Vitruve

VITRUVE

DE L'ARCHITECTURE.

INTRODUCTION

Vitruve : De l'architecture.
Tome premier / trad. nouvelle par M. Ch.-L. Maufras,...
C. L. F. Panckoucke, 1847.

livre I

 

 

 

NOTICE SUR VITRUVE ET SUR SES ÉCRITS.

VITRUVE fut peu connu pendant sa vie, si l'on en juge par le silence opiniâtre de ses contemporains, et il mourut sans qu'on trouve dans l'antiquité rien qui se rattache à son souvenir. Deux écrivains pourtant semblent avoir enregistré son nom dans leurs écrits, comme pour indiquer qu'il vécut : Pline, qui le cite au nombre des auteurs dont il s'est servi ; Frontin, qui le nomme comme ayant été réputé l'inventeur du module quinaire dans les aqueducs. On ne peut donc savoir sur la vie de Vitruve que ce qu'il en a dit lui-même : or, il nous apprend qu'il occupa un rang assez important dans les armées de J. César, auprès duquel il jouissait d'une certaine considération ; que, de concert avec M. Aurclius, P, Numidius et L. Cornelius, il fut employé à la construction des machines de guerre ; qu'il éleva la basilique de Fano ; que, grâce à la recommandation de la sœur d'Auguste, il dut à cet empereur, auquel il dédie son ouvrage, des gratifications qui mettaient ses vieux jours à l'abri du besoin.

Sa taille était peu avantageuse ; il avait une constitution maladive : mais il ne désespérait pas de racheter par ses connaissances ce qui lui manquait du côté des qualités physiques. Il n'eut point de maîtres, ou plutôt ses maîtres furent ces nombreux auteurs grecs et latins dans lesquels il puisa si abondamment : car nous apprenons de lui-même que non seulement il avait lu Archimède, Archytas, Aristoxène, mais encore qu'il avait eu entre les mains Aristarque, Eratosthène, Bérose, Ctesibius, Athénée, Diade, Eudoxe, Apollonius, et grand nombre d'autres mécaniciens et géomètres. Aussi son ouvrage reste-t-il un trésor inestimable par la quantité de choses qu'il a recueillies dans tous ces auteurs, dont les écrits sont perdus. Indigné de voir que l'approbation, la faveur due au talent deviennent le prix de l'intrigue jointe à l'incapacité, il reproche, pour ainsi dire, à la nature de n'avoir pas donné à l'homme le moyen de lire dans la poitrine de ses semblables. Ce n'est point par la brigue qu'il veut remporter sur des gens sans instruction. Son traité d'Architecture, nous le devons à ce généreux sentiment.

Il ne se fait point illusion sur la sécheresse de son travail, sur l'obscurité des mots qu'il est obligé de forger pour exprimer des choses nouvelles pour la langue latine. S'il compare son travail à celui des historiens et des poètes, il sent toute l'infériorité de l'intérêt qu'il présente ; et c'est pour être lu, c'est pour ne point effaroucher le lecteur, qu'il devient si bref dans ses descriptions.

Vitruve, imbu des préceptes de l’école de Socrate, n'estime que les biens auxquels ne peuvent porter atteinte ni l'injustice de la fortune, ni l'inconstance des événements, ni les malheurs de la guerre. Aussi, dans l'élan de sa reconnaissance, quelles actions de grâces ne rend-il pas à ses parents, qui ont compris pour lui toute l'importance de cette éducation qui lui a fait sentir que la véritable richesse est celle qui ne laisse rien à désirer ! Simple, modeste, probe et désintéressé, il n'a eu recours ni aux prières, ni aux instances pour se produire. Faut-il donc s'étonner qu'il soit resté inconnu au plus grand nombre !

Plein de générosité et de délicatesse, s'il accorde un large tribut de reconnaissance à ces grands écrivains qui nous ont fait part, dans leurs écrits, de leurs pensées et de leurs découvertes, il verse le blâme sur ces plagiaires qui, sans avoir une idée qui leur soit propre, se couvrent de leurs dépouilles, s'emparent de leurs travaux pour s'en faire gloire.

Tous ces nobles sentiments de reconnaissance, d'amour filial, de générosité, de probité, de piété, forment de sa vie un tableau dont toutes les parties sont si complètes qu'il n'est guère possible de regretter les quelques détails que des contemporains auraient pu y ajouter.

Celui qui traite d'une science ou d'un art doit joindre la pratique à la théorie. Il ne faut pas confondre Vitruve avec ces architectes qui ne possèdent que l’une de ces deux choses. Et quel mérite ne devons-nous pas lui faire de la modestie avec laquelle il avoue que ce n'est point comme philosophe, comme rhéteur, comme grammairien qu'il se présente aux yeux de ses lecteurs, mais comme architecte, avec les simples connaissances qu'exige l'exercice de son art !

Le lieu de la naissance de Vitruve, on l'ignore. Quelques auteurs, il est vrai, s'appuyant sur une inscription trouvée à Vérone, lui assignent cette ville pour patrie ; mais l'arc antique sur lequel on la voit ; s'il prouve qu'un architecte du nom de Vitruve en fut le constructeur, n'indique nullement qu'il soit question de l'auteur du traité, et encore moins qu'il y soit né. Voici cette inscription :

L. VITRVVIVS L. L. CERDO

ARICHITECTVS.

Andréas Alciat, l'un de ces auteurs, rencontre bien dans CERDO un obstacle qui l'embarrasse ; il est forcé d'avouer que tous les manuscrits portent le mot POLLIO ; mais il juge à propos de remplacer ce nom par celui de PELLIO, dont la signification, dit-il, est la même que celle de CERDO. Le marquis de Maffei, plein de zèle pour Vérone, sa patrie, s'est efforcé, dans sa Verona illustrata, de faire partager le sentiment d'Alciat ; mais Philander, Barbara et Baldi ne se rangent point à son avis, parce que dans la plupart des manuscrits on lit : M. VITRIVIVS POLLIO, et non L. VITRVVIVS PELLIO. Et puis quel rapport le mot CERDO, substitué à celui de PELLIO, pourrait-il avoir avec ce dernier, si l'un vient de k¡rdow, et l'autre de pellis ? Et puis l'architecte de Vérone a placé dans son arc de triomphe, des denticules sous les mutules, arrangement que M. Vitruve regarde comme une faute grave. Ce qui donnerait lieu de croire que L. Vitruve est moins ancien que l'autre, c'est que plus tard les architectes mirent généralement des denticules sous les mutules, comme on peut le voir aux arcs de triomphe de Titus, de Nerva, de Constantin, au portique de ce même Nerva, et aux thermes de Dioclétien, monuments du siècle suivant. L'inscription de Vérone ne signifierait-elle point LUCIVS VITRVVIVS LUCII LIBERTVS ? Les affranchis ajoutaient à leur nom celui de leur patron ; ce qui éloignerait encore toute idée de rapprochement avec M. Vitruve, qui naquit de parents libres.

Vitruve dit au livre IIIème : Hujus exemplar Romae nullum habemus, et César Cesariano infère de là qu'il était Romain. Que notre architecte ait vécu à Rome, c'est ce qui n'admet aucun doute ; mais la supposition qu'il y soit né paraît à Baldi, avec raison, tout il fait gratuite, aussi bien que celle qui le ferait naître à Plaisance, parce qu'au premier chapitre du livre IXème de son ouvrage, il cite celle ville avec celles d'Athènes, d'Alexandrie et de Rome.

De nombreuses inscriptions antiques découvertes à plusieurs époques, dans les ruines de Formies, toutes inscriptions sépulcrales qui portent le nom de la famille Vitruvia, indiqueraient-elles que cette ville est le lieu de la naissance de M. Vitruve ? C'est ce qui a paru vraisemblable à Jean Poleni, et c'est aussi là l'opinion la plus probable.

Perrault prétend que Philander est le premier dans l'édition duquel on trouve les mots ad Caesarem Augustum. C'est une erreur : l'édition de 1497 porte pour inscription : L. Vitruvii Pollionis ad Caesarem Augustum de Achitectura liber 1; et depuis, les éditeurs se sont unanimement accordés à l'intituler M. Vitruvii Pollionis de Architectura lib. X, ad Caesarem Augustum. Et même à la fin du manuscrit qui aujourd'hui est conservé à la bibliothèque de Saint-Marc, à Venise. et qui a appartenu au cardinal Bessarioni, mort en 1472, on lit : Decimus et ultimus Vitruvii Pollionis peritissimi et eloquentissimi architecti liber de Architectura ad Caesarem Augustum felicissime exegit.

Perrault avance encore que quelques écrivains, qu'il ne nomme pas, ont prétendu que c'était à Titus, et non à Auguste, que Vitruve adressait ses livres. Jean Poleni assure que, malgré ses recherches, il n'a pu en trouver un seul qui ait émis cette opinion. Cependant, bien que l'opinion commune veuille que Vitruve soit contemporain de J. César et d'Auguste, Guillaume Newton, dans la traduction anglaise qu'il publia en 1771 et 1791, donne les raisons qui lui font placer Vitruve au temps de Titus. Mais il il été victorieusement réfuté par M. Hirt, professeur à Berlin, à la suite de sa dissertation sur le Panthéon. Voici, d'après F. SchoelI, un extrait de la réfutation de M. Hirt, en tant qu'il se l'apporte aux objections de M. Newton.

M. Newton, d'après cette phrase de Vitruve : "Dans les villes où, iln'y a ni gymnases ni amphithéâtres, les temples d'Hercule doivent être placés près du Cirque" suppose qu'au temps de l'écrivain il existait déjà un certain nombre d'amphithéâtres, et qu'il y en avait ailleurs que dans la capitale : or, une telle supposition ne peut convenir au temps d'Auguste, où il n'existait qu'un seul amphithéâtre, celui de Statilius Taurus. M. Hirt pense que, pour que Vitruve pût s'exprimer ainsi, il suffisait qu'il connût la construction des amphithéâtres : or, il la connaissait, non seulement par celui de Statilius Taurus, mais aussi par les deux amphithéâtres de bois que Curion et J. César avaient fait établir avant Auguste. Il oppose au passage cité par M. Newton, un autre passage de Vitruve qui nous apprend qu'il était d'usage de donner dans les forum les jeux des gladiateurs : les amphithéâtres étaient donc encore peu communs ; ce qui ne pouvait plus être au règne de Titus.
Vitruve explique avec détail, dit M. Newton, la différence qu'il y avait entre les théâtres grecs et les théâtres romains, et donne des règles pour leur construction ; mais, comme jusqu'en 711 il n'en existait à Rome qu'un seul, celui de Pompée, dont l'arrangement ne pouvait pas servir de règle pour établir un nouveau genre de bâtiment, il paraît que Vitruve écrivit dans un temps où il existait plusieurs théâtres à la romaine, puisqu'il dit qu'on a fait usage, dans plusieurs provinces de l'Italie, et dans des villes de la Grèce, des vases destinés à augmenter l'intensité de la voix. M. Hirt répond que, s'il est vrai que, jusqu'en 711, Rome n'ait eu qu'un seul théâtre en pierres, il n'en est pas moins constant qu'avant cette époque on en avait construit plusieurs en bois, et que les règles données par Vitruve se rapportent aussi bien il ceux-ci qu'aux premiers ; que, quant aux théâtres des autres villes de l'Italie, rien n'empêche de penser ici à des villes de la Grande-Grècc ; la seconde partie de la phrase parait même indiquer que c'est d'elles que Vitruve veut parler, puisqu'il les oppose aux villes de la Grèce même. Or, il est bien connu que les villes de la Grande-Grèce avaient des théâtres longtemps avant les Romains.

Vitruve, poursuit M, Newton, parle d'un temple de la Fortune Équestre qu'on voyait à Rome ; mais nous savons par Tacite qu'il n'y existait pas de temple de ce nom avant Tibère. Mais, répond M. Hirt, Tacite est ici en contradiction manifeste avec Tite-Live et avec Valère Maxime, qui racontent que, dès 581, Q, Fulvius Flaccus élevait à Rome un temple en l'honneur de la Fortune Équestre.
D'où pourrait donc venir cette contradiction dans des auteurs aussi graves ? Le temple n'existait probablement plus sous Tibère, et c'était sans doute sous le règne de Tibère même qu'il avait disparu. Ce temple, dit Vitruve, était placé près du théâtre de Pompée, or, cet édifice souffrit par un incendie qu'il y eut au temps de Tibère, et il paraît que dans cet accident le temple de la Fortune périt. Il est vrai que Publius Victor le nomme comme existant de son temps dans la neuvième région ; mais celle circonstance prouverait seulement qu'il avait été rebâti.

A l'exemple allégué par M. Newton, le professeur allemand en oppose un autre également tiré de Vitruve. Cet auteur parle d'un temple de Cérès situé au Cirque ; il dit qu'il était du genre aréostyle, genre défectueux dans lequel les colonnes étaient trop éloignées les unes des antres, ce qui était cause qu'on leur donnait des architraves en bois. Ce temple fut la proie d'un incendie sous Auguste. Ce prince donna ordre de le rebâtir ; mais il ne fut achevé que sous Tibère. On doit croire que l'édifice aréostyle dont parle Vitruve, était l'ancien temple de Cérès qui datait du temps du dictateur Aulus Posthumius : car il n'est pas permis de penser qu'en le reconstruisant, Auguste ait conservé l'ancien plan, défectueux et indigne du temps où il vivait. Il n'en était pas de même des peintures à fresque qui ornaient ce temple : ces ouvrages de Damophile et de Gargasus furent détachés des murs, et replacés dans le nouveau temple comme des monuments précieux.

Après avoir réfuté les principales raisons qui ont engagé M. Newton à placer Vitruve au temps de Titus, M. Hirt lui en oppose quelques-unes qui ne permettent pas de lui assigner cette époque.
1° Frontin, qui vivait sous Domitien et Nerva, dit, en parlant des aqueducs, que les tuyaux du module quinaire ont été introduits par Agrippa ou par Vitruve, Mais Pline parle de ce module comme Vitruve : or, comment Frontin pouvait-il attribuer à Vitruve un module dont il est question dans Pline écrivain du temps de Vespasien, si Vitruve n'avait écrit que sous Titus ? La réunion des noms de Vitruve et d'Agrippa, si elle ne prouve pas que Frontin les regardait comme contemporains, indique suffisamment qu'il parle de cette découverte comme d'une chose ancienne.

2° Vitruve dit dans l'introduction de son premier livre, qu'il a été recommandé à Auguste par sa soeur ; mais Titus n'avait pas de sœur : car Suétone dit expressément que Vespasien survécut à sa fille unique.

3° En parlant du théâtre de Pompée, Vitruve l'appelle le théâtre de pierres. Cette dénomination aurait-elle été convenable, si, lorsqu'il écrivait, il avait existé à Rome d'autres théâtres de pierres ? Mais ceux de Marcellus et de Balbus furent consacrés en 741 : il parait donc que Vitruve a écrit avant cette époque. Partant de là, on peut placer la composition de l'ouvrage de Vitruve entre l'an 738 et l'an 727. En voici deux raisons : 1 ° Vitruve parle d'un temple qui fut construit en l'honneur d'Octave, sous le nom d'Auguste : or, ce prince ne prit ce nom que l'an 727 ; 2° le même écrivain fait mention d'un temple de Quirinus, construit à Rome, et qui était d'ordre dorique : or, Dion Cassius dit que le temple de Quirinus, entouré de soixante-seize colonnes, nombre requis pour former ce qu'on appelle un temple diptère, ne fut consacré qu’en 738.

Vitruve nomme Mazaca en Cappadoce : il est constant, d'après Eutrope, Suidas, Saint Jérôme et quelques autres auteurs, que le nom de cette ville fut changé par Tibère en celui de Césarée, il précéda donc ce changement de nom.

Il parle de Tralles comme d'une ville qui existait de son temps : Eusèbe et d'autres auteurs nous apprennent que vingt-sept ans avant l’'ère vulgaire, elle fut complètement détruite par un tremblement de terre.

Il fait mention de Zama, ville d'Afrique, qui fut renversée de fond en comble par les Romains, du temps de Strabon, c'est-à-dire vers la fin du règne d'Auguste, ou au commencement de celui de Tibère : Vitruve a donc écrit avant la ruine de cette ville, et il ne serait point improbable qu'il eût fait cette campagne. De toutes ces raisons, on peut aisément déduire que notre auteur vécut du temps des guerres civiles de César et de Pompée, d'Auguste contre Brutus, Cassius et Antoine, et que ce ne fut qu'à la paix qu'il dédia ses livres à Auguste.

L'étude de Vitruve, dit Simon Stratico, présente d'assez grandes difficultés, dont les causes peuvent être mises au nombre de quatre :

1° Vitruve est le seul des écrivains grecs et romains qui ont écrit sur l'architecture, dont l'ouvrage soit arrivé jusqu'à nous ;

2° Les mœurs, les coutumes, les usages, le luxe, le goût changent avec les siècles, et amènent des modifications dans les édifices dont pas un peut-être n'a conservé sa forme première, et qui ont été différents de ceux qui aujourd'hui portent le même nom ;

3° Un style embarrassé, des mots dont la signification est quelquefois incertaine, une concision calculée, et une multiplicité des matières ;

4° La corruption du texte, l'ignorance des copistes, la transposition des périodes, des notes mises sur la marge qui ont été introduites dans le texte, la perte des figures ; ajoutez maintenant à toutes ces causes les commentaires des interprètes et des érudits, la diversité de leurs sentiments, leurs conjectures, que de raisons pour rendre un auteur inintelligible !

Mais pourquoi ne retrouve-t-on point aujourd'hui les ouvrages des Grecs et des Romains qui ont traité de cette matière ? Cela vient sans doute de ce que les arts s'apprennent, s'acquièrent presque toujours par l'imitation, par l'usage, par la pratique, rarement par une théorie puisée dans les livres. Et un art qui ne peut marcher qu'appuyé sur le compas et sur le pinceau, dont toutes les mains ne peuvent se servir, n'attire pas un grand nombre de lecteurs, comme le peuvent faire les orateurs, les poètes, les historiens, les philosophes, Et Vitruve étant le seul dont les écrits sur l'architecture nous soient restés, la signification des mots présente de l'incertitude, les locutions techniques n'offrent qu'un sens douteux. Nous trouvons, il est vrai, de grands secours dans l'immense collection de Pline, dans le livre de Varron sur la Langue latine, dans les auteurs qui ont écrit sur l'agriculture ; mais, comme l'architecture n'est point l'objet spécial de leurs travaux, et que leur texte n'est pas sans corruption ni sans incertitude, les difficultés dont nous parlons restent les mêmes, et nous ne trouvons pas beaucoup de ressources dans les livres de ceux qui, en écrivant l'histoire des Grecs et des Romains, ont fait mention des édifices les plus remarquables. Ils parlent bien de la construction de théâtres, d'amphithéâtres, de cirques, de thermes, de ponts, d'arcs de triomphe ; mais ils n'entrent dans aucun détail. Il semble qu'ils n'aient voulu donner qu'une idée générale de la puissance, de la magnificence de ces peuples. Ignoraient-ils les principes des arts ? Ne connaissaient-ils qu'imparfaitement les objets à décrire ! Toujours est-il qu'ils appuient assez souvent sur des choses peu dignes de remarque, tandis qu'ils passent légèrement sur d'autres qui auraient demandé une description exacte.

Voici quelques-unes de ces indications puisées dans les historiens anciens. L'histoire de l'art y gagne bien peu. Jules César ne se borna pas à décorer le Comitium, le Forum, les basiliques ; il étendit ce soin jusqu'au Capitole, où il fit élever des portiques. Octave Auguste, entre autres travaux publics, fit construire le Forum et le temple de Mars Vengeur, le temple d'Apollon sur le mont Palatin, le temple de Jupiter Tonnant au Capitole. Il ajouta au temple d'Apollon des portiques et une bibliothèque grecque et latine. Il fit encore exécuter d'autres travaux sous d'autres noms, sous ceux de ses petits-fils, de sa femme et de sa sœur: tels sont le portique et la basilique de Caïus et de Lucius, le portique de Livie et d'Octavie, le théâtre de Marcellus. Ce fut d'après ses exhortations que M. Philippus érigea le temple de l'Hercule des Muses ; L. Cornificius, celui de Diane ; Asinius Pollion, le vestibule de la Liberté ; Mun, Plancus, le temple de Saturne; Corn. Balbus, un théâtre ; Statilius Taurus, un amphithéâtre ; M, Agrippa, de nombreux et beaux édifices.
Caligula acheva le temple d'Auguste et le théâtre de Pompée, ouvrages laissés imparfaits sous Tibère, Il commença un aqueduc auprès de Tivoli, et un amphithéâtre à côté des Septes, Il voulait reconstruire le palais de Polycrate à Samos, achever à Milet le temple d'Apollon Didyméen, bâtir une ville au sommet des Alpes.

Néron inventa pour les édifices de Rome un nouveau genre de construction, et voulut que les carrés des maisons et les maisons isolées fussent entourés de portiques, et que du haut de leurs plates-formes on pût éteindre les incendies. Il éleva un bâtiment du mont Palatin aux Esquilies, et d'abord il le nomme Passage, puis, quand un incendie l'eut consumé, et qu'il eut été rebâti, il l'appela le Palais d'or. En ce qui concerne la grandeur et le luxe de ce palais, il nous suffira de rapporter ce qui suit : le vestibule était si grand qu'on y avait placé une statue colossale de cent vingt pieds, à l'effigie de Néron ; si vaste, qu'une triple rangée de colonnes l'entourait, et composait des portiques de mille pas de longueur. Il y avait une pièce d'eau pour imiter la mer, et des édifices la bordaient. On se serait cru au milieu d’une ville. Dans les diverses parties de l'édifice tout était doré, et enrichi de pierreries, de nacre et de perles. Les plafonds des salles à manger étaient en tablettes d'ivoire mobiles pour laisser échapper des fleurs. La principale de ces salles était ronde, et jour e nuit elle tournait sans relâche pour imiter le mouvement du monde. Il entreprit de creuser un étang depuis Mycènes jusqu'au lac Averne, le couvrit et l'entoura de portiques.

Rome présentait un aspect désagréable par suite d'incendies et de chutes d'édifices ; T. Flav. Vespasien permit à chacun d'occuper les terrains vacants, et d'y bâtir, si les propriétaires négligeaient de le faire. Lui-même entreprit la restauration du Capitole. Il fit des constructions nouvelles, telles que le temple de la Paix auprès du Forum, et celui de Claude sur le mont Célius, commencé, il est vrai, par Agrippine, mais presque entièrement détruit par Néron. Il éleva un amphithéâtre au milieu de la ville, comme il savait qu'Auguste l’'avait projeté. Il protégea les talents et les arts ; il accorda de riches présents aux poètes distingués, et aux artistes, par exemple, à celui qui fit la Vénus de Cos, et à celui qui répara le colosse.

Par Domitien furent restaurés beaucoup de magnifiques édifices qui avaient été dévorés par les flammes, entre autres le Capitole, qui avait été brûlé de nouveau. Un temple neuf fut bâti sur le Capitole, et dédié à Jupiter Gordien. On lui doit le forum qui porte aujourd'hui le nom de Nerva, le temple des Flavius, un stade, un odéon, enfin une naumachie, dont les pierres servirent ensuite à la restauration du grand Cirque, quand un incendie en eut consumé les deux côtés.

Si nous ouvrons l'Histoire Auguste, nous y voyons les écrivains marcher sur les mêmes errements. C'est Adrien qui fait bâtir à Nîmes, en l'honneur de Plotine, une basilique d'un travail admirable ; qui rétablit à ses frais le temple d'Auguste à Tarragone, où il passe l'hiver ; qui consacre dans un voyage à Athènes les monuments qu'il y avait commencés, entre autres un temple qu'il dédie à Jupiter Olympien, et un autel auquel il donne son propre nom ; c'est lui qui restaure à Rome le Panthéon, le parc Jules, la basilique de Neptune, un grand nombre d'édifices religieux, le forum d'Auguste, les bains d'Agrippa ; qui construit sur les bords du Tibre un pont et un tombeau portant tous deux son nom ; qui orne sa campagne de Tibur de constructions admirables. On y voyait reproduits les lieux les plus renommés de l'univers : le Lycée, l'Académie, le Prytanée, le Poecile, Canope, Tempé, et même, pour que rien n'y manquât, les Enfers.

Antonin le Pieux, élevé à Lauris, sur la voie Aurélienne, y bâtit dans la suite un palais dont on voit encore aujourd'hui les restes. Les ouvrages que lui doit Rome sont : le temple d'Adrien, dédié à ce prince ; le Grécostade, rebâti après un incendie; l'amphithéâtre réparé; le tombeau d'Adrien, le temple d'Agrippa, un pont sur pilotis, la restauration du phare, le port de Caïète, la reconstruction de celui de Terraeine, les bains d'Ostie, les aqueducs d'Antium, les temples de Lanuvium.

Poursuivons encore.

Les principaux monuments publics de Sévère sont le Septimonium, et les thermes qui portèrent son nom.

Caracalla laissa à Rome plusieurs monuments, entre autres des bains magnifiques qui portèrent son nom ; la salle de ces bains est un ouvrage si admirable, qu'au dire des architectes, il serait impossible d'en faire une semblable. On dit en effet que toute la voûte porte sur des barres d'airain et de cuivre superposées, et qu'elle est d'une telle étendue que d'habiles mécaniciens ne peuvent concevoir qu'on soit parvenu à l'établir. Il laissa aussi un portique qu'il appela le portique de Sévère, et où il fit représenter les actions, les guerres et les triomphes de son père. Il transporta à Rome le culte d'Isis, et éleva partout à cette déesse des temples magnifiques.
Lampride dit d'Alexandre Sévère qu'il établit à Rome plusieurs ouvrages de mécanique, répara les bains qu'il avait lui-même fondés, en construisit de nouveaux à l'usage du peuple, et fit même entourer d'un bois les thermes publics. Il restaura les édifices construits par d'anciens princes, et il en éleva lui-même un assez grand nombre, entre autres les thermes appelés de son nom, près de ceux de Néron, et dans lesquels il fit venir une eau qu'on appelle encore alexandrine. Il entoura ses thermes d'un bois planté sur l'emplacement de plusieurs habitations particulières qu'il avait achetées et fait abattre. Il acheva les thermes d'Antonin Caracalla, et y ajouta des portiques et des ornements.

Il inventa pour les constructions en marbre un mélange de porphyre, et de marbre lacédémonien, sorte de composition qui porte son nom, et dont il orna le palais. Il fit élever à Rome plusieurs statues colossales, faites par des artistes qu'il avait appelés de tous les pays. Il avait résolu de construire entre le Champ de Mars et les Septes d'Agrippa, une basilique de cent pieds de largeur, et de mille de longueur, qui devait tout entière porter sur des colonnes; mais la mort l'empêcha de réaliser ce projet.

Il orna, comme il convenait, les temples d'Isis et de Sérapis, et il y ajouta des statues, des vases de Délos, enfin tout ce qui avait rapport aux cérémonies mystiques de ces divinités. Il avait un grand amour pour Mammée sa mère ; et il fit construire à Rome dans le palais, des salles à manger du nom de Mammées. Baïes fut embellie par lui d’un palais, près duquel on creusa un lac qui porte encore aujourd'hui le nom de Mamméé. Il y laissa encore d'autres ouvrages magnifiques en l'honneur de ses parents, ainsi que d'immenses étangs ouverts aux eaux de la mer. Il restaura presque tous les ponts construits par Trajan ; il en fit lui-même de nouveaux ; mais il laissa le nom de Trajan à ceux qu'il n’avait que réparés.

Voilà sans doute des indications fort importantes pour l’'histoire ; mais l'architecture et la mécanique n'y gagnent rien, et ne trouvent pas plus de ressources dans les autres historiens. Mais, grâce aux travaux des Alberti, des Barbaro, des Cesariano, des Delorme, des Galiani, des Palladio, des Perrault, des Philander, des Poleni, des Scamozzi, des Serlio, l'architecture ancienne a peu de mystères qui n'aient été pénétrés, et on peut suivre Vitruve, autant qu'il est possible de le faire.
La seconde difficulté qui se rencontre dans l'étude des livres de Vitruve, ce sont les changements survenus dans les mœurs et les institutions, les idées de luxe on d'économie qui ont présidé à la construction des édifices. Il y a trois qualités que réclame l’architecture : la solidité, l’utilité, la beauté. La solidité qui repose sur les principes immuables de la statique, est la seule dont les lois soient constantes ; mais il n'en est pas de même de l'utilité et de la beauté. L'utilité, pour les édifices, est la distribution qui les rend parfaitement propres à leur destination, et c'est dans l'harmonie des parties avec l'ensemble, aussi bien que dans la solidité, que consiste la beauté. Or, ce qui regarde l'utilité varie selon les mœurs, les institutions, les cérémonies religieuses, les usages des peuples. Il peut donc exister de grandes différences entre des édifices qui portent aujourd'hui le même nom qu'ils avaient autrefois. Et quant à leur grandeur, à leur magnificence, à la multitude et à la richesse de leurs ornements, elles, sont déterminées par le luxe ou par la simplicité qui se présente sous des aspects très variés, et que les hommes apprécient d'une manière bien différente.

La troisième difficulté, Vitruve l’a sentie lui-même et c'est moins, à lui qu'elle doit s'adresser qu'à la matière qu'il traite. Il a dû se servir d'un grand nombre de termes techniques qui ne se retrouvent chez aucun autre auteur, et qui dès lors restent sans, explication, et d'une foule d'autres mots qu'il a été obligé d'emprunter à la langue grecque. Ce serait vainement qu'on chercherait dans notre auteur cette élégance, cette pureté qui brille dans les écrivains du siècle d'Auguste, qui, même au siècle suivant, distingue Pline et Celse, bien que celui-ci ait écrit sur la médecine, et celui-là sur tous les sujets ; mais Vitruve ne s'est pas tant efforcé de rendre son style clair que concis, dans la confiance où il était que les figures qu'il avait ajoutées au texte suppléeraient suffisamment à ce qui pourrait y manquer de clarté. Malheureusement les premiers copistes, soit par négligence, soit par maladresse, ont laissé perdre ces figures qu'ils ont crues inutiles à l'intelligence d'un texte qu'elles rendaient sans doute clair à leurs yeux ! mais quand plus tard il a été question de copier les nouveaux manuscrits privés des figures, il est devenu presque impossible. Que les nouveaux copistes n 'aient pas fait beaucoup de fautes en écrivant des choses auxquelles ils ne comprenaient plus rien. De là un texte que le talent d'habiles commentateurs n'est pas toujours parvenu à rendre bien net dans quantités d'endroits. Et puis Vitruve ne prie-t-il pas lui-même ceux qui le liront de lui pardonner s'ils ne trouvent dans son travail ni la profondeur du philosophe, ni l'habileté du rhéteur, ni la pureté du grammairien, et s'ils ne rencontrent en lui qu'un architecte qui ne possède des sciences que ce qu'exige son art. Aussi Alberti a-t-il été trop sévère dans le jugement, qu'il en a porté. Car qu'est ce que le style ? N'est-ce pas la manière, de rendre ses pensées par écrit ?Le style n'est-il pas le résultat du choix des mots et de leur arrangement selon les lois de l'harmonie et du nombre? Or, il doit y avoir plusieurs sortes de styles qui toutes revêtent la couleur des sujets traités. L'orateur n'a pas le style de l'historien, le poète celui du philosophe. Le choix des mots, quand il s'agit d'un art, est borné à ceux qui conviennent à cet art; mais s'il se fait des découvertes inconnues aux anciens ; s'il arrive que les mots manquent dans la langue dont on se sert, il faudra bien en aller chercher dans les langues étrangères, dans celles surtout où ces choses nouvelles sont connues et employées. Et n'est-il point injuste de reprocher à Vitruve d'avoir emprunté quelques mots à la Grèce, lui qui appuie ses préceptes sur l'autorité des édifices et des écrivains de ce pays, auquel Rome doit son architecture. Et les mots dipteros, peripteros ,amphiprostylos, prostylos, pronaos, systylos, pycnostylos, eustylos, diastylos, anterides, erismae, apophygis ,astragalos, entaris, emplecton, hypaethrum, epistylium, zophorus, triglyphus, grammicum, corsa, episcenos, diagramma, catatechnos, lacotomus, etc., tous mots dérivés du grec, tous mots techniques, tous pris dans la même acception par les écrivains latins contemporains, n'embarrassent point le style, ne paraissent point devoir en être bannis. Et parce que Vitruve a employé des mots latins propres à son art, mais ne se rencontrant point dans d'autres auteurs, est-ce une raison pour lui en faire un crime? Pourquoi, par exemple, les mots aequilatatio, palationes, alveolatus, immissarium, geniculus, columnarium, coassare, coassatio, statuminare, plano pede, in cultro, pilatim, incumba, displuviatum, moeniana, replum, et d'autres, seraient-ils proscrits? C'est sans doute parce que quelques-uns d'entre eux présentent de l'obscurité? Mais est-ce sur Vitruve qu'il en faut faire retomber la faute ? Non certainement pas plus qu'on ne doit lui reprocher quelques fautes contre la syntaxe, qui proviennent le plus souvent de la corruption du texte, Quant à la brièveté qui sème de grandes difficultés les livres de Vitruve, elle entre dans son plan ; et parmi les raisons qu'il en donne, il faut convenir qu'il en est qui sont pour le moins singulières : les affaires, tant publiques que particulières, dont je vois, dit-il, tous les citoyens accablés, me déterminent à abréger mon ouvrage, afin que ceux à qui leurs instants de loisir permettront de le lire, puissent promptement en saisir l'ensemble. Il s'autorise de la doctrine de Pythagore, aussi bizarre qu'obscure, et qu'il appelle lui-même une hérésie. C'est assez mal choisir son autorité.
Un reproche plus sérieux à faire à Vitruve, c'est qu'il lui arrive souvent d'entamer des questions de philosophie ou de physique qu'il ne peut développer ni résoudre. Vitruve est un homme auquel la lecture, la méditation, une longue expérience de la vie ont beaucoup appris, mais qui n'a point reçu de principes. En se mettant à écrire, il veut montrer les fruits qu'il a retirés de ses lectures et de ses observations, il veut acquérir du renom ; mais il échoue dans des entreprises qui sont au-dessus de ses forces, et demeure obscur. Et n'est-il pas étonnant de l’'entendre, au chapitre 1er du livre 1er, exiger que l'architecte soit initié à toutes les sciences, et cela pour des raisons bien légères, et qui font voir qu'il ne connaissait peut-être pas toute l'importance de ces sciences ? Il est vrai que plus tard il se contente pour l'architecte de connaissances fort médiocres, même en ce qui a trait à l’'architecture.

L'origine que Vitruve donne à cette science est une fiction poétique qu'il est allé puiser dans Lucrèce. Les vers de ce grand poète sont admirables sans doute ; mais l'homme qui pense ne peut prendre au sérieux ce qui n'est que le fruit d'une imagination féconde. Ce qu'il dit des principes des choses, des effets de la chaux et de la pouzzolane, semblerait annoncer des notions imparfaites sur ces matières.

Vitruve n'a point suivi de méthode dans son ouvrage, ajoute Stratico. Il s'est bien, il est vrai, fait un cadre dans lequel il a voulu classer toute sa science ; mais il ne l'y a pas toujours renfermée d'une manière heureuse, passant sous silence beaucoup de choses qui sont du ressort de l'architecture, donnant trop de développement à beaucoup d'autres, sans qu'elles appartiennent proprement à son art, et se complaisant de temps en temps dans des récits merveilleux auxquels il ajoute foi, et dans lesquels il oublie d'être bref.

Sur les dix livres, sept sont consacrés à l'architecture proprement dite : le Ier traite de cet art en général, des qualités nécessaires à l'architecte, du choix des lieux pour bâtir une ville, etc. ; le IIème, des matériaux propres à la bâtisse, de l'extraction des pierres, de la coupe des bois de construction ; le IIIème, des temples, des quatre ordres d'architecture en général, et particulièrement de l'ionique ; le IVème, de l'ordre dorique, du corinthien et du toscan ; le Vème, des édifices publics ; le VIème, des maisons de la ville et de la campagne ; le VIIème, des ornements et de la décoration des édifices particuliers. Le VIIIème est consacré à l'hydraulique ; le IXème, à la gnomonique ; le Xème, à la mécanique. Voilà un plan qui bien développé semblerait devoir contenir tout ce qui concerne l'architecture, l'hydraulique, la gnomonique et la mécanique. Mais combien de choses qui touchent de très près à l'art, n'ont été qu'effleurées ! Vitruve se tait sur les prisons et sur les bâtiments du trésor ; il explique si peu la forme des cheminées et des foyers, que les savants sont encore à se demander s'il y en avait ou non chez les anciens. Il ne dit que quelques mots sur la construction des arcades, des voûtes, des cintres ; il ne parle point des ponts, des tombeaux, des arcs de triomphe, des voies publiques, si remarquables chez les Romains, des amphithéâtres, des cirques, des fenêtres ; il est bref et sec en ce qui regarde les aqueducs ; sec et vulgaire en ce qui a rapport à la mécanique. Il s'étend longuement sur la musique sans nous apprendre en quoi elle est bien applicable à son art. Il y a beaucoup d'obscurité dans son architecture militaire.

Mais à côté de ces défauts se trouvent tant de choses importantes, que Vitruve n'en reste pas moins un des auteurs les plus précieux que nous ait légués l'antiquité. Et ce qui prouve combien il a été estimé, même dans les siècles les plus barbares, c'est le grand nombre des manuscrits de son œuvre qui ont échappé aux ravages des temps et des hommes, et que l'on conserve si soigneusement dans les plus célèbres bibliothèques. Aussi ce traité peut-il, en quelque sorte, nous consoler de la perte de tous les autres dont il renferme les principes épars.

Si Vitruve ne peut être regardé comme un de nos meilleurs auteurs classiques, convenons pourtant que, quand il ne se livre point aux enseignements de son art, quand il ne passe point en revue les matériaux qui entrent dans la construction des édifices, quand' il ne pénètre pas dans le mécanisme des machines, son style ne manque ni d'éloquence ni de nerf, comme il est aisé de s'en convaincre par quelques-unes des introductions de ses livres, et par quelques récits historiques qui sont comme autant d'épisodes semés dans son ouvrage, pour délasser le lecteur de l'aridité de la matière.

 

[1] Ἁδριανὸς δὲ ὑπὸ μὲν Τραϊανοῦ οὐκ ἐσεποιήθη· ἦν μὲν γὰρ πολίτης αὐτοῦ καὶ ἐπετροπεύθη ὑπ´ αὐτοῦ, γένους θ´ οἱ ἐκοινώνει καὶ ἀδελφιδῆν αὐτοῦ ἐγεγαμήκει, τό τε σύμπαν συνῆν αὐτῷ καὶ συνδιῃτᾶτο, τῇ τε Συρίᾳ ἐπὶ τῷ Παρθικῷ πολέμῳ προσετάχθη, οὐ μέντοι οὔτ´ ἄλλο τι ἐξαίρετον παρ´ αὐτοῦ ἔλαβεν οὔθ´ ὕπατος ἐν πρώτοις ἐγένετο, ἀλλὰ καὶ Καίσαρα αὐτὸν καὶ αὐτοκράτορα τοῦ Τραϊανοῦ ἄπαιδος μεταλλάξαντος ὅ τε Ἀττιανὸς πολίτης αὐτοῦ ὢν καὶ ἐπίτροπος γεγονώς, καὶ ἡ Πλωτῖνα ἐξ ἐρωτικῆς φιλίας, πλησίον τε ὄντα καὶ δύναμιν πολλὴν ἔχοντα ἀπέδειξαν. Ὁ γὰρ πατήρ μου Ἀπρωνιανός, τῆς Κιλικίας ἄρξας, πάντα τὰ κατ´ αὐτὸν ἐμεμαθήκει σαφῶς, ἔλεγε δὲ τά τε ἄλλα ὡς ἕκαστα, καὶ ὅτι ὁ θάνατος τοῦ Τραϊανοῦ ἡμέρας τινὰς διὰ τοῦτο συνεκρύφθη ἵν´ ἡ ποίησις προεκφοιτήσοι. Ἐδηλώθη δὲ τοῦτο καὶ ἐκ τῶν πρὸς τὴν βουλὴν γραμμάτων αὐτοῦ· ταῖς γὰρ ἐπιστολαῖς οὐκ αὐτὸς ἀλλ´ ἡ Πλωτῖνα ὑπέγραψεν, ὅπερ ἐπ´ οὐδενὸς ἄλλου ἐπεποιήκει.

[2] Ἦν δέ, ὅτε ἀνηγορεύθη αὐτοκράτωρ, Ἁδριανὸς ἐν τῇ μητροπόλει Συρίας Ἀντιοχείᾳ, ἧς ἦρχεν· ἐδόκει δὲ ὄναρ πρὸ τῆς ἡμέρας ἐκείνης πῦρ ἐκ τοῦ οὐρανοῦ, ἔν τε αἰθρίᾳ καὶ ἐν εὐδίᾳ πολλῇ, ἐς τὴν ἀριστερὰν αὐτοῦ σφαγὴν ἐμπεσεῖν, ἔπειτα καὶ ἐπὶ τὴν δεξιὰν παρελθεῖν, μήτε ἐκφοβῆσαν αὐτὸν μήτε βλάψαν. Ἔγραψε δὲ πρὸς τὴν βουλὴν ὁ Ἁδριανὸς ἀξιῶν βεβαιωθῆναι αὑτῷ τὴν ἡγεμονίαν καὶ παρ´ ἐκείνης, καὶ ἀπαγορεύων μηδὲν αὐτῷ μήτε τότε μήτε ἄλλοτε τιμὴν δή τινα φέρον, οἷα εἰώθει γίγνεσθαι, ψηφισθῆναι, πλὴν ἄν τι αὐτός ποτε ἀξιώσῃ. Τὰ δὲ τοῦ Τραϊανοῦ ὀστᾶ ἐν τῷ κίονι αὐτοῦ κατετέθη, καὶ αἱ θέαι αἱ Παρθικαὶ ὀνομασθεῖσαι ἐπὶ πολλὰ ἔτη ἐγένοντο· ὕστερον γὰρ καὶ αὕτη, ὥσπερ καὶ ἄλλα πολλά, κατελύθη. Ὅτι ὁ Ἁδριανὸς ἐν ἐπιστολῇ τινι ἔγραψε τά τε ἄλλα μεγαλοφρονησάμενος, καὶ ἐπομόσας μήτε τι ἔξω τῶν τῷ δημοσίῳ συμφερόντων ποιήσειν μήτε βουλευτήν τινα ἀποσφάξειν, καὶ ἐξώλειαν ἑαυτῷ, ἂν καὶ ὁτιοῦν αὐτῶν ἐκβῇ, προσεπαρασάμενος· ἀλλ´ ὅμως διεβλήθη ἐς πολλά.

Ἁδριανὸς δέ, καίτοι φιλανθρωπότατα ἄρξας, ὅμως διά τινας φόνους ἀρίστων ἀνδρῶν, οὓς ἐν ἀρχῇ τε τῆς ἡγεμονίας καὶ πρὸς τῇ τελευτῇ τοῦ βίου ἐπεποίητο, διεβλήθη, καὶ ὀλίγου διὰ ταῦτ´ οὐδὲ ἐς τοὺς ἥρωας ἀνεγράφη. Καὶ οἱ μὲν ἐν τῇ ἀρχῇ φονευθέντες Πάλμας τε καὶ Κέλσος Νιγρῖνός τε καὶ Λούσιος ἦσαν, οἱ μὲν ὡς ἐν θήρᾳ δῆθεν ἐπιβεβουλευκότες αὐτῷ, οἱ δὲ ἐφ´ ἑτέροις δή τισιν ἐγκλήμασιν, οἷα μεγάλα δυνάμενοι καὶ πλούτου καὶ δόξης εὖ ἥκοντες· ἐφ´ οἷς Ἁδριανὸς οὕτω τῶν λογοποιουμένων ᾔσθετο ὥστε καὶ ἀπελογήσατο καὶ ἐπώμοσε μὴ κεκελευκέναι ἀποθανεῖν αὐτούς. Οἱ δὲ ἐν τῇ τελευτῇ Σερουιανός τε ὑπῆρχον καὶ ὁ ἔγγονος αὐτοῦ Φοῦσκος.

[3] Ἦν δὲ Ἁδριανὸς γένος μὲν βουλευτοῦ πατρὸς ἐστρατηγηκότος Ἁδριανοῦ Ἄφρου (οὕτω γὰρ ὠνομάζετο), φύσει δὲ φιλολόγος ἐν ἑκατέρᾳ τῇ γλώσσῃ· καί τινα καὶ πεζὰ καὶ ἐν ἔπεσι ποιήματα παντοδαπὰ καταλέλοιπε. φιλοτιμίᾳ τε γὰρ ἀπλήστῳ ἐχρῆτο, καὶ κατὰ τοῦτο καὶ τἆλλα πάντα καὶ τὰ βραχύτατα ἐπετήδευε· καὶ γὰρ ἔπλασσε καὶ ἔγραφε καὶ οὐδὲν ὅ τι οὐκ εἰρηνικὸν καὶ πολεμικὸν καὶ βασιλικὸν καὶ ἰδιωτικὸν εἰδέναι ἔλεγε. Καὶ τοῦτο μὲν οὐδέν που τοὺς ἀνθρώπους ἔβλαπτεν, ὁ δὲ δὴ φθόνος αὐτοῦ δεινότατος ἐς πάντας τούς τινι προέχοντας ὢν πολλοὺς μὲν καθεῖλε συχνοὺς δὲ καὶ ἀπώλεσε. Βουλόμενος γὰρ πάντων ἐν πᾶσι περιεῖναι ἐμίσει τοὺς ἔν τινι ὑπεραίροντας. Κἀκ τούτου καὶ τὸν Φαουωρῖνον τὸν Γαλάτην τόν τε Διονύσιον τὸν Μιλήσιον τοὺς σοφιστὰς καταλύειν ἐπεχείρει τοῖς τε ἄλλοις καὶ μάλιστα τῷ τοὺς ἀνταγωνιστάς σφων ἐξαίρειν, τοὺς μὲν μηδενὸς τοὺς δὲ βραχυτάτου τινὸς ἀξίους ὄντας· ὅτε Διονύσιος πρὸς τὸν Ἀουίδιον Ἡλιόδωρον, τὸν τὰς ἐπιστολὰς αὐτοῦ διαγαγόντα, εἰπεῖν λέγεται ὅτι « Καῖσαρ χρήματα μέν σοι καὶ τιμὴν δοῦναι δύναται, ῥήτορα δέ σε ποιῆσαι οὐ δύναται », καὶ ὁ Φαουωρῖνος μέλλων παρ´ αὐτῷ περὶ τῆς ἀτελείας ἣν ἐν τῇ πατρίδι ἔχειν ἠξίου δικάσασθαι, ὑποτοπήσας καὶ ἐλαττωθήσεσθαι καὶ προσυβρισθήσεσθαι, ἐσῆλθε μὲν ἐς τὸ δικαστήριον, εἶπε δὲ οὐδὲν ἄλλο ἢ ὅτι « ὁ διδάσκαλός μου ὄναρ τῆς νυκτὸς ταύτης ἐπιστάς μοι ἐκέλευσε λειτουργεῖν τῇ πατρίδι ὡς καὶ ἐκείνῃ γεγεννημένον ».

[4] Ἁδριανὸς δὲ τούτων μέν, καίπερ ἀχθεσθείς σφισιν, ἐφείσατο, μηδεμίαν εὔλογον ὀλέθρου κατ´ αὐτῶν ἀφορμὴν λαβών· τὸν δ´ Ἀπολλόδωρον τὸν ἀρχιτέκτονα τὸν τὴν ἀγορὰν καὶ τὸ ᾠδεῖον τό τε γυμνάσιον, τὰ τοῦ Τραϊανοῦ ποιήματα, ἐν τῇ Ῥώμῃ κατασκευάσαντα τὸ μὲν πρῶτον ἐφυγάδευσεν, ἔπειτα δὲ καὶ ἀπέκτεινε, λόγῳ μὲν ὡς πλημμελήσαντά τι, τὸ δ´ ἀληθὲς ὅτι τοῦ Τραϊανοῦ κοινουμένου τι αὐτῷ περὶ τῶν ἔργων εἶπε τῷ Ἁδριανῷ παραλαλήσαντί τι ὅτι « ἄπελθε καὶ τὰς κολοκύντας γράφε· τούτων γὰρ οὐδὲν ἐπίστασαι ». Ἐτύγχανε δὲ ἄρα τότε ἐκεῖνος τοιούτῳ τινὶ γράμματι σεμνυνόμενος. Αὐτοκρατορεύσας οὖν τότε ἐμνησικάκησε καὶ τὴν παρρησίαν αὐτοῦ οὐκ ἤνεγκεν. Αὐτὸς μὲν γὰρ τοῦ τῆς Ἀφροδίτης τῆς τε Ῥώμης ναοῦ τὸ διάγραμμα αὐτῷ πέμψας, δι´ ἔνδειξιν ὅτι καὶ ἄνευ ἐκείνου μέγα ἔργον γίγνεσθαι δύναται, ἤρετο εἰ εὖ ἔχοι τὸ κατασκεύασμα· ὁ δ´ ἀντεπέστειλε περί τε τοῦ ναοῦ {καὶ} ὅτι καὶ μετέωρον αὐτὸν καὶ ὑπεκκεκενωμένον γενέσθαι ἐχρῆν, ἵν´ ἔς τε τὴν ἱερὰν ὁδὸν ἐκφανέστερος ἐξ ὑψηλοτέρου εἴη καὶ ἐς τὸ κοῖλον τὰ μηχανήματα ἐσδέχοιτο, ὥστε καὶ ἀφανῶς συμπήγνυσθαι καὶ ἐξ οὐ προειδότος ἐς τὸ θέατρον ἐσάγεσθαι, καὶ περὶ τῶν ἀγαλμάτων ὅτι μείζονα ἢ κατὰ τὸν τοῦ ὕψους τοῦ μεγάρου λόγον ἐποιήθη· « ἂν γὰρ αἱ θεαί » ἔφη « ἐξαναστήσεσθαί τε καὶ ἐξελθεῖν ἐθελήσωσιν, οὐ δυνηθήσονται ». Ταῦτα γὰρ ἄντικρυς αὐτοῦ γράψαντος καὶ ἠγανάκτησε καὶ ὑπερήλγησεν ὅτι καὶ ἐς ἀδιόρθωτον ἁμαρτίαν ἐπεπτώκει, καὶ οὔτε τὴν ὀργὴν οὔτε τὴν λύπην κατέσχεν, ἀλλ´ ἐφόνευσεν αὐτόν. Καὶ οὕτω γε τῇ φύσει τοιοῦτος ἦν ὥστε μὴ μόνον τοῖς ζῶσιν ἀλλὰ καὶ τοῖς τελευτήσασι φθονεῖν· τὸν γοῦν Ὅμηρον καταλύων Ἀντίμαχον ἀντ´ αὐτοῦ ἐσῆγεν, οὗ μηδὲ τὸ ὄνομα πολλοὶ πρότερον ἠπίσταντο.

[5] ᾐτιῶντο μὲν δὴ ταῦτά τε αὐτοῦ καὶ τὸ πάνυ ἀκριβὲς τό τε περίεργον καὶ τὸ πολύπραγμον· ἐθεράπευε δὲ αὐτὰ καὶ ἀνελάμβανε τῇ τε ἄλλῃ ἐπιμελείᾳ καὶ προνοίᾳ καὶ μεγαλοπρεπείᾳ καὶ δεξιότητι, καὶ τῷ μήτε τινὰ πόλεμον ταράξαι καὶ τοὺς ὄντας παῦσαι, μήτε τινὸς χρήματα ἀδίκως ἀφελέσθαι, καὶ πολλοῖς πολλά, καὶ δήμοις καὶ ἰδιώταις καὶ βουλευταῖς τε καὶ ἱππεῦσι, χαρίσασθαι. Οὐδὲ γὰρ ἀνέμενεν αἰτηθῆναί τι, ἀλλὰ πάνυ πάντα πρὸς τὴν ἑκάστου χρείαν ἐποίει. Καὶ τά τε στρατιωτικὰ ἀκριβέστατα ἤσκησεν, ὥστ´ ἰσχύοντα μήτ´ ἀπειθεῖν μήτε ὑβρίζειν, καὶ τὰς πόλεις τάς τε συμμαχίδας καὶ τὰς ὑπηκόους μεγαλοπρεπέστατα ὠφέλησε. Πολλὰς μὲν γὰρ καὶ εἶδεν αὐτῶν, ὅσας οὐδεὶς ἄλλος αὐτοκράτωρ, πάσαις δὲ ὡς εἰπεῖν ἐπεκούρησε, ταῖς μὲν ὕδωρ ταῖς δὲ λιμένας σῖτόν τε καὶ ἔργα καὶ χρήματα καὶ τιμὰς ἄλλαις ἄλλας διδούς.

[6] Ἦγε δὲ καὶ τὸν δῆμον τῶν Ῥωμαίων ἐμβριθῶς μᾶλλον ἢ θωπευτικῶς· καί ποτε ἰσχυρῶς αἰτοῦντί τι ἐν ὁπλομαχίᾳ οὔτε ἔνειμε, καὶ προσέτι ἐκέλευσε τοῦτο δὴ τὸ τοῦ Δομιτιανοῦ κηρυχθῆναι « σιωπήσατε ». Οὐκ ἐλέχθη μὲν γάρ· ὁ γὰρ κῆρυξ ἀνατείνας τὴν χεῖρα καὶ ἐξ αὐτοῦ τούτου ἡσυχάσας, ὥσπερ εἰώθασι ποιεῖν (οὐ γὰρ ἔστιν ὁπότε ὑπὸ κηρύγματος σιγάζονται), ἐπειδὴ ἐσιώπησαν, ἔφη « τοῦτ´ ἐθέλει ». Καὶ οὐχ ὅτι τινὰ ὀργὴν τῷ κήρυκι ἔσχεν, ἀλλὰ καὶ ἐτίμησεν αὐτὸν ὅτι τὴν δυσχέρειαν τοῦ κελεύσματος οὐκ ἐξέφησεν. Ἔφερε γὰρ τὰ τοιαῦτα, καὶ οὐκ ἠγανάκτει εἴ τι καὶ παρὰ γνώμην καὶ πρὸς τῶν τυχόντων ὠφελοῖτο. Ἀμέλει γυναικὸς παριόντος αὐτοῦ ὁδῷ τινι δεομένης, τὸ μὲν πρῶτον εἶπεν αὐτῇ ὅτι « οὐ σχολάζω », ἔπειτα ὡς ἐκείνη ἀνακραγοῦσα ἔφη « καὶ μὴ βασίλευε », ἐπεστράφη τε καὶ λόγον αὐτῇ ἔδωκεν.

[7] Ἔπραττε δὲ καὶ διὰ τοῦ βουλευτηρίου πάντα τὰ μεγάλα καὶ ἀναγκαιότατα, καὶ ἐδίκαζε μετὰ τῶν πρώτων τοτὲ μὲν ἐν τῷ παλατίῳ τοτὲ δὲ ἐν τῇ ἀγορᾷ τῷ τε Πανθείῳ καὶ ἄλλοθι πολλαχόθι, ἀπὸ βήματος, ὥστε δημοσιεύεσθαι τὰ γιγνόμενα. Καὶ τοῖς ὑπάτοις ἔστιν ὅτε δικάζουσι συνεγίγνετο, ἔν τε ταῖς ἱπποδρομίαις αὐτοὺς ἐτίμα. Καὶ οἴκαδε ἀνακομιζόμενος ἐν φορείῳ ἐφέρετο, ὅπως μηδένα συνακολουθοῦντά οἱ ἐνοχλοίη. Ἐν δὲ ταῖς μήτε ἱεραῖς μήτε δημοσίοις ἡμέραις οἴκοι ἔμενε, καὶ οὐδένα οὐδ´ ὅσον ἀσπάσασθαι προσεδέχετο, εἰ μή τι ἀναγκαῖον εἴη, ἵνα μὴ πάνυ ταλαιπωροῖντο. Ἀεί τε περὶ ἑαυτὸν καὶ ἐν τῇ Ῥώμῃ καὶ ἔξω τοὺς ἀρίστους εἶχε, καὶ συνῆν σφισι καὶ ἐν τοῖς συμποσίοις, καὶ διὰ τοῦτο καὶ τέταρτος πολλάκις ὠχεῖτο. Ἐθήρα δὲ ὁσάκις ἐνεδέχετο, καὶ ἠρίστα ἄνευ οἴνου· καὶ πλείονα ἐσιτεῖτο· πολλάκις δὲ καὶ δικάζων μεταξὺ τροφῆς μετελάμβανεν· ἔπειτα μετὰ πάντων τῶν πρώτων καὶ ἀρίστων ἐδείπνει, καὶ ἦν αὐτῷ τὸ συσσίτιον παντοδαπῶν λόγων πλῆρες. Τούς τε πάνυ νοσοῦντας φίλους ἐπεσκέπτετο, καὶ ἑορτάζουσί σφισι συνδιῃτᾶτο, τοῖς τε ἀγροῖς καὶ ταῖς οἰκίαις αὐτῶν ἡδέως ἐχρῆτο· ὅθεν καὶ εἰκόνας πολλοῖς μὲν ἀποθανοῦσι πολλοῖς δὲ καὶ ζῶσιν ἐς τὴν ἀγορὰν ἔστησεν. Οὐ μέντοι οὔτε ἐξύβρισέ τις αὐτῶν οὔτ´ ἀπέδοτό τι οὔθ´ ὧν ἔλεγεν οὔθ´ ὧν ἔπραττεν, οἷα οἵ τε Καισάρειοι καὶ οἱ ἄλλοι οἱ περὶ τοὺς αὐτοκράτορας ἔχοντες ποιεῖν εἰώθασι.

[8] Ταῦτα περί γε τοῦ τρόπου, ὡς ἐν κεφαλαίῳ εἰπεῖν, προείρηκα· λέξω δὲ καὶ τὰ καθ´ ἕκαστον, ὅσα ἀναγκαῖόν ἐστι μνημονεύεσθαι. Ἐλθὼν γὰρ ἐς τὴν Ῥώμην ἀφῆκε τὰ ὀφειλόμενα τῷ τε βασιλικῷ καὶ τῷ δημοσίῳ τῷ τῶν Ῥωμαίων, ἑκκαιδεκαετῆ ὁρίσας χρόνον ἀφ´ οὗ τε καὶ μέχρις οὗ τηρηθήσεσθαι τοῦτ´ ἔμελλεν. Ἔν τε τοῖς ἑαυτοῦ γενεθλίοις προῖκα τῷ δήμῳ τὴν θέαν ἀπένειμε καὶ θηρία πολλὰ ἀπέκτεινεν, ὥστε ἐφάπαξ καὶ λέοντας ἑκατὸν καὶ λεαίνας ἴσας πεσεῖν, καὶ δῶρα διὰ σφαιρίων καὶ ἐν τῷ θεάτρῳ καὶ ἐν τῷ ἱπποδρόμῳ χωρὶς μὲν τοῖς ἀνδράσι χωρὶς δὲ ταῖς γυναιξὶ διέρριψε· καὶ γὰρ καὶ λοῦσθαι χωρὶς ἀλλήλων αὐτοῖς προσέταξεν. Ἐν μὲν τῷ ἔτει ἐκείνῳ ταῦτά τε ἐγένετο καὶ ὁ Εὐφράτης ὁ φιλόσοφος ἀπέθανεν ἐθελοντής, ἐπιτρέψαντος αὐτῷ καὶ τοῦ Ἁδριανοῦ κώνειον καὶ διὰ τὸ γῆρας καὶ διὰ τὴν νόσον πιεῖν.

[9] Ἁδριανὸς δὲ ἄλλην ἀπ´ ἄλλης διαπορευόμενος ἐπαρχίαν, τάς τε χώρας καὶ τὰς πόλεις ἐπισκεπτόμενος, καὶ πάντα τὰ φρούρια καὶ τὰ τείχη περισκοπῶν τὰ μὲν ἐς ἐπικαιροτέρους τόπους μεθίστη, τὰ δὲ ἔπαυε, τὰ δὲ προσκαθίστατο, αὐτὸς πάντα ἁπλῶς, οὐχ ὅπως τὰ κοινὰ τῶν στρατοπέδων, ὅπλα λέγω καὶ μηχανὰς καὶ τάφρους καὶ περιβόλους καὶ χαρακώματα, ἀλλὰ καὶ τὰ ἴδια ἑνὸς ἑκάστου, καὶ τῶν ἐν τῷ τεταγμένῳ στρατευομένων καὶ τῶν ἀρχόντων αὐτῶν, τοὺς βίους τὰς οἰκήσεις τοὺς τρόπους, καὶ ἐφορῶν καὶ ἐξετάζων· καὶ πολλά γε ἐς τὸ ἁβρότερον ἐκδεδιῃτημένα καὶ κατεσκευασμένα καὶ μετερρύθμισε καὶ μετεσκεύασεν. Ἐγύμναζέ τε αὐτοὺς πρὸς πᾶν εἶδος μάχης, καὶ τοὺς μὲν ἐτίμα τοὺς δὲ ἐνουθέτει, πάντας δὲ ἐδίδασκεν ἃ χρὴ ποιεῖν. Καὶ ὅπως γε καὶ ὁρῶντες αὐτὸν ὠφελοῖντο, σκληρᾷ τε πανταχοῦ τῇ διαίτῃ ἐχρῆτο, καὶ ἐβάδιζεν ἢ καὶ ἵππευε πάντα, οὐδ´ ἔστιν ὁπότε εἴτε ὀχήματος τότε γε εἴτε τετρακύκλου ἐπέβη· οὐδὲ τὴν κεφαλὴν οὐκ ἐν θάλπει, οὐκ ἐν ῥίγει ἐκαλύφθη, ἀλλὰ καὶ ἐν ταῖς χιόσι ταῖς Κελτικαῖς καὶ ἐν τοῖς καύμασι τοῖς Αἰγυπτιακοῖς γυμνῇ αὐτῇ περιῄει. Συνελόντι τε εἰπεῖν, οὕτω καὶ τῷ ἔργῳ καὶ τοῖς παραγγέλμασι πᾶν τὸ στρατιωτικὸν δι´ ὅλης τῆς ἀρχῆς ἤσκησε καὶ κατεκόσμησεν ὥστε καὶ νῦν τὰ τότε ὑπ´ αὐτοῦ ταχθέντα νόμον σφίσι τῆς στρατείας εἶναι. Καὶ διὰ τοῦτο καὶ μάλιστα ἐν εἰρήνῃ τὸ πλεῖστον πρὸς τοὺς ἀλλοφύλους διεγένετο· τήν τε γὰρ παρασκευὴν αὐτοῦ ὁρῶντες, καὶ μήτε τι ἀδικούμενοι καὶ προσέτι καὶ χρήματα λαμβάνοντες, οὐδὲν ἐνεόχμωσαν. Οὕτω γὰρ καλῶς ἤσκητο τὸ στρατιωτικὸν αὐτῷ ὥστε καὶ τὸ ἱππικὸν τῶν καλουμένων Βατάουων τὸν Ἴστρον μετὰ τῶν ὅπλων διενήξαντο· ἃ ὁρῶντες οἱ βάρβαροι τοὺς μὲν Ῥωμαίους κατεπλήττοντο, τρεπόμενοι δὲ ἐπὶ σφᾶς αὐτοὺς ἐχρῶντο αὐτῷ διαιτητῇ τῶν πρὸς ἀλλήλους διαφορῶν.

[10] Ἐποίει δὲ καὶ θέατρα καὶ ἀγῶνας, περιπορευόμενος τὰς πόλεις, ἄνευ τῆς βασιλικῆς μέντοι παρασκευῆς· οὐδὲ γὰρ ἔξω τῆς Ῥώμης ἐχρήσατό ποτε αὐτῇ. Τὴν δὲ πατρίδα καίπερ μεγάλα τιμήσας καὶ πολλὰ καὶ ὑπερήφανα αὐτῇ δούς, ὅμως οὐκ εἶδε. Περὶ μέντοι τὰς θήρας ἐσπουδακέναι λέγεται· καὶ γὰρ καὶ τὴν κλεῖν ἐν ταύταις κατέαξε καὶ τὸ σκέλος μικροῦ ἐπηρώθη, καὶ πόλιν ἐν τῇ Μυσίᾳ οἰκίσας Ἁδριανοῦ θήρας αὐτὴν ὠνόμασεν. Οὐ μέντοι τι παρὰ τοῦτ´ ἄπρακτον τῶν τῇ ἀρχῇ προσηκόντων κατέλιπε. Τῆς δὲ περὶ τὰς θήρας σπουδῆς αὐτοῦ καὶ ὁ Βορυσθένης ὁ ἵππος, ᾧ μάλιστα θηρῶν ἠρέσκετο, σημεῖόν ἐστιν· ἀποθανόντι γὰρ αὐτῷ καὶ τάφον κατεσκεύασε καὶ στήλην ἔστησε καὶ ἐπιγράμματα ἐπέγραψεν. Ὅθεν οὐ θαυμαστὸν εἰ καὶ τὴν Πλωτῖναν ἀποθανοῦσαν, δι´ ἧς ἔτυχε τῆς ἀρχῆς ἐρώσης αὐτοῦ, διαφερόντως ἐτίμησεν, ὡς καὶ ἐπὶ ἡμέρας ἐννέα μελανειμονῆσαι καὶ ναὸν αὐτῇ οἰκοδομῆσαι καὶ ὕμνους τινὰς ἐς αὐτὴν ποιῆσαι. Ὅτι τῆς Πλωτίνης ἀποθανούσης ἐπῄνει αὐτὴν Ἀδριανός, λέγων ὅτι « πολλὰ παρ´ ἐμοῦ αἰτήσασα οὐδενὸς ἀπέτυχεν ». Τοῦτο δὲ οὐκ ἄλλως ἔλεγεν, ἀλλ´ ὅτι τοιαῦτα ᾔτει οἷα οὔτε ἐβάρει με οὔτε συνεχώρει ἀντειπεῖν. Οὕτω δὲ περὶ τὴν θήραν ἐπιδέξιος ἦν ὡς καὶ μέγαν ποτὲ σῦν μιᾷ πληγῇ καθελεῖν.

[11] Ἀφικόμενος δὲ ἐς τὴν Ἑλλάδα ἐπώπτευσε τὰ μυστήρια. Διὰ δὲ τῆς Ἰουδαίας μετὰ ταῦτα ἐς Αἴγυπτον παριὼν καὶ ἐνήγισε τῷ Πομπηίῳ· πρὸς ὃν καὶ τουτὶ τὸ ἔπος ἀπορρῖψαι λέγεται τῷ ναοῖς βρίθοντι πόση σπάνις ἔπλετο τύμβου. Καὶ τὸ μνῆμα αὐτοῦ διεφθαρμένον ἀνῳκοδόμησεν. Ἐν δὲ τῇ Αἰγύπτῳ καὶ τὴν Ἀντινόου ὠνομασμένην ἀνῳκοδόμησε πόλιν. Ὁ γὰρ Ἀντίνοος ἦν μὲν ἐκ Βιθυνίου πόλεως Βιθυνίδος, ἣν καὶ Κλαυδιούπολιν καλοῦμεν, παιδικὰ δὲ αὐτοῦ ἐγεγόνει, καὶ ἐν τῇ Αἰγύπτῳ ἐτελεύτησεν, εἴτ´ οὖν ἐς τὸν Νεῖλον ἐκπεσών, ὡς Ἁδριανὸς γράφει, εἴτε καὶ ἱερουργηθείς, ὡς ἡ ἀλήθεια ἔχει· τά τε γὰρ ἄλλα περιεργότατος Ἁδριανός, ὥσπερ εἶπον, ἐγένετο, καὶ μαντείαις μαγγανείαις τε παντοδαπαῖς ἐχρῆτο. Καὶ οὕτω γε τὸν Ἀντίνοον, ἤτοι διὰ τὸν ἔρωτα αὐτοῦ ἢ ὅτι ἐθελοντὴς ἐθανατώθη (ἑκουσίου γὰρ ψυχῆς πρὸς ἃ ἔπραττεν ἐδεῖτο), ἐτίμησεν ὡς καὶ πόλιν ἐν τῷ χωρίῳ, ἐν ᾧ τοῦτ´ ἔπαθε, καὶ συνοικίσαι καὶ ὀνομάσαι ἀπ´ αὐτοῦ. Καὶ ἐκείνου ἀνδριάντας ἐν πάσῃ ὡς εἰπεῖν τῇ οἰκουμένῃ, μᾶλλον δὲ ἀγάλματα, ἀνέθηκε. Καὶ τέλος ἀστέρα τινὰ αὐτός τε ὁρᾶν ὡς καὶ τοῦ Ἀντινόου ὄντα ἔλεγε, καὶ τῶν συνόντων οἱ μυθολογούντων ἡδέως ἤκουεν ἔκ τε τῆς ψυχῆς τοῦ Ἀντινόου ὄντως τὸν ἀστέρα γεγενῆσθαι καὶ τότε πρῶτον ἀναπεφηνέναι. Διὰ ταῦτά τε οὖν ἐσκώπτετο, καὶ ὅτι Παυλίνῃ τῇ ἀδελφῇ ἀποθανούσῃ παραχρῆμα μὲν οὐδεμίαν τιμὴν ἔνειμεν - - -

[12] Ἐς δὲ τὰ Ἱεροσόλυμα πόλιν αὐτοῦ ἀντὶ τῆς κατασκαφείσης οἰκίσαντος, ἣν καὶ Αἰλίαν Καπιτωλῖναν ὠνόμασε, καὶ ἐς τὸν τοῦ ναοῦ τοῦ θεοῦ τόπον ναὸν τῷ Διὶ ἕτερον ἀντεγείραντος πόλεμος οὔτε μικρὸς οὔτ´ ὀλιγοχρόνιος ἐκινήθη. Ἰουδαῖοι γὰρ δεινόν τι ποιούμενοι τὸ ἀλλοφύλους τινὰς ἐς τὴν πόλιν σφῶν οἰκισθῆναι καὶ τὸ ἱερὰ ἀλλότρια ἐν αὐτῇ ἱδρυθῆναι, παρόντος μὲν ἔν τε τῇ Αἰγύπτῳ καὶ αὖθις ἐν τῇ Συρίᾳ τοῦ Ἁδριανοῦ ἡσύχαζον, πλὴν καθ´ ὅσον τὰ ὅπλα τὰ ἐπιταχθέντα σφίσιν ἧττον ἐπιτήδεια ἐξεπίτηδες κατεσκεύασαν ὡς ἀποδοκιμασθεῖσιν αὐτοῖς ὑπ´ ἐκείνων χρήσασθαι, ἐπεὶ δὲ πόρρω ἐγένετο, φανερῶς ἀπέστησαν. Καὶ παρατάξει μὲν φανερᾷ οὐκ ἐτόλμων διακινδυνεῦσαι πρὸς τοὺς Ῥωμαίους, τὰ δὲ τῆς χώρας ἐπίκαιρα κατελάμβανον καὶ ὑπονόμοις καὶ τείχεσιν ἐκρατύνοντο, ὅπως ἀναφυγάς τε ὁπόταν βιασθῶσιν ἔχωσι καὶ παρ´ ἀλλήλους ὑπὸ γῆν διαφοιτῶντες λανθάνωσι, διατιτράντες ἄνω τὰς ὑπογείους ὁδοὺς ἵνα καὶ ἄνεμον καὶ φέγγος ἐσδέχοιντο.

[13] Καὶ τὸ μὲν πρῶτον ἐν οὐδενὶ αὐτοὺς λόγῳ οἱ Ῥωμαῖοι ἐποιοῦντο· ἐπεὶ δ´ ἥ τε Ἰουδαία πᾶσα ἐκεκίνητο, καὶ οἱ ἁπανταχοῦ γῆς Ἰουδαῖοι συνεταράττοντο καὶ συνῄεσαν, καὶ πολλὰ κακὰ ἐς τοὺς Ῥωμαίους τὰ μὲν λάθρᾳ τὰ δὲ καὶ φανερῶς ἐνεδείκνυντο, πολλοί τε ἄλλοι καὶ τῶν ἀλλοφύλων ἐπιθυμίᾳ κέρδους σφίσι συνελαμβάνοντο, καὶ πάσης ὡς εἰπεῖν κινουμένης ἐπὶ τούτῳ τῆς οἰκουμένης, τότε δὴ τότε τοὺς κρατίστους τῶν στρατηγῶν ὁ Ἁδριανὸς ἐπ´ αὐτοὺς ἔπεμψεν, ὧν πρῶτος Ἰούλιος Σεουῆρος ὑπῆρχεν, ἀπὸ Βρεττανίας ἧς ἦρχεν ἐπὶ τοὺς Ἰουδαίους σταλείς. ὃς ἄντικρυς μὲν οὐδαμόθεν ἐτόλμησε τοῖς ἐναντίοις συμβαλεῖν, τό τε πλῆθος καὶ τὴν ἀπόγνωσιν αὐτῶν ὁρῶν· ἀπολαμβάνων δ´ ὡς ἑκάστους πλήθει τῶν στρατιωτῶν καὶ τῶν ὑπάρχων, καὶ τροφῆς ἀπείργων καὶ κατακλείων, ἠδυνήθη βραδύτερον μὲν ἀκινδυνότερον δὲ κατατρῖψαι καὶ ἐκτρυχῶσαι καὶ ἐκκόψαι αὐτούς.

[14] ὀλίγοι γοῦν κομιδῇ περιεγένοντο. Καὶ φρούρια μὲν αὐτῶν πεντήκοντα τά γε ἀξιολογώτατα, κῶμαι δὲ ἐνακόσιαι καὶ ὀγδοήκοντα καὶ πέντε ὀνομαστόταται κατεσκάφησαν, ἄνδρες δὲ ὀκτὼ καὶ πεντήκοντα μυριάδες ἐσφάγησαν ἔν τε ταῖς καταδρομαῖς καὶ ταῖς μάχαις (τῶν τε γὰρ λιμῷ καὶ νόσῳ καὶ πυρὶ φθαρέντων τὸ πλῆθος ἀνεξερεύνητον ἦν), ὥστε πᾶσαν ὀλίγου δεῖν τὴν Ἰουδαίαν ἐρημωθῆναι, καθάπερ που καὶ πρὸ τοῦ πολέμου αὐτοῖς προεδείχθη· τὸ γὰρ μνημεῖον τοῦ Σολομῶντος, ὃν ἐν τοῖς σεβασμίοις οὗτοι ἄγουσιν, ἀπὸ ταὐτομάτου διελύθη τε καὶ συνέπεσε, καὶ λύκοι ὕαιναί τε πολλαὶ ἐς τὰς πόλεις αὐτῶν ἐσέπιπτον ὠρυόμεναι. Πολλοὶ μέντοι ἐν τῷ πολέμῳ τούτῳ καὶ τῶν Ῥωμαίων ἀπώλοντο· διὸ καὶ ὁ Ἁδριανὸς γράφων πρὸς τὴν βουλὴν οὐκ ἐχρήσατο τῷ προοιμίῳ τῷ συνήθει τοῖς αὐτοκράτορσιν, ὅτι « εἰ αὐτοί τε καὶ οἱ παῖδες ὑμῶν ὑγιαίνετε, εὖ ἂν ἔχοι· ἐγὼ καὶ τὰ στρατεύματα ὑγιαίνομεν ». Τὸν δὲ Σεουῆρον ἐς Βιθυνίαν ἔπεμψεν, ὅπλων μὲν οὐδέν, ἄρχοντος δὲ καὶ ἐπιστάτου καὶ δικαίου καὶ φρονίμου καὶ ἀξίωμα ἔχοντος δεομένην· ἃ πάντα ἐν ἐκείνῳ ἦν. Καὶ ὁ μὲν διήγαγε καὶ διῴκησε καὶ τὰ ἴδια καὶ τὰ κοινὰ αὐτῶν οὕτως ὥσθ´ ἡμᾶς καὶ ἐς δεῦρο ἀεὶ αὐτοῦ μνημονεύειν, τῇ δὲ δὴ βουλῇ καὶ τῷ κλήρῳ ἡ Παμφυλία ἀντὶ τῆς Βιθυνίας ἐδόθη.

[15] ὁ μὲν οὖν τῶν Ἰουδαίων πόλεμος ἐς τοῦτο ἐτελεύτησεν, ἕτερος δὲ ἐξ Ἀλανῶν (εἰσὶ δὲ Μασσαγέται) ἐκινήθη ὑπὸ Φαρασμάνου, καὶ τὴν μὲν Ἀλβανίδα καὶ τὴν Μηδίαν ἰσχυρῶς ἐλύπησε, τῆς δ´ Ἀρμενίας τῆς τε Καππαδοκίας ἁψάμενος, ἔπειτα τῶν Ἀλανῶν τὰ μὲν δώροις ὑπὸ τοῦ Οὐολογαίσου πεισθέντων, τὰ δὲ καὶ Φλάουιον Ἀρριανὸν τὸν τῆς Καππαδοκίας ἄρχοντα φοβηθέντων, ἐπαύσατο. Ὅτι πρεσβευτὰς πεμφθέντας παρὰ τοῦ Οὐολογαίσου καὶ παρὰ τῶν Ἰαζύγων, ἐκείνου μὲν κατηγοροῦντός τινα Φαρασμάνου, τούτων δὲ τὴν εἰρήνην πιστουμένων, ἐς τὸ βουλευτήριον ἐσήγαγε, καὶ παρ´ αὐτοῦ τὰς ἀποκρίσεις ποιήσασθαι ἐπιτραπεὶς συνέγραψέ τε αὐτὰς καὶ ἀνέγνω σφίσιν.

[16] Ἁδριανὸς δὲ τό τε Ὀλύμπιον τὸ ἐν ταῖς Ἀθήναις, ἐν ᾧ καὶ αὐτὸς ἵδρυται, ἐξεποίησε, καὶ δράκοντα ἐς αὐτὸ ἀπὸ Ἰνδίας κομισθέντα ἀνέθηκε· τά τε Διονύσια, τὴν μεγίστην παρ´ αὐτοῖς ἀρχὴν ἄρξας, ἐν τῇ ἐσθῆτι τῇ ἐπιχωρίῳ λαμπρῶς ἐπετέλεσε. Τόν τε σηκὸν τὸν ἑαυτοῦ, τὸ Πανελλήνιον ὠνομασμένον, οἰκοδομήσασθαι τοῖς Ἕλλησιν ἐπέτρεψε, καὶ ἀγῶνα ἐπ´ αὐτῷ κατεστήσατο, χρήματά τε πολλὰ καὶ σῖτον ἐτήσιον τήν τε Κεφαλληνίαν ὅλην τοῖς Ἀθηναίοις ἐχαρίσατο. Ἐνομοθέτησε δὲ ἄλλα τε πολλά, καὶ ἵνα μηδεὶς βουλευτὴς μήτ´ αὐτὸς μήτε δι´ ἑτέρου τέλος τι μισθῶται. Ἐς δὲ τὴν Ῥώμην ἐλθών, ἐπεὶ ἔν τινι θέᾳ βοῶν ὁ δῆμος ἁρματηλάτην τινὰ ἐλευθερωθῆναι ἐδεῖτο, ἀντεῖπε διὰ πινακίου γραφῆς, εἰπὼν ὅτι « οὐ προσήκει ὑμῖν οὔτε παρ´ ἐμοῦ αἰτεῖν ἵνα ἀλλότριον δοῦλον ἐλευθερώσω, οὔτε τὸν δεσπότην αὐτοῦ βιάζεσθαι τοῦτο ποιῆσαι ».

[17] Ἀρξάμενος δὲ νοσεῖν (αἷμα γὰρ εἰώθει μὲν αὐτῷ καὶ πρότερον διὰ τῆς ῥινὸς προχεῖσθαι, τότε δὲ ἰσχυρῶς ἐπλεόνασεν) ἀπεγνώσθη μὲν βιώσεσθαι, καὶ διὰ τοῦτο Κόμμοδον μὲν Λούκιον, καίτοι αἷμα ἐμοῦντα, Καίσαρα Ῥωμαίοις ἀπέδειξε, Σερουιανὸν δὲ καὶ Φοῦσκον τὸν ἔγγονον αὐτοῦ ὡς καὶ ἀγανακτήσαντας ἐπὶ τούτῳ ἐφόνευσε, τὸν μὲν ἐνενηκοντούτην ὄντα τὸν δὲ ὀκτωκαιδεκέτην. Πρὶν δὲ ἀποσφαγῆναι, ὁ Σερουιανὸς πῦρ ᾔτησε, καὶ θυμιῶν ἅμα « ὅτι μὲν οὐδὲν ἀδικῶ » ἔφη « ὑμεῖς ὦ θεοὶ ἴστε· περὶ δὲ Ἁδριανοῦ τοσοῦτον μόνον εὔχομαι, ἵνα ἐπιθυμήσας ἀποθανεῖν μὴ δυνηθῇ ». Καὶ μέντοι καὶ διετέλεσεν Ἁδριανὸς ἐπὶ πλεῖστον νοσῶν, πολλάκις μὲν ἀποσβῆναι εὐξάμενος, πολλάκις δὲ καὶ ἀποκτανεῖν ἑαυτὸν ἐθελήσας. Ἔστι γε αὐτοῦ καὶ ἐπιστολὴ αὐτὸ τοῦτο ἐνδεικνυμένη, ὅσον κακόν ἐστιν ἐπιθυμοῦντά τινα ἀποθανεῖν μὴ δύνασθαι. Τὸν δὲ Σερουιανὸν τοῦτον Ἁδριανὸς καὶ τῆς αὐταρχίας ἄξιον ἐνόμισεν εἶναι· εἰπὼν γοῦν ποτε ἐν συμποσίῳ τοῖς φίλοις ἵνα αὐτῷ δέκα ἄνδρας μοναρχεῖν δυναμένους ὀνομάσωσιν, εἶτ´ ὀλίγον ἐπισχὼν ἔφη ὅτι « ἐννέα δέομαι μαθεῖν· τὸν γὰρ ἕνα, τοῦτ´ ἔστι Σερουιανόν, ἔχω ».

[18] γεγόνασι δὲ καὶ ἄλλοι τότε ἄριστοι ἄνδρες, ὧν ἐπιφανέστατοι Τούρβων τε καὶ Σίμιλις ἤστην, οἳ καὶ ἀνδριᾶσιν ἐτιμήθησαν, Τούρβων μὲν στρατηγικώτατος ἀνήρ, ὃς καὶ ἔπαρχος γεγονώς, εἴτ´ οὖν ἄρχων τῶν δορυφόρων, οὔτε τι ἁβρὸν οὔτε τι ὑπερήφανον ἔπραξεν, ἀλλ´ ὡς εἷς τῶν πολλῶν διεβίω. Τά τε γὰρ ἄλλα καὶ τὴν ἡμέραν πᾶσαν πρὸς τῷ βασιλείῳ διέτριβε, καὶ πολλάκις καὶ πρὸ μέσων νυκτῶν πρὸς αὐτὸ ᾔει, ὅτε τινὲς τῶν ἄλλων καθεύδειν ἤρχοντο. Ἀμέλει καὶ Κορνήλιος Φρόντων ὁ τὰ πρῶτα τῶν τότε Ῥωμαίων ἐν δίκαις φερόμενος, ἑσπέρας ποτὲ βαθείας ἀπὸ δείπνου οἴκαδε ἐπανιών, καὶ μαθὼν παρά τινος ᾧ συνηγορήσειν ὑπέσχετο δικάζειν αὐτὸν ἤδη, ἔν τε τῇ στολῇ τῇ δειπνίτιδι, ὥσπερ εἶχεν, ἐς τὸ δικαστήριον αὐτοῦ ἐσῆλθε καὶ ἠσπάσατο, οὔτι γε τῷ ἑωθινῷ προσρήματι τῷ χαῖρε, ἀλλὰ τῷ ἑσπερινῷ τῷ ὑγίαινε χρησάμενος. Οἴκοι δὲ ὁ Τούρβων οὔποτε ἡμέρας, οὐδὲ νοσήσας, ὤφθη, ἀλλὰ καὶ πρὸς τὸν Ἁδριανὸν συμβουλεύοντα αὐτῷ ἀτρεμῆσαι, εἶπεν ὅτι τὸν ἔπαρχον ἑστῶτα ἀποθνήσκειν δεῖ.

[19] ὁ δὲ δὴ Σίμιλις ἡλικίᾳ μὲν καὶ τάξει προήκων αὐτοῦ ἐν τρόποις οὐδενὸς τῶν πάνυ, ὥς γε ἐγὼ νομίζω, δεύτερος ἦν. Ἔξεστι δὲ καὶ ἐξ ὀλιγιστῶν τεκμήρασθαι. Τῷ τε γὰρ Τραϊανῷ ἑκατονταρχοῦντα ἔτι αὐτὸν ἐσκαλέσαντί ποτε εἴσω πρὸ τῶν ἐπάρχων ἔφη « αἰσχρόν ἐστι, Καῖσαρ, ἑκατοντάρχῳ σε τῶν ἐπάρχων ἔξω ἑστηκότων διαλέγεσθαι », καὶ τὴν τῶν δορυφόρων ἀρχὴν ἄκων τε ἔλαβε καὶ λαβὼν ἐξίστατο, μόλις τε ἀφεθεὶς ἐν ἀγρῷ ἥσυχος ἐπτὰ ἔτη τὰ λοιπὰ τοῦ βίου διήγαγε, καὶ ἐπί γε τὸ μνῆμα αὑτοῦ τοῦτο ἐπέγραψεν ὅτι « Σίμιλις ἐνταῦθα κεῖται βιοὺς μὲν ἔτη τόσα, ζήσας δὲ ἔτη ἑπτά ».

[20] Ἁδριανὸς δὲ φθόῃ τε ἐκ τῆς πολλῆς τοῦ αἵματος ῥύσεως ἐχρῆτο, καὶ ἀπ´ αὐτῆς καὶ ὑδρωπίασεν. Ἐπεὶ δὲ συνέβη τὸν Λούκιον τὸν Κόμμοδον ἐξαίφνης ἐγκαταλειφθῆναι ὑπὸ τοῦ αἵματος πολλοῦ τε καὶ ἀθρόου ἐκπεσόντος, συνεκάλεσε τοὺς πρώτους καὶ ἀξιολόγους τῶν βουλευτῶν οἴκαδε, καὶ κατακείμενος εἶπεν αὐτοῖς τάδε· « ἐμοί, ὦ ἄνδρες φίλοι, γόνον μὲν οὐκ ἔδωκεν ἡ φύσις ποιήσασθαι, νόμῳ δὲ ὑμεῖς ἐδώκατε. Διαφέρει δὲ τοῦτο ἐκείνου, ὅτι τὸ μὲν γεννώμενον, ὁποῖον ἂν δόξῃ τῷ δαιμονίῳ, γίγνεται, τὸ δὲ δὴ ποιούμενον αὐθαίρετόν τις αὐτὸς ἑαυτῷ προστίθεται, ὥστε παρὰ μὲν τῆς φύσεως ἀνάπηρον καὶ ἄφρονα πολλάκις δίδοσθαί τινι, παρὰ δὲ τῆς κρίσεως καὶ ἀρτιμελῆ καὶ ἀρτίνουν πάντως αἱρεῖσθαι. Καὶ διὰ τοῦτο πρότερον μὲν τὸν Λούκιον ἐξ ἁπάντων ἐξελεξάμην, οἷον οὐδ´ ἂν εὔξασθαι παῖδα ἠδυνήθην ἐμαυτῷ γενέσθαι· ἐπεὶ δὲ ἐκεῖνον τὸ δαιμόνιον ἡμῶν ἀφείλετο, εὗρον ἀντ´ ἐκείνου αὐτοκράτορα ὑμῖν, ὃν δίδωμι, εὐγενῆ πρᾷον εὔεικτον φρόνιμον, μήθ´ ὑπὸ νεότητος προπετὲς μήθ´ ὑπὸ γήρως ἀμελὲς ποιῆσαί τι δυνάμενον, ἠγμένον κατὰ τοὺς νόμους, ἡγεμονευκότα κατὰ τὰ πάτρια, ὥστε μήτε τι ἀγνοεῖν τῶν ἐς τὴν ἀρχὴν φερόντων καὶ πᾶσιν αὐτοῖς καλῶς δύνασθαι χρήσασθαι. Λέγω δὲ Αὐρήλιον Ἀντωνῖνον τουτονί· ὃν εἰ καὶ τὰ μάλιστα οἶδα ἀπραγμονέστατόν τε ἀνδρῶν ὄντα καὶ πόρρω τοιαύτης ἐπιθυμίας καθεστηκότα, ἀλλ´ οὔτι γε καὶ ἀφροντιστήσειν οἴομαι οὔτε ἐμοῦ οὔτε ὑμῶν, ἀλλὰ καὶ ἄκοντα τὴν ἀρχὴν ὑποδέξεσθαι ».

[21] Οὕτω μὲν ὁ Ἀντωνῖνος αὐτοκράτωρ ἐγένετο· ἐπεὶ δὲ ἦν ἄπαις ἀρρένων παίδων, τόν τε Κομμόδου υἱὸν Κόμμοδον ἐσεποίησεν αὐτῷ καὶ ἔτι πρὸς τούτῳ Μᾶρκον Ἄννιον Οὐῆρον, βουληθεὶς ἐπὶ πλεῖστον καὶ τοὺς μετὰ ταῦτα αὐταρχήσοντας ἀποδεῖξαι. Ἦν δὲ οὗτος ὁ Ἄννιος {ὁ} Μᾶρκος, ὁ Κατίλιος πρότερον ὀνομαζόμενος, Ἀννίου Οὐήρου τοῦ τρὶς ὑπατεύσαντος καὶ πολιαρχήσαντος ἔγγονος. Καὶ ἀμφοτέρους μὲν ἐσποιήσασθαι τῷ Ἀντωνίνῳ ἐκέλευε, προετίμησε δὲ τὸν Οὐῆρον διά τε τὴν συγγένειαν αὐτοῦ καὶ διὰ τὴν ἡλικίαν, καὶ ὅτι φύσιν ψυχῆς ἐρρωμενεστάτην ἤδη ὑπέφαινεν· ἀφ´ οὗ καὶ Οὐηρίσσιμον αὐτόν, πρὸς τὴν τοῦ Ῥωμαϊκοῦ ῥήματος ἔννοιαν κομψευόμενος, ἀπεκάλει.

[22] Ἁδριανὸς δὲ μαγγανείαις μέν τισι καὶ γοητείαις ἐκενοῦτό ποτε τοῦ ὑγροῦ, πάλιν δ´ αὐτοῦ διὰ ταχέος ἐπίμπλατο. Ἐπεὶ οὖν πρὸς τὸ χεῖρον ἀεὶ ἐπεδίδου καὶ καθ´ ἑκάστην τρόπον τινὰ ἡμέραν ἀπώλλυτο, ἀποθανεῖν ἐπεθύμησε, καὶ ᾔτει μὲν πολλάκις καὶ φάρμακον καὶ ξίφος, ἐδίδου δὲ οὐδείς. Ὡς δ´ οὖν οὐδεὶς αὐτῷ καίτοι χρήματα καὶ ἄδειαν ὑπισχνουμένῳ ὑπήκουε, μετεπέμψατο Μάστορα ἄνδρα βάρβαρον Ἰάζυγα, ᾧ αἰχμαλώτῳ γενομένῳ πρὸς τὰς θήρας διά τε ἰσχὺν καὶ δι´ εὐτολμίαν ἐκέχρητο, καὶ τὰ μὲν ἀπειλῶν αὐτῷ τὰ δὲ ὑπισχνούμενος ἠνάγκασεν αὐτὸν ἐπαγγείλασθαι τὴν σφαγήν. Καί τι καὶ χωρίον ὑπὸ τὸν μαστόν, πρὸς Ἑρμογένους τοῦ ἰατροῦ ὑποδειχθέν, χρώματί τινι περιέγραψεν, ὅπως κατ´ αὐτὸ πληγεὶς καιρίαν ἀλύπως τελευτήσῃ. Ἐπεὶ δ´ οὐδὲ τοῦτο αὐτῷ προεχώρησεν (ὁ γὰρ Μάστωρ φοβηθεὶς τὸ πρᾶγμα καὶ ἐκπλαγεὶς ὑπεχώρησε), πολλὰ μὲν ἑαυτὸν ἐπὶ τῇ νόσῳ ὠδύρατο πολλὰ δὲ καὶ ἐπὶ τῇ οὐκ ἐξουσίᾳ, ὅτι μὴ οἷός τ´ ἦν ἑαυτὸν ἀναχρήσασθαι, καίτοι τοὺς ἄλλους ἔτι καὶ τότε δυνάμενος· καὶ τέλος τῆς τε ἀκριβείας τῆς κατὰ τὴν δίαιταν ἀπέσχετο, καὶ ταῖς μὴ προσηκούσαις ἐδωδαῖς καὶ ποτοῖς χρώμενος ἐτελεύτησε, λέγων καὶ βοῶν τὸ δημῶδες, ὅτι πολλοὶ ἰατροὶ βασιλέα ἀπώλεσαν.

[23] Ἔζησε δὲ ἔτη μὲν δύο καὶ ἑξήκοντα μῆνας δὲ πέντε καὶ ἡμέρας ἐννεακαίδεκα, καὶ ἐμονάρχησεν ἔτη εἴκοσι καὶ μῆνας ἕνδεκα. Ἐτάφη δὲ πρὸς αὐτῷ τῷ ποταμῷ, πρὸς τῇ γεφύρᾳ τῇ Αἰλίᾳ· ἐνταῦθα γὰρ τὸ μνῆμα κατεσκευάσατο. Τὸ γὰρ τοῦ Αὐγούστου ἐπεπλήρωτο, καὶ οὐκέτι οὐδεὶς ἐν αὐτῷ ἐτέθη. Οὗτος ἐμισήθη μὲν ὑπὸ τοῦ δήμου, καίτοι τἆλλα ἄριστα αὐτῶν ἄρξας, διά τε τοὺς πρώτους καὶ τοὺς τελευταίους φόνους ἅτε καὶ ἀδίκως καὶ ἀνοσίως γενομένους, ἐπεὶ οὕτω γε ἥκιστα φονικὸς ἐγένετο ὥστε καὶ προσκρουσάντων αὐτῷ τινων ἀρκοῦν νομίζειν τὸ ταῖς πατρίσιν αὐτῶν αὐτὸ τοῦτο γράψαι, ὅτι αὐτῷ οὐκ ἀρέσκουσιν. Εἴ τέ τινα τῶν τέκνα ἐχόντων ὀφλῆσαι πάντως τι ἔδει, ἀλλ´ οὖν πρός γε τὸν ἀριθμὸν τῶν παίδων καὶ τὰς τιμωρίας αὐτῶν ἐπεκούφιζεν. Οὐ μέντοι ἀλλ´ ἡ γερουσία ἐπὶ πολὺ ἀντέσχε, τὰς τιμὰς μὴ ψηφίσασθαι ἐθέλουσα, καὶ αἰτιωμένη τινὰς τῶν ἐπ´ αὐτοῦ πλεονασάντων καὶ διὰ τοῦτο τιμηθέντων, οὓς καὶ κολασθῆναι ἔδει.

 

[1] Adrien ne fut pas adopté par Trajan ; ils étaient du même municipe et il l'avait eu pour tuteur ; il était même entré dans son alliance et avait épousé sa nièce ; il était continuellement avec lui et partageait sa vie ; il eut l'administration de la Syrie dans la guerre contre les Parthes ; néanmoins, il ne reçut aucun honneur particulier, et ne fut même pas consul dans les premiers jours de l'année ; mais, Trajan étant mort sans enfants, Attianus, citoyen du même municipe et son tuteur, ainsi que Plotine, qui l'aimait, le nommèrent César et Empereur, parce qu'il n'était pas loin et qu'il commandait une grande armée. Apronianus, mon père, qui fut gouverneur de la Cilicie, était très bien informé des affaires d'Adrien ; il m'en a raconté tout le détail, et, entre autres choses, que la mort de Trajan fut tenue cachée pendant plusieurs jours, afin que la nouvelle de l'adoption se répandît auparavant dans le public. Une preuve de cette fraude, c'est que la lettre écrite au sénat sur ce sujet fut signée, non de Trajan, mais de Plotine, chose qu'elle n'avait fait en aucun autre cas.

[2] Adrien, lorsqu'il fut proclamé empereur, était à Antioche, métropole de la Syrie dont il était gouverneur ; le jour précédent, il eut un songe où il crut voir le feu du ciel, par un temps parfaitement pur et calme, lui tomber sur le côté gauche du cou et passer ensuite sur le côté droit, sans lui causer ni effroi ni mal. Adrien écrivit au sénat pour prier ce corps de lui confirmer l'empire, protestant qu'il ne voulait, ni en ce moment ni dans un autre, qu'on lui décernât aucun honneur, comme c'était auparavant la coutume, qu'il ne l'eût demandé. Les os de Trajan furent mis sous sa colonne ; quant aux jeux Parthiques, ils furent célébrés pendant plusieurs années ; dans la suite, ils furent abolis comme bien d'autres. Quoique, dans une lettre écrite par lui, il eût, entre autres témoignages de sa grandeur d'âme, juré de ne faire rien en dehors des intérêts de l'Etat, de ne mettre à mort aucun sénateur, et prononcé des imprécations contre lui-même dans le cas où il transgresserait quelqu'une de ces promesses, Adrien n'en a pas moins été accusé de s'être rendu coupable de plusieurs crimes.

Bien que le gouvernement d'Adrien fût humain, il ne laissa pas d'être décrié par les meurtres de quelques hommes distingués, meurtres commis au commencement de son règne et sur la fin de sa vie ; peu s'en fallut même que ces actions ne l'empêchassent d'être divinisé. Ceux qui furent tués au commencement sont : Palma, Celsus Nigrinus et Lusius ; ceux-ci, soi-disant pour avoir voulu attenter à ses jours dans une chasse ; ceux-là, pour d'autres crimes dont on les accusait, tels que d'avoir acquis une grande puissance, beaucoup de richesses et une gloire brillante ; meurtres qu'Adrien sentit si bien avoir excité des murmures, qu'il essaya de se justifier et jura qu'il n'avait pas ordonné la mort de ces personnages. Ceux qui périrent à la fin de son règne furent Servianus et Fuscus, son petit-fils.

[3] Adrien, du côté de sa famille, eut pour père un homme devenu sénateur pour avoir exercé la préture, Adrien Afer (c'était son nom) ; lui-même, il avait un penchant naturel pour l'étude des deux langues, et il a laissé plusieurs ouvrages, tant en prose qu'en vers, de diverses espèces. Il était d'une ambition insatiable ; aussi s'adonnait-il à toutes les études, même aux plus frivoles ; il sculptait, il peignait, et prétendait n'ignorer aucun des arts de la paix et de la guerre, aucune des obligations d'un prince, et d'un particulier. Cette prétention ne faisait de mal à personne, mais sa jalousie terrible à l'égard de tous ceux qui avaient un talent supérieur ruina un grand nombre de gens et causa même la perte de quelques-uns. En effet, comme il voulait l'emporter sur tous en toute chose, il haïssait ceux qui s'élevaient au-dessus de lui en quoi que ce fùt. C'est ainsi qu'il cherchait à se défaire des sophistes Favorinus de Gaule et Denys de Milet, par plusieurs moyens, et surtout en élevant leurs rivaux, gens, les uns dépourvus de tout mérite, les autres n'en ayant que fort peu ; aussi Denys, à ce que l'on rapporte, dit un jour à Héliodore, secrétaire du prince, son rival particulier : «L'empereur peut bien te donner richesses et honneurs, mais il ne saurait faire de toi un orateur». Favorinus, au moment de plaider devant lui l'immunité qu'il réclamait dans sa patrie au tribunal du prince, se doutant qu'il succomberait, et qu'en outre il essuierait des outrages, vint au tribunal et ne dit que ces paroles : «Mon maître, cette nuit, dans un songe, se tenant à ma tête, m'a ordonné de servir ma patrie, où je suis né».

[4] Adrien, bien qu'irrité contre tous les deux, ne trouvant aucune couleur spécieuse pour les perdre, leur fit grâce ; quant à Apollodore, architecte qui avait construit à Rome le Forum, l'Odéon et le Gymnase de Trajan, il l'exila d'abord, puis il le mit à mort sous prétexte qu'il avait commis quelque crime, mais, en réalité, parce qu'un jour que Trajan lui donnait des instructions pour ses travaux, Apollodore avait répondu à une observation déplacée d'Adrien : «Va-t-en peindre tes citrouilles ; car, pour ceci, tu n'y entends rien». Or, dans le moment, Adrien tirait vanité de cette sorte de peinture. Lorsqu'il fut devenu empereur, il en garda ressentiment et ne supporta pas la liberté de parole de l'architecte. Il lui envoya, pour lui montrer qu'on pouvait faire de grandes choses sans lui, le plan du temple de Vénus et Rome, en lui demandant s'il était bien conçu ; Apollodore répondit que le temple aurait dû être construit sur une hauteur et l'emplacement, creusé en dessous, afin de le mettre, par cette élévation, mieux en vue sur la voie Sacrée et de loger ses machines dans la cavité, de façon à les assembler sans qu'on les aperçût, et à les amener insensiblement à l'amphithéâtre ; quant aux statues, qu'elles étaient trop grandes pour les proportions de l'édifice, «Car, ajouta-t-il, en supposant que les déesses veuillent se lever et sortir, elles ne le pourront pas». Cette réponse sans détours courrouça le prince et lui causa une vive douleur d'être tombé dans une faute qui ne se pouvait corriger ; il ne contint ni son ressentiment ni sa peine, et fit mourir Apollodore. Il était de son naturel tellement jaloux qu'il portait envie, non seulement aux vivants, mais même aux morts. C'est ainsi que, dans le dessein d'éclipser Homère, il lui opposa Antimaque, dont beaucoup auparavant ignoraient même le nom.

[5] On le blâmait sans doute de toutes ces choses, ainsi que de sa rigoureuse exactitude, de ses recherches inutiles et de sa curiosité superflue ; mais il corrigeait ces défauts et les compensait par sa vigilance, par sa prévoyance, par sa magnificence et par son habileté, et aussi parce qu'il n'excita aucune guerre et apaisa les guerres commencées ; parce qu'il ne dépouilla personne injustement de ses biens et qu'il fit de nombreuses largesses à beaucoup de peuples, de particuliers, de sénateurs et de chevaliers. Il n'attendait pas qu'on lui adressât une demande et se conduisait en tout selon le besoin de chacun. Il veilla très soigneusement à la discipline militaire, de façon que les soldats n'abusassent pas de leurs forces, soit pour désobéir, soit pour opprimer les faibles ; toutes les villes, tant alliées que soumises, eurent part à sa munificence. Il en visita un grand nombre qu'aucun autre empereur n'avait jamais visitées, et vint au secours de toutes, pour ainsi dire, accordant à celles-ci de l'eau, à celles-là des ports, du blé, des édifices, de l'argent, et d'autres privilèges à d'autres.

[6] Il menait le peuple romain avec plus de sévérité que de courtoisie. Un jour, où, dans un combat de gladiateurs, on lui demandait une grâce avec instance, il ne l'accorda pas, et, de plus, donna l'ordre au héraut de répéter le mot de Domitien : « Faites silence ». Cette parole ne fut pas prononcée, car le héraut ayant étendu la main et obtenu le calme par ce seul geste, comme c'est la coutume (quelquefois, en effet, l'intervention du héraut est nécessaire pour obtenir le silence), dit, lorsque le silence régna : «Voilà ce que veut l'empereur». Adrien, loin de témoigner de la colère contre le héraut, lui sut gré de n'avoir pas fait sentir ce que l'ordre avait de fâcheux. Il supportait, en effet, ces libertés, et ne s'irritait pas que n'importe qui lui rendit service contre son sentiment. Ainsi, une femme lui ayant adressé une demande dans une rue où il passait, il lui répondit d'abord. «Je n'ai pas le temps» ; ensuite, celle-ci lui ayant réparti d'un ton élevé : «Ne sois donc pas empereur», il se retourna et lui donna audience.

[7] Il ne prenait qu'avec la participation du sénat les mesures les plus importantes et les plus nécessaires ; il rendait la justice avec les principaux membres de cette compagnie, tantôt dans le palais, tantôt sur le Forum, dans le Panthéon ou dans un autre endroit, assis sur son tribunal, afin que ce qui s'y passait fùt public. Parfois il assistait aux jugements que prononçaient les consuls ; il leur rendait aussi des honneurs dans les jeux du cirque. En rentrant, il se faisait porter en litière, afin de ne fatiguer personne à le suivre. Les jours qui n'étaient consacrés ni à des sacrifices ni à des fêtes publiques, il se tenait chez lui et n'admettait personne même à le saluer, à moins d'un cas de nécessité, afin de ne pas causer une grave incommodité au peuple. Sans cesse, tant à Rome qu'au dehors, il avait à ses côtés les citoyens les plus distingués ; il assistait même à leurs festins, et, pour cela, il arrivait souvent, porté en quatrième dans une litière. Il allait à la chasse toutes les fois que l'occasion se présentait, et dînait sans vin ; ensuite, il soupait en société avec tous les principaux et les plus distingués de ses compagnons de chasse, et le repas était assaisonné de propos variés. Il visitait ses amis quand ils étaient atteints de maladies graves, prenait part à leurs fêtes, et usait avec plaisir de leurs campagnes et de leurs maisons ; ce qui fit qu'il éleva sur le Forum des statues à plusieurs d'entre eux après leur mort et à plusieurs aussi de leur vivant. Néanmoins il n'y eut aucun d'eux qui se montrât insolent ou qui trafiquât de ses réponses et de ses décisions, comme ont coutume de faire les Césariens et les autres gens qui entourent les empereurs.

[8] Voilà sur les moeurs d'Adrien une sorte de résumé préliminaire : je vais entrer dans le détail des choses qu'il est nécessaire de rapporter. Arrivé à Rome, il fit remise des sommes dues tant au fisc qu'au trésor public, fixant un espace de seize ans en-deçà et au-delà du temps présent pour l'observation de cette mesure. Il accorda au peuple, le jour anniversaire de sa naissance, la gratuité des jeux, et il fit tuer un si grand nombre de bêtes, qu'en une seule fois cent lions et pareil nombre de lionnes tombèrent sous le fer ; il distribua aussi séparément, au théâtre et dans le cirque, au moyen de boules, des présents aux hommes et aux femmes ; car il régla qu'ils auraient des bains séparés. Voilà ce qui se passa cette année ; de plus, le philosophe Euphrate mourut de son plein gré, Adrien lui ayant permis de prendre de la ciguë, attendu son grand âge et sa maladie.

[9] Adrien, parcourant successivement les provinces, examinant les contrées et les villes, inspectant toutes les forteresses, tous les remparts, transporta quelques-uns de ces ouvrages dans des endroits plus favorables, en supprima quelques-uns et en éleva quelques autres, surveillant et contrôlant lui-même loyalement, non seulement tout ce qui est des légions en commun, je veux dire les armes, les machines, les fossés, les retranchements, les palissades, mais encore ce qui se rapportait à chacun en particulier et des légionnaires et de leurs chefs, c'est-à-dire leur manière de vivre, leurs habitations et leurs moeurs ; il réforma et corrigea plusieurs abus, introduits par la mollesse, tant dans leur vie que dans leur tenue. Il les exerçait à tous les genres de combat, récompensait les uns, réprimandait les autres et leur enseignait à tous leurs devoirs. Afin que sa vue servît d'exemple, il suivait partout un régime sévère ; toujours il allait à pied ou à cheval, sans jamais, dans cette tournée, être monté en litière ou en char ; jamais, non plus, par le chaud ou par le froid, il ne se couvrit la tête ; dans les neiges des Gaules comme sous le soleil brûlant de l'Egypte, il marchait la tête nue. En un mot, par ses actes et par ses prescriptions, durant tout son règne, il apporta tant de soin à tout ce qui se rapporte aux exercices et à la discipline militaires, qu'aujourd'hui encore les règlements faits alors par lui sont une loi dans l'armée. Aussi fut-il, la plus grande partie de son règne, en paix avec les peuples étrangers : car, comme ils voyaient ses préparatifs, comme ils n'étaient pas tourmentés, et qu'en outre, ils recevaient des libéralités, ils ne tentèrent aucune révolte. Son armée était si bien exercée que la cavalerie batave traversa, un jour, l'Ister à la nage avec ses armes. Ce spectacle frappait les barbares d'admiration pour les Romains, et ils se laissaient gagner au point de prendre Adrien pour arbitre de leurs différends entre eux.

[10] Adrien construisait des théâtres et donnait des jeux dans les villes qu'il parcourait, sans toutefois faire usage de l'appareil de la souveraineté, car jamais il ne l'employa hors de Rome. Quant à sa patrie, bien que lui ayant accordé de grands honneurs et lui ayant donné plusieurs privilèges éclatants, il ne la visita pas. On dit qu'il eut la passion de la chasse ; il s'y brisa la clavicule et faillit avoir une jambe estropiée ; une ville qu'il fonda en Mysie reçut le nom d'Adrianothères (Chasses d'Adrien). Mais cette passion, néanmoins, ne lui fit négliger aucune des affaires qui sont du ressort de l'autorité suprême. Cet amour de la chasse est encore attesté par Borysthène, son cheval favori pour la chasse, puisqu'à la mort de ce cheval, il lui fit construire un tombeau, y érigea une stèle et y grava une inscription. Aussi, ne faut-il pas s'étonner si, à la mort de Plotine, dont l'amour l'avait porté au pouvoir, il lui rendit des honneurs extraordinaires, au point d'être, durant neuf jours, vêtu de noir ; qu'il lui bâtit un temple et composa des hymnes à sa mémoire. Il était d'ailleurs d'une telle habileté à la chasse, qu'un jour il abattit d'un seul coup un sanglier énorme.

[11] Arrivé en Grèce, il se fit initier aux Mystères. Traversant ensuite la Judée pour passer en Egypte, il offrit un sacrifice funèbre à Pompée, à propos de qui dit-on , il laissa échapper ce vers : Pour celui qui avait des temples nombreux, quel maigre tombeau ! Il rétablit le monument qui était tombé en ruines. En Egypte, il éleva une ville qui tire son nom d'Antinoüs. Antinoüs était de la ville de Bithynium, en Bithynie, ville que nous appelons Claudiopolis ; il avait été son mignon et était mort en Egypte, soit pour être tombé dans le Nil, comme l'écrit Adrien, soit pour avoir été immolé en sacrifice, comme c'est la vérité ; car Adrien, ainsi que je l'ai dit, était très curieux, et il recourait à la divination et à des pratiques magiques de toute sorte. Aussi, soit en souvenir de son amour, soit en récompense de sa mort volontaire (il avait en effet besoin, pour ses pratiques, de quelqu'un qui consentît à donner sa vie), honora-t-il Antinoüs, au point d'établir une colonie dans l'endroit où était arrivé ce malheur et de lui donner le nom de son ami. Il dédia aussi, par tout l'univers, des bustes ou plutôt des statues sacrées d'Antinoüs. Enfin, Adrien prétendit voir lui-même une étoile qui était celle d'Antinoüs, et il écoutait avec plaisir ses courtisans, qui lui disaient mensongèrement que cette étoile était née de l'âme d'Antinoüs, et qu'elle s'était montrée pour la première fois dans ce temps-là. Toutes ces extravagances l'exposaient aux railleries et aussi ce fait que, sa soeur Pauline étant morte, il ne lui accorda sur le moment aucun honneur - - -.

[12] La fondation à Jérusalem, en place de la ville qui avait été renversée, d'une colonie, à laquelle il donna le nom d'Aelia Capitolina, et la construction d'un nouveau temple à Jupiter en place du temple de Dieu, donnèrent naissance à une guerre terrible et qui dura longtemps. Les Juifs, irrités de voir des étrangers habiter leur ville et y établir des sacrifices contraires aux leurs, se tinrent tranquilles tant qu'Adrien fut en Egypte et lorsqu'il fut retourné en Syrie ; seulement, ils fabriquèrent mal à dessein les armes qu'on leur avait commandées, afin de pouvoir s'en servir comme d'armes refusées par les Romains ; mais, lorsque le prince fut éloigné, ils se soulevèrent ouvertement. Ils n'osaient pas, néanmoins, les affronter en bataille rangée ; mais ils se saisissaient des positions favorables et les fortifiaient de murailles et de souterrains, qui devaient leur servir de refuges lorsqu'ils seraient refoulés, et assurer entre eux des communications secrètes par terre, creusant, dans la partie supérieure de leurs routes souterraines, des ouvertures destinées à leur donner de l'air et du jour.

[13] Les Romains, tout d'abord, ne firent aucune attention à leur entreprise; mais, lorsque le mouvement eut envahi toute la Judée, et que les Juifs se mirent partout à s'agiter et à se réunir, lorsque, en secret et au grand jour, ils leur eurent causé de grands maux, lorsque beaucoup d'autres nations étrangères, poussées par l'espérance du gain, eurent embrassé la cause des rebelles, voyant la terre entière, pour ainsi dire, profiter de l'occasion pour s'ébranler, alors, mais seulement alors, Adrien envoya contre eux ses meilleurs généraux, parmi lesquels le premier fut Julius Sévérus, qu'il manda de la Bretagne, où il commandait, pour lui confier la guerre contre les Juifs. Celui-ci n'osa nulle part en venir à un engagement face à face avec des ennemis dont il voyait le nombre et le désespoir; mais, les attaquant séparément, grâce au nombre de ses soldats et de ses lieutenants, il parvint, en leur coupant les vivres et en les enserrant, il parvint, dis-je, lentement, il est vrai, mais sans hasarder ses troupes, à écraser, à étouffer, à anéantir leur sédition.

[14] Il y en eut peu qui échappèrent à ce désastre. Cinquante de leurs places les plus importantes, neuf cent cinquante-cinq de leurs bourgs les plus renommés, furent ruinés ; cent quatre-vingt mille hommes furent tués dans les incursions et dans les batailles (on ne saurait calculer le nombre de ceux qui périrent par la faim et par le feu, en sorte que la Judée presque entière ne fut plus qu'un désert, comme il leur avait été prédit avant la guerre : le monument de Salomon, que ce peuple a en grande vénération, s'affaissa de lui-même et s'écroula ; des loups et des hyènes en grand nombre fondirent dans les villes avec des hurlements. Les Romains aussi éprouvèrent de grosses pertes dans cette guerre ; c'est pourquoi Adrien, dans sa lettre au sénat, ne se servit pas du préambule ordinaire aux empereurs : «Si vous et vos enfants vous vous portez bien, les affaires sont en bon état ; moi et les légions, nous nous portons bien». Il envoya Sévérus en Bithynie, où il avait besoin, non d'une armée, mais d'un gouverneur et d'un chef, juste, sage et digne, qualités qui toutes se trouvaient dans Sévérus. Celui-ci régla et administra les affaires particulières et les affaires publiques de cette province avec tant de ménagement, que nous avons constamment gardé souvenir de lui jusqu'à ce jour ; la Pamphylie, en place de la Bithynie, fut remise au sénat et au sort.

[15] La guerre des Juifs finit donc là ; mais une autre guerre, celle des Albains (ce peuple fait partie des Massagètes), fut excitée par Pharasmane et causa de grands ravages dans la Médie ; puis, après s'être étendue en Arménie et en Cappadoce, les Albains s'étant laissé gagner par les présents de Vologèse et redoutant Flavius Arrien, gouverneur de la Cappadoce, la guerre s'arrêta. Vologèse et les Iazyges ayant envoyé des ambassadeurs, l'un pour se plaindre de certains actes de Pharasmane, les autres pour conclure la paix, Adrien les introduisit dans le sénat ; puis, ayant reçu de cette compagnie la commission de leur faire réponse, il rédigea par écrit sa décision et la leur lut.
[16] Adrien fit la dédicace du temple de Jupiter Olympien à Athènes, temple dans lequel est une statue de lui, et il consacra un serpent qui y avait été apporté de l'Inde ; il célébra magnifiquement les dionysiaques, attendu qu'il exerçait la charge d'archonte, la plus haute de cette ville, vêtu à la manière du pays. Il accorda aux Grecs la permission de lui élever un temple qui fut nommé le Panhellénium, institua des jeux à cette occasion, et fit don aux Athéniens de fortes sommes d'argent, d'un revenu annuel en grains, ainsi que de Céphallénie tout entière. Il régla aussi, entre autres choses, qu'aucun sénateur ne pourrait, ni par lui-même, ni sous le nom d'un autre, prendre aucune ferme. A son retour à Rome, le peuple, dans un spectacle, ayant demandé à grands cris l'affranchissement d'un conducteur de chars, il s'y opposa en écrivant ces mots sur des tablettes : «Il n'est convenable, ni à vous de me demander l'affranchissement d'un esclave appartenant à autrui, ni au maître de l'esclave d'être contraint de le faire».

[17] Ayant commencé à être malade (le sang d'habitude, auparavant déjà, lui sortait par le nez, mais alors il déborda avec force), il désespéra de sa vie et donna pour César aux Romains L. Commode, bien que celui-ci vomît le sang, et il fit mettre à mort, sous prétexte qu'ils avaient désapprouvé cette élection, Servianus et Fuscus, son petit-fils, âgés, l'un de quatre-vingt-dix ans, l'autre de dix-huit. Avant d'être égorgé, Servianus demanda du feu, et en offrant l'encens : «Je n'ai commis aucun crime, ô dieux ! s'écria-t-il, vous le savez ; pour ce qui est d'Adrien, je vous adresse cette seule prière, qu'il désire la mort sans pouvoir l'obtenir». Adrien vécut longtemps encore, malgré la maladie, ayant souvent désiré mourir, ayant souvent voulu se tuer lui-même. Il existe une lettre de lui qui montre quel mal affreux c'est de désirer mourir sans le pouvoir. Adrien avait jugé ce Servianus digne du pouvoir ; un jour, en effet, ayant demandé à ses amis, dans un festin, de lui nommer dix hommes qui pussent être empereurs, après un temps d'arrêt : «Je n'ai besoin d'en connaître que neuf, leur dit-il, car j'en ai un, c'est Servianus».
[18] Il y eut aussi, en ce temps, d'autres hommes distingués dont les plus illustres furent Turbon et Similis, qu'Adrien honora de statues ; Turbon, excellent homme de guerre, devenu préfet du prétoire, c'est-à-dire chef de la garde prétorienne, au lieu de s'abandonner à la mollesse et à l'orgueil, vivait comme un homme du commun. Il passait tout le jour auprès du prince, et souvent il allait le trouver au milieu de la nuit, alors que quelques-uns des autres Romains commençaient à dormir. C'est ainsi que Cornélius Fronton, le premier des Romains de ce temps pour défendre une cause, revenant chez lui, au sortir d'un souper, comme la soirée était fort avancée, ayant appris de la partie à qui il avait promis l'appui de sa parole qu'Adrien était déjà à rendre la justice, entra au tribunal, vêtu, comme il l'était alors, de la robe qu'on portait dans les festins, et se servit pour le saluer, non de la formule «Sois joyeux», en usage le matin, mais de la formule «Sois en bonne santé», en usage pour le soir. Quant à Turbon, jamais on ne le vit rester le jour chez lui, même lorsqu'il était malade ; loin de là, Adrien lui conseillant de se donner un peu de tranquillité : «Le préfet du prétoire, lui répondit-il, doit mourir debout».

[19] Pour ce qui est de Similis, personnage plus avancé que Turbon en âge et en dignité, il ne le céda, je crois, à personne de ceux qu'on renomme le plus pour leurs moeurs. Quelques traits suffiront pour permettre d'en juger. Un jour, lorsqu'il n'était encore que centurion, Trajan l'ayant appelé dans sa tente avant les tribuns, il lui dit : «C'est chose honteuse, César, que tu t'entretiennes avec un centurion, tandis que les tribuns se tiennent debout au dehors». Il prit malgré lui le commandement de la garde prétorienne, et, après l'avoir pris, il le déposa ; et, ayant obtenu avec peine son congé, il passa paisiblement sept ans, c'est-à-dire le reste de sa vie, à la campagne ; de plus, il composa pour son tombeau l'inscription suivante : «Ci-gît Similis, qui exista tant d'années et en vécut sept».

[20] Adrien était en proie à une consomption causée par un flux de sang abondant, qui engendra chez lui l'hydropisie. Lorsqu'il eut eu le malheur de perdre subitement L. Commode, mort d'un flux de sang qu'il rendait en abondance et à flots pressés, il convoqua chez lui les principaux et les plus dignes d'estime des sénateurs, et, couché dans son lit, il leur parla en ces termes : «Mes amis, la nature ne m'a pas accordé d'avoir un enfant ; vous m'avez accordé par une loi d'en adopter un. La différence entre l'un et l'autre cas, c'est que l'enfant à qui on donne le jour naît tel qu'il plaît aux dieux, tandis que celui qu'on adopte, chacun le choisit à son gré ; de telle sorte que, si souvent la nature donne à un homme un enfant estropié et dépourvu d'esprit, le jugement en fait choisir un qui réunisse la bonne constitution du corps à celle de l'esprit. C'est pour cela que j'avais d'abord choisi entre tous Lucius, qui était tel que je n'aurais même pas pu souhaiter avoir un fils pareil né de moi ; mais, puisque les dieux nous l'ont enlevé, j'ai trouvé pour le remplacer auprès de vous un empereur que je vous donne, d'une naissance illustre, doux, d'un caractère facile, prudent, également incapable de se laisser aller à aucune précipitation par jeunesse, ou à aucune négligence par vieillesse, se gouvernant d'après les lois et ayant gouverné d'après les coutumes de nos ancêtres, de sorte qu'il n'ignore rien de ce qui a rapport à l'autorité souveraine et qu'il peut en user honnêtement. Je parle d'Aurèle Antonin que voici ; bien que je le connaisse pour un homme ayant, s'il en fut, aversion des embarras des affaires et fort éloigné d'un pareil désir, je crois qu'il ne refusera ni à moi ni à vous de se charger d'un pareil fardeau, et qu'il voudra bien, quoique contre son gré, accepter l'empire».

[21] Voilà comment Antonin devint empereur : comme il n'avait pas d'enfants mâles, il adopta Commode, fils de Commode, et, en outre, Marcus Annius Vérus, voulant désigner pour longtemps les successeurs à l'empire. Ce Marcus Annius, nommé auparavant Catilius, descendait d'Annius Vérus, qui avait été trois fois consul et préfet de Rome. Ce fut Adrien qui ordonna à Antonin de les adopter tous les deux ; mais il préféra Vérus à cause de la parenté qui l'unissait à lui, à cause de son âge et de la force d'âme qu'il laissait déjà paraître ; aussi l'appelait-il gracieusement Vérissimus, au sens de la langue latine.

[22] Adrien, à l'aide de la magie et des enchantements, parvint à épuiser l'eau qui enflait son corps ; mais elle ne tarda pas à le remplir de nouveau. Comme le mal faisait sans cesse des progrès, et que chaque jour, pour ainsi dire, il se sentait périr, il désira la mort : souvent il demandait du poison et une épée ; mais personne ne lui en donnait. Ne trouvant, malgré l'argent et l'impunité qu'il promettait, personne qui lui obéit, il fit appeler un barbare Iazyge, Mastor, captif dont il se servait à la chasse à cause de sa force et de sa hardiesse, et, tant par menaces que par promesses, il le contraignit à lui promettre de le tuer. Il traça un cercle de couleur autour d'une certaine place au-dessous du sein, place qui lui avait été montrée par Hermogène, son médecin, afin de mourir sans douleur en y recevant un coup mortel. Mais ce moyen ne lui ayant pas réussi (Mastor, redoutant l'action qu'il allait commettre, s'enfuit épouvanté), il se répandit en plaintes sur sa maladie et sur le refus qu'on lui faisait, attendu, disait-il, qu'il était dans l'impossibilité de se donner lui-même la mort, bien qu'ayant encore, en ce moment même, le pouvoir de la donner aux autres. Enfin, il cessa d'observer un régime exact, et, faisant usage de mets et de boissons contraires à sa maladie, il mourut en répétant à grands cris ce proverbe populaire : «Le prince est mort d'avoir eu trop de médecins».

[23] Adrien vécut soixante-deux ans cinq mois dix-neuf jours ; il régna vingt ans onze mois. Il fut enterré près du fleuve, non loin du pont Aelius ; c'était là qu'il s'était fait construire un tombeau. Le monument d'Auguste, en effet, était plein et on n'y mit plus personne. Adrien fut haï du peuple, malgré la vertu dont il fit preuve dans les autres parties de son administration, à cause des meurtres qu'il commit au commencement et à la fin de son règne, meurtres injustes et impies ; bien qu'il aimât si peu à répandre le sang, qu'ayant été offensé par quelques personnes, il jugea suffisant de faire écrire en leur pays qu'elles lui déplaisaient. S'il était absolument forcé de punir un citoyen ayant des enfants, il modérait le châtiment en proportion du nombre des enfants. Néanmoins le sénat opposa une longue résistance avant de consentir à rendre le décret qui lui accordait les honneurs d'usage, demandant même que quelques-uns, qui avaient commis sous lui des excès et avaient, pour cette raison, reçu des honneurs, fussent livrés au supplice.