OEUVRES D'HIPPOCRATE
DES AIRS, DES EAUX ET DES LIEUX.
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[1] CELUI qui veut s'appliquer convenablement à la médecine doit faire ce qui suit : considérer, premièrement, par rapport aux saisons de l'année les effets que chacune d'elles peut produire, car elles ne se ressemblent pas, mais elles diffèrent les unes des autres, et [chacune en particulier diffère beaucoup d'elle-même] dans ses vicissitudes ; en second lieu, les vents chauds et les vents froids, surtout ceux qui sont communs à tous les pays ; ensuite ceux qui sont propres à chaque contrée. Il doit également considérer les qualités des eaux, car, autant elles diffèrent parleur saveur et par leur poids, autant elles diffèrent par leurs propriétés. Ainsi, lorsqu'un médecin arrive dans une ville dont il n'a pas encore l'expérience, il doit examiner sa position et ses rapports avec les vents et avec le lever du soleil ; car celle qui est exposée au nord, celle qui l'est au midi, celle qui l'est au levant, celle qui l'est au couchant, n'exercent pas la même influence. II considérera très bien toutes ces choses, s'enquerra de la nature des eaux, saura si celles dont on fait usage sont marécageuses et molles, ou dures et sortant de l'intérieur des terres et de rochers, ou si elles sont salines et réfractaires. Il examinera si le sol est nu et sec, ou boisé et humide ; s'il est enfoncé et brûlé par des chaleurs étouffantes, ou s'il est élevé et froid. Enfin il connaîtra le genre de vie auquel les habitants se plaisent davantage, et saura s'ils sont amis du vin, grands mangeurs et paresseux, ou s'ils sont amis de la fatigue et des exercices gymnastiques, mangeant beaucoup et buvant peu. [2] C'est de semblables observations qu'il faut partir pour juger chaque chose. En effet, un médecin qui sera bien éclairé sur ces circonstances, et principalement celui qui le sera sur toutes, ou du moins sur la plupart, en arrivant dans une ville dont il n'a pas encore l'expérience, ne méconnaîtra ni les maladies particulières à la localité (maladies endémiques), ni la nature de celles qui sont communes à tous, ne sera point embarrassé dans leur traitement, et ne tombera point dans les fautes qu'on doit vraisemblablement commettre si l'on n'a pas d'avance approfondi tous ces points. Pour chaque saison qui s'avance et pour l'année, il pourra prédire et les maladies communes à tous (générales) qui doivent affliger la ville en été ou en hiver, et celles dont chacun en particulier est menacé s'il fait des écarts de régime. Connaissant les vicissitudes des saisons, le lever et le coucher des astres, et la manière dont tous ces phénomènes se passent, il pourra prévoir ce que sera l'année. Après de telles investigations et avec la prévision des temps, il sera bien préparé pour chaque cas particulier, connaîtra les moyens les plus propres à rétablir la santé, et n'obtiendra pas un médiocre succès dans l'exercice de son art. Si quelqu'un regardait ces connaissances comme appartenant à la météorologie, pour peu qu'il veuille suspendre son opinion, il se convaincra que l'astronomie n'est pas d'une très mince utilité pour la médecine, mais qu'elle lui est au contraire d'un très grand secours. En effet, chez les hommes, l'état des cavités change avec les saisons. [3] Je vais exposer clairement la manière d'observer et de vérifier chacune des choses dont je viens de parler. Supposons une ville exposée aux vents chauds (ceux qui soufflent entre le lever d'hiver du soleil et le coucher d'hiver), ouverte à ces vents et abritée contre ceux du nord ; les eaux y sont abondantes, mais salines, peu profondes et nécessairement chaudes en été, et froides en hiver. [Ces eaux étant nuisibles à l'homme, elles causent un grand nombre de maladies.] Les habitants ont la tête humide et phlegmatique, et le ventre souvent troublé par le phlegme qui descend de la tête. Chez la plupart, les formes extérieures ont une apparence d'atonie. Ils ne sont capables ni de bien manger ni de bien boire. Tout homme qui a la tête faible ne saurait supporter le vin, car il est plus que d'autres exposé aux accidents que l'ivresse développe du côté de la tête. [Les habitants d'une telle ville ne sauraient vivre longtemps.] Voici maintenant quelles sont les maladies endémiques : les femmes sont valétudinaires et sujettes aux écoulements ; beaucoup sont stériles par mauvaise santé plutôt que par nature ; elles avortent fréquemment. Les enfants sont attaqués de convulsions, d'asthmes auxquels on attribue la production du mal des enfants (de l'épilepsie), qui passe pour une maladie sacrée. Les hommes sont sujets aux dysenteries, aux diarrhées, aux épiales, à de longues fièvres hibernales, aux épinyctides, aux hémorroïdes. Les pleurésies, les péripneumonies, les causas et toutes les maladies réputées aiguës ne sont pas fréquentes, car il n'est pas possible que ces maladies sévissent là où les cavités sont humides. Il y a des ophtalmies humides qui ne sont ni longues ni dangereuses, à moins qu'il ne règne quelque maladie générale, par suite de vicissitudes des saisons. Lorsque les hommes ont passé cinquante ans, ils sont sujets à des catarrhes qui viennent de l'encéphale et qui les rendent paraplectiques, lorsqu'ils ont été subitement frappés sur la tête par un soleil ardent ou par un froid rigoureux. Telles sont les maladies endémiques pour les habitants de ces localités ; et s'il règne en outre quelque maladie générale dépendante des vicissitudes des saisons, ils y participent également. [4] Quant aux villes exposées, au contraire, aux vents froids (ceux qui soufflent entre le coucher d'été du soleil et le lever d'été), qui les reçoivent habituellement et qui sont à l'abri du notus et des [autres] vents chauds, voici ce qui en est : d'abord les eaux y sont généralement dures et froides. Les hommes sont nécessairement nerveux et secs ; la plupart ont les cavités inférieures sèches et réfractaires ; les supérieures, au contraire, plus faciles à émouvoir. Ils sont plutôt bilieux que phlegmatiques ; ils ont la tête saine et sèche, et sont en général sujets aux ruptures internes. Les maladies qui règnent dans ces localités sont les pleurésies en grand nombre, et toutes les maladies réputées aiguës. Il doit nécessairement en être ainsi quand les cavités sont sèches. Beaucoup deviennent empyématiques sans cause apparente ; mais la véritable, c'est la rigidité du corps et la sécheresse de la cavité [pectorale], car la sécheresse et l'usage de l'eau froide [par qualité] expose aux ruptures internes. Nécessairement, les hommes d'une telle constitution mangent beaucoup et boivent peu (car on ne saurait être à la fois grand buveur et grand mangeur) ; les ophtalmies sont rares chez eux, mais il en survient de sèches et violentes qui opèrent promptement la fonte de l'oeil. Chez les sujets au-dessus de trente ans, il arrive pendant l'été de violentes hémorragies nasales. Les maladies qu'on appelle sacrées sont rares, mais violentes. Il est naturel que ces hommes vivent plus longtemps que les autres ; que leurs plaies ne deviennent ni phlegmatiques, ni rebelles ; que leurs moeurs soient plus sauvages que douces. Telles sont pour les hommes les maladies endémiques, et s'il règne en outre quelque maladie générale dépendante de la révolution des saisons [ils y participent]. Quant aux femmes, d'abord il y en a beaucoup de stériles, parce que les eaux sont crues, réfractaires et froides ; leurs purgations menstruelles ne sont pas convenables, elles sont peu abondantes et de mauvaise qualité ; en second lieu, leurs accouchements sont laborieux, mais elles avortent rarement. Lorsqu'elles sont accouchées, elles ne peuvent nourrir leurs enfants, parce que leur lait est tari par la dureté et la crudité des eaux. Chez elles, les phtisies sont très fréquentes à la suite des couches ; car les efforts [de l'accouchement] produisent des tiraillements et des déchirures [internes]. Les enfants, tant qu'ils sont petits, sont sujets aux hydropisies (infiltrations séreuses) du scrotum ; mais elles se dissipent à mesure qu'ils avancent en âge. La puberté est tardive dans une telle ville. Voilà, comme je viens de le montrer, ce qui concerne les vents chauds, les vents froids, et les villes qui y sont exposées. [5] Quant aux villes ouvertes aux vents qui soufflent entre le lever d'été du soleil et celui d'hiver, et à celles qui ont une exposition contraire, voici ce qui en est : les villes exposées au levant sont naturellement plus salubres que celles qui sont tournées du côté du nord ou du midi, quand il n'y aurait entre elles qu'un stade de distance (94 toises et demie). D'abord la chaleur et le froid y sont plus modérés ; ensuite les eaux dont la source regarde l'orient sont nécessairement limpides, de bonne odeur, molles et agréables, car le soleil à son lever dissipe [les vapeurs] en les pénétrant de ses rayons. En effet, dans la matinée, des vapeurs sont ordinairement suspendues sur les eaux. Les hommes ont une coloration plus vermeille et plus fleurie, à moins que quelque maladie ne s'y oppose. Leur voix est claire, ils ont un meilleur caractère, un esprit plus pénétrant que les habitants du nord ; de même toutes les autres productions naturelles sont meilleures. Une ville dans une telle position offre l'image du printemps, parce que le chaud et le froid y sont tempérés. Les maladies y sont moins fréquentes et moins fortes qu'ailleurs, mais elles ressemblent à celles qui règnent dans les villes exposées aux vents chauds. Les femmes y sont extrêmement fécondes et accouchent facilement. Il en est ainsi de ces localités. [6] Les villes tournées vers le couchant, abritées contre les vents de l'orient et sur lesquelles les vents du nord et du midi ne font que glisser, sont dans une exposition nécessairement très insalubre ; car premièrement, les eaux ne sont point limpides, parce que le brouillard, qui le plus souvent occupe l'atmosphère dans la matinée, se mêle avec elles et en altère la limpidité ; en effet, le soleil n'éclaire pas ces régions avant d'être déjà fort élevé. En second lieu, il y souffle pendant les matinées d'été des brises fraîches, il y tombe des rosées, et le reste de la journée le soleil, en s'avançant vers l'occident, brûle considérablement les habitants : d'où il résulte évidemment qu'ils sont décolorés et faibles de complexion, et qu'ils participent à toutes les maladies dont il a été parlé, sans qu'aucune leur soit exclusivement affectée. Ils ont la voix grave et rauque à cause de l'air qui est ordinairement impur et malfaisant. Les vents du nord ne le corrigent guère, parce qu'ils séjournent peu dans ces contrées, et ceux qui y soufflent habituellement sont très humides, car tels sont les vents du couchant. Dans une telle position, une ville offre l'image de l'automne, par les alternatives [de chaud et de froid qui se font sentir] dans la même journée, d'où résulte une grande différence entre le soir et le matin. Voilà ce qui concerne les vents salubres et ceux qui ne le sont pas. [7] Pour ce qui reste à dire sur les eaux, je veux exposer lesquelles sont malfaisantes, lesquelles sont très salubres, quel bien, quel mal résulte vraisemblablement de leur usage, car elles ont une grande influence sur la santé. Les eaux de marais, de réservoirs et d'étangs, sont nécessairement chaudes en été, épaisses et de mauvaise odeur. Comme elles ne sont point courantes, mais qu'elles sont sans cesse alimentées par de nouvelles pluies, et échauffées par le soleil, elles sont nécessairement louches, malsaines et propres à augmenter la bile. En hiver, au contraire, glacées et froides, troublées par la neige et la glace, elles augmentent la pituite et les enrouements. Ceux qui eu font usage ont toujours la rate très volumineuse et obstruée ; le ventre resserré, émacié et chaud ; les épaules, les clavicules et la face également émaciées. Les chairs se fondent pour aller grossir la rate, voilà pourquoi ces hommes maigrissent. Ils mangent beaucoup et sont toujours altérés. Ils ont les cavités [abdominales] inférieures et supérieures très sèches, en sorte qu'il leur faut des remèdes énergiques. Cette maladie leur est familière en été aussi bien qu'en hiver. En outre, les hydropisies sont fréquentes et très mortelles, car il règne en été beaucoup de dysenteries, de diarrhées et de fièvres quartes très longues ; ces maladies traînant en longueur, font tomber des sujets ainsi constitués en hydropisie et les font mourir. Telles sont les maladies qui viennent en été. En hiver, chez les jeunes gens, les pneumonies, les affections maniaques ; chez les individus plus âgés, les causus, à cause de la sécheresse du ventre ; chez les femmes, les oedèmes et les leucophlegmasies ; elles conçoivent difficilement et accouchent laborieusement. Les enfants qu'elles mettent au monde, d'abord gros et boursouflés, s'étiolent et deviennent chétifs pendant qu'on les allaite. Chez les femmes la purgation qui suit les couches ne se fait point d'une manière avantageuse. Les hernies sont très communes dans l'enfance ; dans l’âge viril, les varices et les ulcères aux jambes. Avec une telle constitution, les hommes ne sauraient vivre longtemps ; aussi sont-ils vieux avant que le temps soit arrivé. De plus, les femmes paraissent enceintes, et quand le terme de l'accouchement est arrivé, le volume du ventre disparaît ; cela vient de ce qu'il se forme une hydropisie dans la matrice. Je regarde donc ces eaux comme nuisibles pour toute espèce d'usage. Viennent ensuite les eaux qui sortent des rochers (car elles sont nécessairement dures) ; ou celles qui sourdent des terres recélant des eaux thermales, ou du fer, ou du cuivre, ou de l'argent, ou de l'or, ou du soufre, ou du bitume, ou de l'alun, ou du natrou ; car toutes ces matières sont produites par la force de la chaleur. Il n'est pas possible que les eaux sortant d'un pareil sol soient bonnes ; mais elles sont dures et brûlantes, elles passent difficilement par les urines et sont contraires à la liberté du ventre. Mais elles sont très bonnes les eaux qui coulent de lieux élevés et de collines de terre, car elles sont agréables, ténues, et telles qu'il faut une petite quantité de vin [pour les altérer]. De plus, elles sont chaudes en hiver, froides en été, et il en est ainsi à cause de la grande profondeur de leurs sources. Mais il faut particulièrement recommander celles dont les sources s'ouvrent au levant, parce qu'elles sont nécessairement plus limpides, de bonne odeur et légères. Toute eau salée, et par conséquent réfractaire et dure, n'est pas bonne à boire. Il est cependant certaines constitutions, certaines maladies auxquelles l'usage de pareilles eaux convient ; j'en parlerai bientôt. Quant à [l'exposition] des eaux, voici ce qui en est : Celles dont les sources s'ouvrent au levant sont les meilleures ; au second rang sont les eaux qui coulent entre le lever et le coucher d'été du soleil, surtout celles qui se rapprochent le plus du lever ; au troisième rang, celles qui coulent entre le coucher d'été et celui d'hiver ; sont très mauvaises celles qui coulent vers le midi et entre le lever et le coucher d'hiver ; par les vents du midi, elles sont tout à fait funestes ; par les vents du nord, elles sont meilleures. Il convient de régler l'usage de ces eaux de la manière suivante : un homme bien portant et vigoureux ne doit pas choisir, mais boire celles qui sont à sa portée ; au contraire, celui qui, pour une maladie, veut boire l'eau la plus convenable [à son état], recouvrera la santé en se conformant à ce qui suit : pour ceux dont le ventre est dur et s'échauffe facilement, les eaux très douces, très légères et très limpides sont avantageuses ; pour ceux au contraire qui ont le ventre mou, humide et plein de phlegme, ce sont les eaux très dures, très réfractaires et légèrement salées, car elles dessèchent très bien [le superflu des humeurs]. Les eaux très propres pour la cuisson et qui bouillent facilement sont propres à humecter le ventre et à le relâcher, tandis que les eaux dures, réfractaires, et très mauvaises pour la cuisson, sont très propres à le dessécher et le resserrent. En effet, c'est par défaut d'expérience que l'on se trompe sur les eaux salines et qu'on les regarde comme purgatives ; elles sont contraires aux évacuations alvines : car, réfractaires et impropres à la cuisson, elles resserrent plutôt qu'elles ne lâchent le ventre. Voilà ce qui concerne les eaux de source. [8] Quant aux eaux de pluie et de neige, je vais dire comment elles se comportent. Celles de pluie sont très légères, très douces, très ténues et très limpides ; car, la première action que le soleil exerce sur l'eau, c'est d'en attirer et d'en enlever les parties les plus subtiles et les plus légères. La formation des sels rend cela évident. En effet, la partie saine se dépose à cause de son poids et de sa densité, et constitue le sel, tandis que la partie la plus ténue est enlevée par le soleil, à cause de sa légèreté. Cette évaporation ne s'opère pas seulement sur la mer, mais encore sur les eaux stagnantes et sur tout ce qui renferme quelque humidité, et il en existe dans toute chose. Le soleil attire du corps même de l'homme ce qu'il y a de plus subtil et de plus léger dans ses humeurs. En voici une très grande preuve : quand un homme couvert d'un manteau marche ou s'assied au soleil, la surface du corps immédiatement exposée à l'ardeur de ses rayons ne sue pas ; car le soleil évapore la sueur à mesure qu'elle se forme, mais toutes les parties recouvertes parle manteau ou par quelqu'autre vêtement se couvrent de sueur, car elle est attirée par le soleil et forcée d'apparaître au dehors ; mais elle est protégée parles habits, en sorte qu'elle ne peut être évaporée par le soleil : au contraire quand on se met à l'ombre, tout le corps est également mouillé par la sueur, car les rayons du soleil ne frappent pas sur lui. En conséquence l'eau de pluie est de toutes les eaux celle qui se corrompt et qui acquiert le plus promptement une mauvaise odeur, parce qu'elle est composée et mélangée, de sorte qu'elle se corrompt très vite. Il faut ajouter que, l'eau une fois attirée et élevée, se mêle avec l'air et se porte de tous côtés avec lui ; alors sa partie la plus trouble et la plus opaque se dépose, se condense ,et forme des vapeurs et des brouillards, tandis que le reste plus subtil et plus léger demeure et s'adoucit, étant brûlé et cuit par le soleil. Toutes les autres substances s'adoucissent également par la coction ; cependant, tant que cette partie [subtile et légère] est dispersée et n'est pas condensée, elle se porte vers les régions supérieures, mais lorsqu'elle est rassemblée dans un même lieu et condensée par des vents qui soufflent tout à coup dans des directions opposées, elle se précipite du point où la condensation se trouve être plus considérable. Il est naturel que cela arrive, surtout quand des nuages ébranlés et chassés par un vent qui ne cesse de souffler, sont tout à coup repoussés par un vent contraire et par d'autres nuages. La condensation s'opère au premier point de rencontre, puis d'autres nuages s'amoncelant, leur amas s'épaissit, devient plus noir, se condense de plus en plus, crève par son propre poids et tombe en pluie : voilà pourquoi l'eau pluviale est naturellement la meilleure, mais elle a besoin d'être bouillie et d'avoir déposé ,autrement elle acquiert une mauvaise odeur, rend la voix rauque et enroue ceux qui en font usage. -Les eaux de neige et de glace sont toutes mauvaises. L'eau une fois entièrement glacée ne revient plus à son ancienne nature, mais toute la partie limpide, légère et douce est enlevée ; la partie la plus trouble et la plus pesante demeure ; vous pouvez vous en convaincre de la manière suivante : pendant l'hiver, versez dans un vase une quantité déterminée d'eau, exposez ce vase le matin à l'air libre afin que la congélation soit aussi complète que possible, transportez-le ensuite dans un endroit chaud où la glace puisse se fondre entièrement ; quand elle le sera, mesurez l'eau de nouveau, vous la trouverez de beaucoup diminuée ; c'est une preuve que la congélation a enlevé et évaporé ce que l'eau avait de plus subtil et de plus léger, et non les parties les plus pesantes et les plus grossières, ce qui serait impossible. Je regarde donc ces eaux de neige et de glace, et celles qui s'en rapprochent, comme très mauvaises pour tous les usages. Voilà ce qui concerne les eaux de pluie, de neige et de glace. [9] Les hommes sont particulièrement exposés à la pierre, aux affections néphrétiques, à la strangurie, à la sciatique et aux hernies, quand ils boivent les eaux dont les éléments sont très divers ; telles sont les eaux des grands fleuves dans lesquels d'autres fleuves se déchargent, et celles des lacs qui reçoivent quantité de ruisseaux de toute espèce, et les eaux étrangères qui n'ont pas leurs sources dans le voisinage, mais qui arrivent de lieux éloignés ; car une eau ne saurait être identique à une autre eau, mais les unes sont douces, les autres salées, quelques-unes alumineuses, d'autres viennent de sources chaudes ; ainsi mélangées, elles se combattent mutuellement, et la plus forte l'emporte toujours ; or ce n'est pas toujours la même qui est la plus forte, mais tantôt l'une, tantôt l'autre, suivant la prédominance des vents. A celles-ci le vent du nord donne de la force, à celles-là le vent du midi, et ainsi des autres. De pareilles eaux déposent nécessairement au fond des vases un sédiment de sable et de limon, qui occasionne les maladies mentionnées plus haut. Je dois ajouter immédiatement que ces effets ne se produisent pas chez tous les individus ; en effet, ceux qui ont le ventre libre et sain, dont la vessie n'est pas brûlante, ni son col trop rétréci, urinent facilement sans qu'il se forme des concrétions dans cet organe. Ceux au contraire dont le ventre est brûlant, ont nécessairement la vessie affectée de même, et quand celle-ci est échauffée au delà des limites naturelles, son col s'enflamme et retient l'urine qu'elle cuit et brûle dans son intérieur ; alors la partie la plus limpide se sépare et s'échappe, mais la plus trouble et la plus épaisse demeure et s'agglomère. D'abord petite, la concrétion devient ensuite plus volumineuse ; ballottée par l'urine, elle s'attache tout ce qui se dépose de matières épaisses : c'est ainsi qu'elle grossit et se durcit. Lorsqu'on veut uriner, la pierre, chassée par l'urine, tombe sur le col de la vessie, en ferme l'ouverture et cause de fortes douleurs. Voilà pourquoi les enfants calculeux se tiraillent et se frottent la verge, car il leur semble que dans cette partie réside la cause qui les empêche d'uriner. La preuve qu'il en est ainsi, c'est que les calculeux rendent une urine très claire, parce que la partie la plus trouble et la plus épaisse demeure dans la vessie et s'y agglomère : c'est ainsi que les calculs se forment pour l'ordinaire. Chez les enfants, ils peuvent encore provenir du lait, quand il n'est pas sain, mais échauffé et bilieux ; ce lait échauffe le ventre et la vessie, et par suite, l'urine, devenue ardente, se modifie comme il vient d'être dit. Aussi je soutiens qu'il faut donner de préférence aux enfants du vin aussi coupé d'eau que possible ; cette boisson ne brûle et ne dessèche pas du tout les vaisseaux. La pierre ne se forme pas aussi fréquemment chez les jeunes filles [que chez les garçons] ; chez elles en effet l'urètre est court et large, en sorte que l'urine jaillit facilement ; elles ne se tiraillent pas, comme les garçons, les parties génitales, elles ne portent pas là main à l'extrémité de l'urètre, car il s'ouvre dans l'intérieur des parties génitales. (Chez les hommes au contraire, il n'est pas percé droit, aussi n'est-il pas large). Ajoutez que les femmes boivent plus que les garçons. Il en est ainsi de ces choses ou à peu près. [10] Pour ce qui est des saisons, en faisant les observations suivantes on reconnaîtra ce que doit être l'année, malsaine ou salubre ; si les signes qui accompagnent le lever et le coucher des astres arrivent régulièrement, si, pendant l'automne, il tombe des pluies, si l'hiver est tempéré, c'est-à-dire s'il n'est pas trop doux, et si le froid ne dépasse pas la mesure ordinaire ; si pendant le printemps et l'été la quantité de pluie est en rapport avec les saisons, une telle année est vraisemblablement fort saine ; si, au contraire, l'hiver est sec et boréal, le printemps pluvieux et austral, l'été sera nécessairement fiévreux et produira des ophtalmies et des dysenteries ; car toutes les fois qu'une chaleur étouffante arrive tout à coup, la terre étant encore humectée par les pluies du printemps et par le vent du midi, la chaleur est nécessairement doublée par la terre chaude et humide, et par l'ardeur du soleil. Le ventre n'ayant pas eu le temps de se resserrer, ni le cerveau de se débarrasser de ses humeurs (car dans un pareil printemps il n'est pas possible que les chairs et le corps ne soient abreuvés d'humidité), il y aura nécessairement des fièvres très aiguës chez tous les hommes, surtout chez ceux qui sont phlegmatiques. Il surviendra vraisemblablement des dysenteries chez les femmes et chez les sujets d'une complexion très humide. Si au lever de la Canicule il survient des pluies et des orages, si les vents étésiens soufflent, il y a lieu d'espérer que ces maladies cesseront et que l'automne sera salubre ; sinon, il est à craindre que la mort ne sévisse sur les femmes et sur les enfants, et un peu moins sur les sujets âgés, et que ceux qui réchappent ne tombent dans la fièvre quarte, et de la fièvre quarte dans l'hydropisie. Si l'hiver est pluvieux, austral et chaud, le printemps boréal, sec et froid, les femmes qui se trouvent enceintes et qui doivent accoucher à la fin du printemps, accoucheront prématurément ; celles qui arrivent à terme mettent au monde des enfants infirmes ; maladifs, qui périssent immédiatement [après leur naissance], ou qui vivent maigres, débiles et maladifs. Voilà pour les femmes. Les hommes seront pris de dysenteries, d'ophtalmies sèches ; chez quelques uns il se forme des fluxions de la tête aux poumons. Vraisemblablement il surviendra des dysenteries chez les individus phlegmatiques et chez les femmes, les humeurs pituiteuses descendant de la tête à cause de l'humidité de la constitution ; des ophtalmies sèches chez les sujets bilieux à cause de la chaleur et de la sécheresse de leur corps ; des catarrhes chez les vieillards, à cause de la laxité et de la vacuité de leurs vaisseaux, ce qui fait périr les uns de mort subite, et qui rend les autres paraplectiques de la partie gauche ou droite du corps ; en effet, lorsqu'à un hiver austral et chaud, pendant lequel ni le corps ni les vaisseaux n'ont pu se resserrer, succède un printemps boréal, sec et froid, le cerveau qui doit pendant cette saison se détendre et se purger par les coryzas et les enrouements, se resserre au contraire et se condense ; en sorte que l'été arrivant avec la chaleur, ce brusque changement produit les maladies mentionnées plus haut. Les villes qui sont dans une belle exposition par rapport aux vents et au soleil, et qui ont de bonnes eaux, se ressentent moins de ces intempéries. Celles au contraire qui sont mal situées par rapport au soleil et aux vents, et qui se servent d'eau de marais et d'étang, doivent s'en ressentir davantage. Quand l'été est sec, les maladies cessent plus vite ; s'il est pluvieux, elles deviennent chroniques ; et quand elles touchent à leur fin, elles se compliquent de lienteries et d'hydropisies, car le ventre ne peut se dessécher facilement. S'il survient une plaie, il est à craindre qu'elle ne se change, par toute espèce de cause, en ulcère phagédénique. - Si l'été est austral et pluvieux, et si l'automne est semblable, l'hiver sera nécessairement malsain. Il surviendra vraisemblablement des causus chez les sujets phlegmatiques et chez ceux qui ont passé quarante ans ; et des pleurésies, des péripneumonies chez les individus bilieux. Si l'été est sec et boréal, si l'automne est pluvieux et austral, il y aura vraisemblablement, pendant l'hiver, des maux de tête, des sphacèles du cerveau, et aussi des enrouements, des coryzas, des toux, et chez quelques individus des phtisies ; mais si l'automne est sec et boréal, et s'il n'y a pas de pluie ni au lever de la Canicule , ni à celui d'Arcturus, il sera très favorable aux constitutions phlegmatiques et humides ainsi qu'aux femmes, mais il sera très funeste aux sujets bilieux ; en effet ils sont trop desséchés et il leur survient des ophtalmies sèches, des fièvres aiguës et chroniques, et chez quelques uns des mélancolies ; car la partie la plus aqueuse et la plus ténue de la bile se consume, la partie la plus épaisse et la plus âcre reste. Le sang se comporte de la même manière ; voilà ce qui produit ces maladies chez les bilieux. Cette constitution est au contraire favorable aux phlegmatiques, leur corps se dessèche, et ils arrivent à l'hiver n'étant pas saturés d'humeurs, mais desséchés. [Si l'hiver est boréal et sec, et le printemps austral et pluvieux, il survient pendant l'été des ophtalmies sèches, et des fièvres chez les enfants et chez les femmes]. [11] En réfléchissant, en examinant ainsi, on préviendra la plupart des effets qui doivent résulter des vicissitudes [des saisons]. Mais il faut surtout prendre garde aux grandes vicissitudes, et alors ne pas administrer de purgatifs sans nécessité, ne pas brûler, ne pas inciser la région du ventre, avant que dix jours et même plus ne soient passés. Les plus grandes et les plus dangereuses vicissitudes sont les deux solstices, surtout celui d'été, et ce qu'on regarde comme les deux équinoxes surtout celui d'automne. Il faut également prendre garde au lever des astres, surtout à celui de la Canicule, ensuite à celui d'Arcturus, et au coucher des Pléiades. C'est principalement à ces époques que les maladies éprouvent des crises, que les unes deviennent mortelles, que les autres cessent ou se changent en maladies d'une espèce et d'une constitution différentes ; il en est ainsi de ces choses. [12] Je veux, pour ce qui est de l'Asie à l'Europe, établir combien elles diffèrent en tout, et, pour ce qui est de la forme extérieure des nations [qui les habitent], démontrer qu'elles diffèrent entre elles et qu'elles ne se ressemblent aucunement. Mon discours serait beaucoup trop étendu si je parlais de toutes ; j'exposerai mon sentiment sur celles qui diffèrent de la manière la plus importante et la plus sensible. Je dis que l'Asie diffère de l'Europe par la nature de toutes choses, et par celle des productions de la terre, et par celle des hommes. Tout vient beaucoup plus beau et plus grand en Asie [qu'en Europe]. Le climat y est plus tempéré, les moeurs des habitants y sont plus douces et plus faciles. La cause de ces avantages c'est le tempérament exact des saisons. Située entre les [deux] levers du soleil, l'Asie se rapproche de l'orient et s'éloigne un peu du froid : or, le climat qui contribue le plus à l'accroissement et à la bonté de toutes choses, est celui où rien ne domine avec excès, mais où tout s'équilibre parfaitement. Ce n'est cependant pas que l'Asie soit partout la même ; la partie de son territoire placée à une égale distance de la chaleur et du froid, est très riche en fruits, très peuplée de beaux arbres, jouit d'un air très pur, offre les eaux les plus excellentes, aussi bien celles qui tombent du ciel que celles qui sortent de la terre. Le sol n'y est ni brûlé par des chaleurs excessives ni desséché par le hâle et le manque d'eau, ni maltraité par le froid, ni détrempé par des pluies abondantes et par des neiges. Il est naturel que sur un tel sol naissent abondamment les plantes propres à chaque saison, aussi bien celles qui viennent de semences que celles que la terre engendre d'elle-même. Les habitants emploient les fruits des [plantes venues spontanément], en adoucissant leurs qualités sauvages par une transplantation dans un terrain convenable. Le bétail y réussit parfaitement, il est surtout très fécond et s'élève très beau ; les hommes y ont de l'embonpoint, de belles formes et une taille élevée ; ils ne diffèrent guère entre eux par les formes et la stature. Une telle contrée ressemble beaucoup au printemps, et par la constitution, et par l'égale température des saisons ; mais ni le courage viril, ni la constance dans les travaux, ni la patience dans la fatigue, ni l'énergie morale ne sauraient exister avec une pareille nature, que les habitants soient de race indigène ou étrangère : l'attrait du plaisir triomphe nécessairement de tout ; c'est pour cela que la forme des animaux est si variée. Voilà donc, suivant moi, ce qui concerne les Égyptiens et les Libyens. [13] Quant aux peuples situés à la droite du lever d'été [et qui s'étendent] jusqu'aux Palus Méotides, limite de l'Eürope et de l'Asie, voici ce qu'il en est : tous ces peuples diffèrent plus les uns des autres que ceux dont je viens de parler ; ce qui tient aux vicissitudes des saisons et à la nature du sol. En effet, il en est de même pour le sol comme pour les hommes ; or les saisons éprouvent des vicissitudes fréquentes et considérables, le sol est très sauvage et très inégal : on y trouve des montagnes la plupart boisées, des plaines, des prairies où les saisons sont régulières, le sol est très uniforme. Le même rapport s'observe chez les hommes pour qui veut y faire attention. Il y a des naturels analogues à des pays montueux, couverts de bois et humides ; d'autres à des terres sèches et légères ; ceux-ci [ressemblent] à des sols marécageux et couverts de prairies ; ceux-là à des plaines nues et arides ; car les saisons qui modifient la nature de la forme diffèrent d'elles-mêmes, et plus elles en diffèrent, plus il y a de modification dans l'apparence extérieure. [14] Je passerai sous silence tous les peuples qui ne diffèrent pas sensiblement [entre eux], et je vais parler de ceux qui présentent de notables différences, qu'elles tiennent à la nature ou à la coutume. Je commence parles Macrocéphales ; il n'est point de peuple qui ait la tête semblable à la leur. Dans le principe, l'allongement de la tête était l'effet d'une coutume, maintenant la nature prête secours à cette coutume, fondée sur la croyance que les plus nobles étaient ceux qui avaient la tête la plus longue ; voici quelle est cette coutume : aussitôt qu'un enfant est mis au monde, pendant que son corps est souple et que sa tête conserve encore sa mollesse, on la façonne avec les mains, on la force à s'allonger en se servant de bandages et d'appareils convenables qui lui font perdre sa forme sphérique et la font croître en longueur. Ainsi dans le principe, grâce à cette coutume, le changement de forme était dû à ces violentes manoeuvres mais avec le temps cette forme s'identifia si bien avec la nature, que celle-ci n'eût plus besoin d'être contrainte par la coutume, et que la puissance de l'art devint inutile. En effet, la liqueur séminale émanant de toutes les parties du corps, est saine quand les parties sont saines, altérée quand elles sont malsaines ; or, si le plus ordinairement on naît chauve de parents chauves ; avec des yeux bleus, de parents qui ont les yeux bleus ; louche de parents louches, et ainsi du reste, qu'est-ce qui empêche qu'on naisse avec une longue tête de parents qui ont une longue tête ? Aujourd'hui cette forme n'existe plus chez ce peuple comme autrefois, parce que la coutume est tombée en désuétude par la fréquentation des autres nations. Voilà, ce me semble, ce qui concerne les Macrocéphales. [15] Quant aux peuples qui habitent sur le Phase, leur pays est marécageux, chaud, humide, couvert de bois ; il y tombe, dans toutes les saisons, des pluies abondantes et fortes. Ces hommes passent leur vie dans les marais. Ils bâtissent au milieu des eaux leurs habitations de bois ou de joncs. Ils ne marchent guère que pour aller à la ville ou au marché ; mais ils parcourent leur pays, montant et descendant les canaux qui y sont en grand nombre, dans des nacelles faites d'un seul tronc d'arbre. Ils font usage d'eaux chaudes, stagnantes, putréfiées par l'ardeur du soleil, et alimentées par les pluies. Le Phase lui-même est, de tous les fleuves, le plus stagnant et le plus lent dans son cours. Les fruits qui viennent dans cette localité sont chétifs, de mauvaise qualité et sans saveur, à cause de la surabondance des eaux ; aussi ne parviennent-ils jamais à maturité. Un brouillard épais produit par les eaux couvre toujours la contrée. C'est à ces conditions extérieures que les Phasiens doivent des formes si différentes de celles des autres hommes ; ils sont d'une stature élevée, mais si chargés d'embonpoint qu'ils n'ont ni les articulations ni les vaisseaux apparents. Leur teint est jaune-verdâtre comme celui des ictériques. Le timbre de leur voix est plus grave que partout ailleurs, parce qu'ils respirent un air qui n'est pas pur, mais humide et épais, comme du duvet. Ils sont naturellement enclins à éviter tout ce qui peut les fatiguer. Dans leur pays, les saisons n'éprouvent de grandes variations ni de chaud ni de froid. A l’exception d'un seul vent local, les vents du midi y dominent ; ce vent souille parfois avec impétuosité, il est chaud et incommode ; on le nomme Cenchron. Quant au vent du nord, il n'y parvient que rarement, encore y souffle-t-il sans force et sans vigueur. Il en est ainsi de la différence de nature et de forme entre les nations de l'Asie. [16] Quant à la pusillanimité, à l'absence de courage viril, si les Asiatiques sont moins belliqueux et plus doux que les Européens, la principale cause en est dans les saisons, qui n'éprouvent pas de grandes variations ni de chaud ni de froid, mais qui sont à peu près uniformes. En effet, l'esprit n'y ressent point ces commotions et le corps n'y subit pas ces changements intenses, qui rendent naturellement le caractère plus farouche et qui lui donnent plus d'indocilité et de fougue qu'un état de choses toujours le même ; car ce sont les changements du tout en tout qui éveillent l'esprit de l'homme, et ne le laissent pas dans l'inertie. C'est, je pense, à ces causés extérieures qu'il faut rapporter la pusillanimité des Asiatiques, et aussi à leurs institutions ; en effet, la plus grande partie de l'Asie est soumise à des rois ; et toutes les fois que les hommes ne sont ni maîtres de leurs personnes, ni gouvernés par les lois qu'ils se sont faites, mais par la puissance despotique, ils n'ont pas de motif raisonnable pour se former au métier des armes, mais au contraire pour ne pas paraître guerriers, car les dangers ne sont pas également partagés. C'est contraints par la force, qu'ils vont à la guerre, qu'ils en supportent les fatigues, et qu'ils meurent pour leurs despotes, loin de leurs enfants, de leurs femmes et de leurs amis. Tous leurs exploits et leur valeur guerrière ne servent qu'à augmenter et à propager la puissance de leurs despotes ; pour eux, ils ne recueillent d'autres fruits que les dangers et la mort. En outre, leurs champs se changent en déserts, et par les dévastations des ennemis, et par la cessation des travaux ; en sorte que s'il se trouvait parmi eux quelqu'un qui fût par nature courageux et brave, il serait, par les institutions, détourné d'employer sa bravoure. Une grande preuve de ce que j'avance, c'est qu'en Asie tous les Grecs et les Barbares qui ne se soumettent pas au despotisme, et qui se gouvernent par eux-mêmes, sont les plus guerriers de tous, car c'est pour eux-mêmes qu'ils courent les dangers, eux-mêmes reçoivent le prix de leur courage, ou la peine de leur lâcheté. Au reste vous trouverez que les Asiatiques diffèrent entr'eux : ceux-ci sont plus vaillants, ceux-là plus lâches. Cette différence tient encore aux vicissitudes des saisons, ainsi que je l'ai dit plus haut. Voilà ce qui concerne l'Asie. [17] En Europe, il existe une nation scythe qui habite aux environs des Palus Méotides ; elle diffère des autres nations : elle est connue sous le nom de Sauromates. Les femmes montent à cheval, tirent de l'arc, lancent le javelot de dessus, leur cheval, et se battent contre les ennemis tant qu'elles sont vierges. Elles ne se marient pas avant d'avoir tué trois ennemis, et ne cohabitent pas avec leurs maris avant d'avoir offert les sacrifices prescrits par la loi. Une fois mariées, elles cessent de monter à cheval, à moins que la nation ne soit forcée à une expédition générale. Elles n'ont pas de mamelle droite ; car, lorsqu'elles sont encore dans leur première enfance, les mères prennent un instrument de cuivre, le chargent de feu et l'appliquent sur la région mammaire droite, qu'elles brûlent superficiellement, afin qu'elle perde la faculté de s'accroître, en sorte que toute la force et l'abondance [des humeurs] se portent à l'épaule et au bras droits. [18] Pour ce qui est de la forme extérieure chez les autres Scythes, qui ne ressemblent qu'à eux-mêmes et nullement aux autres peuples, mon explication est la même que pour les Égyptiens, si ce n'est que ceux-ci sont accablés par une excessive chaleur, et ceux-là par un froid rigoureux. Ce qu'on appelle le Désert de la Scythie est une plaine élevée, couverte de pâturages et médiocrement humide, car elle est arrosée par de grands fleuves qui, dans leurs cours, entraînent les eaux des plaines. C'est là que se tiennent les Scythes appelés Nomades, parce qu'ils n'habitent point des maisons, mais des chariots. Ces chariots ont, les uns, quatre roues, et ce sont les plus petits, les autres en ont six. Fermés avec des feutres, ils sont disposés comme des maisons, et ont deux on trois chambres ; ils sont impénétrables à la pluie, à la neige et aux vents. Ces chariots sont traînés par deux ou trois paires de boeufs qui n'ont point de cornes, car les cornes ne leur poussent pas à cause du froid. Les femmes vivent dans ces chariots ; les hommes les accompagnent à cheval, suivis de leurs troupeaux de boeufs et de chevaux. Ils demeurent dans le même endroit tant que le fourrage suffit à la nourriture de leur bétail ; quand il ne suit plus, ils se transportent dans une autre contrée. Ils mangent des viandes cuites, boivent du lait de jument et croquent de l'hyppace, c'est-à-dire du fromage de cavale. Il en est ainsi de la manière de vivre et des coutumes des Scythes. [19] Pour ce qui est des climats et de la forme extérieure [qui en dépend, il faut dire] que la race scythe, comme la race égyptienne, diffère de toutes les autres et ne ressemble qu'à elle-même ; qu'elle est peu féconde ; que la Scythie nourrit des animaux peu nombreux et très petits. En effet, cette contrée est située précisément sous l'Ourse et aux pieds des monts Riphées, d'où souffle le vent du nord. Le soleil ne s'en approche qu'au solstice d'été, encore ne l'échauffe-t-il que pour peu de temps et médiocrement. Les vents qui viennent des régions chaudes n'y parviennent que rarement et qu'après avoir perdu leur force. Il n'y souffle que des vents du septentrion refroidis par la neige, la glace et les pluies abondantes, qui n'abandonnent jamais les monts Riphées, ce qui les rend inhabitables. Pendant tout le jour, un brouillard épais couvre les plaines au milieu desquelles les Scythes demeurent ; en sorte que l'hiver y est perpétuel, et que l'été n'y dure que peu de jours, qui ne sont même pas très chauds, car les plaines sont élevées et nues ; elles ne se couronnent pas de montagnes, mais elles s'élèvent en se prolongeant sous l'Ourse. Les animaux n'y deviennent pas grands, mais ils sont tels qu'ils peuvent se cacher sous terre ; car l'hiver perpétuel et la nudité du sol, sur lequel ils ne trouvent ni abri ni protection les empêchent [de prendre leur développement]. Les saisons n'offrent pas de vicissitudes grandes et intenses ; elles se ressemblent et ne subissent guère de modifications. De là vient que les formes extérieures sont partout semblables à elles-mêmes. Les Scythes se nourrissent et se vêtent toujours de la même manière, en été comme en hiver. Ils respirent toujours un air épais et humide, boivent des eaux de neige et de glace, et sont peu propres à supporter les fatigues, car ni le corps ni l'esprit ne peuvent soutenir la fatigue dans les pays où les saisons ne présentent pas de variations notables. Pour toutes ces causes, nécessairement leurs formes sont grossières, leur corps est chargé d'embonpoint, leurs articulations sont peu apparentes, humides et faibles. Leurs cavités, surtout les inférieures, sont pleines d'humidité, car il n'est pas possible qu'elles se dessèchent dans un tel pays, avec une telle nature et avec des saisons ainsi constituées. A cause de la graisse et à cause de l'absence de poil, les formes extérieures sont les mêmes chez tous ; les hommes ressemblent aux hommes, les femmes aux femmes. Les saisons ayant beaucoup d'analogie entre elles, la liqueur séminale n'éprouve ni variation ni altération dans sa consistance, à moins qu'il ne survienne quelqu'accident violent ou quelque maladie. [20] Je vais fournir une grande preuve de l'humidité du corps des Scythes. Vous trouverez chez la plupart, et spécialement chez les Nomades, l'usage de se brûler les épaules, les bras, les cuisses, la poitrine, les hanches et les lombes. Cet usage n'a d'autre but que de remédier à l'humidité et à la mollesse de leur complexion, car, à cause de cette humidité et de cette atonie, ils ne sauraient ni bander un arc, ni soutenir avec l'épaule le jet du javelot. Lorsque les articulations sont débarrassées, par ces cautérisations, de leur excessive humidité, elles sont plus fermes, le corps se nourrit mieux. Il prend des formes plus accentuées. Les Scythes sont flasques et trapus ; premièrement, parce qu'ils ne sont pas, comme les Égyptiens, emmaillotés [dans leur enfance], usage, qu'ils n'ont pas voulu adopter, afin de se tenir plus aisément à cheval ; secondement, parce qu'ils mènent une vie sédentaire. Les garçons, tant qu'ils ne sont pas en état de monter à cheval, passent la plupart du temps assis dans les chariots, et ne marchent que fort rarement, à cause des migrations et des circuits [de ces hordes nomades]. Les femmes ont les formes extérieures prodigieusement flasques et sont très lentes. La race scythe a le teint roux (basané) à cause du froid ; en effet, le soleil n'ayant pas assez de force, le froid brûle la blancheur de la peau, qui devient rousse. [21] Une race ainsi constituée ne saurait être féconde. Les hommes sont très peu portés aux plaisirs de l'amour, à cause de leur constitution humide, de la mollesse et de la froideur du ventre, circonstances qui rendent naturellement l'homme peu propre à la génération. Il faut encore ajouter que l'équitation continuelle les rend inhabiles à la copulation. Telles sont pour les hommes les causes d'impuissance. Pour les femmes, la surcharge de graisse et l'humidité des chairs empêcher la matrice de saisir la liqueur séminale. La purgation menstruelle ne se fait pas convenablement ; elle est peu abondante et ne revient qu'à de longs intervalles. L'orifice de la matrice, bouché par la graisse, ne peut recevoir la semence. Ajoutez à cela l'aversion pour le travail, l'embonpoint, la mollesse et la froideur du ventre. C'est pour toutes ces causes que la race scythe est nécessairement peu féconde. Les esclaves femelles en sont une grande preuve. Elles n'ont pas plutôt de commerce avec un homme, qu'elles deviennent enceintes, et cela parce qu'elles travaillent et qu'elles sont plus maigres que leurs traîtresses. [22] Une autre observation à faire, c'est qu'on rencontre parmi les Scythes beaucoup d'impuissants qui s'occupent aux travaux des femmes et qui ont le même timbre de voix qu'elles. On les appelle anandries (efféminés). Les naturels attribuent ce phénomène à un dieu ; ils vénèrent et adorent cette espèce d'hommes, chacun craignant pour soi [une pareille calamité ]. Quant à moi, je pense que cette maladie est divine aussi bien que toutes les autres, qu'il n'y en a pas de plus divines et de plus humaines les unes que les autres ; mais que toutes sont semblables et que toutes sont divines ; chaque maladie a une cause naturelle et aucune n'arrive sans l'intervention de la nature. Je vais indiquer maintenant ce qu'il me semble de l'origine de cette maladie. L'équitation produit chez les Scythes des engorgements aux articulations, parce qu'ils ont toujours les jambes pendantes. Chez ceux qui sont gravement atteints, la hanche se retire et ils deviennent boiteux. Ils se traitent de la manière suivante : quand la maladie commence, ils se font ouvrir les deux veines qui sont près des oreilles. Après que le sang a cessé de couler, la faiblesse les assoupit et les endort ; à leur réveil, les uns sont guéris, les autres ne le sont pas. Je présume que c'est justement par ce traitement que la semence est altérée, car près des oreilles il y a des veines qui rendent impuissant lorsqu'elles sont ouvertes ; or, je pense qu'ils coupent précisément ces veines. Lorsque, après cette opération, ils ont commerce avec une femme et qu'ils ne peuvent accomplir l'acte, d'abord ils ne s'en inquiètent point et restent tranquilles ; mais si après deux, trois ou plusieurs tentatives, ils ne réussissent pas mieux ; s'imaginant que c'est une punition d'un dieu qu'ils auraient offensé, ils prennent les habits de femme, déclarent leur éviration (impuissance), se mêlent avec les femmes et s'occupent aux mêmes travaux qu'elles. Cette maladie attaque les riches et non les classes inférieures ; [elle attaque] les plus nobles, les plus puissants par leur fortune, parce qu'ils vont à cheval ; [elle épargne] les pauvres par cela même qu'ils ne vont point à cheval. Si cette maladie était plus divine que les autres, elle ne devrait pas être exclusivement affectée aux nobles et aux riches, mais attaquer indistinctement et plus particulièrement ceux qui possèdent peu de chose et qui, par conséquent, ne font point d'offrandes, s'il est vrai que les dieux se réjouissent des présents des hommes et qu'ils les récompensent par des faveurs ; car il est naturel que les riches usant de leurs trésors, fassent brûler des parfums devant les dieux, leur consacrent des offrandes et les honorent ; ce que les pauvres ne sauraient faire, d'abord parce qu'ils n'en ont pas le moyen, ensuite parce qu'ils se croient en droit d'accuser les dieux de ce qu'ils ne leur ont pas envoyé de richesses. Ainsi les pauvres plutôt que les riches devraient supporter le châtiment de pareilles offenses. Comme je l'ai déjà observé, cette maladie est donc divine comme toutes les autres ; mais chacune arrive également d'après les lois naturelles, et celle-ci est produite chez les Scythes par la cause que je viens de lui assigner. Elle attaque aussi les autres peuples, car partout où l'équitation est l'exercice principal et habituel, beaucoup sont tourmentés d'engorgements aux articulations, de sciatique, de goutte, et sont inhabiles aux plaisirs de l'amour. Ces infirmités sont répandues chez les Scythes, qui deviennent les plus impuissants des hommes, et par les causes déjà signalées, et parce qu'ils ont continuellement des culottes et qu'ils passent à cheval la plus grande partie du temps. Ainsi, ne portant jamais la main aux parties génitales, et distraits par le froid et la fatigue des jouissances sexuelles, ils ne tentent la copulation qu'après avoir perdu entièrement leur virilité. Voilà ce que j'avais à dire sur la nation scythe. [23] Quant au reste des Européens, ils diffèrent entre eux par la forme et par la stature, parce que les vicissitudes des saisons sont intenses et fréquentes, que des chaleurs excessives sont suivies de froids rigoureux ; que des pluies abondantes sont remplacées par des sécheresses très longues, et que les vents multiplient et rendent plus intenses les vicissitudes des saisons. Il est tout naturel que ces circonstances influent dans la génération sur la coagulation du sperme, qui n'est pas toujours la même, en été ou en hiver, pendant les pluies ou pendant la sécheresse. C'est, à mon avis, la cause qui rend les formes plus variées chez les Européens que chez les Asiatiques, et qui produit pour chaque ville une différence si notable dans la taille des habitants. En effet, la coagulation du sperme doit subir des altérations plus fréquentes dans un climat sujet à de nombreuses vicissitudes atmosphériques, que dans celui où les saisons se ressemblent à peu de chose près, et sont uniformes. Le même raisonnement s'applique également aux moeurs. Une telle nature donne quelque chose de sauvage, d'indocile, de fougueux ; car des secousses répétées rendent l'esprit agreste et le dépouillent de sa, douceur et de son aménité. C'est pour cela, je pense, que les habitants de l'Europe sont plus courageux que ceux de l'Asie. Sous un climat à peu près uniforme, l'indolence est innée ; au contraire, sous un climat variable, c'est l'amour de l'exercice pour l'esprit et pour le corps. La lâcheté s'accroît par l'indolence et l'inaction ; la force virile s'alimente par le travail et la fatigue. C'est à ces circonstances qu'il faut rapporter la bravoure des Européens et aussi à leurs institutions, car ils ne sont pas gouvernés par des rois comme les Asiatiques ; ceux qui sont soumis à des rois sont nécessairement très lâchés, ainsi que je l'ai déjà dit plus haut, car leur âme est asservie, et ils ne s'exposent point volontiers pour augmenter la puissance d'un autre. Ceux au contraire qui sont gouvernés parleurs propres lois, affrontant les dangers pour eux-mêmes et non pour les autres, s'y exposent volontiers et se jettent dans le péril. Eux seuls recueillent l'honneur de leurs victoires. Ainsi les institutions n'exercent pas une minime influence sur le courage. Voilà en somme ce qu'on peut dire d'une manière générale, de l'Europe comparée en Asie. [24] Mais il existe aussi en Europe des peuples qui diffèrent entre eux pour le courage comme pour les formes extérieures et la stature; et ces variétés tiennent aux mêmes causes que j'ai déjà assignées, mais que je vais éclaircir davantage. Tous ceux qui habitent un pays montueux ,inégal, élevé et pourvu d'eau, et qui sont exposés à de notables vicissitudes des saisons, ceux-là sont naturellement d'une haute stature, très propres à l'exercice et au travail, et pleins de courage. De tels naturels sont doués au suprême degré d'un caractère farouche et sauvage. Ceux , au contraire, qui vivent dans des pays enfoncés, couverts de pâturages, tourmentés par des chaleurs étouffantes, plus exposés aux vents chauds qu'aux vents froids, et qui font usage d'eaux chaudes, ceux-là ne sont ni grands, ni bien proportionnés, ils sont trapus et chargés de chairs, ont les cheveux noirs, sont plutôt noirs que blancs et moins phlegniatiques que bilieux. Ni la valeur guerrière , ni l'aptitude au travail ne sont inhérentes à leur nature, mais ils pourraient les acquérir l'une et l'autre si les institutions venaient en aide. Au reste, s'il y avait dans leur pays des fleuves qui entraînassent les eaux dormantes et celles de pluie, ils pourraient jouir d'une bonne santé et avoir un beau teint. Si, au contraire ,il n'y avait point de neuves, et s'ils buvaient des eaux stagnantes dans des réservoirs,et des eaux de marais, ils auraient infailliblement de gros ventres et de grosses rates. Ceux qui habitent un pays élevé, uniforme, exposé aux vents et humide, sont ordinairement grands et se ressemblent entre eux. Leurs moeurs sont moins viriles et plus douces. Ceux qui habitent des terroirs légers, secs et nus, et où les changements de saisons ne sont point tempérés, ont la constitution sèche et nerveuse, et le teint plutôt blond que brun. Ils sont indociles dans leurs moeurs et dans leurs appétits, et fermes dans leurs opinions. Là où les vicissitudes des saisons sont très fréquentes et très marquées, là vous trouverez les formes extérieures, les moeurs et le naturel fort dissemblables; ces vicissitudes sont donc les causes les plus puissantes des variations dans la nature de l'homme. Vient ensuite la qualité du sol qui fournit la subsistance, et celle des eaux; car vous trouverez le plus souvent les formes et la manière d'être de l'homme modifiées par la nature du sol qu'il habite. Partout où ce sol est gras, mou et humide, où les eaux étant peu profondes sont froides en hiver et chaudes en été, où les saisons s'accomplissent convenablement, les hommes sont ordinairement charnus, ont les articulations peu prononcées, sont chargés d'humidité, inhabiles au travail, et sans énergie morale. On les voit, plongés dans l'indolence, se laisser aller au sommeil. Dans l'exercice des arts, ils ont l'esprit lourd , épais et sans pénétration. Plais dans un pays nu, âpre, sans abri, tour à tour 'désolé par le froid et brûlé par le soleil, les habitants ont le corps sec, maigre, nerveux, velu ,les articulations bien prononcées; l'activité, la pénétration, la vigilance sont inhérentes à de tels hommes ;vous les trouverez indomptables dans leurs moeurs et dans leurs appétits, fermes dans leurs résolutions, plus sauvages que civilisés, d'ailleurs plus sagaces pour l'exercice des arts, plus intelligents, et plus propres aux combats. Toutes les autres productions de la terre se conforment également à la nature du sol. Telles sont les constitutions physiques et morales les plus opposées. En se guidant sur ces observations, on pourra juger des autres sans crainte de se tromper.
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