Il ne sera pas mauvais de placer au-dessus de chaque linteau deux poteaux qui se rapprochant par le haut s'appuieront sur les pieds-droits: car les linteaux, les poitrails qui ont à supporter une lourde maçonnerie, venant à plier au milieu, se rompent, et entraînent cette maçonnerie. Mais ces poteaux, ayant été mis dessus et bien assujettis, empêcheront que les linteaux ne s'affaissent et n'endommagent les constructions. 3. Il faut encore avoir soin que le poids des murs soit allégé par des décharges faites avec des pierres taillées en forme de coin, et dont les lignes correspondent à un centre. Les arcs formés avec des pierres ainsi taillées, venant se fermer aux deux extrémités du linteau et du poitrail, empêcheront d'abord que le bois, déchargé de son fardeau, ne plie, et permettront, si le temps vient à occasionner quelque dommage, de le réparer facilement, sans qu'il soit besoin d'avoir recours aux étais. 4. Les édifices élevés sur des piliers réunis par des arcades formées avec des pierres taillées en forme de coin, et dont les jointures correspondent à un centre, exigent que les piliers des angles soient plus larges, afin qu'ils puissent opposer plus de résistance aux pierres taillées en forme de coin qui, chargées par le poids des murailles, et s'abaissant par les jointures vers le centre, pourraient faire reculer les impostes. Si donc on donne beaucoup de largeur aux piliers des extrémités, les pierres en forme de coin seront fortement contenues, et l'ouvrage y gagnera en solidité. 5. Après que toutes ces observations auront été exactement mises en pratique, il faudra encore faire attention à ce que toutes les parties de la maçonnerie soient bien d'aplomb, sans que rien penche d'aucun côté. C'est surtout aux murs des souterrains qu'il faut apporter le plus grand soin, à cause des terres qui ordinairement déterminent grand nombre d'accidents. Les terres, en effet, n'ont pas dans les autres saisons le même poids qu'en été; pénétrées par les pluies abondantes de l'hiver, elles se gonflent, et par le poids et le volume qu'elles acquièrent, elles pressent et rompent la maçonnerie. 6. Pour remédier à cet inconvénient, il faut d'abord proportionner l'épaisseur du mur au volume de terre qu'il a à soutenir, bâtir ensuite en même temps que le mur et en dehors, des arcs-boutants et des contre-forts dont la largeur soit égale à celle des fondements, et qui soient distants les uns des autres de toute la grandeur qu'on aura donnée à l'épaisseur des fondements. La partie inférieure devra avoir autant de longueur que les fondations auront de hauteur, puis ils se rétréciront graduellement de manière que la partie supérieure de leur saillie ne soit pas plus grande que le mur n'est épais. 7. Il faudra encore disposer en dedans une espèce de dentelure en forme de scie qui soit jointe au mur, et opposée à la terre. Chaque dent devra s'éloigner du mur à une distance égale à la hauteur des fondements; la maçonnerie de ces dents sera aussi épaisse que celle du mur. Enfin à l'extrémité des angles, après s'être éloigné de l'angle intérieur d'un espace égal à la hauteur des fondements, on fera une marque de chaque côté, et de l'une de ces marques à l'autre, on dirigera un mur diagonal, du milieu duquel un autre ira joindre l'angle du mur. Par cette disposition les terres seront arrêtées, retenues; les dentelures et les murailles diagonales empêcheront que tout leur poids ne vienne peser contre le mur. 8. Je viens d'enseigner à ceux qui entreprennent de bâtir la manière de faire une construction sans défaut, et les mesures qu'il faut prendre pour cela : car pour ce qui regarde les couvertures, les poutres, les chevrons, leur renouvellement ne présente pas la même importance; et, s'ils viennent à pourrir, il est facile de les remplacer. Donner les moyens de rendre solide ce qui ne paraissait pas susceptible de l'être, tracer le plan d'une bonne disposition, tel a été le but que je me suit efforcé d'atteindre. 9. De quelle espèce de matériaux faut-il se servir? Voilà ce qu'il n'est pas au pouvoir de l'architecte de déterminer, parce qu'on ne trouve pas en tous lieux toute espèce de matériaux, comme nous l'avons dit dans le dernier livre, et qu'il dépend de la volonté de celui qui fait bâtir d'employer la brique, le moellon ou la pierre de taille. Tout ouvrage peut être considéré sous trois points de vue, la main d'oeuvre, la magnificence et la disposition. Quand un ouvrage se distingue par une magnificence et une perfection qui annoncent la richesse du possesseur, on loue la dépense; s'il se fait remarquer par le fini du travail, on apprécie le mérite de l'ouvrier; mais lorsqu'il se recommande par la beauté et la justesse des proportions, c'est alors que triomphe l'architecte. 10. Et
son succès sera assuré, s'il veut bien ne pas fermer l'oreille aux
conseils des simples ouvriers, et même des personnes étrangères à
son art : car ce n'est point à l'architecte seulement qu'il est donné
de juger ce qui est bon. Il y a pourtant cette différence entre
l'architecte et celui qui ne l'est pas, que ce dernier ne peut se
faire une idée de l'ouvrage que lorsqu'il est terminé; tandis que
l'architecte, avant même d'avoir commencé l'exécution du plan qu'il
a imaginé, saisit parfaitement de son oeuvre future la beauté, la
disposition, la convenance. |
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NOTES DU LIVRE SIXIÈME. J'ai besoin avant de commencer les notes de ce second volume, d'adresser de sincères remerciements pour toute les attentions dont j'ai été l'objet de leur part, à M. Lucas, directeur de l'imprimerie de M. Panckoucke, et à M. J. Chenu correcteur et collaborateur, aussi modeste que distingué, de la collection des Classiques et les prie d'avoir pour agréable le seul témoignage que je puisse leur offrir de ma reconnaissance. (01) - Athenensium non omnes, nisi eos, qui liberos artibus erudissent. La population d'Athènes, dit Plutarque (Vie de Solon, ch. XXX), s'augmentait chaque jour, par le grand nombre d'étrangers qu'attirait de toutes parts la liberté dont on jouissait dans l'Attique. Mais la plus grande partie de son territoire n'offrait qu'un sol ingrat et stérile, et les marchands qui faisaient le commerce maritime, n'apportaient rien à ceux qui ne leur donnaient rien en échange. Solon, frappé de ces inconvénients, tourna du côté des arts l'industrie de ses concitoyens, et fit une loi qui dispensait un fils de l'obligation de nourrir son père, quand celui-ci ne lui avait point fait apprendre un métier. (02). - Si primo animadversum fuerit, quibus regionibus aut quibus inclinationibus mundi constituantur. Bien que Vitruve, dans l'explication qu'il donne de l'influence des climats sur le corps humain, ne soit pas toujours d'une grande exactitude, il n'en est pas moins vrai qu'un architecte doit différemment construire les édifices dans les diverses contrées, suivant le climat et la nature du pays. Et ces règles générales, que l'auteur donne dans ce chapitre, l'architecte doit savoir les appliquer à une infinité de cas particuliers, parce qu'il ne faut pas croire que la température soit exactement la même dans les pays situés sous le même climat : car combien de circonstances, comme les vents, les volcans, le voisinage de la mer, la position des montagnes, ne se combinent-elles pas avec l'action du soleil, et ne rendent-elles pas la température très différente dans des lieux placés sous le même parallèle? (03) - Namque aliter Aegypta, aliter Hispania. Ces pays ont en effet des horizons différents. Or, l'horizon est un cercle qui rase la surface de la terre, et qui sépare la partie visible de la terre et du ciel, de celle qui est invisible. Ce mot, purement grec, signifie à la lettre finissant ou bornant la vue ὅριζω termino, definio, d'où en latin finitor. (04) - Ceteris terrarum et regionum proprietatibus oportere videntur constitui genera aedificiorum. Bien que ce précepte saute aux yeux, les architectes ne sauraient trop se pénétrer de cette idée, que ce n'est point seulement par imitation qu'ils doivent procéder, et que ce serait grandement se tromper que de transporter l'architecture italienne dans les pays septentrionaux ; qu'avant de tracer un plan, ils doivent étudier la nature du climat, connaître les mœurs et les habitudes du pays. (05). - Haec autem ex natura rerum sunt animadvertenda, et consideranda, atque etiam ex membris corporibusque gentium observanda. Montesquieu, dans le XIVe livre de l'Esprit des lois, examine l'influence du climat sur les mœurs, le caractère et les lois des peuples; et bien qu'on puisse dire en général qu'il en étend trop les effets, il est incontestable, et plusieurs auteurs anciens et modernes l'ont remarqué, que la température, la localité, la nourriture contribuent à former les inclinations de l'homme, et à déterminer sa constitution morale; mais il n'en est pas moins vrai, comme le dit l'éditeur anonyme de 1764, que l'éducation et les lois peuvent vaincre ses inclinations et ses mœurs, et leur donnant une autre direction, le former au vice ou à la vertu. L'histoire est remplie de changements arrivés dans les mœurs des peuples ; et souvent une génération ne ressemble en rien à celle qui l'a précédée. Personne ne sera tenté d'attribuer ces révolutions à l'influence du climat. Voyez MONTESQUIEU, de l'Esprit des lois, liv. XIV, ch. 2. Hippocrate, Platon, Aristote et les hommes les plus doctes de l'antiquité ont reconnu et proclamé l'influence du climat sur la société; et Varron (Écon. rur., liv. I, ch. 2), parlant de la division qu'Ératosthène fait de notre globe, semblerait donner tort à J.-J. Rousseau qui, dans le Contrat social, attribue cette doctrine à Montesquieu. Mais si nous ne nous attachons qu'aux affections corporelles de chaque nation par rapport au climat, nous verrons qu'on a assez généralement observé que les habitants des climats chauds sont plus petits, plus secs, plus vifs, plus gais, communément plus spirituels, moins laborieux, moins vigoureux; qu'ils ont la peau moins blanche ; qu'ils sont plus précoces ; qu'ils vieillissent plus tôt, et vivent moins longtemps que les habitants des climats froids; que les femmes des pays chauds sont moins fécondes que celles des pays froids; que les premières sont plus jolies, mais moins belles que les dernières, etc. (06) - Sub septentrionibus nutriuntur gentes immanibus corporibus, candidis coloribus, directo capillo et rufo. Tacite a dit des Germains : Truces et caerulei oculi, rutilae comae, magna corpora. Leurs yeux bleus et farouches, leurs cheveux d'un blond ardent, leurs grands corps. Comment douter, dit Pline (Hist. Nat., liv. II, ch. 80), que l'Éthiopien brûlé par l'ardente chaleur d'un astre trop près de lui, ne lui doive ce teint brûlé, cette barbe et ces cheveux crépus? Les plages glacées du septentrion, au contraire, ne voient que des peaux blanches, de longues chevelures blondes, etc. (07). - Non minus sonus vocis. Vitruve revient encore dans ce passage aux principes de Pythagore, qui prétend qu'une harmonie générale compose et fait mouvoir le globe. Pour démontrer, d'après ce principe, dit de Bioul, comment la voix de l'homme n'est pas la même dans les différents climats, il se sert d'une comparaison plus ingénieuse qu'exacte. Vitruve suppose placé sur le globe un triangle semblable à l'instrument de musique appelé sambyce, qui est composé de plusieurs cordes inégales qui vont toujours en augmentant, ce qui forme un triangle. L'embarras où se trouvait l'auteur pour expliquer en aussi peu de mots comment tout dans le monde se réduit aux principes de la musique, rend l'interprétation de ce passage assez difficile. Joconde, que Perrault a suivi, l'a rendu d'une manière, et Barbaro, dont Galiani a adopté l'interprétation, le rend d'une autre. L'explication de ce dernier m'a paru préférable; 'a voici : soit l'horizon du monde dab; du bord septentrional d, on tire la ligne de, au centre de l'axe du méridien ou de l'équateur e ; et de ce point e on tire par en haut une autre ligne oblique jusqu'au pôle c. Ensuite, quoique l'auteur ne le dise pas, on tire encore une autre ligne du point c jusqu'au point d, ce qui forme le triangle edc. Cela posé, voici son raisonnement les peuples qui ont le pôle peu élevé, comme ceux, par exemple, qui, dans la fig. 88, occupent l'espace d1, ont le ton de la voix semblable à celui de la corde de la sambyce uu, qui est égale à l'élévation du pôle d1. Ceux qui ont le pôle plus élevé, comme d2, ont le ton de la corde qui est égale à l'élévation du pôle nn. Ceux qui ont le pôle encore plus élevé, comme d3, ont le ton de la corde oo, qui est égal à l'élévation du pôle d3. Il en est de même pour les autres. Cette hypothèse de Pythagore, par laquelle il veut prouver que tout ce qui se fait dans le monde, est l'effet d'une harmonie générale, est assurément une des plus ingénieuses des anciens. (08). - Uti organi, quam σαμβύκην Graeci dicunt. La sambyce était un instrument à cordes, usité en Chaldée, et dont on se servit à la dédicace et à l'adoration de la statue de Nabuchodonosor. Euphorion rapporte que les Parthes et les Troglodytes faisaient usage de sambyces à quatre cordes. C'est aussi lui qui nous assure, d'après Suidas, que les sambyces étaient des instruments de musique triangulaires. Musonius nous apprend encore que la sambyce, espèce de cythare triangulaire, fut inventée par Ibycus, et que, suivant Semus de Délos, la Sibylle fut la première à se servir de cet instrument appelé sambyce, du nom de son inventeur. Dans la fig. 88, j'ai substitué des tuyaux aux cordes pour éviter toute confusion dans les lignes. Une machine de guerre dont il est parlé au dernier chapitre du Xe livre, portait le nom de sambyce. (09) - Calices duo. L'expérience des godets de terre, dit Perrault, a plus de rapport avec ce dont il s'agit que la sambyce : car il est vrai que les choses sèches rendent un son plus haut, plus aigu que celles qui sont humectées, parce que la vitesse du frémissement des corps durs et secs, quand ils sont frappés, étant cause qu'ils happent aussi l'air avec plus de vitesse, rend le son plus aigu et au contraire, la lenteur du mouvement des corps que l'humidité à relâchés, frappant l'air par des secousses moins entrecoupées, rend un son plus bas. (10) - Exprimant tactu. Philander, dans une de ses notes, trouve digne de remarque ce que rapporte Janus-Parrhasius, d'après Capella et Ausone, qu'il y a dans les arbres différentes proportions musicales. En effet, dit-il, plus un arbre est élevé, plus sont aigus les sons que leur fait rendre le vent qui les agite; moins ils sont hauts, plus les sons sont graves. Voyez le passage d'Ausone, lett. XXV, v. 9. Le phénomène dont parle ici Philander s'explique par la différence de grosseur que présente un arbre, d'une de ses extrémités à l'autre. Mais il n'en est pas d'un arbre comme d'une corde, dont les sons seront d'autant plus aigus qu'elle sera plus mince; ce ne sont point les branches, ce n'est point le tronc qui fait entendre des sons. L'air, en se précipitant sur eux, éprouve les mêmes agitations sonores que lui fait éprouver une baguette qu'on fait mouvoir régulièrement dans l'espace. (11) - Hoc autem ita esse, a serpentibus licet aspicere. Galien, à la fin du second livre De affectis locis, dit que la chaleur accélère le mouvement dans l'animal; que le froid, au contraire, le paralyse, l'amortit; que c'est pour cette raison que les animaux d'une nature plus froide ont coutume de se cacher pendant l'hiver ; que, pendant cette saison, la vipère engourdie ne mord point ; que dans l'été, au contraire, et surtout pendant la canicule, elle est pleine d'activité et de fureur. Voyez OVIDE, Métamorph., liv. II, v. 173. (12)
- Jovis stella. Vitruve suit le système, qui porta par la suite le nom
de Ptolémée, qui place la terre au centre de l'univers, et fait tourner autour
d'elle toutes les planètes, en les supposant s'éloigner de ce centre dans
l'ordre suivant : la Lune, placée le plus près d'elle, ensuite Mercure,
Vénus, le Soleil, Mars, Jupiter et Saturne placé le plus loin. Comme Mars est
très près du Soleil, on jugeait qu'il devait avoir très-chaud. (13) - Non enim veros videtur habere visus effectus, sed fallitur saepius judicio ab eo mens. Il y a, dit Perrault, deux choses dans la vue : l'impression, c'est-à-dire la réception de l'image de l'objet dans l'organe, et la réflexion que fait naître cette image, ce qui peut s'appeler le jugement. Or, ce jugement est de deux espèces : par l'une on juge de la bonté, de la beauté, de l'utilité et des autres qualités qui se connaissent quand on les a examinées à loisir; par l'autre on juge de la grandeur, de la figure, de la couleur, de la distance des objets à l'instant même où on les aperçoit; c'est ce qu'on appelle le jugement de la vue. Mais pour entendre ce que veut dire Vitruve, il faut considérer que ce jugement de la vue n'est point infaillible, et qu'il peut être surpris; en sorte qu'il est quelquefois nécessaire qu'il soit aidé par l'autre jugement, c'est-à-dire qu'il ait recours à la réflexion qu'il faut employer pour bien juger des images, comparant toutes les choses qui leur appartiennent les unes aux autres, et faisant servir ce qu'on a de connu et d'assuré pour juger de ce qui ne l'est pas, se servant, par exemple, de la grandeur connue pour faire juger de la distance, ou de la distance dont on est assuré pour juger de la grandeur. (14)
- Quum vero sub aqua sunt demissi, per naturae perlucidam raritatem remittunt
enatantes ab suis corporibus fluentes imagines ad summam aquae planitiem.
Vitruve suppose que le passage des espèces visuelles se fait par les pores, qui
sont au milieu diaphane, et que ce sont ces pores qui le rendent diaphane. Mais, dit Perrault, il est assez difficile de concevoir que cela se fasse ainsi,
parce qu'il est impossible qu'il y ait assez de conduits dans un corps pour
donner passage à toutes les espèces qui le traversent de tous côtés, et que
ces conduits soient parallèles et obliques en cent mille façons, comme cela
est nécessaire, parce qu'un corps diaphane l'est toujours également partout.
De plus, on remarque que les corps transparents cessent de l'être lorsqu'ils
sont raréfiés, c'est-à-dire lorsque leurs pores sont élargis, et qu'ils le
deviennent derechef par la condensation, ce qui se voit dans la neige et dans
le brouillard, qui sont de l'eau que la raréfaction rend opaque et
impénétrable à la vue. (15)
- Quum ergo quae sunt vera falsa videantur, et nonnulla aliter quam sunt
oculis probentur, non puto oportere esse dubium quin ad locorum naturas aut
necessitates, detractiones aut adiectiones fieri debeant. Cette maxime de
Vitruve est approuvée, selon Perrault, de la plupart des architectes et des
sculpteurs qui regardent la pratique judicieuse de ce changement de proportions
connue une des choses les plus fines de leur art ; c'est par là qu'ils
prétendent remédier aux mauvais effets que les aspects désavantageux peuvent
produire dans les ouvrages, lorsqu'ils en corrompent ou du moins qu'ils
empêchent d'en voir la véritable proportion, à cause du raccourcissement qui
arrive aux choses qui sont vues obliquement. On donne, par exemple, moins de
diminution aux grandes colonnes, qu'à celles qui sont petites, selon la règle
établie au ch. 2 du liv. III ; on augmente la hauteur des architraves et des
autres ornements à proportion que les colonnes sont plus grandes, ainsi qu'il a
été dit au ch. 3 du liv. III; on incline toutes les faces verticales des
membres qui sont posés en haut, comme architraves, frises, corniches, tympans,
acrotères, ainsi qu'il a été dit au même lieu. On allonge aussi de même les
statues placées dans des lieux élevés, et qui ne peuvent être vues que du
pied de l'édifice sur lequel elles sont posées. (16). - Cava aedium. Perrault et Galiani regrettent que, parmi les ruines des anciens édifices, il ne se trouve aucune cour de maison assez entière pour faciliter l'interprétation de ce chapitre. Nous sommes plus heureux aujourd'hui, puisqu'on en a découvert plusieurs, parfaitement conservées, dans les ruines de Pompéies. Toutes celles que de Bioul y a vues et examinées sont de l'espèce que Vitruve appelle corinthiennes, c'est-à-dire carrées ou rectangles, et entourées de colonnes qui portent le devant des corps de logis qui ferment leur enceinte. Ces corps de logis s'avancent assez fort, et couvrent un espace assez large entre le mur et les colonnes, ce qui forme des galeries par lesquelles on se rend, à couvert, dans les pièces qui sont rangées tout le long du mur : c'étaient le plus souvent les salles à manger. (17)
- In atrii latitudine. Le mot atrium qui, comme nous le verrons
bientôt, a un autre sens, est mis ici pour exprimer en général le dedans des
maisons, c'est-à-dire ce qu'on voit par la porte quand elle est ouverte, la
cour et les vestibules. Virgile a pris ce terme dans la même acception quand il
a écrit (18) - Interpensiva et collicias. Barbara a cru que le mot interpensiva signifiait une pièce de bois dont une des extrémités était appuyée sur l'angle des murs, et l'autre sur l'angle que formaient les poutres en se croisant, et cela parce qu'il s'est imaginé que les mots interpensiva et colliciæ désignaient une même chose ; mais en examinant le texte avec un peu plus d'attention, on voit que ce sont deux choses bien différentes. Le premier signifiait les deux poutres bd, bd ( fig. 89) qui traversaient la longueur de la cour, et l'autre les conduits des noues en. Perrault, qui suit l'interprétation de Philander, croit qu'interpensiva exprimait des potences ou plutôt des soutiens posés diagonalement, dont l'extrémité inférieure était enfoncée dans l'angle des murs, et dont l'extrémité supérieure portait les poutres dans l'endroit où elles se croisaient. Son explication forcée, et les changements qu'il fait encore ici au texte, font voir qu'il s'éloigne du vrai sens. Malgré l'autorité de Barbaro et de Perrault, Galiani croit que par interpensiva on doit entendre, comme Baldi, les deux poutres bd,bd qui étaient posées sur les deux premières rr,rr, et formaient avec elles un carré long. Si l'on analyse le mot interpensiva, on verra qu'il signifie proprement une poutre qui pend dans le milieu entre deux autres. Ce que dit l'auteur un peu plus loin, en parlant des cours tétrastyles, prouve que telle est la vraie signification de ce mot. Des colonnes cc doivent être placées pour soutenir les poutres dans l'endroit où elles se croisent; ce qui, dit-il, produit deux avantages, l'un que les poutres qui traversent la largeur, auront moins de fatigue, et seront moins sujettes à plier, quand même la cour serait un peu large : neque ipsae trabes magnum impetum coguntur habere. Par trabes, comme nous l'avons vu tout à l'heure, il entend proprement les poutres qui traversent la longueur de la cour; et, quoi qu'en dise Perrault, par impetus Vitruve désigne la longueur de la poutre et la charge qui serait dessus. En effet, des poutres supportées par des colonnes ne fatiguent pas autant dans leur longueur, non coguntur habere magnum impetum. Ce qu'il dit ensuite des cours couvertes et voûtées, prouve encore mieux que c'est là le sens qu'il faut donner à ce mot. L'autre avantage, c'est que le poids de ces poutres n'est pas augmenté par celui des poutres qui traversent : neque ab interpensivis onerantur. Ces colonnes placées par dessous, immédiatement à l'endroit où elles se croisent, les empêchent de plier. Dans les cours corinthiennes, il faut nécessairement faire porter ces poutres tout autour par des colonnes, parce qu'étant beaucoup plus étendues que les cours toscanes, il serait impossible de trouver des poutres assez longues pour les faire d'une seule pièce; si même on en trouvait, on ne pourrait les employer, à cause qu'elles éprouveraient trop de fatigue et plieraient infailliblement. (19)
- In medium compluvium. Au milieu des cours, dit de Bioul, se trouve un
enfoncement carré ou rectangle, suivant la forme de la cour, profond d'environ
un pied; le fond en était très uni et pavé de carreaux de marbre, comme le
reste de la cour. C'était là le réceptacle nommé compluvium, dans
lequel toutes les eaux de pluie qui tombaient sur les toits venaient s'écouler.
De Bioul se trompe ; c'était le milieu de l'atrium qui restait ouvert, qu'on
nommait compluvium, et l'espèce de bassin qui était au-dessous pour
recevoir les eaux versées par la pente des toits, s'appelait impluvium :
la pente des toits en,en (fig. 89) s'avançant assez fort, les y versait
elle-même. Cet impluvium est représenté par la lettre e dans la
même figure. Au moyen de cet enfoncement, la partie élevée de la cour et les
galeries étaient toujours à sec. (20) - Displuviata autem sunt. Pour ne pas m'écarter du texte, et donner au mot displuviata toute son expression, je suppose, dit de Bioul, que cette cour est entièrement découverte, et que la pente des toits, au lieu de verser les eaux dans la cour, les verse de l'autre côté, c'est-à-dire en dehors. Le mot stillicidium signifie ici, comme toutes les fois que Vitruve l'emploie, la pente du toit qui est favorable à l'écoulement des eaux. Vitruve (liv. II, ch. I) appelle les toits des cabanes des premiers hommes stillicidia; et (liv. IV, ch. 7), en parlant de la forme que doit avoir le toit d'un temple toscan, il dit : stillicidium tertiario respondere debet. Pline appelle aussi stillicidia l'épaisseur du feuillage des arbres, quand elle est capable de mettre à couvert de la pluie, parce que l'eau s'écoule de l'extrémité des branches, comme de dessus la pente d'un toit. J'ai donc représenté cette cour entièrement découverte, sans aucun auvent; et la pente des toits n'est pas, comme dans les autres, dirigée vers la cour, mais en dehors, du côté opposé, comme l'indiquent les expressions stillicidia rejiciunt : par là rien n'empêche la lumière de pénétrer dans les salles à manger, non obstant luminibus tricliniorum. (21)
- Testudinata vero. Si l'on fait bien attention au texte, dit de Bioul,
et si l'on n'oublie pas l'interprétation qui vient d'être donnée du mot impetus,
on verra clairement que les cours voûtées, testudinatum, étaient
entièrement couvertes, et non entourées de portiques voûtés, comme l'a cru
Perrault; parce que, d'après les expressions de l'auteur, on ne pouvait faire
des cours couvertes qu'autant qu'elles étaient peu spacieuses, ubi non sunt
impetus magni, et qu'on avait besoin d'agrandir par ce moyen la partie
supérieure de l'habitation qui se trouvait augmentée de tout l'espace qu'il y
avait au-dessus de la cour. Galiani fait observer, en outre, qu'il devait
naturellement y avoir une espèce de cour entièrement couverte, et qu'il aurait
été étonnant que Vitruve ne l'eût pas mise au nombre des cinq dont il parle
dans ce chapitre : elle ne s'y trouverait pas, en effet, si la cour voûtée
était telle que Perrault la représente. Et si elle était telle, ajoute
Galiani, elle ne mériterait pas de faire une espèce séparée, puisqu'elle ne
diffère pas assez de la cour corinthienne : car il n'y a entre elles d'autre
différence, sinon que la couverture des portiques de l'une était portée par
des voûtes, et celle de l'autre par des poutres. (22).
- Atriorum vero longitudines. C'est mal à propos qu'on a fait un nouveau
chapitre des alinéa 3, 4, 5, 6, 7, parce que Vitruve y traite, comme dans les
alinéa précédents, de la disposition des cours. Celui qui le premier a fait
cette division, et qui a induit tous les autres en erreur, s'est imaginé que le
mot atrium, employé dans ce chapitre pour désigner les cours des
maisons, n'était pas synonyme de cavum ædium, dont il se sert
précédemment pour exprimer le même objet, mais que atrium était le
synonyme de vestibulum. D'après cela, dit de Bioul, des commentateurs
ont fait de atrium une espèce de vestibule. Ils auraient vu combien ils
étaient dans l'erreur, s'ils avaient fait attention à ce que dit l'auteur dans
le ch. 10 de ce livre, où l'on voit clairement que l'atrium
et le vestibulum
sont deux choses différentes, comme nous le remarquerons alors; et s'ils
avaient réfléchi, ils auraient vu que l'auteur, après avoir distingué, au
commencement de ce chapitre, cinq espèces de cours, continue ici à en donner
les proportions, et que ce sont ces proportions qu'on trouve décrites dans ces
alinéa. Il est cependant aisé de voir que atrium et
cavum ædium
signifient la même chose. Au commencement du chapitre, on lit : cava ædium
Tuscanica sunt in quibus trabes atrii latitudine trajectae, etc.; dans le
ch. 8 de ce livre, en parlant de cette partie de la maison dans laquelle tout le
monde pouvait entrer sans être invité, il dit alors vestibula, cava ædium,
peristylia, etc.; et un peu après, en parlant des maisons de la noblesse,
il dit qu'elles doivent avoir vestibula regalia, alta atria et peristylia.
En un mot, partout dans son ouvrage on voit que les mots atrium et
vestibulum
signifient deux choses différentes, et, au contraire, que le mot atrium
est synonyme de cavum ædium. Tel est aussi le sentiment de Barbaro, de
Palladio, de Scamozzi, d'Ortiz, de Marquez. Il est encore confirmé par Festus,
qui a écrit : « Atrium est genus ædificii ante aedem continens mediam
arcam in quam collecta ex omni tecto pluvia descendit. Dictum autem, atrium vel
quia id genus aedificii Atriae primum in Etruria sit institutum, vel quia e
terra oriatur quasi aterreum. » Joconde ayant reconnu cette vérité, n'a
fait, dans son édition, qu'un seul chapitre de ces deux parties. (23) - Reliquum lacunariorum. Quelle mesure représente ce reliquum? C'est ce que n'ont expliqué ni Vitruve, ni ses commentateurs. Voici comment le comprend Galiani : Au huitième alinéa de ce chapitre, Vitruve enseigne que la hauteur des salles à manger doit être déterminée par la moitié de la somme de la longueur et de la largeur. Il est probable que c'est là la proportion qui convient aux cours (atriis, cavædiis) qui étaient ou couvertes ou découvertes. Or, le précepte veut que la hauteur des cours couvertes soit prise de la mesure de leur longueur, moins une quatrième partie. Ainsi, soit la longueur de la cour 25 pieds, la largeur 15 ; la moitié des deux sommes sera 20. La hauteur de la cour, déduite de sa longueur dont on ôte une quatrième partie, sera 25, moins 6 1/4 c'est-à-dire 18 3/4. La différence entre ce premier nombre 18 3/4, et le second 20, est 1 1/4; c'est là le reliquum qu'il faut donner à la profondeur des plafonds, au-dessus des poutres. Cette explication n'est point approuvée par Newton, qui croit que le reliquum n'est autre chose que la quatrième partie qui est ôtée sur la longueur. (24)
- Ex tertia parte. La raison nous dit que cette troisième partie de la
longueur qui est attribuée à la largeur des galeries, ne doit s'entendre que
pour les deux prises ensemble, de manière que chacune n'a que la sixième
partie de la longueur de la cour. (25) - Trabes earum liminares. Le mot limen signifie généralement ce qui est posé en travers, et plus particulièrement ce qui traverse ou le haut ou le bas des portes, superum, inferum limes, le seuil, le linteau; et il paraît, dit Perrault, que les Latins ne faisaient pas cette distinction comme nous. À la fin du ch. 9 de ce livre, Vitruve parle du jour qui était empêché par le limen des fenêtres, c'est-à-dire par leur linteau. Il faut donc entendre par tabes liminares alarum, les architraves soutenues par les colonnes qui étaient aux côtés des cours, et qui en formaient les galeries. (26). - Tablino. C'était probablement ce que nous nommons les archives, où l'on conservait les registres de recette et de dépense, comme dans la pinacotheca on conservait les tableaux. Ce serait une erreur, de confondre, comme l'a fait Philander, le tablinum avec la pinacotheca, dont Vitruve donne séparément la description. (27) - Lacunaria ejus. Si par lacunaria on n'entend pas ici le plafond d'une voûte cintrée que l'auteur désigne (p. 32) par ces expressions, curva lacunaria ad circinum delumbata, il faut absolument supposer avec Perrault qu'il y a une faute de copiste, et lire VI au lieu de III ; on aura facilement fait cette faute eu écrivant le six de cette manière \/I. Si nous supposons que l'auteur ne veuille qu'un enfoncement ordinaire dans le plafond, il est évident, dit de Bioul, qu'en le faisant du tiers de la largeur de la galerie, il serait plus d'une fois plus grand qu'il ne doit être. (28)
- Imagines item alte cum suis ornamentis. Les nobiles jouissaient
du droit de faire dessiner leurs images, jus imaginum; leurs descendants
les conservaient avec un soin extrême, et les faisaient porter devant eux aux
funérailles. Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. XXXV, ch. 2. « N'omettons
point ici une idée moderne, continue Pline ; on dédie aujourd'hui dans les
bibliothèques, en or, en argent, ou du moins en bronze, non seulement les
bustes des hommes dont la voix immortelle retentit en ces lieux, mais encore des
bustes imaginaires. Les regrets des curieux ont prêté des traits à des têtes
inconnues, par exemple à celle d'Homère.... Cet usage fut, je crois, établi
à Rome par Asinius Pollion, qui le premier, en ouvrant une bibliothèque, fit
des beaux génies une propriété publique. » (29) - Peristylia. Outre la cour dont on vient de parler, il y en avait encore aux maisons de la ville de beaucoup plus grandes, appelées péristyles, c'est-à-dire entourées de colonnes. Les logements des maîtres se trouvaient tout autour. Ces péristyles ressemblaient parfaitement aux cloîtres des abbayes et des couvents des religieux : usage qu'ils avaient pris de la manière de bâtir des Romains. (30)
- Tricliniorum quanta latitudo fuerit. Le triclinium, ou lieu où
mangeaient les Romains, portait ce nom à cause des trois lits qui y étaient
ordinairement dressés autour de la table. On appelait aussi triclinium les lits
sur lesquels mangeaient les Romains, parce que chaque lit était pour trois
personnes, et rarement pour quatre. Cicéron, dans son plaidoyer contre L. C.
Pison, lui reproche d'entasser les Grecs autour de ses tables, cinq sur un lit,
souvent davantage :
1.
Le maître de la maison. (31) - Altitudines omnium conclaviorum. Cette règle générale ne peut, selon Perrault, être appliquée aux grandes pièces : car une salle de 12 toises sur 6, ce qui donne une somme de 18 toises, en aurait 9 de haut, et la galerie des Tuileries, qui a 243 toises de longueur sur 5 de largeur, en devrait avoir 124 de hauteur. La règle établie plus bas pour la hauteur des pièces qui ont une grande longueur est plus sûre ; c'est de prendre pour la hauteur la largeur et demie. (32) - Sin autem exedrae. Les exèdres étaient, comme le dit Cicéron, cellae ad colloquendum, des salles garnies de sièges où l'on conversait. On a vu dans le ch. 11 du liv. V, que les exèdres étaient dans les palestres les lieux où les philosophes, les rhéteurs, les sophistes avaient coutume de tenir leurs conférences, et de disputer entre eux. C'étaient, selon Perrault, des espèces de petites académies, bien que Budée prétende que ce que les anciens appelaient exèdres, répondait plutôt à ce que nous appelons chapitres dans les cloîtres ou dans les églises collégiales. (33) - Aut oeci quadrati fuerint. Chez les Grecs il y avait des oeci ou salles réservées aux festins que donnaient les hommes (VITRUVE, liv. VI, ch. 7). Un célèbre ouvrier nommé Sosus exécuta à Pergame l'asaratos oecos (salle non balayée), ainsi nommée de ce que les petite compartiments, de nuances diverses, représentaient les débris qu'on jette dans un repas, et qu'ensuite il s'agit de balayer (PLINE, Hist. Nat., liv. XXXVI, ch. 6o). Dans ce même ch. 7, Vitruve nous dit que les dames se tenaient. dans les ceci avec les femmes qui filaient les laines. C'étaient les pièces qu'en français on appelle salles. (34) - Oeci Corinthii, tetrastylique, quique Ægyptii vocantur. Perrault croit que Vitruve distingue trois sortes de salles, les corinthiennes, les tétrastyles, les égyptiennes. Newton partage cette opinion. Il en est autrement de Barbaro et de Galiani, qui pensent qu'il n'est ici question que de deux espèces de salles :Barbaro, que la salle corinthienne et la salle tétrastyle n'en font qu'une seule; Galiani, que la salle tétrastyle et la salle égyptienne sont la même. Mais après avoir mûrement réfléchi sur les paroles du texte, Newton trouve que les salles tétrastyles avaient quatre colonnes qui servaient, non seulement à proportionner la largeur avec la hauteur, mais aussi à affermir l'étage de dessus; que les corinthiennes et les égyptiennes avaient un plus grand nombre de colonnes, mais avec cette différence, que les salles corinthiennes avaient toujours près du mur leurs colonnes qui étaient ou simplement posées sur le pavé, ou assises sur des piédestaux, tandis que les salles égyptiennes, assez semblables aux basiliques, avaient dans leur pourtour un portique formé de colonnes éloignées du mur, sur lesquelles il y avait un entablement avec plate-forme et balustrade entre ce mur et ces colonnes au-dessus desquelles s'élevait un second ordre de colonnes d'un quart plus petites que les premières. Ces salles égyptiennes devaient être magnifiques et d'une proportion admirable, tant à cause de l'ornement des colonnes qu'à cause de leur hauteur. Leur disposition procurait trois grands avantages : le premier, c'est qu'elles pouvaient être dégagées des quatre côtés qui répondaient à quatre appartements; le second, qu'on y respirait un air très frais en été; le troisième, que le jour qui venait d'en haut n'éblouissait pas autant, et laissait, tout à l'entour, l'espace vide pour y placer des tableaux et autres ornements dont on voulait les décorer, espace qui d'ordinaire est occupé en grande partie par les fenêtres. (35) - Supraque habent epistylia et coronas. Vitruve ne parle point ici de la frise que les anciens omettaient souvent au dedans des édifices, comme étant un obstacle à l'introduction de la lumière. Cette suppression de la frise donnait cette espèce de corniche qu'on appelle architravée, dont l'usage est fréquent. (36) - Delumbata. Ce mot pourrait être traduit littéralement par éreinté, parce que les sortes de voûtes qu'il désigne sont plus faibles que les autres. Si le mot éreinté était en usage, dit Perrault, il serait d'autant plus significatif qu'on est déjà accoutumé à la métaphore des reins, en fait de voûtes, dont les parties qui s'élèvent et qui posent sur les impostes, sont vulgairement appelées les reins. (37) - Supra columnas epistylia. Cette suppression de la frise et de la corniche, à l'intérieur, a déjà été indiquée, au ch. du liv. V, dans la description de la basilique de Fanum. Bien que les édifices anciens qui subsistent encore ne nous présentent que fort peu d'exemples de cette manière, on peut dire néanmoins qu'elle était appuyée sur la raison qui veut que les ornements d'architecture soient fondés sur quelque usage. Or, l'usage des corniches étant de défendre les murs et les colonnes des injures du temps, elles sont inutiles dans des lieux couverts; elles seraient même nuisibles dans une pièce telle que le salon égyptien, décrit dans ce chapitre, où elles ne feraient qu'intercepter le jour d'en haut, le seul que cette pièce puisse avoir. Je suis donc persuadé avec Perrault et Galiani, dit de Bioul, que le mot epistylium ne signifie ici autre chose que l'architrave, bien qu'il exprime parfois tout l'entablement. Perrault, à cette occasion, rapporte l'exemple d'un ancien édifice qui existait encore de son temps auprès de Bordeaux, nommé les Tutèles, dont il donne la figure. Elle représente une colonnade d'ordre corinthien au-dessous de laquelle règne un attique ; entre l'attique et les chapiteaux des colonnes, il n'y a que l'architrave. (38) - Oeci, quos Graeci Κυζινηκοὺς appellant. La ville milésienne de Cyzique était dans une île du même nom, dans la mer de Propontide. Elle était très renommée pour la magnificence des bâtiments qui étaient tous de marbre, jusqu'aux murailles de la ville, dit L. Florus. Il y a apparence que le nom donné aux grandes et magnifiques salles dont parle Vitruve, a été pris de là. (39) - Cum circuitionibus. J. Martin, ayant cru que, par triclinia, il fallait entendre des salles à manger qui faisaient une partie de l'édifice appelé oecos, a traduit circuitiones par leurs promenoirs environ. Mais la manière dont Vitruve s'en explique au ch. 7, fait voir qu'en cet endroit le mot triclinia désigne les tables à trois de ces lits sur lesquels on se couchait pour manger. D'ailleurs, l'explication donnée à ce passage est prise de ce même chapitre 7, où Vitruve, parlant encore de ces salles à manger, en fait concevoir la grandeur par le nombre des tables à trois lits qu'elles pouvaient contenir, outre la place qu'il fallait pour le service qu'il appelle ministrantium locus. (40) - Lumina fenestrarum valvata. Des interprètes ont traduit ces mots par fenêtres doubles. C'est une erreur, selon Perrault. Y aurait-il du sens, en effet, à dire que les fenêtres des lieux où l'on mange doivent être doubles, afin que ceux qui sont à table, c'est-à-dire éloignés des fenêtres, puissent voir dans les jardins. Et supposé qu'on entende par des fenêtres doubles, des fenêtres larges, elles ne sauraient faire autre chose que de découvrir, à ceux qui en sont éloignés, une plus grande partie du ciel; au lieu que, lorsqu'elles sont ouvertes jusqu'au bas, on découvre,non seulement la campagne qui est éloignée, mais même les lieux plus proches, les jardins, par exemple. Pline le Jeune, dans la description qu'il fait de sa maison des champs, parlant d'une chambre qui avait vue sur la mer de trois côtés, dit : Undique valvas aut fenestras non minores valvis habet. Et il semble que par valvas aut fenestras, il veut faire entendre qu'on ne saurait dire si ce sont des portes ou des fenêtres; aussi les appelle-t-on communément en français des portes-fenêtres. (41) - De lectis. La plupart des exemplaires portent de tectis, ce qui ne parait pas avoir de sens. Tous les commentateurs ont adopté la correction de Philander, de lectis. (42) - Altitudines eorum. Les proportions des salles cyzicènes ne sont point indiquées dans ce chapitre. Cependant, d'après la hauteur qui leur est assignée, laquelle doit égaler une fois et demie leur largeur, on pourrait, selon l'opinion de Galiani, supposer qu'elles étaient carrées, puisque nous avons vu auparavant qu'on prescrivait cette hauteur pour les salles carrées. Si pourtant elles avaient été telles, il eût été inutile de répéter quelle devait être leur hauteur. Il est donc plus probable qu'elles étaient deux fois aussi longues que larges, parce que cette forme est plus convenable pour placer, comme l'auteur le prescrit, deux triclines en face l'un de l'autre. De Bioul est d'autant plus persuadé que ces salles devaient avoir ces dimensions, que ce sont celles que Vitruve, au commencement du chap. 5 de ce livre, assigne aux salles destinées aux triclines. (43)
- Uti occidentem hibernum spectent. Perrault fait remarquer que Vitruve
semble vouloir dire que les salles à manger ne servaient que le soir; et cela
confirme l'opinion que l'on a que les anciens ne mangeaient guère que le soir,
et que s'ils dînaient, ce n'était que fort légèrement. Hippocrate parle de
manger deux fois le jour, comme d'une chose qui n'était pas ordinaire. Celse
dit que ceux qui dînent doivent se contenter de peu de chose, sans manger de
chair, et même sans boire, si c'est en hiver; c'est peut-être la raison pour
laquelle Isidore ( liv. XX, ch. 2) ne compte le dîner pour rien. (44) - Plumariorum textrinae. On ne sait pas bien précisément ce qu'était parmi les anciens le plumarium opus. Quelques-uns croient que c'était un ouvrage fait avec des plumes d'oiseaux; mais il y a plus d'apparence, dit Perrault, que c'était de la broderie, qui diffère de la tapisserie en ce que la broderie n'est pas une étoffe continue et tissée, mais une étoffe composée de pièces rapportées, ou de fils couchés sur une étoffe ou sur une toile, de la même manière que les plumes des oiseaux sont sur leur peau. (45). - Vestibula. Nous avons peu de notions sur la forme extérieure et sur la distribution intérieure des maisons romaines; il ne nous en reste aucune espèce de modèle, et les ruines de Pompéies ne suffisent pas pour faire connaître, dans tous leurs détails, les édifices habités par les Romains opulents. Bien que les grammairiens ne soient pas sûrs de la signification du mot vestibulium, on peut dire que c'était une vaste place devant la porte qui servait d'accès à l'atrium. Il ne formait pas, à proprement parler, une partie du bâtiment. Lorsqu'on bâtissait du temps de nos pères des maisons spacieuses, on laissait devant la porte un espace vide, dit Aulu-Gelle (liv. XVI, ch. 5), une cour entre la rue et le corps principal de l'édifice. Là se tenaient, avant d'être admis, ceux qui venaient saluer le maître de la maison; ils n'étaient ni dans la rue ni dans la maison. Cette large place où l'on faisait, pour ainsi dire, station, fut appelée vestibule. Quaero, si te hodie domum tuam redeuntem coacti homines et armati non modo limine tectoque aedium tuarum, sed primo aditu vestibuloque prohibuerint, quid acturus sis? (Cicéron, pro C. Caecina, c. XX) « Eh bien je vous le demande à mon tour, si aujourd'hui, lorsque vous retournerez chez vous, des hommes rassemblés et armés vous éloignaient, non seulement de la porte et de l'intérieur, mais des premières avenues et du parvis de votre maison, je vous le demande, quelle action auriez-vous? » (46) - Quod hi aliis officia praestant ambiundo, quae ab aliis ambiuntur. À Rome, c'était un très grand honneur que de recevoir des visites, comme c'était une très grande marque de déférence d'en faire. Les hommes d'une fortune médiocre attendaient de plus faibles qu'eux l'honneur de la visite qu'ils faisaient eux-mêmes à de plus puissants. Voyez MARTIAL, qui (liv. II, épigr. 18) a fait à ce sujet une plaisante épigramme contre Maximus. (47) - Et privata judicia arbitriaque conficiuntur. À Rome, dit de Bioul, les juges et les arbitres étaient toujours pris parmi les citoyens les plus distingués. Lorsqu'il survenait un différend entre des particuliers, le demandeur requérait le préteur de lui nommer une ou plusieurs personnes pour juger son affaire (judicem vel judicium) : demandait-il une seule personne, c'était un juge proprement dit, judex, ou bien un arbitre, arbiter; s'il demandait plus d'une personne, judicium, c'étaient alors des recuperatores ou centumviri. Ce fut d'abord parmi les sénateurs qu'on prit les juges, pour les affaires des particuliers; mais l'an 631 de la fondation de Rome, le tribun Sempronius Gracchus publia une loi qui ôtait aux sénateurs le pouvoir de juger, et le transportait à l'ordre des chevaliers. Cependant, quelque temps après, le droit de juger fut commun aux uns et aux autres. Ces juges s'assemblaient quelquefois dans les basiliques qui faisaient partie des édifices publics, dont Vitruve a décrit la construction et la forme dans le ch. 1er du liv. V ; mais on conçoit que, dans le temps de la grande richesse de Rome, il était impossible de rendre dans les basiliques publiques tous les jugements qu'entraînait la quantité de différends qui survenaient entre les citoyens qui formaient son immense population. Les juges et les arbitres rendaient donc cette justice chez eux. Le luxe ayant été porté à un point incroyable dans cette ville, la noblesse, c'est-à-dire les sénateurs et les chevaliers, auxquels était réservé le droit de juger, firent construire chez eux des basiliques, à l'instar de celles qui faisaient partie des édifices publics. Voilà pourquoi Vitruve, dans ce chapitre, veut qu'une basilique, avec ses accessoires, se trouve au nombre des édifices qui composaient l'habitation de la noblesse romaine. (48) - Ruri vero pseudourbanis. Voyez COLUMELLE, Écon. rur., liv. 1er ch. 6. (49) - Primum de salubritatibus. Si l'on veut avoir plus de détails sur ce que voulaient les anciens à ce sujet, il faut consulter les auteurs qui ont traité de l'agriculture : CATON, Écon. rur., ch. 1er; VARRON, Écon. rur., liv. 1er, ch. 6; COLUMELLE, Econ. rur., liv. 1er, ch. 2 ; PALLADIUS, Écon. rur., liv. 1er, ch. 2 et suiv. (50) - Cortes. - Voyez VARRON, Écon. rur., liv. 1er ch. 13. Il est probable que notre mot cour a pris sou origine du mot cors. (51) - Conjuncta autem habeat bubilia. Les étables destinées aux bestiaux, dit Columelle (Écon. rur., liv. 1er ch. 6), ne devront être ni trop chaudes ni trop froides. Les animaux soumis au joug auront des étables d'été et des étables d'hiver. Les détails que donne Columelle sont intéressants; j'engage à les lire. Voyez aussi PALLADIUS, Écon. Rur, liv. 1er, ch. 21. (52)
- Ad focum. J'ai cru, dit Perrault, qu'on pouvait sans difficulté traduire
ici focum par cheminée, puisqu'il est question de la cuisine, où il est
certain que les anciens avaient des cheminées car
ou doute qu'ils eu eussent dans leurs chambres, qu'ils chauffaient seulement, à
ce qu'on croit, ou par des conduits qui apportaient la vapeur chaude d'un feu
qui était allumé dans un fourneau souterrain, ou par une espèce de charbon de
terre qui brûlait sans faire de fumée, et que Suétone appelle miscui
carbones, dans la Vie de Tibère. Cependant on trouve dans les
auteurs anciens bien des passages qui peuvent faire croire qu'ils avaient des
cheminées dans leurs chambres. Il paraîtrait, d'après Homère, que les Grecs
faisaient du feu dans leurs chambres, même en été, car la princesse Nausicaa,
qui s'était baignée dans la rivière, après midi, se faisait allumer du feu
dans sa chambre, en y arrivant. Suétone dit que la chambre de Vitellius fut
brûlée, le feu ayant pris à la cheminée, Appien d'Alexandrie et Aristophane
font mention de cheminées. Virgile dit (églog. I, v, 83) : (53) - Boves lumen et ignem spectando. - Voyez PALLADIUS . Écon. rur., liv. 1er, ch. 21. (54)
- Bubilium autem debent esse latitudines, nec minores pedum denum, nec majores
quindenum. On lit bubilium au lieu de cubilium, dit
Pontédéra ; mais c'est évidemment une erreur. Vitruve a pu déterminer
l'espace nécessaire à chaque boeuf, et non la grandeur des étables, qui doit
être proportionnée au nombre des boeufs. La même faute se rencontre dans
Columelle (Écon. rur., liv. 1er, ch. 6) : « Lata bubilia esse
oportebit pedes decem, vel minime novem : quae mensura et ad procumbendum
pecori, et jugario ad circumeundum laxa ministeria praebeat. » Il faut
corriger et mettre lata cubilia. C'est avec raison que Palladius (Écon.
rur., liv. 1er, ch. 21) a écrit : « Octo pedes ad spatium standi
singulis boum paribus abundant et in porrectione XV. » (55) - Balnearia. - Voyez COLUMELLE, Econ. rur., liv. 1er, ch. 6. (56) - Torcular. - Voyez COLUMELLE, Écon. rut., liv. 1er, ch. 6. Si l'on veut avoir tous les détails relatifs au pressoir des anciens, il faut lire, dans l'Écon. rur. de Caton, les ch. XIII, XVIII, XX, XXI,XXII, LXIV, LXV, LXVI, LXVII, LXVIII, CXLV, CXLVI. (57) - Habeatque conjunctam vinariam cellam, habentem ad septentrionem lumina fenestrarum. Telle est l'exposition que lui donnent aussi Pline, Palladius, Columelle. De plus, disent ces deux derniers auteurs, il devra se trouver très éloigné des bains, du four, du trou à fumier, de toutes les immondices d'où s'échappent des émanations fétides, ainsi que des citernes ou des eaux saillantes dont les évaporations gâtent le vin. (58)
- Quae quum sint cullearia. Le vase que les Latins appelaient
culleare
contenait vingt amphores. Fannius a dit du culleus:
(59) - Granaria sublimata. Pour le blé, il faut le serrer dans de hauts greniers où les vents soufflent du nord et de l'est, et où l'humidité ne puisse pénétrer d'aucun côté. Voyez VARRON, Écon. rur., liv. ch. 57; COLUMELLE, Écon. rur, liv. 1er, ch. 6; PALLADIUS, Écon. rur., liv. 1er, ch. 19; PLINE, Hist. Nat., liv. XVIII, ch. 73.Varron dit encore (ubi supra) que certains cultivateurs construisent dans leurs champs mêmes des greniers qui sont comme suspendus. On en voit de ce modèle dans l'Espagne Citérieure, et dans certaines contrées de l'Apulie. Ces greniers sont éventés, non seulement sur les côtés par les courants qui viennent des fenêtres, mais encore par l'air qui frappe en dessous leur plancher. Cette disposition des greniers avait pour but. principal la ventilation des grains. Il y avait encore un autre avantage dont ne parlent pas ces auteurs, dit un annotateur de Pline, mais qui n'était guère moins important, c'était d'empêcher les souris d'y pénétrer. En Valais, dit Fée (Voyage inédit dans la Suisse occidentale), les granges sont isolées du sol, à l'aide de poteaux qui portent de larges dalles élevées à deux ou trois pieds de terre, et plus larges que les poteaux eux-mêmes. Cet isolement a pour but d'empêcher les mulots et les souris d'y pénétrer. Ces animaux fort communs partout, et qui fourmillent dans le Valais, s'établiraient dans les granges, et là, pullulant avec une incroyable rapidité, y nourriraient, au dépens du cultivateur, leurs générations affamées. « Pour du blé, dit Quinte-Curce (liv. VII, ch. 4), il n'y en avait point, ou peu car les barbares ont de profondes fosses qu'ils appellent syrrhes, lesquelles ils cachent si subtilement qu'il n'y a que ceux qui les ont faites qui les puissent trouver, et c'est là qu'ils retirent leurs grains.» (60) - Namque ceterae regiones procreant curculionem. Pourquoi ceterae? s'écrie Pontédéra. Pourquoi excepter l'Italie, où les charançons sont les plus nuisibles au blé? Ne faudrait-il point lire namque calidae? C'est au moins le sens adopté par l'auteur du Compendium : vaporatae enim regiones curculiones et ali genera bestiarum nutriunt. L'erreur du commentateur vient de ce qu'il ne donne pas au mot regiones la signification qu'il doit avoir. (61) - Equilia. Voyez PALLADIUS, Écon. rur., liv. 1er, ch. 21. (62) - Extra culinam. Le mot cuisine ne désigne pas toujours, et ici particulièrement, le lieu où l'on préparait les mets, et il n'est pas probable que les étables et les écuries y fussent placées. C'était plutôt un office vaste et exhaussé, afin que la charpente fut à l'abri du feu, et que les gens de la maison pussent s'y tenir commodément dans toutes les saisons de l'année. (63)
- Horrea, faenilia, farraria. « Peu importe, dit Palladius (Écon.
rur., liv. 1er, ch. 48), en quel endroit on serrera le foin, la paille, le
bois et les cannes, pourvu que cet endroit soit sec, ouvert à tout vent et
éloigné de la métairie, dans la crainte du feu. » Bien que le mot horrea
signifie ordinairement des greniers à serrer le blé, quand il est battu, et
que le mot de grange signifie un lieu à serrer les gerbes, il y a apparence
que, comme il s'agit ici du danger du feu, Vitruve a entendu par horrea
nos granges car les grammairiens tiennent que horreum se dit
ab
horrore spicaram; or, les épis ne sont qu'aux gerbes; ils ne sont point au
grain, quand il est battu; d'ailleurs la signification du mot horreum
s'étend dans Horace jusqu'aux caves et aux celliers : (64) - Sin autem officiunt trabes seu limina. C'est bien limina qu'il faut lire, comme au dernier chapitre de ce livre, et dans Pline (Hist. Nat., liv. XXXVI, ch. 21), difficillime hoc contigit in limine ipso quod forihus imponebat. Voilà pourquoi Varron, au ch. 4 du liv. II, a donné au mot limen l'épithète de inferius pour le distinguer du limen superius. Nonius a exprimé l'un et l'autre : Exue limen superius quod mihi misero sæpe confregit caput, inferum autem ubi ego omneis digitos defregi meos. (65) - Per eas fenestrarum loca relinquantur. Vitruve ne prescrit aucune règle pour la proportion des croisées. Toutes les fenêtres des maisons découvertes à Herculanum; sont petites, fermées simplement avec des volets de bois; quelques-unes ont des châssis garnis de talc ou de pierre spéculaire. On a trouvé dans cette ville de gros morceaux de plaques de verre épaisses et brutes ; ce qui prouve que l'art d'étendre le verre sur des tables pour en faire des espèces de vitres, n'était pas totalement ignoré, On voit dans les tableaux d'Herculanum quantité de paysages embellis de superbes palais. Les fenêtres des maisons et des temples ne paraissent pas toujours d'une forme agréable; on en voit qui sont rondes, d'autres carrées, d'autres en feuilles de trèfle, en ovale, en figures très singulières; quelques-unes sont placées près des angles des murs. Elles ne sont pas toujours alignées et espacées avec régularité et proportion. On voit dans plusieurs bâtiments des anciens Romains, qu'ils donnaient à leurs fenêtres à peu près la même coupe que nous leurs donnons. c'est-à-dire un parallélogramme rectangle dont la hauteur est le double de la largeur; ils les formaient simplement en cadre de tableau. Ils coupaient un peu les bords inférieurs de la pierre qui couvre la fenêtre, pour procurer plus de jour, et pour donner à la couverture la forme d'une petite voûte apparente. En un mot, la forme des fenêtres qui sont en usage aujourd'hui en France, est la même que celle qui était observée dans les bâtiments du temps de l'empereur Auguste; mais les Romains les faisaient beaucoup plus petites. On voit dans les tableaux d'Herculanum, que les anciens connaissaient l'usage de garnir les fenêtres de jalousies, c'est-à-dire de petits treillis de bois ; mais il parait qu'ils ignoraient l'art de former des jalousies en linteaux mobiles qui donnent par le moyen d'une tringle, ou d'une corde qui les lie tous, la quantité de lumière qu'on désire. a.
Vestibulum. Le vestibule. La
distribution des maisons chez les Romains, dit Le Mazois, quoique subordonnée
aux localités, au rang, à la fortune et au nombre des maîtres, était assez
généralement la même pour toutes. Les principales divisions consacrées par
l'usage se répétaient dans chacune d'elles, et il n'existait guère d'autre
différence entre les habitations des citoyens que leur décoration et ces
pièces accessoires plus ou moins utiles que le luxe ajoute au nécessaire. (66) - Antithalamus. C'était là que se tenaient les servantes. Cette pièce devait être tout près du thalamus, pour qu'elles fussent à portée d'entendre la voix de leur maîtresse, et qu'elles pussent se rendre immédiatement à leurs ordres. Les exemplaires portent le mot amphithalamus, corrigé par Hennolaüs. Il y a apparence que cette partie dont Vitruve parle est celle que Pline, dans ses lettres, appelle procaeton, c'est-à-dire lieu qui est devant celui où l'on couche. Nous l'appelons antichambre. Pline dit que son antichambre touche à sa chambre ; ici, au contraire, nous voyons que l'antithalamus des Grecs était séparé du thalamus par le vestibule ou passage appelé prostadium. Et peut-être Pline ne dit-il que son antichambre était joint à sa chambre que parce que ce n'était pas une chose ordinaire. (67) - Cellae familiaricae. La véritable signification de ces deux mots jette Perrault dans l'incertitude. Bien qu'il dise qu'il n'y a pas apparence que Vitruve se soit servi par mégarde de cella, au lieu de sella, il n'en traduit pas moins cellae familiaricae par garde-robes, malgré toute la différence de signification des mots cella (petite chambre) et sella (chaise). Et on peut croire aussi, selon lui, que Vitruve a ajouté le mot familiaricæ pour désigner l'usage de cette pièce qui était destinée pour la commodité des nécessités ordinaires; mais que ce qui est appelé ici garde-robe n'était qu'un lieu pour serrer la chaise et les autres meubles nécessaires à la chambre, et non pas le lieu qui en français est appelé le privé, parce qu'il ne s'en trouve point dans les bâtiments qui nous restent des anciens, et que ce qu'ils appelaient latrinæ était des lieux publics où allaient ceux qui n'avaient pas d'esclaves pour vider et laver leurs bassins, qui étaient aussi appelés latrinæ, a lavando, suivant l'étymologie de M. Varron. En cela, Perrault est dans l'erreur : car dès l'entrée d'une petite maison de Pompéies, dit Le Mazois, on trouve un réduit sous l'escalier, destiné à l'usage des domestiques ou des personnes étrangères qui visitaient l'atrium. Là sont situées les fosses d'aisances, disposées comme elles le sont de nos jours. Le choix de l'emplacement éloignait la mauvaise odeur de l'intérieur de l'édifice. Les cellae familiaricae ne sont donc plus que l'ergastulum, ou logement des esclaves qui était placé auprès du lieu affecté à leur service. Il paraît, d'après plusieurs maisons de Pompéies qu'on prenait peu de soin pour leur procurer des logements commodes ou même salubres. (68)
- Haec pars aedificii gynaeconitis appellatur. La différence qui
existait entre les moeurs des Grecs et celles des Romains, amenait une manière
différente de distribuer les habitations. Chez les Grecs, le quartier des
femmes était absolument séparé de celui des hommes; ce qui faisait, pour
ainsi dire, deux maisons placées à côté l'une de l'autre. (69) - Habentes latiora peristylia. Ne devrait-on point lire lautiora au lieu de latiora? Car si l'édifice est plus grand, le péristyle devra nécessairement être plus large; mais comme habens eae domus vestibula egregia et januas proprias cum dignitate.... il faudra bien que les péristyles soient lautiora. (70) - Rhodiacum. Pourquoi ce portique est-il appelé rhodien? Serait-ce parce qu'étant tourné au midi, et ayant le soleil tout le long du jour, il est semblable à l'île de Rhodes, dans laquelle Pline dit que le soleil est rarement caché par des nuées ? (71) - Tricliniis quatuor. Au ch. 5 de ce livre, triclinium est pris pour la salle où l'on mangeait, et dans laquelle étaient les tables avec leurs trois lits. Ici il ne signifie, à la lettre, que la table avec ses trois lits. Varron (Écon. rur., liv. III, ch. 13) dit « Au milieu du bois est une espèce d'élévation où l'on avait disposé trois lits (ubi triclinio posito), et où l'on servit à souper. » Et au liv. 1, ch. 59 : « Quand on fait construire un fruitier, il faut avoir soin d'en ouvrir les fenêtres au nord, et de laisser un libre accès aux vents qui soufflent de ce côté. Il importe toutefois de les garnir de volets; car un vent continu finit par ôter aux fruits leurs sucs et par les rendre insipides. Pour plus de fraîcheur encore, on recouvre en stuc les voûtes, les murailles et même les planchers de ces fruitiers. On voit encore certaines personnes y faire dresser des lits pour prendre leurs repas (triclinium sternere solent coenandi causa). » (72) - Ludorumque operis. On sait que pour réjouir ces riches voluptueux, on donnait des jeux et des spectacles, pendant qu'étendus sur leurs lits, ils jouissaient des plaisirs de la table. Cet usage existait aussi chez les Romains. Juvénal (sat. II) nous apprend que durant leurs repas, ils regardaient des danses lascives, des pantomimes ou des combats de gladiateurs; d'autres se contentaient de la lecture d'un livre (PLUTARQUE, Sympos., liv. VII, quest. 8) ; d'autres aimaient à faire jouer quelques scènes de comédie (JUVENAL, sat. II; PLINE LE JEUNE, liv. 1, lett. 15; liv. III, lett. 1; liv. VI, lett. 31) ; d'autres à entendre des vers récités par quelques poètes (PERSE, sat. 1); souvent ils avaient un concert durant leurs repas (SPARTIEN, Vie d'Adrien, ch. XXIV ; PÉTRONE, Satyricon, ch. XXXIV). (73). - Uti hospites advenientes non in peristylia, sed in ea hospitalia recipiantur. L'hospitalité, dans les anciens temps, était soigneusement pratiquée. Ce n'était pas seulement une vertu; c'était un devoir de l'exercer envers tout le monde ; il n'y avait rien de plus sacré. Née d'une commisération naturelle, ou la trouve, dit de Bioul, chez les peuples que la civilisation n'a pas absolument corrompus; elle existe encore en Écosse, dans une grande partie de l'Orient, et surtout en Pologne. Nous voyons dans Homère avec quel dévouement les Grecs exerçaient l'hospitalité. L'opulence dont ils jouirent, après avoir repoussé les armées des Perses qui voulaient envahir leurs provinces, cette opulence accrue encore par leur commerce répandu chez toutes les nations connues, n'étouffa pas chez eux ce sentiment qui leur avait été transmis par leurs ancêtres. Si la sainte hospitalité subsista dans la Grèce aux plus beaux jours de sa gloire et de sa puissance, ce pieux devoir n'y fut pas, non plus, négligé au jour du malheur, après le triomphe de Paul Émile, lorsque Rome y établit sa domination. PLAN D'UNE MAISON GRECQUE.
a.
ltinera. Le passage appelé
θυρωεῖον. (74) - Xenia. Dans les premiers temps, les présents étaient rares chez les Romains; mais, dans la suite, l'accroissement du luxe les rendit fréquents et très-dispendieux. Les clients et les affranchis envoyaient des présents à leurs patrons; les esclaves à leurs maîtres ; les citoyens aux empereurs et aux magistrats; les personnes liées entre elles, les unes aux autres, dans plusieurs occasions, aux calendes de janvier, appelées strenae,, aux fêtes de Saturne, aux réjouissances publiques, apophoreta; on en faisait aux hôtes, xenia. - Voyez SUÉTONE, Vie d'Oct. Auguste, ch. LXXV; Vie de Caligula, ch. XV, et de Vespasien, ch. XIX. (75)
- Quas nos Vergilias, Graeci autem
Πλειάδας ominant. Elles étaient au nombre de sept :
Alcynoë, Céléno, Électre, Maïa, Astérope, Mérope et Taygète. Voyez
OVIDE, Fastes, liv. IV, v. 169. On les nomme Pléiades, soit de leur
mère Pléione, une des Océanides, soit du mot grec πλέω, naviguer, parce que la constellation qui porte leur nom, et qu'on voit au mois
de mai. se montre à une époque favorable à la navigation. (76)
- Aedificia quæ plano pede instituuntur. Vitruve recommande trois choses
dans toute construction : la solidité, l'utilité, la beauté. Il a déjà fait
connaître les proportions des différentes parties qui composent l'habitation,
et l'harmonie qui doit régner entre elles ; ce qui contribue à l'utilité et
à la commodité ; il est entré avec détail dans tout ce qui concerne
l'ornement et la beauté; ce dernier chapitre est consacré au troisième objet,
la solidité. Et à cet égard, il distingue deux sortes de constructions
celles qui se font sur la superficie du sol, celles qui se font au-dessous. Il a
traité de tout ce qui avait rapport aux premières, dans les livres III et V ;
quant aux secondes, qu'il appelle hypogées, mot composé de ὑπό,
sous, et γῆ, terre,
elles doivent avoir des murs souterrains plus épais que les murs supérieurs;
mais il n'assigne ni mesure ni proportion; il recommande seulement une chose
fort importante, qui malheureusement est quelquefois oubliée, c'est d'éviter
les porte-à-faux qui sont du tous les vices les plus opposés à la nature. En
mettant deux ordres l'un sur l'autre, il est nécessaire que les axes des
colonnes supérieures et inférieures se répondent à plomb, ne fassent qu'une
même ligne perpendiculaire. (77) - Nam si in pendentibus. C'est-à-dire si les murs portent, non pas sur d'autres murs construits sur une base solide, mais sur des poutres ou sur des linteaux, il faut avoir recours à quelques moyens de consolidation. (78) - Postes si supponentur. Par deux sortes de décharges, il est possible d'affermir les murs aux endroits où ils ont des vides, comme au droit des portes et des fenêtres dont les linteaux sont chargés du mur qui est au-dessus. La première se fait par deux poteaux rr (fig. 92) qui, posés au-dessus du linteau a, et touchant à chaque pied-droit ee, se réunissent en pointe comme deux chevrons, pour soutenir la charge du mur xz. La seconde se fait par le moyen d'un arc de voûte vvv (fig. 93), qui empêche que la maçonnerie i ne s'affaisse, parce qu'elle est allégée d'une partie de son faix, savoir de la partie mn. (79) - Sublisae. Stratico et Perrault ont suivi la correction de Philander qui, au lieu de sub lysi, lit sua lysi. Car, dit Perrault, bien que lysis, au ch. 2 du liv. III, signifie la cymaise ou talon d'une corniche, il n'y a point d'apparence que Vitruve ait songé à un membre d'architecture dont il ne s'agit aucunement ici; de sorte que lysis doit se prendre selon sa signification grecque, à la lettre, c'est-à-dire pour la rupture d'un mur qui se fait par la séparation des pierres dont il est composé. Les grammairiens pourtant croient que Vitruve a voulu par ce mot désigner le vide et l'ouverture d'une porte. Sublisae me parait préférable. (80)
- Pilatim. Ces piliers sont carrés. On les nomme en grec στήλαι,
en latin stelae. Quand ils sont ronds, ils prennent le nom
de κίονες
et de στύλοι. (81) - Extruserint incombas. II semblerait que par incumbae Vitruve a entendu les pierres taillées en forme de coin qui, dans une arcade, inclinent de chaque côté de celle qui, placée au milieu, est perpendiculaire au centre. Ou bien, ce qui est encore plus vraisemblable, incomba serait cette dernière pièce du jambage sur laquelle on commence à placer les voussoirs, et à former le cintre d'une voûte ou d'une arcade, l'imposte. Philander fait observer en passant que dans les péristyles, les portiques, les temples, aux portes, aux fenêtres, les anciens architectes ont fait retomber presque tous les arcs, non sur des piliers carrés, mais sur des colonnes rondes; et c'était un grand vice, à son avis, puisqu'ils doivent se rapporter au sommet du fût, ce qui ne pouvait avoir lieu entre deux objets dont l'un était rond et l'autre angulaire. (82) - Perpendiculo respondeant. Tout le monde connaît l'instrument dont se servent les ouvriers pour élever perpendiculairement un mur ou un pan de bois, et pour juger de son aplomb et de son surplomb, je veux dire le plomb, ce petit poids de métal qui est attaché au bout d'une ligne, ou cordeau, passée dans une plaque de fer ou de cuivre appelée chas. (83)
- In frontibus. En dehors, c'est-à-dire à la face du mur.
In
frontibus est évidemment opposé à introrsus contra terrenum. Il y
a donc des éperons aux deux faces du mur, dont les uns, ceux qui sont en dehors
aa, sont droits et parallèles, et dont les autres, ceux qui sont en dedans on,
font des angles qui sont en forme de dents de scie (fig. 94). (84) - Anterides, sive erismae. Ces deux mots grecs employés ici par Vitruve, signifient des appuis. Ils viennent du verbe ἐρείδω, étayer, résister. Nos mots français éperons et arcs-boutants sont métaphoriques, dit Perrault, et désignent les deux espèces d'appuis que l'on met aux murs. Les uns marqués aa (fig. 94), perpendiculaires au mur, sont appelés éperons, parce qu'ils sont attachés au mur, de même que l'éperon l'est au talon; les autres marqués ee, nommés arcs-boutants, sont arqués, et de la même espèce que ceux que Vitruve dit ressembler à des dents de scie oo. Stratico fait remarquer qu'en employant les mots anterides et erismae, Vitruve a voulu indiquer deux choses qui font le même office, et entre lesquelles il ne met plus tard aucune différence. (85) - Eaeque inter se distent tanto spatio. On lisait dans le texte : Deinde in frontibus anterides,sive erismæ sint, unae struantur, eaeque inter se distent tanto spatio, quanto altitudo substructionis est futura, crassitudine eadem qua substructio. Procurrant autem ab imo quantum crassitudo constituta fuerit substructionis. Ce qui semblerait vouloir dire qu'il faut que les éperons soient aussi distants les uns des autres que le mur qu'ils soutiennent a de hauteur; et, selon Perrault, ce ne serait point raisonnable car plus le mur que les éperons appuient est haut, et plus les éperons doivent être proches les uns des autres; aussi a-t-il cru devoir faire les corrections suivantes : Deinde in frontibus anterides, sive erismæ sint, una struantur, crassitudine eadem qua substructio, eæque inter se distent tanto spatio, quanto crassitudo constituta fuerit substructionis. Procurrant autem ab imo quantum altitudo substructionis est futura. Car cette grandeur de l'empâtement des éperons qui croît à proportion que le mur qu'ils appuient est haut, lui semble plus raisonnable que celle qui en diminue le nombre à mesure que le mur s'élève. On pourrait dire néanmoins que la raison, qui l'a porté à chercher quelque moyen de rétablir ce passage, est fondée sur une opinion contraire à celle des architectes qui veulent que les empâtements des murs soient proportionnés à leur largeur et non à leur hauteur. (86) - Et ab idiotis patiatur accipere se concilia. Ce conseil est excellent; et Apelle partageait l'opinion de Vitruve. « Quand ses ouvrages étaient terminés, dit Pline (Hist. Nat., liv. XXXV, ch. 36), il les exposait sous un avant-toit à la critique des passants, et, caché derrière, il écoutait les observations, regardant le public comme un juge plus exact que lui. » - « C'est une chose étonnante, s'écrie Cicéron (de l'Orat., liv. III, ch. 51), qu'il y ait tant de différence entre l'ignorant et l'homme habile, lorsqu'il faut produire, et qu'il y en ait si peu lorsqu'il ne faut que juger ! »
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Terminé le 06 décembre 2004