Ariri

Ibn al-Qounfoud ou Qunfud

 

LA FARÉSIADE : extrait 1

extrait 2

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 extraits du Journal Asiatique de 1848 à 1852

ABOU'L-ABBAS AHMED EL-KHATIB AL-QUSTANTINI

dit

IBN AL-KONFOUD.[1]

PREMIER EXTRAIT DE

LA FARÉSIADE,

HISTOIRE

DE

LA DYNASTIE DES BENI-HAFS,

 

 

Lorsque la dynastie d'Abd-el-Moumin vint à déchoir en Occident, les Beni-Hafs profitèrent des troubles qui agitaient le pays, s'emparèrent du souverain pouvoir en Afrique, choisirent Tunis pour siège de leur empire, et gardèrent le sceptre jusqu'au jour où les Osmanlis, l'arrachant de leurs mains, fondèrent à leur tour une dynastie.

Mais ce n'est pas assez de vaincre et de conquérir le titre de khalife, il faut savoir régner; et, soit impéritie, soit indolence; car l'indolence s'allie bien dans le caractère de l'Arabe avec la fougue du conquérant, les Beni-Hafs ne purent jamais maintenir l'unité dans leurs vastes états. Leur pouvoir, incessamment tiraillé, s'en allait par lambeaux. Défection des officiers militaires, trahison des agents supérieurs, révoltes de toutes parts, révoltes dans la race arabe, où l'esprit de rébellion naît avec l'enfant, révolte dans la race kabyle, où l'épée est toujours tirée du fourreau, tantôt de tribu à tribu, tantôt contre le maître. On juge si de tels ' éléments devaient inviter l'ambition, et si elle manquait à se servir de ces ferments de discorde. L'épisode que nous traduisons en est une preuve remarquable. Du reste, nous pouvons en tirer cet utile enseignement, que jamais ces populations turbulentes et sauvages, dispersées encore aujourd'hui sur la surface du sol, n'ont été pliées à l'obéissance que par une main de fer. Les Turcs seuls, s'ils ne les ont pas façonnées au devoir, étaient du moins parvenus à les soumettre et à les dompter par la crainte. Les Français ont chassé les Turcs; et, depuis ce moment, la révolte a éclaté sur tous les points. La différence des religions n'est qu'un prétexte; la cause véritable, c'est l'éternelle inquiétude de l'esprit arabe, je ne sais quel besoin impatient d'aventures et de nouveautés, la crédulité toujours prêle à recueillir les promesses du premier imposteur, et l'ignorance originelle, cette source vive et profonde de la crédulité. Rien n'est changé sur la terre d'Afrique. Un peuple nouveau est venu avec des mœurs nouvelles. L'Europe s'y est transportée ; elle y a transporté ses usages, sa civilisation, l'architecture de ses villes ; mais l'Afrique et l'Europe ne se sont pas mélangées. L'Arabe d'aujourd'hui est le même homme que l'Arabe d'autrefois. Comme il se défie de nos sciences, et que ses scrupules les condamnent, il n'a rien appris, il se glorifie dans son ignorance, et son ignorance le livre encore aux séductions des plus misérables chefs de parti..L'ignorance n'a-t-elle pas fourni une armée à l'infidèle lieutenant d'Abd-el-Rader? L'ignorance de l'Arabe est notre ennemi toujours renaissant, et celle-ci, comme l'hydre antique, ne se combat pas seulement avec le fer. Hercule avait déjà coupé toutes les têtes du monstre de Lerne; mais chaque tête reparaissait sur le tranchant de l'épée. Le héros grec prit la torche qui brûle, prenons le flambeau qui éclaire, et les tribus ne se lèveront plus à la voix d'un Mouley-Mohammed-scherif, proclamé invulnérable parmi les siens, jusqu'au jour où une balle française a imprimé sur son visage la preuve éclatante de son imposture.

Celui qui donne au public ce fragment inédit, devait sans doute faire précéder son travail d'une notice bibliographique sur l'auteur dont il a essayé de se rendre l'interprète ; mais il l'avoue ingénument, ses recherches ne lui ont encore rien appris, sinon que l'historien arabe vivait à la fin du viiie siècle et au commencement du ixe. Quel était son pays? Il nous le dit lui-même dans ce passage de son livre :

« En-Nacer, à son entrée dans Constantine, fut célébré en vers pompeux par notre compatriote, le jurisconsulte Abou Ali-Haçan-ben-Ali-ben-el-Fékoun. » (Fol. 5 verso, 1. 5.)

Ainsi le chroniqueur est né à Constantine. C'est là aussi que le traducteur a rencontré le manuscrit précieux dont il publie un fragment pris au hasard; mais il s'aperçoit qu'il va faire l'éloge du texte original, et il sait que la louange d'un traducteur est toujours suspecte, il se bornera donc à dire que le livre' a été célèbre au temps de l'Arabie lettrée. et qu'il est cité dans un autre manuscrit arabe: Ma'arifet-et Tabakât, notice sur les siècles de l'islamisme.

L'ouvrage du kadi Abou'l Abbas Ahmed el-Khatib est intitulé : El farecia fi mobadi ed-daulet el-hafcia, « Commencement de la dynastie des Hafsites ».

Maintenant le lecteur a un extrait du livre sous les yeux. C'est à lui seul d'en apprécier l'importance. Il le fera toujours avec justice. Puisse sa justice être indulgente au traducteur!

TRADUCTION

En l'année 681 de l'hégire, un homme parut chez les Beni Dyab (1). Il prétendait être El-Fadel, fils de l'émir Yahya-el-Ouaceq, et disait qu'il s'était échappé de sa prison (2). Cette assertion, confirmée par le nègre Nécir (3). s accrédite bientôt chez les Dyab et leurs voisins. Or l'émir Fadel avait été tué à Tunis.

Le prétendant se porta avec les Arabes sur Tripoli. A cette époque, Tripoli était gouverné au nom de l'émir Abou-Ishak-Abou-Abd-Allah-Ben-Aïssa-el-Hentati (4), célèbre par l'amnistie de Kassa (5). Le gouverneur ferma les portes de la ville, une affaire eut lieu sous ses murs. Le succès, longtemps indécis, se fixa enfin, et le calme fut rétabli par la retraite du prétendant.

Dieu lui préparait ailleurs un meilleur accueil. L'émir Abou Mérouân-Abd-el-Melik-ben-Osman-ben Mekki vint au devant de lui et lui ouvrit les portes de Kabès (6).

Il entra dans la ville au mois de redjeb de l'année 681 de l'hégire, et il reçut la soumission de Djerba (7), d'El-Hamma (8), de Nefsâoua (9), et de Tozer (10). La même année, pendant le mois de ramadhan, Kafsa (11 ) reconnut son autorité. Sa puissance ne tarda point à grandir et sa réputation commença à s'étendre.

Une armée sortit de Tunis (12), dirigée contre lui par l'émir Abou-Ishak. Elle était commandée par son fils, l'émir Abou-Zakaria, qui marcha sur Kaïrouân (13), y perçut l'impôt et se porta au-devant du prétendant.

Abou-Zakaria avait établi son camp (14). Chaque jour il voyait les siens se détacher de lui (15) pour passer à l'ennemi. Craignant de rester seul, il rétrograda sur Tunis, dans le mois de ramadhan de la même année.

De son côté, le prétendant sortit de Kafsa, et les habitants de Kairouan, d'El-Mahdia (16), de Sfâkess (17) et de Souça (18) vinrent à lui.

Pendant ce temps, les esprits s'agitaient dans les murs de Tunis.

Dans le mois de chawwal de l'année 681, l'émir Abou-Ishak sortit de la ville à la tête d'une armée considérable et s'établit sous les murs de Mohammedia (19).

A la suite de l'armée, quatre-vingt-dix mulets portaient des cuirasses, des armures, des casques et des épées. Un nombre considérable de chameaux était chargé de boucliers de Lemtha (20), et d'arcs de Damas. Tout cela tomba au pouvoir de l'ennemi avec les trésors et les bagages renfermés dans le camp de Mohammedia.

Après ce succès, le prétendant, à la tête d'une armée nombreuse, se rendit chez Er-Riai-abou-Omrân-ben-Yassin, cheikh des Almohades (21).

L'émir Abou-Ishak battit en retraite. Il s'arrêta à Sebka (22), retira de la kasbah ses femmes et ses enfants , et, quittant le territoire de Tunis, se porta vers l'ouest. Poursuivi par la terreur, le découragement et la faim, il ne s'arrêta plus qu'à Constantine (23).

Le gouverneur de la ville, à cette époque, était Abou-Mohammed-ben-Boufiân, dont il a été question précédemment. Dans la crainte de s'attirer la colère d'un ennemi puissant, il refusa d'ouvrir ses portes. Cependant, il fit descendre du haut des murs du pain et des dattes, et ne chercha point à s'opposer à la fuite de l'émir.

Les troupes assouvirent leur faim, et Abou-Ishak repartit le même jour. Il se dirigea à marche forcée sur Bougie, et rencontra son fils Abou-Fâres, qui venait au-devant de lui.

Il se démit en sa faveur après un règne de trois ans et demi. Il était alors âgé de cinquante ans, car il était né dans l'année 681 de l'hégire, et son fils Abou-Fâres était né à Tunis dans l'année 651. Après l'abdication de son père, ce prince fut investi du pouvoir à Bougie, un samedi, vingtième jour de d'houl-kada 681. Il prit le surnom d'El-Ma'tamed.

Après avoir levé des troupes et fait d'immenses préparatifs, il se porta à la rencontre du prétendant et laissa son père dans les murs de Bougie. De son côté, l'imposteur sortit de Tunis avec des forces considérables. Les deux armées se rencontrèrent dans la plaine de Kalaat-Senân (24).

El-Ma'tamed, abandonné des siens, fut pris et égorgé. Son camp el tous ses trésors furent pillés. Sa tête fut apportée au prétendu El-Fadel, qui ensuite fit massacrer les frères du vaincu, Abd-el-Ouâhed, Omar, Khaled et Mohammed-ben-el-Ouâhed.

Le prétendant se fit reconnaître souverain à Djerba avant Abd-el-Ouâhed. Cet événement eut lieu le 3 du mois de rébi-el-ouel.

El-Ma'tamed avait régné à Bougie trois mois et demi.

La nouvelle de son désastre causa dans la ville une violente fermentation. La foule se précipita dans la mosquée. Un homme prit la parole pour calmer les esprits ; mais son discours ne réussit qu'à exciter la fureur du peuple, qui le mit en pièces dans l'intérieur de la maksoura (25).

L'émir Abou-Ishak trembla pour ses jours et s'échappa de la ville, emmenant avec lui son fils, l'émir Abou-Zakaria.

Des habitants de Bougie sortirent avec quelques soldats, se mirent à sa poursuite et l'atteignirent chez les Beni-Meuhtaress (26). L'émir était tombé de cheval et s'était blessé à la cuisse; quant à l'émir Abou-Zakaria, il se sauva dans la direction de Tlemcen.

L'émir Abou-Ishak fut déposé dans une maison. Il y resta jusqu'au moment où l'usurpateur envoya pour le tuer. Cet événement eut lieu le 19 du mois de rébi-el-ouel, le béni, l'illustre, le fleuri, dans l'année 682.

Le pays tout entier se soumit au prétendu El-Fadel, fils de Ouâceq, dont le véritable nom était Ahmed - ben Merzoug ben Abi Omara el-Msili (de Msila) (27). Il avait reçu à Tunis l'investiture solennelle sous le nom mensonger d'El-Fadel-ben-Yahya ben el-Montacir, le jeudi 27 du mois de chawal de l'année 681, et l'année d'après, à Msila.

Elevé à Bougie, il signala ses débuts par une série de traits d'audace et d'imposture (28). Il commença par s'attribuer une fausse origine. La prière du vendredi fut faite en son nom dans toutes les mosquées de la province d'Ifrikya. Tout le monde ajouta foi à ses mensonges.

Il y avait bien un petit nombre d'hommes connaissant la fin tragique du vrai El-Fadel, mais ils craignaient pour leurs jours.

L'usurpateur affectait de rechercher la société d'El-Merdjani (29), Ez-Zobidi, El-Khilassi et autres saints personnages, tandis que, contrairement aux apparences, il se livrait honteusement au vin et à toutes sortes d'excès.

Enivré par ses succès, il eut l'impudence de s'abandonner aux vices qu'il proscrivait et de se soustraire aux lois établies qu'il faisait respecter. Il était cruel, sanguinaire, injuste, dépravé, avare, fourbe, menteur, parjure ; en un mot, il n'avait aucune des qualités qui caractérisent les fils de rois. L'histoire ne lui reconnaît pas d'autre mérite que d'avoir fixé sa résidence à Tunis, qu'il embellit d'une mosquée pour la prière du vendredi (30).

Ce qui prouve son peu d'habileté en politique, c'est que, devenu maître des Beni-Hafs, il jeta en prison tous les membres de cette famille, confisqua leurs biens, et n'eut pas la pensée de leur ôter la vie; tandis qu'il fit mettre à mort, dans le mois de moharrem 683, le cheikh Abi-Omrân-ben-Yassin, qui s'était réfugié auprès de lui, et qu'il s'empara de ses frères.

Les Arabes se tournèrent alors contre lui. Il envoya contre les mécontents une armée formidable, commandée par le cheikh Abou-Mohammed-Abdel-Haqq-ben-Taferhadjine-el-Chemli.

Sur ces entrefaites, parut l'émir Abou-Hafs, fils de l'émir Abou-Zakaria, qui s'était caché jusque-là dans les montagnes et chez les Arabes Bédouins.

L'usurpateur sortit de Tunis et se porta à sa rencontre. Il avait la prétention de s'emparer de sa personne; mais la puissance de l'émir Abou-Hafs avait grandi dans le pays, et l'usurpateur dut perdre l'espoir de lui échapper. Alors il retourna à Tunis; sa retraite ressemblait à une déroute. L'émir Abou-Hafs franchit rapidement les étapes et vint camper sous les murs de la ville. Il y eut de nombreux engagements pendant lesquels les Arabes ravagèrent le pays. Quant à l'usurpateur, il se vit fermer toutes les communications.

Alors son imposture fut démasquée, et son secret fut dévoilé. Alors se manifesta hautement la haine que les siens avaient conçue contre lui à cause de son avarice, de ses mensonges, de sa méchanceté , de sa perfidie, et de ses prétentions à un titre qui n'était pas le sien. Après un long siège, il s'aperçut qu'il touchait à sa perte; il abandonna ses soldats et alla se cacher chez un chaufournier espagnol. L'émir Abou-Hafs fit son entrée dans la ville, dans la soirée du lundi 23 du mois de rébi el-çani de l'année 683.

Le prétendu El-Fadel avait régné un an et trois mois, moins trois jours.

Ainsi s'évanouit le prestige dont s'était entouré ce faux personnage (31).

Il resta caché pendant neuf jours dans la maison du chaufournier. Il y fut découvert; et, sur les indications d'une femme, les cadis et leurs assesseurs, les notables des Almohades et une foule nombreuse vinrent s'emparer de sa personne.

On découvrit alors qu'il était fils de Ben Abou Omara-el-Msili (de Msila), et qu'il était sorti de la classe des artisans (32) de Bougie.

Honteuse de sa crédulité, la population se frappait le visage en signe de repentir.

L'imposteur fut fouetté, promené parla ville sur un âne gris ; puis, saisi par les pieds, il fut tué le mercredi, deuxième jour de djoumad-el-ouel de l'année 683.

La dynastie des Hafsites (que Dieu la protège!) reprit tous ses droits, à l'intérieur et à l'extérieur, dans la personne de celui que Dieu, le tout-puissant, avait fait surgir, l'émir Abou-Zakaria, fils du roi Abou-Mohammed-Abd-el-Ouahed, fils du vaillant cheikh Abou-Hafs.

ÉTUDES CRITIQUES.

(1Les Beni-Dyab, appelés aussi Oulad-Dyeb, sont situés dans le cercle de la Calle.

(2) On lit dans l'Histoire de l'Afrique de Mohammed ben Abi el-Raïni el-Kaïrouâni, les détails suivants sur la fin tragique d'El-Fadel: « El-Moula-Abou-Zakaria n'était pas de force à soutenir le fardeau du gouvernement. Il avait mis sa confiance entière dans un certain Ben-el-Rafiki, personnage vaniteux, livré au luxe et aux plaisirs, et n'entendant absolument rien à l'administration. Cette ignorance de ce qui constitue le bien-être des peuples mit le pays à deux doigts de sa perte. Sur ces entrefaites, arriva à Tunis un oncle de l'émir ; son nom était Abou-Ishak-Ibrahim. Sous le règne précédent, i! s'était retiré en Espagne par la crainte que lui inspirait son frère, à qui, de son côté, il était suspect. Il y resta longtemps, parce que, chaque année, El-Mestamer envoyait des présents au souverain de ce pays pour qu'il l'y retînt. El-Moula Abou Zakaria abdiqua en faveur de cet oncle, après un règne de deux ans, trois mois et vingt jours. Il quitta la kasbah pour aller s'établir dans le palais qu'on nomme Dar-el-Gouri, au milieu de la rue Ketbiin. Mais il n'y resta pas longtemps ; son oncle le fit arrêter et jeter dans une prison, où il mourut dans le mois de safar 679.» Voir l’Exploration scientifique de l'Algérie, tom. VII, histoire de l'Afrique d'El-Kaïrouâni, par MM. Pélissier et Rémusat, p. 229 et 230. Il est à remarquer que les noms d'El-Fadel, fils de l'émir Yahia el-Ouaceq, qu'El-Katib donne à l'émir, ne se trouvent point dans la longue généalogie que lui attribue El-Kaïrouâni, en l'appelant El-Moula Abou-Zakaria Yahya ben el-Mestamer-Billab-émir-el-Moumenin-ben-el-Moula-Abou-Zakaria-Yahia-ben-abd-el-Ouahedben-Abou-Bekr-ben-Omar. Cependant, nous devons ajouter foi à l'ouvrage de notre auteur, qui vivait dans un temps plus rapproché des faits qu'il décrit.

(3) El-Kaïrouâni, qui compilait Ebn-Chemoua, nous apprend que l'imposteur, courant de pays en pays pour chercher de l'ouvrage, était arrivé à Tripoli, et y avait fait la connaissance d'un nègre, ancien serviteur de l'émir Abou-Zakaria, qui était mort en prison après avoir abdiqué. Ici notre auteur diffère d'El-Kaïrouâni, puisqu'il établit des rapports d'amitié entre ces deux aventuriers avant leur entrée à Tripoli.

(4El-Hentati, des Hentata. La montagne de Hentata, située à six myriamètres et demi au sud de Maroc, Merrâkech, prend son nom de la tribu de Hentata, fraction des Berbères Masmouda ou Mouçamida. Le pic le plus élevé de cette montagne, sous le nom de Miltsin, a été déterminé, en 1830, par M. Washington. Son élévation au-dessus du niveau ordinaire de la mer est de trois mille quatre cent soixante et quinze mètres. C'est le point connu le plus élevé de toute l'Afrique septentrionale.

(5) Kassa. Je n'ai trouvé ce nom de ville ni dans le Takouïm el Boldan, ni dans l'ouvrage de Léon l'Africain. El-Kaïrouâni n'en parle pas dans sa Description de l'Afrique.

(6Kâbès, que Léon l'Africain appelle Capes (voyez le tome IIe de la traduction de Jean Temporal, page 66) , est désigné sous le nom de Qâbès, par M. d'Avezac. (Voy. les Études de géographie critique sur une partie de l'Afrique septentrionale, p. 17). Cette ville, située en face de l'île de Djerba, a été bâtie par les Romains. Deux rivières descendent de la montagne qui est au midi et arrosent son heureux territoire. Aboulféda dit, dans sa Description des pays du Magreb, que Kâbès est à l'Afrikyah ce que Damas est à la Syrie, (Voy. le Takouïm-el Boldan, édit. de MM. Reinaud et Mac Guckin de Slane). La distance de Kâbès à la mer est de trois milles, et les vaisseaux de moyenne grandeur remontent sa rivière.

(7L'île de Djerba n'a point été mentionnée par Aboulféda. Située à peu de distance de la terre, elle a environ dix-huit milles de tour. (Cf. Léon l'Africain, tom. II, p. 69, édit. citée, et M. Davezac, p. 16, ouvrage cité). Elle a, suivant El-Hadj ebn Eddin-el-Aghouâthy, quatre ports : Agym, à l'ouest; Gergys, à l'est; Mersat-es-Souq, au nord ; et Mersat el-Qantarah, au sud. Le district de l'ouest, dont le port est vis-à-vis de Kâbès, est habité par un peuple appelé Agym, dont le langage est le berbère. Cette île, dont le nom a été écrit de plusieurs manières, est appelé Grives par les historiens espagnols. C'est la Lotophagite de Ptolémée, que Strabon appelle Menix, du nom d'une de ses villes.

(8El-hamma, qui signifie en langue arabe fièvre, est un mot employé dans l'Afrique septentrionale pour désigner les localités insalubres. Dans le passage dont nous offrons la traduction, El-Hamma est le nom propre d'une ville bâtie autrefois par les Romains, à quinze milles environ de Kâbès. (Voir Léon l'Africain, tom. II, p. 67, édition citée.) On remarque au midi d'El-Hamma une source d'eau très chaude, qui s'écoule par de grands canaux de construction romaine, jusqu'à un endroit ou elle forme un lac dit le lac des lépreux.

(9Nefsâoua est une ville située sur les bords du lac Melrîr. C'est la patrie du Sheikh El-Nefsâoui, célèbre à Constantine par un ouvrage d'un style assez élégant, mais dont le sujet rappelle les œuvres obscènes de Piron.

(10) Tozer ou Touzor, comme l'appellent quelques géographes, est situé auprès du lac Melrîr, nommé par le docteur Shaw lac des Marques. On lit dans le Takouïm el-Boldan, loc. laud. « Touzar est la capitale du pays de Kastilah. Une rivière arrose ses jardins. Ebn Saïd dit que Touzar et ses dépendances sont des îles au milieu des sables et des déserts qui les entourent.... et enfin, que cette ville fait partie des pays connus sous le nom de Belâd-el-Djeryd. »

(11) Kafsa, qui fut autrefois une métropole célèbre, au dire d'Ebn Saïd, cité par Aboulféda, est désignée souvent sous le nom de Gafsa. C'est l'ancienne Capsa mentionnée dans Salluste (Jugurtha. c. lxxxix), et dont Marius, jaloux de la gloire acquise à Métellus par la prise de Thala, se rendit maître, malgré les difficultés de l'entreprise.

El-Kaïrouâni dit naïvement que les murs de Kafsa ont été construits par les serviteurs de Nemrod.

(12) Les Beni-Hafs avaient choisi Tunis pour leur résidence royale.

(13Kaïrouân, appelé improprement dans Léon l'Africain Cairaran (édit. de 1830, p. 59), fut bâti par Ocba, au commencement de l'islamisme, l'an 50 de l'hégire (670 de J. C). Après avoir été longtemps la capitale de l'Ifrikyah, elle céda le premier rang à Tunis.

(14)D'après El-Kaïrouâni, traduction de MM. Pellissier et Rémusat, p. 231, édition citée, Abou Zakaria campa à Kammouda, sur le territoire même de Kairouan.

(15Le verbe naçal, qui signifie proprement « se détacher de, tomber de, » en parlant des plumes d'un oiseau, de la laine des moutons, et des cheveux ou de la barbe, se trouve employé ici métaphoriquement.

(16) El-Mahdia, bâtie sur l'emplacement de l'antique Aphrodisium, par Obeïd-Allah, le premier des khalifes Fatimides est à l'orient de Souça et à l'occident de Sfâkess. El-Mahdi en fit la capitale de l'Ifrikyah. Aboulféda dit : « elle a été appelée du nom d'El-Mahdi. »

(17) Sfâkess ou Safakous est appelé Asfachus par Léon l'Africain, édition citée, p. 59. C'est l'ancienne Sfax..

(18) Souça est la Suse de Léon l'Africain, édit. citée, p. 53. Cette ville fut bâtie par les Romains sur la Méditerranée, au sud-est de Tunis. C'est de là que partirent les musulmans pour envahir la Sicile.

(19) Mohammedia ou Mohamdia est une ville située à quelques myriamètres de Tunis.

(20) Lemtha est, selon Aboulféda, une capitale connue aussi sous le nom de Nawi ; elle est située sur la lisière du désert de Lemthounah et à un tiers de la station de la mer de ceinture (océan Atlantique).

(21Al-Mohades. El-Mohdi donna le nom de Mouahhedin (unitaires) à ceux qui embrassèrent sa cause.

(22) Le mot sebha signifie un marécage salé. C'est ici le nom d'une ville. Le docteur Shaw a employé fort souvent cette expression dans sa description de la Barbarie, pour désigner des localités.

(23Kosthinah est le véritable nom de cette ville. Les habitants actuels prononcent Ksanthinah, et même Ksamthinah, et prétendent que ce mot est une altération moderne des mots Kçar Thinah, qui signifient le château de la reine Thina. J'ai emprunté ce renseignement d'une tradition locale. Thina aurait été détrônée par les Romains. C'est à elle qu'on attribuerait la construction des aqueducs dont nous voyons encore quelques restes Mais la science a fait justice de ces fables. — Le Takouïm-el-Boldân donne une courte description de Constantine, dans laquelle je crois devoir relever une inexactitude. Aboulféda dit « que la rivière (l'Oued-Rummel) entoure Kosthinah de toute part.» Comme j'habite la ville, il m'est facile d'éclairer nos lecteurs par des renseignements exacts. Constantine est située au delà du petit Atlas sur l'Oued-Rummel, au point où cette rivière traverse des collines élevées, contreforts de l'Atlas, et pénètre du bassin supérieur dans la plaine de Milah. Cette ville est bâtie dans une presqu'île contournée par la rivière et dominée par les hauteurs du Mansoura et du Sidi-Mécid, dont elle est séparée par un grand ravin où coulent les eaux du Rummel. Ce dernier reçoit, au-dessus de la ville, et dans un lieu appelé El-Kouâs (les aqueducs romains), le Bou-Merzoug, cours d'eau peu étendu qui vient de l'est. La position de Constantine est singulièrement pittoresque. Au sud et à l'ouest, la vue s'étend fort loin; et au delà des plaines, on aperçoit des montagnes souvent couvertes de neige; au nord, l'horizon est borné par le Djebel-el-Ouahache. Le plateau sur lequel la ville est assise est entouré de rochers escarpés. L'Oued-Rummel s'en approche par un angle situé au sud, s'engouffre dans un ravin profond, qui en défend les abords de deux côtés. Vers la pointe El-Kantara, ses eaux subissent quatre disparitions successives, qui forment des ponts naturels taillés dans le roc, ayant de trente à quatre-vingts mètres de largeur sur quarante mètres de hauteur. Arrivées au pied de l'immense rocher sur lequel est bâtie la kasbah, elles tombent par de larges cascades dans la vallée située au bas à plus de soixante et dix mètres.

(24) Kalaat-Senân, « château de la dent, » est désigné, sur la carte de la province de Constantine dressée au bureau topographique sous le nom de Dj. Gala ou Kala-Snenn. C'est une montagne très élevée et située à six lieues et demie de la frontière, sur le territoire de la régence de Tunis. De Kalaat-Senân à Tebessa, il y a dix lieues en descendant vers le sud-ouest. Cette localité a été de tout temps le refuge des brigands, auxquels elle offrait l'impunité.

(25On entend par maksoura une chambre attenant à la salle où 1 on fait la prière. C'est dans cette chambre que l'on serre le caftan de drap vert dont l'imâm se revêt, le vendredi, pour faire la khotba du haut du membar, « chaire. » La maksoura n'existe que dans les grandes mosquées et répond à la sacristie de nos églises. Indépendamment de cette signification, le mot maksoura désigne toute espèce de réduit ou recoin attenant à une grande chambre.

(26Les Beni-Meuhtaress doivent se trouver à l'occident de Bougie, mais je ne les ai pas vus mentionnés sur la carte de l'Algérie.

(27) Msila ou El-Msila est situé à trois myriamètres six kilomètres sud-ouest de Medjana. D'après la carte nouvelle de la province de Constantine dressée au bureau topographique, cette ville se trouve par 55° 53' de latitude et 2° 19' de longitude, suivant la méridienne de Paris. L'auteur du Takouïm-el-Boldân et Léon l'Africain sont loin de s accorder sur l'époque de sa fondation. Le premier prétend qu’elle a été bâtie par les khalifes Fatimides d'Égypte en l’année 315 de l'hégire; suivant le second, Msila est de construction romaine. Ce que nous pouvons établir d'après des renseignements modernes, c'est que cette ville fut fondée par les Romains, comme l'attestent les nombreuses inscriptions qu'on y voit encore, et qu'à une époque moins reculée, c'est-à-dire dans les premiers siècles de la conquête musulmane, elle fut reconstruite sur ses anciennes bases.

(28) Je n'ai point traduit mot à mot ce passage, parce que je me réservais d'expliquer nettement, dans une note particulière, le mot tethououer, qui est l'infinitif de la cinquième forme du verbe thar, aoriste ithour. Cette cinquième forme ne se trouve pas dans le dictionnaire de M. Freytag, mais elle est usitée dans le langage moderne, notamment à Constantine, où je l'ai entendu prononcer plusieurs fois. Elle signifie faire des choses en dehors de sa condition, sortir de sa sphère, être excentrique, commettre des excentricités.

(29El-Merdjâni était un marabout vénéré. Voici ce qu'on lit sur lui dans la traduction d'El-Kaïrouâni, ouvrage cité, p. 234 et 235 : « Le surnom d'Abou-Ossaïda fut donné au roi Abou-Mohammed Abd-el-Ouâhed, fils du cheik Abou-Hafs, parce que, après la mort de son père et de dix de ses sœurs, sa mère, qui était esclave de son père et se trouvait grosse des œuvres de celui-ci, craignant pour sa propre existence, se mit sous la protection du marabout El-Merdjâni. Ce fut chez lui qu'elle accoucha d'Abou-Mohammed Abd-el-Ouâhed. Le marabout voulant faire des largesses aux pauvres, à l'occasion de la naissance de cet enfant, leur distribua un mets composé de blé dit ossaïda, dont le nom resta au nouveau-né. . . » Et plus loin : « Le gouvernement d'Abou-Ossaïda fut heureux et tranquille... C'étaient sans doute les bénédictions d'Abou-Ossaïda qui portaient leurs fruits. »

(30Il fit bâtir cette mosquée en dehors de la porte dite Bab el-Bahar. (Voy.la traduction d'El-Kaïrouâni, ouvrage cité, p. 233.)

(31) Il y a dans le texte sa dissimulation et son déguisement. Le premier mot signifie « se donner un lustre d'emprunt, se faire passer pour ce qu'on n'est pas ».

(32) Selon El-Kaïrouâni, loc. laud. p. 232, il avait exercé le métier de tailleur dans cette ville.

 

FIN.


[1] Son nom s’écrit plutôt, à l’heure actuelle, Ibn al-Qounfoud ou Qunfud. Voir le quatrième extrait pour des informations sur cet auteur.