RETOUR À L’ENTRÉE DU SITE | RETOURNER à LA TABLE DES MATIÈRES D'ORIENS |
ORIENS (ORENS) (Orientius)
COMMONITORIUM
LIVRE II
Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
LIVRE II.Si tu suis mes conseils, ô fidèle lecteur, tu fouleras[1] sans danger le cou verdâtre du serpent,[2] et quand le Christ viendra juger les hommes, tu marcheras au-devant de lui, à travers l’air souple, sous les caresses de la brise. Prends garde seulement de n’oublier en aucun temps que tu dois faire effort pour obéir à tous les détails de ces enseignements. Quoi[3] ! si tu es touché par la gloire de cette éloquence gonflée de vent, au nom de laquelle[4] Cicéron, dans son futile bavardage, te recommande de fuir amusements, festins, causeries, plaisirs, et de te priver même de la société de tes amis,[5] avec quel zèle ne devras-tu pas observer les préceptes de mon livre, pour que les mérites de ta vie puissent t’unir[6] à Dieu? D’abord, un important devoir est celui de mépriser les charmes de la louange qui, par ses sollicitations, entraine les hommes à leur perte. La vanité pénètre rapidement et en silence jusque dans le fond du cœur et y exerce son funeste empire. Comme nous voulons que tous nos actes soient approuvés et comme chacun flatte ses vices, on adoucit les termes l’avare se dit économe[7] et la cruauté se déguise sous le nom d’énergie.[8] Nous mettons ainsi tout notre zèle et tout notre art à rendre acceptable chacune de nos paroles et de nos actions. Mais toi, si tu veux que le Christ seul t’approuve, ne demande jamais ta gloire aux hommes[9] car, si tu es abaissé, tu seras bientôt élevé, et, te faisant petit pour le Seigneur, tu seras grand devant lui. Quels que soient les outrages et les mépris[10] que tu as soufferts, ne rends pas le mal pour le mal.[11] Vois, le Christ prie son père pour ses bourreaux. Etienne et Jacques[12] font de même, car, doux et magnanimes, ils ne veulent, malgré les tourments qui les accablent, devenir pour personne une cause de châtiment. N’aie pas la cruauté d’accuser qui que ce soit, et ne vas pas,[13] par un jugement sévère, censurer un autre homme. Tu vois une paille légère dans l’œil de ton frère et tu ne sais pas qu’il y a une poutre dans le tien.[14] Il est injuste de vouloir déchirer[15] la vie d’autrui, quand on ne peut répondre de la sienne propre. Mais, quoique nous les condamnions,[16] nous persistons dans nos vices, et ce que nous reprochons aux autres nous le faisons bientôt nous-mêmes. Songe qu’il est interdit de tromper; elle demeure, la maxime qui dit : « Une bouche menteuse fait périr l’âme.[17] » Souviens- toi de dire toujours la vérité et que ton langage n’exprime jamais ce qui n’est pas.[18] Tu dois, en outre, mettre un frein à la convoitise de ton palais, de peur que les séductions de la gourmandise ne se déchainent comme elles firent autrefois.[19] Ces êtres qui jouissaient des dons divins et possédaient des trônes de rois, une gourmandise exigeante a fait d’eux les sujets de la mort; car nous nous précipitons avec plus d’ardeur vers ce qui est défendu, nous désirons ce qui nous est refusé, et le difficile est ce que nous voulons de préférence. Surtout garde-toi d’introduire dans tes veines le vin à larges flots, si tu ne veux pas qu’il devienne rapidement un poison. Voyez cette terre desséchée par d’excessives chaleurs, que l’industrieux laboureur entreprend de rendre féconde; si, avant que le soleil n’ait tué les herbes arrachées, les nuages s’amoncelant crèvent et ramènent un temps de pluie,[20] aussitôt les épines et les herbes nuisibles à la moisson, étouffant le bon grain, donneront au champ une déplorable fertilité; il en est de même pour ceux qui s’adonnent à des excès de vin: ils perdent toute sagesse, et les vices en eux pullulent. Et quoi de plus repoussant, de plus hideux que cette ivresse qui te soustrait à toi-même? Ta tête penche d’un côté et de l’autre, tes pas chancellent, ton âme a perdu le sentiment et ta langue la faculté d’articuler, tes yeux appesantis par le sommeil tournent et se ferment; tout en agissant, tu ignores ce que tu fais. Décrirai-je ton visage écumant[21] et ton corps perdant sa chaleur, les paroles sortant de ta bouche désordonnées et incohérentes, la coupe s’échappant de tes mains et les aliments vomis souvent sur la table même avec le vin qui les souffle? En proie à d’innombrables impulsions, ton âme blessée veut soit pleurer, soit se réjouir à l’excès. Tantôt, en dansant, tu fais tournoyer ton corps qui chancelle, tantôt tu balances tes bras pour te livrer à des figurations folâtres. Oui, on peut s’écrier qu’enseveli dans le boire et le manger tu as oublié peut-être ton propre nom! Et celui qui te prodigue ses dons, Dieu, quand donc te viendra la pieuse pensée de lui adresser une prière? Que d’indigents on pourrait nourrir avec une telle profusion de biens[22] ! Que d’heureux jours leur vaudrait cette seule journée! Mais, tandis que tu es repu, le pauvre affamé erre autour de toi; tu vomis le vin et c’est à peine si certains malheureux ont de l’eau ! Et s’il arrive que la voix d’un indigent te demande à manger, tu refuseras à ceux qui n’ont rien de donner de ton superflu.[23] Je le sens, ô lecteur, depuis longtemps tu te dis secrètement : « Votre morale est juste, mais trop difficile. Ce sont des prescriptions bien rudes qu’on nous impose: on veut que de la terre nous montions vers le ciel, ce n’est pas là certes un mince labeur. » Oui, le travail est considérable, mais magnifique est la récompense qui le doit payer. Celui qui attend un salaire est obligé de fuir la paresse. Nul ne remportera la palme sans avoir auparavant combattu; à un vainqueur seulement est donnée la couronne si douce à recevoir. Quoi[24] ! si tu recherches les fragiles honneurs du monde, quel empressement[25] ne montreras-tu pas dans l’espoir de gagner la faveur d’un homme? Toutes les épreuves variées qui nous affligent dans la carrière de cette vie si rapidement parcourue, affronts, pluie, froid, faim, querelles, tu pourras tout supporter avec une âme patiente. Tu seras capable de circuler à travers la ville pendant des jours entiers et de ne rentrer chez toi qu’au milieu de la nuit, accablé de fatigue. Puis, dès l’aube, tu te lèveras de nouveau afin d’arriver le premier devant des portes closes. Et quand, assis sur de durs bancs de pierre,[26] tu seras atteint par un subtil sommeil qui te fera abaisser la tête, un autre, qui est arrivé après toi, passera peut-être avant, et tes sottes plaintes n’iront frapper que le vent.[27] Ou bien, si le son grossi de la voix arrive jusqu’aux oreilles du licteur, plaise à Dieu que tu t’en ailles, poliment éconduit et non rudement battu ! Mais suppose, ce qui est rare, que l’huissier, vaincu par ton or et par tes prières, te dise enfin : « Vous pouvez entrer »; tu t’avances alors avec un langage flatteur, un visage modeste, une attitude soumise; et pourtant tous ces efforts ne servent à rien. Là tout honneur s’achète en pièces sonnantes; tu seras admis suivant la quantité de ton argent, que ta requête soit écrite sur papyrus, sur parchemin ou sur tablettes. Car si ta main n’est pas toujours pleine, il n’y a rien de fait. Si tu ne donnes que des paroles, tu ne remporteras que des paroles. Mais voici que les dignités sont venues te sourire, ces dignités que d’ordinaire on obtient tardivement, à son tour, et qu’on abandonne si vite! Ce que tu faisais tout à l’heure,[28] un autre, puis un autre encore le feront bientôt: ce que beaucoup de gens ambitionnent, nul ne le possède bien longtemps. Admettons encore qu’un honneur qui se prolonge gonfle d’orgueil celui qui l’exerce, est-ce que cet honneur ne doit pas avoir une fin? Allons plus loin, et figure-toi que des fastes durables signaleront ta personne et qu’une heureuse année portera ton nom,[29] quel avantage présente la puissance quand elle a cessé d’exister? en quoi jouit-on de ce qui a été et a disparu, de ce que la suite des âges finira par ignorer entièrement? Et quand bien même ces âges futurs sauraient qui tu fus, quel en sera pour toi le profit? Mais toi qui dépenses tant de peine en vue d’un honneur terrestre, toi qui par suite[30] courtises les hommes avec tant de soin, ne devras-tu pas, pour plaire au Christ notre maître à qui tout appartient et pour mériter, en outre, son divin royaume, préférer la vérité au mensonge et les grandes choses aux petites? [Laisse les autres préférer[31]] des objets méprisables à des biens magnifiques, des avantages éphémères à des choses devant toujours durer. Quelle injustice dès lors pourra venir à bout de ton cœur voué à Dieu? Qu’y aura-t-il pour toi de si ardu et de si difficile? Rien en effet n’est pénible quand on est poussé par l’espérance. Le travail, que l’honneur vous a fait surmonter, vous conduit au fruit que vous allez recueillir, fruit destiné à demeurer toujours et que ne pourront vous faire perdre ni l’intrigant, ni le corrupteur, ni l’homme impatient à vous supplanter.[32] N’entends-tu pas le Seigneur qui promet aux justes des récompenses extraordinaires ! Et ses dons vaudront mieux encore que ses promesses. Ce sont des biens tels que l’œil n’en a point vus, que l’oreille n’en a point perçus, et dont l’imagination n’a pu se faire une idée.[33] Pour toi ici-bas une écorce précieuse distille la myrrhe, et la terre est gonflée des plantes odorantes qui produisent l’encens. Elle fait croître aussi le thym, la violette, la cannelle, le mélilot et le safran; joins-y les lis blancs avec les roses empourprées. Si, pécheur, tu reçois sur terre tant d’avantages, admis parmi les saints du ciel, de quels biens ne jouiras-tu pas? Songe à ce qui est brillant, beau, précieux, à tout ce que tu considères dans le monde comme magnifique: tout cela est destiné à devenir la récompense qui couronnera tes mérites bienheureux. Imagine des toits dorés, des portes ornées de pierres précieuses, des parvis couverts de pourpre, des campagnes exhalant sans cesse l’odeur des fleurs printanières, des rivières où coulent à pleins bords le lait et le miel. De telles merveilles confondent notre esprit et nous paraissent fabuleuses,[34] croyons cependant qu’elles sont inférieures à nos joies à venir. Ne vas pas craindre toutefois que, vaincu par la longueur du temps, tu deviennes incapable d’accomplir les ordres de Dieu. Elle n’a rien de long, quoiqu’elle soit formée d’une révolution considérable de jours, cette vie éphémère dont nous jouissons maintenant. Tout s’épuise et regarde vers sa vieillesse et sa fin[35] bientôt le jour suprême va dérouler ses dernières heures. Vois combien soudainement la mort a pesé sur le monde entier, combien la violence de la guerre a frappé de peuples. Ni l’horreur des bois épais, ni l’âpre élévation des montagnes, ni le courant entrainant des rivières, ni le site inexpugnable des forteresses, ni l’abri que les villes trouvent dans leurs murailles, ni les lieux que la nier rend inaccessibles, ni les solitudes des déserts, ni les cavernes, ni les antres que dominent des rochers sombres[36] n’ont pu déjouer les hordes barbares. Bien des hommes ont été livrés à la mort victimes de la fausse amitié, du parjure ou de la trahison de leurs concitoyens.[37] Beaucoup de malheurs ont été le résultat et des embûches et de la violence populaire. Ce qui résistait à la force ouverte a cédé à la famine. La mère a péri misérablement avec ses enfants et son époux; le maître avec ses serviteurs a subi la servitude.[38] Ceux-ci ont été livrés en pâture aux chiens, ceux-là ont vu les flammes consumer leur toit et leur enlever la vie à eux-mêmes leur maison est devenue leur bûcher. Dans les bourgs, les domaines, les campagnes, les carrefours, les villages, çà et là tout le long des routes, on ne voit plus que mort, douleur, destruction, désastre,[39] incendie et deuil; enfin la Gaule entière n’a été qu’un bûcher fumant.[40] Mais pourquoi raconter les funérailles d’un monde qui s’écroule suivant la loi ordinaire de tout ce qui périt? A quoi bon insister sur le nombre de ceux qui meurent dans tout l’univers, quand toi-même tu vois ton dernier jour approcher en se hâtant? Je ne dirai pas combien ont de puissance pour donner la mort les épées, les maisons qui s’écroulent, le feu, le poison[41] et l’eau des rivières. Je ne rechercherai pas combien de gens sont enlevés par la guerre, par la faim, par le déchaînement des maladies, par la mort enfin qui, sous des formes variées, est la même pour tous;[42] combien d’hommes aussi, au milieu de la paix, en vue d’assurer cette paix, sont livrés à un juste châtiment.[43] Chaque heure nous conduit insensiblement au trépas : au moment même où nous parlons, nous commençons à mourir et, dans une course dont le mouvement silencieux nous trompe, notre vie qui s’achève nous précipite vers nos derniers jours. Pendant que tu goûtes les charmes d’un repas, du sommeil, de la conversation, de la boisson, assis à ton propre foyer ou voyageant au loin, pendant que tu accomplis ou bien que tu laisses de côté tes affaires, la mort sans se laisser retarder met toujours d’elle-même[44] un pas devant l’autre. Le flambeau de cire, destiné à l’entrée de la nuit sombre à remplacer la lumière du jour, est, sans que nous y prenions garde, consumé par un feu lent et toujours la flamme dévorante se hâte vers sa fin; il en est de même de la condition humaine tout ce que nous faisons disparaît aussitôt, et l’on voit défaillir[45] et mourir la substance que la vie absorbe.[46] Mais supposons que ta vieillesse vivace se prolonge assez pour te permettre d’assister intact à la ruine de l’univers : elle aura beau venir tard, elle viendra fatalement, cette fin à laquelle nous ne saurions échapper pour l’éternité. Les êtres qui naissent croissent ensuite, puis vieillissent, et quand la vieillesse les accable, il ne leur reste plus que la mort. Elle fait périr l’homme qui a vécu cent ans et l’enfant pour qui le jour a lui dix fois à peine.[47] Lorsqu’ils seront l’un et l’autre arrivés à leur dernier terme, leur état[48] sera le même à cette heure suprême. A quoi te sert-il d’avoir prolongé ta vie, puisqu’il te faut cesser de vivre? Quel profit retires-tu des biens passés, si tu es maintenant en proie au malheur’[49]? Si tu n’as pas le sentiment de tu jouissance au moment même où tu jouis de la vie, est-ce bien encore la vie dans son vrai rôle[50] ? La chose qui était naguère n’est plus rien, si elle cesse d’être. Et les joies que tu ne sens plus, peu t’importe qu’elles aient existé. Si la faim te presse, que te sert d’avoir, hier, chargé ton estomac de nourriture? Et quand une soif dévorante étreint ta gorge,[51] que te sert d’avoir, la veille, rempli ton corps de boisson[52] ? Car le temps irréparable nous enlève le souvenir de ce qui est arrivé dans l’intervalle, de ce qu’ont emporté les jours si rapidement révolus. Et cependant, quand s’est effeuillée la fleur fraîche de notre jeunesse,[53] quand nous sentons chanceler nos pas, nos yeux, notre voix et nos mains, que le souvenir de ce que nous avons été nous est douloureux et que le présent nous enlève la foi dans le passé, alors, courbés, chagrins, le corps tout brisé, nous ne sommes encore rassasiés de cette vie dont le poids nous est si lourd.[54] C’est pourquoi, semblables à des êtres entièrement étrangers à ce monde, nous contemplons le spectacle de tout ce qui périt dans l’univers. Malheureux que nous sommes, il semble que nous vivions sous un autre soleil, puisque la mort d’autrui ne[55] nous avertit pas de notre propre mort ! Nos amis nous sont ravis sous nos yeux ou loin de nous, et c’est tantôt par la vue, tantôt par l’ouïe que la douleur nous assaille. Nos parents chéris périssent au déclin de l’âge; l’épouse est arrachée des bras mêmes de son époux. La mort enlève le frère aux embrassements de son frère, et souvent il arrive qu’elle frappe le plus jeune. Ce n’est pas sur l’ordre de l’âge qu’elle se règle, car le père est témoin souvent des cruelles funérailles de son fils. Nul cependant n’a la sagesse de croire ce qu’il voit, nul ne pense[56] qu’il est destiné, lui aussi, à éprouver ce que sa volonté repousse quand il le voit subi par d’autres. Mais la cause de cette disposition d’esprit, c’est que nos actions injustes nous font regarder la mort comme un mal sans fin. Et ces châtiments dont la loi sainte menace nos crimes, nous considérons comme un gain de les subir le plus tard possible. Heureux celui qui voit dans la mort[57] le terme de tous ses travaux? en la[58] craignant d’avance, il s’est arrangé de manière à n’avoir rien à craindre plus tard. Heureux qui, considérant ce solennel jugement à l’enquête sévère, sur lequel comptent les cités et les nations, peut l’attendre avec un cœur ferme et un visage serein, en se reposant sur l’innocence de sa vie? Heureux celui à qui une conscience bonne et sûre permettra de garder une tête intrépide sous le poids de telles menaces? Là,[59] des chefs d’armée et des rois jadis puissants,[60] des personnages honorés des faisceaux et de la trabée, qui chargeaient leurs plats d’or de mets savoureux, qui faisaient couler le Falerne dans leurs coupes de cristal, qui possédaient des lits couverts de tapis de pourpre, ces hommes renommés pour leur force, vantés pour le don de la beauté, qui avaient une folle confiance dans les biens corporels, qui, esclaves de leur ventre,[61] ne recherchaient que la volupté, mettant leur espoir dans le temps présent et leur gloire dans, les richesses, qui ont négligé, les malheureux, même à l’approche de la mort, de chercher le Seigneur avec leurs yeux prêts à se clore, attendront emprisonnés leur châtiment.[62] Que si tu me demandes maintenant quelle sera cette peine,[63] ce sera une peine en rapport avec les actes commis. Aux uns sont réservées de perpétuelles ténèbres au milieu d’une nuit profonde, aux autres la triste[64] lumière d’une flamme inexorable. Ceux-ci seront forcés, avec leurs corps meurtris, de monter sur des brasiers où brillera un feu de soufre; ceux-là, ce sera une glace dure qui, sous le souffle de l’hiver, les tiendra emprisonnés au milieu d’un froid rigoureux.[65] Et quoique ces diverses sortes de tourments infernaux s’accordent mal ensemble, ils ne sont que les formes variées d’un même supplice. Entre ces châtiments si différents, on ne peut dire quel est le plus cruel, celui du feu ou celui du froid.[66] Des serpents enlaceront les uns de leurs replis tortueux; une chaîne chauffée à blanc enserrera les autres. Là tout sera plein de larmes, d’effroi, de douleur; là on n’entendra d’autre bruit que celui des gémissements. On ne suivra pas la coutume observée sur terre[67] à l’égard des gens livrés à la peine capitale : une seule mort ne servira pas à châtier plusieurs crimes; car ici-bas, quelque sévérité que le juge déploie, suivant la gravité des délits, il ne peut rien de plus que d’enlever la vie au coupable et, par un certain bénéfice en faveur du crime, s’il reste plusieurs forfaits, le châtiment du premier crime fait que les autres demeurent impunis.[68] Mais là chaque péché sera puni tour à tour[69] par le châtiment conforme à sa nature. Le même coupable sentira tous ses membres livrés à[70] autant de tortures particulières qu’il a eu de vices. Une sentence tirera vengeance de la cruauté, une autre de la cupidité. Une punition sera infligée pour les actes, une autre pour les simples intentions. Une peine est réservée aux parjures, une autre aux orgueilleux, une autre à ceux qui auront versé le sang. L’envieux, l’irascible, l’efféminé,[71] le faussaire, l’adultère, l’homme adonné au vin ou à la sensualité, celui dont la main se sera souillée d’un meurtre, celui dont la langue aura été prompte à l’injure, l’envahisseur des biens d’autrui, le vaniteux, l’impie, l’homme rebelle à la doctrine, tous ces coupables seront châtiés avant le jour du Jugement, en sorte que l’attente de ce moment ne puisse apporter le moindre retard au supplice.[72] Mais pourquoi continuer à parcourir un à un les délits qui seront pour ces malheureux la cause de terribles tourments? Songez que vous aurez à rendre compte du moindre mot inconsidéré que peut maintenant proférer votre bouche.[73] Au milieu de tous ces coupables, celui qui aura renié le Seigneur, maître de l’univers, pour courber sa tête devant des dieux de pierre ou de bois, subira un sort vraiment malheureux et n’obtiendra aucune pitié dans son malheur. A lui seul il subira tous les tourments des autres. Les vers pulluleront dans son corps, qui sera toujours sur le point de mourir, et la fumée du feu qui le dévorera n’aura pas de fin.[74] Cependant, d’un autre côté se rangera l’aimable troupe[75] des hommes pieux, qui,[76] même provoqués, n’ont pas rendu le mal pour le mal, qui ont prêté secours aux malheureux, qui ont donné à manger au mendiant,[77] qui ont chéri leurs amis et se sont montrés pleins de déférence pour leurs parents. Ils brilleront à la façon d’un soleil enflammé[78] et leurs membres radieux seront vêtus de toges blanches comme la neige.[79] Ceux surtout que les nuits et les jours ont trouvés prêts à pratiquer la loi du Christ, et ceux qui ont fait vœu de ne jamais souiller la blanche robe de leur baptême par le contact de la femme,[80] ces hommes qui sont restés purs[81] non seulement de corps, mais encore de cœur, et qui sont tels que je voudrais que tu fusses, ô mon lecteur: ils jouissent déjà même du bonheur, — et c’est là le commencement de l’état glorieux, — parce qu’ils ont triomphé[82] des attraits de cette vie[83] et des plaisirs trompeurs du corps. [Là aussi seront les martyrs qui[84]], cherchant la véritable vie, n’ont point hésité à sacrifier pour le nom de Christ leur existence qu’ils avaient vouée à Dieu. Les prêtres saints[85] feront partie de cette troupe, ainsi que les moines, qui vivent à l’écart du tumulte des hommes, et qui, méprisant maintenant les séductions de la renommée, attendent les récompenses du jugement à venir. Ils jouissent en sécurité d’un doux repos[86] et, en récompense de leur vertu, leur vie est maintenant heureuse, en attendant qu’elle le soit davantage plus tard. Car en un épais cortège ils[87] accompagneront le Roi du Ciel, quand le Seigneur apparaîtra en juge sur la terre. Partout où ira l’Agneau, ils marcheront avec lui[88] et seront baignés de clarté par la vraie lumière, qui vient de Dieu.[89] Leur visage vivifié jettera tant d’éclat que les yeux n’en pourront soutenir la splendeur. Lors donc que la trompette sonore aura fait entendre ses terribles accents, annonçant enfin la venue de Dieu, le sol, longuement déchiré, s’entrouvrira. Partout s’élanceront les flammes, les éclairs et la grêle. La terre s’ébranlera jusque dans ses plus lointaines profondeurs, et de tous côtés les routes seront pleines d’agitation. Ici de lugubres gémissements, là la pieuse joie que donnera la vie; mais de ces diverses troupes montera une rumeur unique. Marchant à pas pressés, chaque père amènera derrière soi ses enfants et toute sa postérité. Chaque lignée s’avancera en formant une tramée dense, le chef de la race se trouvant au centre[90] de ses descendants. Je ne t’énumérerai point, lecteur, les villes fameuses, les nations éloignées, les royaumes qui sont maintenant ou qui furent, les peuples engourdis par le froid ou brûlés par le soleil, ceux des contrées de l’aurore ou ceux du couchant. Mais tous les hommes nés depuis le commencement du monde jusqu’à ce jour qui bientôt en verra la fin, il suffira d’un ordre pour les rassembler de partout en un même lieu, âmes justes et âmes coupables. Et parmi tant de milliers d’êtres, il ne s’en trouvera aucun qui échappe au dénombrement fait par le Seigneur son maître. Puis celui-ci montera à son étincelant tribunal avec la même chair qu’il a introduite autrefois dans le ciel le jour où fut glorifiée son humaine nature.[91] Sur tout ce qui se déroulera successivement dans les siècles à venir, sur ce qui se fait à l’instant même et sur ce qui aura lieu ensuite, la loi s’accomplissant toujours, il prononcera; il apparaîtra alors avec sa physionomie sainte, élevé sur son trône, inspirant l’épouvante[92] exposé aux yeux des hommes, mais à peine visible à cause de son éclat. Entre des traînées de flammes, au son des trompettes, en présence des chœurs des anges et de la milice céleste, alu milieu des enfants, des femmes, des jeunes gens, des vieillards, qui pâliront, pleureront, se réjouiront, feront des vœux ou trembleront, sur la foule en suspens tombera la sentence suprême qui sortira des lèvres de l’auguste juge : « Entre dans le repos et dans la gloire, troupe des justes, associée pour jamais à ma royauté; vous allez recevoir les dons que, sachant vos mérites et connaissant d’avance la vie que vous deviez mener, mon père vous fait maintenant, mais qu’il vous préparait dès longtemps. Et toi, foule impie, toujours opposée à mes commandements, sois enfermée dans le Tartare. » Les dents des coupables grinceront et leurs yeux pleureront quand ils se verront condamnés à des feux sans mesure. Mais pour que les ordres divins demeurent stables, voici quelle sera la clause de ce jugement prononcé pour l’éternité : « La gloire du juste ne connaîtra jamais la mort, et le damné sera l’objet d’un châtiment sans fin.[93] » O lecteur, c’est par ma conduite que j’aurais dû te recommander mes paroles et c’est une vie vertueuse qui devrait donner du poids à mes instructions. Mais puisque par malheur nous négligeons les préceptes qu’on nous enseigne, puisqu’il est beaucoup plus facile d’apprendre à connaître son devoir que de l’exécuter, si tu consignes dans ton âme tous ces enseignements que j’ai confiés à tes oreilles et qui sont énumérés dans mon ouvrage, — je te le dis avec assurance, — admis dans la demeure céleste, tu secoueras les rudes entraves de la cruelle mort; et même d’enfant de l’enfer que tu étais, tu deviendras[94] le fils du Dieu suprême. Après ces recommandations, un point demeure sans lequel tout le reste ne sert de rien, c’est la nécessité de croire que le Christ vient du Père et ne forme qu’un avec lui,[95] que le Saint-Esprit leur est uni sans différence de nature, et que ces trois personnes forment ensemble un Dieu unique. Pour toi, quand tu lis[96] mon livre, souviens-toi de moi, que ce livre soit ou bien ou mal fait. Et quand, après avoir achevé la lecture de ces vers, tu adresseras tes prières au seigneur Christ, que mon nom soit toujours dans ta bouche.[97] Ne crois pas que je te fasse cette demande seulement du bout des lèvres et ne le figure pas que tu[98] pourras l’éluder sans risque, car voici mes souhaits : Puisses-tu n’être jamais en proie à d’amers soucis, puisses-tu plaire au Christ par toutes tes actions, puisses-tu recevoir la couronne sainte des mains du Seigneur,[99] sous la condition que tu n’oublies jamais de penser à moi, afin que moi, Orientius,[100] qui suis le plus grand des pécheurs,[101] je mérite mon pardon par les prières des âmes saintes[102] ! [1] Lire premes, au lieu de premis que donne le manuscrit. [2] Je crois que coluber veut simplement dire « le démon. » M. Ellis voit dans ce mot une allusion à Pélage, que Prosper d’Aquitaine appelle coluber Britannus. [3] An a le sens exclamatif. [4] Qua (correction de Baehrens). [5] Orientius a sans doute l’intention de rappeler ici un passage du Pro Caelio de Cicéron, § 46. [6] Lire consociere, non consociande. [7] Cf. Epigramma Paulini, t. XVI du Corpus de Vienne, p. 505, v. 40, 41: ............................vitiisque vocabula recti Indimus et parci cognomen sumit avarus, et Pibrac, Quatrain cxxxi : Nous mêlons tout, le vrai parler se change; Souvent le vice eut du nom revêtu De la prochaine opposite vertu; Le los est blâme et le blâme est louange. [8] Souvenir d’Horace, Satires, I, iii, 49-50. [9] Saint Paul, I, Thessal., xx, 6 : « Nec quaerentes ab hominibus gloriam neque a vobis, neque ab allis. » [10] Je lis contemtum, et non contentum. [11] Saint Pierre, Ep. x, 3, 9 : « Non reddentes malum pro malo nec maledictum pro maledicto. » [12] Pour saint Etienne, la source est dans les Actes des Apôtres, vii, 59; pour saint Jacques le Mineur, la légende des Bollandistes dit que, pendant son martyre, il priait pour ses ennemis. (Acta Sanctorum, 1er mai, p. 23.) [13] Vers corrigé par Commire : properes au lieu de proceres. [14] Orientius traduit saint Matthieu, vii, 8. [15] Lire destringere (Havet). [16] Lire damnatis. [17] Allusion à ce verset des Proverbes, xxvi, 28 : « Lingua fallax non amat veritatem et os lubricum operatur ruinas. » [18] Matth., v. 37 : « Sit autem sermo vester: Est, est, non, non; quod autem his abundantius est, a malo est. » [19] D’après Commire qui lit: « Ne sapor antiquit saeviat illecebris. » [20] Je lis « Inrorent madidos nubila densa dies. » [21] Fumante (ms.) doit être changé en spumante. [22] Cf. Commodien, Instruct., II. [23] Cf. Pibrac, Quatrains, lv et lvi Las ! que te sert tant d’or dedans ta bourse, Au cabinet maint riche vêtement, Dans les greniers tant d’orge et de froment, Et de bon vin dans la cave une source, Si cependant le pauvre nu frissonne Devant ton huis, et languissant de faim, Pour tout enfin n’a qu’un morceau de pain, Ou s’en reva sans que rien on lui donne? [24] An a le sens exclamatif, comme plus haut, II, 17. [25] Je lis munere quo. [26] Il est peu probable que per dura sedilia soit le régime indirect de deposuisse : les bancs sont trop encombrés. [27] D’après la brillante conjecture de Commire : « A tua pulsabit stulta querela notos. » [28] Je lis nunc, et non nam. [29] L’auteur s’est sans doute rappelé une phrase de Lactance, Divin. Instit., VI, 4. [30] Lire hinc, avec M. Havet. [31] La corruption du texte est irrémédiable, car les vers 133 et 134 se contredisent. Il faut admettre entre les deux la chute d’un pentamètre et d’un hexamètre, l’hexamètre ayant à peu près le sens des mots mis en italiques et entre crochets. [32] Il s’agit des rivaux visés aux vers 119 et 120 : « Ce que beaucoup de gens ambitionnent, nul ne le possède bien longtemps. » [33] Reproduction de deux passages des Livres saints : Isaïe, LXIV, 4. « A saeculo non audierunt neque auribus perceperunt; oculus non vidit, Deus, absque te, quae praeparasti exspectantibus te. » — Saint Paul, I, Cor., ii, 9. « Quod oculus non vidit, nec auris audivit, nec in cor hominis ascendit quae praeparavit Deus iis qui diligunt illum. » [34] Pour rendre le raisonnement plus net, je lis avec M. Havet : « Haec quia confundunt animos, commenta videntur. » [35] Cf. Poema conjugis ad uxorem, v. 24 (Migne, t. LI, p. 611) « Omniaque in finem praecipitata ruunt. » [36] Tetricis, correction de M. Ellis. [37] Dahn (Die Könige der Germanen, t. VI, pp. 74 et 75) voit là une allusion à la perfidie des Goths. [38] Le poète joue sur les mots servis et servitium. [39] Clades, mot ajouté par Schenkl, pour combler la lacune qui est dans le manuscrit. [40] C’est là le trait le plus célèbre du poème. [41] Je garde graminibus (ms.). [42] Cf. Poema conjugis ad uxorem, v. 26. (Migne, t. LI, p. 611) « Mille modis miseros mors rapit una homines. » [43] Il semble bien qu’ici Orientius approuve la peine de mort. [44] Ultro doit retomber sur gerit, non sur movet. [45] Deficit (L. Havet), au lieu de proficit. [46] Comme la cire des flambeaux. [47] D’après la correction de M. L. Havet Intereunt decies qui denos vixerit annos Atque dies luxit cui modo vix decimus. [48] Préférer sortis (Baehrens) à mortis. [49] Alfred de Musset exprimera l’idée tout à fait opposée (Souvenir, 11 et 12) Un souvenir heureux est peut-être sur terre Plus vrai que le bonheur. [50] C’est le sens de Nettleship: « Unless you are be touched with thou fruit of the enjoyment, while you enjoy, not even the life lives in the fonction of living. » [51] D’après la conjecture de Commire : stringat sitis arida fauces. [52] Lire scypho, au lieu de cibo. [53] Je lis primaevo (ms.) et decusso (Baehrens). [54] Même idée dans La Fontaine, Fables, I, xv. [55] Lire Nec miseros, etc. [56] Lire censet, et non cernit. [57] Letum, au lieu de licitum. [58] Quod se rapporte à letum. [59] Je crois qu’illic veut dire « au Jugement dernier », dont il vient d’être parlé dans la phrase précédente. [60] Passage qui porte la marque de l’imitation de Lucrèce (III, 1015 sq.). [61] Saint Paul, Ad Philippenses, iii, 19 : « Quorum finis interitus, quorum Deus venter est, et gloria in confusione ipsorum, qui terrena sapiunt. » [62] Cf. d’Aubigné, Jugement dernier: Les tyrans abattus, pâles et criminels, Changent leurs vains honneurs aux tourments éternels. [63] Imitation de Virgile, Enéide, VI, 614. [64] Lumen, maestum. (Conjecture de Paul Thomas.) [65] Dante, dans la Divine Comédie, Enfer, ch. xxxii, représentera aussi certains damnés soumis au supplice, non du feu, mais du froid. [66] J’intercale ici les deux distiques qui vont du vers 305 au vers 308. [67] Je suis le texte de Commire : Non qui mos est hic. [68] Pensée très originale. [69] In ordine, comme au vers II, 117. [70] Je lis patuit (ms.). [71] Ou le giton. [72] J’ai enlevé d’ici deux distiques (305-308) et je les ai placés plus haut, après le vers 284. [73] Reproduction d’un passage de l’évangile de saint Matthieu (xii, 36) « Dico autem vobis quoniam omno verbum otiosum quod locuti fuerint hommes, reddent rationem de eo in die judicii. » [74] Apocalypse, xiv, 11 : « Et fumus tormentorum eorum ascendet in saecula saeculorum. » [75] Turba, au lieu de verba que donne le manuscrit. [76] Lire qui, non sed. [77] Cf. d’Aubigné. Jugement dernier, dans Les Tragiques : Vous qui m’avez vêtu au temps de la froidure, Vous qui avez pour moi souffert peine et injure, Qui à ma seiche soif et à mon aspre faim Donnastes de bon cœur votre eau et votre pain, Venez, race du Ciel, venez, élue du Père; Vos péchés sont éteints, le juge est votre frère. [78] Matth., xiii, 43 « Tunc justi fulgebunt sicut sol in regno Patris eorum. » [79] Cf. Fénelon. Télémaque, l. XIV : « Une lumière pure et douce se répand autour des corps de ces hommes justes et les environne de ses rayons comme d’un vêtement. » Et d’Aubigné, Jugement dernier: « Ils sont vestus de blanc et lavés de pardon. » [80] Apocalypse. xiv. 4. [81] Lire casti plutôt que cauti. Cf. I. 455. [82] Je lis cictis. [83] Je prends lux au sens de « monde », de « vie du monde ». [84] Je suppose ici la chute d’un distique indiquant qu’il s’agit des martyrs. [85] Lire sanctos, pour le sens et pour le vers. [86] Orientius me paraît établir des degrés dans la gloire et dans les récompenses. Des saints ordinaires il dit Instar flammantis fulgebunt lumina solis, mais les prêtres saints et les moines seront d’abord plus heureux dès cette vie et, dans l’autre, ils verront Dieu de plus prés. [87] Ipsi montre qu’il s’agit des derniers nommés. [88] C’est un autre trait du verset de l’Apocalypse cité plus haut. [89] Cf. Fénelon, Télémaque, l. XIV : « C’est de cette lumière seule que ces hommes bienheureux sont nourris; elle sort d’eux et elle y rentre, elle les pénètre et s’incorpore à eux comme les aliments s’incorporent à nous. » Et d’Aubigné, Jugement dernier, dans Les Tragiques, l. VII : Là nous n’avons besoin de parure nouvelle, Car nous sommes vestus de splendeur éternelle. Plus ne faut de soleil : car la face de Dieu Est le soleil unique et l’astre de ce lieu; Le moins luisant de nous est un astre de grâce, Le moindre a pour deux yeux deux soleils à la face. [90] Orientius se représente cette foule d’hommes en triangle, comme un vol d’oiseaux, le progenitor au sommet du triangle, c’est-à-dire à la fois au centre et en avant. [91] C’est-à-dire le jour de l’Ascension, ou peut-être celui de la Transfiguration. [92] J’adopte le terrore verendus de Baehrens. [93] Ce morceau doit valoir à Orientius l’honneur de prendre place parmi les auteurs qui ont su le mieux exprimer dans le langage humain ce qu’Ozanam (Œuvres, t. V, p. 363) appelait « les grands spectacles de l’éternité. » [94] Incipies esse n’est qu’une périphrase, familière aux auteurs de la décadence, pour fies ou eris. [95] C’est à peu près le mot de l’Evangile de saint Jean (x, 30) : « Ego et Pater unum sumus. » [96] At tu, quando legis (Baehrens). [97] A rapprocher de la légende où saint Orientius demande à Dieu d’exaucer ceux qui le prieront. (Acta Sanctorum, 1er mai, seconde Vie, p. 63.) [98] Teque (Baehrens), au lieu de neque. [99] Dieu le Père donne par l’entremise du Christ. Cf. II, 383, 384. — Même idée dans le De Trinitate, 37 : « Naturae duplicis vir bajulus et mediator. » [100] Ici le poète a en quelque sorte signé son œuvre. [101] Passage à mettre en regard de plusieurs autres où l’auteur confesse qu’il a été un grand pêcheur I, 406; I, 611; et Orationes, 56. [102] La même prière se trouve reproduite presque trait pour trait à la fin de l’Opus prosodiacum de Micon, moine de Saint-Riquier au neuvième siècle.
|