Annales de Tacite

 

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Réactions de Tibère à l'adulation qu'on lui porte

TACITE : C. Cornelius Tacitus, d'abord avocat, se mit, relativement tard, à écrire. Après Le Dialogue des orateurs, l'Agricola, Les Moeurs des Germains, TACITE écrivit l'histoire romaine, ab excessu divi Augusti, en deux ouvrages, les Histoires et les Annales, qui nous sont parvenus mutilés
 

XI [1] Versae inde ad Tiberium preces. Et ille varie disserebat de magnitudine imperii sua modestia. Solam divi Augusti mentem tantae molis capacem: se in partem curarum ab illo vocatum experiendo didicisse quam arduum, quam subiectum fortunae regendi cuncta onus. Proinde in civitate tot inlustribus viris subnixa non ad unum omnia deferrent: plures facilius munia rei publicae sociatis laboribus exsecuturos. [2] Plus in oratione tali dignitatis quam fidei erat; Tiberioque etiam in rebus quas non occuleret, seu natura sive adsuetudine, suspensa semper et obscura verba: tunc vero nitenti ut sensus suos penitus abderet, in incertum et ambiguum magis implicabantur. [3] At patres, quibus unus metus si intellegere viderentur, in questus lacrimas vota effundi; ad deos, ad effigiem Augusti, ad genua ipsius manus tendere, cum proferri libellum recitarique iussit. [4] Opes publicae continebantur: quantum civium sociorumque in armis, quot classes, regna, provinciae, tributa aut vectigalia, et necessitates ac largitiones. Quae cuncta sua manu perscripserat Augustus addideratque consilium coercendi intra terminos imperii, incertum metu an per invidiam.

   vocabulaire

 XI. Puis toutes les prières s'adressent à Tibère. Celui-ci répond par des discours vagues sur la grandeur de l'empire et sa propre insuffisance. Selon lui, "le génie d'Auguste pouvait seul embrasser toutes les parties d'un aussi vaste corps; appelé par ce prince à partager le fardeau des affaires, lui-même avait appris par expérience combien il est difficile et hasardeux de le porter tout entier; dans un empire qui comptait tant d'illustres appuis, il ne fallait pas que tout reposât sur une seule tête. : la tâche de gouverner l'Etat serait plus facile, si plusieurs y travaillaient de concert." Il y avait dans ce langage plus de dignité que de franchise. Tibère, lors même qu'il ne dissimulait pas, s'exprimait toujours, soit par caractère soit par habitude, en termes obscurs et ambigus. Mais il cherchait ici à se rendre impénétrable, et des ténèbres plus épaisses que jamais enveloppaient sa pensée. Les sénateurs, qui n'avaient qu'une crainte, celle de paraître le deviner, se répandent en plaintes, en larmes, en vœux. Ils lèvent les mains vers les statues des dieux, vers l'image d'Auguste; ils embrassent les genoux de Tibère. Alors il fait apporter un registre dont il ordonne la lecture; c'était le tableau de la puissance publique : on y voyait combien de citoyens et d'alliés étaient en armes, le nombre des flottes, des royaumes, des provinces, l'état des tributs et des péages, l'aperçu des dépenses nécessaires et des gratifications. Auguste avait tout écrit de sa main, et il ajoutait le conseil de ne plus reculer les bornes de l'empire : on ignore si c'était prudence ou jalousie.

 

[1] Versae inde ad Tiberium preces.

et ille varie disserebat de magnitudine imperii sua modestia.

Solam divi Augusti mentem tantae molis capacem:

se in partem curarum ab illo vocatum experiendo didicisse

quam arduum, quam subiectum fortunae regendi cuncta onus. (soumis à la fortune)

Proinde in civitate tot inlustribus viris subnixa non ad unum omnia deferrent:

plures facilius munia rei publicae sociatis laboribus exsecuturos.

[2] Plus in oratione tali dignitatis

quam fidei erat;

Tiberioque etiam in rebus

quas non occuleret,

seu natura

sive adsuetudine, suspensa semper et obscura verba:

tunc vero nitenti (nitor : ici = faire des efforts)

ut sensus suos penitus abderet,

in incertum et ambiguum magis implicabantur. (Sujet : sensus)

[3] At patres,

quibus unus metus

si intellegere viderentur,

in questus lacrimas vota effundi;

ad deos, ad effigiem Augusti, ad genua ipsius manus tendere,

cum

proferri libellum recitarique

iussit.

[4] Opes publicae continebantur:

quantum civium sociorumque in armis,

quot classes, regna, provinciae, tributa aut vectigalia, et necessitates ac largitiones.

Quae cuncta sua manu perscripserat Augustus

addideratque consilium coercendi intra terminos imperii,

incertum metu an per invidiam.

ab, prép. : ab, prép. : (+abl) à partir de, après un verbe passif = par

abdo, is, ere, didi, ditum : cacher

ac, atque, conj. : et, et aussi

ad, inv. : vers, à, près de

addo, is, ere, didi, ditum : ajouter

adsuetudo, inis, f. : l'habitude

ambiguus, a, um : entre deux, variable, douteux, ambigu

an, inv. : est-ce que, si

arduus, a, um : élevé, escarpé, ardu

arma, orum, n. : les armes

at, inv. : mais

Augustus, i, m. : Auguste

aut, conj. : ou, ou bien

capax, acis : qui peut contenir, spacieux

civis, is, m. : le citoyen

civitas, atis, f. : la cité, l'état

classis, is, f. : la classe, la flotte, la classe

coerceo, es, ere, cui, citum : enfermer, contenir, maintenir

consilium, ii, n. : le projet, le plan, le conseil

contineo, es, ere, tinui, tentum : contenir, maintenir

cum, inv. :1. Préposition + abl. = avec 2. conjonction + ind. = quand, lorsque, comme, ainsi que 3. conjonction + subj. : alors que

cuncti, ae, a : tous ensemble

cura, ae, f. : le soin, le souci

de, prép. + abl. : au sujet de, du haut de, de

defero, fers, ferre, tuli, latum : emporter, pousser, entraîner

deus, i, m. : le dieu

dignitas, atis, f. : la dignité, la considération, l'estime, le prestige, l'honorabilité

disco, is, ere, didici : apprendre

dissero, is, ere, serui, sertum : disserter, raisonner

divus, a, um : divin

effigies, ei, f. : la représentation, l'image, le portrait, la copie, le fantôme

effundo, is, ere, fudi, fusum : répandre, disperser

et, conj. : et, aussi

etiam, inv. : même

experior, iris, iri, expertus sum : éprouver, essayer

exsequor, eris, i, cutus sum : accomplir, garder jusqu'à la fin

facilius, inv. : plus facilement

fides, ei, f. : la foi, la loyauté

fortuna, ae, f. : la fortune, la chance

genu, us, n. : le genou

ille, illa, illud : ce, cette

illustris, e : évident, marquant, éclairé

imperium, ii, n. : le pouvoir (absolu)

implico, is, ere, plic(a)ui, plic(i ou a)tum : envelopper, enlacer

in, prép. : (acc. ou abl.) dans, sur, contre

incertus, a, um : incertain

inde, inv. : de là, donc

intellego, is, ere, lexi, lectum : comprendre

intra, prép. : + acc. : à l'intérieur de

invidia, ae, f. : la jalousie, l'envie, la haine ipse, ipsa, ipsum : même (moi-même, toi-même, etc.)

iubeo, es, ere, iussi, iussum : ordonner

labor, oris, m. : la peine, la souffrance, le travail pénible

lacrima, ae, f. : la larme

largitio, ionis, f. : la générosité

libellus, i, m. : le petit livre, l'affiche

magis, adv. : plus

magnitudo, dinis, f. : la grande taille, la grandeur

manus, us, f. : la main, la petite troupe

mens, mentis, f. : l'esprit

metus, us, m. : la peur, la crainte

modestia, ae, f. : la modération, la mesure

moles, is, f. : la masse

munia, inv. : les charges, les fonctions

natura, ae, f. : la nature

necessitas, atis, f. : la nécessité, l'inévitable

nitor, eris, i, nixus sum : s'appuyer sur

non, neg. : ne...pas

obscurus, a, um : obscur

occulo, is, ere, cului, cultum : cacher

omnis, e : tout

onus, eris, n. : le fardeau

ops, opis, f. : sing., le pouvoir, l'aide ; pl., les richesses

oratio, onis, f. : le discours

pars, partis, f. : la partie, le côté

pater, tris, m. : le père, le magistrat

penitus, adv. : profondément, jusqu'au fond

per, prép. : (acc) à travers, par

perscribo, is, ere, scripsi, scriptum : écrire en détail, écrire tout entier

plures, plura : pl. plus de, plus nombreux

plus, adv. : plus, davantage

preces, um, f. pl. : les prières

profero, fers, ferre, tuli, latum : présenter, faire paraître, remettre, reporter

proinde, adv. : ainsi donc, de même que

provincia, ae, f. : la province

publicus, a, um : public

quae, 4 possibilités : 1. N.F.S. N.F.PL. N.N.PL., ACC. N. PL. du relatif = qui, que (ce que, ce qui) 2. idem de l'interrogatif : quel? qui? que? 3. faux relatif = et ea 4. après si, nisi, ne, num = aliquae

quam, 1. accusatif féminin du pronom relatif = que 2. accusatif féminin sing de l'interrogatif = quel? qui? 3. après si, nisi, ne, num = aliquam 4. faux relatif = et eam 5. introduit le second terme de la comparaison = que 6. adv. = combien

quantum, inv. : combien ?

questus, us, m. : la plainte

qui, quae, quod, pr. rel : qui, que, quoi, dont, lequel...

quot, inv. : tant de

recito, as, are : réciter, déclamer

regnum, i, n. : le pouvoir royal, le trône, le royaume

rego, is, ere, rexi, rectum : commander, diriger

res, rei, f. : la chose

se, pron. réfl. : se, soi

semper, inv. : toujours

sensus, us, m. : le sens, les sentiments

seu, inv., répété : soit... soit

si, conj. : si

sive, (seu) inv. : sive... sive : soit... soit

socio, as, are : faire partager, mettre en commun, unir

socius, ii, m. : l'allié

solus, a, um : seul

subiectus, a, um : soumis à

subnixus, a, um : appuyé sur, soutenu par, confiant dans

sum, es, esse, fui : être

suspensus, a, um : qui plane, qui flotte, en suspens, incertain

suus, a, um : adj. : son; pronom : le sien, le leur

talis, e : tel

tantus, a, um : si grand ; -... ut : si grand... que

tendo, is, ere, tetendi, tensum : tendre

terminus, i, m. : la borne, la limite

Tiberius, ii, m. : Tibère

tot, adv. : tant, si nombreux

tributum, i, n. : l'impôt, le tribut

tunc, inv. : alors

unus, a, um : un seul, un

ut, conj. : pour que, que, comme

varius, a, um : varié, divers

vectigalis, e : soumis à l'impôt, tributaire

verbum, i, n. : la parole, le mot

vero, inv. : mais

verto, is, ere, verti, versum : tourner, changer, traduire

videor, eris, eri, visus sum : paraître, sembler

vir, i, m. : l'homme

voco, as, are : appeler

votum, i, n. : le vœu, l'offrande