Traduite de l'Arabe par E. BLOCHET
Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
(suite)
DE
TRADUCTION FRANÇAISE ACCOMPAGNÉE
DE NOTES HISTORIQUES ET GÉOGRAPHIQUES
Le nom de Makrizi est bien connu des historiens du moyen âge oriental depuis l'époque où Etienne Quatremère traduisit, sous le nom d'Histoire des Sultans Mamluks, une portion d'un de ses principaux ouvrages, le Soloûk.[1] Cette traduction comprend les règnes des onze premiers souverains de la dynastie des Mamlouks Bahrites : al-Malik al-Mo'izz 'Izz ad-Din Aïbec-al-Sâlihî ; al-Malik al-Mansour-Nour ad-Din 'Ali, son fils; al-Malik al-Mothaffar-Saïf ad-Din Koutouz; al-Malik ath-Tahir-Rokn ad-Din Baybars-al-Bondokdârî ; al-Malik al-Sa'îd Nasir ad-Din Mohammad Bérékeh-Khân, fils de Baybars; al-Malik al-'Adil Badr ad-Din Selâmish, fils de Baybars; al-Malik al-Mansour-Saïf ad-Din Kalâoûn-al-Nadjmî ; al-Malik al-Ashraf-Salah ad-Din Khalil, fils de Kalâoûn ; al-Malik an-Nasir-Nasir ad-Din Mohammad, fils de Kalâoûn ; al-Malik al-'Adil Zaïn ad-Din Kîtboghâ-al-Mansourî ; al-Malik al-Mansour-Hosâm ad-Din Lâdjîn al-Mansourî ; al-Malik al-Nasir-Mohammad, restauré. Elle laisse de côté toute la partie de l'ouvrage qui s'étend jusqu'au folio 115, et dans laquelle se trouve exposée l'histoire de l'Egypte et de la Syrie sous le règne des ayyoubides, descendants de Saladin.
Etienne Quatremère a exposé dans sa préface les raisons qui l'avaient déterminé à la négliger provisoirement et à ne commencer sa traduction qu'au règne du premier sultan mamlouk ; il espérait la publier plus tard dans le Recueil des Historiens des Croisades, mais ce travail, que sa vaste érudition et ses immenses lectures le mettaient à même d'exécuter mieux que personne, ne vit jamais le jour.
C'est la traduction de la partie du Soloûk qu'il a été ainsi amené à laisser de côté que l'on trouvera dans les pages suivantes.[2] Quoiqu'elle ne soit pas le récit d'un témoin oculaire puisque Makrizi est mort en l'an 845 de l'hégire (1441-1442 de J.-C), elle n'en offre pas moins un intérêt tout particulier pour l'histoire des relations des Francs avec les Musulmans à l'époque des Croisades ; on y trouve nombre de détails qui ne se lisent point dans les chroniques similaires et qui proviennent d'ouvrages historiques aujourd'hui perdus ou tout au moins inconnus en Europe.
L'histoire de l'Egypte musulmane, depuis le milieu du vie siècle de l'hégire, est intimement liée à celle de l'Europe occidentale et ces relations se sont poursuivies sans interruption jusqu'à nos jours où la terre des Pharaons a virtuellement passé du joug des Osmanlis sous la domination britannique. Il est intéressant de constater que ce sont deux expéditions purement françaises qui, au moyen âge, ont amené les deux révolutions d'où est sortie l'Egypte moderne. La première est celle d'Amaury Ier, roi de Jérusalem (1167), qui provoqua la chute de la dynastie des khalifes fatimides et l'avènement des ayyoubides. Les conséquences de cette révolution ont été incalculables, non seulement pour l'Egypte, mais aussi pour les destinées du monde musulman tout entier, car elle fit rentrer dans le sein de l'orthodoxie sunnite un pays qui tendait à s'en écarter de plus en plus et à devenir un foyer d'où le Schisme iranien aurait bientôt gagné le Maghreb, le Soudan et le Darfour. La vie du monde musulman serait depuis longtemps complètement renversée, et ce serait le Schisme, qui, au lieu d'être l'hérésie de l'Islam, aurait relégué le Sunnisme orthodoxe au second plan, en faisant triompher l'antique idée messianique de l'Iran.
La seconde de ces expéditions, celle que saint Louis conduisit en 1250 au désastre de la Mansourah, n'eut pas de moindres conséquences, car ce fut elle qui causa la chute de la dynastie ayyoubide et qui permit aux Mamlouks turcs de s'asseoir sur le trône de Saladin. Renversés par la conquête turque de 1517, les Mamlouks n'en gardèrent pas moins la suprématie sur cette Egypte qui avait été leur domaine, et leur organisation militaire : ce furent eux qui la défendirent, le jour où une nouvelle invasion des Francs faillit l'arracher au joug des Osmanlis.
L'expédition de 1798 n'a pas été, elle non plus, sans beaucoup influer sur les destinées politiques de l'Egypte ; elle secoua la torpeur dans laquelle ce pays s'était endormi, sous la double tyrannie du Padischah de Stamboul, l'ombre d'Allah sur la terre, et des beys mamlouks, descendants des vaillants soldats qui, à deux reprises, avaient sauvé l'Islam et la chrétienté du joug des Mongols de Gengis Khan et des Turcs de Timour-Beg. Sans doute, son influence est moins immédiatement visible que celle de la troisième et de la septième croisades, car nous sommes encore trop près de ces événements pour en saisir complètement toute la portée et toutes les conséquences ; mais il est certain qu'elle ne fut pas étrangère à la naissance de l'état politique actuel de l'Egypte et à l'avènement de la dynastie de Mehmet Ali, en montrant aux habitants de la vallée du Nil qu'il y avait pour eux un sort différent de celui qui avait été le leur jusqu'à ce moment, sinon meilleur.
Un des résultats les plus extraordinaires de l'expédition de Bonaparte en Egypte est qu'elle faillit amener la restauration de la dynastie des Mamlouks qui avait été renversée par Sélim-Khan. Obligés de subir le joug insolent des Osmanlis, les beys mamlouks n'avaient jamais complètement perdu l'espoir d'une revanche qui n'était peut-être pas aussi chimérique qu'on pourrait se l'imaginer à première vue. L'affaiblissement progressif de la dynastie d'Osman et le relâchement des liens de vassalité qui reliaient les pays de l'Afrique du Nord à la cour du sultan des Turcs, l'auraient insensiblement amenée, si l'Egypte, depuis le premiers tiers du xixe siècle, n'avait pas rompu définitivement avec son passé pour entrer dans une voie nouvelle où l'attendent de tout autres destinées; il est certain que si Mehmet Ali n'avait pas fait massacrer, en 1811, tous les beys, l'Egypte aurait bien pu recouvrer son indépendance sous une troisième dynastie mamlouk.
La Turquie, qui avait pillé et rançonné l'Egypte comme les Romains eux-mêmes n'avaient pas osé le faire, lui laissait le soin de se défendre toute seule, et elle n'entretenait même pas, sur les bords du Nil, un corps d'occupation qui la mît à l'abri d'un coup de main, en permettant de tenir un assaillant en échec jusqu'à l'arrivée de renforts envoyés d'Europe.
Aussi le débarquement des troupes de Bonaparte près d'Alexandrie trouva-t-il l'Egypte presque sans défense, et il n'y eut guère que les Mamlouks qui tentèrent de résister à l'armée française ; mais les forces dont disposait leur chef, le célèbre Mourad-Bey, consistaient surtout en cavalerie, l'artillerie et surtout l'infanterie n'ayant jamais été que l'exception dans cette milice.[3] On sait comment ces intrépides cavaliers, qui n'avaient pour armes que leurs sabres, vinrent se faire hacher par centaines devant les carrés français à la bataille des Pyramides et à Semennoud, et comment le bey, toujours battu, mais toujours insaisissable, s'enfuit en filant le long des rives du Nil, poursuivi par Desaix jusqu'au dessous de Louksor. Trompant la surveillance du vainqueur, Mourad remonta brusquement, le long du fleuve, jusqu'aux Pyramides où il se heurta à Davout. Écrasé par des forces contre lesquelles il n'était pas suffisamment armé pour lutter, le chef mamlouk se jeta dans le désert. Quand le grand vizir Moustafa arriva avec les secours que le Padischah de Stamboul s'était enfin décidé à envoyer en Egypte, Mourad se rendit auprès de lui pour lui offrir de conduire son armée contre les Français; mais le pacha le reçut d'une façon si hautaine, que le fier mamlouk se retira avec les débris de ses troupes et qu'il ne prit aucune part à la bataille d'Héliopolis. La victoire inespérée de Kléber triompha des dernières hésitations de Mourad-Bey, et dans une entrevue qu'il eut, quelques jours plus tard, avec le général français, il reconnut solennellement la suzeraineté des Français sur l'Egypte dont il reçut une partie, le Sa’id, à titre de sultan français ; de plus, Kléber promit de lui faciliter les moyens d'occuper tout le pays dans le cas probable où l'armée française serait obligée de l'évacuer.
La mort de Kléber ruina les brillantes espérances qu'avait fait naître cette entrevue, et l'incapable Menou refusa d'écouter les conseils que lui donnait Mourad-Bey. Toutefois, quand l'armée anglaise eut opéré son débarquement, le général Belliard, forcé d'évacuer la Haute-Egypte, pria le bey de l'occuper avec ses Mamlouks. Mourad se mit en devoir de répondre à cette invitation, mais il mourut au bout de quelques jours. Son successeur, Osman Tamboûradjî, n'avait ni son sens politique ni son énergie, et l'Egypte retomba sous le joug de la Turquie jusqu'au jour où Mehmet-Ali se révolta contre le sultan Mahmoud II.
C'est ainsi que se termina brusquement la carrière de cet homme que l'on ne peut guère comparer qu'à l'émir Abd-el-Kader, mais dont le rôle en Orient aurait été autrement éclatant si la mort ne l'avait point enlevé au moment où il allait fonder la troisième dynastie des Mamlouks en Egypte.
C'est surtout à partir du règne du khalife fatimide al-Mosta 'li billah, fils et successeur de Mostansir billah Abou Tamîm Ma'd, que les rapports entre l'Egypte et l'Occident deviennent plus fréquents. C'est, en effet, sous le règne de ce khalife que se place la première croisade et la prise de Jérusalem en 1099. Depuis cette date jusqu'en l'année 1291, où le fils d'al-Mansour-Kalâoûn, al-Malik al-Ashraf-Salah ad-Din Khalil, chassa les Chrétiens de leurs dernières possessions sur les côtes de Syrie, il n'y eut guère d'année où les troupes musulmanes et les milices franques ne se trouvassent face à face.
Si les soldats du Christ n'avaient eu à lutter que contre les fatimides, l'Egypte serait bientôt devenue une colonie de l'Occident et les étendards des Francs n'auraient pas tardé à flotter sur les murs du Caire ; on peut croire même que ce n'était pas uniquement par nonchalance et par inertie que les fatimides, ou plutôt leurs vizirs, n'opposaient aux Francs qu'une résistance à peu près nulle, et peut-être n'auraient-ils pas été fâchés de leur voir porter un coup funeste au Khalifat orthodoxe. Si les Chrétiens s'étaient bornés à s'emparer de la Syrie, il est probable que les khalifes du Caire la leur auraient assez facilement abandonnée, car il y avait bien peu de temps qu'al-Afdal-Shâhânshâh l'avait enlevée aux Turcs, et sa possession était fort mal assurée entre les mains des fatimides ; mais les attaques répétées des Croisés contre l'Egypte elle-même les força à implorer le secours du souverain d'Alep et de Damas. On verra, dans la suite de cette histoire, que ce fut là le commencement de la dynastie ayyoubide qui s'étend avec huit souverains de l'année 1171 à l'année 1249.
Le règne des ayyoubides sauva l'Egypte de l'invasion étrangère et il marque un temps d'accalmie dans l'anarchie qui se perpétuait autour d'un trône chancelant, occupé par des souverains livrés aux plus abjectes débauches, gouvernés par leurs favorites et les plus vils de leurs esclaves. Sans doute l'Egypte, pressurée et dépouillée par une administration famélique, a, plus d'une fois, connu des heures d'une misère si noire et si profonde que l'historien se demande comment elle a eu la force de les passer ; dans aucun pays peut-être l'anarchie ne fut plus complète qu'au temps des Toulounides et des Ikhshidites et le règne des sultans Mamlouks et des Tcherkesses est écrit en lettres de sang dans les annales de l'Egypte ; mais jamais l'on ne vit une époque aussi affreuse que celle qui s'étend depuis l'avènement de Mostansir billah jusqu'à l'avènement de Salah ad-Din. Tout concourait à la ruine de l'Egypte : l'autorité morale du Khalifat fatimide avait été à peu près ruinée par les folies d'al-Hakim-bi-Amr-Allah et l'étrange conduite de sa sœur; ce n'était pas le faible Mostansir qui devait la relever.
Livré aux intrigues de sa mère et de ses vizirs qu'il changeait sans cesse, s'abandonnant aux hasards d'une politique qui n'envisageait jamais le lendemain, le khalife dut se résigner à subir à la fois la tyrannie des Nègres et celle des Turcs. Les Nègres s'appuyaient sur sa mère qui était d'origine soudanaise et qui le tenait dans une telle dépendance qu'il lui arriva de songer à se retirer dans une mosquée pour y finir ses jours; les Turcs comptaient dans leurs rangs les meilleurs officiers de l'armée égyptienne. Les luttes des deux partis ensanglantèrent l'Egypte durant de longues années et elles ruinèrent le pays plus encore que ne l'aurait fait une invasion étrangère. On vit, en 457 de l'hégire (1064-1065 de J.-C.), les Turcs s'emparer d'Alexandrie et de tout le pays environnant, pendant que les Nègres mettaient la main sur le Sa’id, de telle sorte que l'empire du khalife se trouva réduit à la seule ville du Caire et aux quelques lieues de terrain que l'on pouvait découvrir du haut de ses murailles. Après des combats d'une sauvagerie atroce, les Turcs finirent par massacrer les Nègres, dont toute la bravoure ne put triompher de la discipline de leurs adversaires. Leur général, Nasir ed-dauleh s'arrogea l'autorité suprême pendant que le khalife était tenu dans une étroite surveillance. Ce fut l'une des époques les plus affreuses qu'ait traversées l'Egypte ; les Turcs n'eurent pas honte de réclamer à Mostansir des sommes énormes comme prix du service qu'ils lui avaient rendu en exterminant les Nègres. Comme le malheureux prince n'avait pas une seule pièce d'argent à leur donner, ils se payèrent en enlevant de son palais tout ce qui avait quelque valeur·. Les chroniqueurs musulmans racontent des faits qui révoltent l'historien comme s'ils dataient d'hier : les Turcs estimaient les riches vases d'or, les armures ciselées et les étoffes brochées que les fatimides avaient accumulés dans le palais du Caire à quelques dirhems et des soudards ivres s'emparaient ainsi sans vergogne des merveilles de l'art musulman. Mostansir billah Abou Tamîm-Ma'd laissa les barbares accomplir leur œuvre d'anéantissement jusqu'au bout; il ne chercha même pas à résister quand on pilla sa bibliothèque, l'une des plus riches de tout l'Islam. A quoi, d'ailleurs, sa résistance eût-elle servi ? La même année, une famine épouvantable sévit sur l'Egypte et la peste ne tarda pas à naître des amoncellements de cadavres qu'on avait laissés sans sépulture. Réduit à la détresse la plus profonde, le khalife se résigna devant la volonté d'Allah ; il passait ses journées accroupi sur une natte pourrie qui tombait en lambeaux, gardé par trois vieux esclaves à demi-nus qui, seuls, lui étaient restés fidèles de la nombreuse domesticité de son palais. « Il serait mort de faim sans l'assistance d'une femme charitable qui, pendant le temps de la famine, dépensa en aumônes toute sa fortune qui montait à des sommes immenses. Une fois par jour, elle envoyait à Mostansir, ainsi qu'aux autres pauvres, une écuelle de potage qui composait toute la nourriture de ce prince.[4] »
Le khalife resta dans cette misérable situation durant de longues années, attendant que la justice d'Allah lui permît de rendre à la dynastie du Mahdi la gloire de ses premiers jours ; s'il n'y parvint pas, c'est qu'elle était condamnée, depuis al-Hakim-bi-Amr-Allah, à une décadence que rien ne pouvait plus arrêter.
La dynastie fatimide est certainement l'une de celles qui ont le plus rapidement lassé et dégoûté les Égyptiens ; ce n'était point qu'on lui reprochât d'être venue de l'étranger, où ses ancêtres menaient une vie assez modeste, pour s'emparer d'un des pays les plus riches qui soient au monde, et d'en avoir fait son bien ; les Egyptiens étaient depuis longtemps accoutumés à de pareilles choses ; ils le montrèrent bien en acceptant au xiie siècle la souveraineté des ayyoubides, dont les ancêtres étaient des pillards Kurdes, et, un peu plus tard, celle des Mamlouks qui, jusqu'à la veille de la conquête de Sélim, se recrutèrent parmi ce que l'élément turc et mongol pouvait offrir de plus bas. Ce que les Égyptiens reprochaient aux fatimides était d'un ordre tout différent : c'était d'avoir introduit au Caire et de chercher à répandre dans toute la vallée du Nil les pratiques du Schisme iranien, de l'hétérodoxie musulmane aux yeux des vrais croyants, d'être en un mot des Rafidis, des Ismaïliens, des Bathéniens, des maudits d'Allah. Ces reproches étaient, d'ailleurs, bien platoniques et, s'il y avait quelques émeutes au Caire, le jour d'Achoura, à la cérémonie commémorative de l'assassinat d'Hosain, fils d'Ali, cela se bornait toujours à quelques têtes cassées, et la police seule avait à intervenir. Dans tout autre pays musulman, et à n'importe quelle époque, de pareilles cérémonies auraient soulevé une épouvantable révolution au milieu de laquelle aurait sombré la dynastie qui eût osé les faire célébrer. Mais les Egyptiens, gens accoutumés de longue date, depuis les Pharaons, à courber l'échine sous la matraque d'un chef quelconque et à ne jamais récriminer, se bornaient à réprouver, en petit comité, les détestables pratiques des fatimides et à appeler sur ces Karmathes la malédiction d'Allah et de son Prophète ; il n'y avait que les têtes chaudes qui allassent manifester dans la rue, cela leur coûtait quelquefois assez cher pour ôter aux autres l'envie de les imiter. Ce ne fut guère que sous le règne d'al-Hakim-bi-Amr-Allah que de vraies séditions éclatèrent au Caire; mais il faut bien dire que les fantaisies sanguinaires de ce monstre dépassaient tellement ce qu'on était accoutumé à voir et à subir que des révoltes involontaires et inconscientes étaient inévitables même chez les gens les plus calmes. Malgré la longanimité et la tolérance des Égyptiens, cette situation ne pouvait pas se prolonger indéfiniment ; les dernières années du règne d'al-Mostansir avaient pu faire croire à un renouveau de la dynastie fatimide ; mais la décadence irrémédiable commence avec son fils al-Mosta'lî et elle se continue, s'accentuant toujours, jusqu'à al-Thâfir et al-'Adad. Aussi Salah ad-Din n'eut-il réellement qu'à étendre la main pour recueillir la succession des descendants du Mahdi. La dynastie des ayyoubides, qui est l'un des centres de l'histoire musulmane, eut des commencements fort modestes. Le khalife fatimide al-'Adad avait supplié Nour-ad-Din, souverain d'Alep et de Damas, de l'aider à chasser les Francs de ses états ; ce prince envoya en Egypte un corps de troupes commandé par l'émir Nadjm ad-Din Ayyoub, d'origine kurde ; ce général emmena avec lui son neveu Yousouf qui devint peu de temps après le célèbre sultan Salah ad-Din. On verra, dans la suite de cette histoire, comment l'émir Nadjm ad-Din parvint à se faire nommer vizir du khalife et de quelle façon cette dignité inattendue passa à son neveu, tous les deux étant restés officiellement au service de Nour-ad-Din. Avant de venir chercher fortune chez le sultan d'Alep et de Damas, la famille d'Ayyoub avait été la cliente du gouverneur de Bagdad, et elle avait dû s'exiler à cause d'une affaire assez louche, sur laquelle on n'est qu'imparfaitement renseigné. Quoi qu'il en soit, le récit de tous les écrivains musulmans, montre que Nadjm ad-Din Ayyoub et son neveu Salah ad-Din furent éblouis par la richesse de l'Egypte et que, dès qu'ils y furent entrés, ils n'eurent plus qu'un désir, celui de n'en plus sortir. Du côté des Égyptiens, la tâche était des plus faciles; il n'y avait qu'un obstacle sérieux, Nour-ad-Din, qui avait fourni son armée et qui comptait bien garder l'Egypte pour son propre compte. Salah ad-Din ne l'ignorait pas et il savait que le jour où le sultan d'Alep et de Damas marcherait contre lui, il lui serait matériellement impossible de résister et de se maintenir dans le pays qu'il avait conquis. Un instant, il eut une telle peur de se voir arracher l'Egypte qu'il envoya son frère al-Malik al-Mo'aththam Tourânshâh faire la conquête du Yémen, pour avoir au moins une contrée où se réfugier en cas de besoin. Nour ad-Din s'aperçut bientôt de la trahison de Salah ad-Din et il lui intima en termes catégoriques l'ordre de rentrer en Syrie ; Salah ad-Din chercha à gagner du temps et inventa toutes sortes de prétextes pour ne pas obéir à l'ordre de son souverain. Nour ad-Din allait se mettre en marche pour châtier le rebelle, quand il mourut presque subitement.
Cette mort débarrassa le jeune conquérant du plus grand danger qu'il eût jamais couru et elle vint juste à point pour lui permettre d'établir sans crainte sa souveraineté sur l'Egypte, tellement qu'on est porté à se demander jusqu'à quel degré il y resta étranger.
La souveraineté de l'Egypte et du Yémen ne suffisait point à l'ambition du fils du petit gouverneur de Tékrit ; à peine Nour ad-Din eut-il rendu le dernier soupir qu'il ne pensa plus qu'à s'emparer de toute la Syrie et de la Mésopotamie. La situation intérieure de l'Egypte au lendemain de la mort d'al-'Adad était assez précaire. Les Égyptiens n'avaient guère à se louer, à aucun point de vue, de la dynastie fatimide, mais cela ne l'empêchait pas de compter d'assez nombreux partisans jusque dans les provinces voisines de la Nubie, surtout parmi les Nègres. L'autorité de Salah ad-Din ne s'établit pas sans quelque difficulté, bien que tous les descendants et collatéraux du khalife déchu eussent été prudemment enfermés dans les forteresses, et plus d'une fois, au milieu des nuits étoilées du Caire, on entendit retentir dans les rues le cri des Chiites « Vive la famille d’Ali! ».
La répression fut impitoyable et elle coûta la vie à des hommes d'une haute valeur intellectuelle; mais on n'en saurait blâmer Salah ad-Din, car, en définitive, il s'agissait de l'existence même de la dynastie qu'il voulait fonder en Egypte.
Nour ad-Din laissait ses états à son fils al-Malik as-Sâlih Ismâ'îl qui venait d'atteindre sa onzième année. Jamais empire ne dura longtemps en Orient aux mains d'un enfant; son cousin, Saïf ad-Din Ghazi, n'eut pas de peine à s'emparer de la Mésopotamie avec Maûsil comme capitale et les émirs de Damas eurent bientôt fait de livrer à Salah ad-Din la ville qu'ils étaient chargés de défendre. Menacé dans Alep même, Ismâ'îl fut obligé d'implorer le secours des Francs maudits, comme l'avait fait al-'Adad. « Kumushtikîn, dit l'historien d'Alep, Kamal ad-Din ibn al-'Adîm, avait remis en liberté Raymond, prince de Tripoli, qui avait été fait prisonnier par Nour-ad-Din, moyennant le payement de 150.000 dinars. Il [Raymond] prit alors la place de Morrî (Amaury) ; on écrivit d'Alep à ce prince pour lui demander d'aller attaquer une des provinces qui appartenaient à Salah ad-Din. » Le roi de Jérusalem ne se fit pas prier pour exécuter ce qu'on lui demandait, et il vint mettre le siège devant Homs, pendant que Salah ad-Din assiégeait Alep. Le sultan d'Egypte n'eut que le temps de marcher en toute hâte vers Homs pour ne pas voir cette importante place tomber entre les mains des Francs. A partir de ce moment, Salah ad-Din chercha à s'insinuer dans les affaires déjà si compliquées de la famille de Nour ad-Din et à la diviser pour en venir plus facilement à bout. Saïf ad-Din Ghazi, prince de Maûsil, et son frère ‘Imad ad-Din Zangui, souverain de Sindjar, s'étant déclaré la guerre, Salah ad-Din soutint les prétentions du second, pendant que Ghazi s'alliait avec son cousin, le sultan d'Alep, Ismâ’îl, qu'il avait dépouillé quelque temps auparavant d'une bonne partie de son royaume. Salah ad-Din comptait sans cette alliance qui le prit au dépourvu, et il offrit aux deux alliés de faire la paix à des conditions fort avantageuses pour eux, comme les événements ne tardèrent pas à le montrer : il leur demandait de lui reconnaître officiellement la souveraineté de l'Egypte, s'engageant à rendre Homs et Hamâh. C'était, de sa part, un premier pas vers l'abandon de la Syrie. Ismâ'îl et Ghazi crurent que Salah ad-Din ne leur faisait ces ouvertures que parce qu'il lui était impossible de leur résister, aussi s'empressèrent-ils de refuser avec arrogance; une sanglante défaite que leur infligea le souverain de l'Egypte leur montra un peu tard que leurs suppositions étaient très mal fondées. Cette fois, Salah ad-Din faillit s'emparer d'Alep; mais, heureusement pour Ismâ'îl, il consentit à traiter à des conditions à peu près raisonnables (570 de l'hégire).
Al-Malik as-Sâlih Ismâ'îl, fils de Nour-ad-Din, régna à Alep jusqu'au jour de sa mort (577); mais le cercle des possessions de Salah ad-Din s'était rétréci de plus en plus autour de l'antique ville syrienne et, quelques mois plus tard, le cousin d'Ismâ'îl, ‘Imad ad-Din Zangui, son second successeur, la rendait à Salah ad-Din en échange de Sindjar. A partir de ce moment, le sultan d'Egypte eut le droit de se faire proclamer également souverain de la Syrie.
Si Salah ad-Din agit d'une façon quelquefois moins qu'honnête envers la famille de Nour-ad-Din, sa politique vis-à-vis des Francs fut toujours de la plus grande franchise, et il ne leur cacha jamais que son but suprême était de les expulser de Syrie.
Le roi de Jérusalem, Amaury, frère et successeur de Baudouin III, mourut peu de temps après Nour-ad-Din, le 11 juillet 1173, laissant le trône à son fils Baudouin IV, que des infirmités précoces rendaient incapable d'exercer l'autorité royale. Sa sœur Sibylle avait épousé en secondes noces un chevalier français, Guy de Lusignan, que son manque d'intelligence et sa lâcheté rendaient peu digne d'un tel honneur.
Ce fut pourtant à lui que le jeune roi confia le lourd fardeau de défendre et d'administrer le royaume latin de Jérusalem ; tous les princes et les barons furent révoltés par la faveur dont Baudouin le Lépreux honorait son beau-frère, et l'ambitieux comte de Tripoli manifesta son indignation plus violemment encore que les autres seigneurs. Baudouin ne sut ou ne put défendre Guy contre les intrigues de ses vassaux et, malgré l'amour qu'il ressentait pour sa sœur Sybille, il alla jusqu'à exiger qu'elle se séparât de lui. Seule, l'intervention du Patriarche et des Grands-Maîtres de l'ordre du Temple et de l'Hôpital prévint ce scandale ; mais Baudouin IV enleva la régence à Guy et mit la couronne sur la tête du fils que Sybille avait eu de son premier mari, le marquis de Montferrat. A la mort de Baudouin et de son neveu, qui se succédèrent à très peu d'intervalle, le Patriarche et les Grands-Maîtres proclamèrent Guy de Lusignan et Sybille souverains de Jérusalem ; après avoir violemment protesté, les barons finirent par leur prêter serment, à l'exception du comte de Tripoli qui se retira à Tibériade et qui conclut une alliance avec le sultan d'Egypte et de Syrie. Salah ad-Din n'eut pas grand-peine à détruire ce royaume livré à une anarchie presque complète, à une époque où l'enthousiasme religieux était bien loin d'être ce qu'il était au temps de Pierre l'Ermite. Ce fut Guy de Lusignan qui conduisit l'armée chrétienne à la débâcle de Hittîn ; la prise de Jérusalem fut le résultat immédiat de cette défaite et le royaume latin se trouva réduit à quelques villes éparses sur le littoral de la Méditerranée. On peut dire que c'est de ce jour que date la ruine des établissements des Francs en Syrie, car la brillante expédition du roi Richard d'Angleterre n'avança pas beaucoup les affaires des Croisés, et elle laissa la ville sainte aux mains des Musulmans. L'empereur d'Allemagne, Frédéric II, obtint davantage du sultan d'Egypte, al-Malik al-Kâmil, puisqu'il rentra en maître dans Jérusalem, mais ce ne fut là qu'un triomphe sans lendemain. On sait de quelle lamentable façon se termina la première croisade de Saint Louis.
Il n'est pas douteux que deux règnes comme celui de Salah ad-Din eussent largement suffi aux Musulmans pour expulser définitivement les Francs de la Palestine ; mais les circonstances politiques qui suivirent la· mort du conquérant ne permirent pas aux sultans, ses successeurs, de tourner toutes leurs forces contre les Chrétiens ; les premiers Mamlouks se heurtèrent aux mêmes difficultés et, de plus, ils eurent à lutter contre les armées jusque là invincibles des Mongols. Ce fut seulement le jour ou leur empire fut solidement établi que Kalâoûn et son fils al-Ashraf-Khalil purent enlever aux Francs leurs dernières possessions en Terre-Sainte.
Salah ad-Din divisa ses états entre ses nombreux fils, laissant le trône d'Egypte et la suzeraineté nominale sur tous les ayyoubides à al-Malik el-Aziz ‘Imad ad-Din Abou’l Fath Othman. Cette mesure, qu'il lui était difficile de ne pas prendre par suite de la conception de la famille en Orient, fut la cause première de l'effondrement rapide de l'empire qu'il avait si péniblement fondé ; une destinée identique arriva pour la même cause aux royaumes de Gengis Khan et de Tamerlan. Ce serait anticiper sur le récit de Makrizi que de raconter, même très brièvement, les discordes et les querelles qui ne cessèrent de diviser les ayyoubides jusqu'au dernier jour de leur dynastie. A n'importe quelle époque on ne vit et on ne verra probablement jamais de rivalités aussi mesquines et des marchandages aussi éhontés ; les quarante-huit années qui s'écoulèrent entre la mort de Salah ad-Din et l'avènement de Nadjm ad-Din Ayyoub au trône d'Egypte virent s'ourdir des intrigues de tout genre dont l'unique but était la possession de la vallée du Nil que tous les princes ayyoubides, même les plus petits, ne cessèrent de convoiter jusque sous le règne des Mamlouks. Bien que ces disputes sans fin et ces compétitions incessantes aient énervé de bonne heure la dynastie ayyoubide et l'aient condamnée à une décadence précoce, il n'en est pas moins vrai que Nadjm ad-Din précipita par ses actes inconsidérés la ruine de sa famille; c'est, en effet, ce prince qui imagina d'instituer la milice des Mamlouks et qui en fit sa garde particulière ; c'était placer assez mal sa confiance, comme les événements ne tardèrent pas à le montrer. Quelques années plus tard, en effet, le sultan al-Malik al-Mo'aththam Tourânshâh tombait victime d'un complot que les Mamlouks avaient tramé contre lui. Historiquement, il n'y a pas de solution de continuité entre les deux dynasties ; car le premier sultan mamlouk, Izz ad-Din Aïbec est l'époux de la veuve de l'avant-dernier souverain ayyoubide de l'Egypte, al-Malik as-Sâlih-Nadjm ad-Din Ayyoub;[5] l'organisation politique de l'Egypte est la même sous les deux règnes et l'administration compliquée des Mamlouks Bahrites et des Circassiens n'est que le développement de celle des ayyoubides.
L'ouvrage historique de Makrizi comprend le règne des ayyoubides et celui des deux dynasties des Mamlouks jusqu'en l'an 844 de l'hégire (1440-1441 de J.-C.). Il commence par une introduction de quelques pages dans laquelle se trouve exposée l'histoire du khalifat abbasside, celle des princes Bouyides et, enfin, celle des sultans Seldjoukides; ce n'est évidemment pas la partie la plus importante du Soloûk, car les événements qui y sont rapportés, d'ailleurs brièvement, sont bien antérieurs à l'auteur; cependant je ne l'ai pas exclue de ma traduction parce qu'on y lit quelques détails que l'on ne rencontre pas ailleurs.
Avant d'écrire le Soloûk, Makrizi avait composé deux autres ouvrages historiques, le « Collier des perles des écrins sur l'histoire de la ville de Fostat » (akd djavâhir al isfât fi tarikh madînat al Fostat) qui ne nous est point parvenu, mais qui existe peut-être encore dans quelque bibliothèque inexplorée d'Egypte ou de Mésopotamie, et le Itti’ath al honafâ bi akhbâr al ayumma al khulafâ, histoire de la dynastie des khalifes fatimides. La perte de la première de ces chroniques est très regrettable, bien qu'il soit probable que l'auteur s'est référé aux mêmes sources que celles où a puisé Abou’l Mahâsin ibn Taghrî-Bardî quand il écrivit le Nodjoûm-az-sâhirah-fi-moloûk-Misr-wa'-l-Kâhirah. C'est, sans nul doute, pour ne pas avoir l'air de faire des ayyoubides les successeurs des khalifes fatimides que Makrizi a ainsi scindé en deux parties sa grande Egypte.
La théorie de Makrizi sur la transmission du pouvoir souverain, aux ayyoubides est assez curieuse pour être exposée ici avec quelques détails. Le Khalifat fatimide qui, avec al-Mo'izz li-dîn-Allah, enleva la vallée du Nil au pouvoir des khalifes abbassides orthodoxes, est considéré par les historiens Sunnites de l'Egypte comme une enclave et une solution de continuité dans la vie politique de ce pays, le véritable souverain de toutes les contrées musulmanes étant toujours le pontife suprême de Bagdad et nul autre que lui n'ayant le droit de se prétendre maître d'un pouce des territoires de l'Islamisme.
Aussi, pour les chroniqueurs musulmans, la souveraineté des ayyoubides n'est point la suite historique de celle des khalifes fatimides, usurpateurs du pouvoir des khalifes de Bagdad et, comme dynastie légitime, leur souveraineté doit être une délégation, avec un certain nombre d'intermédiaires, de celle du Khalifat abbasside. Un des dogmes fondamentaux de l'Islamisme est que toute la partie connue du monde appartient au lieutenant du Prophète sur la terre, c'est-à-dire au khalife abbasside. C'est au nom de ce principe que les Musulmans des premiers âges se précipitèrent à l'assaut de l'ancien monde, et qu'ils subjuguèrent les puissants empires des Khosroès et des Césars. Tant que l'autorité morale du Khalifat demeura incontestée, ce principe ne souffrit aucune exception, et les provinces les plus éloignées de la Perse comme celles que baignent les flots de l'Atlantique furent gouvernées par de simples lieutenants du khalife. Les liens qui unissaient ces contrées à la capitale de l'Islamisme se relâchèrent peu à peu durant les deux premiers siècles de l'hégire et des dynasties locales cherchèrent à se substituer au Khalifat abbasside. La tâche ne leur fut point difficile, car les khalifes d'alors, abandonnant la voie que leur avaient tracée leurs ancêtres, vivaient retirés au fond de leurs palais, livrés à toutes les intrigues d'une cour dissolue et efféminée. De plus, l'autorité spirituelle et morale du Khalifat, qui était sa seule raison d'être, avait été gravement ébranlée par les révolutions qui avaient fait succéder les Omeyyades aux khalifes orthodoxes et les Abbassides aux Omeyyades. L'élément intellectuel de la civilisation musulmane en arrivait à penser, à dire et même à écrire que le Khalifat ne valait guère mieux que les royautés et les empires sur les ruines desquels s'était édifiée la puissance de l'Islam. Lutter contre les factieux dans l'état d'affaiblissement du Khalifat était chose à peu près impossible et les vicaires du Prophète savaient fort bien à quoi ils s'exposaient en essayant de faire rentrer sous leur autorité les provinces qui s'en étaient écartées. Si encore le soulèvement avait été localisé sur un point unique de l'empire, il aurait été possible de lutter avec avantage contre les rebelles ; mais il était à craindre au contraire que les provinces qui étaient restées tranquilles jusque là ne profitassent de ce que le khalife était occupé dans une contrée lointaine pour se révolter à leur tour. Le Khalifat fut réduit à chercher des alliés et un appui parmi ceux qui semblaient appelés à devenir ses pires ennemis ; il choisit les Persans et les gens de l'Est de l'empire, qu'il combla de dignités et qu'il gorgea d'or, en les chargeant de faire la police du reste de ses états. Quoique, depuis ce moment, les khalifes aient vu leur autorité passer graduellement aux mains de ces princes qui jouèrent auprès d'eux le rôle des maires du palais chez les rois de la première race, il n'en est pas moins incontestable que c'est seulement à cet expédient que le Khalifat abbasside dut de vivre, ou plutôt de végéter, jusqu'au jour où il s'effondra enfin devant les soldats des successeurs de Gengis Khân.
La Perse ou plutôt l'Iran fut une des premières contrées qui entreprirent de secouer le joug de Bagdad, et l'on peut dire que, depuis les premiers jours de la conquête, la révolte avait toujours été à l'état latent dans ce pays. Du jour où Yakoub ibn Laïs se rendit indépendant, les khalifes n'eurent plus qu'une autorité toute morale et toute nominale sur la Perse, le pouvoir temporel étant passé aux mains des dynasties indigènes, Saffârides, Samanides et Ghaznévides. Si ces deux dernières dynasties avaient privé les khalifes abbassides d'une grande partie de leur souveraineté en Perse, elles n'avaient nullement l'intention de se substituer à eux et de leur enlever Bagdad avec l’Irak.
Les Bouyides ou Deïlémites qui vinrent après elles, n'eurent au contraire pas d'autre but, et c'est un fait qui s'explique aisément. Les Sâmânides et les Ghaznévides régnaient dans des pays fort éloignés de Bagdad, à l'extrême-est de l'Iran, et qui, sans être très riches, étaient d'un bon rapport ; il en était tout autrement pour les Deïlémites sortis d'une province qui était l'une des plus pauvres de la Perse, et toute voisine de l'Irak. La prospérité de Bagdad, opposée à la misère de leur pays, était bien faite pour exciter leurs convoitises et cela explique pourquoi le Déilem « descendit », suivant l'expression des historiens arabes, dans la capitale du monde musulman.
Les descendants d'Ali-Boûyah devinrent aussitôt « émirs des émirs » et furent investis des prérogatives royales, c'est-à-dire qu'ils jouirent de celles qui sont attachées à l'exercice du pouvoir, le khalife restant le pontife suprême et leur déléguant, par son bon plaisir, son autorité ou plutôt une partie de son autorité temporelle. C'est de cette action que le Khalifat vécut depuis ce moment ; en réalité, les « émirs des émirs » étaient non seulement les maîtres du Khalifat, mais ils tenaient le khalife dans la plus étroite dépendance et ils ne se gênaient nullement pour le faire rouer de coups ou assassiner quand il leur déplaisait.
Vinrent les Seldjoukides. Leur chef, le redoutable Thoghril-Beg, n'eut pas de peine à anéantir le pouvoir de la famille bouïde et, pour l'en remercier, le khalife al-Kaïm lui conféra le titre de sultan de Bagdad.
Ce titre, qui paraît ainsi pour la première fois dans le protocole musulman et dont on devait faire, dans la suite, un usage si fréquent et souvent si peu justifié, donnait à celui qui le portait le droit de souveraineté temporelle absolue sur tous les vassaux des Abbassides, le khalife restant le souverain spirituel du monde entier. On sait que le Khalifat ne gagna pas au change, et que les Seldjoukides le traitèrent plus durement encore que ne l'avaient fait les Bouyides. Quand la famille de Seldjouk se fut divisée en plusieurs branches indépendantes, chacun des souverains qui les représentaient, prit le titre de sultan; mais le prince qui régnait sur l'empire de Thoghril-Beg et dont les états comprenaient Bagdad, devint leur suzerain avec le titre de très grand sultan : al-sultân-al-mo'aththam; en d'autres termes, l'autorité dont ils jouissaient n'était considérée que comme une délégation de celle que le khalife al-Kaïm avait concédée à Thoghril-Beg.[6]
Shâdî ibn Merwân, père de Nadjm ad-Din Ayyoub et grand-père de Salah ad-Din Yousouf, avait été gouverneur de Tékrit, sur le Tigre, au nom des souverains Seldjoukides. Nadjm ad-Din lui succéda dans cette charge qui représentait à peu prés celle de roi (malik) au vie siècle de l'hégire, et ce ne fut que par suite d'une imprudence de son frère Shirkouh, qu'il l'abandonna pour aller chercher fortune chez Nour ad-Din Mahmoud. Ce souverain, qui régnait sur Alep et Damas, n'avait point le droit de porter le titre de sultan qui appartenait aux seuls Seldjoukides, aussi n'est-ce point comme ses successeurs, mais bien comme successeurs de la famille de Thoghril-Beg, que les ayyoubides se réclamèrent de l'autorité suprême.
C'est pour expliquer comment le pouvoir impérial s'est transmis des khalifes abbassides aux ayyoubides et aux Mamlouks que Makrizi a consacré une place relativement étendue dans sa Chronique d'Egypte aux princes bouyides et aux sultans de la dynastie de Seldjouk.
Comme presque toutes les histoires écrites en arabe, le Soloûk est divisé années par années; quand l'auteur a fini de raconter les événements qui ont signalé une année, il passe immédiatement à ceux de la suivante, sans même essayer de les rattacher les uns aux autres; de plus, à la fin de chacun des paragraphes ainsi formés, il consacre une notice nécrologique plus ou moins longue aux personnages les plus importants. Plusieurs chroniques égyptiennes sont divisées d'une façon toute différente : chaque règne est l'objet d'un chapitre spécial dans lequel l'historien raconte en détail l'ensemble des événements qui l'ont signalée; il reprend ensuite, année par année, le détail des faits et les notices nécrologiques. Ces deux parties ont reçu des noms spéciaux dans la littérature arabe : la première se nomme « biographie » tardjumah ou « événements » hawâdith; la seconde « obituaires » wâfiyât. C'est la disposition qu'adopta Djémal ad-Din Abou'l Mahâsin Yousouf ibn Tagrî-Bardî, dans sa grande Egypte, intitulée : al-nodj'oûm-al-zâhirah-fi-moloûk-Misr-wa-'l-Kahîrah. Cela explique le passage de la préface dans laquelle Makrizi dit qu'il a composé le Soloûk sans distinguer entre les Biographies et les Obituaires. On conçoit que chacune de ces méthodes offre ses avantages et que ni l'une ni l'autre n'est exempte de défauts ; celle de Makrizi a le tort de rompre indéfiniment la narration, mais c'est là un inconvénient bien faible chez un historien arabe dont le style est toujours sec, et dont les phrases ne se lient pour ainsi dire pas les unes aux autres.
Makrizi n'indique généralement pas les sources auxquelles il a puisé pour la rédaction du Soloûk ; elles varient d'ailleurs suivant l'époque que l'on considère. Il sera difficile de les déterminer d'une façon certaine, tant que tous les textes relatifs à l'histoire de l'Egypte n'auront pas été publiés avec des index ; on peut néanmoins affirmer qu'il s'est beaucoup servi de l'ouvrage du hâfith 'Abd-al-Athîm-al-Mondirî, du Mofarradj-al-karoûb-fi-akhbâr-moloûk-benî-Ayyoub, par le kadi Djémal ad-Din ibn Wasil; de l'Histoire d’Egypte d'Ibn Abi-Tayyî ; du Mirât-az-zamân de Kizoghlou ibn Sibt-al-Djaûzî, du Kâmil-fi-l-tawârikh d'Ibn Alathyr, et sans doute du Kitab-ar-raudataîn-fî-akhbâr-ad-daûlataîn d'Abou Shama; il est très probable que ce ne sont pas les seuls.
Je ne crois pas inutile de donner ici la liste des ouvrages qui traitent de l'histoire de l'Egypte à l'époque des fatimides, des ayyoubides et des Mamlouks, les Osmanlis étant laissés de côté; c'est-à-dire à l'époque des croisades et postérieurement. J'ajouterai l'indication des sources de toutes celles de ces chroniques dont les manuscrits existent à Paris ; elles sont marquées d'un astérisque pour les distinguer de celles qui n'existent que dans les bibliothèques étrangères.[7] Je ne me dissimule nullement que ces indications doivent être fort incomplètes et plus d'une fois erronées, mais je crois que les lacunes et les fausses attributions que l'on pourra relever sont inévitables dans l'état actuel de notre connaissance de l'histoire musulmane, et c'est ce qui m'a déterminé à publier cette liste que j'avais dressée tout d'abord pour mon usage personnel.
1. Le Lam'at-akhbâr-as-samân, par Mohammad Abou'l Hasan al-Iskandarânî ; histoire du khalife fatimide al-Mo'izz-li-dîn Allah (Escurial, Casiri II, p. 171, col. 2).
2. Le al-samîr-al-ashâb-wa-nuzhat-doûï'-l-albâb, par le cheikh al-Bakri. Histoire générale, dans le iie chapitre de laquelle on trouve quelques détails, sans grande importance d'ailleurs, sur les fatimides (Munich : Catalogue, p. 171).
3. * Une Histoire des monastères d'Egypte, portant le titre inexact de Histoire du shaïkh Abou Sâlih l'Arménien; elle a été composée à partir de 564 hég. et ne paraît pas terminée ; on y trouve quelques renseignements fort curieux sur les fatimides et les ayyoubides (Paris; Bibl. Nat., n° 307).
4. Le Itti'âth-al-honafâ-bi-akhbâr-al-ayumma-al-khulafa, par Ahmad ibn 'Ali ibn 'Abd-al-Kâdir ibn Mohammad ibn Ibrahim ibn Mohammad al-Yatîm ibn 'Abd as-Samad ibn Abî-'l Hasan ibn Yatîm, connu sous le nom d'al-Makrizi ; histoire assez abrégée de la dynastie des khalifes fatimides commençant par la mention des descendants d'Ali. Hadji-Khalfa la nomme Hi'âth-al-honafâ-bi-akhbâr-al-Fâtimiyyîn-al-khulafâ. Le rédacteur du catalogue de Gotha le déclare très intéressant; il faudrait le comparer avec la partie correspondante du Nodjoûm d'Abou’l Mahâsin et ce que Rashid ad-Din raconte dans la Djâmi'-at-tavârikh (Bibliothèque de Gotha, n° 1652).
5. Târikh ibn Mîsar (ou Moyassar) : Chronique d'Egypte de 439 à 553, divisée par années ; l'auteur cite très peu d'autorités : ar-Radi ibn al-Naïb?; 'Alkamah ibn 'Abd er-Razzâk al-'Olaîmî ibn 'Alîmî. L'attribution à ibn Mîsar est plus que douteuse (Paris; Bibl. Nat., ar. 1688).
6. Chronique anonyme allant jusqu'aux fatimides y compris (Bibliothèque de Gotha, ms. n° 1555).
7. * Le Mokhtasar-siyyar-al-avâîl-wa'-l-moloûk-wa-wasîlat-al-'abd-al-moloûk, par Mohammad ibn 'Ali ibn 'Abd-al-Aziz ibn 'Ali ibn Barakât de Hamâh; abrégé d'histoire universelle, contenant quelques notices, d'ailleurs sans grande importance, sur les ayyoubides. L'ouvrage original n'est pas connu d'Hadji-Khalifa (Paris; Bibl. Nat., ms. ar. n° 1507).
8. * Le Nokat-al-'asriyah-fè-akhbâr-al-wuzarâ-al-misrîyah; histoire des vizirs égyptiens ou plutôt autobiographie du poète Nadjm ad-Din Oumâra ibn Abî'-l Hasan-al-Yamanî † 569 (1173-1174) ; ces mémoires ont été composés peu de temps après la mort du vizir Shâver. Le manuscrit d'Oxford donne à cet ouvrage le titre de Madjmoû 'nokat... (Paris; Bibl. Nat., ar. n° 2147).
9. Egypte anonyme, des origines au commencement des ayyoubides (Bibliothèque de Gotha, n° 1648).
10. L'autobiographie de l'émir Ousâma ibn Mourschid ibn Mounkidh ; cet ouvrage a été retrouvé en manuscrit et publié par M. Hartwig Derenbourg. C'est le récit d'un témoin oculaire des luttes des derniers fatimides et de Salah ad-Din contre les Francs ; cet ouvrage, qui est assez important, a été peu connu des historiens orientaux ; il paraît que les manuscrits ne sont guère sortis de la famille des Mounkidhites.
11. * Le Al-fath-al-kossî fi-l-fath-al-Kodsî; histoire de la conquête de Jérusalem par le sultan Salah ad-Din, écrite dans un style très pompeux par ‘Imad ad-Din Abou 'Abd-Allah-Mohammad ibn Mohammad al-Isfahânî, secrétaire du sultan ; Hadji-Khalfa (IV, 505, 9376) lui donne le titre de al-kadh-al-kossî... C'est un ouvrage fort important, mais d'une lecture extrêmement pénible (Paris; Bibl. Nat., ms. ar. 1693).
12. Fragment d'une chronique sur les ayyoubides (Gotha, 1550-1558).
13. Correspondance politique du kadi Abou Ali 'Abd-er-Rahim ibn Abou 'l-Hasan-'Ali, surnommé le kadi-al-Fâdil, vizir de Salah ad-Din et de plusieurs de ses successeurs, f 596 (1200 J.-C). Elle comprend en particulier le diplôme par lequel le khalife fatimide al-'Adad li-dîn Allah conféra le vizirat à Asad ad-Din Shirkouh et à Salah ad-Din, et des lettres sur la conquête d’Amid, de Tell-Khalid, d'Alep, etc. (Catal. des mss. de Munich, p. 156).
14. Le al-Bark-al-shâmî, par Abou 'Abd-Allah-Mohammad ibn Mohammad, surnommé Imad ad-Din al-Kâtib-al-Isfahânî (f 597) ; récit des conquêtes de Salah ad-Din en Syrie par un témoin oculaire; cet ouvrage comportait sept volumes (Hadji-Khalfa, II, 43,1778). (Oxford, Catalogue, Tome I, n. 761).
15. Le Kitab-kavânîn-ad-davâvîn, par le vizir Sharaf ad-Din Abou Makârim ibn Abi Sa'id ibn Mammâti, qui fut placé par le sultan Salah ad-Din à la tête de l'administration de l'Egypte et qui mourut en 606. C'est un traité d'administration (British Muséum, Catalogue Supp. n° 553).
16. *Le Kâmil-fi-'l-tavârîkh, d'Ibn Alathyr ; chronique générale depuis les origines jusqu'en 628 (1231 J.-C.) de l'hégire ; il a copié pour l'histoire de l'antiquité la chronique de Tabari. C'est un ouvrage fort important pour l'histoire de l'Egypte, car l'auteur est mort en 1233 de notre ère et a par conséquent été témoin de la plupart des événements qu'il raconte; de plus, il eut communication de la correspondance de Salah ad-Din avec les autres sultans. Ibn Alathyr ne cite pas ses sources.
17. * Le al-navâdir-al-sultâniyyah-wâ'-l-mahâsin-al-Yoûsoufiyyah, par Bahâ ad-Din Abou'l Mahâsin Youssouf ibn Rafi ibn Shaddâd, né en 539 (1235 de J.-C.) et mort à Alep en 632 (1145 de J.-C), après avoir été premier ministre d'al-Malik ath-Tahir-Ghazi, fils de Salah ad-Din. Cet ouvrage, qui a été publié dans les Historiens orientaux des croisades (t. III, 1ère partie), porte aussi le titre de Sîrat-al-sultân-al-Malik al-Nasir-Salah-ad-Din; mais le vrai titre, celui qui est indiqué dans la préface, est le premier. Cette chronique est fort importante, l'auteur ayant été témoin d'un grand nombre des événements qu'il raconte.
18. * L'Histoire des Patriarches d'Alexandrie (Siyyar-al-abâ-al-Batârikah) ; compilation faite sur des sources contemporaines des derniers ayyoubides d'Egypte vers le xiiie siècle de l'ère chrétienne. On en trouvera de nombreux extraits en note.
19. * L'Histoire de Beyrouth et de la famille Bohtor, par Sâlih ibn Yahya (xve siècle), contient quelques renseignements sur les luttes des Croisés contre le sultan Salah ad-Din. Les auteurs cités sont Abou Shama, 'Izz ad-Din Ousâma ibn Mounkidh, Nowaïri (Paris; Bibl. Nat, ar. n° 1670).
20. * L'Alep, intitulée Zubdat-al-halab-fî-târîhh-Halab, par Kamal ad-Din ibn al-'Adîm, s'arrêtant à 640 de l'hégire (1242 J.-C). On y trouve beaucoup de renseignements sur les compétitions des ayyoubides de Syrie et d'Egypte. L'auteur fut contemporain de beaucoup des événements qu'il rapporte; il vivait à la même époque que Bahâ ad-Din ibn Shaddâd et Ibn Alathyr (Paris; Bibl. Nat., ar. 1666).
21. * Le Mirât-az-zamân-fî-târîkh-al-a'yân, par Abou 'l Mothaffar-Youssouf Kizogloû, nommé ibn Sibt-al-Djauzî, c'est à-dire le fils de la fille de Djaûzî (ce que rend le composé turc kizogloû, « fils de fille », qu'il ne faut pas prendre ici en mauvaise part), mort en 654 (12564257). Cette immense chronique que le manuscrit d'Oxford (I, 559) nomme Mirât-az-zamân-fî-ma'rifat-al-khulafâ-wa-'l-a'yân, se composait, suivant Hadji-Khalfa (V, 481, 11726), de quarante volumes; un nommé Kotb ad-Din Moussa ibn Mohammad al-Ba'lbaki, mort en 726 (1325-1326), l'abrégea, tout en le continuant jusqu’aux environs de son époque ; ce résumé comprenait quatre volumes. L'ouvrage original fut traduit en turc par le mollah Yoûnînî-Mohammad ibn 'Abd-ar-Aziz-al Wodjoûdî, qui mourut en 1021 (1612-1613), et abrégé dans la même langue par Mohammad ibn Shâhânshâh ibn Bahram-Shâh. Un nommé Ibn al-Djazarî et 'Alam ad-Din Birzalî continuèrent le Mirât. Cette chronique est extrêmement bien faite, et elle est divisée années par années, elle comprend des biographies et des obituaires. Voici les sources d'Ibn Sibt-al-Djaûzî pendant le récit des années 440-517 : Aboul' Hosain al-Tanourî ; Abou Yassir 'Abd-Allah ibn al-Mohammad al-Bardâni ; 'Abd el-Aziz ibn 'Abd-Allah-al-Sâîgh; Mohammad ibn Halal ibn al-Mohsin-al-Sâbi; le khâtîb al-Tabrîzî; Abou 'l-Wafâ ibn Okaîl ; Abou'l Faradj 'Abd-er-Rahman ibn al-Djaûzî, son arrière-grand-père ; Abou 'Ali al-Hasan ibn Djafar al-Darîri (ou Doraîrî)-al-Bandanadjî connu sous le nom d'Ibn al-Hamdânî ; Abou Ya'li al-Kalânisî (ou al-Mokaddasi) ; Nasir ibn al-Abharî al-'Alavî ; le kadi ibn as-Summâk; Abou Rafi Myâs ibn Mahdî-al-Koshaîri; Sa'd ed-dauleh al-Kahrânî ; Abou Mohammad al-Tamîmî ; Abou Ishak; Mohammad ibn al-Talmîd-Abou 'Ali al-Djouvaïni; Ibn al-'Asâkir ; Imad ad-Din Isfahânî ; Abou’l Hosain 'Ali ibn Mohammad al-Dahârî ; al-Djordjâni; al-Ghazâli ; Abou Mohammad ibn Tâoûs; Abou'l Hasan ibn 'Abd-as-Salam ; Mourschid ibn 'Ali ; Aboul' Hosan al-Tabari; l'auteur de la Chronique de Mayyafarikîn ; 'Abd-al-Ghâfir ibn Ismâ'îl ; 'Abd al-Wahhâb al-Anmatî (Paris; Bibl. Nat., ar. 1505 sqq.).
22. * Le Kitab-ar-raûdataîn-fi-ahhbâr-ad-daûlataîn, par Abou Shama Schihâb ad-Din 'Abd-er-Rahman ibn Ismâ'îl, mort en 675 (1276 de J.-C); en deux volumes. Hadji-Khalfa (I, 262, 546) et le manuscrit de Gotha donnent à cet ouvrage le nom de Azhâr-ar-raudataîn... et disent à tort qu'il n'a qu'un volume. Il est très important à cause des fragments de chroniques perdues qu'il cite. C'est une histoire des atabeks de Maûsil à partir de Zengui et des ayyoubides jusqu'en 597 (1200 de J.-C). Parmi les sources qu'il indique, il convient de citer : le Fath-al-kossi et le Bark-al-shâmî d'Imad ad-Din 'Isfahânî ; Ibn Alathyr; le kadi al-Fâdil; la Chronique d'Egypte d'Ibn Abî Tayyî; Abou Ya'li al-Tamîmî; Mohammad ibn al-Kâdisi; le continuateur de la Chronique d'Abou’l Faradj ibn al-Djaûzî ; Ibn Shaddâd ; Ousâma ibn Mounkidh (le Kitab al-I'tibâr) ; le hâfith Abou'l Kasîm ibn 'Asâkir; le kadi Kamal ad-Din ibn ad-Shahrzoûrî (Paris; Bibl. Nat., ar. 1700). Cet ouvrage a été abrégé avec des additions par Khalil ibn Kai-Kaldî al-'Alaî, mort en 694 (1294 J.-C); cet abrégé portait le titre de 'Ouyoûn-al-raûdataîn.
23. Le Modîl-ala-'l-Raûdataîn, continuation jusqu'en 665 (1266 J.-C.) par l'auteur lui-même. Sa principale source est le Mirât-az-zamân d'Ibn Sibt-al-Djaûzî (British Muséum Catal., Supp. n° 555 sqq.).
24. * Le al-Uns-al-djalîl-bi-târîkh-al-Kods-wa-'l-Khâlil, par Modjîr ad-Din Abou'l Yaman 'Ab-er-Rahman al-'Alimî, terminé en 901 (1495-1496) ; l'auteur mourut en 927 (1520 J.-C.) (Hadji-Khalfa, I, 453,1335). La partie historique s'étend de 398 à 659 (1007-1260 de J.-C); elle forme un résumé d'ailleurs fort exact de l'histoire des ayyoubides et des Mamlouks ; néanmoins cet ouvrage n'a pas grande importance. Parmi ses sources nous citerons Ibn Alathyr ; le kadi al-Fâdil ; Imad ad-Din Isfahânî (Paris; Bibl. Nat., ar. 1671 et sqq.).
25. *La Sirat-al-Malik ath-Thâhir-Rokn ad-Din Baîbars, par le kadi Mohyî ad-Din Abou’l Fadl 'Abd-Allah ibn 'Abd-ath Tahir al Sa’di al-Misrî ; cette chronique, qui est une des sources du Soloûk de Makrizi, a été écrite sous le règne d'al-Malik al-Sa’id Bérékéh-Khân, fils de Baybars, en 678 (1279 J.-C); l'auteur, qui avait ses entrées à la chancellerie, fut témoin de beaucoup des événements qu'il raconte. Hadji-Khalfa (III, 640, 7330) mentionne un ouvrage intitulé Sirat-al-Tahir-Baybars par un nommé 'Izz ad-Din Mohammad ibn 'Ali ibn Shaddâd-al-Halabî (mort en 684-1285 de J.-C), qui n'a rien à voir avec celle d'Ibn 'Abd-ath-Tahir. Elle a été abrégée et a reçu le titre de Husn-al-manâkib-al-sarriyah-al-montasa'ah-min-al-sîrat-ath-Thâhiriyyak (British Museum, I, 1229). Cette version abrégée existe à Paris (Paris; Bibl. Nat., ar. 1707).
26. Le al-I’lâk-al-khatîrah-fî-dikr-umarâ-al-Shâm-wa'-l-Djazîrah, par 'Izz ad-Din Mohammad ibn 'Ali ibn Ibrahim ibn Shaddâd-al-Halabî, mort en 684 (1285 de J.-C). C'est une description topographique de la Syrie et l'histoire de la ville d'Alep. Hadji-Khalfa (I, 360, 957) lui donne pour titre al-I'lâk-al-khatîrah-fî-târîkh-al-Shâm-wa'-l-Djazîrah : il attribue à tort cet ouvrage au vizir du fils de Salah ad-Din, Abou'l Mahâsin-Youssouf ibn Rafi ibn Shaddâd-al-Halabî (British Museum, Catal. Tome I, n° 1323).
27. * Le Tashrîf-al-ayyâm-wa-'l-'ousoûr-bi-sîrat-al-sultan-al-Malik al-Mansour, par Ibn 'Abd-ath-Tahir ; c'est l'histoire du règne du sultan Kalâoûn durant les années 681-689 (1282-1290 de J.-C); l'auteur puisait ses renseignements dans les archives de l'empire (Paris; Bibl. Nat., ar. 1704).
28. * Le Djawâhir-al-bouhoûr-wa-wakaî'-al-oumoûr; histoire de l'Egypte jusqu'à la fin du règne du sultan Kalâoûn (678-689; 1279-1290 de J.-C), dont il existe deux rédactions et de nombreux manuscrits ; le manuscrit de Londres (British Muséum, Catal. Tome I, n° 1696) donne le titre de Djawâhir-al-bouhoûr-wa-wakâî'-al-oumoûr-wa-'adjâîb-al-dohoûr-wa-akhbâr-al-diyyâr-al-misriyya... ; le manuscrit de Gotha (n° 1644) et celui de Vienne (Cat. Tome II, p. 148) lui donnent pour auteur un nommé Ibrahim ibn Wasîf-Shâh. Hadji-Khalfa (II, 641, 4272) confirme cette attribution et dit que l'ouvrage en question n'est que l'abrégé d'une chronique plus complète. Dans le manuscrit de Paris, Ibrahim ibn Wasîf-Shâh est cité parmi les sources ; il ne faudrait point voir dans ce fait la preuve absolue que cet ouvrage n'a point pour auteur Ibn Wasîf-Shâh ; il arrive souvent dans les chroniques musulmanes que les auteurs se citent ou renvoient à des passages de livres qu'ils ont écrits antérieurement. Massoudi dans les Prairies d'or dit constamment : « Massoudi a dit.... »; il en est de même du kadi Djémal ad-Din ibn Wasil, l'auteur du Mofarradj-al-karoûb.
29. * Le Wâfiyât-al-a'yân, par le kadi Ahmad ibn Mohammad ibn Ibrahim ibn Abou Bakr ibn Khallikan, mort en 681 (1282 de J.-C). Dictionnaire biographique des hommes illustres de l'Islamisme, bien connu depuis la traduction anglaise qu'en a donnée M. de Slane. Le manuscrit d'Oxford lui donne le titre de Kitab wâfiyât-al-a'yân-wa-anbâ-abnâ-az-zamân. L'auteur a puisé dans presque toutes les chroniques antérieures à lui; cet ouvrage a été souvent abrégé; nous citerons le Mokhtasar-wâfiyât-al-a'yân, par l'imâm Tadj ad-Din al-Yamanî (vers 729-1328-1329 J.-C. Oxford, II, p. 110). Casiri (Catalogue, II, p. 333, col. 1) donne à cet auteur le nom de Tadj ad-Din Ahmad ibn Alathyr-al-Halabî; il y a, enfin, un complément au dictionnaire biographique d'Ibn Khallikan, intitulé Kitab vafût-al-wakiyât-fî-al-a'yân par un anonyme.
30. La Chronique de Kartâî-al-Ghozzî-al-Khazindârî; fragment (4e partie?) s'étendant de 626 à 689 de l'hégire (1228-1290 J.-C); une de ses principales sources est Ibn Wasil (Catal. des mss. de Gotha, n° 1655).
31. Le al-Simt-al-ghâlî-al-mukmin-fî-akhbâr-al-rnoloûk-min-al-Ghoss-bi-'l-Yaman, par Badr ad-Din Mohammad ibn Hâtim-al-Yamanî-al-Hamdânî ; histoire des ayyoubides et des Rasoulides dans le Yémen, de 569 à 694 (1173-1294 J.-C). (British Muséum, Catal. Tome I, n° 1584).
32. Le al-Altâf-al-khafiyya-min-al-sîrat-al-sharîfah-al-sultâniyya-al-malikiyya-al-Ashrafîyyah, fragment d'une al-Malik al-Ashraf-Salah ad-Din Khalil, fils de Kalâoûn; il contient les trois derniers mois de l'année 690 (1291 J.-C.) et le commencement de Moharram 691 ; le manuscrit est autographe et la disposition matérielle rappelle les manuscrits d'Ibn 'Abd-ath-Tahir, l'auteur de la vie de Baybars ; peut-être faut-il même lui attribuer cet ouvrage (Catal. de Munich, p. 159).
33. * Le Mofarradj-al-karoûb-fî-akhbâr-banî-Ayyoub, par le kadi Djémal ad-Din Ibn Wasil-Mohammad ibn Salim-al-Hamawî, mort en 697 (1297-1298). Hadji-Khalfa (VI, 33,12620) lui donne le titre de Mofarradj-al-karoûb-fî-akhbâr-moloûk-banî-Ayyoub, et dit que l'ouvrage forme trois tomes. Cette histoire a longtemps passé pour être l'œuvre d'un nommé Chams-ad-Din, mais la page où l'on trouve ce nom et le titre de Tarikh al-wâsilîn-fî-akhbâr-al-khulafâ-wa'l-moloûk-wa'-s-salâtîn a été rapportée par un libraire peu scrupuleux. Il aurait, d'ailleurs, suffi d'ouvrir le volume pour reconnaître cette supercherie, car l'auteur ne fait que se citer ; on lit par exemple, p. 174 r° : « Le kadi Djémal ad-Din ibn Wasil, kadi des kadis de Hamâh et des contrées qui en dépendent et auteur de cette chronique, dit... » Des deux manuscrits de la Bibliothèque nationale, le premier (Ar. 1702) contient les deux premières parties (530-680 hég.; 1135-1281 de J.-C); le deuxième (Ar. 1703) ne contient que la seconde et la continuation, jusqu'en 695 (1295 de J.-C), par 'Ali ibn 'Abd-er-Rahim ibn Ahmad, secrétaire d'al-Malik al-Mothaffar, prince de Hamâh et prédécesseur d'Aboulféda. Cette chronique est de la première importance, car l'auteur a été en grande partie témoin des événements qu'il raconte et il avait interrogé beaucoup de compagnons d'armes de Salah ad-Din. Ses sources sont : ‘Imad ad-Din Isfahânî ; le kadi al-Sa'îd Abou'l Kâsim-Hibat-Allah ibn Sana el-Mulk; al-Malik al-Mothaffar Takî ad-Din Abou 'l-Fath-Omar ibn Shâhânshâh ibn Ayyoub; Ibn Alathyr ; Bahâ ad-Din ibn Shaddâd; le kadi Chams ad-Din ; le kadi al-Fâdil ; la chronique intitulée Mis-mâr-al-hakâîk-fî-oloûm-al-khalâîk; le kadi Kamal ad-Din ibn al-'Adîm, auteur de l'Alep. Cet ouvrage porte également le titre de Tarikh-ai-Akrâd (Hadji-Khalfa II, 109, 2144) (Paris; Bibl. Nat., ar. 1702-1703).
34. Le al-'okoûd-al-durriyah-fi-'l-moloûk-al-misriyyah, aussi nommé ...fî-'l-umarâ-al-misriyya, faussement attribué à Djémal ad-Din Abou'l Hosain ibn al-Djazzâr (mort en 697-1297 de J.-C). Histoire de l'Egypte allant jusqu'à al-Malik as-Sa'id (mort en 676-1277 de J.-C), continuée jusqu'à al-Malik al-Mansour-Mohammad jusqu'en 741 (1340 de J.-C), puis jusqu'en Kaîtbây (mort en 872-1467 de J.-C.) (Catal. de Gotha, n° 1667).
35. Chronique égyptienne anonyme allant de 625 à 694 de l'hégire (1227-1294 de J.-C.) (Catal. de Gotha, 1559).
36. Le 'Ibrat-aûlâ-al-absâr-fî-moloûk-al-imsâr, par Ismâ'îl ibn Ahmad ibn Sa’id ibn Mohammad ibn al-Athir-al-Halabî (mort en 699 de l'hégire; 1299 de J.-C); cette chronique va depuis Darius Codoman jusqu'en 697 (1297 de J.-C). Il ne s'y trouve pas d'obituaires (British Muséum, Catal. Tome I, n° 274).
37. Le Mirât-az-zamân, par (?) Kotb ad-Din Moussa ibn Mohammad al-Yoûnînî al-Ba'albakî (ce n'est probablement qu'un titre faux et une attribution mensongère. M. Rieu croit que c'est le tome III de l'appendice au Mirât-az-zamân de Kizoghlou dont parle Hadji-Khalfa); cette chronique contient l'histoire des années 687 à 701 (1288-1301 de J.-C.) (British Muséum, Catal. Tome I, n° 1490).
38. L'Histoire des luttes des sultans Mamlouks contre les Francs, depuis la mort de Rokn ad-Din Baybars jusqu'en 709 (1309 de J.-C), sans titre ni nom d'auteur; cette chronique n'a pas grande valeur, car elle est du genre de la Sîrat Zahir Bibars (Catal. de Gotha, n° 1656).
39. * Le al-Mokhtasar-fî-akhbâr-al-bishar, par al-Malik al-Moayyad ’Imad ad-Din Abou’l Fidâ Ismâ'îl ibn al-Malik al-Afdal-Nour ad-Din Abou'l Hosain 'Ali, fils du sultan al-Malik al-Mothaffar-Takî ad-Din Abou 'l-Fath-Mahmoud, fils du sultan al-Malik al-Mansour-Nasir ad-Din Abou 'l-Ma'alî-Mohammad, fils du sultan al-Malik al-Mothaffar-Takî ad-Din Abou'l Khattâb-Omar ibn Shâhânshâh ibn Ayyoub; chronique par années allant jusqu'en 709 (1309 de J.-C). Il cite ses sources dans la préface : le Tadjârîb-al-Umam d’Abou Ali-Ahmad ibn Maskouyah; le Kitab al-Biyân d'Abou Isa-Ahmad ibn 'Ali; le Sanî-zamân-al-'alam-'alâ-sabîl-al-hudjdjat-wa-'l-borhân ; le Tarikh Mothaffarî de Schihâb ad-Din Abou 'l-Dam-al-Hamavî; la Chronique d'Ibn Khallikan; l’Histoire de Kaîrowân intitulée Kitab al-dja'm-wa-'l-biyân; la Chronique intitulée Tarikh al-duval-al-monkata'ah d'Ibn Abou Mansour; le Kitab lazzat-al-ahlâm-fi-târîkh-umam-al-a'djâm par 'Ali ibn Moussa ibn Mohammad ibn 'Abd-al-Malik ibn Sa’id al-Mo'izzî al-Andaloûsî ; le al-Ma'rib-fi-akhbâr-ahl-al-Maghrib du même Ibn Sa’id ; le Mofarradj-al-Karoûb-fi-akhbâr-banî-Ayyoub du kadi Djémal ad-Din ibn Wasil; la Chronique d'Hamza-Isfahânî; la Chronique de la ville de Khilât par Ibn Abou 'l-Motahhar al-Ansari ; la Chronique d'Ibn al-Athir.
40. * Le Kitab fadâîl-Misr, par Hasan ibn 'Abd-Allah-al-Safadî ; compilation sans aucune valeur donnant un abrégé de l'Egypte jusqu'en 711 (1311 de J.-C.) (Paris; Bibl. Nat., ar. 1931).
41. Le Kitab roûd-al-nâthir-fî-akhbâr-al-awâîl-wa'l-awâkhir par ‘Imad ad-Din Abou Hamid-Mohammad ibn Mohammad ibn Hamid-al-Isfahânî; histoire générale jusqu'en 708 de l'hégire (1308 de J.-C.) (Oxford, Catal. Tome I, n° 848).
42. * Le Noshat-al-mâlik-wa-'l-mamloûk-fî-mokhtasar-sîrat-man-wala-Misr-min-al-moloûk, par Hasan ibn Abî-Mohammad 'Abd-Allah-al-Hashîm ; résumé très succinct et sans importance de l'Egypte jusqu'en 711 (1311 de J.-C.) (Paris; Bibl. Nat., ar. 1706).
43. Le al-Favâid-al-djalliyah-fî-'l-farâîd-al-Nâsiriyya; mémoires du prince ayyoubide al-Malik al-Nasir-Daoud, fils d'al-Malik al-Mo’aththam 'Isa; ils furent compilés sur l'ordre de son frère al-Malik al-Mothaffar-Chihâb ad-Din Ghazi, mort en 712(1312 J.-C.) (British Muséum, Catal. Suppl., n° 557).
44. Chronique générale d'Egypte jusqu'en 717 (1317 de J.-C), par al-Hasan ibn Abî-Mohammad ibn Omar al-'Abbâsî al-Hashîmî ; Mohammad, fils de Kalâoûn, y est indiqué comme sultan régnant.
45. Le al-Tohfat-al-moloûkiyya-fi-d-daûlat-al-turkiyya, par Rokn ad-Din Baybars-al-Misri-al-Mansouri-al-Nasirî, le dévadâr, vice-roi d'Egypte depuis 711 (1311 J.-C.) et mort en 725 (1324 de J.-C). Hadji-Khalfa (III, 537, 6820) cite un ouvrage de Baybars intitulé Zubdat-al-fikrah-fî-târîkh-al-hidjrah, qui comprenait onze volumes. Fluegel dit que la Tohfat est différente de la Zubdat, mais je ne vois pas sur quelles raisons il se fonde. En effet, d'après la description, d'ailleurs très obscure, du manuscrit de Vienne, il contient 136 folios, et les événements qui y sont racontés sont ceux des années 647 à 721 (1249-1321 de J.-C), c'est-à-dire qu'il comprend les règnes des Mamlouks bahrites depuis al-Mo'izz Aïbec jusqu'au sultan al-Malik al-Mansour-Saïf ad-Din Kalâoûn-al-Alfi. L'auteur étant mort dans la première moitié du troisième règne de Mohammad ibn Kalâoûn, il s'en suit que la partie qui manque pour arriver à la fin de la Tohfat devait contenir le règne d'al-Ashraf-Khalil, le premier règne de Mohammad ibn Kalâoûn, le règne d'al-Malik al-Mansour-Hosâm ad-Din Lâdjîn-al-Mansourî; le second règne de Mohammad ibn Kalâoûn; ceux d'al-Malik al-‘Adil Zaïn ad-Din Kitboghâ, et d'al-Malik al-Mothaffar-Rokn ad-Din Baybars-al-Mansourî et le commencement du troisième règne de Mohammad, c'est-à-dire au plus une partie égale à la première partie de la Tohfat, qui se trouve dans le manuscrit de Vienne. Dans ces conditions, il est probable que l'histoire des Mamlouks bahrites formait le dernier ou les deux derniers volumes du Zubdat-al-fikrah, et qu'on la sépara de l'ouvrage complet pour lui donner le titre spécial de Tohfat-al-moloûkiyya (Vienne, Catal., Tome II, p. 135).
46. * Le Nahâyat-al-irb-fî-fonoûn-al-idb, par Chihâb ad-Din Ahmad ibn 'Abd-al-Wahhâb-al-Bakri-al-Timî-al-Karshi-al-Kindî-al-Nowaïri (mort en 732; 1331 de J.-C). C'est une colossale encyclopédie qui, suivant Hadji-Khalfa (VI, 397, 14069), se composait de trente volumes et qui fut composée sous le règne de Mohammad ibn Kalâoûn; les derniers volumes de cette excellente compilation forment une Egypte d'une grande importance. Voici ses sources à partir de Baybars : le Kâtib-al-inshâ Schihâb ad-Din Abou 'l-Thanâ-Mahmoud-al-Mahallî; l'émir Saïf ad-Din Abou Bakr-al-Mahaffdâr; le devâdâr Rokn ad-Din Baybars-al-Mansourî; le Havâdith-az-zamân de Chams ad-Din Mohammad ibn Ibrahim; Mohammad ibn 'Abd-er-Rahman ; 'Abd-er-Rahman ibn Othman ; Chams ad-Din ibn al-Djazarî; le kadi Mohyî ad-Din ibn 'Abd-ath-Tahir, l'auteur de la vie de Baybars. Nowaïri cite très souvent le témoignage de témoins oculaires des événements qu'il raconte. Son histoire des deux dynasties abbassides est beaucoup moins importante que celle des sultans Mamlouks (Paris ; Bibl. Nat., ar. 15731579).
47. Une histoire de l'Egypte sous le règne du sultan al-Malik al-Nasir-Mohammad de 691 à 741 (1291-1340 J.-C); c'est la septième partie d'une grande chronique dont on ne connaît pas l'auteur (Munich; Catal., ar., p. 160).
48. Une histoire anonyme des ayyoubides jusqu'en 742 (1341); chronique rédigée par années d'après les ouvrages composés par Ibn Nobâta (mort en 768-1366 J.-C.) et par Safi ad-Din al-Hillî à la louange de ces princes (Gotha, Catal., n°1653).
49. * Le al-Badâyat-wa-l-nahâyat, par Abou'l Fidâ Imad ad-Din Ismâ'îl ibn Omar ibn Kathîr-al-Karshî-al-Basravî-al-Dimashki mort en 744 (1343 de J.-C). Suivant Hadji-Khalfa (II, 24, 1698), l'historien Ibn Shohba raconte avoir vu un manuscrit autographe du Badâyat-wa-'l-nahâyat, daté de 741 hég. (1340 J.-C), Badr ad-Din Mahmoud al-'Aînî (ou 'Aîntâbî) y a beaucoup puisé ; le hâfith Abou'l Fadl Ahmad ibn 'Ali ibn Hadjr (mort en 852-1448 de J.-C.) l'a abrégé. Il a été traduit en turc par Mahmoud ibn Mohammad ibn Dilshâd. C'est un précis d'histoire de Damas composé par Abou Shama et continué par 'Alam ad-Din Birzalî (mort en 738-1337 de J.-C); ce travail était le remaniement du dictionnaire d'Ibn 'Asâkir ; Abou 'l-'Abbas-Ahmad ibn Abî-Bakr ibn Khalil-al-Tabarânî, élève d'Ibn Kathîr (mort en 835-1431 de J.-C), remania le traité historique de son maître. C'est cette rédaction qui se trouve dans le manuscrit de la Bibliothèque Nationale (cf. Historiens Orientaux des Croisades, t. I, pp. lu sqq. et la notice sur Tabarânî, écrite au recto du premier feuillet). Ses sources sont, pour l'histoire des ayyoubides et des Mamlouks, Abou Shama, le Kitab ar-Raûdataîn et le Dît, puisqu'il le cite au milieu du règne de Baybars ; Ibn Alathyr ; Ibn Khallikan ; Ibn al-Bashâ'î ; al-Yoûnînî ; la Chronique de Baybars al-Mansourî; 'Alam ad-Din Barzânî (Paris; Bibl. Nat., ar. 1516).
50. * Le al-Nour-al-nâîh-wa-'d-dor-as-sâdih-fî-istifâ-maûlânâ-al-sultân-al-Malik as-Sâlih, par Ibrahim ibn 'Abd-er-Rahman ibn 'Abd-Allah-al-Kaisarânî ; c'est un panégyrique d'al-Malik as-Sâlih Ismâ’îl, fils de Mohammad ibn Kalâoûn ; l'auteur était contemporain de ce prince, néanmoins son ouvrage n'a pas grande valeur historique (Paris; Bibl. Nat., ar. 1708).
51. * Le al-'Ibr-fî-khabar-man-abara, par Chams ad-Din Abou 'Abd-Allah-Mohammad ibn Ahmad-al-Misri-ad-Dahabî (mort en 748; 1347-1348 J.-C). Un manuscrit de Vienne (Catal., Tome II, p. 40) lui donne le titre de al-'Ibr-fî-akhbâr-al-bishar-mimman-'abara. Hadji-Khalfa (IV, 182, 8042) dit que cette chronique se composait de deux tomes ; c'est un abrégé historique divisé années par années, accompagné d'obituaires. Il se termine avec l'année 740 (1339) de l'hégire. Il fut continué par Chams ad-Din Abou'l Mahâsîn Mohammad ibn 'Ali ibn Hosain jusqu'en 764 (1362 de J.-C); cette continuation fut à son tour continuée par Chams ad-Din Mohammad 'Ali-al-Hosainî, fils du précédent, jusqu'en 785 (1383 de J.-C). Zaïn ad-Din 'Abd-er-Rahim ibn Hosain 'Irakî mort en 806; 1403 de J.-C.) la continua et, après lui, son fils Wali ad-Din Ahmad al-'Irakî (mort en 826; 1422 de J.-C). Cette chronique est bien faite, mais elle est un peu succincte.
52.* Le Tarikh al-Islâm de Chams ad-Din Abou 'Abd-Allah-Mohammad ibn Ahmad al-Misrî al-Dahabî (mort en 748-1347-1348 J. C). Cette chronique, qui fut abrégée par Mohammad ibn Ishak ibn Ildikîz al-Mo'aththamî al-Adilî-al-Ayyoubî se composait, suivant Hadji-Khalfa (II, 131, 2220), de douze volumes ; elle est divisée années par années ; la chronique et les obituaires sont mélangés; elle s'étend jusqu'en l'année 741 (1341 J. C). On en a fait plusieurs abrégés, le al-'Ibr (par Dahabî lui-même, voir la notice précédente), le Siyyar-al-nobalâ; le Tabakât-al-khulafâ et le Tabakât-al-huffâth, etc. Elle fut continuée par Chams ad-Din Mohammad ibn 'Abd-er-Rahman-al-Sakhavî (mort en 902; 1496 de J.-C); on peut encore citer le Mokhtasar-târîkh-al-Islâm, d’Alâ al-Din 'Ali ibn Khalaf-al-Ghozzî (mort en 792; 1389 de J.-C), et celui de Chams ad-Din Mohammad ibn Mohammad al-Djazarî (mort en 833 ; 1429 de J.-C). Un manuscrit du British Museum (Catal., Tome I, n° 1636) donne à cette chronique le nom de Tarikh al-Islâm wa-tabakât-al-mashâhîr-wa-l-a'lâm. Ses principales sources de l'année 581 à 620 (1185-1223 de J.-C.) sont : Djémal ad-Din al-Kofti; Ibn Khallikan ; Abou'l Hasan Mohammad ibn Ahmad al-Koti'î; Ibn Wasil; Abou Sa'd al-Sam'anî; ’Imad ad-Din Isfahânî; Ibn Abî-Tayyî ; Ibn Alathyr ; Kîzoglou ibn Sibt-al-Djaûzî ; Ibn al-Nadjdjâr Mohammad ibn al-Halâvî; Abou 'Abd-Allah-al-Unâr (?) ; Ibn Hifth-Allah ; l'auteur de la Zubdat-al-halab-fi-târîkh-Halab, Kamal ad-Din ibn al-'Adîm; Mouwaffik ad-Din 'Abd-al-Latîf; Bahâ ad-Din ibn Shaddâd, kadi d'Alep, auteur des al-Navâdir ; Abou Nokta; Ibn Abî-Osaibi'a ; Abou Shama; Zakî ad-Din al-Mondîrî; Madjd ad-Din Abou Sa’d-al-Saffâr; Abou Sa'd Mohammad ibn Hasan ibn Baharah ; le hâfith Abd al-'Athîm (Paris ; Bibl. Nat., ar. 1580-1583).
53. * Le Mirât-al-djinân-wa-ibrat-al-yaktân-fî-'ma'rifat-ma-yutabara-min-hawâdith-az-zamân, par 'Afîf ad-Din Abou Mohammad 'Abd-Allah ibn Asad ibn Ali... al-Yamanî al-Yafi'î, mort en 762(1366-1367). Chronique générale divisée par années jusqu'en 750 (1349 de J.-C); suivant Hadji-Khalfa (V, 481, 11723), l'auteur a pris les biographies dans les Wâfiyât d'Ibn Khallikan, dans la Chronique d'Ibn Samrat et dans celle de Dahabî. Il a été abrégé et continué par Yakoub ibn Sîdî Ali-al-Roûmî, mort en 931 de l'hégire (1524 de J.-C). Le titre est souvent donné sous la forme Mirât-al-djinân-wa-ibrat-al-yaktân-fî-marifat-hawâdith-as-samân. Ses sources sont de 400 à 500 de l'hégire (1009-1116 de J.-C.) en plus que celles indiquées par Hadji-Khalfa : Ahmad ibn 'Ali, le khâtib al-Baghdâdî; Abou 'l-Kâsim ibn Borhân-al-Nahvî; Abou 'l-Ma'alî-'Abd-al-Malik al-Kazwînî; Ibn 'Asâkir; Abou 'l-Hasan-Mohammad ibn 'Ali ad-Baghdâdî, auteur du Kitab al-Mafâdadah; Abou Ishak; Mohammad ibn 'Ali ibn 'Abd-er-Rahman al-'Alavî ; Ibn al-Kalbî ; Abou Zakaryâ-Yahya ibn 'Ali al-Tabrîzî ; 'Abd-al-Wâhid ibn 'Abd-al-Karim al-Fasîrî; 'Abd-al-Ghâfir al-Fâsîri; Abou Sa'd-al-Sam'anî ; le kadi Mohammad ibn Mohammad al-Hâni; de 500 à 600 (1106-1203 de J.-C.) sont cités : Abou Tahir-al-Sidifî ; Ibn Alathyr; Ibn Samarah; Abou’l Faradj ibn al-Djaûzî; Goûshyâr ibn Kanan ibn Bashârî-al-Hanbalî ; Yahya ibn Abou’l Khaîr 'Abd-al-Kader al-Rahâvî; ‘Imad ad-Din le kâtib; le père de Yafi'î est cité fol. 91 v°. A partir de 600 à la fin ; Ibn Mo'allim ; Abou Shama; ‘Imad ad-Din al-Katib (Paris; Bibl. Nat., ar. 1589-1590).
54. *Le Sakardân-al-Sultan, par Schihâb ad-Din Abou 'l-'Abbâs Ahmad ibn Yahya ibn Abou Bakr ibn 'Abd al-Wâhid ibn Abî-Hadjala-al-Tilimsânî. Cet ouvrage, qui a été composé en 757 (1356 de· J.-C.), est dédié au sultan mamlouk al-Malik al-Nasir-Abou 'l-Mahâsin-Hasan ibn Mohammad (mort en 776 ; 1374 de J.-C). Les chapitres 4-6 contiennent des renseignements curieux sur la vie de ce prince, de ses frères et de son père; le sultan Hasan était le septième fils de Mohammad ibn Kalâoûn qui montait sur le trône d'Egypte ; l'auteur voit dans cet événement un effet de l'excellence cabalistique du nombre sept, qui est le nombre des climats du monde; il y a sur ce point une longue dissertation; cet ouvrage n'est pas de la première importance.
55. Le 'Aîn-al-tawârîkh, chronique allant de l'an 1 à l'an 764 de l'hégire (1362 de J.-C), attribuée par Uri (Oxford, Catal., Tome I, n° 647) à Chams ad-Din Mohammad ibn Ahmad ibn 'Abd-Allah al-Dahabî; or, ce personnage est mort en 748 de l'hégire (1347 de J.-C).
56. Le al-Tohfat al-saniyya-bi-ismâ-'l-bilâd-al-misriyya, par Sharaf ad-Din Yahya ibn al-Makarr ibn al-Djî'ân; c'est une description de l'Egypte composée en 777 de l'hégire (1375 de J.-C.) et dédiée au sultan al-Malik al-Ashraf-Chaban (Oxford, Catal., Tome I, n° 697).
57. Le Nozhat-al-nâthir-wa-rahat-al-khâtir; histoire des princes ayyoubides de 526 à 778 (1131-1376 de J.-C); c'est l'abrégé d'un ouvrage intitulé : Ghâyat-al-matloûb-fî-târîkh-baît-Ayyoub, par un auteur inconnu et qui semble avoir vécu jusqu'aux environs de 778 (1376 de J.-C). Cet abrégé a été fait pour le prince al-Malik al-'Adil Abou'l Mafâkhir Fakhr ad-Dounîâ-wa-'d-Dîn Soleïman, fils du sultan al-Malik al-'Adil Schihâb ad-Din Ghazi, fils du sultan al-Malik al-'Adil Mohyî ad-Din Mohammad, fils du sultan al-Malik al-Kâmil-Saïf ad-Din Abou Bakr, fils (?) du sultan al-Malik al-Mowajdjad-Takî ad-Din 'Abd-Allah, fils d'al-Malik al-Mo'aththam Ghiyâth ad-Din Tourânshâh, fils du sultan d'Egypte al-Malik al-Kâmil-Abou 'l-Ma'lî-Nasir ad-Din Mohammad (Vienne, Catal.,Tome II, p. 138).
58. Le Tadkirah-al-nabiyya-fî-ayyâm-al-Mansour-wa-baîtihi, par Sharaf ad-Din Hasan ibn Omar-al-Halabî (mort en 779; 1377 de J.-C); histoire des événements qui se sont passés en Egypte et en Syrie, depuis l'époque du sultan Kalâoûn jusqu'à al-Malik al-Ashraf-Zaïn ad-Din Abou 'l-Ma'lî-Chaban (678-770; 1279-1368 de J.-C·); une grande partie de cet ouvrage est originale (British Muséum, Catal., Tome I, n° 315).
59. *Le Dorrat-al-islâk-fî-daoûlat-al-Atrâk, par Badr ad-Din Hasan ibn Omar ibn Habib-al-Halabî, mort en 779 de l'hégire (1377 de J.-C). D'après Hadji-Khalfa (III, 199, 4916), cette histoire comprenait le récit des événements qui se sont passés en Egypte de 648 à 778 de l'hégire (1250-1376 de J.-C); il ajoute que l'auteur écrivait en prose rimée et qu'il n'hésitait pas à sacrifier l'exactitude historique au rythme de sa phrase ; ce reproche est très exagéré. Son fils 'Izz ad-Din Abou'l 'Izz continua le travail de la même façon jusqu'en 802 (1399 de J.-C), et il mourut en 808 (1405 de J.-C.). Les obituaires tiennent une très grande place dans cette chronique ; l'exemplaire de Paris ne va que jusqu'en 760 (1358 de J.-C); je n'en connais point les sources (Paris; Bibl. Nat., ar. 1719-1720).
60.* Le Manâhil-as-safâ-bi-tawârîkh-al-ayumma-al-khulafâ ; cet ouvrage que Hadji-Khalfa nomme Tarikh al-khulafâ, a pour auteur le célèbre polygraphe Djélal ad-Din 'Abd-er-Rahman al-Soyoûti. C'est une histoire des khalifes jusqu'en 787 de l'hégire (1385 de J.-C). Ses autorités, à partir de Moktafi (xe siècle, J.-C.), sont : al-Soulî; al-Ma'âfî ibn Zakaryâ-al-Djazarî ; Dahabî ; Mohammad ibn ar-Rabi ibn Soleïman ; Massoudi; le kadi Abou Bakr-al-Bakkâlânî; Mohammad ibn Nâfi al-Djazâ'î ; Ibn Shâhîn; le khatîb Mohammad ibn Yousouf-al-Kattân; Ibn al-Athir; Ibn Sibt-al-Djaûzî; Ibn Hobaîrah; Ibn al-Sam'âni; 'Abd-er-Rahman ibn Mohammad ibn al-Sami', auteur du Kitab al-manâkib-al-abbasiyya; Ibn al-Bokhari ; ‘Imad ad-Din Isfahânî ; Mouwaffik ad-Din 'Abd-al-Latîf; le kadi Djémal ad-Din ibn Wasil ; Chams ad-Din al-Djaûzî; Abou Shama; le hâfith Zakî ad-Din ibn al-'Athîm ; le cheikh Kotb ad-Din ; Ibn Fadl-Allah, auteur du Tardjumat-fi-l-masâlik ; Ibn Hadjdjar-ai-'Askalani; Abou 'Abd-Allah ibn Dja’bar al-A'mî (Ar. 1609).
61. * Résumé d'histoire musulmane, assez bien fait depuis l'avènement de Mo'aviyya jusqu'au commencement du règne d'al-Malik ar-Nasir-Faradj, par un anonyme; c'est à tort que le Catalogue des manuscrits arabes dit que cet ouvrage s'arrête en 783, alors que Barkôk plaça Hadji-Sâlih, fils d'al-Ashraf-Chaban, sur le trône, car il y est fait mention de Faradj aux folios 150 r°, 151 v°. Les obituaires sont assez étendus; parmi ses sources, nous citerons Dahabî ; Ibn Hadji; Ibn Habib ; un kadi nommé ‘Alâ-ad-Din, qui a fait un supplément (dil) à un ouvrage qui n'est point désigné ; Chams ad-Din al-Fayoumi-al-Kalbî ; Takî ad-Din az-Zobaîrî, dont l'auteur dit avoir eu le manuscrit autographe sous les yeux, fol. 116 v°.
62. Le al-Dorrat-al-madiyya-fî-'l-daûlat-alh-Thâhiriyya, par Mohammad ibn Mohammad ibn Sassari; histoire du règne du sultan bordjite al-Malik ath-Tahir-Abou Sa’id Barkôk (f 801). L'auteur paraît contemporain (Oxford, I, 849)'.
63. * Le al-Dîl-'alâ-târîkh-al-Islam, par Takî ad-Din ibn kadi Shohbah, mort en 851 (1447). Histoire des années 741 à 806 (1340-1403 de J.-C); continuation des Annales de l'Islamisme de Dahabî, comprenant une chronique et un obituaire ; l'auteur n'indique généralement pas ses sources; l'ouvrage est fort important pour cette époque (Paris; Bibl. Nat., ar. 1598-1599).
64. * Le al-Djaûhar-al-thamîn-fî-akhbâr-al-khulafà-wa-'l-salâtin; résumé historique d'histoire générale divisé année par année jusqu'en 804 (1401) (Hadji-Khalfa, II, 652,4320); le manuscrit de Londres (British Muséum, I, 1492) donne pour auteur Sârim ad-Din-Ibrahim ibn Mohammad ibn Dokmâk (mort en 809-1406 J.-C), qui l'aurait composé sur l'ordre du sultan Saïf ad-Din Barkôk ; l'exemplaire de Paris va jusqu'au règne d'al-Kansoû-Ghaurî (Paris; Bibl. Nat., ar. 1617).
65. Le Tarikh al-douval-wa-'l-moloûk, par Nasir ad-Din Mohammad ibn 'Abd-er-Rahim ibn 'Ali ibn Ahmad ibn Mohammad ibn 'Abd el-Aziz ibn Mohammad-al-Misrî, connu sous le nom d'Ibn al-Forât (mort en 807-1404 J.-C). C'est une chronique générale divisée par années et fort intéressante pour l'histoire des croisades; l'exemplaire de Vienne comprend les années 501-807 (1107-1404 de J.-C.) (Vienne, Catal., Tome II, p. 46).
66. * Le Nushat-al-anâm-fî-târîkh-al-islâm, par Mohammad ibn Aïdemir-Dokmâk (mort en 809; 1406-1407 J.-C.)· On n'a qu'une portion de cette chronique égyptienne divisée par années, elle contient le récit des événements de 628 à 659 de l'hégire (1230-1260 de J.-C). Ses sources sont : Ibn Khallikan; Sharaf ad-Din; Ibrahim al-Dja'barî; Abou'l Mothaffar al-Djaûzî, de beaucoup sa principale autorité; Salah ad-Din al-Safâdî; Aîdaghdî-al-Karâsonkorî, auteur du Nuzhat-al-tha-mar-'alâ-al-shadjar-fi-l-tavârîkh-al-bishar; le kadi Mohyî ad-Din Ibn 'Abd-ath-Tahir; Safi ad-Din Yakoub (Paris; Bibl. Nat., ar. 1597).
67. Le Shafâ-al-koloilb-fî-manâkib-banî-Ayyoub, histoire anonyme des ayyoubides ; elle commence par les fils de Shàdi, se continue par ses petits-fils, ses arrière petits-fils, etc. ; l'auteur vivait vers l'an 812 (1409 de J.-C.) (British Muséum, Catal., Tome I, 314).
68. * Le Roûd-al-manâthir-fi-ilm-al-awâ'-îl-wa-l-awâkhir, par Mohibb (ou Zaïn) ad-Din Abou’l Walid-Mohammad ibn Mohammad ibn Kamal ad-Din Abou’l Fadl ibn al-Shihna. Cet ouvrage, qui porte aussi le titre de Roûd-al-manâthir-fî-oloûm... est divisé en deux parties dont la dernière contient l'histoire musulmane, depuis Mohammad jusqu'en 806 de l'hégire (1403 de J.-C), spécialement en ce qui concerne l'Egypte ; il a peu d'importance et ne cite pas ses sources. Hadji-Khalfa (III, 491, 6601) l'appelle Zaïn ad-Din Halabî, et dit qu'il est mort en 815 (1412 de J.-C). L'auteur raconte qu'al-Malik al-Mouvayyad ’Imad ad-Din al-Fâflil-Mohammad ibn Moussa, naïb d'Alep, l'avait prié de composer cet ouvrage. Le fils de l'auteur, le kadi Abou 'l-Fadl-Mohibb ad-Din Mohammad composa un ouvrage intitulé Nuzhat-al-nawâthir-fî-roûd-al-manâthir, qui en était un commentaire ; il mourut en 890. Le même auteur continua l'ouvrage de son père et lui donna comme titre : Iktitâb-al-asâhir-fî-dîl-i'oûd-al-manâthir; son neveu Djélal ad-Din Mohammad al-Bolkînî en fit un abrégé qu'il nomma Nour-al-khilâf-fî-muntakhab-al-iktitâf (Paris; Bibl. Nat., ar. 1537).
69. Le Mokhtasar-subh-al-i'shâ-fi-l-inshâ-fî'akhbâr-al-diyâr-al-misriyya, par Abou 'l-'Abbâs Ahmad ibn 'Ali-al-Kalkashandî-al-Misrî ; c'est le résumé du Subh-al-i'shâ-fî-sana at-al-inshâ du même auteur, qui formait sept gros fascicules sur l'art de la correspondance diplomatique (Hadji-Khalfa, IV, 90, 7710). Al-Kalkashandî mourut en 821 (1418 J.-C.) (Gotha, Catal., n° 1619).
70. * Le al-Saïf-al-mohannad-fi-sîrat-al-Malik al-Mowayyad, par Abou Mohammad Mahmoud al-'Aînî (ou 'Aintâbî); c'est un panégyrique du sultan mamlouk al-Malik Mowayyad-Abou 'l-Nasr (815-824; 1412-1421 de J.-C). Cet ouvrage est divisé en neuf chapitres dont les dix premiers sont remplis par des dissertations plus ou moins oiseuses qui n'ont que très peu de rapport avec le sujet; ce n'est que vers la fin que l'on trouve quelques renseignements intéressants (Paris; Bibl. Nat., ar. 1723).
71. * Le al-Noshat-al-saniyyah-fî-dikhr-al-khulafâ-wa-l-molouk-al-Misriyya, par Hasan ibn Hosain ibn Ahmad-al-Toûloûni. D'après Hadji-Khalfa (IV, 326, 13605), cet auteur était né en 832(1428-1429) et son histoire s'étend depuis Mahomet jusqu'au règne de Kansoûh-al-Ghaûrî (909-1503-1504). Cette chronique a été continuée jusqu'en 982; elle a été traduite en turc par 'Abd-as-Samad ibn Sîdî 'Ali ibn Daoud qui ajouta les sultans d'Egypte jusqu'en 947 (1540-1541) et dédia ce nouvel ouvrage au vizir Daoud-Pacha. Il n'a pas grande importance (Paris; Bibl. Nat., ar. 1814).
72. Abrégé anonyme d'histoire musulmane depuis Mahomet jusqu'au règne du sultan Kânsoùh-al-Ghaûrî, ouvrage attribué à tort à Abou 'l-Mahâsin.
73. * Le Mardj-az-zohour-wa-wakâî'-ad-dohoûr, par Mohammad ibn Ahmad ibn Iyâs al-Hanafi-al Tcherkessi ; c'est une chronique universelle depuis la création jusqu'à une époque un peu postérieure à Barkôk; l'auteur écrivait avant 945 (1539) ; je n'en connais pas les sources (Paris; Bibl. Nat., ar. 1554).
74. Fragment d'une Chronique d''Egypte divisée par années et allant de 825 à 834 de l'hégire. C'est peut-être la chronique de Sakhawî (Gotha, 1574).
75. * Le Divan al-inshâ, cet ouvrage anonyme contient le formulaire de l'administration des Mamlouks; il est divisé en une préface et treize sections ; il fut écrit sous le règne du sultan Barasbaî, comme l'indique un passage où il est dit en parlant de ce prince « qu'Allah éternise son règne ». La seconde section contient l'histoire de l'Egypte depuis le Prophète jusqu'à l'époque de Barasbaî (qui mourut en 841-1437 de J.-C), ce résumé n'a, d'ailleurs, qu'une importance secondaire ; l'ouvrage contient de plus une description de l'Egypte et des contrées qui formaient l'empire des Mamlouks (Paris; Bibl. Nat., ar. 4439).
76. * Le Zubdat-kashf-al-mamâlik-wa-biyân-al-tarik-wa-'-l-masâlik, par Khalil ibn Shâhîn-ath-Thâhirî ; cet auteur avait composé, sous le nom de Kashf-al-mamâlik..., un ouvrage en deux volumes, traitant de l'administration et de l'organisation militaire de l'empire égyptien; il les résuma en 839 de l'hégire dans le présent ouvrage ; il était officier général et commandant de mille cavaliers en 843 hég. (1439 de J.-C). D'après ce que nous apprend Khalil ibn Thâhirî, dans sa préface, le Kashf-al-mamâlik était divisé en deux volumes comprenant deux parties et divisé en six tomes ; l'abrégé contient douze chapitres ; il commence par une longue description des villes saintes, dans laquelle on ne remarque pas grand-chose de neuf; c'est seulement au folio 44 v° que commence la description de l'Egypte ; l'auteur décrit ensuite les différentes parties de l'empire des Mamlouks. L'ouvrage tout entier n'a pas beaucoup d'importance ; al-Malik ath-Tahir-Abou Sa’id Djakmak est indiqué comme prince régnant au folio 140 v°. L'auteur ne cite pas de sources, il se borne à citer des hadiths et passages du Coran (Paris; Bibl. Nat., ar. 1724).
77. * Le Kitab al-mawâ'ith-wa-l-i’tibâr-fî-dikr-al-khitat-wa-l-athâr, par Makrizi; description géographique de l'Egypte dans laquelle on trouve l'histoire de la plupart des villes de ce pays, de nombreux renseignements sur les souverains qui s'y sont succédé, et particulièrement le récit de leurs luttes avec les Francs. Il y a dans cet ouvrage une partie spécialement historique comprenant les fatimides et les souverains qui ont régné au Caire après la construction de la « Citadelle de la Montagne », c'est-à-dire les ayyoubides et les Mamlouks ; ces notices sont beaucoup moins importantes que le reste de l'ouvrage. Le Khitat, a été abrégé sous le titre ar-Raudat-al-bahiyya-talkhîs-al-mawa-ith-wa'-l-i'tibâr-al-makrîziyya (Gotha, Catal., n° 1638), par Ahmad-al-Hanafî-Abou 'l-Boûh (sic).Hadji-Khalfa (III, 499,6637) cite un al-Raûdat-al-bahiyya-aÎ-zâhirali-fi-khitat-ai-mo'azziyya-al-Kàhirak, par le kadi Mohyî ad-Din ibn 'Abd-ath-Tahir, qui n'a rien à voir avec le Khitat de Makrizi et qui a été composé bien avant lui, l'auteur étant le même que celui qui a écrit la vie de Kalâoûn.
78. * Le Kitab as-soloûk-li-ma'rifat-douval-al-moloûk, par Takî ad-Din Ahmad-al-Makrizi, mort en 845 de l'hégire (1441 de J.-C); voir la préface de l'Histoire des sultans mamlouks de Quatremère. Cet ouvrage a été continué par Djémal ad-Din Abou’l Mahâsin ibn Taghrî-Bardî.
79. * Le Anbâ-al-ghomr-bi-abnâ-al-o'mr, par Schihâb ad-Din Abou'l Fadl Ahmad ibn 'Ali ibn Hadjr al-'Askalânî (mort en 852-1448 de J.-C). Chronique d'Egypte, de 773 à 850 (1371-1446 de J.-C). Ses sources sont : Nasir ad-Din ibn al-Forât ; Sârim ad-Din ibn Dokmak; Makrizi ; Takî ad-Din Fârsî ; Salah ad-Din Khalil-al-Akfahsi; Badr ad-Din 'Aînî ; il a, en plus, ajouté le récit des événements dont il a été témoin. Cet ouvrage forme la suite naturelle de la chronique d'Ibn Kathir pour la partie historique, et des Wâfiyât d'Ibn Rafi ; il a été continué sous le titre de Athhâr-al-'asr-li-israr-ahl-al-'asr, par Borhân ad-Din Ibrahim ibn Omar al-Bakâ'î, mort en 885 (1480 de J.-C.) (Paris; Bibl. Nat., ar. 1601-1602).
80. Le panégyrique du sultan al-Malik ath-Tahir-Djakmak, composé un peu avant 843 (1439 de J.-C.) par Schihâb ad-Din Abou’l Abbâs-Ahmad ibn Mohammad ibn 'Abd-Allah ibn Ibrahim-al-Dimashki ibn 'Arabshâh, mort en 854 (1450 de J.-C) (British Muséum, supp. 559).
81. * Le 'Akd-al-djomân-fî-tàrîkh-ahl-az-zamân, par Badr ad-Din Mahmoud ibn Ahmad al-'Aînî, mort en 855(1451). Suivant Hadji-Khalfa (VI, 229, 8182), l'ouvrage complet formait dix-neuf tomes. C'est une chronique très détaillée dont on possède deux fragments, l'un allant de 621 à 679 (1224-1280 J.-C) et l'autre de 799 à 832(1377-1428 de J.-C). Cet ouvrage a été longtemps attribué à un nommé Hasan ibn Ibrahim avec le titre Djâmi-al-tawârîkh-al-misriyya-fi-dikr-al-moloûk-wα-l-khulafâ-wa-'l-salâtîn-al-islamiyya, par suite de la fraude d'un libraire. L'auteur cite parmi ses autorités : Baybars-al-Mansourî; le munchi Abou’l Fath ; la Chronique d'Aboulféda; Ibn Kathîr; Ibn Khallikan ; Ibn Sibt-al-Djaûzî; Nowaïri; Abou-Shama; Ibn Wasil. Il né cite pour ainsi dire plus de sources dans les dernières parties parce qu'il était contemporain de la plupart des événements qui y sont racontés (Paris; Bibl. Nat., ar. 1543-1544).
82. Le Tarikh al-badr-fi-avsaf-ahl-az-zamân, chronique générale par 'Aînî qui, suivant Hadji-Khalfa (II, 138, 2260), devait comprendre dix volumes (British Muséum, Catal., Tome I, n° 935).
83. Le al-Djaûharah-al-saniyya-fî-târîkh-al-daulat-al-Mowayyadiyya, vie en vers d'al-Malik al-Movayyad-Shaîkh ibn 'Abd-Allah-al-Mahmoùdî par un nommé Mahmoud ibn Ahmad; Hadji-Khalfa (III, p. 641) l'appelle Mahmoud ibn Ahmad al-'Aînî et donne à l'ouvrage les deux titres de Sîrat-al-Mowayyad et Sirat-al-Malik al-Mowayyad (Munich, Catal., page 163).
84. * Le al-Nodjoûm-az-sâhirah-fî-moloûk-Misr-wa'-l-Kâhirah, par Djémal-al-Dîn Abou 'l-Mahâsin-Youssouf ibn Taghrîbardî, mort en 874 (1469-1470) ; Egypte divisée par années, commençant à la conquête d''Amroû ibn al-'As et se terminant avec le sultan circassien al-Malik al-Ashraf-Yînâl. Le sultan ottoman Sélim loua beaucoup cet ouvrage quand il s'empara de l'Egypte, et il ordonna au mollah Chams ad-Din Ahmad ibn Soleïman ibn Kémal-Pacha (f en 940-1533 de J.-C) de le traduire en langue turque; ce personnage était alors Anatoli Kazi asker. L'auteur abrégea lui-même son grand ouvrage et il donna à ce résumé le titre de al-Kavâkib-al-bâhirah-min-al-Nodjoûm-az-zâhiran (Hadji-Khalfa, VI, 311, 13617). Ses sources sont, pour les fatimides : Ibn Khallikan ; le Tarikh al-Islâm de Dahabi ; le Mîrât-az-zamân de Kizoghlou; al-Kobtî; 'Abd-al-Djabbâr-al-Basrî; le kadi Abou-Bakr-al-Bakkâlânî ; Abou’l Faradj ibn al-Djaûzî ; l'auteur de la Chronique de Kairowân ; Abou Dourr; Abou Sa'id al-Roustamî; le khâtib Abou-Bakr; Ibn Mâkoula; Ibn as-Sâbî; al-Koda'î; Abou Yali al-Kalânisî; Izz ad-Din ibn al-Athir ; Hasan ibn Mohammad al-'Alavî; Ibn 'Asâkîr; Ibn Abou-Mansour; ‘Imad ad-Din Isfahânî ; l’auteur du Kitab al-mokallataîn-fi-akhbâr-ad-daulatain; Djémal ad-Din ibn Wasil ; Abou Shama ; — pour les ayyoubides : Ibn al-Fârisî ; ‘Imad ad-Din Isfahânî ; Chams ad-Din Abou’l Mothaffar-Yousouf ibn Kizoghloû ; Ibn Shaddâd; Ibn Khallikan; Ibn al-Athir; Ibn 'Asâkir; Abou’l Kâsim-Shakir ibn 'Abd-Allah ; Abou 'l-Mothaffar kadi ibn kadi ibn kadi ibn kadi ibn kadi ibn kadi; Ibn al-Kâdisî; Dahabî; Abou Shama; Abou’l Barakât ibn al-Mostaûfi; Mouvaffik ad-Din 'Abd-al-Latîf, auteur du Sîrat-al-Malik al-'Adil; Djémal ad-Din ibn Wasil; Ibn Masdî ; le hâfith 'Abd al-'Athîm al Mondîrî ; Saad ad-Din ; Salah ad-Din Khalil ibn Aïbec-al-Safadî. Pour les Mamlouks bahrites : Kotb ad-Din al-Yoûnîni; Ismâ’îl al-Koûrânî; le hâfith al-Dimyatî; Dahabî; Izz ad-Din Omar ibn 'Ali ibn Ibrahim ibn Shaddâd; Rokn ad-Din Baybars-al-Mansourî ; le continuateur du Mirât-az-zamân; Schihâb ad-Din Mahmoud; Sharaf ad-Din Mohammad ibn Moussa-al-Mokaddisî, auteur d'une vie d'al-Malik al-Mansour-Saïf ad-Din Kalâoûn ; Salah ad-Din al-Safadî ; Ibn Kathîr; Abou 'l-Hasan-al-Shâdîlî-Abou'l 'Abbâs; Tadj ad-Din al-Ghazâvî ; al-Barzânî ; Madjd ad-Din al-Haramî, wâldi du trésor public; le kadi Hosâm ad-Din al-Hanafî; l'auteur du Nuzhat-al-aibâb; Nowaïri; al-Djazarî; Kamal ad-Din Djafar al-Ad-foûnî ; 'Alâ ad-Din 'Ali ibn Fadl-Allah, Kâtib-al-sirr; — pour les Mamlouks Tcherkesses ou bordjites : Takî ad-Din al-Makrizi; Badr ad-Din 'Aînî; Badr ad-Din Hasan ibn Habib (Paris; Bibl. Nat., ar. 1771-1789).
85. Le Havâdith-ad-dohoûr-fî-madâ-al-ayyâm-wa-‘l-shohoûr, par le même Djémal ad-Din Abou’l Mahâsin Yousouf ibn Taghrî-Bardî († en 874) ; continuation du Soloûk de Makrizi, également appelée al-Mozayyat-ala-tarikh-al-Makrizi (Ar. 1770) de l'année 845 à 860. Suivant Hadji-Khalfa (III, 614, 7240), Abou 'l-Mahâsin dit, dans sa préface, qu'il a entrepris ce travail pour rectifier les erreurs qui se trouvent dans la Chronique de Badr-al-Din Mahmoud al-'Aîni, qui avait continué le Soloûk et qu'il accuse d'une foule d'assertions inexactes et d'écarts de jugement considérables (British Muséum, Catal., Tome I, n° 1244).
86. Le al-Kavâkib-al-bâhirah-min-al-Nodjoûm-az-zûhirah, abrégé fait par Abou’l Mahâsin lui-même de son grand ouvrage historique (Leyde, Catal., n° 830).
87. * Le Manshâ-al-latafah-fî-dikr-man-walâ-al-khilâfah, par Djémal ad-Din Abou'l Mahâsin Youssouf ibn Taghrî-Bardî ; abrégé historique sans valeur, dont la seconde section contient des notices sur les fatimides, les ayyoubides et les Mamlouks jusqu'en 719 (1319 de J.-C.) ; il a été continué jusqu'en 932 hég. (1525 de J.-C.) (Paris; Bibl. Nat., ar. 1771).
88. * Le Maûroûd-al-latafa-fî-man-walah-al-saltanah-wa-l-khilâfah, par le même auteur; résumé d'histoire musulmane depuis Mohammed jusqu'en 872(1467 de J.-C); ses sources depuis Moktafi (489-1095 de J.-C.) sont : le Nodjoûm-az-zâhirah-fî-moloûk-Misr-wa-l-Kâhirah; al-Souli ; Ibn al-Djaûzî; Ibn Khallikan ; le hâfith 'Abd al-'Athîm al-Mondirî ; le Manhal-as-Safâ (d'Abou’l Mahâsin lui-même). Cet ouvrage n'a pas grande valeur (Paris; Bibl. Nat., ar. 1606).
89. * Le Tadj-al-maârîf-wa-târîkh-al-khalâîf, par Mohammad ibn Mahmoud ibn Abî-'l-Sa'adat ibn Abî-'l-Djoud al-Salmoûni, résumé d'histoire musulmane jusqu'à Kaitbay (872-1467 de J.-C); sans importance (Paris; Bibl. Nat., ar. 1608).
90. Fragment d'une Chronique anonyme divisée par années, de 845 à 873 hég. (1141-1468 de J.-C.) (Gotha, Catal., n° 1647).
91. L’Histoire du règne du sultan al-Malik al-Ashraf-Abou'l-Nasr-Kaîtbay, par Djélal ad-Din 'Abd-er-Rahman al-Soyoûtî, terminée en 877 (1472 de J.-C) (Oxford, Catal., Tome I, n° 906).
92. Le al-Mostatraf, par Abou 'l-Baka ibn al-Djî'àn, donne quelques renseignements sur la vie de Kaîtbay (Escurial, Casir., II, p. 158, col. 2).
93. * Le Bahdjat-al-sâlik-wa-'l-mamlouk-fî-târîkh-al-khulafâ-wa-l-salâtin-wa-'l-moloûk, par Mohammad ibn Mohammad ibn Mohammad al-Dja'farî ; résumé d'histoire musulmane composé sous le règne du sultan Kaîtbay et s'étendant jusqu'à l'année 886 (1481 J.-C); l'auteur semble être mort aux environs de cette date; ouvrage sans grande valeur (Paris; Bibl. Nat., ar. 1607).
94. Le al-Fadâil-al-bâhirah-bi-mahâsin-Misr-wa-'l-Kahirah, par Mohammad Abou Hamid al-Kodsi al-Misrî al-Shafà-'i ibn Tahir (mort en 888-1483 J.-C). Résumé sans grande importance de l'histoire de l'Egypte écrit vers 861 hég. (1456 J.-C.) (British Muséum, Catal. supp., n° 563).
95. * Le Anbâ-al-hasr-fî-anbâ-al-'asr, par Nour ad-Din 'Ali ibn Daoud-al-khâtib-al-Djaûhari qui a rédigé les annales de l'Egypte depuis 784 à 890 (1382-1485 de J.-C.).[8] Ce volume renfermant les événements des années 873-877 (1468-1472 de J.-C.) a donc la valeur d'un document original. Le titre et le nom de l'auteur sont donnés d'après une note écrite sur le recto du premier feuillet; suivant cette note, il serait autographe; le numéro du tome a été effacé à dessein. La disposition de cette chronique rappelle celle de l'Anbâ-al-ghomr-fî-abnâ-al-'omr d'Ahmad-Askalânî ; l'auteur cite : Djémal ad-Din Abou’l Mahâsin-Yousouf ibn Taghrî-Bardî (fol. 3 v°, 10 r°, 16 v°, 37 v° et r° etc.); il appelle sa Chronique Târîkh-al-Havâdith; le kadi Mohibb ad-Din ibn al-Shihna (fol. 15) : « comme je l'ai entendu de la bouche même (lafth) du kadi Mohibb ad-Din ». L'auteur semble bien contemporain des événements, qu'il rapporte, car au fol. 17 v° il parle de l'émir Kansoûh-al-Ahmadi, « qui est aujourd'hui shâdd du Shirâb-Khânah » (Paris; Bibl. Nat., ar. 1791).
96. * Le Kitab-al-dorr-al-thamîn-al-manthoûm-fîmâ-warada-fî-Misr, par 'Ali ibn Daoud-al-khâtib-al-Djaûhari ; notice historique et topographique sur l'Egypte ; cet opuscule, qui est très court, n'a aucune valeur ; il ne faut pas le confondre avec deux ouvrages portant également le titre de al-Dorr-al-thamîn, l'un écrit par Badr ad-Din Mohammad ibn Abî-Bakr-Shohba-al-Dimishki, contenant l'histoire de l'Atabek-Nour ad-Din Mahmoud ; l'autre, le al-Dorr-al-thamîn-fî-shar-al-thalatha-'l-salâtîn, vie des trois sultans ayyoubides al-Malik al-'Adil Soleïman, Ashraf-Ahmad, son fils, et al-Kâmil-Khalil, son petit-fils. (Hadji-Khalfa, III, 188, 4856, 4857) (Paris; Bibl. Nat., ar. 2446).
97. * Le al-Badr-az-zâhir-fi-nosrat al-Malik an-Nâsir, par un anonyme; histoire de la vie du sultan al-Malik an-Nasir-Mohammad, fils de Kaîtbây, divisé en quatre chapitres ; l'ouvrage est écrit en style très élégant, mais n'a pas grande importance au point de vue historique (Paris; Bibl. Nat. ar. 1793).
98. Le Baghiyat-al-mostafîd-fî-akhbâr-madînat-Zabid, par 'Abd-er-Rahman ibn 'Ali-al-Daiba'. Histoire de la ville de Zabîd de l'origine à 901 Hég. (1495 de J.-C.) Hadji-Khalfa (II, 61, 1887) nomme l'auteur Wudjîh-ad-Din... ar-Rabi-al-Yamanî. Le sixième chapitre de cet ouvrage traite de l'histoire des ayyoubides dans le Yémen. Cet ouvrage a été abrégé sous le titre 'Akd-al-bâhir-wa-baghiyat-al-mostafîd; il a été continué en vers de 900 à 923 (1494-1517 de J.-C), sous le titre Ahsan-al-solouk-fi-man-walâ-Zabîd-min-al-moloûk; ce nouvel ouvrage a été abrégé à son tour et a été nommé al-Fadl-al-mazîd-alâ-baghiyat-al-mostafîd (British Muséum, Catal., Tome I, n° 1583).
99. Le al-I’lanbi'l-tawârîkh-li-man-damma-ahl-al-târîkh, par Chams ad-Din Abou’l Khaîr-Mohammad ibn 'Abd-er-Rahman-al-Sakhavî, mort en 902(1496). Hadji-Khalfa (I, 305, 969) donne le titre de … bi-man-damma-ashab-al-târikh, et dit que cet ouvrage a été composé à la Mecque en 897 hég. (1491 de J.-C.) (Leyde, Catal., n° 746).
100. * Le Djavâhir-al-soloûh-fî-'l-khulafâ-wa-l-moloûk; histoire générale anonyme très abrégée et sans grande importance de Mahomet à 903 de l'hégire (Paris; Bibl. Nat., ar. 1616).
101. Une histoire sans titre ni nom d'auteur depuis Salah ad-Din jusqu'à Kaîtbây (f 901), écrite par un contemporain, mais sans aucune importance (British Muséum, Calai. Supp., n° 561).
102. *Le Badâi-az-zohoûr-fî-wakâi-al-dohoûr, par Djalûl ad-Din 'Abd-er-Rahman-al-Soyoûtî, mort en 911 (1505 J.-C). Chronique générale des origines à son époque. L'exemplaire de Paris va jusqu'au commencement du règne d'al-Malik as-Sâlih-Amîr-Hadjdj, fils d'al-Malik al-Ashraf Sha'bàn, fils d'al-Malik al-Amdjad-Rosaîn, fils de Mohammad ibn Kalâoûn ; il y a très peu de chose sur les ayyoubides et l'histoire des Mamlouks bahrites est très abrégée. Hadji-Khalfa (II, 27,1708) dit que l'auteur a lu trente-deux chroniques pour écrire la sienne. Parmi ses sources nous citerons, pour les ayyoubides : al-Haravî; Ibn al-Athir ; As'ad ibn Mammâtî ; al-Masihî; Ibn Kathîr ; le kadi al-Fâdil ; Ibn al-Monnawwadj ; Abou-Shama ; Dahabî; — pour les Mamlouks : Salah ad-Din ibn Aïbec-al-Safadî; Ibn Khallikan; Dahabî; Mohyî ad-Din ibn 'Abd-ath-Tahir, Kâtib-as-sirr ; Mohyî ad-Din ibn Fadl Allah Hakkâlî; Mohammad ibn Shakir-al-Katabî ; Saïf ad-Din Abou-Bakr ibn Asad ; Schihâb ad-Din ibn Hadjla al-Tilimsânî ; Borhân ad-Din ibn Djama'at ; ‘Imad ad-Din Ismâ'îl ibn Kathir (Paris; Bibl. Nat., ar. 1552).
103. * Le Kitab-husn-al-mohadirah-fî-akhbar-Misr-wa-'l-Kâhirah, par Djélal ad-Din 'Abd-er-Rahman-al-Soyoutî; la première partie contient une description géographique et topographique de l'Egypte; dans la seconde partie on trouve quelques renseignements historiques, mais plus encore de géographie et d'administration. Hadji-Khalfa (III, 69, 4511) dit que Soyoûti avait lu vingt-huit ouvrages pour l'écrire (Paris; Bibl. Nat., ar. 1794).
104. Fragment d'une Chronique sur l'histoire des fatimides, des Mamlouks bahrites et des Tcherkesses (Gotha, Catal., n° 1651).
105. Le Fotoûh-Misr, récit anonyme de la conquête de l'Egypte par le sultan Sélim ; il commence en 921 hég. (1515 de J.-C (Munich, Catal., p. 165).
106. Le Noshat-al-saniyya-fî-akhbâr-al-rnoloûk-al-misriyya, par Bektâsh ibn Toûkâtî, préfet du Caire ; histoire de l'Egypte depuis les khalifes jusqu'à Sélim Ier; cet ouvrage n'a que très peu d'importance (Escurial, Casiri II, p. 171, col. 2).
107. * Le Bâdai'-az-zohoûr-fî-wakâi-ad-dohoûr, de Mohammad ibn Iyâs ; chronique d'Egypte depuis al-Malik ath-Tahir Saïf ad-Din Abou Sa’id Barkôk (784-1382 de J.-C.) jusqu'en 928 (1521 de J.-C.) ; le récit devient très développé à partir des Tcherkesses dont l'histoire remplit les trois quarts de l'ouvrage. Hadji-Khalfa (II, 26, 1707) dit que Ibn Iyâs lut trente-sept chroniques pour rédiger la sienne. Parmi ses sources il convient de citer : Ibn Sibt-al-Djaûzi; Abou Shama ; Izz-ad-Din ibn 'Abd-as-Salam ; Chams ad-Din al-Dahabi ; Safi ad-Din al-Tamimî-al-Hanafi, professeur au collège de Basra ; Salah ad-Din-al-Safadî ; Djémal ad-Din ibn al-Hâdjîb al-Maliki ibn 'Abd-as-Salam ; Amin ad-Din al-Asoûi ; Djalal ad-Din al-Soyoutî ; Sobkî ; Saïf ad-Din Abou-Bakr ; Borhân ad-Din ibn Djama'at; Schihâb ad-Din ibn Abî-Hadji (Paris; Bibl. Nat., ar. 408).
108. Le Taânis-al-insân-fî-dikr-al-kisas-al-hasân, chronique anonyme des origines à 932 (1525 de J.-C.) (British Museum, Catal., Tome I, n° 1250).
109. Le Latâîf-al-afkâr-wa-kâshif-al-asrâr, par Hosain ibn Hasan, qui écrivait en 936 (1529 de J.-C). D'après Hadji Khalfa (V, 315, 11113), c'est un abrégé d'Egypte en cinq chapitres ; on y trouve quelques renseignements sur les ayyoubides et les deux dynasties des Mamlouks ; cet ouvrage a fort peu d'importance (Vienne, Catal., Tome II, p. 114).
110. Le Korrat-al-oyoûn-bi-akhbâr-al-Yaman-al-maîmoûn, par Wudjîh ad-Din 'Abd-er-Rahman ibn 'Ali ibn Daîba al-Shaîbânî; on trouve dans cet ouvrage des renseignements sur l'histoire des ayyoubides et 'des Rasoulites dans le Yémen ; le vrai nom de l'auteur qui mourut en 944 (1537 de J.-C.) est 'Ali ibn Hasan ibn Abî-Bakr ibn Hasan ibn 'Ali ibn Wahhâs-Mouvaffik ad-Din al-Zabîdî. La principale source de cet écrivain est le Kitab-al-asdjad d'Abou’l Hasan 'Ali ibn Hasan-al-Khazradjî, qui mourut en l'année 812 de l'hégire (1409 de J.-C). On a déjà vu plus haut un ouvrage du même auteur sous le titre Baghiyat-al-mostafid-fî-akhbâr-madînat-Zabîd (British Muséum, Catal., Tome I, n° 1474).
111. Le Dakhîrat-al-oloûm-wa-natîdjat-al-fohoum, par Zaïn al-'Abidin al-Bakri al-Siddiki (première moitié du x° siècle de l'hégire) ; histoire générale sans grande importance, comprenant les dynasties musulmanes depuis les Khalifes jusqu'aux Osmanlis (Gotha, Catal., n° 1578).
112. Le al-Badr-al-sâfirah-fi-man-walâ-al-Kâhirah, par Nour ad-Din Mohammad ibn Youssouf al-Minhâdjî, qui mourut dans la seconde moitié du xe siècle de l'hégire. Chronique en vers sans grande importance, depuis l'an 6 jusqu'en l'an 956 (1549 de J.-C.) de l'hégire (Vienne, Catal., Tome II, p. 146).
113. * Le 'Ouyoûn-al-akhbâr-wa-nuzhat-al-absâr, par Mohammad ibn Mohammad ibn Abî-'s-soroûr-al-Siddikî; résumé d'histoire générale sans valeur s'étendant depuis la création jusqu'en 957 (1550 de J.-C). L'auteur a composé également un ouvrage nommé Tadkirat-al-thorafâ-bi-dikr-al-moloûk-wa-l-khulafâ, qui est un extrait de l’Ouyoûn-al-akhbâr, et un autre nommé al-Manh-ar-rahmâniyya-fî-daulat-al-Othmaniyya (Hadji-Khalfa, II, p. 264) (Paris; Bibl. Nat., ar. 1560-1561).
114. Le Tarikh-Misr, par Sâlih ibn Djélal-al-Misrî, aussi nommé Sâlih-Djelâlzâdèh-al-Roûmî, mort en 973 (1565 J.-C.) ou 977 (1569 de J.-C). Chronique générale égyptienne comprenant les khalifes, les ayyoubides et les Mamlouks. Ses sources sont principalement le Kaûkab-ar-râudat et le Husn-al-Mohadirat de Djélal ad-Din 'Abd-er-Rahman-al-Soyoutî (Vienne, Catal., Tome II, p. 160).
115. Le Khilâsat-at-tawârîkh, par le derviche 'Ali; abrégé très succinct de l'Egypte, depuis les khalifes jusqu'en 982 (1574 de J.-C), date probable de la mort de l'auteur (Vienne, Catal., Tome II, p. 154).
116. Le Tohfat-al-mardiyya-fî-al-arâdî-al-misriyya, ouvrage sur l'administration égyptienne, écrit vers la fin du xvie siècle de l'ère chrétienne, par Zaïn ad-Din (ou al-'Abidîn). Ibrâhîm-al-Misrî, appelé lbn-al-Nodjoûm-al-Hanafî (Vienne, Catal., Tome II, p. 148).
117. Le Tohfat-al-bahiyyah-fî-tamalluk·al-Othman-ad-diyyâr-al-misriyya, par Chams ad-Din Mohammad ibn Abî-'s-Soroûr-al-Bakrî-al-Siddikî-al-Misrî (f 1028; 1618 de J.-C); la première partie de cet ouvrage contient le récit de la conquête de Sélim (Vienne, Catal., Tome II, p. 154).
118. * Le Akhbâr-al-douval-wa-athâr-al-awwal par Abou’l 'Abbâs Ahmad ibn Youssouf ibn Ahmad-al-Dimishkî (mort en 1019; 1610 J.-C.). C'est un ouvrage surtout géographique; il est divisé en une préface et cinquante-cinq chapitres; Dimishkî l'a extrait de la chronique de Djennabî, en l'augmentant et en faisant disparaître de nombreuses erreurs ; il fut composé en 1007 (1598). La partie historique comprend : Mahomet, les Khalifes, les fatimides (viie chap.); les ayyoubides (viiie chap.); les Mamlouks Turks (ixe chap.) ; les Tcherkesses (xe chap.). Cela consiste en très peu de chose ; les vingt-sept dernières sections forment un lexique géographique rangé suivant l'ordre alphabétique arabe; ces notices sont courtes, mais suffisamment exactes (Paris; Bibl. Nat., ar. 1556).
119. Le Nozhat-al-nâthirîn-fî-man-walâ-Misr-min-al-khulafâ-wa-l-salâtîn, par Zaïn ad-Din Mar'î ibn Youssouf al-Makdîsî, mort en 1033 ; résumé historique sans grande importance de Mohammad au sultan Osmanli Othman II ; le manuscrit de Vienne donne comme titre : Nozhat-al-nâthîrin-fî-târîkh-man-walâ-min-al-khulafâ-wa-'l-salâtîn (Vienne, Catal., Tome II, p. 149. Oxford, Catal. Tome II, p. 139).
120. Le al-Tohfat-al-saniyyah-fî-akhbâr-al-daûlat-al-Tcherkisiyyah ; histoire des Mamlouks tcherkesses, par le même auteur, Mar'î-al Makdisî (Vienne, Catal., Tome II, p. 151).
121. * Le Latâîf-al-akhbâr-al-avval-fî-man-tasarrafa-fi-Misr-min-arbâb-al-douval, par 'Abd al-Mo'tî ibn Ishak ; Egypte depuis Mohammad jusqu'au règne du sultan Mustafa Ier (1032-1622 de J.-C). Le manuscrit de Munich (Catal., p. 153) donne le nom de l'auteur sous la forme : Mohammad ibn 'Abd al-Mo'tî ibn Abou 'l-Fath ibn Ahmad ibn 'Abd-al-Ghanî ibn 'Ali-al-Manoûfi-al-Ishakî; l'ouvrage porte aussi le titre de Tarikh-Ishâkî-djâmi'-likull-al-tharâîf-wa-l-latâîf. Il fut terminé en 1033 (1623 de J.-C.) (Hadji-Khalfa, V, 313,11103); l'auteur l'avait commencé en 1031 (1621 de J.-C). Il est divisé en une préface, 10 babs et une conclusion ; les trois premières traitent des khalifes jusqu'aux Abbassides; la cinquième des fatimides ; la sixième des ayyoubides, la septième des Mamlouks bahrites ou turcs; la huitième des Tcherkesses; la neuvième des Osmanlis. Pour les fatimides, ayyoubides et Mamlouks, ses sources sont : Makrizi; Dahabî; l'Uns-al-Djalil, de Modjîr ad-Din ; le al-Badayat-wa-'l-nahâyat d’Imad ad-Din ; Ibn Kathîr; Donaîsî, dans le 'Aîn-al-hayyat; Ahmad ibn 'Abd-er-Salam-al-Manoûfî; al-Kotbî; le Nukat-al-latîfat; le Hayyat-al-haîvân de Damîrî (Paris; Bibl. Nat, ar. 1839).
122. Le Djawâhir-at-târîkh-al-saniyya-al-musammâ-bi-kitâb-doûhat-al-azhâr-al-ishâkiyya-fî-man-walâ-al-diyyâr-al-misriyya, par l'auteur de l'ouvrage précédent qui est appelé ici Mohammad ibn 'Abd al-Motî al-Manoûfi al-Ishâkî ; histoire se terminant avec l'année 1031 (1621 de J.-C.) de l'hégire (Oxford, Catal., Tome I, n° 851).
123. * Le ar-Roûd-al-bâsim-fî-akhbâr-min-madâ-min-al-'awâlim, par le même al-Ishakî, qui naquit en 915 (1509 de J.-C.) et commença cet abrégé historique sans grande importance en 955 (1548 de J.-C). C'est une histoire musulmane générale dont la dernière partie contient l'histoire de l'Egypte (§ 4, les naïbs des khalifes en Egypte ; § 5, les fatimides ; § 6, les ayyoubides) jusqu'en 1032 de l'hégire (1622 J.-C); on voit par cette date que le livre original a reçu un appendice. Les sources sont le Fotoûh-Misr; le Khitât de Makrizi; Dahabî; Motanabbi; le commentaire du Coran de Baïclawî; le Kitab al-'othma; l’Adjâîb-al-makhloûkât de Kazwini ; le Hâyyât-al-hâivân de Damîrî; le Akhbâr-Misr-wa-'adjâîbihâ d'Ibn Wâsif-Shâh; l'auteur du Kâmoûs; « les livres des Coptes »; Modjîr-ad-Din, l'auteur du Uns-al-djalîl; Ibn Kathîr; le Kitab al-nasîhat; le Nukat-al-latîf (Paris; Bibl. Nat., ar. 1562).
124. Le ar-Raudat-al-zahiyyah-fi-wulât-Misr-wa-'l-Kûhirah-al-moazziyya, par Chams ad-Din Mohammad ibn Abi-'s-Soroûr-al-Sâdikî ; histoire de l'Egypte depuis les temps les plus reculés jusqu'en 1035 (1625 J.-C). Voir al-Tohfat-al-bahiyyah-fî-tamalluk-âl-Othmân-al-diyyâr-al-Mizriyya (Gotha, Catal., n° 1638).
125. * Le Dakhîrat-al-i'lâm-bi-tawarîkh-al-khulafâ-al-alâm-wa-umarâ-Misr-al-hukkâm, par Ahmad ibn Sa'd ad-Din al-Ghomrî-al-Othmanî. Le manuscrit de Gotha (p. 1639) donne comme titre : Dakhîrat-al-a'lâm-bi-târikh-umarâ-Misr-fi-'l-Islam; c'est une Egypte en vers, de l'origine jusqu'en 1040 (1630 de J.-C). L'histoire des Khalifes y tient une grande place, celle des ayyoubides et des Mamlouks y est traitée très succinctement; ce livre n'a pas grande importance'(Paris ; Bibl. Nat., ar. 1850-1851).
126. * Le al-Kavâkib-as-sâyirah-fi-akhbâr-Misr-wa-'l-Kâhirah, par Chams ad-Din Mohammad ibn Abî-'s-Soroûr al-Bakrî al-Sâdikî ; c'est une description historique et géographique de l'Egypte avec un résumé historique jusqu'en 1063 (1652 J.-C); cet ouvrage, qui est divisé en dix-neuf chapitres, n'offre aucune importance (Paris ; Bibl. Nat., ar. 1852).
127. Le Takwîm-al-tawârîkh, par Mustafa ibn 'Abd-Allah, dit Hadji-Khalifa; ouvrage d'histoire générale, d'abord écrit en turc et traduit en arabe par un anonyme; il s'arrêtait primitivement en 1058 (1648 de J.-C.) de l'hégire; mais il fut continué jusqu'en 1076(1665 de J.-C.) (British Muséum, Catal., ar., Tome II, n° 1253).
128. * Le Simt-al-nodjoûm-al-awalim-fî-anbâ-al-awâil-wà-'l-tavâlî, par 'Abd-al-Malik al-Isamî, histoire générale, depuis la création jusqu'en 1098 (1686 de J.-C) de l'hégire. Parmi ses sources il convient de citer : la Sîrat-al-Shûmî, par Mohammad ibn Yousouf; l'ouvrage historique de Dahabî; la chronique du kadi Chams ad-Din Ahmad ibn Khallikan ; la chronique d'al-Sobkî; la chronique d'Ibn al-Djaûzî; l'histoire de Jérusalem et d'Hébron; la chronique de Salah ad-Din ibn Aïbec-al-Safadî ; Y Histoire des Khalifes de Soyoûtî; l'Abou 'l-Mahâsin-Youssouf ibn Taghî-Bardî ; la chronique d'Ibn al-Athir. Ce résumé n'a pas grande importance (Paris; Bibl. Nat., ar. 1563).
129.Le 'Ouyoûn-akhbâr-al-a'yân-bi-man-madâ-min-sâlik-al-'asr-wa-'l-zamân, par Ahmad ibn 'Abd-Allah al-Bagh-dâdî; histoire générale très abrogée et sans grande valeur; l'auteur mourut en 1102(1696 de J.-C).
130.*Le Tarikh waka-at-al-Ghoûrî-wa-'l-sultân-Selîm, histoire de la guerre entre al-Malik al-Ashraf-Kânsoûh-al-Ghaûrî et Sélim-Khân, par Ahmed ibn Zanbil-ar-Rammâl-al-Mahallî, commençant en 922 (1516 de J.-C.) de l'hégire; l'auteur y a ajouté un appendice intitulé : hada-muntakhabat-min-risâlat-taalîf-al-shaîkh-Ahmad-al-Mahalli-fî-ghizwat-al-sultân-ala'tham-wa’l-khâkân-al-akram-maulânâ-al-sultân-Sélim-khân...-ma'-al-sultân-Kânsoûh-al-Ghauri, cet ouvrage fut terminé en 1109 (août 1697), (Munich, Catal., page 164, Vienne, Catal., Tome II, 156). Il y a, dans le fonds arabe de Paris (n° 1832), un manuscrit de cet ouvrage qui n'a pas une grande importance historique ; il ne consiste guère qu'en amplifications analogues à celles du Roman d'Antar ou du Roman de Baybars ; il y en a deux recensions.
131.Egypte anonyme depuis l'hégire jusqu'au commencement du xiie siècle de l'hégire, sans grande importance (Gotha, Catal., n° 1641).
132.Le Raûdat-al-akhbâr-fî-dikr-afrâd-al-akhyâr, par 'Ali ibn Yâsin al-'Omarî; chronique très générale écrite après 1223; fort peu importante (British Muséum, Catal., ar., Tome I, n° 1266).
133.Le Akhbâr-al-abâ-al-kadîsîn-Batârika...; histoire des patriarches d'Alexandrie, par un anonyme ; elle va jusqu'au patriarche Marc VIII, qui mourut en 1802 (British Muséum, Catal., ar., Tome I, n° 1645).
134.L'histoire des patriarches d'Alexandrie, depuis Gabriel ibn Turaïk, le soixante-dix-septième patriarche, jusqu'au même Marc VIII (f 1802) (British Museum, I, 1646).
J'ai eu à ma disposition, pour exécuter la traduction qui paraît aujourd'hui dans la Revue de l'Orient Latin, le manuscrit dont E. Quatremère a publié les folios 115 à 315 sous le nom d'Histoire des Sultans Mamlouks de l'Egypte. Ce manuscrit, qui a été fini de copier le dixième jour du mois de Moharram de l'année 1041 de l'hégire (7 août 1631), est suffisamment correct pour que l'on puisse se passer de comparer son texte avec les manuscrits du même ouvrage qui sont conservés à la Bibliothèque Bodléienne.[9] Il est évident que si Ton voulait donner une édition définitive du texte arabe, il serait bon de relever leurs variantes au moins pour les noms propres ; je doute que cette collation ait été d'une utilité immédiate pour ma traduction ; car, d'après la partie que je connais des manuscrits d'Oxford,[10] leur texte ne me paraît pas bien supérieur à celui du manuscrit de Paris et, en plusieurs endroits, ils reproduisent les mêmes fautes.
Sans être belle, l'écriture du manuscrit de Paris est facilement lisible et elle est la même d'un bout à l'autre du volume; les derniers feuillets ont été fortement endommagés par l'humidité. Ce volume, qui portait autrefois le n° 672 du fonds arabe, a reçu dans le nouveau classement le n° 1726 ; il contient les deux premiers tomes du Soloûk et s'arrête au milieu du règne du sultan bahrite al-Malik as-Sâlih-Salah ad-Din Sâlih, fils du sultan Mohammad ibn Kalâoûn. Le manuscrit des deux derniers tomes porte le n° 1727 (anciennement 673). Il se compose de deux parties bien distinctes ; la seconde, qui commence au folio 269, est d'une bonne écriture datée de l'année 939 de l'hégire (1533 de J.-C); tout le commencement du volume a été rapporté et est de la même main que le manuscrit 1726. On remarque dans le corps de ce volume plusieurs lacunes dont l'une est signalée par une note de M. de Sacy, écrite au recto de l'un des feuillets de garde : « Il y a dans ce volume une lacune qui comprend quelque chose de l'année 800 et les quatorze premières années du ixe siècle de l'hégire en entier. Il faut, pour y suppléer, avoir recours au n° 674. »
Le manuscrit qu'indique ainsi Sylvestre de Sacy est aujourd'hui catalogué sous le n° 1728; il contient la troisième partie du Soloûk, c'est-à-dire le récit des événements qui se sont passés en Egypte depuis l'année 801 jusqu'en 822 de l'hégire. Quoique négligée, l'écriture en est assez facilement lisible et elle doit remonter à la fin du xve siècle de notre ère.
Ces trois volumes ont respectivement 630, 488 et 165 feuillets. Les deux premiers ont été rapportés du Caire par le célèbre orientaliste Vansleb, qui les avait payés 23 piastres et demie; j'ignore la provenance du manuscrit 1728 et le nom de l'agent français qui l'a acquis en Orient; il ne porte aucune marque qui permette de le déterminer; toutefois, il est certain qu'il entra à la Bibliothèque du Roi peu de temps après les deux premiers, comme le prouvent les estampilles fleurdelisées et une notice écrite par Ascari sur l'un des feuillets de garde.
Je me suis attaché à rendre avec la plus grande fidélité la pensée de l'auteur du Soloûk et, dans certains cas, je n'ai pas hésité à m'écarter du mot à mot strict pour mieux atteindre ce but. Cette manière de traduire a ses partisans et ses adversaires; je la crois très supérieure à celle qui consiste à rendre mot pour mot les phrases de l'original et à transporter dans la langue de la traduction des métaphores et des idiotismes qui y sont insupportables et souvent incompréhensibles ; elle est certainement plus pénible, car l'on est forcé de choisir entre deux et quelquefois trois ou quatre interprétations possibles d'une même phrase traduite mot à mot, ce qui ne laisse point quelquefois d'être très délicat. La comparaison continuelle du texte du Soloûk avec les ouvrages des autres historiens arabes de la Syrie et de l'Egypte[11] permet souvent de fixer le sens de passages douteux qui sans cela risqueraient de demeurer éternellement obscurs. La collation des manuscrits ne peut qu'aider à rétablir les mots estropiés par les copistes, tandis que la comparaison des différents historiens permet souvent de rétablir le fil des idées de l'auteur que l'on traduit dans des cas où, sans cette aide, il échapperait complètement. Il n'est pas rare, en effet, qu'un écrivain tel que Makrizi, copiant un passage d'un historien antérieur, l’écourte, soit parce qu'il le trouve trop long, soit pour mieux dissimuler son plagiat; il arrive que ces phrases ainsi tronquées n'ont plus aucun sens, et, si l'on lie recourt à l'original, on risque fort de ne jamais les comprendre. Malheureusement, l'on ne possède pas tous les ouvrages qui ont servi de matériaux à Makrizi, et même, quand ils sont connus, comme il ne cite pas exactement ses sources, il faut se livrer à un travail incroyable pour retrouver le passage qu'il a copié.
Dans la partie du Soloûk qui traite de l'histoire des Ayyoubides, je me servirai pour les notes de ma traduction de la Chronique de Djémal ad-Din ibn Wasil et de l’Histoire des Patriarches d'Alexandrie; j'indiquerai ultérieurement les ouvrages que j'emploierai dans le même but, quand j'aborderai l'histoire des sultans Mamlouks.
Edg. Blochet.
DE
TRADUCTION FRANÇAISE ACCOMPAGNÉE DE
NOTES HISTORIQUES ET GÉOGRAPHIQUES
Au nom du Dieu clément et miséricordieux.
Je n'ai pas d'autre assistance que celle d'Allah et je me remets entre ses mains ! Dis : Allah possède la toute puissance ; c'est par sa volonté que l'autorité vient aux hommes et c'est sa volonté qui la leur enlève. Il glorifie ou abaisse celui qu'il lui plaît d'élever ou d'abaisser; il change le bonheur en larmes et sa toute puissance s'étend sur toutes choses. Il fait succéder la nuit au jour et le jour à la nuit ; il fait sortir la vie de la mort, et la mort de la vie, il donne à qui il veut, sans compter, son pain quotidien.
Louange à Allah qui est un dieu sage, un dieu puissant, un roi omnipotent et victorieux, qui donne à celui qui est faible et méprisé, qui humilie la vanité du puissant et du riche, qui élève l'homme humble et obscur, qui humilie l'homme puissant et noble, qui glorifie celui qui est méprisé et honni, qui dérobe le fugitif à la vue des hommes qui le poursuivent, qui humilie ceux qui sont armés de lois inexorables ou qui possèdent de nombreux soldats, ceux qui font flotter au-dessus de leur tête les étendards et les drapeaux[12] et ceux qui commandent aux armées et aux troupes. Il donne sa puissance à celui qui n'est rien, dont on ne connaît ni les pères ni les ancêtres, mais qui se conforme dans sa conduite aux désirs de son Maître et qui est utile à son prochain, à celui que les gens haïssent et pour qui personne n'a de considération, à celui qui ne peut faire rien qui soit utile à lui-même et encore bien moins à un autre que lui, qui est incapable d'écarter le mal et les calamités qui fondent sur lui par suite de sa faiblesse et de l'obscurité dans laquelle il vit. Il enlève l'empire à celui que les plus méchants redoutent au milieu de leurs ruses, à celui devant qui s'humilie l'insolence des guerriers malgré leur dureté et leur cruauté, aux pieds duquel se prosternent les plus braves soldats.
Louange à Dieu pour ce qu'il refuse et pour ce qu'il donne, pour les épreuves qu'il envoie à l'homme, pour les souffrances, les malheurs et la médiocrité dans lesquels il le fait vivre, pour les bienfaits et les dons dont il gratine ceux qui louent sa Gloire. C'est dans sa main qu'est la puissance sur toute chose et c'est vers lui que nous retournerons. Il n'y a pas d'autre divinité qu'Allah, l'Unique, le Seul, l'Isolé, l'Éternel, qui n'a pas été enfanté et qui n'a pas engendré, il n'a pas d'égal. Allah est grand. Les hommes ne saisissent de sa science que ce qu'il a bien voulu leur en dévoiler ; son trône s'étend sur la terre et sur les cieux ; l'intelligence ne peut aller jusqu'à concevoir sa grandeur, et c'est lui qui a instruit les prophètes et les envoyés. Qu'Allah prie sur notre prophète Mohammed par la main de qui il a fait disparaître du monde les Khosroès qui associaient à Dieu d'autres divinités, qui a renversé par sa loi l'empire des Césars de Rome, qui a anéanti les religions dans lesquelles les hommes adoraient des idoles et des statues, qui a détruit les temples du feu, qui a réuni autour de lui les princes des Arabes qui, avant cette époque, étaient dispersés dans leur presqu'île. Quand Allah (louanges lui en soient rendues!) m'eut permis d'achever le « Livre des Colliers des perles des écrins sur l'histoire de la ville de Fostat » et le livre intitulé les « Enseignements réservés aux orthodoxes sur l'histoire des khalifes (fatimides) », tous les deux traitant des souverains d'Egypte, des émirs et des khalifes, des événements qui se sont passés sous leurs règnes depuis les temps de la conquête jusqu'à l'époque de la chute de la dynastie fatimide, je me suis plu à continuer ce récit par l'histoire des souverains d'Egypte qui ont régné après eux, tant des souverains Kurdes ou ayyoubides, que des Sultans Mamlouks, Turcs et Circassiens, dans un livre dans lequel se trouve racontée leur histoire, où l'on expose leurs institutions ainsi que la plupart des événements qui se sont passés à leur époque, sans distinguer entre les biographies et les obituaires.[13] Je me suis tenu à un juste milieu entre une narration trop développée et un récit trop succinct, et j'ai intitulé cet ouvrage « Le livre de l'introduction à la connaissance des dynasties royales » (Kitab as-soloûk-li-ma'rifat-douval-al-moloûk).
Il faut savoir qu'avant la venue de notre Prophète Mohammad (qu'Allah prie sur lui et lui accorde le salut !), tous les habitants de la terre, tant dans les pays de l'ouest que dans l'est, étaient répartis en sept grandes nations:[14]
Les Sin (Chinois) au sud-est (djanoûb-mashrek) de la terre.
Les Hindous au sud franc (wasit djanoûb).
Les Nègres (Soudan) au sud-ouest (djanoûb-maghreb).
Les Berbères au nord-ouest (shamal-maghreh).
Les Roumis au nord franc (wasit-shamal).
Les Turks au nord-est (shamal-mashrek).
Les Persans au milieu de ces six nations qui les entouraient de toutes parts.
Dans les temps anciens, avant l'apparition de la loi musulmane, ces différents peuples ne formaient qu'une seule nation que l'on appelait de deux noms, les Samanéens et les Chaldéens ; ils se séparèrent ensuite en cinq groupes religieux : les Sabiens, les Mages, les Polythéistes, les Juifs et les Chrétiens. Les Sabiens[15] adoraient les étoiles ; ils pensaient que tout ce qui se trouve dans ce monde inférieur, que les créatures traversent dans la vie actuelle, a été produit par les étoiles. Ils croyaient également que c'était du soleil qu'émanait tout ce qui se produit dans le monde. Cette religion est la plus ancienne de toutes, c'était celle des habitants de Babylone (Babil) qui étaient Chaldéens; Allah leur envoya comme prophètes Nouh et Ibrahim (que les prières d'Allah soient sur eux deux!).
Les Sabiens faisaient des idoles de pierres précieuses et de métaux auxquelles ils donnaient le nom des étoiles. Ils adoraient ces idoles, leur adressaient leurs prières, leur faisaient des sacrifices pour se les concilier, croyant qu'ils en tiraient un bénéfice et qu'elles éloignaient le mal d'eux. Quelques restes de ces Sabiens vivent aujourd'hui dans le Savad de l’'Irak, à Harrân et à ar-Rohâ (Édesse). Ils ont embrassé l'Islamisme et sont connus sous les noms de Nabatéens et de Djarnaniens ; ils n'ont plus aujourd'hui d'autonomie depuis que les Persans les ont vaincus. C'est sous le règne de al-Malyoun, qu'ils abandonnèrent leur nom de Chaldéens pour prendre celui de Sabiens.
Les Mages disaient qu'il y avait deux dieux, le premier, auteur du bien[16] était la Lumière et l'autre, auteur du mal, était les Ténèbres.[17] On les appelait également les Dualistes. Ils construisirent pour ces dieux des pyrées dans lesquels le feu brûlait continuellement. C'était à ces feux qu'ils adressaient leurs prières et qu'ils offraient leurs sacrifices, et ils croyaient que ces dieux étaient la source du bien et du mal. Cette religion était celle des Khosroès, rois de Perse dans l'Irak. L'Envoyé d'Allah (qu'Allah prie sur lui et lui donne le salut!) naquit sous le règne de Kesrâ Anoushirvân. Les Arabes anéantirent l'empire des Khosroès pendant le khalifat du Commandeur des Croyants, 'Omar ibn al-Khattab (qu'Allah soit satisfait de lui!), ils leur prirent al-Madaïn, Djaloula ainsi que d'autres villes. Le dernier de leurs souverains, Iezdedjerd fut tué sous le khalifat du Commandeur des Croyants 'Othman ibn 'Affân (qu'Allah soit satisfait de lui !) Aucun Khosroès ne régna après lui; les Persans furent dispersés et leur royaume est resté anéanti jusqu'à aujourd'hui. J'ai parlé déjà des rois de Perse dans mon livre des « Colliers des perles des écrins » ; j'y renvoie pour plus de détails.
Les Polythéistes ou Associateurs, tout comme les Sabéens et les Mages, adorent des idoles et des feux au lieu d'adorer Allah. Les Arabes, auxquels Allah envoya notre prophète Mohammad (qu'Allah prie sur lui et lui donne le salut !) les appelèrent les Polythéistes (al-moushrakin) et ce nom leur resta. Ils adoraient des idoles, des statues et des représentations de divinités au lieu d'adorer le vrai Dieu. Ils se prosternaient devant elles, leur adressaient leurs prières et leur offraient des sacrifices. Ces idoles étaient faites de pierres, de bois et d'autres substances. Ils étaient persuadés que c'était d'elles que leur venait tout profit et qu'elles détournaient le mal qui aurait pu les atteindre. Les Polythéistes (ou Associateurs) croyaient que c'est le Dieu très haut qui les a créés, qui les fait exister et ensuite les fait mourir et qui leur donne leur pain de chaque jour. Ils étaient persuadés que leur adoration des idoles était pour eux le moyen de se rapprocher de lui; quand ils se trouvaient en péril sur mer par suite de la violence du vent et de la force des vagues et qu'ils étaient en danger de mort, ils élevaient des idoles qu'ils adoraient et suppliaient Dieu de les sauver. Allah (louanges lui en soient rendues !) anéantit cette hérésie au milieu des Arabes par la main de notre Prophète Mohammad (qu'Allah prie sur lui et lui donne le salut !)[18] et ils entrèrent successivement dans la loi de l'Islam. Ils ne voulurent pas reconnaître le vrai Dieu jusqu'au moment où l'Islamisme triompha de toutes les autres religions et où les Arabes eurent conquis l'Orient et l'Occident de la terre, tous les pays que foulèrent le pied de leurs coursiers et tous les rivages auxquels abordèrent leurs navires. Nous avons suffisamment parlé dans notre livre des « Colliers de Perles des écrins sur l'histoire de la ville de Fostat », des tribus arabes et de leurs subdivisions.
Les Juifs sont les sectateurs de Moussa, fils d'Amrân (que les prières d'Allah soient sur lui!). Leur livre sacré s'appelle la Thora ; ils sont tous fils d'Ibrahim, l'ami d'Allah. Ils sont aussi connus sous le nom de Bènou Isrâil, (Israélites); Israil étant Yakoub, fils d'Ishak, fils d'Ibrahim (que les prières d'Allah soient sur eux!). Ils formaient douze tribus et ils possédèrent la Syrie tout entière, moins une petite portion jusqu'au moment où leur empire fut détruit par Bokht-en-Nasr, puis par Titus (Titis). Quand Allah eut révélé l'Islam, ils perdirent leur puissance et leur empire ; ils furent dispersés dans les diverses contrées de la terre et ils passèrent sous la domination des Chrétiens. Nous avons de même mentionné tous leurs rois dans notre livre des « Colliers des perles des écrins ».
Les Chrétiens suivent la loi du Messie, fils de Dieu, 'Isa, fils de Mariam (que les prières d'Allah soient sur lui!) Leur livre saint se nomme l'Évangile (al-Indjil). Allah envoya le Messie aux fils d'Israël qui, sauf quelques-uns, le traitèrent d'imposteur. Sa religion se répandit après qu'il fut monté au ciel. Les Romains, les Coptes, les Abyssins et un certain nombre d'Arabes embrassèrent cette religion et ils la conservèrent jusqu'au moment où Allah révéla l'Islamisme. Les Musulmans, tant compagnons du Prophète que ceux qui vinrent ensuite (qu'Allah soit satisfait d'eux tous!), combattirent contre Heraclius, le dernier de leurs rois et contre ses vassaux; ils lui enlevèrent la Syrie, l'Egypte et ils les forcèrent à se réfugier dans les îles de la mer. Les Musulmans livrèrent ensuite la bataille de Djellaka et conquirent de même sur les Chrétiens, l'Afrique, l'Espagne (Andalous) et tous les pays du Maghreb ; ils portèrent la guerre et le massacre jusque dans le pays des Roum et ils détruisirent leur empire auquel succéda celui des Francs. Nous avons déjà raconté dans notre livre des « Colliers des perles des écrins » et dans le livre intitulé « Exhortations et explications sur la topographie et les monuments anciens[19] », toutes les guerres qui eurent lieu entre les Roumis, les Francs et les Musulmans. A notre époque, ces rois des Francs, leurs sujets, ainsi que la plupart des rois d'Abyssinie et de leurs peuples, suivent toujours la religion chrétienne.
Allah a effacé ces religions de la face de la terre quand il a envoyé notre Prophète Mohammad (qu'Allah prie sur lui et lui donne le salut!). A cette époque, le monde était divisé en cinq empires : le royaume de Perse ; le souverain de ce pays se nommait Khosroès ; le royaume de Roum dont le souverain était appelé Kaisar ; ce royaume fut en guerre continuelle avec le royaume de Perse, les souverains de ces deux pays ont élevé de nombreux monuments; le royaume des Turks, dont les souverains firent la guerre aux Persans, mais les chroniques des Khalifes ne nous apprennent pas qu'ils aient triomphé d'eux;[20] le royaume de l'Inde, les souverains de ce pays se bornèrent à garder ce qui leur appartenait et le royaume de Chine.[21] Quant aux fils de Cham, Abyssins, Zendjs et Berbères, ils n'avaient point de royaume qui put compter.
Sache qu'Allah donna sa mission à notre Prophète Mohammad (qu'Allah prie sur lui et lui donne le salut !) à l'âge de quarante ans. Il prêcha les Koraïchites à la Mecque durant treize années et il s'enfuit ensuite de la Mecque à Médine où il demeura pendant dix ans. Allah le rappela à lui à l'âge de soixante-trois ans. Nous avons déjà raconté sa vie en détail au commencement de notre livre « Le Collier des perles des écrins, sur l'histoire de la ville de Fostat » (Kitab 'akd-djavâhir-el-isfat fi akhbar medinet-el-Fostat). Après sa mort, les khalifes orthodoxes régnèrent durant trente ans sur l'islam et sur les Musulmans. Ces khalifes sont au nombre de cinq:
Abou-Bakr-as-Siddik (qu'Allah soit satisfait de lui!); son nom était 'Abd-Allah ibn 'Othman-Abou-Kahâfa. Il fut khalife durant deux ans et trois mois, moins cinq nuits (632-634).
Omar ibn al-Khattab (qu'Allah soit satisfait de lui!) ibn Nafil al-'Adouvi; il régna durant dix ans, six mois et quatre jours (634).
Othman ibn 'Affân ibn Abou al-'As ibn Oumayya ibn 'Abd-Chams ibn 'Abd-Manâf ; il régna durant douze ans moins douze jours. On dit aussi que la durée de son règne fut de onze ans, onze mois et quatorze jours, ou encore, suivant d'autres personnes, dix-huit jours (644).
'Ali ibn Abou-Thâlib ibn 'Abd-al-Motallib ibn Hicham ; il fut khalife durant quatre années, neuf mois et six jours, ou trois jours ou encore, suivant d'autres personnes, quatorze jours (656).
al-Hasan ibn Ali ibn Abou Thâlib, il régna cinq mois et demi environ ; on dit également six mois (661).
C'est avec al-Hasan que se termina la dynastie des khalifes orthodoxes (qu'Allah soit satisfait d'eux tous !). Le Khalifat devint ensuite une royauté de violence et de tyrannie et le pouvoir passa aux Omeyyades.[22]
Le premier d'entre eux qui exerça la souveraineté fut :
Mo'aviyya ibn Abou-Sofian (661); il s'appelait Sakhr ibn Harb ibn Omayya ibn 'Abd-Chams ibn 'Abd-Manâf; il régna durant dix-neuf ans, trois mois ou, suivant d'autres, trois mois moins un jour. Après lui, son fils (680)
Yazid monta sur le trône et fut khalife durant trois ans et six mois. On a dit aussi huit mois et on donne encore d'autres durées à son règne. Après lui régna (683)
Mo'aviyya, fils de Yazid, fils de Mo'aviyya, durant trois mois ou suivant d'autres, pendant quarante jours. Après Yazid, 'Abd-Allah ibn al-Zobaïr ibn al-'Avvam ibn Khavilad ibn Asad ibn 'Abd-al-Ghari ibn Kasi régna en même temps que Mo'aviyya dans le Hedjaz. Marvân le trahit en Syrie. La durée du règne d'Ibn al-Zobaïr jusqu'au moment où il fut tué à la Mecque, fut de neuf ans. Après Moaviyya-ibn-Yazid, régna en Syrie (684)
Marvân ibn al-Hakim-ibn Abou'l As ibn Omayya ibn 'Abd-Chams ibn 'Abd-Manâf, durant dix mois. Après lui régna son fils
'Abd-al-Malik (685) qui envoya al-Hadjdjâdj ibn Youssouf al-Thakafï faire la guerre à 'Abd-Allah ibn Zobaïr ; ce dernier fut tué après la mort de son concurrent. 'Abd-al-Malik régna pendant treize ans, quatre mois moins sept nuits. Après lui régna son fils (705)
al-Valid, durant neuf ans et sept mois; il eut pour successeur son frère, (715)
Soleïman ibn 'Abd-al-Malik, qui régna pendant deux ans, huit mois et cinq jours ; on dit aussi moins cinq jours. Après ce prince régna (717)
Omar ibn 'Abd al 'Aziz ibn Marvân ibn al-Hakim durant deux ans et cinq mois, après lui (720)
Yazid ibn 'Abd-al-Malik durant quatre ans, un mois et quelques jours. Ce khalife eut pour successeur sou frère (724)
Hicham ibn 'Abd-al-Malik, qui régna dix-neuf ans, neuf mois et vingt et un jours, ou suivant une autre estimation, huit mois et demi. Ce khalife se fit faire des vêtements brodés à sa taille ; il en fit tellement faire, qu'il fallut sept cents chameaux pour transporter ceux qu'il choisit. Cette charge était composée des habits dont il se revêtait, mais combien y en avait-il qu'il ne portait pas ! Après lui régna (743)
al-Valid ibn Yazid ibn 'Abd-al-Malik qui est connu sous le nom de Yazid-al-Nakis ; il régna durant un an et trois mois ou suivant d'autres auteurs, pendant deux mois et vingt-deux jours. Après lui son fils (744)
Yazid fut investi du Khalifat ; la situation de l'empire périclita sous son règne et il ne resta sur le trône que cinq mois et quelques jours. Son frère (744)
Ibrahim ibn al-Valid lui succéda et régna quatre mois ou, comme disent quelques personnes, soixante-dix jours ; il n'eut jamais aucune autorité. Après Ibrahim,
Marvân ibn Mohammad ibn Marvân ibn al-Hakim monta sur le trône (744-750). On le nommait Marvân le frisé, ou Marvân l'ânier. C'est sous le règne de ce prince que commença à poindre la dynastie des Abbassides. Ils lui firent la guerre et le tuèrent en Egypte. Il avait régné depuis son avènement pendant cinq ans, six mois et seize jours.
La dynastie Omeyyade finit avec l'assassinat du khalife Marvân ibn Mohammad. La dynastie du fils d’Abbas ibn 'Abd-al-Motallib ibn Hicham ibn 'Abd-Manâf le remplaça durant une période de cinq cent vingt-trois ans, dix mois et quelques jours. C'est à partir des Abbassides que la division s'introduisit dans l'Islam; ce fut sous leur règne que le nom d'Arabe disparut de la cour de Bagdad, que les Turks leur prodiguèrent les humiliations, et que les Deïlémites[23] arrivèrent au pouvoir. Les Turks acquirent ensuite un pouvoir immense et ils se partagèrent les royaumes de la terre.
Le premier khalife de cette dynastie fut as-Saffah, qui se nommait 'Abd-Allah ibn Mohammad ibn 'Ali ibn 'Abd-Allah ibn 'Abbâs; il régna durant quatre ans, huit mois et un jour (750-754). Ce prince aimait à répandre le sang; il fit périr des milliers de personnes et ses lieutenants imitèrent sa cruauté, en Orient comme en Occident. C'était en même temps un homme généreux qui répandait sans compter l'argent autour de lui et ses lieutenants l'imitèrent encore en cela. Son frère (754)
Abou Djafar al-Mansour, qui se nommait également 'Abd-Allah ibn 'Ali, régna après lui durant vingt et un ans et onze mois. Ce fut lui le premier qui détermina la rupture entre les Abbassides et les 'Alides; auparavant, ils ne formaient qu'une seule famille. Il fut de même le premier khalife qui admit dans son intimité les astrologues, qui régla ses actions sur les présages des étoiles, qui fit traduire en arabe des livres rédigés dans des langues étrangères, qui fit de ses affranchis et de ses serviteurs des gouverneurs de provinces et qui leur donna le pas sur les Arabes. Les khalifes qui lui succédèrent agirent de même, de telle façon que les règles de gouvernement des Arabes disparurent, que les lois et les usages qu'ils avaient mis en vigueur furent abandonnés et qu'ils perdirent le rang qu'ils occupaient auparavant dans l'empire. Ce prince avait étudié les sciences, aussi, sous son règne, les gens se livrèrent-ils ardemment à l'étude et la science se répandit. Après lui régna son fils (775)
al-Mahdi-Abou 'Abd-Allah-Mohammad, durant dix ans et un mois et demi. Ce fut un prince bon et libéral ; le peuple imita sa conduite et vécut dans l'aisance. Il s'appliqua à anéantir les hérétiques dès leur apparition et il fit disperser les livres traitant de leurs croyances. Ce fut lui le premier khalife qui ordonna de composer des livres de polémique pour réfuter les Zendiks[24] et les hérétiques. Il construisit une mosquée à la Mecque, une à Médine et une à Jérusalem. Il eut pour successeur son fils (784)
al-Hadi billah Abou Abd-Allah-Moussa qui resta sur le trône pendant un an et trois mois ; ce fut un prince indécis. C'est lui le premier qui fit marcher devant lui des hommes armés d'épées tranchantes, de lourdes masses d'armes et de nombreux arcs. Les gouverneurs des provinces l'imitèrent, aussi l'on fabriqua sous son règne une immense quantité d'armes. Après lui, son frère (786)
Haroun ibn Mohammad er-Rashid régna durant vingt-trois ans, deux mois et dix-huit jours, ou, suivant d'autres autorités, un mois et seize jours. Il faisait le pèlerinage avec la plus grande assiduité et il fit constamment la guerre ; il s'appliqua aussi à faire exécuter des travaux, des puits, des citernes, des fortins, sur le chemin qui conduit à la Mecque, ainsi que dans cette ville, à Mina et sur le mont 'Arafa. Ses bienfaits et sa justice s'étendirent à tous ses sujets. Il bâtit les villes frontières de l'empire, ainsi que les capitales (les villes des villes) et il y fit des fortifications considérables, telles Tarsous, Adana, Masisa, Marasch et autres. Le peuple régla sa conduite sur celle de ce prince ; ce fut lui le premier khalife qui joua à la paume à cheval (litt. avec des savalidja) dans l'hippodrome,[25] et qui tira avec des armes à feu sur des cibles.[26] Ce fut aussi lui le premier qui joua à la balle et aux échecs;[27] il fréquenta les gens qui étaient habiles dans ces jeux et leur donna des pensions. Tout le peuple l'imita et son règne fut comme une suite ininterrompue de réjouissances nuptiales. Il eut pour successeur son fils (809)
Amin-Mohammad, qui occupa le trône pendant quatre ans, huit mois et cinq jours. Ce prince favorisa les eunuques, leur donna les grands postes de l'empire et eut pour eux un attachement extraordinaire. Sa mère lui choisissait pour ses plaisirs de jeunes esclaves ; et le peuple imita sa conduite. Après lui régna son frère (813) al-Mamoun 'Abd-Allah ibn Haroun, durant vingt-deux ans, depuis le jour où il eut été désigné pour le khalifat, et pendant vingt ans, cinq mois et trois jours, ou, suivant d'autres, vingt-cinq; jours, depuis la mort de son frère. Ce fut le premier khalife qui étudia l'astronomie et qui régla sa conduite sur les présages des astres;[28] il lut un grand nombre d'ouvrages des philosophes anciens. Quand il fut arrivé à Bagdad, il cessa complètement et se mit à professer les doctrines des Motazallistes ; il s'entoura de savants, les fit venir de toutes les contrées et leur donna des pensions. Sous son règne, les gens s'adonnèrent à la science de la controverse et tout le monde composa des ouvrages pour prouver la supériorité de ses opinions. Ce fut un prince généreux et clément ; ses sujets imitèrent sa conduite. Après lui, régna son frère
al-Mo'tasim billah Abou-Ishak Mohammad ibn Haroun durant huit années, huit mois et huit jours (833). Ce fut le premier khalife qui fit entrer les Turks à la cour; il était ignorant au point de ne savoir ni lire ni écrire, mais il excellait à monter à cheval. Après lui régna son fils (842)
al-Wâthik billah Abou Djafar Haroun ibn Mohammad, durant cinq ans, neuf mois et six jours; mais son règne fut signalé par une grande calamité.[29] Ce khalife mangeait beaucoup et il finit par ne plus pouvoir se nourrir.[30] Il eut pour successeur (847)
al-Motawakkil 'ala-Allah Djafar ibn al-Mo'tasim, qui fut khalife durant quatorze ans, neuf mois et huit jours. Les Turks l'assassinèrent et c'est à partir de ce moment que date leur domination dans les différents pays du monde. Ce khalife fit cesser la calamité (qui avait désolé le règne de son prédécesseur);[31] il défendit de se livrer à la controverse et il édicta des peines contre ce délit. Il ordonna de publier les recueils de traditions musulmanes (hadith). Après lui, son fils (861)
al-Montasir-Mohammad ibn Djafar fut élevé au trône, mais il mourut au bout de six mois moins quelques jours. Il eut pour successeur (862)
al-Mosta'ïn billah Ahmad ibn Mohammad al-Mo'tasim, qui resta sur le trône durant trois ans, huit mois et vingt-huit jours; les Turks le renversèrent, le martyrisèrent et finirent par le tuer neuf mois après sa déposition. Ce khalife est le premier qui ait mis à la mode les habits pourvus de larges manches; il fixa leur largeur à trois empans, mais il diminua par contre la dimension des coiffures (al-kalânis) qui, avant lui, se portaient larges. Il eut pour successeur (866)
al-Mo'tazz billah Mohammad ibn al-Motawakkil; les Turcs le renversèrent, le torturèrent et le frappèrent jusqu'à ce qu'ils l'eussent tué. Il avait régné durant trois ans, six mois et vingt et un jours; on dit aussi durant vingt-quatre jours. Ce fut le premier khalife qui imagina de monter à cheval revêtu de riches ornements d'or; auparavant, les khalifes Omeyyades et les Abbassides montaient à cheval revêtus d'un habit garni seulement de quelques ornements en argent à la ceinture : il prit de plus des sabres, des selles et des freins tout en or. Quand al-Mo'tazz monta à cheval avec ces ornements d'or, le peuple courut derrière lui pour le voir. Après lui régna (869)
al-Mohtadi billah-Mohammad ibn al-Wâthik; les Turcs le tuèrent au bout de onze mois et dix-neuf-jours de règne. Il eut pour successeur (870)
al-Mo'tamed billah Ahmad ibn al-Motavakkil; les Turcs le tinrent dans une étroite dépendance, et son frère, al-Mouvaffik billah-Abou-Ahmad-Talha accapara toute son autorité. Ce fut sous son règne que le sultan du pays de Zindj se révolta contre l'autorité du Khalifat; al-Mowaffik lutta contre le prince de Zindj durant de nombreuses années, et il mourut après l'avoir tué. La mort d'al-Mowaffik fut un coup terrible pour al-Mo'tamad qui fut assassiné après un règne de vingt-deux ans, onze mois et vingt-cinq jours. Ce fut le premier khalife qui fut mis en tutelle et en interdit, et qui eut auprès de lui quelqu'un pour régir les affaires de son empire. Il eut pour successeur (892)
al-Mo'tadad Ahmad ibn al-Mouvaffik-Talha, sous le règne duquel eut lieu l'insurrection des Karmathes; ce prince mourut après avoir exercé le khalifat durant dix ans, neuf mois et trois jours, ou suivant d'autres, neuf ans, sept mois et vingt-deux jours. Quand il fut mort, on l'ensevelit dans deux vêtements qui valaient seize oboles. Après lui régna son fils (902)
al-Moktafî billah 'Ali ; ce prince poussa avec énergie la guerre contre les Karmathes et les mit en déroute. C'est également lui qui mit fin à la dynastie des Toulounides qui régnaient en Egypte et en Syrie. Il mourut après avoir occupé le trône du Khalifat durant six ans, six mois et seize jours ou, suivant d'autres personnes, dix-neuf jours. Il eut pour successeur son frère (908)
al-Moktadir billah Djafar ibn al-Mo'ladad, qui, à l'époque de son avènement, avait treize ans, deux mois et trois jours. Ce fui le premier khalife qui arriva au trône étant encore enfant. Les femmes et les eunuques usurpèrent toute son autorité; ce prince ne fit que disgracier et assassiner ses vizirs, de telle sorte que sa position devint intenable et qu'il ne resta sur le trône que quatre mois. Il fut renversé par 'Abd-Allah, fils d'al-Mo'taz, qui fut assassiné au bout d'un jour et d'une nuit; et al-Moktadir remonta sur le trône. Sous son règne, il y eut un soulèvement des Karmathes, qui enlevèrent la pierre noire de la Kaaba et l'emportèrent dans leur pays. Les Deïlémites s'insurgèrent également contre lui ; en même temps 'Obeïd-Allah-al-Mahdi se soulevait en Afrique et se déclarait khalife indépendant, en interdisant de faire dans le Maghreb et à Barka la khotba au nom des Abbassides. Al-Moktadir fut détrôné une seconde fois et on mit à sa place (929)
al-Kâhir billah Mohammad ibn al-Mo'tadad. Au bout de peu de temps
al-Moktadir fut remis sur le trône, mais les membres des divans usurpèrent toute son autorité et ne lui laissèrent que l'apparence du pouvoir. C'était une de ses concubines nommée Thamal-al-Kahramâna qui tenait les lits de justice; les vizirs, les kadis et les juristes venaient se présenter devant elle. Sous le règne de ce khalife, le pèlerinage fut interrompu ; les haines et les guerres se multiplièrent. Moktadir fut enfin assassiné après avoir occupé le trône du Khalifat durant vingt-quatre ans, deux mois et dix jours, ou, suivant d'autres, onze mois et quatorze jours, au moment où il partait pour se rendre à l'armée. Quand les meurtriers l'attaquèrent, il était enveloppé dans le manteau du Prophète et quand ils l'eurent massacré, le vêtement fut taché de son sang. Après lui (932)
al-Kahir billah Mohammad, fils d'al-Mo'tadad, fut élevé au Khalifat; il fut ensuite déposé et on l'aveugla avec un poinçon incandescent que l'on fit rougir par deux fois dans le feu, de telle sorte que ses yeux coulèrent. Cela arriva au bout d'un an, six mois et huit jours. Le Vendredi, il se tenait dans les mosquées et implorait la miséricorde des gens en disant : « O vous tous qui êtes assemblés ici, j'étais autrefois votre khalife et aujourd'hui je vous supplie de me donner un peu de ce que vous possédez ». Les assistants lui faisaient l'aumône. Après lui régna (934)
ar-Radi billah Mohammad, fils d'al-Moktadir. Ce fut sous le règne de ce prince que les Grecs s'emparèrent de toutes les villes frontières. Ce khalife était tellement tombé sous la dépendance de ses affranchis qu'il n'avait plus aucun pouvoir : il mourut après un règne de six ans, dix mois et dix jours, ou, suivant d'autres, neuf mois. Al-Radi fut le dernier khalife qui composa un divan de poésies complet; il fut également le dernier qui s'occupa avec une grande sollicitude[32] des affaires de l'armée et des finances de l'État, qui fit des constructions, qui invita ses familiers à venir se distraire avec lui, le dernier dont les dépenses, les dons qu'il faisait, la solde de ses troupes, les traitements qu'il assignait, ses dépenses de bouche et de réceptions, les traitements de ses chambellans furent réglés par les lois du premier Khalifat. Ce fut également le dernier khalife qui conforma sa conduite à celle des anciens khalifes. Après lui régna son frère (940)
al-Mottakî billah Ibrahim, qui était un homme vertueux et religieux. Sous son règne, les Bènou Hamdan s'emparèrent du Djézireh et de la Syrie. Il y eut beaucoup de révoltes contre lui; Toûzoûn le Turk le détrôna et lui brûla les yeux avec un poinçon d'acier comme on l'avait fait à al-Kahir. Ensuite, il le jeta dans le même cachot qu'al-Kahir et tous deux étaient aveugles. Kahir récita ces deux vers :
O Ibrahim, tu commences ta vie d'aveugle ; mon cœur ne peut s'empêcher de gémir tant que dure le pouvoir de Toûzoûn et tant que le poinçon est sur les charbons ardents.
Cela se passa après qu'il eut régné trois ans et onze mois. Il mourut vingt-cinq ans après sa déposition. Il fut remplacé sur le trône par (944)
al-Mostakfi billah 'Abd-Allah ibn al-Moklafi. Ce prince fil poursuivre al-Fadl ibn Moktadir qui était son ennemi, mais celui-ci s'enfuit auprès d'Ahmad ibn Bouyah qui lui donna l'hospitalité jusqu'à l'époque où mourut Toûzoûn. Al-Mostakfi ne dissimulait pas ses sentiments chiites et son amour pour 'Ali, fils d'Abou Thâlib. Il fut aussi aveuglé et ainsi se trouva confirmée la crainte qu'al-Kahir exprimait dans ses vers quand il disait : « mon cœur ne peut s'empêcher de gémir ». Les Deïlémites s'emparèrent de l'empire, et des révoltes éclatèrent contre le khalife, qui fut fait prisonnier et aveuglé par Mo'izz Eddaulèh-Ahmad ibn Bouyah lui-même. Il avait régné durant un an, quatre mois et deux jours. Après lui (946)
al-Moti'-lillah al-Fadl ibn al-Moktadir monta sur le trône ; il régna durant vingt-neuf ans, quatre mois et vingt-et-un jours, mais il n'eut que le nom de souverain, tandis que Mo'izz ed-dauleh gouvernait en réalité l'empire; ce personnage donnait chaque jour deux cents dinars pour la dépense d'al-Moti. C'est sous le règne de ce khalife qu'une armée commandée par al-Mo'izz li-din Allah Abou Tamîm-Ma'd entra en Egypte et que la dynastie Abbasside perdit ce pays ainsi que la Syrie. Al-Moti'-lillah resta sur le trône jusqu'au moment où il abdiqua en faveur de son fils (974)
al-Tâï'-lillah 'Abd-al-Karim, qui régna durant dix-sept ans, neuf mois et six jours, dominé par les Bouïdes; il fut détrôné au bout de ce temps et vécut dans la misère jusqu'à sa mort. Ce khalife avait une grande inclination pour les 'Alides. Sous son règne, les gens n'eurent plus aucune retenue ; les poètes composèrent des satires contre lui et le tournèrent en ridicule. Il eut pour successeur (991)
al-Kadir billah Ahmad ibn Ishak ibn al-Moktadir, qui régna durant quarante et un ans et trois mois ou, suivant d'autres, quarante-trois ans, trois mois et vingt et un jours. Sous le règne de ce khalife, les Deïlémites et les Bathéniens acquirent encore plus de puissance qu'ils n'en avaient auparavant. Ce fut un prince pieux, généreux pour sa famille et pour les étudiants. Sous son règne, les sectes des Moutazilites, des Bathéniens et des Rafidites se montrèrent au plein jour et firent de nombreux adhérents dans le monde; c'est également sous son règne que parut le sultan Yamin ed-dauleh Mahmoud ibn Sébuktéguin qui conquit l'Inde. Après lui régna (1031)
al-Kaïm-bi-Amr Allah 'Abd-Allah ; Arslan-al-Besasiri se révolta contre ce khalife et on fit la prière en son nom dans les chaires de l’Irak et de l'Ahvaz. Al-Kaïm écrivit au sultan Thoghril-Beg, fils de Mikâil, fils de Seldjouk, le turcoman, qui fut le premier des sultans Seldjoukides. Ce prince marcha sur Bagdad, et Besasiri s'enfuit avec les Turks qui composaient son armée. Besâsin se rendit auprès d'al-Mostansir billah Ma'd ibn at-Tahir, khalife fatimide d'Egypte, qui lui donna des secours pécuniaires, grâce auxquels il put s'emparer de Bagdad. Besasiri interdit de faire la khotba dans cette ville au nom des Abbassides et y substitua le nom d'al-Mostansir billah. Cela dura pendant environ une année qu'al-Kaïm passa en prison. Thoghril-Beg étant revenu, réinstalla al-Kaïm sur le trône du Khalifat ; il mit Besasiri à mort et réduisit tout le pays à son autorité. Al-Kaïm resta sur le trône jusqu'à sa mort, et régna quarante-quatre ans et huit mois. C'était un prince religieux, bon et qui priait souvent; il n'avait que le défaut d'écouter tous ceux qui lui donnaient des conseils. Il lui arriva d'investir du vizirat un homme qui tenait un petit commerce à Bagdad, et qui était connu sous le nom d'Ibn al-Silt ; cet individu le persuada d'appeler les Ghozzes[33] à son secours parce qu'ils étaient très montés contre les Chiites; al-Kaïm leur écrivit dans ce but ; il tomba sous leur domination et Besasiri périt comme l'on sait. Il eut pour successeur
al-Moktadi-bi-Amr Allah 'Abd-Allah ibn Dhakhirat-ad-Din Mohammad ibn al-Kaïm (1075). Ce Khalife n'eut jamais que l'apparence de la souveraineté, tandis que le pouvoir était en réalité aux mains de Malik Shâh, fils de 'Adad ed-dauleh. Il régna dans ces conditions durant dix-neuf ans, huit mois moins deux jours ou, suivant d'autres personnes, moins cinq jours. Après lui son fils (1094)
al-Mostathhir billah Ahmad, régna sous la domination des sultans Seldjoukides durant vingt-cinq années, ou, suivant d'autres personnes, durant vingt-quatre ans, trois mois et vingt et un jours. C'est sous son khalifat que les Francs s'emparèrent de Jérusalem et qu'ils y établirent leur domination. Il eut pour successeur son fils (1118)
al-Mostarshid billah al-Fadl ibn Ahmad, qui fut tué après dix-sept ans, six mois et vingt jours de règne. Après lui régna son fils
ar-Rashid billah Mansour (1135), qui fut déposé et assassiné après un règne d'un an moins dix jours. Après lui (1136)
al-Moktadi-bi-Amr-Allah-Mohammad ibn al-Mostathhir fut investi du khalifat. La prospérité de son règne fut due à son vizir 'Aoun ad-Din Yahya ibn Mohammed ibn Hobaîra; il fit arrêter un certain nombre de gens qui avaient un pouvoir trop étendu. Il alla prendre lui-même le commandement de ses armées et lutta en personne contre ceux qui se révoltaient contre lui. Ce khalife resta sur le trône vingt-quatre ans, trois mois et vingt et un jours. Après lui, son fils (1160)
al-Mostandjid billah Yousouf monta sur le trône et mourut après onze ans et un mois de règne. Il eut pour successeur son fils
al-Mostadi-bi-Amr-Allah-al-Hasan (1170). C'est sous le règne de ce khalife que l'on reprit au Caire et à Misr la khotba au nom des Abbassides. Elle avait été interrompue durant deux cent cinquante années, et elle fut rétablie par le sultan Salah ad-Din Youssouf ibn Ayyoub ibn Shâdî, le Kurde. Ce khalife mourut après un règne de quatre ans moins quatre jours. Après lui régna son fils (1180)
an-Nasir-li-dîn-Allah durant quarante-deux ans, dix mois et vingt-huit jours. C'est sous son règne que parut Gengis Khân. Il lui arriva de s'habiller avec une veste blanche ornée de galons d'or, et de se coiffer d'un bonnet en peau de chèvre blanche bordé d'une ganse d'or suivant la mode des Turcs. Il eut pour successeur son fils (1225)
ath-Tahir-bi-Amr-Allah-Mohammad, qui régna durant neuf mois et quatorze jours, après quoi il mourut. Son fils (1226)
al-Mostansir billah Abou Djafar al-Mansour régna après lui pendant dix-sept ans moins un mois, ou, suivant d'autres, pendant quinze ans, onze mois et cinq jours. C'est sous le règne de ce khalife que les Tartares attaquèrent Bagdad. Il prit à sa solde des soldats de telle sorte que son armée atteignait cent mille hommes. Son fils (1242)
al-Mosta'sim billah 'Abd-Allah lui succéda. Ce prince ne s'occupa que de thésauriser et licencia la plus grande partie de son armée. Aussi les Tartares marchèrent contre Bagdad et le mirent à mort, le sixième jour du mois de Safer de l'année 656. Il avait régné durant quinze ans, sept mois et six jours.
L'empire abbasside disparut avec ce prince et les Musulmans restèrent sans khalife jusqu'à l'année 659. On installa alors un khalife en Egypte ; il vint de Bagdad dans ce pays et on lui donna le titre d'al-Mostansir billah Ahmad ibn ath-Tahir ibn Nasir. Il partit ensuite pour s'en retourner à Bagdad, mais les Tartares le surprirent et le tuèrent avant qu'un an se fût écoulé depuis son avènement. Dans la suite, les souverains turcs de la dynastie des Mamlouks installèrent comme khalife un homme à qui ils donnaient ce nom et les titres qui étaient propres aux khalifes. Il n'avait du reste aucune autorité et n'avait pas le droit de manifester son opinion ; il passait son temps chez les émirs, les grands officiers, les écrivains, les kadis, à leur faire des visites pour les remercier des dîners et des soirées auxquels ils l'avaient invité. Nous ferons plus loin mention de ces khalifes, s'il plaît à Dieu !
On dit, au sujet de l'origine des Deïlémites, que Basil, fils de Daba, fils d'Adîn Tandja, fils d'Iliâs, fils de Misr, fils de Nizâr, fils de Ma'ad, fils d'Odnân, se révolta contre son père et s'enfuit de chez lui. Il vint s'établir dans la terre du Déilem et épousa une femme adjémite, qui lui donna un fils nommé Déilem ibn Basil ; ce personnage est le père de tous les Deïlémites, qui comptent plusieurs familles et tribus parmi lesquelles se trouvent les souverains Bouïdes. Voici comment ils parurent sur la scène du monde : Al-Hasan ibn 'Ali ibn al-Hasan ibn Zahid ibn 'Omar ibn 'Ali ibn al-Hosain ibn 'Ali ibn Abou-Talib entra dans le Déilem et y resta durant près de quatorze années, pendant lesquelles il se contenta de demander aux habitants la dîme et de les protéger ; un grand nombre d'entre aux embrassèrent l'Islamisme et il fut décoré du titre d'an-Nasir-lil-Hakk. Les Deïlémites se rassemblèrent autour de lui et construisirent des mosquées dans leur pays; il les poussa tellement à envahir le Tabaristan sous son commandement, qu'ils finirent par y consentir. Il tua Abou’l 'Abbâs Mohammad ibn Ibrahim Sa'louk, et mit ses troupes en déroute. Sept mille des soldats d'Abou’l Abbâs environ furent tués. An-Nasir-lil-Hakk revint victorieux à Amol et établit sa souveraineté sur le Tabaristan, au mois de Djoumada second de l'année 301 ; il retourna ensuite à Bagdad. Il mourut après avoir régné sur le Tabaristan pendant trois ans, trois mois et quelques jours, au mois de Chaban de l'année 304, à l'âge de soixante-dix-neuf ans. Après lui, le Tabaristan resta sous la domination des 'Alides, durant une période de douze ans, puis il passa ensuite sous la puissance des émirs du Déilem.
Quand an-Nasir fut mort, son fils Abou’l Hosain lui succéda ; il marcha contre le Djordjan où il resta. Le chef de son armée était Sarkhâb, fils de Behshoudân;[34] ce général eut à lutter contre les armées de Sa’id Nasr ibn Ahmad, prince du Khorasan, jusqu'à sa mort.
Abou’l Hosain ibn an-Nasir désigna pour lui succéder Malkân ibn Kali, à Asterâbâd. Les Deïlémites se réunirent autour de lui, le reconnurent pour leur chef et se soumirent à son autorité ; il arriva à ce personnage un nombre considérable d'aventures, jusqu'au moment où Abou'l Hadjdjâd Merdâvidj ibn Zyâd devint puissant ; on nomme aussi ce dernier Merdâvidj ibn Kafidj (?) le Deïlémite ; il conquit le Djordjan, ainsi que les autres pays qui avaient été soumis aux Deïlémites. Il retourna vainqueur à Ispahan et la guerre continua entre les deux peuples durant un certain nombre d'années. La puissance de Merdavidj s'accrut encore, et il se rendit maître du Djibâl et de la ville de Rey. Les Deïlémites vinrent de tous côtés se ranger sous ses drapeaux, et son armée se trouva ainsi considérablement augmentée.
Il y avait à cette époque un homme originaire du Déilem, qui se nommait Boûya et qui avait pour surnom Abou Shodja. Cet homme, qui était d'une condition moyenne, avait trois enfants : Abou’l Hosain 'Ali, l'aîné ; Abou 'Ali-al-Hasan, le second ; Abou'l Hosain-Ahmed, le plus jeune. Il faisait remonter sa généalogie jusqu'aux Persans[35] et prétendait être : Abou Shodja Boûya ibn Fenâkhosrav, fils de Thaman, fils de Koûhi, fils de Shirzil le petit, fils de Shirkouh, fils de Shirzil le grand, fils de Shîrân-Shâh, fils de Shiroûyah, fils de Sibtazar-Shah, fils de Sis, fils de Firouz, fils de Shîrouzil, fils de Sitarzïn, fils du roi Bahram Gour, fils du roi Yzdigerd. Abou Shodja' était originaire d'une tribu deïlémite qui se nommait Shîrdil Ondârah.
Un jour qu'Ahou-Shodja était endormi, il eut un songe dans lequel il se voyait urinant ; un feu immense sortit de son membre viril et s'étendit au point qu'il faillit atteindre le ciel. Cette flamme se ramifia ensuite et se divisa en trois branches, puis chacune de ces branches donna à son tour naissance à de nouvelles ramifications. Le monde fut tout entier illuminé par ces flammes et il vit que les villes et les hommes les adoraient profondément.
Abou Shodja alla raconter ce rêve à un astrologue et lui dit : « Quelle mystification que ce songe! Je suis un pauvre homme et mes enfants qui sont aussi de pauvres diables deviendraient rois ? » L'astrologue lui répondit : « Dis-moi à quel moment ils sont nés ? » Abou-Shodja le lui dit. L'astrologue se mit à dresser des calculs et prit la main d'Abou’l Hosain 'Ali, celui qui dans la suite fut décoré du titre de 'Imad ed-dauleh; il la baisa et dit : « Par Allah ! celui-là arrivera au trône, voyons le second. » Il prit la main de son frère Abou 'Ali al-Hasan, celui qui plus tard reçut le titre de Rokn-ad-Din, puis celle de leur plus jeune frère Abou'l Hasan-Ahmad qui fut plus tard appelé Mo'izz ed-dauleh. Abou Shodja éclata de rire en entendant cette prédiction et dit à ses fils : « Giflez donc cet homme qui se moque de nous au-delà de tout ce qui est permis ! » Les fils d'Abou-Shodja souffletèrent l'astrologue en se moquant de lui. Il les supplia de cesser leurs brutalités; ils lui firent répéter sa prédiction, et il leur dit : « Rappelez-vous de moi quand vous entreprendrez vos conquêtes; vous serez rois. » Abou Shodja donna à l'astrologue dix dirhems pour sa peine.
Quand les Deïlémites se soulevèrent avec Mâkân, fils de Kali, les fils d'Abou-Shodja furent au nombre de leurs principaux officiers. Gela dura jusqu'à ce que Merdâvidj se fut emparé de tout ce qui était en la possession de Mâkân, dans le Tabaristan et le Djordjan, et que Mâkân eut pris la fuite. "Ali et al-Hasan, fils d'Abou-Shodja, qui étaient fatigués et malades, lui dirent : « Maintenant que nous sommes dans ton armée, nous sommes devenus une gêne et une charge pour toi, et tu te trouves dans une position difficile. Ce qu'il y a de mieux à faire, c'est que nous nous séparions de toi pour que tu n'aies plus notre entretien à ta charge. Quand tes affaires auront pris une meilleure tournure, nous reviendrons auprès de toi. » Mâkân leur donna la permission de partir et ils s'en allèrent trouver Merdâvidj. Plusieurs des officiers supérieurs de Mâkân suivirent l'exemple des deux fils d'Abou-Shodja.
Merdâvidj agréa leurs services, donna un vêtement d'honneur à 'Ali, fils de Boûya, et il investit ‘Imad ed-dauleh 'Ali ibn Boûya [36] du gouvernement de la ville de Karadj. Imad Eddaulèh se distingua dans ce poste et il conquit une citadelle dans laquelle il s'empara d'une grande quantité d'approvisionnements; il flatta les gens si bien que sa renommée se répandit partout et qu'un grand nombre de personnes vinrent se ranger autour de lui. Merdâvidj se défia de lui et le rappela, mais il lui rendit bientôt son poste. ‘Imad Eddaulèh marcha de Karadj sur Ispahan, et il livra bataille à Mothaffar ad-Din Mohammad ibn Yakout[37] et le mit en pleine déroute ; il s'empara d'Ispahan le dimanche, onzième jour du mois de Dhoû’lka’dah de l'année 311. Cette victoire le rendit très célèbre, car il n'avait avec lui que neuf cents hommes, tandis que l'armée qu'il avait mise en fuite comptait près de dix mille combattants.
Quand le khalife al-Kâhir billah Mohammad ibn al-Mo'tadad apprit cet événement, il fut émerveillé de cette action d'éclat, et Merdjâvidj en conçut de vives craintes, aussi il chercha à s'emparer de lui par ruse. 'Ali ibn Boûya s'empara également de Ardjân qui était défendue par Ibn Abi-Bakr ibn Yakout, au mois de Dhou’lhiddjeh de l'année 321, et il s'y fortifia. Il envoya ensuite son frère Rokn ed-dauleh al-Hasan s'emparer de Karzoun; puis il conquit Chiraz, au mois de Djoumada second de l'année 322; quand il se fut emparé de Chiraz et du Fârs, il écrivit au khalife ar-Râth billah Mohammad ibn al-Moktadir et à son vizir Abou 'Ali-Mohammad ibn al-Mokla pour leur annoncer qu'il était prêt à se considérer comme le vassal du Khalifat et qu'il demandait qu'on lui concédât en fief les pays qui étaient en sa possession ; il offrait en retour une somme d'un million de dirhems.[38] Le khalife lui accorda ce qu'il demandait et lui envoya les robes d'honneur et l'étendard. Il se para des vêtements, et l'on porta deux drapeaux déployés devant lui; il berna l'envoyé du khalife quand il s'agit de lui remettre la somme qu'il s'était engagé à verser. Cet ambassadeur mourut dans les états du prince persan, en l'année 323. 'Ali ibn Boûya devint rapidement très célèbre et les gens vinrent de tous côtés se ranger autour de lui. Merdâvidj se mit en campagne pour aller le combattre, mais Allah voulut qu'un de ses officiers le tuât, le mardi, troisième jour du mois de Ram" premier de l'année 323 ; le plus grand nombre de ses soldats se rendirent auprès d'Ali ibn Boûya et entrèrent à son service qui marcha à leur tête sur Bagdad.
Après ces événements, ‘Imad Eddaulèh ibn Boûyah marcha vers le Kirmân en l'année 324; il y livra de nombreux combats et y remporta des victoires.
En l'année 326, Abou 'Abd-Allah-Ahmad ibn Mohammad al-Berîdi vint le trouver et le poussa à entreprendre la conquête de l'Irak. Ali ibn Boûya marcha contre ce pays et s'empara de plusieurs provinces. Il envoya son frère Rokn Eddaulèh à la tête d'une armée, et les deux princes eurent des aventures diverses : il y eut de grands troubles à Bagdad jusqu'au moment où il envoya Mo'izz ed-dauleh Abou’l Hosain Ahmad ibn Bouya dans cette ville en l'année 332 ; ce dernier attaqua l'Émir des émirs Touzoun, au mois de Dhoû’lka’dah et le força à évacuer Bagdad. Quand Touzoun mourut, Mo'izz Eddaulèh marcha sur Bagdad et en prit possession, le samedi onzième jour du mois de Djoumada premier de l'année 334; le vizir Abou 'Ali ibn Mokla s'écria : « La dynastie des fils d’Abbâs a pris fin aujourd'hui et son pouvoir est passé aux Deïlémites, et c'est parce que je leur ai écrit quand ils marchaient sur Ispahan et parce que je leur ai fait concevoir l'envie de s'emparer du trône de Bagdad, et maintenant je recueille durant ma vie les fruits de cette conduite. » Tout se passa comme il l'avait prédit ; quand Mo'izz ed-dauleh s'empara de Bagdad, le khalife al-Mostakfi billah 'Abd-Allah lui envoya un vêtement d'honneur. Les Deïlémites livrèrent au pillage le palais du khalife et tout ce qui s'y trouvait fut détruit ; ils mirent sur le trône al-Moti'-lillah al-Fadl ibn al-Moktadir qui n'eut que l'ombre de l'autorité, et qui ne put même pas se choisir un vizir. Mo'izz Eddaulèh investit du vizirat qui lui plût; lui et les Deïlémites réduisirent à néant l'autorité du Khalifat. Mo'izz Eddaulèh voulait même supprimer la prière au nom des Abbassides et faire réciter la khotba au nom d'al-Mo'izz li-din Allah Abou-Tamim, le fatimide, mais ses troupes l'empêchèrent d'agir ainsi. Il envoya ses lieutenants s'emparer de l'Irak, de telle sorte que le Khalifat se trouva dépouillé de toutes ses possessions.[39] Il s'empara de Basrah, de Maûsil et de tout le pays qui en dépendait.
'Imad ed-dauleh Abou’l Hasan 'Ali ibn Boûya mourut à Chiraz au mois de Djoumada premier de l'année 338, laissant le trône à son neveu 'Adad ed-dauleh Abou Shodja-Féna-Khosrav ibn Rokn ed-dauleh Abou 'Ah-al-Hasan ibn Bouyah. 'Imad Eddaulèh avait régné durant seize ans et il ne laissa qu'une fille; il portait le titre d'émir des émirs; quant à Mo'izz ed-dauleh Abou’l Hasan Ahmad, qui était le maître de l’Irak et du Khalifat, il n'était que le lieutenant d’Imad ed-dauleh. Il mourut à Bagdad dans la nuit du 20 Rabi second de l'année 356, après avoir régné à Bagdad durant vingt et un ans, onze mois et deux jours.
Il eut pour successeur son fils 'Izz ed-dauleh Abou-Mansour-Bakhtiar-Féna-Khosrav; le cousin de ce prince, 'Adad ed-dauleh Abou Shodja Féna-Khosrav ibn Rokn ed-dauleh marcha contre lui, en l'an 364, et le fit prisonnier; il lui rendit ensuite la liberté, mais il laissa une armée auprès de lui pour le surveiller, après quoi il quitta Bagdad. Rokn ed-dauleh mourut le vingt-cinquième jour du mois de Moharram de l'an 366, laissant le trône à son fils 'Adad ed-dauleh. Ce prince marcha sur T'Irak; Bakhtiar prit la fuite, et Bagdad tomba au pouvoir d’Adad ed-dauleh. On fit la khotba en son nom dans cette ville, et avant cet événement on ne l'avait jamais faite pour un autre personnage que le khalife ; il fit également battre le tambour à sa porte trois fois par jour, et ce fut également une innovation. Il prit les titres suivants : « Le roi, le prince, le roi des rois (Shâhânshâh) très glorieux, victorieux, qui répand ses bienfaits, la couronne de la religion,[40] Adad ed-dauleh Abou Shodja Féna-Khosrav ibn Rokn ed-dauleh Abou 'Ali al-Hasan ibn Abou Shodja Boûya ibn Fénâ Khosrav ibn Tamâm ibn Kouhî ». Bakhtiar fut tué dans cette guerre, le dix-huitième jour du mois de chewâl de l'année 367, après onze ans et six mois de règne. 'Adad ed-dauleh parvint à une grande puissance, et il mourut le quatrième jour du mois de chewâl de l'année 372 ; il avait régné, depuis le moment où son oncle ‘Imad ed-dauleh était mort dans le Fârs, pendant trente-quatre ans; durant cette période, il posséda Bagdad cinq ans, six mois et quatre jours.
Après lui, son fils Samsâm ed-dauleh Abou Kalandjar al-Merzeban régna à Bagdad, pendant quatre ans, cinq mois et vingt-deux jours ; Sharaf ed-dauleh Abou’l Févâris, frère d'Abou Kalandjâr, vint l'attaquer au mois de Ramadan de l'année 376, le fit prisonnier et lui fit arracher les yeux ; il s'empara ainsi de la souveraineté et le khalife al-Tâî' lui donna le titre honorifique de Sharaf ed-dauleh Abou-Zéin-al-Millah. Sharaf Eddaulèh mourut à Bagdad au bout de deux années, huit mois et quelques jours de règne, le deux du mois de Djoumada second de l'année 379.
Il eut pour successeur son frère Bahâ ed-dauleh Abou-Nasr-Khosrav-Parviz ibn 'Adad ed-dauleh, à qui le khalife al-Tâî' donna les titres de Bahâ ed-dauleh et de Dya-al-Millah; le khalife al-Kahir lui donna en plus celui de Ghiyâth-al-Ammat-Shâhânshâh, puis celui de Kivâm ad-Din et, de la position d'affranchi (maûla) du Commandeur des croyants, il l'éleva à la dignité d'ami (safî) du Commandeur des croyants. Ce prince mourut à Ardjan le cinquième jour du mois de Djoumada second de l'année 403, après un règne de quarante-deux ans, neuf mois et dix jours.
Son fils Sultân ed-dauleh Abou Shodja Féna-Khosrav lui succéda et ne régna à Bagdad que pendant un an et six mois dans une situation très troublée à cause des réclamations incessantes des Turks; on battait les tambours à sa porte au moment des cinq prières; il quitta Bagdad pour se rendre dans l'Ahvaz, y laissant son frère Sharaf ed-dauleh Abou 'Ali-al-Hasan qui régna sur l'Irak pendant cinq ans, deux mois et quelques jours. Sultan ed-dauleh mourut dans le Fârs, le vingt-sixième jour du mois de chewâl de l'année 415, après un règne de douze années, quatre mois et quelques jours. Son frère Sharaf ed-dauleh mourut après lui à Bagdad, le vingt-deuxième jour du mois de Rabi premier de l'année 416. Djalal ed-dauleh Abou-Tahir Firouz Khosrav ibn Bahâ Eddaulèh vint alors de Basra à Bagdad, sur la demande du khalife al-Kadir, quand l'insolence des Turks envers la population fut arrivée à son comble. Lorsque le prince bouïde arriva à Bagdad, le khalife sortit de la ville pour l'aller recevoir et le décora du titre de Rokn ad-Din Djalal ed-dauleh. Ce fut sous le règne de ce prince que commença la décadence du Khalifat et du Sultanat à Bagdad. Djélal ed-dauleh ne put venir à bout des Turks et il mourut en l'année 435 après un règne de seize ans et onze mois. L'armée demanda comme chef son fils al-Malik el-Aziz Abou Mansour Khosrav-Pervîz, mais ce prince n'eut jamais aucune autorité; il s'adressa aux rois pour leur demander secours, et ceux-ci ne voulurent point lui en donner. Izz al-Moloûk-Abou-Kalandjâr-al-Merzebân ibn Sultân ed-dauleh Abou Shodja Féna Khosrav ibn Bahâ ed-dauleh Abou Nasr-Khosrav Parviz ibn 'Adad ed-dauleh marcha alors avec son armée vers Bagdad;[41] le khalife al-Kaim-bi-Amr-Allah lui donna les titres de Shâhânshâh 'an-molouk, et il lui fit porter des vêtements d'honneur et l'étendard. On fit la prière (khotba) à son nom (à Bagdad). Il mourut en l'année 440; son fils al-Malik er-Rahim-Abou-Nasr-Khosrav-Parviz ibn Izz-al-Moloûk lui succéda ; ce prince étant parti pour se rendre dans le Kirmân mourut en route quatre ans après son avènement. Il eut pour successeur à Bagdad al-Malik al-Rahim, à qui l'armée prêta serment ; ce fut sous son règne que l'émir Arslan-al-Besâsiri vint attaquer Bagdad et qu'il s'en empara. Après cela vint Thoghril-Beg avec les Seldjoukides ; il jeta en prison al-Malik er-Rahim, et le tint en captivité jusqu'à sa mort.
Le nombre des princes bouyides qui régnèrent à Bagdad fut de onze, et la durée de leur souveraineté dans cette ville jusqu'au moment où elle fut détruite par les Seldjoukides est de cent trois années, trois mois et quatorze jours; le premier jour étant celui où Mo'izz ed-dauleh arriva à Bagdad, et le dernier celui de l'arrivée de Thoghril Beg. Ils avaient régné depuis l'époque où ‘Imad ad-Din s'empara du Fârs pendant cent quinze ans, trois mois et six jours.
Les Seldjoukides[42] furent dans le principe un ramassis de Turks, qui passaient l'été dans le pays des Bulghars et l'hiver dans le Turkestan, saccageant tout ce qui se trouvait sur leur passage. Un de leurs chefs nommé Dokmak eut pour fils Seldjouk. C'était un homme très distingué, et Paighou,[43] roi des Turcs, lui donna un poste élevé dans ses états. Cette tribu s'augmenta considérablement et acquit une grande puissance; aussi Paighou eut-il peur de lui. Cela le détermina à se retirer avec sa tribu et à abandonner un pays qui lui était hostile. Il embrassa l'Islamisme et s'établit dans les environs de la ville de Boukhara, où il lutta contre les Turks.
Parmi ses enfants furent Arslan, Mikaïïl et Moussa. Seldjouk mourut à Djend, derrière Boukhara, à l'âge de cent sept ans, et son fils régna sur les pays qu'il avait arrachés aux Turks. Mikaïïl fut tué dans une bataille et il laissa plusieurs fils, Paighou, Thoghril-Bek, Yinâl, Djagrî-Bek et Daoud. Ces princes étant venus habiter dans les environs de Boukhara, l'émir de cette ville toléra leur présence. Ils quittèrent dans la suite ce pays et se rendirent auprès de Boghra-Khan, souverain du Turkestan, et ils s'établirent auprès de lui. Thoghril-Beg et son frère Daoud convinrent de ne pas se mettre tous les deux au service de Boghra-Khan ; ce prince fit tout ce qui lui était possible pour les attirer à sa cour, mais ce fut en vain. Il fit alors arrêter Thoghril-Beg et envoya des troupes contre son frère Daoud, mais l'armée turque fut mise en déroute; Daoud la poursuivit et délivra Thoghril-Beg de la captivité dans laquelle il était retenu. Les deux princes retournèrent à Djend où ils restèrent jusqu'à la fin de la dynastie des Samanides; quand Yilak-Khân se fut emparé de Boukhara, Arslan, fils de Seldjouk, remplit de hautes fonctions à la cour de ce prince. Quand Yilak-Khan quitta Boukhara, Ali-Tikin en devint souverain. Arslan resta au service de ce prince jusqu'au moment où Mahmoud, fils de Sébuktéguin, traversa l'Oxus et marcha sur Boukhara; 'Ali-Tikin s'enfuit alors, et Arslan s'enfonça avec sa tribu dans le désert. Mahmoud, fils de Sébuktéguin, écrivit à Arslan une lettre flatteuse qui le détermina à revenir auprès de lui. Quand il fut arrivé, Mahmoud se saisit de lui et fit son frère prisonnier. Il transporta les Seldjoukides au-delà de l'Oxus et les dispersa dans le Khorasan en leur imposant l'obligation de lui payer un tribut, et ces gens durent subir la tyrannie de ceux qui étaient chargés de le percevoir. La famille d'Arslan se sépara du reste de la tribu et se dirigea sur Ispahan, mais 'Alâ ad-Din leur fit une guerre terrible qui les força à passer dans l'Azerbaïdjan. Ils sont connus parmi les tribus turques sous le nom de Ghozzes.
Thoghril-Beg, accompagné de son frère Daoud et de Païghou quitta le Khorasan et se rendit à Boukhara. 'Ali-Tikin rassembla son armée et tomba sur eux; ils s'en retournèrent alors dans le Khorasan et s'en vinrent dresser leurs tentes dans les montagnes du Khwarezm, en l'an 425. Ils conclurent une alliance avec le Kharezmchah, Haroun, fils de Tutush, mais ce prince trahit la foi jurée et les attaqua à l'improviste.
Ils se dirigèrent alors du côté de Merv; le sultan Massoud, fils de Mahmoud, fils de Sébuktéguin, envoya contre eux une armée qui les mit en déroule, et leur enleva leurs troupeaux ; mais, après cette défaite, ils revinrent à la charge, battirent les troupes de Massoud et les pillèrent; après ces événements, Massoud qui se trouvait à Balkh, chercha à se les concilier; ils lui demandèrent de remettre en liberté leur oncle Arslan que Mahmoud, fils de Sébuktéguin, avait fait emprisonner; le sultan exigea qu'ils vinssent dans ses états, mais ils ne voulurent pas accepter ces conditions; la guerre recommença et ils écrasèrent les troupes du sultan de Ghazna. Cette victoire accrut beaucoup leur puissance et ils devinrent les maîtres de la plus grande partie du Khorasan dont ils se divisèrent les provinces; on fit la khotba au nom de Thoghril-Beg à Nichapour. Daoud marcha ensuite sur Hérat d'où s'enfuirent les troupes de Massoud. Les Seldjoukides quittèrent le Khorasan et marchèrent sur Ghazna, tandis que Massoud avec son armée partait de Ghazna pour se rendre dans le Khorasan ; les Seldjoukides rétrogradèrent devant lui et il les poursuivit jusqu'au moment où les vivres lui manquèrent. Après avoir longtemps marché, les Seldjoukides s'engagèrent dans le désert; Massoud les poursuivit durant trois ans; mais son armée s'étant révoltée contre lui, les Seldjoukides revinrent sur leurs pas et lui infligèrent une terrible défaite. Massoud battit en retraite et ils lui enlevèrent un butin immense.
Après ces événements, les Seldjoukides retournèrent dans le Khorasan qu'ils soumirent tout entier; ils s'y fixèrent,[44] et on fit la khotba à leur nom dans les mosquées de ce pays.
Massoud s'en étant revenu à Ghazna, ses émirs se révoltèrent contre lui et le mirent à mort.
Thoghril-Beg conquit le Djourdjân, le Tabaristan, puis le Khwarizm. Il marcha ensuite contre le Djîbâl[45] dont il s'empara. C'est vers cette époque que cinq mille familles[46] turques se convertirent à la foi musulmane et se répandirent dans les pays de l'Islamisme. Il n'y eut que les peuples du Khitâ et les Tatars qui habitent dans les environs du pays de Sin qui n'embrassèrent pas l'Islamisme. Thoghril-Beg envoya son frère Ibrahim demander aide à Mikâiïl, et s'empara d'Hamadan et de Dinâvar, mais plus tard, il le prit en aversion, le combattit et le fit prisonnier. Le souverain du pays de Roum envoya demander à Thoghril-Beg de lui accorder la paix et le souverain Seldjoukide la lui accorda.
II construisit la mosquée de Constantinople et on y fit la prière et la khotba en son nom. Ensuite Thoghril-Beg alla assiéger Ispahan et s'en empara par capitulation; il s'y installa et y transporta ses trésors. Le roi des Kurdes vint le trouver et il le confirma dans la possession de Shahrzour et des autres villes de ses états.
Il envoya un ambassadeur au khalife al-Kaïm-bi-Amr-Allah pour lui offrir des présents; puis il se mit en marche pour se rendre à Bagdad où il fit son entrée le vingt-cinquième jour du mois de Ramadhan de l'année 437. Le khalife lui décerna les titres de Sultan-Rokn ad-Din Abou’l Thâlib-Mohammad Thoghril-Beg ibn Mi-kâiil ibn Seldjouk ibn Fatak ibn Djibrâil ibn Daoud ibn Ayyoub ibn Dokmâk ibn Eliâs ibn Bahram ibn Yousouf ibn 'Aziz ibn Ahmad ibn Dahkûn.
Thoghril-Beg fit prisonnier al-Malik ar-Hakim-Abou Nasr ainsi que le lieutenant de ce prince et mit fin à la dynastie Bouïde. Il marcha ensuite sur Nisibin et le Diyâr-Bekr et s'empara de Maûsil; il laissa dans cette dernière ville son frère Yinâl-Ibrahim. Celui-ci se révolta contre Thoghril-Beg et marcha sur Hamadan, mais le sultan alla à sa rencontre et le tua. Il retourna ensuite à Bagdad dont venait de s'emparer Abou'l Hârith Arslan-al-Besâsiri; il rétablit le khalife al-Kaïm-bi-Amr-Allah sur le trône et fit périr Besâsiri. Il se rendit ensuite en Médie (bilâd-al-djabâl) et mourut à Rey, le huitième jour du mois de Ramadan de l'année 456, après avoir régné durant trente-huit ans moins vingt jours. Il ne laissait point d'enfants.
Après lui régna son neveu, Adad ed-dauleh Abou-Shodja Mohammad Alp-Arslan ibn Djaghri-Beg ibn Daoud ibn Mikâiïl ibn Seldjouk. Il marcha sur Alep et il confirma le prince de cette ville[47] Mahmoud ibn Nasr ibn Sâlih ibn Mardâsh, dans sa possession. Il fit la guerre à l'empereur grec et le battit; il envoya ensuite son armée enlever Jérusalem et Ramlah aux khalifes d'Egypte; de là cette armée alla assiéger Damas. Alp-Arslan mourut après être revenu d'Alep dans la Transoxiane au mois de Rabi premier de l'an 465.
Il eut pour successeur son fils, le sultan Djélal ed-dauleh Abou’l Fath-Mohammad Malik Shâh ibn 'Adad ed-dauleh Abou Shodja Alp-Arslan ibn Daoud ibn Mikâiïl ibn Seldjouk, qui régna durant dix-neuf ans et un mois, et qui mourut le quinzième jour du mois de chewâl de l'an 485; il était âgé de trente-sept ans et cinq mois. On faisait la khotba à son nom depuis les extrémités les plus reculées du pays des Turks jusque dans le Yémen.
Sous son règne, Atsiz s'empara de Damas, et Tutush, fils d'Alp Arslan la reçut de lui à titre de fief; à partir de ce moment, cette ville resta en la possession des Turks. Malik Shâh envoya de même Aksonkor-Kiyyâm Eddaulèh s'emparer de la ville de Maûsil. Cet Aksonkor est le père d'Imad-ad-Din, père de Zengui. Malik Shâh se rendit à Alep qu'il donna en fief à Aksonkor, puis il s'en retourna à Bagdad.
Après lui, régna son fils Mahmoud, qui était âgé de quatre ans; sa mère Turkân-Khatoun fut investie de la régence. Barkiarok, frère de Mahmoud, se révolta contre lui et s'empara de l'empire; mais il eut à soutenir des guerres contre ses deux frères Mohammad et Sindjar jusqu'à sa mort, qui arriva le deuxième jour du mois de Rabi second de l'an 498; il était âgé de vingt-cinq ans et il avait porté le titre de Sultan durant douze années et quatre mois. Il eut, pendant son règne, à supporter plus de guerres et d'événements fâcheux de tout genre que n'importe quel autre souverain.
Il eut pour successeur son fils Malik Shâh ibn Barkiarok, qui était âgé de quatre ans et huit mois. On lui donna comme surnom Djélal ed-dauleh, et les émirs lui nommèrent un Atabek pour régler les affaires de son empire[48] ; il fut assassiné le treizième jour du mois de Djoumada premier, et transmit ses droits au trône au sultan Mohammad, fils de Malik Shâh, fils d'Alp Arslan.
Mohammad gouverna l'empire jusqu'à sa mort, qui survint le vingt-quatrième jour du mois de Dhou’lhiddjeh de l’année 511; il était âgé de trente et un ans et quatre mois. Il fut reconnu comme souverain pendant onze années et six mois, mais son règne fut très pénible et il eut tous les malheurs possibles.
Après lui, régna son fils, Mahmoud ibn Mohammad ibn Malik Shâh, qui avait quatorze ans. Le sultan Nasir ad-Din Mo’izz ed-dauleh Abou'l Hârith Sindjar ibn Malik Shâh ibn Alp-Arslan, oncle de Mahmoud, lui chercha querelle, l'attaqua et mit son armée en déroute. On fit alors la khotba à Bagdad au nom du sultan Sindjar, le seizième jour du mois de Djoumada premier de l’année 513, et on cessa de la faire au nom de Mahmoud. Dans la suite, les deux princes se réconcilièrent, et Sindjar nomma son neveu Mahmoud son héritier présomptif. Il écrivit à tous les gouverneurs de ses provinces de faire la khotba, au nom du sultan Mahmoud après l'avoir faite d'abord au sien. Il lui rendit tous les pays qu'il lui avait enlevés, et l’on fit la khotba au nom des deux princes à Bagdad et dans les autres villes. Le sultan Sindjar s'en retourna ensuite dans ses états.
Mahmoud lui succéda; ce prince se brouilla avec le khalife al-Mostarshid billah, et ils se firent la guerre ; ils se réconcilièrent ensuite le dixième jour du mois de Rabi premier de l’année 521. Le sultan Mahmoud quitta Bagdad et y laissa, en qualité de gouverneur, ‘Imad ad-Din Zangui, fils d'Aksonkor ; il l'envoya ensuite à Maûsil et lui donna en plus la Mésopotamie. Il fit dans cette région un très grand nombre d'expéditions, s'empara d'Alep, le premier jour du mois de Moharram de l’année 522, puis de Hamâh et de plusieurs autres citadelles de Syrie. Le sultan Mahmoud mourut au mois de chewâl de l’an 525 à Hamadan, à l'âge de vingt-sept ans; il avait régné douze ans, neuf mois et vingt jours.
Son fils Daoud ibn Mahmoud ibn Malik Shâh monta sur le trône. Le sultan Massoud, oncle de Daoud, lui chercha querelle et lui déclara la guerre ; mais ils se réconcilièrent au bout de quelque temps. Massoud demanda au khalife al-Mostarshid billah que l’on fît la khotba en son nom à Bagdad; mais le khalife lui répondit que le droit de faire réciter la khotba en son nom à Bagdad appartenait exclusivement au sultan Sindjar, et en même temps il écrivit à Sindjar pour le prier de ne permettre à personne de faire figurer un autre nom dans la khotba, qu'il lui convenait de se réserver pour lui seul. Gela concorda parfaitement avec les intentions du sultan Sindjar; ce refus blessa profondément Massoud qui conçut le projet de s'emparer du sultanat. Le sultan Seldjouk-Shâh, fils du sultan Mohammad, arriva avant lui à Bagdad; le résultat fut que Massoud, fils de Mohammad, fils du sultan Malik Shâh devint sultan et Seldjouk-Shâh, son héritier présomptif, et que l'on cessa de faire la khotba dans tout l'Irak au nom du sultan Sindjar. ‘Imad ad-Din Zengui était venu au secours de Massoud, mais les troupes de Seldjouk-Shâh l'avaient mis en pleine déroute; quand il arriva à Tekrît, Nadjm ad-Din Ayyoub ibn Shâdî, qui gouvernait la citadelle[49] jeta des ponts sur le Tigre, ce qui lui permit de regagner son pays sain et sauf. Il remercia Nadjm ad-Din Ayyoub de l'aide qu'il lui avait ainsi fournie et se lia avec lui d'une étroite amitié ; c'est ce fait qui mit Nadjm ad-Din en relation avec Zengui et qui permit plus tard à sa famille de régner sur l'Egypte, la Syrie et bien d'autres contrées.
Massoud et le sultan Sindjar se livrèrent bataille ; Massoud fut mis en déroute et son armée anéantie; il fut amené devant Sindjar qui lui reprocha vivement sa conduite, mais le renvoya sans lui faire aucun mal.
Sindjar installa al-Malik Thoghril, fils du sultan Mohammad sur le trône du Sultanat et fit faire la khotba au nom de ce prince dans tout le pays. Cet événement eut lieu le huitième jour du mois de Redjeb de l'année 526.
Au mois de Ramadan, al-Malik Thoghril, fils du sultan Mohammad et son neveu Daoud, fils de Mahmoud, se livrèrent une bataille dans laquelle Daoud fut mis en déroute. Quand le sultan Massoud ibn Mohammad apprit cet événement, il marcha sur Bagdad; Daoud se rendit au-devant de lui et ils entrèrent ensemble dans la ville au mois de Safer de l'année 527 ; on y rétablit la khotba en son nom, et on la fit en même temps à celui de Daoud. Le khalife leur donna à tous les deux des vêtements d'honneur; ils marchèrent ensuite contre Thoghril, lui livrèrent bataille et le battirent au mois de chaban ; la guerre se prolongea jusqu'au mois de chewâl. Thoghril ayant repris l'offensive chassa son frère Massoud de son royaume, au mois de Ramadan de l'année 528. Il se rendit à Bagdad au milieu du mois de chewâl et le khalife al-Mostarshid billah le reçut avec les plus grandes marques d'honneur, dans son propre palais, et le combla de présents.
On apprit la nouvelle de la mort de Thoghril, fils de Mohammad au mois de Moharram de l'année 529; Massoud marcha alors sur Hamadan et s'en empara; il se disputa ensuite avec le khalife qui interdit que l'on fît la khotba au nom de ce prince à Bagdad. Massoud marcha aussitôt contre le khalife, lui livra bataille le dixième jour du mois de Ramadan et le fit prisonnier. Il envoya une armée à Bagdad, fit main-basse sur les propriétés du khalife, brisa le menber sur lequel on faisait la khotba ainsi que le rideau de fer. Le khalife fut ensuite assassiné par les Bathéniens.
Ar-Rashid lui succéda sur le trône du Khalifat; al-Malik Daoud, fils du sultan Mahmoud, marcha sur Bagdad avec l'armée de l'Azerbaïdjan ; il y arriva le quatrième jour du mois de Safer de l'an 530, et mit…[50] comme gouverneur. On cessa de faire dans cette ville la khotba au nom du sultan Massoud et on la récita au nom de Daoud. Massoud marcha alors sur Bagdad et l'assiégea durant plus de cinquante jours; cela se termina par le retour de Daoud dans ses états au mois de Dhoû’lka’dah. Les émirs se dispersèrent et le khalife ar-Rashid se retira à Maûsil accompagné seulement de quelques personnes et d’Imad ad-Din Zengui. Massoud entra dans Bagdad au milieu du mois de Safer et proclama la déchéance d'ar-Rashid.
Al-Moktafî-bi-Amr-Allah-Abou 'Abd-Allah Mohammad, fils d'al-Mostathhar, succéda à ar-Rashid et donna à Massoud sa fille Fatima en mariage, avec une dot de cent mille dinars.
Ar-Rashid billah s'étant rendu de Maûsil à Maragha, al-Malik Daoud arriva auprès de lui avec une armée pour le rétablir sur le trône, mais le sultan Massoud partit de Bagdad au mois de chaban de l'année 632; il leur livra bataille, leur infligea une sanglante défaite et les força à se réfugier dans l'Azerbaïdjan. Daoud, accompagné du khalife ar-Rashid, se dirigea sur Hamadhan.
Seldjouk-Shâh, fils de Mohammad, se dirigea vers Bagdad dans l'intention de s'en emparer, mais il n'y put réussir. Massoud marcha contre Daoud pour l'empêcher d'envahir l'Irak avec le khalife ar-Rashid. Daoud abandonna alors ar-Rashid et s'en retourna dans le Fârs. Le khalife périt également de la main des Bathéniens.
La prospérité du sultan Massoud ne tarda pas à décliner et plusieurs révoltes éclatèrent contre lui. ‘Imad ad-Din Zengui marcha sur Damas qu'il assiégea à deux reprises, et il s'empara de Baalbek Le sultan Sindjar, fils de Malik Shâh, déclara la guerre au Kharezmchah Atsiz ibn Mohammad ibn Anoushtikin; le fils du Kharezmchah fut tué dans cette guerre. Le Kharezmchah envoya une ambassade au souverain du pays de Khitâ qui se trouve dans la Transoxiane; il fit miroiter devant ses yeux la conquête de l'empire seldjoukide et il épousa une femme originaire de cette contrée.
Les Khitaiens vinrent à son secours avec trois cent mille cavaliers ; le sultan Sindjar leur ayant livré bataille, ils lui tuèrent près de cent mille hommes et le mirent en pleine déroute au mois de Safer de l'année 536. Le Kharezmchah s'empara de la ville de Merv[51] et le sultan Massoud se dirigea vers Rey. Les Khitaiens et les Turks infidèles fondèrent un empire dans la Transoxiane ; le Kharezmchah s'empara de Nichapour et il ordonna que l'on cessât de faire la khotba au nom du sultan Sindjar, le premier jour du mois de Dhoû’lka’dah ; il la fit réciter à son nom. Ses troupes ravagèrent le Khorasan et y commirent des actes horribles. Après ces événements, le Kharezmchah Atsîz fit la paix avec le sultan Sindjar en l'an 538, et il resta dans le Khwarizm occupé à régir son empire. Quant au sultan Sindjar, il demeura à Merv.
L'atabek ‘Imad ad-Din Zengui, fils d'Aksonkor, prince de Maûsil et de la Syrie, mourut assassiné par quelques-uns de ses mamlouks, le cinquième jour du mois de Rabi second de l'année 541. Son fils, Nour ad-Din Mahmoud ibn Zengui, marcha sur Alep et s'en empara; son frère, Saïf ad-Din Ghazi ibn Zengui conquit Maûsil.
Le sultan Massoud, fils de Mohammad, fils de Malik Shâh, mourut à Hamadan, le premier jour du mois de Redjeb de l'an 547, emportant dans la tombe la fortune de la famille de Seldjouk, car après lui il ne resta plus aux princes de cette famille d'étendard autour duquel ils pussent se grouper.
Massoud eut pour successeur Malik Shâh, fils du sultan Mahmoud, et l'on fit la khotba au nom de ce souverain. Quand le khalife al-Moktafi-li-Amr-Allah apprit la mort du sultan, il fit cerner son palais ainsi que les maisons de ses partisans et il fit main-basse sur tous leurs biens. Il réunit son armée, et il l'envoya à Hilla, à Koufa et à Wâsit dont elle s'empara.
L'émir Khâss-Beg fit prisonnier le sultan Malik Shâh et l'envoya dans le Khorasan ; il fit venir de cette province Mohammed ibn Mahmoud, frère de Malik Shâh, et le fit asseoir sur le trône du Sultanat, dans les premiers jours du mois de Safer de l’année 548. Mohammad le fit assassiner deux jours après son arrivée.
Nour ad-Din Mahmoud ibn Zengui s'empara de Damas au mois de Safer de l'année 549.
Shamlah, le Turcoman, s'empara du Khorasan en l'an 550, et il en chassa Malik Shâh, fils du sultan Mahmoud, fils de Mohammad. Le sultan Sindjar, fils de Malik Shâh, fils d'Alp-Arslan, se trouva dans une situation si critique qu'il ne lui resta plus que le nom de sultan. Les Ghozzes enlevèrent Nichapour d'assaut et le sultan Sindjar s'enfuit devant eux au mois de Ramadan de l'an 561 jusqu'à Tarmîd ; de là il gagna le Djeïhoun pour se réfugier dans le Khorasan, mais au bout de quelque temps, il revint à Merv sa capitale.
Le sultan Mohammad Shâh, fils de Mahmoud, partit d'Hamadan et vint mettre le siège devant Bagdad, au mois de Dhou’lhiddjeh de cette même année, pour empêcher le khalife de faire réciter la khotba en son nom;[52] il s'en retourna à Hamadan dans les derniers jours du mois de Rabi premier de l'an 552 ; il venait à peine de s'éloigner de Bagdad, quand le sultan Sindjar, fils de Malik Shâh, fils d'Alp-Arslan, mourut au mois de Rabi premier de l'an 552. On fit alors la khotba au nom de Mohammed-Shâh, comme Sultan, dans presque toutes les mosquées de l'Islamisme, pendant environ quarante années, avant cela, on l'avait faite on son nom comme Roi durant vingt années. Il désigna pour lui succéder dans le Khorasan, son neveu al-Malik Mahmoud ibn Mohammad ibn Boghrâ-Khân. Le sultan Mohammad Shâh, fils de Mahmoud, fils de Mohammad, mourut au mois de Dhou’lhiddjeh de l'an 554 à Hamadan, à l'âge de 32 ans, laissant un jeune fils. Les émirs se disputèrent après sa mort ; il y en avait parmi eux qui voulaient mettre sur le trône Malik Shâh, fils de Mahmoud ; d'autres demandaient au contraire Soleïman-Shâh; d'autres enfin voulaient comme souverain Arslan. Malik Shah partit du Khorasan et marcha sur Ispahan dont il s'empara; mais les habitants d'Hamadan refusèrent de le reconnaître comme souverain et ils offrirent le trône à Soleïman-Shâh. Ce prince partit de Maûsil, le premier jour du mois de Moharram de l'année 555, se dirigeant sur Hamadan ; mais il fut emprisonné dans cette ville au mois de chewâl de l'an 556 et l'on fit la khotba au nom d'Arslan-Shâh, fils de Malik Thoghril, fils de Mohammad.
Malik Shâh ibn Mahmoud ibn Mohammad ibn Malik Shâh ibn Alp-Arslan mourut à Ispahan dans le courant de cette même année 556, et après lui on fit la khotba au nom de Soleïman-Shâh, fils de Mohammad, fils de Malik Shâh, qui sut se maintenir dans ce pays jusqu'au moment où il fut assassiné, au mois de Rabi premier [556]. Après sa mort, on fit la khotba au nom d'Arslan-Shâh ibn Thoghril ibn Mohammad ibn Malik Shah ibn Mohammad ibn Alp-Arslan ibn Djagrî-beg ibn Daoud ibn Mikâiïl ibn Seldjouk, à Hamadan et dans les provinces. Ce prince demanda au khalife al-Mostandjid billah de faire réciter la khotba en son nom à Bagdad, comme c'était l'habitude sous le règne du sultan Massoud. Le khalife traita son ambassadeur d'une façon méprisante et le lui renvoya après l'avoir reçu de la pire façon. Les révoltes et les émeutes se multiplièrent ensuite dans les rangs des armées seldjoukides.
Arslan-Shâh mourut en l'an 573, et eut pour successeur son fils Thoghril-ibn Arslan qui fut le dernier des sultans seldjoukides. Ce prince fut le vassal de Kizil-Arslan, fils d'Iltoukouz;[53] il chercha à se rendre indépendant et à échapper à la tutelle de Kizil-Arslan : mais ce prince mit à sa place sur le trône Mo'izz ad-Din Sindjar, fils de Soleïman, fils de Mohammad, fils de Malik Shâh; il le chassa de ses états, le battit et le jeta en prison; Arslan-Shâh parvint à s'échapper, mais il fut tué en luttant contre le Kharezmchah, non loin de la ville de Rey, le vingt-quatrième jour du mois de Rabi premier de l'année 590, et sa tête fut portée à Bagdad. Il fut le dernier des sultans seldjoukides. Après lui régna le Kharezmchah.
La durée du règne des Seldjoukides depuis l'année 432 jusqu'à l'année 590 avait été de cent cinquante-huit ans.
Asad ad-Din Shirkouh ibn Shâdî était venu trouver Nour ad-Din Mahmoud ibn Zengui à Damas. Ce prince lui donna la charge d'émir du pèlerinage (amir-al-hadjdj)[54] et l'envoya ensuite en Egypte à la tête d'une armée contre Shâver, fils de Modjîr ad-Din as-Sad'i, vizir du khalife al-Adhad. Ce Shirkouh et son frère Nadjm ad-Din Ayyoub étaient tous les deux originaires de la ville de Douvîn, l'une des cités de l'Azerbaïdjan, et ils étaient de race kurde. Ils avaient été au service de Moudjahid ad-Din Behroûz, gouverneur de Bagdad; cet officier envoya Ayyoub commander la citadelle de Takrit; celui-ci s'y rendit avec son frère Shirkouh, qui avait un an de moins que lui. Il rendit de très grands services à Zengui le martyr quand il eut été mis en fuite[55] et Zengui lui en garda une vive gratitude. Il arriva ensuite que Shirkouh tua un homme à Takrit ; cela l'obligea à quitter la citadelle avec son frère. Ils se rendirent tous les deux auprès de Zengui qui les combla de bienfaits et leur donna de bonnes terres en fief. Il confia ensuite a Ayyoub le poste de commandant de la citadelle de Baalbek; Ayyoub monta en grade et devint l'un des émirs de Damas.
Quant à Shirkouh, il se rendit auprès de Nour ad-Din Mahmoud, fils de Zengui, et il resta à son service durant le règne de son père. Quand Nour ad-Din arriva au trône d'Alep après la mort de Zengui, Nadjm ad-Din Ayyoub prit une part considérable à la conquête de Damas, ce qui le mit en grande faveur ainsi que son frère. Nour ad-Din trouva que personne n'était plus propre que Shirkouh pour aller lutter en Egypte contre Shâver; et c'est pourquoi il l'envoya dans ce pays accompagné de son neveu Salah ad-Din Yousouf ; son histoire a été racontée dans l'al-Adhad.[56]
Quand Shirkouh mourut, Salah ad-Din Yousouf lui succéda, comme cela va être raconté, s'il plaît au Dieu Très Haut !
Fin de l'Introduction.
Salah-ad-Din Yousouf ibn Ayyoub ibn Shâdî ibn Marvân ibn Abou 'Ali al-Hasan ibn Ahmad Ibn Abou 'All ibn 'Abd el-Aziz ibn Hodbah ibn al-Hosam ibn al-Hârith ibn Sinân ibn 'Amrou ibn Marra ibn 'Aoûf. A partir de ce point, les généalogistes sont en désaccord : il y en a qui donnent à Aoûf la généalogie suivante : 'Aoûf-ibn Ousâma ibn Yahshar ibn al-Hârith ibn Aoûf ibn Abou Haritha ibn Morra ibn 'Aouf ibn Saad ibn Dinar ibn Na'ïs ibn Dib ibn Otfân ibn Saad ibn Kais-Ghilân ibn Iliâs ibn Modar ibn Nizâr ibn Ma'd ibn 'Adnân. On dit qu’Ali ibn Ahmad est connu sous le nom d'al-Khorâsani, et Moténebbi a dit de lui dans une de ses poésies (kasidah).
« La poussière s'est élevée jusqu'au ciel quand 'Ali, fils d'Ahmad, a marché à la bataille. »
On a dit également que Marvân était un descendant des Omeyyades. Telle est l'opinion de Ismâ’îl ibn Toghatikîn ibn Ayyoub, mais son oncle al-'Adil Abou Bakr nie ce fait. Ibn al-Kâdisi[58] raconte que Shâdî était un mamlouk de l'eunuque Bahrouz.
La vérité est que c'était un Kurde de la tribu Ravadiyyâ,[59] qui est une des sous-tribus des Hadbâniyya;[60] il était originaire de la ville de Douvin,[61] sur la frontière de l'Azerbaïdjan, du côté de l'Arran[62] et du pays des Kurdes. Ce personnage avait deux fils, dont l'aîné se nommait Ayyoub et l'autre Shirkouh. Il les envoya tous les deux dans l'Irak et ils entrèrent au service de Behrouz. Cet officier donna à Ayyoub le gouvernement de la citadelle de Takrit[63] qui faisait partie de son fief; on dit qu'il lui confia ce poste après la naissance de son fils Shâdî. Ayyoub et Shirkouh eurent l'occasion de rendre un grand service à ‘Imad ad-Din Zengui[64] lorsqu'il se replia en déroute sur cette ville. Shirkouh ayant tué un homme,[65] Behrouz le chassa de son pays ainsi que son frère Ayyoub. Ce fut durant cette même nuit que naquit Youssouf ibn Ayyoub ; les deux frères se rendirent auprès de Zengui, et Ayyoub reçut un poste de gouverneur. Il se rendit ensuite avec son fils à Maûsil, puis il alla en Syrie. L'Atabek lui donna en fief la ville de Baalbek où il resta un certain temps ; le fils d'Ayyoub, Yousouf, grandissait, portant les signes manifestes des hautes destinées qui lui étaient réservées, et se livrait a l'étude avec les gens de science. Le cheikh[66] Kotb ad-Din Abou’l Ma'ali Massoud ibn Mohammed ibn Massoud al-Nishâpoûri composa pour le jeune prince un manuel contenant tout ce qu'il lui était nécessaire de savoir. Comme cet ouvrage lui plaisait beaucoup, il le fit dans la suite apprendre à ses plus jeunes enfants et il leur tenait lui-même le livre. Il assistait avec la plus grande assiduité à la prière qui se faisait en commun, à ce point qu'il dit un jour que, depuis nombre d'années, il n'avait jamais manqué de s'acquitter de cette obligation. Quand il était malade, il faisait venir l’imâm seul et il priait après lui.
Il alla se mettre au service de Nour ad-Din Mahmoud ibn Zengui, et en l'an 558 il se rendit en Egypte avec son oncle Asad ad-Din Shirkouh; puis il revint en Syrie. Il y retourna avec son oncle, assista à la bataille d'al-Bâbain et fut assiégé par les Francs dans Alexandrie. Il revint en Syrie, puis il retourna une troisième fois en Egypte, avec son oncle, en l'an 564. Lorsque Shâver refusa d'admettre les conditions que lui faisait Asad ad-Din Shirkouh et qu'il refusa de donner ce qu'il avait promis à Nour ad-Din et à ses troupes, les émirs déclarèrent unanimement qu'il fallait s'assurer de sa personne et l'emprisonner; mais il n'y en eut pas un seul, sauf Salah ad-Din, qui osât mettre ce projet à exécution.
Quand Shâver vint les trouver, comme il le faisait tous les jours, ils allèrent avec lui au devant d'Asad ad-Din ; Salah ad-Din marchait à côté de Shâver; tout d'un coup, il le saisit au collet et il ordonna à ses soldats d'arrêter ceux qui l'accompagnaient, mais ces hommes abandonnèrent leur maître et s'enfuirent ; les Kurdes s'emparèrent de tout ce qui leur appartenait; quant à Shâver on le transporta dans le camp et on le tua. Après sa mort, Asad ad-Din Shirkouh devint vizir[67] du khalife al-Adad et il occupa ces fonctions jusqu'à sa mort qui survint le vingt-deuxième jour du mois de Djoumada second de l'an 564.
Le khalife al-'Adad nomma Salah ad-Din vizir à la place de son oncle, et lui donna le titre de al-Malik an-Nasir. Salah ad-Din prit alors en main les affaires de l'Egypte, prodiguant l'argent et soumettant tous les hommes à son autorité. Il cessa de boire du vin et renonça à l'usage de cette liqueur; il s'abstint également de tout divertissement. Il dirigea avec la plus grande habileté les affaires de l'Egypte à l'époque où les Francs débarquèrent à Damiette et il les força à lever le siège. Il livra au pillage leurs engins de guerre, incendia leurs mangonneaux, et une quantité innombrable de Francs y périrent.
Quand Salah ad-Din fut définitivement établi en Egypte, son père Nadjm ad-Din Ayyoub vint l'y retrouver, ainsi que ses frères et toute sa famille. Il précipita la chute de la dynastie fatimide, il fit disparaître ses derniers descendants, et en effaça toute trace; Allah lui donna son aide pour accomplir cette œuvre!
Al-'Adad[68] mourut alors que Salah ad-Din avait déjà interdit de faire la khotba en son nom; il avait ordonné de la réciter au nom d'al-Mostadî. Ce fut à l'heure de l’Asr, du dix Moharram de l'an 567 que Salah ad-Din devint souverain de l'Egypte, et il commença immédiatement les préparatifs d'une expédition contre les Francs. Quand Salah ad-Din fut monté sur le trône, il écrivit au kadi ‘Imad ad-Din al-Isfahânî la bonne nouvelle qu'il convenait de répandre dans tous les pays de l'Islam, à savoir que la khotba se faisait en Egypte au nom des Abbassides ; il écrivit une seconde lettre à Bagdad pour annoncer que l'on faisait la khotba au nom du khalife al-Mostadi-bi-nour-Allah, et il la fit porter par le kadi Schihâb ad-Din al-Motahhar Sharaf ad-Din ibn 'Asroûn. Le kadi se mit en marche et dans toutes les villes et les villages qu'il traversa, il lut la proclamation de Salah ad-Din. Quand il arriva à Bagdad, la population sortit à sa rencontre; il entra dans cette ville le samedi vingt-deuxième jour du mois; les marchés de Bagdad furent pavoises et on le gratifia d'une robe d'honneur.
Le vendredi, quatorze du mois de Moharram, on transporta al-Kâmil-Shodja ibn Shâver de l'endroit où il avait été tué dans la citadelle. Les cadavres de son oncle et de son frère se trouvaient ensemble ; on les mit dans un même cercueil et on les transporta dans le tombeau de Shâver ; on l'exhuma ensuite et on le tira de sa tombe qui se trouvait dans un endroit peu convenable pour une sépulture; on le transporta dans un cercueil, son frère et son oncle dans deux autres cercueils, à la turbeh de Tai ibn Shâver, où on les inhuma.
Le dix-sept du même mois, le sultan al-Malik an-Nasir sortit du Caire et vint camper à al-bîr-al-baida (le puits blanc), dans l'intention de se rendre en Syrie. Il arriva a Shaubak, mais les Francs l'attaquèrent ; il s'en retourna alors à Ilah ; dans cette expédition périrent environ cinq mille chevaux ou chameaux.
Le troisième jour de Rabi premier, on distribua des aumônes aux pauvres et aux indigents, aux pèlerins et aux étrangers. On imputa au trésor public le secours que l'on distribuait aux artisans, aux auteurs, aux religieux; on se procura l'argent qui était nécessaire pour cela (en imposant) le bétail, les palmiers et les légumes.
On frappa des monnaies au nom du khalife al-Mostadi-bi-Amr-Allah et à celui d'al-Malik al-'Adil Nour ad-Din, et on y grava leurs deux noms au droit; cela se passa le septième jour du mois de Rabi second. — On descella les plaques d'argent qui se trouvaient dans les mihrabs des mosquées du Caire et sur lesquelles étaient gravés les noms des khalifes fatimides ; leur poids était de cinq mille dirhems d'argent pur. — Ce même jour, on fit descendre les étrangers au Palais Occidental, et on en fit sortir tous ceux qui y demeuraient. — On reçut la nouvelle qu'on avait abandonné l'usage du vin et que les cabarets avaient été fermés ; on empêcha que cette nouvelle se répandit à Alexandrie, dont les habitants étaient hostiles à cette mesure ; ils offrirent de l'argent à l'administration de Nadjm ad-Din Ayyoub [pour continuer à boire du vin], de telle sorte que les cabarets restèrent ouverts et que ces pratiques condamnables subsistèrent.
Au mois de Djoumada second, le dinar de la flotte fut fixé à quatre dinars et demi, après qu'il eut été de huit et demi. — Le sept de ce mois naquit [au Caire] al-Malik el-Aziz 'Othman. — Le treizième jour, on ouvrit les magasins du Château, où était le trésor particulier, et on y trouva cent coffres pleins de splendides vêtements brodés, incrustés d'or et de pierreries, des colliers précieux, des ornements sans nombre, des pierreries rares et toutes sortes de trésors. Ce fut l'émir Bahâ ad-Din Karâkoush qui procéda à l'ouverture de ce trésor. — cette même année, les souris causèrent des dégâts énormes en dévorant les arbres fruitiers, les palmiers, les cannes à sucre et les autres arbres; à la fin, cent arpents cultivés en cannes à sucre donnaient soixante pains de sucre; malgré cela, le prix des denrées resta abordable; trois ardebs de blé se vendirent un dinar, l'orge se payait un dinar les huit ardebs, quatorze ardebs de fèves valaient un dinar, et le kintar de sucre se vendait trois dinars. Le neuvième jour du mois de Redjeb, on reçut les vêtements d'honneur qui avaient été envoyés à Nour ad-Din par le khalife de Bagdad ; ils se composaient d'une robe noire et d'un collier d'or. Nour ad-Din s'en était revêtu et les avait envoyés ensuite à al-Malik an-Nasir pour qu'il les portât. On dit que Nour ad-Din trouva que le khalife lui avait envoyé un vêtement de trop peu d'importance et qu'il le jugea inférieur à sa dignité. L'ambassadeur qui apporta ces vêtements à al-Malik an-Nasir passa la nuit à Ra'as al-Kalabiyya.[69]
Quand fut arrivé le dixième jour de ce même mois, le kadi-al-kodât, Sadr ad-Din ibn Darbâs, les officiers de justice, les lecteurs et les prédicateurs se rendirent à la lente de l'envoyé de Nour-ad-Din; c'était un des officiers de Nadjm ad-Din Ayyoub. La ville fut pavoisée ; l'on fit sonner trois fois par jour le tablkhânâh à la porte Bâb-an-Nâsiri ; à Damas, le tablkhânâh sonna cinq fois par jour.
Le onze du même mois, le sultan monta à cheval revêtu des vêtements d'honneur [envoyés par le khalife], et il traversa la place qui sépare les deux citadelles (Bain-al-Kasrain), et la ville du Caire ; quand il fut arrivé à la porte de Zavila, il retira ces habits et retourna à son palais; après quoi il alla jouer à la paume.
Cette année, une détresse générale pesa sur la population de l'Egypte. La cause en était que le numéraire d'or et d'argent était sorti et qu'il n'était pas rentré. On en était absolument privé, il était impossible d'en trouver, et les gens craignaient beaucoup que cette situation se généralisât. Quand un homme voyait une pièce d'or, ses yeux brillaient de convoitise jusqu'à ce qu'il l'eût obtenue, et c'était alors comme s'il avait eu la révélation des jouissances du paradis. — On tira du palais [des khalifes fatimides] une telle quantité d'or et d'argent monnayés, d'objets d'orfèvrerie, de pierres précieuses, de bijoux, de vases précieux, d'étoffes et d'armes, que jamais les Khosroès n'en avaient possédé une pareille, telle que l'esprit ne pouvait la concevoir; on ne pouvait pas plus les compter qu'on ne pourra compter les hommes au jour du jugement dernier. — Cette année, le sultan passa en revue les Arabes Djoudamis qui étaient au nombre de sept mille cavaliers; il réduisit leur effectif à treize cents cavaliers, pas un de plus ; on leur prit par suite de cet ordre, le dixième du…[70] dont la totalité était d'un million de dinars. On voulut exercer la même contrainte sur les Arabes de Tha'liba, mais cela les irrita violemment.
Cette même année, le vingt-deuxième jour du mois de Redjeb, on fit la khotba à la prière du Vendredi, à Misr et au Caire ; on avait arboré sur les minarets des drapeaux noirs,[71] et les prédicateurs (khâtib) avaient revêtu des habits noirs qui leur avaient été envoyés de Bagdad ; on proclama dans la ville que personne ne devait se dispenser d'assister à la prière du Vendredi, et qu'il fallait absolument y venir. Tous ceux qui ne vinrent pas furent jetés en prison et chargés de fers. Ces mesures firent assister à la prière des gens qui ne voulaient pas s'y rendre.
Le vingt-troisième jour de ce mois, on donna un vêtement d'honneur aux ambassadeurs qui étaient venus de Syrie;[72] on leur remit une des robes brochées d'or qui restaient de ce qui avait été pris dans le Palais;[73] on fixa une somme pour leurs dépenses et on leur donna des logements.
Au mois de Chaban, il tomba de la grêle à al-Dakahliyya;[74] les grêlons atteignirent des poids qui variaient entre un et deux ritl. — Ce même mois, les ambassadeurs partirent du Caire et retournèrent auprès de Nour ad-Din avec des vêtements d'honneur et le tribut qu'il avait fixé chaque année (à Salah ad-Din). — Le sultan ordonna que l'on révoquât plusieurs mauvais fonctionnaires des emplois qu'ils remplissaient dans sa maison et dans les bureaux du Divan, mais pas un des scribes des Ghozzes ne perdit sa place ; on fit courir le bruit qu'on les chasserait du pays et qu'on confisquerait leurs biens meubles. — Le vingt-cinquième jour de ce même mois, on révoqua un certain nombre d'individus de mauvaises mœurs des emplois qu'ils exerçaient dans l'administration du sultan, et on garda les autres; les scribes Ghozzes[75] conservèrent leurs emplois; on ne pouvait les révoquer parce qu'ils connaissaient les rouages de l'administration et que l'on craignait, en les révoquant, d'en compromettre le bon fonctionnement.
Le vingt et un, le sultan se rendit à Alexandrie; voici quelle était la cause de ce voyage : il y avait dans le pays d'Alexandrie un excédent de population, tandis que l'argent y était extrêmement rare, de telle sorte qu'il ne savait comment faire. On lui dit qu'il y avait beaucoup de ressources dans le pays de Barka[76] et qu'il n'y avait là d'autres habitants que les Arabes qui ne pouvaient offrir de résistance bien sérieuse. C'est pour cela que le sultan s'était rendu à Alexandrie; il y tint un conseil auquel assistèrent Nadjm ad-Din Ayyoub, Schihâb ad-Din et Takî ad-Din ; on y décida d'envoyer une expédition dans le pays des Arabes et de se hâter de récolter les céréales avant qu'ils ne les eussent moissonnées. — On écrivit aux troupes de Misr et du Caire de venir [à Alexandrie] et de faire partir les outillages des selliers, des maréchaux ferrants et des autres artisans. On écrivit également aux Arabes pour leur demander le paiement des dîmes et pour leur défendre d'intercepter les chemins par lesquels passaient les marchands d'esclaves. Il arriva que cette année, cent mille têtes de bétail périrent. Le sultan se décida alors à envoyer Takî ad-Din 'Omar ibn Shâhânshâh ibn Ayyoub avec ses troupes particulières, et cinq cents cavaliers vers la province de Bohaîrah ; il les équipa à ses frais. — Au mois de Dhoû’lka’dah, une troupe de soldats (manâsir) s'ôtant rassemblés, parcoururent les rues de Misr le sabre à la main en tenant des torches; ils attaquèrent les habitants, envahirent leurs domiciles et mirent le feu aux maisons. — Au mois de Dhou’lhiddjeh, on reçut un ambassadeur du souverain d'Abyssinie qui apportait des présents, ainsi qu'une lettre qui était adressée [au khalife al-'Adid. On lut sa lettre et on reçut ses présents. L'armée nubienne arriva dans les villages voisins de la ville frontière d'Assouan.
C'est au cours de cette année (568) qu'al-Malik al-'Adil Nour ad-Din Mahmoud et le sultan Salah ad-Din Yousouf commencèrent à se brouiller; voici quelle en fut la cause : Nour ad-Din avait envoyé à Salah ad-Din l'ordre de rassembler l'armée égyptienne, de marcher avec elle contre le pays des Francs, et d'aller assiéger Karak. Salah ad-Din s'empressa de réunir les soldats et se mit en route, après avoir écrit à Nour ad-Din pour l'en prévenir; mais ses officiers lui montrèrent à quels dangers il s'exposait en allant se joindre à Nour-ad-Din. Ce prince attendait des nouvelles de Salah ad-Din ; dès qu'il eut appris qu'il était parti d'Egypte, il quitta Damas et se dirigea sur Karak qu'il investit en attendant l'armée de Salah ad-Din ; mais, au lieu de cela, il reçut une lettre par laquelle ce dernier s'excusait de ne pouvoir venir par suite de la situation troublée de l'Egypte et de la crainte qu'il avait de voir ce pays se révolter pendant son absence ; il lui faisait savoir qu'il était retourné au Caire. Nour ad-Din Mahmoud fut extrêmement fâché de cet incident et il se prépara à envahir l'Egypte pour en chasser Salah ad-Din.
Quand Salah ad-Din apprit les intentions de son suzerain, il fut saisi d'effroi et rassembla tous les membres de sa famille, ses familiers, et leur demanda conseil. Son neveu Takî ad-Din 'Omar dit : « Quand il viendra, nous lui livrerons tous combat et nous le chasserons de ce pays. » Tous les assistants se rangèrent à son avis, sauf Nadjm ad-Din Ayyoub qui désapprouva cette façon de voir; c'était un homme intelligent et très rusé. Il dit à son fils : « Je suis ton père, et voici Schihâb ad-Din al-Hârimi, ton oncle, et je suis certain de l'affection de tous les assistants pour toi, car qui te veut plus de bien que nous! » Salah ad-Din répondit qu'il en était persuadé, κ Eh bien, continua Nadjm ad-Din, par Allah! moi et ton oncle, si nous voyons le sultan Nour-ad-Din, nous n'avons qu'à nous incliner et à baiser la terre devant lui. S'il nous ordonnait de te couper la tête d'un coup de sabre, certes, nous le ferions; c'est ainsi que nous sommes, et comment les émirs et les troupes seraient-elles disposées autrement que nous? Si un seul d'entre eux voyait le sultan Nour ad-Din Mahmoud, comment oserait-il rester sur la selle de son cheval, comment ne se hâterait-il pas d'en descendre pour baiser la terre devant lui? Tout ce pays lui appartient, il t'y a installé pour le gouverner en son nom; quand il voudra te l'enlever, comment pourrions-nous marcher sous tes ordres. Il nommera à ta place qui il voudra! » Tous les assistants s'écrièrent que tel était leur avis, qu'ils étaient les mamlouks et les esclaves du sultan Nour ad-Din Mahmoud, et qu'ils feraient tout ce qu'il leur ordonnerait. Ils se séparèrent ensuite et la plupart d'entre eux écrivirent à Nour ad-Din pour l'assurer de leur dévouement. Nadjm ad-Din Ayyoub étant resté seul avec son fils Salah ad-Din, lui dit : « Tu es un sot, un imbécile, de réunir tous ces gens et de leur dire ainsi tout ce que tu as sur le cœur. Mais quand Nour ad-Din aura appris tes intentions, il se mettra en marche pour s'emparer de ce pays, et s'il t'attaque, tu n'auras pas pour te défendre un seul de ces hommes, et ils te livreront à lui. Tu peux être sûr que tous ces gens-là ne vont pas manquer d'écrire à Nour ad-Din pour lui rapporter tes paroles. Écris-lui loi aussi sur le même sujet et dis-lui : « Quel besoin as-tu de marcher contre moi pour me réduire à l'obéissance; il le suffit de prendre une serviette et de me la passer au cou » ; quand il aura lu ta lettre, il renoncera à son idée de marcher contre toi et il ne s'occupera plus que des affaires les plus importantes de son royaume, de sorte que tu gagneras du temps. Allah est glorieux et illustre! » Salah ad-Din agit comme son père le lui avait conseillé ; cela trompa Nour ad-Din qui abandonna ses idées d'expédition, les jours s'écoulèrent comme Nadjm ad-Din le lui avait prédit, et Nour ad-Din mourut.
Cette même année, le sultan Nour ad-Din Mahmoud établit un service postal en Syrie pour le transport des dépêches. — Cette année, le sultan Salah ad-Din partit avec ses troupes pour faire une expédition contre Karak et Shaûbak ; toutes les fois qu'il apprenait qu'une caravane était partie de Damas pour se rendre au Caire, il se mettait en campagne pour aller la protéger contre les attaques des Francs. Il alla assiéger cette place dans le but de rendre le chemin libre pour les caravanes ; mais il ne put s'en emparer et au bout de quelque temps, il s'en revint en Egypte. — Il envoya des présents au sultan Nour ad-Din Mahmoud: il y avait toutes sortes d'objets mobiliers en or et en argent, en cristal et en jade, tels qu'on n'eu avait jamais vu de pareils; il y avait aussi pour une somme considérable de pierres précieuses et de rubis, et soixante mille dinars en pièces de monnaies ainsi qu'un nombre considérable de choses extraordinaires et admirables; il y avait dans ces présents des pièces d’attabi et trois rubis balais (balakhsh),[77] pesant plus de trente mithkals.[78] Cela se passa au mois de chewâl. — Cette même année, les partisans que les fatimides avaient dans le Soudan partirent de leur pays (le Soudan et la Nubie) pour aller attaquer Asvân, où se trouvait alors Kanz ed-dauleh. Le sultan Salah ad-Din envoya Shodja ad-Din al-Ba'lbaki à la tête d'une armée considérable. Ce général marcha sur Asvân, dont les envahisseurs s'éloignèrent; il se mita leur poursuite avec Kanz Eddaulèh ; les deux généraux leur livrèrent un combat dans lequel ils leur tuèrent beaucoup de monde, puis ils s’en revinrent au Caire. — Al-Malik al-Mo'aththam Chams Eddaulèh-Fakhr ad-Din Tourânshâh, fils d'Ayyoub et frère du sultan Salah ad-Din, se rendit en Nubie,[79] où il conquit la forteresse d'Ibrïm; il y fit beaucoup de prisonniers et de butin, après quoi il s'en retourna à Asvân ; il donna cette forteresse en fief à un individu nommé Ibrahim le Kurde, celui-ci s'y rendit avec quelques Kurdes qui firent des incursions en Nubie et qui s'emparèrent d'une quantité considérable d'argent et de bétail après avoir eu beaucoup de mal et de misère. Une lettre du roi de Nubie arriva à Chams Eddaulèh alors qu'il se trouvait à Kous; elle était accompagnée de présents. Le prince ayyoubide traita avec beaucoup de politesse l'envoyé du roi de Nubie; il lui donna un vêtement d'honneur et lui remit deux paires de flèches en lui disant : « Dis au roi : Je n'ai pas d'autre réponse que celle-ci ! » Il envoya en même temps que lui un ambassadeur pour s'enquérir des ressources et de l'état du pays. Cet individu poussa jusqu'à Dongola;[80] il revint ensuite auprès de Chams Eddaulèh et lui dit : « J'ai trouvé un pays pauvre, dans lequel on ne cultive guère que le dhoûra[81] et de petits palmiers, des fruits desquels les habitants se nourrissent ; le roi sortit de son palais, il était nu et montait un cheval sans selle ni caparaçon, il était enveloppé dans un manteau de soie et il n'avait pas un cheveu sur la tête.[82] Je m'avançai vers lui et quand je l'eus salué, il éclata de rire; il parut ne rien comprendre à ce que je lui disais et sur son ordre on me traça sur la main la figure d'une croix. Il me donna environ cinquante ritl de farine. Il n'y a pas à Dongola d'autre édifice que le palais du roi, le reste consiste en paillottes. »
Cette même année, la question d'Egypte tourmenta extrêmement Nour ad-Din Mahmoud, et il se décida à l'arracher à la domination de Salah ad-Din Yousouf qui s'y était établi. A plusieurs reprises, celui-ci envoya à Nour ad-Din des ambassades et lui fit porter de l'argent. Ensuite Nour ad-Din envoya son vizir Mouvaffik ad-Din Khalid ibn Mohammad ibn Nasr ibn Saghir-al-Kaîsarâni en Egypte pour en faire le cadastre, s'enquérir de son état financier, et fixer la redevance que Salah ad-Din aurait à payer chaque année ; le vizir devait aussi se rendre compte si Salah ad-Din était bien décidé à obéir aux ordres de Nour ad-Din. Il se rendit au Caire et nous raconterons plus loin ce qui lui arriva dans cette ville, s'il plaît à Dieu !
Cette même année, mourut Ayyoub ibn Shadî ibn Marvân ibn Yakoub Nadjm ad-Din, qui reçut comme nom royal al-Malik al-Afdal Abou Saad, le Kurde, père du sultan Salah ad-Din Yousouf. Il était sorti par la Porte de la Victoire (Bâb-al-Nasr) au Caire et son cheval le désarçonna; cet événement arriva le mercredi dix-huitième jour du mois de Dhou’lhiddjeh. On le transporta à sa maison le dix-neuf de ce même mois ou, suivant d'autres, trois nuits avant sa fin. Il fut inhumé à côté de sou frère Asad ad-Din Shirkouh, et plus tard, en l'année 580, on transporta leurs deux cercueils à Médine.
Cette année, arriva au Caire, Nour ad-Din Abou’l Baka-Khalid ibn Mohammad ibn Nasr ibn Saghir, connu sous le nom d'Ibn al-Kaisârâni, qui avait été envoyé par le sultan al-Malik al-'Adil Nour ad-Din pour demander à Salah ad-Din compte de tout ce dont il s'était emparé dans les palais des khalifes fatimides et savoir à combien cela montait. Salah ad-Din fut vivement irrité de ce procédé et il dit : « Voilà où nous en sommes arrivés ! » ; néanmoins, il lui fit connaître ce dont il s'était emparé et lui donna sur ce sujet tous les renseignements nécessaires. Il lui fit connaître les revenus des fiefs, les sommes auxquelles s'élevait la solde des troupes; il lui montra les registres des dépenses, et lui dit : « Est-ce que l'on peut administrer un grand pays sans manier de grandes sommes d'argent? Tu connais les gens qui gouvernent et les grands personnages, lu sais qu'ils ont l'habitude de vivre d'une façon large et coûteuse et qu'il est impossible de leur retirer une chose dès qu'ils s'en sont saisis, qu'ils ne laissent pas volontiers toucher à leurs fortunes et qu'ils n'aiment point à ce qu'on leur prenne de leur argent! »
Cette même année, l'émir Chams ed-dauleh Tourânshâh, frère du sultan Salah ad-Din, partit pour le Yémen ; la cause en était que ce prince et les membres de sa famille avaient très peur que le sultan al-Malik al-'Adil Nour ad-Din n'envahît l'Egypte et ne les en chassât ; il l'envoyait faire cette conquête pour qu'ils eussent un pays où se réfugier au cas où cette éventualité se produirait.
Le choix des Ayyoubides s'était d'abord fixé sur la Nubie, mais quand Chams Eddaulèh se fut rendu dans cette contrée, il n'en fut pas enthousiasmé et il s'en revint au Caire. Le juriste (fakîh) 'Oumâra al-Yamanî s'était attaché à Chams ed-dauleh, et lui avait adressé des poésies écrites à sa louange; il était devenu son confident et lui avait parlé du Yémen, lui vantant la richesse de ce pays et la facilité qu'il y aurait à s'en emparer; il fit si bien qu'il le poussa à conquérir le Yémen, Chams Eddaulèh était un homme hardi et audacieux qui n'était point content de l'argent que lui rapportaient les fiefs qu'il possédait en Egypte, et de plus c'était un prince à vastes projets. Il demanda à Salah ad-Din la permission d'entreprendre une campagne contre le Yémen et le sultan la lui accorda. Après avoir réuni une armée et l'avoir équipée, Chams ed-dauleh partit au commencement du mois de Radjah ; il arriva à la Mecque qu'il visita, puis il quitta cette ville pour envahir le Yémen, où se trouvait alors Aboul 'l-Hasan-'Ali ibn Mahdi, que l'on appelait 'Abd-an-Nabi. Il s'empara de Zabid et des principales villes du Yémen ; il prit le titre d'al-Malik al-Mo'aththam, fit mentionner son nom dans la khotba immédiatement après celui du khalife 'abbasside al-Mostadi-bi-Amr-Allah, et cela dans toute l'étendue des pays qu'il avait conquis. Il envoya un officier au Caire pour en porter la nouvelle, et al-Malik al-Nasir-Salah ad-Din fit partir un ambassadeur pour en avertir al-Malik al-'Adil Nour ad-Din Mahmoud ; puis il en envoya un autre à Bagdad pour en faire part au khalife al-Mostadi.
Cette même année, le sixième jour du mois de Chaban, le sultan fit emprisonner les enfants du khalife fatimide al-'Adid et ses proches parents; il les fit sortir de la forteresse et les fit conduire à la maison d'al-Mothaffar qui était située dans la Hârat-Bardjavân; cela se passa dans les dix derniers jours du mois de Ramadân. — Une troupe d'habitants du Caire se rassemblèrent pour mettre sur le trône un descendant du khalife fatimide al-'Adid et pour assassiner Salah ad-Din ; en même temps, ils écrivirent aux Francs, parmi ces gens se trouvaient le kadi al-Fadl Diyâ ad-Din Nasr-Allah ibn 'Abd-Allah ibn Kâmil, le shérif al-Djalîs, Nadjdjâh-al-Hammâmï, le fakîh (jurisconsulte) 'Oumâra ibn Άli al-Yamani, 'Abd-al-Samad le khâtib, le kadi al-A'azz Salâmah al-'Ourish(?), titulaire du ministère de la justice, le grand prédicateur 'Abd-al-Djabbar ibn Ismâ’îl ibn 'Abd-al-Kavî, al-Vâ'iz Zaïn ad-Din ibn Nadja. Leurs menées furent dénoncées au sultan Salah ad-Din. Il leur demanda qu'on lui donnât tout ce qui avait appartenu au prédicateur (dâ'î) Ibn Kâmil, tant les maisons que les autres objets.[83] Cette demande lui fut accordée, mais les conjurés furent cernés et arrêtés : on les étrangla le samedi second jour du mois de Ramadan dans l'endroit appelé Baîa-al-Kasraîn. 'Oumâra fut étranglé et pendu[84] dans l'espace qui sépare la porte d'Or (Bâb-ad-dahab) de la porte du fleuve (Bâb-al-bahr) ; Ibn-Kâmil fut exécuté à la Râ'as al-Kharoukain, qui est aujourd'hui connue sous le nom de « Marché (souk) de l'émir des armées », al-'Oûrish dans la rue de la Chaîne (darb-al-silsilah), 'Abd-as-Samad, Ibn Salâmah, l'émir Ibn al-Motî, Moslanna ed-dauleh, Ibn 'Abd-as-Salam et Nadjdjâh ibn 'Abd-al-Kavî au Caire. Le kadi Ibn Kâmil fut étranglé au Caire, le mercredi, dix-neuvième jour du mois de chewâl; Souma (?) et ses complices, plusieurs cavaliers, plusieurs 'Obaïdites et leurs courtisans, ainsi que plusieurs émirs de Salah ad-Din furent également mis à mort. On confisqua les biens de toutes ces personnes et leurs héritiers n'en purent toucher la moindre partie ; on poursuivit tous les partisans de la dynastie fatimide et on en massacra un très grand nombre, beaucoup d'autres furent emprisonnés; on proclama que tous les soldats et les gens qui appartenaient à l'armée se rendissent à la Forteresse, et on relégua les nègres jusqu'aux plus lointaines parties du Sa'id. — On emprisonna à Alexandrie un individu nommé Kadim, qui était l'un des missionnaires (dâ'i) de la secte fatimide, le dimanche, vingt-cinquième jour du mois de Ramadan, et l'on arrêta une grande quantité de nègres; on les aveugla en leur passant devant les yeux des sabres rougis au feu.
Le sultan Salah ad-Din dressa avec le vizir Ibn al-Kaisarani le compte de tout l'argent qu'il possédait et il remit à ce personnage un présent pour Nour ad-Din Mahmoud. Ce présent se composait de cinq exemplaires du Coran, dont l'un était formé de trente fascicules (djuz') ; la reliure était en satin (atlas) bleu avec des placages en or; il portait des fermoirs en or avec des inscriptions également en or; il y en avait un autre qui se composait de dix volumes reliés en velours (dibâdj) vert. Un troisième exemplaire ne se composait que d'un seul volume qui était de la main d'Ibn al-Bavvâb ; il portait un fermoir en or. Il y avait encore trois rubis balais (hadjar balakhsh), dont un seul pesait vingt-deux mithkals, un autre douze mithkals et le troisième dix mithkals et demi ; six émeraudes, l'une d'elles pesait trois mithkals; un rubis (yâkoût) rouge du poids de sept mithkals; un saphir[85] qui pesait six mithkals. Il envoyait également cent colliers de pierres précieuses qui pesaient huit cent cinquante-sept mithkals ; cinquante turquoises ; vingt objets en cristal ; quatorze objets fabriqués en agate, des cruchons, des plats, des aiguières et des tasses en malachite;[86] un shakrâk (?) bleu doré en turquoise avec une garniture de perles au milieu de laquelle était serti un saphir;[87] des coupes, des vases et des aiguières en porcelaine de Chine, au nombre de quarante; deux gros morceaux de bois de santal et d'ambre, l'un pesant trente ritls et l'autre vingt; cent vêtements de satin (allas); vingt-quatre coiffures avec des broderies d'or; vingt-quatre vêtements ou pièces d'habillement en soie blanche ; des robes de soie verte avec des broderies en filigrane d'or, et des étoffes de toute sorte qui valaient deux cent vingt-cinq mille dinars. Les ambassadeurs se mirent en marche avec ces trésors, mais ils apprirent en route que Nour ad-Din venait de mourir. Une partie de ces objets furent volés ou perdus.
Cette année mourut le sultan al-Malik al-'Adil Nour ad-Din Mahmoud ibn Zangui, le mercredi, onzième jour du mois de chewâl, d'une maladie de la gorge; il venait de se préparer à marcher contre l'Egypte pour l'enlever à Salah ad-Din Youssouf ibn Ayyoub. On faisait la khotba au nom de ce prince en Syrie, en Egypte, dans les deux villes saintes (La Mecque et Médine) et dans le Yémen. Il eut pour successeur son fils al-Malik as-Sâlih Ismâ'îl, qui avait alors onze ans ; le sultan Salah ad-Din fit faire la khotba au nom du jeune prince et fit frapper la monnaie à son chiffre.
Cette même année, l'escadre des Francs de Sicile vint mouiller devant Alexandrie, quatre jours restant du mois de Dhou’lhiddjeh; le prince qui avait envoyé cette flotte se] nommait Guillaume, fils de Guillaume, (fils de) Roger,[88] souverain[89] de Sicile ; il succéda à son père en l'année 560, alors qu'il était encore très jeune. Sa mère se chargea de la régence et un vassal de son père, nommé Batar, gouverna ses états pendant un an,[90] puis il s'enfuit chez le sultan Abou Yakoub Yousouf ibn 'Abd al-Mou'min. Guillaume prit alors en main les rênes du gouvernement; en l'année 571[91] il fit construire une flotte et réunit une armée telle que jamais son grand-père Roger n'en avait levée une. Il embarqua sur des croiseurs mille chevaliers et il donna le commandement de cette escadre à un de ses généraux nommé Akim-Moudhaka.[92]
Il mit le cap sur Alexandrie. Guillaume mourut en l'année 581. Quand l'escadre sicilienne eut mouillé en vue de terre, deux mille cinq cents cavaliers sortirent des croiseurs. Le nombre total des troupes de débarquement était de trente mille hommes, tant cavaliers qu'hommes de pied ; leur escadre comptait trente-six croiseurs pour transporter la cavalerie et deux cents galères montées chacune par cent cinquante hommes. Quant aux bâtiments qui transportaient les engins de guerre et les appareils de siège, ils étaient au nombre de six ; il y avait quarante transports qui étaient chargés d'approvisionnements et d'infanterie; les fantassins étaient au nombre d'environ cinquante mille hommes. Les Chrétiens débarquèrent du côté le plus rapproché du Phare; ils attaquèrent les Musulmans et les forcèrent à rétrograder jusqu'aux murs de la ville; sept Musulmans perdirent la vie dans ce combat. Les navires francs poussèrent jusqu'à al-Yanâ[93] où se trouvait l'escadre musulmane. Les Francs la coulèrent, s'emparèrent du rivage et y établirent leur campement. Le lendemain matin, ils y avaient dressé trois cents tentes; ils commencèrent immédiatement le siège de la ville, dressèrent trois balistes pour faire brèche dans le mur et trois grands mandjâniks qui lançaient des pierres énormes.
Le sultan se trouvait alors à Fâkoûs, et c'est dans cet endroit qu'il apprit l'attaque d'Alexandrie, le jour même du débarquement des Francs. Il se hâta de rassembler ses troupes pour les envoyer au combat. Le jeu des mangonneaux des Francs continua sans interruption jusqu'au moment où arrivèrent les troupes de secours. Les défenseurs de la ville ouvrirent les portes et se précipitèrent sur les Francs ; ils les attaquèrent une seconde fois au moment où les ombres de la nuit couvraient leur camp, et ils s'emparèrent de tout ce qui s'y trouvait. Ils tuèrent une quantité d'hommes de pied et de chevaliers, puis ils coururent aux navires francs, s'emparèrent de plusieurs d'entre eux et les coulèrent; les autres hissèrent toute leur toile et prirent le large. Un très grand nombre de Francs périt dans ce combat, et les Musulmans firent en engins de guerre, en objets de tout genre, et en armes, un butin immense qu'il est impossible d'évaluer.
Cette même année 569, le sultan Salah ad-Din constitua en vafk le canton de Nakarah[94] qui dépend du pays de Kous, dans le Sa’id supérieur, et le tiers du canton de Sindibas[95] qui fait partie du pays de Koloubiyya pour les besoins de vingt-quatre personnes attachées à la mosquée de Médine et chargées d'entretenir la tombe auguste du Prophète. Il fit rédiger un acte pour consigner de ces dispositions, et cet acte fut daté du vingt-deuxième jour du mois de Rabi second. Les effets de cette donation sont encore valables aujourd'hui.
Cette année, la hauteur primitive (kâ’) du Nil fut de six coudées et soixante doigts, et la crue atteignit dix-sept coudées et vingt doigts.
Cette année, Kanz ed-dauleh, gouverneur d'Asvân, réunit les Arabes et les Nègres et marcha sur le Caire dans l'intention de remettre les fatimides sur le trône; il distribua de grandes sommes d'argent à ceux qui étaient venus se ranger sous ses drapeaux, et cette générosité détermina un grand nombre de gens à embrasser son parti. Un certain nombre des émirs de Salah ad-Din furent tués. Sur ces entrefaites un homme appelé 'Abbâs ibn Shâdli se révolta dans un village nommé Toud;[96] il s'empara du pays de Kous et fit main basse sur toutes les richesses qui s'y trouvaient. Le sultan Salah ad-Din fit partir son frère al-Malik al-'Adil à la tête d'une nombreuse armée, et il lui adjoignit le khâtib Mohaddab ainsi que deux cents cavaliers. Al-Malik al-'Adil se mit en marche ; il tomba sur Shâdî, dispersa son armée et le tua. Il continua sa marche, et Kanz Eddaulèh le rencontra dans les environs du village de Toud ; ils se livrèrent combat. Kanz Eddaulèh s'enfuit après que la plus grande partie de son armée eut été massacrée. Il fut lui-même mis à mort, le septième jour du mois de Safer, et al-Malik al-'Adil rentra au Caire, le vingt-huitième jour de ce même mois.
Cette année, le sultan reçut la nouvelle qu'al-Malik as-Sâlih-Modjîr ad-Din Ismâ’îl ibn Nour ad-Din s'était rendu à Alep et qu'il avait fait la paix avec le sultan Saïf ad-Din Ghazi, prince de Maûsil. Cela inquiéta vivement Salah ad-Din qui se mit en campagne se dirigeant vers la Syrie ; il vint camper à la Birkat-al-Djubb, le premier jour du mois de Safer; puis, il quitta cette ville le treizième jour du mois de Rabi premier et se rendit à Soudar et à Ilah,[97] à la tête de sept cents cavaliers. Il laissa en Egypte pour y gouverner en son nom, son frère al-Malik al-'Adil; il alla ensuite camper à Bosra, puis à Kisva, le dimanche vingt-neuvième jour du mois de Rabi premier. La population se porta à sa rencontre. Il fit son entrée à Damas, le lundi, premier jour du mois de Rabi second, et en prit possession sans que personne songeât à l'empêcher. Il distribua de grandes sommes d'argent et il ordonna de proclamer dans les rues qu'il était venu avec les meilleures intentions, de façon à rassurer les esprits, et il fit annoncer qu'il abolissait les droits de douane et qu'il voulait qu'on ne se livrât plus aux actions blâmables et méprisables qu'on s'était permises après la mort de Nour ad-Din Mahmoud. Il assura qu'il n'était venu à Damas que pour s'occuper de l'éducation d'al-Malik as-Sâlih, fils de Nour-ad-Din, qu'il se considérait comme son lieutenant, et qu'il s'occuperait du gouvernement de son royaume. Il envoya des lettres conformes à ces déclarations dans les différentes provinces, et il prit possession de la citadelle de Damas,[98] après que le gouverneur eut fait mine de résister. Il y installa son frère Tahir-al-Islâm-Toughatikin ibn Ayyoub[99] et envoya annoncer ces bonnes nouvelles au Caire.
Dans les premiers jours du mois de Djoumada premier, il quitta Damas et alla assiéger la ville de Homs dont il s'empara le onzième jour du même mois. La citadelle seule résista; il laissa un corps de troupes pour l'assiéger et se rendit à Hamâh qu'il investit le vingt-trois; Izz ad-Din Djourdîk, qui se trouvait dans cette place, la lui rendit. Au mois de Djoumada premier, Ibn 'Asroun fut investi de la dignité de kadi de Misr. Le sultan se rendit à Alep et il envoya Djourdîk auprès d'al-Malik as-Sâlih pour traiter de la paix; mais les officiers de ce prince ne voulurent rien entendre, ils arrêtèrent Djourdîk et le firent enchaîner.
Salah ad-Din apprit cet événement au moment où il venait de quitter Hamâh se dirigeant vers Alep. Il retourna à Hamâh, puis s'en revint à Alep et campa à la montagne de Djoushan, le troisième jour du mois de Djoumada second.[100] Les Halébins se disposèrent à soutenir un siège, firent des sorties et lui livrèrent des combats extrêmement violents jusqu'au premier jour du mois de Redjeb. Salah ad-Din leva alors le siège d'Alep et se dirigea vers Homs;[101] il avait, en effet, appris que le comte, souverain des Francs à Tripoli, s'était entendu par lettres avec les habitants d'Alep et qu'il assiégeait Homs. Quand Salah ad-Din fut arrivé dans le voisinage de cette ville,[102] le comte s'en retourna dans ses états.[103] Salah ad-Din assiégea la citadelle et la battit avec ses mangonneaux; il s'en empara par capitulation le vingt et unième jour du mois de Chaban. De là, il se rendit à Baalbek qu'il assiégea, et, le quatre du mois de Ramadan, il entra dans la citadelle. Après ces événements, il s'en retourna à Homs, et il livra bataille aux troupes d'al-Malik as-Sâlih, aux Cornes d'Hamâh,[104] le Dimanche, dix-neuf de ce mois. La victoire favorisa Salah ad-Din qui mit l'armée d'as-Sâlih en fuite et qui s'empara de tout ce qu'elle possédait; il n'eut pas plus de sept tués dans cette bataille.
Le sultan continua sa route et vint camper devant Alep. Il interdit de faire la khotba au nom d'al-Malik as-Sâlih et défendit de graver le chiffre de ce prince sur les monnaies dans toute l'étendue de ses états. Les Halébins lui envoyèrent une ambassade pour lui demander de leur accorder la paix, et il voulut bien y consentir aux conditions suivantes : il posséderait toute la partie de la Syrie qui se trouvait en sa possession pendant qu'eux-mêmes garderaient de même ce qui leur appartenait à ce moment.[105] Il leur demanda ensuite de lui céder al-Ma'arrat et Kafrtab.[106] Le traité de paix fut rédigé dans ces termes et Salah ad-Din le signa après avoir juré d'observer ce qui y était contenu. Il s'en retourna ensuite à Hamâh, et il écrivit à Bagdad pour annoncer ces victoires, les campagnes qu'il avait entreprises contre les Francs, le rétablissement, fait par son ordre, de la khotba au nom des Abbasides en Egypte. Il apprenait au khalife qu'il s'était emparé de pays nombreux dans les contrées du Maghreb et qu'il avait soumis tout le Yémen à ses armes, que cette année une escadre de soixante-dix vaisseaux était venue attaquer Alexandrie et qu'il les avait capturés. En conséquence, il demandait au khalife de lui accorder un diplôme d'investiture pour l'Egypte, le Yémen, le Maghreb et tous les pays qu'il avait conquis par lui-même. Les ambassadeurs du khalife al Mostadi arrivèrent alors, lui apportant le vêtement d'honneur, les étendards de couleur noire et le diplôme d'investiture qui lui conférait la souveraineté de l'Egypte, de la Syrie et des autres contrées.[107] Il alla ensuite camper devant Ma'nn que l'on appelle aussi Bârin,[108] et il assiégea la forteresse jusqu'au moment où il s'en empara, le vingtième jour de ce même mois, après quoi il s'en retourna à Hamâh.
Cette même année, Imad ad-Din al-Isfahânî fut nommé naïb dans la chancellerie du sultan à la place du kadi al-Fâdil, sur la recommandation de Nadjm ad-Din Mohammad ibn Misal. — Salah ad-Din se rendit à Damas, puis il sortit de cette ville et alla camper à Mardj-as-Soffar, où il reçut les ambassadeurs des Francs qui venaient lui demander de leur accorder une trêve ; il y consentit à certaines conditions qu'il détermina. Il permit ensuite à ses troupes de s'en retourner en Egypte parce qu'elles avaient assez de la Syrie; ses soldats partirent et il revint à Damas au mois de Moharram de l'année 571. Il confia le gouvernement de cette ville à Takî ad-Din Omar ibn Shâhânshâh ibn Ayyoub.
Cette année, Bahâ ad-Din Karâkoush, l'un des officiers de Takî ad-Din Omar, se rendit dans le Maghreb a la tête d'une armée, le onze du mois de Moharram. Il força le prince d’Audjilah à lui payer une contribution de vingt mille dinars qu'il distribua à ses troupes, et dix mille dinars qu'il garda pour lui-même. Il était parti pour attaquer d'autres villes quand il apprit la mort du prince d'Audjilah; il retourna vers cette ville, l'assiégea et s'en empara malgré la résistance des habitants dont sept cents périrent dans ce siège. Il y fil un butin immense et s'en retourna au Caire.
Cette année, les Halébins se préparèrent à lutter contre Salah ad-Din.[109] Ce prince appela auprès de lui l'armée d'Egypte; elle arriva à Damas au mois de chaban, et Salah ad-Din se mit en marche le premier jour du mois de Ramadhan. — Le lundi, vingt-huitième jour du mois de Ramadhan, le soleil fut totalement éclipsé, le jour fit place aux plus profondes ténèbres et on put apercevoir les étoiles. — Le sultan rencontra les Halébins, le dixième jour du mois de chewâl et leur livra bataille. Le sultan de Maûsil, Ghazi, s'étant retiré en arrière pendant le combat, on crut que son armée était mise en déroute.
Les troupes d'Alep prirent la fuite et Salah ad-Din[110] se mit à leur poursuite ; un grand nombre d'Halébins furent tués dans cette déroute. Le sultan s'empara de la tente de Ghazi; il fit un grand nombre de prisonniers et s'empara de l'argent, des munitions, des chevaux et des vivres de l'armée fugitive, ainsi que d'une quantité innombrable d'objets précieux.
Al-Malik al-Mo'aththam Chams ed-dauleh Tourânshâh revint du Yémen auprès de Salah ad-Din; ce dernier lui fit cadeau de la tente du sultan Ghazi, ainsi que de tous les chevaux et des armes, il distribua les boxes pour les chevaux et l'argent aux personnes de la suite de Touran shah, donna des vêtements d'honneur aux émirs et prit congé d'eux. Ghazi rejoignit ses troupes et il alla se réfugier avec elles à Alep; puis il s'en retourna à Maûsil.
Salah ad-Din revint camper devant Alep, le quatorzième jour du mois de chewâl ; il y resta jusqu'au dix-neuf, après quoi il s'en alla à Bouzâ'a.[111] Il pressa la garnison d'attaques jusqu'à ce que la ville se rendit. De Bouzâ'a, il alla à Manbadj, qu'il assiégea, le jeudi vingt-quatrième jour de ce même mois; il en poursuivit le siège pendant quelques jours et s'en empara. Il prit dans la citadelle trois cent mille dinars, et en argent, en vases et en armes, environ deux millions de dinars. Il marcha contre à 'Azaz[112] et l'assiégea depuis le samedi, quatrième jour de Dhoû’lka’dah jusqu'au onzième jour de Dhou’lhiddjeh, où il s'en empara; il y mit un officier pour y gouverner en son nom, puis il s'en retourna à Alep. — Le mardi, quatorzième jour de ce mois, quelques 'Ismaïliens attaquèrent le sultan Salah ad-Din, mais il échappa à leurs coups ; quelques-uns de ses émirs et de ses familiers furent blessés par ces forcenés. Salah ad-Din se rendit ensuite à Alep.
Cette année, arriva de Sicile à Alexandrie, une escadre de deux cent soixante navires chargés de troupes, et de trente-six transports chargés de chevaux. Six autres navires portaient des engins de guerre et quarante étaient chargés d'approvisionnements. Il y avait à bord de cette escadre cinquante mille hommes de pied et quinze cents chevaliers. La population de la ville leur livra un violent combat; l'armée du Caire se réunit et marcha contre eux, et le sultan partit en personne. Allah mit les Francs en déroute; les Musulmans leur prirent un butin considérable, incendièrent quelques-uns de leurs navires et leur firent des prisonniers. Cet événement se passa au mois de Moharram. Le sultan arriva à Alep le seize de ce mois, il distribua les villages dépendants de cette ville en fiefs à son armée et il leur donna les récoltes et l'argent qui s'y trouvaient.
Il investit Alep sans livrer aucun combat, mais il empêchait qui que ce fût d'entrer dans la ville ou d'en sortir; le quatre du mois de Moharram de l'année 572, les deux armées marchèrent l'une contre l'autre et le combat s'engagea ; plusieurs des officiers de Salah ad-Din y furent tués. La paix fut ensuite conclue entre le sultan d'Egypte et al-Malik as-Sâlih sous cette condition que …[113]
Le dixième jour de ce même mois, le sultan partit d'Alep et vint assiéger Masyâth,[114] où se trouvait Rashid ad-Din Sinan ibn Mohammad, prince des citadelles des Ismaïliens et chef des Bathéniens; c'est pour cette cause qu'on les appelait les Sinaniens. Le sultan dressa des mangonneaux et des balistes contre la ville à partir du vingt-trois de ce mois, mais il ne put s'en emparer et dut lever le siège. Ses troupes revinrent les mains pleines de ce qu'elles avaient pris dans les villages environnants.
Salah ad-Din donna la charge de kadi de Damas à Sharaf ad-Din Abou Sa'd Abd-Allah ibn Abou 'Asroun à la place de Kamal ad-Din ash-Shahrzouri, après la mort de ce dernier. — Les Francs étant venus faire une incursion dans la Bika',[115] l'émir Chams ad-Din Mohammad ibn 'Abd-al-Malik ibn al-Mokaddam sortit de Baalbek et marcha contre eux; il leur livra combat, leur tua du monde et leur fit des prisonniers. Al-Malik al-Mo'aththam Chams Eddaulèh sortit de Damas et les rencontra à la source du Pont [Aïn-Djisr]. Ce prince se rendit ensuite à Hamâh où se trouvait Salah ad-Din, et il le rencontra le second jour du mois de Safer. Le sultan quitta Hamâh et fit son entrée à Damas, le dix-septième jour de ce même mois; il séjourna dans cette ville jusqu'au quatre du mois de Rabi premier. Il partit alors de Damas pour se rendre au Caire, laissant à Damas pour y gouverner en son nom son frère al-Malik al-Mo'aththam Chams-ed-dauleh Tourânshâh ibn Ayyoub. Il arriva au Caire quatre jours restant de ce même mois.
Cette année, le sultan ordonna de construire les murs du Caire, de la forteresse et de Misr; le circuit de ces murs était de vingt-neuf mille trois cent deux coudées, la coudée employée étant la coudée d'œuvre. Il chargea de cette construction l'émir Bahâ ad-Din Karâkoush, mamlouk d'Asad ad-Din Shirkouh ; cet officier commença l'édification de la citadelle et il fit creuser autour du mur d'enceinte un fossé profond; on creusa au pied du mur et cela rétrécit considérablement le chemin de ronde. Il y avait à la place où s'élève maintenant la Citadelle quelques mosquées parmi lesquelles celle de Sa'd ed-dauleh, qui fut tout entière comprise dans la Citadelle ; on y creusa un puits dans lequel on descendait par des degrés creusés dans le roc jusqu'à la nappe d'eau.
Le sultan ordonna de même de construire la medréceh, qui se trouve près du tombeau de Shafa'i à Karafa, et de transformer la Grande Sommellerie du palais des Fatimides en hôpital. Ces ordres furent exécutés.
Le vingt-deux du mois de Chaban, le sultan se rendit à Alexandrie, il était accompagné de ses deux fils, al-Afdal-'Ah et el-Aziz 'Othman; il y observa le jeûne du mois de Ramadhan et se fit raconter les Traditions par le hâfith Abou’l Tahir-Ahmad-al-Salifî. — Il ordonna d'armer l'escadre et il demanda aux juristes d'Alexandrie de proclamer la légitimité de la guerre sainte contre les Francs. Il retourna ensuite au Caire où il termina le jeûne du mois de Ramadhan.
Cette même année, Karâkoush, mamlouk de Takî ad-Din, retourna au Maghreb, après avoir réuni un certain nombre de soldats. Quand il fut parti pour le Maghreb, al-'Adil donna l'ordre à l'émir Khoutloubai ibn Moussa, gouverneur du Caire, de se saisir de lui et de l'emprisonner. Ce général se mit à sa poursuite, le rejoignit dans le Fayoum et le ramena au Caire chargé de chaînes.
Cette année, le sultan abolit le droit que l'on prélevait sur les pèlerins qui se rendaient par mer jusqu'à la Mecque sur le chemin de 'Aidâb. Ce droit était de sept dinars misris et demi pour chaque homme. Les pèlerins acquittaient cette taxe à Aidâb et à Djedda, et ceux qui n'avaient pas les moyens de payer ne pouvaient faire le pèlerinage. Le sultan dédommagea les émirs de la Mecque de la perte de cette taxe en leur donnant deux mille dinars et mille ardebs de blé, sans compter ce que leur rapportaient les fiefs dans le Sa’id de l'Egypte et dans l'Yémen. On dit que cela montait à trois cent quatre-vingt mille ardebs, qu'on leur portait à Djedda.
Salah ad-Din sortit du Caire deux nuits après le commencement du mois de Djoumada premier de l'an 573, pour aller faire la guerre aux Francs; il marcha sur 'Ascalon où il leur livra bataille; il leur tua du monde, fit des prisonniers et du butin. D’Ascalon il se rendit à Ramla,[116] le vendredi, deux du mois de Djoumada second, il rencontra le fleuve nommée Nahr-Tell-as-Safiyya. Ses troupes venaient de jeter leurs bagages pour le franchir, quand les Francs commandés par le prince Arnât, seigneur de Karak, survinrent en très grand nombre et mirent les Musulmans en fuite. Le sultan tint ferme à la tête d'un détachement de ses troupes et combattit avec acharnement contre les Francs; un grand nombre de Musulmans périrent dans cette rencontre, les ennemis s'emparèrent de leurs bagages et en les poursuivant durant leur retraite vers le Caire, ils firent un butin énorme. Les Musulmans perdirent un grand nombre de soldats et de montures, et les Francs firent plusieurs prisonniers, parmi lesquels le fakîh Diyâ ad-Din 'Isa-al-Hakkâri.
Le sultan rentra au Caire au milieu du mois de Djoumada second; il jura de ne plus commettre un seul péché pour qu'Allah lui fît la grâce de lui donner la victoire sur les Francs, et il priva de leurs fiefs plusieurs émirs kurdes qu'il accusait d'avoir été la cause de ce désastre.
Cette année, les Francs vinrent mettre le siège devant Hamâh ; la population de la ville leur résista durant quatre jours; ce qui les détermina à lever le siège; de là ils allèrent camper devant Harim qu'ils assiégèrent durant quatre mois, après quoi ils s'en retournèrent dans leurs états. —Bahâ ad-Din Karâkoush fut remis en liberté, et il se rendit à Audjila[117] et dans d'autres villes du Maghreb.
Le vingt-sixième jour du mois de chaban de l'année 573, le sultan sortit du Caire et marcha vers la Syrie, en laissant son frère al-Malik al-'Adil pour gouverner l'Egypte durant son absence. Il resta campé à la Birkat-al-Djubb jusqu'au moment où il eut fait la prière de la fête de la rupture du jeûne; il apprit alors que les Francs étaient venus assiéger Hamâh. Il se dirigea à marches forcées vers Damas, où il fit son entrée, le vingt-quatrième jour du mois de chewâl, et cela détermina les Francs à lever le siège d'Hamâh. — Les ambassadeurs du khalife vinrent le trouver dans celle ville avec des vêtements d'honneur.
Cette année, les Francs se rendirent à la citadelle de Soudar[118] et attaquèrent la garnison, d'ailleurs sans succès ; ils abandonnèrent alors leur entreprise et ils partirent dans l'intention d'aller faire.une expédition dans les environs de Fâkous;[119] ils allèrent ensuite piller du côté de Thanniyat-al-Djisr et du Ghour.[120] — Chams ad-Din ibn al-Mokaddam se révolta à Baalbek[121] contre le sultan.
Cette année, naquit al-Malik az-Zâhir-Modjîr ad-Din Davoud, frère d'al-Malik ath-Tahir-Ghiyâth ad-Din Ghazi, fils de Salah ad-Din, le vingt-troisième jour du mois de Dhoû’lka’dah. — Les denrées devinrent très chères en Syrie à cause d'une grande disette, et ce fut surtout à Alep qu'elle se fit sentir. — L'émir Nasir ad-Din Ibrahim, silahdar de Takî ad-Din, partit à la tête d'une armée pour le Maghreb; il rejoignit Karâkoush, mamlouk de Takî-ad-Din, et ils marchèrent tous les deux contre la ville de Douh (?). Ils l'assiégèrent durant quarante jours et s'en emparèrent·, le prince qui y régnait fut tué. Ils imposèrent à la ville une contribution de guerre de quatorze mille dinars; ils s'emparèrent ensuite de la ville de Ghadamès[122] sans coup férir, et ils la frappèrent d'une contribution de douze mille dinars. Ibrahim marcha contre Nafoûsa[123] et s'empara de plusieurs citadelles. Il reçut beaucoup d'argent et des renforts considérables; une division prise dans l'armée de Karâkoush se rendit dans le Soudan et y fit un grand butin.
Cette année, le gros œuvre des murs du Caire sortit de terre et la construction ne tarda pas à s'élever.
L'émir Schihâb ad-Din Mahmoud ibn Tukush-al-Hârimi mourut le vingt-septième jour du mois de Djoumada second à Hamâh; il était l'oncle du sultan Salah ad-Din et naïb d'Hamâh. Son corps fut transporté à Alep et y fut inhumé; c'était un homme brave, intelligent, qui s'entendait à la direction des affaires et dont la conduite était louable.
Dans les premiers jours du mois de Rabi second de l'an 574, un détachement de Francs attaqua la ville de Hamâh; les Musulmans marchèrent immédiatement contre eux ; ils firent prisonnier leur chef et une partie de ses soldats, qu'ils envoyèrent à Damas au sultan; Salah ad-Din leur fit couper la tête.
Cette même année, le sultan envoya son frère Chams ed-dauleh Tourânshâh combattre Ibn al-Mokaddam à Baalbek, à la tête d'une armée considérable. Ce prince assiégea la ville durant un certain temps; le sultan vint lui-même faire le siège de Baalbek jusqu'au commencement de l'hiver. La paix fut alors signée et Salah ad-Din prit possession de la ville qu'il donna à son frère Chams ed-dauleh Tourânshâh au mois de chewâl.
Les Francs utilisèrent le temps pendant lequel le sultan était occupé contre Ibn al-Mokaddam à bâtir une forteresse au gué de la Baït-al-Ahzan,[124] qui est la Baït Yakoub (sur lui soit le salut!). Entre cette place et Damas il y a environ un jour de chemin, et une demi-journée jusqu'à Tibériade. Le sultan s'en revint à Damas et un ambassadeur envoyé par la cour de Bagdad[125] arriva auprès de lui; Salah ad-Din partit en campagne avec cet officier, arriva devant la forteresse, se saisit des Francs qui se trouvaient dans ses environs et rentra à Damas. — Ou reçut à plusieurs reprises des nouvelles apprenant que les Francs se réunissaient pour faire une expédition contre les Musulmans. Cela détermina le sultan à envoyer l'émir Izz ad-Din Farrukhshah contre eux. Ce général leur livra une bataille dans laquelle périrent plusieurs de leurs chefs et bien d'autres; parmi leurs chefs se trouvaient Honfroy[126] et le prince de Nazareth ; les Francs prirent la fuite et laissèrent beaucoup de prisonniers aux mains des Musulmans. Salah ad-Din partit de Damas et se rendit à Kisva[127] pour renforcer Izz ad-Din ; il y trouva les prisonniers et leurs chefs; cette victoire le réjouit beaucoup et il s'en retourna à Damas.
Cette même année, le prince, roi des Francs à Antioche, alla faire une expédition contre Schaïzar[128] et le comte, souverain de Tarâbolos, battit les turcomans, grâce à sa ruse. — Chams ed-dauleh, se rendit en Egypte avec une partie de l'armée, à cause de la disette qui régnait en Syrie, le vingt-sixième jour du mois de Dhoû’lka’dah; et le sultan alla attaquer la citadelle de Baït-al-Ahzân; il revint de cette expédition avec du butin et des prisonniers et il envoya des colonnes faire des incursions dans le pays des Francs.
Cette même année, Bahâ ad-Din Karâkoush, mamlouk de Takî ad-Din, et Ibrahim, le silâhdâr, remportèrent des victoires dans le Maghreb et s'emparèrent de plusieurs citadelles.
Au commencement de cette année le sultan était campé à Baniâs; il envoya ses troupes contre les Francs, sous le commandement d’Izz ad-Din Farrukhshah ibn Ayyoub. Cette armée mit leur pays à feu et à sang : elle s'empara de Baït-al-Ahzân, le vingt-quatrième jour du mois de Rabi second, après l'avoir assiégée durant quelque temps. Les Musulmans prirent aux Francs cent mille pièces de fer en fait d'armes et une quantité considérable de vivres et d'autres objets ; ils firent environ sept cents prisonniers. 'Izz ad-Din Farrukhshâh fit raser la forteresse et obstruer les puits qui s'y trouvaient. Il partit après être resté dans cet endroit durant vingt-quatre jours. Il alla ensuite faire une expédition contre Tibériade, Beyrouth, et s'en revint à Damas, car la plus grande partie de son armée et des émirs étaient tombés malades.
Le dimanche, deuxième jour du mois de Moharram, le sultan monta à cheval, accompagné de Samsam ad-Din Adjak, gouverneur de Banias, et il alla se mettre à la tête de l'armée. Il rencontra un parti de Francs fort de mille lances, et de dix mille soldats, tant chevaliers que gens d'armes; les deux armées se livrèrent un furieux combat dans lequel les Francs furent mis en déroute. Les Musulmans les poursuivirent l'épée dans les reins, leur tuant des hommes et leur faisant des prisonniers jusqu'au moment où la nuit les sépara. Le sultan revint à son camp alors que la nuit était très avancée, et il se fit amener les prisonniers. Le premier d'entre eux qui se présenta fut Mâdis, fils de Barizân,[129] puis vinrent Eudes,[130] grand maître de l'ordre du Temple, le fils de la Comtesse ; le frère du prince de Djobaîl passa l'un des derniers, et le sultan les fit tous charger de chaînes. Les prisonniers étaient au nombre d'environ deux cent soixante-dix, et ils furent conduits à Damas où on les emprisonna. Le sultan retourna à Damas. Le fils de Barizân se racheta au bout d'un an en payant cent cinquante mille dinars et en rendant la liberté à mille prisonniers musulmans; le fils de la Comtesse, au prix de cinquante-cinq mille dinars ; quant à Eudes, il mourut pendant sa captivité. — On reçut la nouvelle qu'al-Malik al-Mothaffar Takî ad-Din avait livré bataille à l'armée de Kilidj-Arslan, souverain du pays de Roum, qu'il l'avait dispersée et qu'il avait fait prisonniers un grand nombre de ses soldats. — Le sultan écrivit à ses généraux pour leur apprendre ses victoires sur les Francs à Mardj-'Oyoûn[131] celles de son frère sur l'armée du sultan du pays de Roum; il envoya des lettres dans les différentes provinces de son empire, et il reçut de tous les pays des poésies composées en son honneur.
Le sultan s'occupa ensuite de Baït-al-Ahzân et il écrivit aux Francs pour leur ordonner de détruire cette forteresse, mais ils refusèrent une première fois ; il le leur ordonna une seconde fois et ils lui demandèrent alors de leur faire remise des sommes qu'ils lui devaient. Le sultan leur offrit de traiter avec eux au prix de cent mille dinars. Comme ils refusaient encore d'accepter cette proposition, il écrivit immédiatement aux turcomans et aux troupes qui se trouvaient dans ces régions pour les mander auprès de lui. Il leur envoya de l'argent, des chevaux et des vêtements d'honneur, et une troupe considérable de ces gens vinrent le trouver. Al-Malik al-Mothaffar partit de Hamâh et arriva à Damas le premier jour du mois de Rabi second; le sultan s'était rendu à sa rencontre.
Salah ad-Din partit de Damas, le jeudi cinquième jour du mois, à la tête d'une armée considérable et il vint camper devant la citadelle de Baït-al-Ahzân, le mardi vingt et un. La forteresse de Safad[132] appartenait à cette époque aux chevaliers de l'ordre du Temple; aussi le sultan ordonna de couper les vignes des villages qui en dépendaient. Il assiégea la citadelle, il y fit pratiquer des trous de mines sur plusieurs points et il fit soutenir les parois des excavations ainsi pratiquées avec des poutres de bois auquel on mit ensuite le feu, ce qui fit écrouler la muraille, le vingt-quatrième jour du même mois. Le sultan s'empara de la place et tua ou fit prisonniers ceux qui s'y trouvaient. Il y trouva mille prisonniers musulmans et fit mettre à mort quelques-uns des captifs francs. Il envoya les autres enchaînés à Damas, et fit raser la forteresse. Il s'en retourna ensuite à Damas après être resté quatorze jours à Baït-al-Ahzân. Plusieurs de ses émirs et des poètes firent des pièces de vers pour célébrer cette victoire.
Au mois de Safer, apparut en face du Mikyâs (le nilomètre) au Caire, au milieu du Nil, le mur dans une cavité duquel se trouvait le tombeau de Joseph (sur lui soit le salut !) et son cercueil, il n'avait pas été mis à découvert depuis que Moïse (sur lui soit le salut!) l'avait transporté dans cet endroit jusqu'à ce moment; cela arriva par suite de la décroissance du Nil dans le bief du Mikyâs ; le sable l'ayant laissé à découvert, il apparut à la foule, mais la plupart des gens ignoraient ce que c'était.
Cette année, Djaldak al-Shaham s'insurgea dans les Oasis,[133] al-Malik al-'Adil s'empara de lui par capitulation et l'envoya à Damas. — Izz ad-Din Farrukhshah alla faire une expédition contre Safad ; il mit à feu et à sang le faubourg de cette ville, le quatorzième jour de Dhoû’lka’dah, et s'en retourna ensuite à Damas. — Le khalife al-Mostadhi billah Abou’l Mothaffar Yousouf ibn al-Moktadi-bi-Amr-Allah-Mohammad mourut le vendredi, douze jours du mois de chewâl étant passés; il avait occupé le trône du Khalifat durant dix ans, moins quatre mois. Après lui régna son fils, au-Nasir li-Din Allah Abou’l 'Abbâs-Ahmad. — Le grand cheikh Sadr ad-Din 'Abd-er-Rahim ibn Ismâ’îl partit de Bagdad, envoyé en ambassade auprès des rois et du sultan, et le sultan Salah ad-Din se rendit au Caire avec lui.[134] — Le sultan fit circoncire son fils al-Malik el-Aziz 'Othman et le confia à Sadr ad-Din ibn al-Moudjâvir pour l'instruire. — Cette année, il y eut une grande mortalité à Misr et au Caire, ainsi que dans toute l'Egypte, à tel point que l'air fui empesté par l'odeur des cadavres. Il mourut en peu de jours dans ces deux villes dix-sept mille personnes.
Cette année le sultan alla faire la guerre à 'Izz ad-Din Kilidj-Arslan-Massoud ibn Kilidj-Arslan, souverain d'Iconium,[135] il revint sans lui avoir livré bataille et rentra à Damas le premier jour du mois de Redjeb. — Le sultan Saïf ad-Din Ghazi, fils du sultan Kotb ad-Din Maudoud ibn ‘Imad ad-Din Zangui ibn Ak-Sonkor, prince de Maûsil, mourut le troisième jour du mois de Safer. Son frère Izz ad-Din Massoud lui succéda. — Le sultan Salah ad-Din écrivit au khalife an-Nasir pour lui demander de le confirmer dans la possession de son empire. Le grand cheikh Sadr ad-Din Abou’l Kâsim Abd-er-Rahim et Schihâb ad-Din Bachir, l'un des officiers intimes du Commandeur des Croyants, arrivèrent au mois de Redjeb avec les diplômes d'investiture et le vêtement d'honneur ; le sultan se rendit au devant des deux ambassadeurs et mit pied à terre devant eux; ceux-ci l'imitèrent et le saluèrent au nom du khalife. Il baisa la terre et rentra à Damas revêtu du vêtement d'honneur. Il envoya au khalife une réponse qu'il lui fit porter par Schihâb ad-Din Bachir et le fit accompagner par Diyâ ad-Din al-Shahrzoun ; quant à lui, il partit pour l'Arménie dans le but de soumettre le roi de ce pays; il marcha rapidement vers cette contrée et le roi se soumit à lui. Il pénétra jusqu'à Bahasnâ[136] et revint dans ses états, après avoir brûlé la citadelle et l'avoir ruinée. — Le grand cheikh se rendit par mer à la Mecque et s'en retourna ensuite de cette ville à Bagdad.
Cette même année moururent le hâfith Abou-'th Tahir-Ahmad ibn Mohammad ibn Ahmad ibn Mohammad ibn Ibrahim ibn Salafa-al-Salafi, le vendredi cinquième jour du mois de Rabi premier à Alexandrie; il avait près de cent ans ; —al-Malik al-Mo'aththam Chams Eddaulèh Tourânshâh ibn Ayyoub ibn Shâdî, le cinq du mois de Safer, également à Alexandrie, son corps fut transporté à Damas et y fut inhumé.
Au mois de Moharram, on envoya l'ordre de mettre la main sur les récoltes des Arabes (Araban) dans les provinces de l'Est (sharkiyya), et on commanda de les faire passer dans la Bohaîra ; on en excepta les fiefs des Arabes des tribus de Djoudhâm et de Taghlib,[137] parce que la plus grande partie de ce qu'ils avaient récolté avait été porté dans le pays des Francs ; mais cette année les souris se multiplièrent de toutes parts et dévorèrent les céréales après qu'on les eut moissonnées, de telle sorte qu'il en périt une quantité extrêmement considérable.
Le Nil se dessécha au point que son lit devint comme un marécage et que l'eau se retira loin de la berge (sahel) de Maks;[138] il fut réduit à un étroit cours d'eau pendant que les îles de sable [qui sèment son lit] s'agrandissaient. On craignit même que le niveau du fleuve ne descendît au-dessous du point zéro du Mikyas,[139] et qu'il fallût en construire un nouveau. — Le sultan alla camper près de la Birkat-al-Djubb pour prendre le divertissement de la chasse et jouer à la paume; il revint après avoir passé six jours dans cet endroit. — On reçut la nouvelle que le prince Arnât, souverain des Francs à Karak, avait conçu le projet de marcher contre Taimâ[140] et d'entrer dans la ville du Prophète (Médine). 'Izz ad-Din Farrukhshah partit de Damas avec des troupes et marcha sur Karak; il mit tout le pays à feu et à sang, puis s'en revint dans les pays de l'Islamisme où il demeura. — On apprit également que le naïb de la forteresse d'Ilah[141] avait une grande peur d'être attaqué par les Francs.
Au mois de Safer, arriva au Caire un ambassadeur de l'empereur de Constantinople, et la paix fut conclue avec ce souverain, au mois de Djoumada second. L'empereur grec rendit la liberté à cent quatre-vingts prisonniers musulmans.
Sârim ad-Din Khotloubâ se rendit dans le Fayoum[142] dont on lui avait confié le gouvernement pour qu'il fût le seul à en jouir ; il en fit enlever toutes les récoltes ; on lui retira ensuite cette charge que l'on donna à Ibn Chams-al-Khilafa ; et on le rappela [au Caire] pour l'envoyer dans le Yémen.
Le sultan écrivit à Damiette pour ordonner de mettre des barres de fer pour clore les portes des deux tours et de relier ensemble tous les vaisseaux de la chaîne[143] et d'en envoyer d'autres pour les ancrer en face de cette première ligne de défense et empêcher ainsi le passage entre deux tours.
Au mois de Rabi premier, les Francs accostèrent de nuit le rivage de Tinnis et s'emparèrent d'un navire qui appartenait à des marchands. — Dans ce même mois, arrivèrent de Damiette les navires qui avaient été demandés et qu'on avait prélevés sur la division de 50 voiles qui se trouvait dans ce port et qui devait surveiller les côtes d'Egypte. — On acheva la construction d'un fortin (bourdj) à Suez,[144] pour vingt-neuf cavaliers. On y plaça des cavaliers pour garder la route du Sa'id[145] par laquelle ou transportait l'alun[146] dans le pays des Francs. — On ordonna de construire la citadelle de Tinnis.[147]
Cette année, arrivèrent d'Aden des marchands d'épices[148] à qui l'on fit payer la dîme de quatre années. — Les maisons où l'on vendait de la bière (marz) se multiplièrent à Alexandrie ; on démolit cent vingt de ces cabarets. — Le maximum (mafrad) de la crue (du Nil) se produisit le 21 du mois de Rabi premier, avec un étiage de 17 (coudées); (le maximum de) la crue eut lieu à Misr, le 26 de ce même mois, date correspondante au 16 du mois (copte) de Masori. On n'avait aucune connaissance que, dans les temps passés, la crue se fut produite à une pareille époque. — Le sultan monta à cheval et se rendit au Kilomètre avec quelques personnes ; il remit au pied même du monument un vêtement d'honneur à Ibn Abi-al-Raddâd ; — la digue du canal (khahdj)[149] fut rompue le quatrième jour du mois de Rabi second; l'eau atteignait alors l'étiage de 17 coudées moins 15 doigts. — A cette même époque, le sultan apprit les exploits de ses vaillants soldats sur les frontières des pays de l'Islamisme; il reçut en même temps des nouvelles des équipages de sa flotte et de leur belle conduite. — On apprit que cette année les animaux domestiques et le bétail s'étaient considérablement multipliés, et que cette augmentation dépassait de beaucoup ce qu'on était en droit d'attendre; les femmes elles-mêmes avaient mis plus d'enfants au monde que les années précédentes, et on voyait plus d'oiseaux que jamais.
Le sultan monta à cheval pour aller procéder à l'ouverture du canal d'Abou-Manadja et il retourna ensuite à la citadelle de la Montagne; a près quoi il reprit la route de son campement à la Bir-kat-al-Djubb. — L'émir Sârim ad-Din Khotloubâ se rendit dans le Yémen où il était envoyé. — Le sultan s'occupa avec la plus grande activité, nuit et jour, à organiser son armée ; il distribua les deux tiers des fiefs qui appartenaient aux Arabes, et en échange il leur donna le Fayoum qui était dans son entier sa propriété personnelle.[150] — Cette même année, on fixa définitivement l'organisation du Ministère de la marine (divan-al-ostoul) et on y rattacha les affaires du Fayoum, les prisons militaires et les services de l'intendance. L'impôt foncier (kharadj) fut affermé à 8.000 dinars ; on en envoya 500 pour la réfection des murs [de Damiette] et pour inspecter la chaîne qui reliait les deux tours [à Damiette] ainsi que pour faire tout ce qui était nécessaire au mur de Tinnis et le remettre dans l'état où il se trouvait précédemment; cela monta à la somme de 3.000 dinars. — On écrivit à Kous[151] de ne plus percevoir les taxes exceptionnelles que l'on faisait payer aux pèlerins et aux marchands du Yémen. — On reçut une lettre du silahdar Ibrahim qui se trouvait alors dans le Maghreb; il apprenait au sultan qu'il avait conquis le pays des Havarah[152] et des Zavârah,[153] des Lavâta,[154] la montagne de Nafousa[155] Ghadamès avec toutes ses dépendances, au nord comme au sud, sur une distance de vingt-cinq jours de marche. Il annonçait également qu'il avait ordonné de réciter la khotba sur les menbers en l'honneur du sultan[156] et qu'il faisait graver la monnaie en son nom ; il terminait en disant que s'il voulait bien lui envoyer des renforts et l'argent dont il pouvait disposer, il élargirait considérablement son plan d'opérations primitif. —On construisit à l'arsenal de Misr quatre navires incendiaires pour mettre à la disposition des troupes envoyées dans le Yémen; les émirs désignés pour prendre le commandement de cette expédition se préparèrent à partir, et on s'occupa de composer les équipages des navires qui se trouvaient dans la mer de Tinnis, avec des Arabes. On arma également avec ces troupes les brûlots qui faisaient partie de l'escadre. — Au mois de Djoumada second, les Francs coupèrent la plus grande partie des palmiers d'al-'Arish[157] et les transportèrent dans leur pays. — On fit partir des navires avec des provisions de bouche et des armes pour le Yémen. — Le sultan donna des ordres très sévères aux gouverneurs de la partie occidentale et orientale de l'Egypte au sujet des digues, pour qu'ils s'occupassent activement de les remettre en état[158] ». — On écrivit à l'émir Fakhr ad-Din Nasr (?) al-Moulk ibn Fardjoûn, gouverneur de la Bohaîra, et on lui conseilla d'en faire autant. —Au mois de Redjeb, l'effectif de la cavalerie fut fixé au chiffre de 8.640 hommes (lire 8440) ; on y comptait 111 généraux (émirs); 6.776 tavâshi; 1.553 karaghouls.[159] La solde de ces troupes s'élevait à 3.670.500 dinars sans compter les indisponibles,[160] les Arabes qui possédaient des fiefs dans la province de l'Est et dans la région maritime, les Kananéens, les Mis-riotes, les juristes, les kadis, les Soufis et les bureaux dont les dépenses ne montaient pas à moins de 1.000.000 de dinars. — Le prince Arnât arriva à Ilah et se mit en marche avec son armée vers Tabouk.[161] — Au mois de chaban, il plut tellement à Ilah, que la forteresse s'écroula. — On s'occupa activement de construire le mur de Damiette, qui avait une longueur de 4.630 coudées et à élever une tour. — Au mois de chewâl, mourut Mankouvirish-al-Asadï[162] qui était l'un des émirs des Mamlouks. Yazkoûdj-al-Asadi fut gratifié de son fief. — On arrêta Saïf ed-dauleh Moubarak ibn Mounkidh ibn Kâmil-al-Kanânï, lieutenant (naïb) de Chams Eddaulèh dans l'Yémen, et on lui confisqua une somme de 80.000 dinars; après quoi on le remit en liberté. — Kholloubâ, qui était gouverneur (vali) de Misr, se rendit à Zabid[163] pour y exercer la même fonction ; il fut accompagné de 500 hommes et de l'émir Bakhil; on leur avait payé comme solde 20.000 dinars; on délivra à chacun des officiers subalternes (tavâshi) un mandat de 10 dinars payable dans le Yémen. — Dans ce mois, les possesseurs d'apanages, les vétérans et les militaires qui avaient reçu des distinctions honorifiques reçurent 33 dinars. — Le dix-septième jour de ce même mois, le sultan partit pour Alexandrie, il fit son entrée dans cette ville le vingt-cinquième jour de chewâl, et il s'y appliqua à la lecture du Mouvaltâ.[164] Le jeudi, lendemain de son arrivée, il se rendit chez le juriste Abou’l Tahir ibn 'Aouf. Il construisit dans cette ville un hôpital et un hôtel pour les gens du Maghreb, et un collège à côté du tombeau d'al-Malik al-Mo'aththam Tourânshâh ; il s'occupa également de faire mettre en état le canal [par lequel le Nil se jette dans la mer] et il le fit aboutir à un autre endroit. — Le premier jour du mois de Dhoû’lka’dah, il partit d'Alexandrie et se rendit à Damiette; après quoi, il rentra au Caire, le septième jour de ce même mois ; — le neuf, il ordonna d'ouvrir l'hôpital Salihî, et fixa pour le budget de cet établissement une somme qui dépassait 200 dinars, prélevée sur les revenus de l'affermage des domaines qui appartenaient au divan et qu'on payait chaque mois, ainsi que la totalité des céréales récoltées dans le Fayoum ; il y plaça des médecins et d'autres employés. — Le onzième jour, le sultan monta à cheval pour se rendre à la Birkat al-Djubb, pour y passer en revue les troupes qui devaient se rendre en Syrie ; le treizième jour, al-Malik al-'Adil sortit à son tour du Caire, pour se rendre au camp et le sultan approuva l'administration des gouverneurs de Misr, du Caire, du Fayoum et du Sa'id supérieur. — Ou envoya les mangonneaux au camp pour la prochaine campagne. —Le onze de ce même mois, Saïf-al-Islam se rendit à Akhmim pour prendre ses mesures pour l'hiver. — Le gouverneur de Kous fit arrêter deux hommes de la ville d'Asnâ[165] qui prêchaient la doctrine Ismaïlienne. — Le vingt-troisième jour, on célébra le mariage des filles d'al-Malik al-'Adil et des fils du sultan Salah ad-Din, Ghiyâth ad-Din Ghazi, Mothaffar ad-Din Khidr, Nadjm ad-Din Massoud et Sharaf ad-Din Yakoub; pour chaque contrat, la dot fut fixée à la somme de 20.000 dinars. — Le sultan conclut une trêve avec l'ambassadeur du comte, roi des Francs à Tarâbolos (Tripoli de Syrie). — On fit proclamer dans les rues [du Caire] la défense faite aux Juifs et aux Chrétiens de monter à cheval et sur des mules, et d'exercer la profession de médecin et de katib. — Cette année mourut al-Malik as-Sâlih-Modjîr ad-Din Ismâ’îl ibn al-Malik al-'Adil Nour ad-Din Mahmoud ibn Zangui ibn Ak-Sonkor, l’atabek souverain d'Alep, le vendredi, vingt-cinquième jour du mois de Redjeb. Il eut pour successeur son cousin le sultan Izz ad-Din Massoud ibn Maudoud ibn Zangui. Al-Malik as-Sâlih mourut au moment même où le sultan Salah ad-Din se mettait en route. Salah ad-Din écrivit à son neveu, al-Malik al-Mothaffar Takî ad-Din Omar, prince de Hamâh et à ses gouverneurs, pour leur ordonner de se préparer à toute éventualité ; en même temps, il écrivit au khalife an-Nasir-li-din-Allah pour lui demander la souveraineté du pays d'Alep.[166]
Le sultan sortit du Caire pour aller prendre le commandement de l'armée et le peuple sortit en même temps que lui pour lui faire ses adieux; il avait autour de lui des savants et des érudits, qui lui dirent tout ce qui est d'usage au moment de se faire des adieux solennels. L'un des précepteurs des fils du sultan passa sa tête hors de la tente et récita ce vers :
« Jouis du parfum exhalé par les violettes du Nedjd; quand ce soir sera passé, leur parfum sera évanoui. »
Les assistants y virent un mauvais présage et leur pressentiment fut justifié par la suite des événements.
Le sultan s'éloigna du Caire, le cinquième jour du mois de Moharram de cette année, et il ne revint plus jamais dans cette ville. Il dirigea sa marche vers Ilah, entra dans le pays des Francs, et marcha sur Karak.[167] Il envoya son frère Tadj-al-Molouk avec l'armée à al-Darb.[168]
'Izz ad-Din Farrûkhshah sortit de Damas et s'en alla faire une expédition contre Tibériade et 'Akkâ[169] ; il s'empara de Shakif[170] et s'en revint avec mille prisonniers et vingt mille têtes de bétail ; puis, il laissa dans cette localité une garnison musulmane.
Une tempête jeta un navire franc à la côte devant Damiette; les Musulmans s'emparèrent de mille six cent quatre-vingt-six prisonniers et le reste périt dans les flots.
Le sultan Salah ad-Din fit son entrée à Damas le lundi dix-septième jour du mois de Safer,[171] et il y demeura pendant quelques jours. Il alla ensuite faire une expédition contre Tibériade; durant ce temps la lutte continuait avec acharnement avec les Francs au-dessous de la citadelle de Karak ; beaucoup de Musulmans y remportèrent les palmes du martyre.
Le sultan Salah ad-Din retourna à Damas, le dixième jour du mois de Rabi premier, et il vint camper à al-Ghour qui dépend du Hauran[172] ; il séjourna dans ce lieu jusqu'au moment où il marcha sur Alep. — Saïf-al-Islâm-Tahir ad-Din Toughantikin ibn Ayyoub ibn Shadi partit du Caire après le départ du sultan et se dirigea vers le Yémen. Il arriva à Zabid, s'en empara et y fit un butin d'une valeur d'un million de dinars; il conquit également 'Aden.
Le sultan partit de Damas et marcha sur Alep ; il campa devant cette ville le dimanche, dix-huitième jour du mois de Djoumada premier, et l'assiégea durant trois jours. Il partit ensuite vers l'Euphrate et campa sur la rive occidentale du fleuve à al-Birah[173] dont il fit doubler le pont.
Il écrivit de là aux souverains des différents pays et marcha sur ar-Rohâ (Édesse) dont il s'empara ; il partit ensuite de cette ville et se rendit à ar-Rakka[174] qu'il conquit avec le territoire environnant. De là il alla assiéger Nisibin[175] et s'en empara ainsi que de sa citadelle.
La nouvelle arriva que les Francs se dirigeaient vers Damas et qu'ils avaient pillé des villages dans cette direction. Le sultan partit de Nisibin et alla mettre le siège devant Maûsil, le jeudi onzième jour du mois de Redjeb; il fit tout ce qu'il put pour s'en emparer, mais tous ses efforts restèrent vains.
Il leva alors le siège de Maûsil et alla assiéger Sindjar[176] le mercredi vingt-sixième jour du mois de Chaban. Le mois de Ramadhan étant arrivé, il cessa le combat, et la place capitula le jeudi, second jour de ce mois. Salah ad-Din la donna à al-Malik al-Molhaffar Takî ad-Din et s'en retourna ensuite à Nisibin où il demeura à cause de la violence du froid. Au bout de quelque temps, il partit pour Harrân, puis il se rendit à Amid[177] treize jours restant à s'écouler dans le mois de Dhou’lhiddjeh.
Cette même année, les Francs firent une expédition dans le Hedjaz. Le prince Arnât, seigneur de Karak, fit construire une escadre et la transporta par terre jusqu'à la mer de Koulzoum ; il y fit monter des troupes et il laissa deux navires pour surveiller la citadelle de Koulzoum[178] et pour empêcher la garnison de puiser de l'eau.
Le reste de l'escadre cingla vers 'Aîdab,[179] elle attaqua dans la mer de Koulzoum un convoi composé d'environ seize navires musulmans qu'elle captura ou incendia. Les Francs s'emparèrent à 'Aidâb de deux navires dont l'un venait du port de Djedda[180] dans le Hedjaz. Ils s'emparèrent pendant une nuit d'une grande caravane qui venait également du Hedjaz, dans l'espace qui sépare Koûs et 'Aidâb; ils massacrèrent toutes les personnes qui la composaient; ils capturèrent aussi deux navires de commerce qui venaient du Yémen. Ils s'emparèrent aussi sur les rivages de la mer de Koulzoum d'une quantité considérable de provisions de bouche qui étaient destinées à ravitailler la Mecque et Médine. Les Francs firent là une chose comme on n'en avait jamais entendu raconter une pareille dans l'Islâm ; car, avant eux, aucun Chrétien n'était arrivé dans ces parages; il arriva un moment où ils ne furent plus éloignés de Médine que par une seule journée de chemin. Al-Malik al-'Adil, qui gouvernait au Caire à la place du sultan, envoya le hadjib Hosam ad-Din Loulou dans la mer de Koulzoum ; cet officier équipa une division navale à Misr et à Alexandrie et fit voile vers Ilah; il battit l'escadre franque, l'incendia et captura ses équipages. Ensuite, il fit voile vers 'Aidab et donna la chasse aux vaisseaux des Francs. Il joignit leur escadre au bout de quelques jours de chasse et la captura; il remit en liberté les marchands musulmans qui s'y trouvaient détenus et il leur rendit les biens que les Francs leur avaient pris. Il débarqua ensuite et envoya les Arabes à la poursuite des Francs. Il s'empara de ces derniers et on en conduisit deux à Mina, où on les égorgea comme on égorge les bœufs [pour le sacrifice]. Hosâm ad-Din retourna ensuite au Caire avec les prisonniers au mois de Dhou’lhiddjeh ; ils furent tous décapités.
La flotte musulmane, après avoir fait subir de grands dommages aux populations qui habitaient les Iles [de la Méditerranée], captura et ramena un navire de commerce franc qui se dirigeait sur 'Akka avec une cargaison de bois et plus de soixante-dix hommes d'équipage.
Cette même année, Izz ad-Din Farrukhshah, qui portait le titre d'al-Malik al-Mansour, mourut à Damas, le premier jour du mois de Djoumada, second — le cheikh, le dévot, Rouzbehâr ibn Abou-Bakr ibn Mohammad ibn Abou'l Kasim-al-Fârsi,[181] mourut le mercredi cinquième jour du mois de Dhoû’lka’dah ; il fut inhumé dans le quartier de Karafa[182] à Misr.
C'est cette année que finit la dynastie fondée par Sébuktéguin, elle avait commencé en l’an 366 et sa durée fut de 213 ans. Le premier des souverains de cette dynastie fut Mahmoud, fils de Sébuktéguin et le dernier Khosrav shah ibn Bahram shah ibn Massoud ibn Ibrahim ibn Massoud ibn Mahmoud ibn Sébuktéguin. La dynastie Ghouride lui succéda. — Cette même année, on reçut la nouvelle que les flots du détroit de Gibraltar[183] avaient baissé à tel point qu'on aperçut le pont sur lequel les gens passaient dans l'antiquité jusqu'à ce que les eaux l'eussent complètement recouvert. La mer baissa cette année jusqu'à ne plus laisser que deux brasses d'eau au-dessus de ce pont, de telle sorte qu'on en put voir les fondations et qu'un navire vint s'y briser.[184]
Le sultan se trouvait devant Amid dont il s'empara dans les premiers jours du mois de Moharram[185] ; il reçut les ambassadeurs des rois des différentes contrées qui venaient solliciter leur pardon. — Les Francs firent une invasion du côté de Dâroum[186] et mirent le pays au pillage ; un corps de Musulmans marcha contre eux par le chemin de Soudour et d'Ilah. Allah donna la victoire aux Musulmans; ils massacrèrent les Francs, firent un grand butin et s'en revinrent sains et saufs.
Cette même année, la flotte partit de Misr, et elle captura un navire franc sur lequel se trouvaient trois cent soixante quinze matelots[187] ; les Musulmans revinrent au Caire avec leurs prisonniers, le cinquième jour du mois de Moharram.
Sa'ad ad-Din Kamsabâ et 'Alam ad-Din Kaïsar marchèrent sur Dâroum; ils rencontrèrent les Francs près de la mer et les massacrèrent jusqu'au dernier. Ils rentrèrent au Caire avec leurs têtes le vingt-quatrième jour de ce même mois de Moharram.
Le sultan partit d'Amid et traversa l'Euphrate se dirigeant vers Alep. Sur sa route, il s'empara d'Amtab[188] et d'autres villes.[189] Il campa devant Alep à l'aube du samedi vingt-sixième jour de Moharram. Le sultan ‘Imad ad-Din Zangui ibn Massoud ibn Zangui avait détruit la citadelle de cette ville en l'an 578;[190] Salah ad-Din s'empara de la ville, le samedi dix-huitième jour de Saar par capitulation, avec cette clause qu’Imad ad-Din prendrait en toute propriété la ville de Sindjar.
Tadj-al-Molouk Boun ibn Ayyoub ibn Shadï[191] mourut le jeudi vingt-troisième jour de ce mois à Alep et ‘Imad ad-Din se rendit à Sindjar. —Le sultan Salah ad-Din donna la charge de kadi d'Alep à Mohyi ad-Din Mohammad ibn Zakî ad-Din 'Ali-al-Karshi, kadi de Damas ; il donna la charge de naïb dans cette ville à Zaïn ad-Din ibn al-Fadl ibn Soleïman-al-Bânyâsî ; il nomma Yazkoudj commandant de la citadelle, et il installa son propre fils, al-Malik alh-Tahir-Ghiyâth ad-Din Ilgazi[192] comme souverain d'Alep.
Le vingt-deuxième jour du mois de Rabi second,[193] Salah ad-Din partit d'Alep,[194] et il fit son entrée à Damas le troisième jour du mois de Djoumada premier; il resta dans cette ville jusqu'au vingt-septième jour de ce mois. Il se rendit ensuite à Baisân[195] et fit une incursion dans le pays du Jourdain,[196] le neuvième jour de Djoumada second. Il attaqua Baisân, qu'il mit à feu et à sang, et fit subir le même traitement à plusieurs autres citadelles. Il tomba sur une division importante de l'armée des Francs qui s'étaient réunis en nombre considérable à Aïn-Djalout.[197] Les Francs furent mis en fuite et le sultan leur fit un très grand nombre de prisonniers. Il retourna après cette victoire à Damas, le 24 du mois de Djoumada second, après avoir rasé les citadelles de Baisan, d’Afarbala[198] et de Zar'ain[199] et dix fortins ou villages. — Cette même aimée, il tomba, dans le district maritime de l'Egypte, des grêlons gros comme des œufs d'oie ; ces orages de grêle ravagèrent tout le pays sur lequel ils s'abattirent, les récoltes furent anéanties et un nombre considérable de gens et d'animaux domestiques périrent. — Le samedi, troisième jour de Redjeb, le sultan se mit en marche vers Karak, et il l'assiégea durant quelque temps, mais en vain. Il retourna à Damas; son frère al-Malik al-'Adil vint de Misr auprès de lui, le quatrième jour de Chaban, et le sultan se rencontra avec son frère devant Karak. Al-'Adil était parti pour cette expédition avec l'armée égyptienne le jeudi quinze de ce même mois.[200] Al-Malik al-Mothaffar-Takî ad-Din se rendit de Karak à Misr pour y remplacer al-Malik al-'Adil, et il racheta a al-Malik al-'Adil le fief que ce prince possédait en Egypte et qui rapportait sept cent mille dinars par an. Ce fut le sultan qui donna l'ordre à al-Malik al-Mothaffar-Takî ad-Din Omar 'Shâhânshâh ibn Ayyoub de se rendre en Egypte et il le fit accompagner par le kadi al-Fâdil[201] ; il donna à Takî ad-Din le Fayoum ainsi que ses dépendances avec les villes de 'Anât et de Boush,[202] tout en lui laissant la ville de Hamâh et toutes ses dépendances.
Le sultan arriva à Damas le vingt-quatrième jour du mois de Chaban, et il envoya al-Malik al-'Adil à Alep le deuxième jour du mois de Ramadhan. Al-Malik ath-Tahir vint trouver son père à Damas accompagné de Yazkoudj. — Cette même année, le cheikh des cheikhs Sadr ad-Din et Schihâb ad-Din Bachir vinrent, en qualité d'ambassadeurs, de la part du khalife an-Nasir, pour rétablir la paix entre le sultan et Izz ad-Din, prince de Maûsil. Ces deux personnages étaient accompagnés du kadi Mohyi ad-Din Abou-Hamid ibn Kamal ad-Din al-Shahrzouri et de Bahâ ad-Din ibn Shaddâd.[203] Ils restèrent pendant quelque temps à Damas, puis s'en retournèrent le septième jour du mois de Dhou’lhiddjeh, sans avoir obtenu le moindre résultat.
Cette année, on découvrit dans le village de Bousir[204] la maison d'Hermès, on y trouva différentes choses parmi lesquelles des béliers, des singes, des grenouilles, des objets étranges et des idoles.[205] — Cette même année, Sharaf ad-Din Barghoush fut tué à Karak, le vingt-deuxième jour du mois de Redjeb, son corps fut transporté à Zar[206] et enseveli dans la turbeh qu'il s'était fait construire.
Le cinquième jour du mois de Moharram, un convoi de vivres, d'armes et d'engins de guerre fut dirigé sur les deux citadelles d'Ilah et de Soudour; on fit partir un certain nombre de valets d'armée pour le garder; ils escortèrent ce convoi jusqu'à Ilah et Soudour et s'en revinrent le vingt-cinquième jour de ce même mois. A la fin de cette même année, le sultan se trouvait à Damas; il envoya dans les différentes provinces de son empire des officiers avec l'ordre de réunir des troupes; son neveu Takî ad-Din Omar vint alors le rejoindre avec l'armée égyptienne; il était accompagné du kadi al-Fâdil. — Le sultan partit de Damas le mardi quinzième jour du mois de Rabi premier et se rendit au Pont de bois, pendant qu'al-Malik al-'Adil, accompagné de Nour ad-Din ibn Kara-Arslan, partait d'Alep et se rendait à Damas, le jeudi vingt-quatrième jour de ce même mois; de là ils allèrent à Kisva. — Le sultan partit le deuxième jour du mois de Rabi second de Ra'as-al-Mâ et marcha sur Karak. — Takî ad-Din, accompagné des enfants d'al-Malik al-'Adil et de la famille de ce prince, partit avec l'armée égyptienne, le premier jour de ce même mois et marcha sur Ilah; le dix-neuf, ils rejoignirent le sultan qui se trouvait devant Karak. — Les enfants d'al-Malik al-'Adil partirent le vingt-et-un et rencontrèrent leur père à al-Favar le vingt-cinq; ils amenaient avec eux une girafe; après s'être réunis, ils se rendirent à Alep. Ils étaient accompagnés de Tukush,[208] fils d’Ain ed-dauleh al-Yarouki, et de 'Ah ibn Soleïman ibn Ha'idar.
L'armée d'Alep vint camper à 'Amman,[209] capitale de la Balkâ, le huitième jour du mois de Djoumada premier. Le douze de ce même mois, elle partit pour Karak. — Al-Malik al-'Adil et Nour-ad-Din, fils de Harâ-Arslan, arrivèrent le dix-neuf de ce mois; on dressa les mangonneaux jusque dans la nuit du jeudi vingt-cinq et on commença à lancer des pierres durant cette même nuit. L'armée rétrograda ensuite parce qu'on reçut la nouvelle que les Francs s'étaient réunis[210] la veille (?); elle marcha ensuite du côté de la Balkâ et vint camper à Hashân[211] en face des Francs jusqu'à la moitié du lundi vingt-sixième jour de ce même mois.
Les Francs s'en retournèrent alors vers Karak et l'armée musulmane les poursuivit jusqu'à Nâbolos.[212] Le vendredi, dernier jour de ce même mois, l'armée donna l'assaut à la ville qui fut mise à feu et à sang. — Les Musulmans s'emparèrent de quatre forteresses, et ils allèrent ensuite mettre le siège devant Djînîn;[213] ils minèrent la forteresse jusqu'à ce qu'elle s'écroulât, et plusieurs sapeurs périrent écrasés sous ses ruines. Les troupes s'en emparèrent d'assaut et y firent un butin considérable; elles marchèrent ensuite durant la nuit sur Zar'in[214] et Djalout et les incendièrent. — Le dimanche, deuxième jour du mois de Djoumada second, l'armée traversa le Jourdain et le quatre de ce même mois, elle arriva devant al-Favâr.
Le sultan fit son entrée à Damas, le samedi, septième jour de Djoumada second, accompagné de toute l'armée; son frère al-Malik al-'Adil arriva d'Alep et les armées des provinces de l'Orient,[215] celle de Hisn-Keïfa,[216] et celle d'Amid vinrent se ranger autour de lui. Il partit à la tête de ces forces et marcha sur Karak dans l'intention de l'enlever aux Francs. Il vint mettre le siège devant cette citadelle, le quatorzième jour du mois de Djoumada premier et il dressa neuf mangonneaux pour battre la ville. Les Francs ayant reçu des renforts, le sultan ne put continuer la lutte et il leva le siège de Karak ; il rétrograda jusqu'à Nabolos en saccageant tout ce qui se trouvait sur son passage.
Il mit Nabolos à feu et à sang, la saccagea, massacra la population ou la réduisit en captivité et il mit en liberté un certain nombre de Musulmans qui étaient retenus prisonniers dans cette ville. De là, il marcha sur Djinîn et rentra ensuite à Damas.
Il reçut dans cette ville les ambassadeurs du khalife, le cheikh Sadr ad-Din 'Abd-er-Rahim ibn Ismâ’îl ibn Abou Sa'd Ahmad et l'eunuque (khadim) Bashir. Ces deux personnages apportaient un vêtement d'honneur pour le sultan Salah ad-Din et pour al-Malik al-'Adil ; les deux princes s'en revêtirent. Les deux ambassadeurs demandèrent au sultan de faire la paix avec 'Izz-ad-Din, prince de Maûsil, mais leur intervention n'aboutit pas. Ils partirent de Damas, mais ils moururent avant d'être rentrés à Bagdad.
Le sultan distribua des vêtements d'honneur à tous ses soldats et leur permit de s'en retourner dans leurs foyers après leur avoir fait de grandes libéralités.
Le quinzième jour du mois de Chaban, al-Malik al-Mothaffar Takî ad-Din se mil en marche avec les troupes égyptiennes pour retourner au Caire. — Cette année, le sultan arrêta les termes de son testament politique par lequel il assurait la souveraineté de l'Egypte à son fils al-Malik el-Aziz Othman, sous la tutelle[217] de son cousin Takî ad-Din Omar. Il donnait le gouvernement de la Syrie à al-Malik al-Afdal Ali sous la tutelle du sultan d'Alep, al-Malik al-'Adil; il fixa comme terme de la tutelle de Takî ad-Din 'Omar et d'al-Malik al-'Adil le moment où les Musulmans s'apercevraient que ses fils étaient capables de gouverner par eux-mêmes et de régir les affaires de leurs empires. Les émirs jurèrent tous de respecter ces décisions du sultan, et ce fut le kadi al-Murtidâ ibn Koraish[218] qui donna lecture de l'acte impérial. — Cette année, on défendit de prendre à ferme la vente de la bière, du vin et des divertissements publics, et le sultan renonça à percevoir les recettes que rapportait cette ferme en Egypte. — Le sultan partit de Damas pour se rendre dans les provinces de l'Orient; mais il demeura à Hamâh tout le reste de l'année; il était arrivé dans cette ville le vingtième jour du mois de Dhoû’lka’dah. — Cette année, le septième jour du mois de Moharram, on fit la khotba près du tombeau de Sariyya qui était dans une cavité de la montagne sans qu'il y eut de constructions quelconques dans cet endroit, ni d'habitants; quelques personnes s'y opposèrent si énergiquement qu'on y renonça et que les gens allèrent se réunir près du Kabr Mousak; cela dura deux ans(?).
Cette même année, le Nil s'éleva à 19 coudées moins 3 doigts; cela fut une calamité pour les villages riverains que les habitants furent obligés d'évacuer par suite de la chute des murailles de leurs maisons, et parce que leurs vergers étaient sous l'eau, ainsi que toutes leurs plantations; les canaux furent détruits et ce fut là une calamité comparable à celle de l'année 544. — Cette année, moururent le sultan Abou Yakoub Yousouf ibn 'Abd al-Mou'min ibn 'Ali, souverain du Maghreb, le 24 du mois de Redjeb, — Ilbogha ibn Alba-ibn Timourtash ibn Ilghazi ibn Ortok Kotb ad-Din l'Ortokide, prince de Mardîn,[219] au mois de Djoumada second, —· Ak-Sonkor, l'échanson (al-sakï), gendre de Karâdjâ, à Alep le vendredi, onzième jour de Redjeb. — Le sultan ordonna de charger de chaînes les enfants du [khalife fatimide] al-'Adid et ce qui restait de ses proches parents.
Le sultan partit de Damas et arriva à Harrân, le vendredi, vingt-deuxième jour du mois de Safer, et il fit emprisonner Mothaffar ad-Din Kôkboun qui y régnait. Après s'être emparé de cette ville, il la quitta, le deuxième jour du mois de Rabi premier. — Il reçut les ambassadeurs du roi Kilidj-Arslan, fils de Massoud, souverain du pays de Roum, qui lui déclarèrent, d'accord avec tous les rois de la Mésopotamie (shark), que leur maître se considérerait en état de guerre avec lui s'il n'abandonnait point ses projets contre Maûsil et Mardîn; cela n'empêcha pas le sultan de se mettre en marche avec le dessein bien arrêté d'assiéger Maûsil. Il Tint l'investir et il commençait les opérations du siège quand il apprit que le Shâh-i-Armen, Sokman [II Nasir ad-Din Mohammad ibn Ibrahim],[221] souverain de la ville de Khilât[222] était mort le neuvième jour du mois de Rabi premier. Il partit à la fin de ce même mois et marcha sur Khilât, mais il ne put s'en emparer et il dut s'en retourner ; il s'empara de la ville de Mayyafarikin[223] et marcha de nouveau sur Maûsil. Il vint camper sur les bords du Tigre au mois de Chaban, et il resta là jusqu'au mois de Ramadhan. Il fut alors atteint d'une indisposition très grave, et il partit le dernier jour du mois de Ramadhan.
Salah ad-Din arriva à Harrân et ce fut dans cette ville qu'il signa la paix avec les habitants de Maûsil, le jour de 'Arafa. On fit la khotba en son nom dans tout le pays dépendant de Maûsil et on cessa de la faire au nom des Seldjoukides ; on fit de même la khotba à son nom dans le Diyâr-Bekr et le Diyâr-Rabia; dans toutes ces contrées on frappa de même la monnaie à son nom. — Il ordonna de répandre des aumônes dans toute l'étendue de son empire.
Cette année moururent : al-Malik al-Kâhir-Nasir ad-Din Mohammad ibn Asad ad-Din Shirkouh, prince de Homs, dans la nuit de la fête du petit Baïram ; le sultan craignit qu'on ne le soupçonnât d'être l'auteur de cette mort, car, lorsqu'il était tombé si gravement malade, al-Malik al-Kâhir avait répandu le bruit que c'était lui qui lui succéderait ; — Fakhr ad-Din Ibrahim ibn Mohammad ibn Ibrahim ibn Ahmad ibn Nasr-al-Aswâni ibn Oukht-ar-Rashid; — Mohadhdhad ibn az-Zobaïr; ce fut lui le premier qui écrivit un formulaire épistolaire[224] pour le sultan, il en écrivit un ensuite pour son frère al-Malik al-'Adil.
Quand le sultan fut relevé de maladie, il partit de Harrân et se rendit à Alep le quatorzième jour du mois de Moharram ; de là, il se rendit à Homs; il mit en ordre les affaires de cette ville et y supprima les droits d'octroi.[225] — Le deuxième jour du mois de Rabi premier, il fit son entrée à Damas et appela auprès de lui son fils al-Malik al-Afdal 'Ali, qui se trouvait en Egypte, à cause de l'aversion que ce dernier ressentait pour son cousin al-Mothaffar-Takî-ad-Din. Le prince arriva auprès de Salah ad-Din avec sa famille et les gens de sa suite le vingt-troisième jour du mois de Djoumada premier. — Le sultan retira la souveraineté d'Alep à al-Malik al-'Adil et la donna à al-Malik ath-Tahir-Ghiyâth ad-Din Ghazi, son fils; al-Malik al-'Adil reçut comme compensation la province orientale de l'Egypte; en même temps, la vice-royauté de l'Egypte fut enlevée à al-Mothaffar Takî ad-Din 'Omar.[226] Cette mesure mit celui-ci dans une violente colère et il traversa le Nil avec ses gens pour se rendre à Djizah,[227] afin d'aller retrouver son lieutenant Bahâ ad-Din Karâkoush-al-Takavi[228] et s'emparer du Maghreb; il envoya son mamlouk Bourï[229] en avant [pour aller rejoindre Bahâ ad-Din].
Quand le sultan apprit quelles étaient les intentions de Takî-ad-Din, il lui écrivit une lettre pour lui donner l'ordre de venir le trouver ; les grands dignitaires de l'empire conseillèrent à Takî ad-Din de ne pas résister. Takî ad-Din se décida alors à obéir et il se mit en marche pour se rendre à Damas où il arriva le vingt-troisième jour de Chaban. Il garda ses possessions de Hamâh,[230] de Ma'arrat[231] et de Manbadj,[232] et le sultan lui donna en plus la ville de Mayyafarikîn. Takî ad-Din écrivit alors à ses officiers pour les faire revenir auprès de lui ; tous lui obéirent, sauf Zaïn ad-Din Bouri[233] son mamlouk, qui marcha contre le pays du Maghreb et y conquit plusieurs villes ; mais le sultan de cette contrée s'avança contre lui et le fit prisonnier. Il le mit plus tard en liberté et lui confia des postes importants dans son empire.
Al-Malik al-Afdal 'Ali, fils du sultan Salah ad-Din arriva à Damas, venant du Caire, le vendredi dix-septième jour du mois de Djoumada premier, c'était la première fois que ce prince venait dans cette ville ; al-Malik el-Aziz Othman partit pour se rendre dans son gouvernement d'Egypte, accompagné de son oncle al-Malik al-'Adil qui devait remplir auprès de lui, les fonctions d'atabek. Al-Malik al-'Adil partit d'Alep durant la nuit du samedi vingt-quatrième jour du mois de Safer, et les deux princes firent leur entrée au Caire le cinq du mois de Ramadhan.
Cette même année, une révolution éclata chez les Francs à Tarabolos [Tripoli] et le Comte [Raymond] se réfugia auprès de Salah ad-Din qui se conduisit loyalement envers lui.[234] — Le prince [Arnât], seigneur des Francs à Karak, captura une grande caravane et fit prisonniers ceux qui la composaient. Il refusa de répondre au désir du sultan Salah ad-Din qui l'avait prié de les remettre en liberté, aussi le sultan se prépara-t-il à marcher contre lui, et les troupes des différentes contrées se mirent en route pour cette expédition.
Cette année mourut au Caire 'Abd-Allah ibn Abou-al-Walish-Bari(?) ibn 'Abd-al-Djabbar ibn Ban, le grammairien, dans la nuit du samedi 27 de chewâl; il était né le cinquième jour du mois de Redjeb de l'année 499.
Le sultan partit de Damas le samedi premier jour du mois de Moharram pour aller faire la guerre aux Francs. Il plaça son fils à Ra'as-al-Mâ[235] et alla camper à Bosrâ,[236] où il demeura pour protéger le pèlerinage jusqu'au moment où il fut passé à la fin du mois de Safer. Il marcha ensuite sur Karak à la tête de 12.000 cavaliers; mit le siège devant la place et coupa les arbres qui se trouvaient autour de la forteresse; de là il alla à Shaubak[237] qu'il traita de la même façon.
Le hâdjib Lou'loû partit de Misr avec l'escadre qui comptait quinze navires et fit voile vers Alexandrie. — Al-Malik al-'Adil partit du Caire, le sept du mois de Moharram et alla camper à la Birkat-al-Djubb. De là, il se dirigea sur Karak en passant par Ilah et il rejoignit le sultan Salah ad-Din à al-Kariatam.[238] — Le sultan revint devant Karak; il assiégea cette place au mois de Rabr premier, et réduisit la garnison à la dernière extrémité. Il s'éloigna ensuite de Karak et vint assiéger la ville de Tibériade ; près de 50.000 Francs se réunirent dans le pays d’Akka; ils élevèrent au-dessus de leurs têtes la Croix de la Crucifixion, mais le sultan s'empara d'assaut de Tibériade[239] le vingt-troisième jour du mois de Rabi second. Les Francs furent très marris d'avoir perdu cette ville, aussi ils rassemblèrent leurs troupes ; mais le sultan Salah ad-Din marcha contre eux et leur livra, le samedi vingt-quatrième jour du même mois, la grande bataille de Hittin,[240] dans laquelle Allah donna la victoire aux Musulmans. Après une longue lutte les Francs prirent la fuite et les Musulmans s'emparèrent de la Croix de la Crucifixion. Ils firent prisonniers le prince Arnât, seigneur de Karak et de Shaubak, ainsi que plusieurs autres rois et un nombre incalculable de Francs ; le sultan décapita de sa propre main le prince Arnât[241] et il fit massacrer tous les chevaliers du Temple et de l'Hôpital qui se trouvaient en sa possession.[242] De Hittin, Salah ad-Din marcha sur 'Akkâ qu'il vint assiéger à la tête d'une armée considérable, dans les derniers jours du mois de Rabi second. Le savant 'Abd-al-Latif ibn Youssouf al-Baghdadî a dit : « Le marché qui se trouvait dans le camp du sultan devant 'Akkâ était extrêmement considérable et il occupait une vaste étendue de terrain ; on y trouvait cent-quarante boutiques de maréchaux ferrants. Je comptai auprès d'un seul cuisinier vingt-huit marmites dans chacune desquelles se trouvaient neuf moutons.[243] J'allai m'enquérir du nombre des boutiques chez le surveillant du marché qui en avait le nombre exact sur un registre ; nous trouvâmes qu'il y en avait 7.000. Ces boutiques ne ressemblaient en rien à celles que l'on voit dans les villes, une seule de ces boutiques ressemblait plutôt à cent boutiques ordinaires, et encore les choses nécessaires à la vie se trouvaient contenues dans de grands sacs.[244]
« On a dit que le camp avait été contaminé par le long séjour que les troupes y firent. Quand l'armée se transporta un peu plus loin, un épicier[245] donna comme récompense à ceux qui avaient déménagé ses marchandises, la somme de soixante-dix dinars[246] ; en résumé, le marché ancien et le marché neuf étaient quelque chose qui confondait l'intelligence humaine. Il y avait dans le camp plus de mille établissements de bains et la plupart de ceux qui les tenaient étaient des Maghrébins. Deux ou trois d'entre eux se réunissaient pour creuser la terre à la profondeur de deux coudées, l'eau jaillissait, ils prenaient de la terre et ils en faisaient un bassin qu'ils entouraient d'un rebord et ils couvraient le tout à l'aide d'une cloison de planches et un toit.[247] Ils allaient couper le bois qu'ils employaient dans les jardins qui se trouvaient autour du camp, faisaient chauffer l'eau dans des chaudrons, et les hommes faisaient leurs ablutions dans ces bains pour un dirhem (sic) ou même plus. »
Le sultan continua le siège d’Akkâ jusqu'au moment où une capitulation l'en rendit maître, le deuxième jour du mois de Djoumada premier. Il s'empara de toutes les sommes d'argent et des marchandises qui s'y trouvaient et rendit la liberté aux Musulmans qui y étaient retenus prisonniers ; ils étaient au nombre de quatre mille. Il fit élever dans la cathédrale d’Akkâ un menber sur lequel on fit la prière du vendredi.[248]
Il donna 'Akkâ en fief a son fils al-Malik al-Afdal, et il céda toutes les possessions qui appartenaient aux Chevaliers du Temple ainsi que les villages au juriste (falâh) Ziyâ ad-Din 'Isa-al-Hakkarl. Al-Malik al-'Adil marcha avec l'armée égyptienne sur Madjdal-Yaba[249] ; il l'assiégea, s'en empara et prit tout ce qui s'y trouvait.
Plusieurs forteresses des environs d’Akka furent conquises : c'étaient Nazareth,[250] Césarée,[251] Haïfa,[252] Saffouriyya,[253] Ma'liya,[254] Shakif, al-Manzala[255] et al-Thour.[256] Les Musulmans pillèrent tout ce qui s'y trouvait, et les femmes ainsi que les enfants furent réduits en captivité.
Les villes de Sabastiyya[257] et de Nabolos furent également prises.
Le sultan Salah ad-Din écrivit au khalife[258] pour lui apprendre la conquête de ces villes ; al-Malik al-'Adil vint mettre le siège devant Jaffa et s'en empara d'assaut; il livra la ville au pillage, il emmena les femmes en captivité et fit enchaîner les hommes. Al-Mothaffar-Takî ad-Din Omar assiégea Tibnîn[259] où le sultan vint le retrouver et il poussa activement le siège jusqu'au moment où il s'en empara par capitulation, le dix-huitième jour du mois de Djoumada 1er ; les habitants de cette ville se réfugièrent à Soûr. Le sultan s'empara des armes et des munitions de guerre, des bêtes de somme et de l'argent qui s'y trouvait. De là, il marcha contre Sarkhad[260] et s'en empara sans coup férir. Il revint ensuite sur Saida,[261] dont la population s'était enfuie en abandonnant la ville. Le sultan s'en empara le vingt et unième jour de ce mois; il alla ensuite mettre le siège devant Beyrouth qu'il pressa d'attaques durant huit jours jusqu'à ce que la population demandât à capituler; le sultan l'ayant accordée, prit possession de la ville, le vingt-neuvième jour du même mois, puis il s'empara de Djobail.[262] Le nombre des prisonniers Musulmans qu'Allah délivra de la main des Francs dans le courant de cotte année s'éleva à plus de vingt mille, tandis que les Musulmans firent prisonniers cent mille Francs. Cette année mourut le Comte, prince de Tarabolos; le Marquis [de Montferrat], l'un des Francs les plus fourbes qui aient jamais existé, se rendit à Sour où trouvaient rassemblés un grand nombre de Francs; il devint leur prince et fortifia la ville.
Après la conquête de Beyrouth, le sultan se mit en marche et alla s'emparer de Ramla, de Khalil (Hébron) et de Bethlehem. Il fit sa jonction avec son frère al-Malik al-'Adil et tous les deux vinrent mettre le siège devant Ascalon, le seizième jour du mois de Djoumada second; ils dressèrent les mangonneaux contre cette ville et la pressèrent tellement d'attaques qu'elle se rendit à la fin de ce même mois. Les Francs, qui habitaient à Ascalon, se rendirent à Jérusalem après y avoir dominé durant trente-cinq ans. Le sultan s'empara également des citadelles des chevaliers de l'ordre du Temple, c'est-à-dire de Ghaza, de Natroun et de Baït-Djibril.[263]
Le sultan fut rejoint devant Ascalon[264] par son fils, al-Malik al-Aziz-Othman qui venait d'Egypte et par la flotte qui était commandée par le hâdjib Lou'lou'. — Avant la prise d'Ascalon, le soleil s'était éclipsé en plein jour au point que le firmament était devenu tout noir et que les étoiles étaient apparues. Ce phénomène eut lieu le vendredi, vingt-huitième jour du mois de Djoumada second.
Le sultan se remit en marche après que les troupes se furent réunies autour de lui pour aller s'emparer de Jérusalem. Il y mit le siège le dimanche, quinzième jour du mois de Radjah; il y avait dans cette place une grande quantité de troupes franques.[265] Les Musulmans dressèrent les mangonneaux contre la ville, et des deux côtés on se livra un combat acharné dans lequel furent tués un certain nombre de Musulmans; mais Allah vint à leur secours, et ils occupèrent le mur de la ville et le minèrent. Ils étaient sur le point de s'emparer de Jérusalem quand, au même moment les Francs demandèrent à capituler;[266] le sultan leur accorda ce qu'ils demandaient après avoir fait de grandes difficultés, à condition que chaque homme paierait pour sa rançon dix dinars égyptiens, qu'il fût riche ou qu'il fût pauvre, que chaque femme paierait cinq dinars et chaque enfant, garçon ou fille, deux dinars. Ensuite, il fut convenu que tous les indigents recouvreraient leur liberté contre le versement global d'une somme de trente mille dinars.
Les Musulmans prirent possession de Jérusalem le vendredi, vingt-septième jour du mois de Redjeb, et ils en expulsèrent les France qui s'y trouvaient au nombre d'environ soixante mille, après en avoir retenu prisonniers près de seize mille, tant hommes que femmes et enfants, qui ne pouvaient payer la rançon fixée. Les Musulmans prirent comme rançon aux Francs trois cent mille dinars misris, sans compter les sommes que les émirs perçurent et ce qui n'alla pas dans le trésor par suite de fraudes.
Les Francs de Jérusalem allèrent chercher un refuge à Sour.[267] Quand les Musulmans eurent appris la conquête de Jérusalem, il arriva de tous côtés des gens, à pied et à cheval, pour visiter la ville, de telle sorte qu'il s'y trouva un nombre incalculable de personnes.
On y fit la prière du Vendredi, le quatrième jour du mois de Chaban et ce fut le kadi Mohyî ad-Din ibn Zakî ad-Din qui, revêtu de vêtements noirs, prononça un sermon éloquent dans lequel il pria pour le khalife an-Nasir et pour le sultan Salah ad-Din. Après les prières, Zaïn ad-Din ibn Nadja se leva et harangua la foule; le sultan ordonna de recouvrir de marbre le mihrâb d'Omar; on transporta son admirable menber (chaire) d'Alep, et on le dressa dans la Masdjid-al-aksa. Ou anéantit toutes les traces du christianisme que l'on trouva et on lava la Sakhra avec de l'eau de rose. On y fit des travaux de menuiserie, on étendit des tapis et on préposa quelqu'un à la mosquée pour y accomplir les cérémonies du culte; on y adjoignit également un collège pour les juristes de la secte de Shafé'i et on ferma l'église du Saint-Sépulcre; on la rouvrit ensuite et l'on fixa une somme que devraient payer ceux des Francs qui voudraient la visiter. On envoya la nouvelle de cette victoire au khalife ainsi que dans tous les pays. Le sultan partit de Jérusalem le vingt-cinquième jour du mois de Ramadhan (sic) pour se rendre à 'Akkâ, et al-Malik el-Aziz 'Othman s'en retourna en Egypte. Tel fut le dernier grand triomphe de Salah ad-Din. — Al-Malik al-'Adil partit avec le sultan et ils arrivèrent à 'Akkâ le premier jour du mois de Ramadhan; de là, le sultan se rendit à Sour, le neuvième jour de ce même mois; c'était une ville forte-mont défendue et les Francs y avaient pris toutes leurs précautions pour y soutenir un siège. Les troupes vinrent rejoindre le sultan qui fit dresser plusieurs mangonneaux contre la ville et l'investit; il envoya à la flotte égyptienne l'ordre de venir devant Soûr. Dix navires arrivèrent et la lutte s'engagea sur terre et sur mer; les Francs capturèrent cinq navires. — Sur ces entrefaites, le sultan Salah ad-Din reçut une lettre du khalife qui lui faisait de violents reproches et désavouait sa conduite. Le sultan lui répondit par une lettre dans laquelle il se justifiait. —Il leva le siège de Soûr à la fin du mois de chewâl et les troupes rentrèrent dans leurs foyers. Il demeura à 'Akkâ pendant qu'al-Malik al-'Adil retournait en Egypte. — Les Francs arrivèrent de nuit à la forteresse de Kaukab,[268] massacrèrent un certain nombre de Musulmans et pillèrent tout ce qui s'y trouvait. — Le sultan reçut à 'Akkâ des ambassadeurs de l'empereur grec,[269] des rois de l'Irak et du Khorasan qui lui présentèrent les félicitations de leurs souverains pour la prise de Jérusalem.
Cette année, le Soleil, la Lune, Mars, Vénus, Mercure et Jupiter, Saturne et la constellation de l'Ours furent en conjonction dans le signe de la Balance à la quatorzième heure. Les astronomes se réunirent tous et ils jugèrent qu'il y aurait un ouragan terrible; il se produisit, comme ils l'avaient annoncé, et à l'heure qu'ils avaient fixée. La surface de la terre fut bouleversée, depuis le commencement de ce cyclone jusqu'au moment où il cessa; l'ouragan ne laissa rien sur son passage que des animaux morts, il renversa tous les arbres et déracina toutes les plantée; ce fut surtout le pays de Roum (ar-Roum) qui fut maltraité par ce phénomène surnaturel; les hommes crurent un instant que le jour du jugement dernier s'était levé; les hôtes des cavernes et des grottes s'enfuirent sur les montagnes ou se précipitèrent dans les pièges qui leur étaient tendus, par suite de l'épouvante que ce cataclysme leur inspirait. Les gens disaient que les anciens avaient prédit des événements effroyables à l'occasion de cette conjonction et que c'était la fin du monde. Cela se passa au mois de Masori; et en Djoumada second, le vingt-septième jour de ce mois, le mardi, avec la nuit et le jour de mercredi, pas un souffle de vent ne se fit sentir et le Nil ne fut plus agité; le fleuve était alors au plus haut point de sa crue dans ce mois de Masori; à cette époque de l'année, il est régulier que le vent souffle depuis le commencement de l'après-midi jusqu'à la nuit tombante contre le fleuve, de telle sorte qu'il y produit des vagues;[270] cette nuit, il n'y eut rien de semblable, ni le jour suivant. Les gens montèrent sur la terrasse de leurs maisons avec des flambeaux allumés, pour voir quel était l'état de l'atmosphère, mais la flamme ne bougea pas; les hommes furent dans une grande anxiété par suite de la conjonction de ces astres, mais c'était contre les Chrétiens (ar-Roum) qu'Allah dirigeait les présages de ces étoiles; ce furent elles qui donnèrent la victoire au sultan Salah ad-Din, et ce fut par elles qu'il fit prisonniers les chefs des Francs et qu'il les vainquit. A l'Est comme à l'Ouest, la terre fut remplie de captifs ; Jérusalem fut prise, et plus d'un de ceux qui avaient été effrayés par ce cyclone prit part à cette glorieuse conquête : les uns y furent tués, les autres revinrent sains et saufs. — Le seizième jour du mois de Djoumada second, la caravane partit de Damas pour le Caire; ce fut la première caravane qui put traverser la Palestine (Sahel) sans crainte d'être attaquée ou sans avoir à payer de rançon. — Cette même année, Bahâ ad-Din Karâkoush-al-Takavî s'empara de plusieurs villes du Maghreb; le sultan de ce pays Ibn 'Abd al-Mou'min, lui livra bataille sous les murs de Tunis, mais il fut écrasé de telle sorte qu'au mois de Rabi premier, on récita la khotba dans cette contrée, au nom du sultan Salah ad-Din Yousouf; cependant, Ibn 'Abd al-Mou'min rassembla ses troupes et livra de nouveau bataille à Karâkoush; cette fois, il le mit en déroute et le força à s'enfuir dans le désert. — Cette même année, le sultan ordonna de retirer de la circulation les pièces sur le change duquel on ne parvenait pas à s'entendre, ce qui causait un grand dommage à la population. Il enjoignit de ne plus frapper que des dinars en or égyptien et des dirhems en argent pur, et il proscrivit le cours des dirhems noirs parce qu'on était obligé de les peser à la balance.[271] Ces mesures satisfirent pleinement le public.
Cette année, le sultan assiégea durant quelque temps la citadelle de Kaûkab, mais il ne put en venir à bout ; il laissa devant cette place l'émir Sarim ad-Din Kaïmâz-al-Nadjmi[273] avec cinq cents cavaliers; il plaça devant Safad l'émir Toghril le Khâzindar avec cinq cents cavaliers; il envoya à Karak et à Shaubak, l'émir Sa'd ad-Din Kamshaba l'Asadi,[274] et il fit venir d'Egypte l'émir Bahâ ad-Din Karâkoush al-Asadî qu'il avait laissé dans cette contrée pour bâtir les murs du Caire. Ce général rejoignit le sultan devant la forteresse de Kaûkab qu'il était en train d'assiéger. Salah ad-Din le chargea de reconstruire la ville d'Akkâ; Bahâ ad-Din commença par réédifier les murailles de la ville et par en relever les tours à l'aide des prisonniers, des bœufs, des machines et des bêtes de somme qu'il avait amenés avec lui d'Egypte.
Le sultan partit pour se rendre à Damas et fit son entrée dans cette ville le sixième jour du mois de Rabi premier; il en avait été absent durant une année, deux mois et cinq jours; pendant ce laps de temps, il avait battu les Francs et conquis Jérusalem. Il vint tenir régulièrement séance dans le Palais de Justice en présence des kadis ; en même temps, il écrivit dans toutes les provinces pour appeler les troupes à la guerre sainte (contre les Francs) ; au bout de cinq jours, il partit de Damas et se dirigea vers Baalbek. Le prince de Sindjar, Imad ad-Din Zengui ibn Maudoud, vint rejoindre le sultan dans le pays de Homs et ils campèrent sur les bords du lac de Kods.[275] Salah ad-Din envoya son fils al-Malik ath-Tahir et son neveu al-Malik al-Mothaffar, prince de Hamâh, pour surveiller le chemin d'Antioche.[276] Le sultan se mit ensuite en marche le premier jour du mois de Rabi second et il envoya des détachements de cavalerie ravager le pays de Safitha[277] et les forteresses des environs. Il continua sa marche le quatrième jour du mois de Djoumada premier, dans l'espoir de rencontrer l'ennemi. Il conquit Antarsous,[278] où il s'empara d'un butin considérable ; il rasa les fortifications de la ville et abattit l'église qui était une des plus grandes qui existassent alors; il incendia ensuite la ville qui fut entièrement réduite en cendres. De là il marcha sur Djïbala[279] qu'il vint assiéger le dix-huitième jour du même mois; il s'en empara sans aucun combat. Il s'empara ensuite de Laodicée[280] après un combat, et les Musulmans y firent un butin considérable. De là, il marcha sur Sahioun,[281] attaqua la garnison et s'en empara le second jour du mois de Djoumada second. Il s'empara de même de Shoghr,[282] de Bakâs et de plusieurs autres châteaux forts; il fit prisonniers les Francs qui s'y trouvaient et il y ramassa un butin considérable.
Quand le sultan eut conquis la ville de Baghrâs,[283] le prince seigneur d'Antioche lui envoya demander la paix[284] ; il y consentit à la condition qu'il rendrait la liberté aux prisonniers musulmans qui se trouvaient dans ses états et dont le nombre s'élevait à mille. — Le prince de Sindjar s'en retourna alors chez lui et le sultan se rendit à Alep où il demeura quelque temps; puis il en partit[285] pour aller à Damas où il fit son entrée le dernier jour du mois de Chaban. — Durant ce temps, Kamshabâ avait continué le siège de la citadelle de Karak dont il s'empara ainsi que de Shaubak, de Sil et de plusieurs châteaux forts de cette région, au mois de Ramadan. Quand les courriers, porteurs de ces heureuses nouvelles, arrivèrent auprès du sultan, il partit de Damas, et vint mettre le siège devant Safad; il s'empara par capitulation de la citadelle de cette ville, le quatorzième jour du mois de chewâl[286] ; les Francs qui s'y trouvaient se retirèrent à Sour. Il vint ensuite devant Kaûkâb qu'il réduisit à la dernière extrémité ; il s'en empara par capitulation le quinzième jour de Dhoû’lka’dah,[287] et il envoya les habitants à Sour, de telle sorte qu'un très grand nombre de Francs se trouva réuni dans cette ville. — Les Francs (de Tyr) écrivirent aux Francs de Sicile et d'Espagne, tandis que le sultan écrivait au khalife an-Nasir pour lui annoncer ces victoires. Le sultan partit ensuite de Kaukab et vint camper dans la plaine de Baîsân.
Cette année, douze hommes appartenant à la secte des Chiites,[288] tentèrent de faire éclater une émeute au Caire; ils crièrent: « Vivent les Alides![289] »; ils parcoururent les rues en poussant ces cris, dans l'espérance que les gens de la ville répondraient à leur appel et les aideraient à une restauration de la dynastie fatimide; mais les troupes sortirent de leurs casernes et occupèrent la ville militairement, de telle sorte que cette tentative échoua complètement; et ces gens se dispersèrent. — Cette même année, le sultan se rendit à Jérusalem, où il arriva le huitième jour du mois de Dhou’lhiddjeh ; il en partit presque immédiatement après, le 10, pour aller à 'Ascalon; il envoya son frère al-Malik al-'Adil en Egypte, pour y aider de ses conseils al-Malik al-'Λζιζ, et il lui donna la ville de Karak en place d'Ascalon. Il vint enfin à 'Akkâ.
Cette année, le sultan partit d’Akkâ et rentra à Damas au commencement du mois de Safer.[290] — Le douzième jour de ce même mois, Ziyâ ad-Din 'Abd al-Wahhab ibn Sakina, ambassadeur du khalife an-Nasir apporta au sultan la notification de faire réciter la khotba au nom de son fils, son héritier présomptif 'Iddat ad-dounià-wâ-'d-Dîn Abou Nasr-Mohammad.[291] Le sultan renvoya l'ambassadeur du khalife et le fit accompagner par Ziyâ ad-Din al-Kâsim ibn Yahya-al-Shahrzourî, qui emporta des présents et des cadeaux destinés au khalife, et qui emmena un certain nombre de prisonniers francs. Le sultan envoya au khalife la couronne du roi des Francs, la croix qui surmontait le dôme de la Sakhra à Jérusalem ainsi que beaucoup d'autres objets. On enfouit la Croix, sous le seuil de la porte Bab-al-Noubî[292] et tout le monde put ainsi la fouler aux pieds. Cette croix était en cuivre doré.
Le sultan Salah ad-Din partit de Damas, le vendredi, troisième jour du mois de Rabi premier,[293] et vint mettre le siège devant Shakif-Arnoun. Il était très inquiet de voir s'approcher le moment où expirait la trêve conclue avec le prince d'Antioche, ainsi que de la concentration des Francs à Tyr, et des renforts qu'ils recevaient constamment par mer.
Les Musulmans livraient aux Francs dans leurs pays du Sahel des combats dans lesquels des gens étaient tués de part et d'autre. Ces combats coûtèrent beaucoup d'hommes aux Musulmans, et le dommage qu'ils éprouvaient de la part des Francs allait toujours croissant.
Le sultan partit pour se rendre à 'Akkâ ; mais les Francs le devancèrent et mirent le siège devant la ville.[294] Salah ad-Din campa dans le Mardj 'Akkâ et assiégea les Francs qui eux-mêmes assiégeaient 'Akkâ. Les troupes impériales de l'Islamisme vinrent se réunir autour de lui tandis que des renforts arrivaient aux Francs par mer. Le sultan ne pouvait pas plus approcher de la ville que les habitants ne pouvaient se rendre vers lui; il combattit les Francs avec la plus grande vigueur, depuis le premier jour du mois de Chaban jusqu'à ce qu'il triomphât de leur résistance; il y fit pénétrer des troupes, le huitième jour de ce même mois, mais la lutte ne s'arrêta pas pour cela, et elle se prolongea jusqu'au quatrième jour du mois de Ramadhan.[295] Le sultan se transporta alors à Kharrouba,[296] et les Musulmans qui se trouvaient dans 'Akkâ en fermèrent les portes. Les Francs creusèrent un fossé pour protéger leur camp qui entourait 'Akkâ, en partant de la mer et y aboutissant. Ils s'entourèrent également d'un mur crénelé avec des meurtrières et recouvert de palissades; ils y placèrent des fantassins pour empêcher les Musulmans d'approcher d'Akkâ. — Al-Malik al-'Adil arriva avec l'armée égyptienne, au milieu du mois de chewâl, et la flotte arriva également d'Egypte devant Akkâ vers le milieu du mois de Dhoû’lka’dah ; elle était forte de cinquante voiles sous le commandement du hadjib Lou'lou. Un fort coup de vent du Nord avait dispersé l'escadre franque et l'amiral captura deux de leurs galères. Les Musulmans qui se trouvaient dans 'Akkâ au nombre d'environ dix mille, furent ravis de l'arrivée de leur flotte et cela redoubla leur courage. Le sultan envoya dans toutes les contrées pour exciter les populations à la guerre sainte contre les Francs; et il écrivit à son frère Saïf-al-Islâm-Toughatikin, qui se trouvait dans le Yémen, pour lui demander des secours pécuniaires ; ainsi qu'à Mothaffar ad-Din Kara-Arslan,[297] prince de l'Adjem; il écrivit également au khalife.
Pendant ce temps, les Francs recevaient des renforts, et on reçut d'Alep la nouvelle que l'empereur d'Allemagne était parti de Constantinople à la tête d'une armée innombrable de plus d'un million d'hommes et que ces troupes se dirigeaient vers les pays de l'Islam. — Cette nouvelle désespéra le sultan et les Musulmans qui se trouvaient autour de lui.
Celte année moururent : Hosâm ad-Din Sonkor-al-Khilati, durant la nuit du lundi, vingt-septième jour du mois de Radjah. — l'émir Hosâm ad-Din Touman, le mercredi treizième jour de Chaban; — l'émir Izz ad-Din Mousak ibn Djaigou,[298] au mois de Chaban; cet émir était neveu du sultan Salah ad-Din; — Sharaf ad-Din Abou Sa'd 'Abd-Allah ibn Abou 'Asroun, à Damas, le mercredi, onzième jour du mois de Ramadhan; il était né le premier jour[299] de l'année 492; — Zihyâ ad-Din 'Isa-al-Hakkân, le mercredi neuvième jour de Dhoû’lka’dah, dans la bataille de Kharroûba.
L'année commença, tandis que le sultan se trouvait toujours à Kharroûba occupé à assiéger les Francs;[300] les troupes musulmanes arrivèrent des provinces orientales et du reste des pays. Le sultan partit alors de Kharrouba, le dix-huitième jour du mois de Rabi premier et vint s'établir à Tell-Kisân[301] et les troupes continuèrent à arriver. Les trois tours que les Francs avaient construites en face d'Akkâ furent terminées dans un délai de sept mois et elles dominèrent la ville; elles étaient occupées par de nombreux combattants abondamment pourvus de munitions ; en même temps, les Francs étaient parvenus à combler la plus grande partie du fossé. Ils attaquèrent la ville avec une telle vigueur que les Musulmans en furent épouvantés. La lutte continua avec acharnement des deux côtés jusqu'à ce que les trois tours fussent incendiées. Les habitants d’Akkâ firent alors une sortie, déblayèrent le fossé, bouchèrent les brèches du mur d'enceinte, s'emparèrent de toutes les armes qui se trouvaient dans les tours et se fortifièrent dans la ville. Il y eut aussi entre la flotte musulmane et les navires francs plusieurs engagements dans lesquels un grand nombre de Francs périrent.
L'empereur d'Allemagne arriva aux frontières des pays de l'Islamisme alors qu'un grand nombre de ses soldats avaient déjà péri; le sultan seldjoukide Izz ad-Din Kilidj-Arslan leur livra bataille, mais il fut mis en déroute et forcé de se réfugier à Koniah.[302] Les Allemands attaquèrent cette ville et ils incendièrent ses marchés. De là ils marchèrent sur Tarsoûs[303] dans l'intention de se rendre à Jérusalem et de reprendre au sultan la ville et les forteresses qu'il leur avait enlevées ; leur empereur mourut dans cette ville. Son fils lui succéda et marcha sur Antioche ; le sultan envoya dans cette ville la plus grande partie des troupes qui se trouvaient avec lui occupées à la lutte devant 'Akkâ et une épidémie très grave s'abattit sur les soldats qui restaient avec lui.
Le sultan ordonna de démanteler Tibériade, Jaffa,[304] Arsoûf,[305] Césarée, Saïdâ et Djobaïl. Ces villes furent rasées et on transféra les gens qui les habitaient à Bairout. Les Francs recouvrèrent l'espérance de vaincre le sultan à cause du petit nombre de troupes qui restaient avec lui. Ils montèrent à cheval, l'attaquèrent et pillèrent la lente (ôtak) d'al-Malik al-'Adil. Les Musulmans et les Francs se livrèrent un combat dans lequel ces derniers furent mis en fuite et repoussés jusque dans leur camp ; ils perdirent mille des leurs dans cet engagement. De plus, leurs effectifs diminuaient de jour en jour, sans qu'ils reçussent de renforts ; malgré cela ils dressèrent des mangonneaux contre 'Akkâ et le sultan se retira jusqu'à Kharroubah. — Il reçut une lettre de l'empereur de Constantinople[306] lui annonçant qu'il avait reçu le menber que le sultan avait envoyé, et l'arrivée du khatib et des muezzins; il l'informait en même temps que l'on faisait la khotba dans la vieille mosquée de Constantinople au nom du khalife an-Nasir.
Le fils de l'empereur d'Allemagne partit d'Antioche et marcha sur Tarabolos avec son armée; de là, il se rendit par mer à 'Akkâ où il arriva le sixième jour du mois de Ramadhan. Il y séjourna jusqu'au moment de sa mort, le douzième jour du mois de Dhou’lhiddjeh après avoir combattu contre les Musulmans et sans avoir remporté de succès décisif.
L'hiver arriva ; la guerre[307] traînait en longueur et les troupes étaient fatiguées des combats incessants qu'elles avaient à livrer; le prince de Sindjar, le prince du Djézireh et le prince de Maûsil quittèrent l'armée.
Cette même année mourut Saïf ed-dauleh Abou’l Maimoûn-Moubarak-Kâmil ibn Mounkidh, inspecteur des bureaux au Caire.
Al-Malik ath-Tahir, prince d'Alep quitta (l'armée) et al-Malik al-Mothaffar s'en retourna à Hamâh, de sorte que le sultan resta à la tête d'un petit nombre de troupes.
La lutte continua entre la garnison d’Akkâ, commandée par l'émir Bahâ ad-Din Karâkoush et les Francs.
Le printemps étant arrivé, les troupes revinrent auprès du sultan ; mais les Francs reçurent également des renforts et réduisirent 'Akkâ a la dernière extrémité ; ils poussèrent le siège avec la plus grande vigueur et dressèrent des mangonneaux pour battre la ville. Cette lutte se prolongea jusqu'au moment où les Francs s'emparèrent d’Akkâ, le vendredi dix-sept de Djoumada second.[308]
Ils firent prisonniers tous les Musulmans qui s'y trouvaient, au nombre de quelques milliers. Ils firent ensuite une sortie pour lutter contre les Musulmans, mais le sultan tomba sur eux et les mit en pleine déroute.
Il y eut alors des pourparlers en vue de la paix et de la mise en liberté des prisonniers, mais ils n'aboutirent pas. Le vingt-septième jour du mois de Redjeb, les Francs sortirent de leurs tentes, firent amener les prisonniers musulmans, et se ruèrent tous ensemble sur ces infortunés qu'ils tuèrent jusqu'au dernier. Les avant-postes musulmans faisaient face aux Francs; les soldats qui en faisaient partie se précipitèrent sur eux et une terrible bataille s'engagea dans laquelle les deux partis perdirent du monde.
Au commencement du mois de Chaban, les Francs partirent pour se rendre à 'Ascalon; le sultan leva son camp et se mit à leur poursuite. Le quatorzième jour du mois, il les rencontra à Arsouf ; les Musulmans furent mis en déroute, mais Salah ad-Din tint ferme jusqu'à ce que les troupes se fussent ralliées autour de lui; il ramena ses troupes au combat et força les Francs à aller se réfugier derrière les murs d'Arsoûf. Le dix-neuvième jour du même mois, Salah ad-Din décampa, il vint camper à 'Ascalon dans l'intention de la saccager pour en rendre la défense impossible; il divisa les tours entre les émirs[309] ; les habitants crièrent et pleurèrent de douleur et de rage en voyant détruire leur ville. C'était, en effet, une des plus belles cités qui existassent alors, car elle était bien bâtie, bien fortifiée, et il était très agréable d'y vivre. La ville fut rasée et incendiée sans interruption jusqu'à la fin du mois de Chaban.
Le hâfith 'Abd al-'Athim al-Mundiri[310] dit ce qui suit dans son livre intitulé al-Mo'djem-al-Mutardjem : « J'ai entendu l'illustre émir Abou-Zain ad-Din 'Abd-Allah Abou’l Mansour-al-Banyâsî an-Nasiri,[311] raconter le fait suivant : Quand nous démolîmes la ville d'Ascalon[312] on me donna à détruire la tour du Couvent (Bordj-az-zaviyyah); ce fut Khatlidj al-Mo'izzi(?)[313] qui exécuta cet ordre; nous y trouvâmes une inscription relatant l'époque à laquelle elle avait été bâtie et l'inscription gravée par ordre de Khatlidj; ce fut une des choses les plus extraordinaires qu'il me fut donné de voir. Voici ce que m'a raconté à ce sujet le kadi Abou’l Hasan Ali ibn Yahya al-khâtib : J'ai vu à 'Ascalon la tour appelée la Tour du Sang (Bordj-ad-damm); ce fut Khatlidj al-Mo'izzi qui la rasa au mois de Chaban de cette année. J'ai vu sur cette tour une inscription qui était ainsi conçue : La construction de cette tour fut ordonnée par notre maître très glorieux, l'émir des armées, et fut exécutée par son esclave et son officier Khatlidj au mois de Chaban. » Cet émir des armées est Badr.[314] Je fus stupéfait de cette concordance, ainsi cette tour avait été construite au mois de Chaban par un Khatlidj et elle fut détruite en Chaban par un Khatlidj. »
Le sultan partit d'Ascalon quand cette ville eut été complètement détruite, le second jour du mois de Ramadhan ; il vint camper à Ramla; il en rasa la forteresse et abattit l'église de Lydda.[315]
De là il se rendit à Jérusalem avec une petite escorte. Il revint ensuite raser la forteresse de Natroûn. Durant ce temps, il y eut entre les Musulmans et les Francs quelques combats tant sur terre que sur mer. Le dernier jour du mois de Dhoû’lka’dah, le sultan rentra à Jérusalem et Abou’l Hidjâ-as-Samin arriva avec l'armée égyptienne; Salah ad-Din mit la plus grande activité à réédifier les murailles de Jérusalem et à en faire creuser le fossé.
Cette année moururent : 'Alam ad-Din Soleïman ibn Haidar, le dernier jour du mois de Dhou’lhiddjeh; — al-Malik al-Mothaffar-Takî ad-Din Omar ibn Nour ed-dauleh Shâhânshâh ibn Ayyoub ibn Shâdî, prince de Hamâh.[316] C'est lui qui constitua en wakf les belvédères de Maks à Misr pour en faire un collège. Il mourut à Hamâh dans la nuit du vendredi, neuvième jour du mois de Ramadhan et fut inhumé dans cette même ville; — Nadjm ad-Din Mohammad ibn al-Mouvaffik ibn Sa’id ibn 'Ali ibn Hosain ibn 'Abd-Allah-al-Khorastâni, le juriste shafi'i, le Soufi, le mercredi vingt-deuxième jour du mois de Dhoû’lka’dah ; il fut enterré dans le quartier de Karâfa.
Cette même année, le commandement de l'escadre de Misr fut donné à al-Malik al-'Adil et on y engagea tous ceux qui voulurent y prendre du service. On perçut comme à l'habitude les revenus qui provenaient de la dîme à Misr, des prisons militaires dans la Haute et la Basse Egypte, de la fabrication du natroun[317] et de l'impôt foncier et des autres taxes analogues,[318] les revenus du Delta (sàhil-al-shatt), des vaisseaux appartenant au divan[319] ; des villes d'Esné et Tanbadha.[320] Al-Malik al-'Adil eut besoin de quel qu'un qui l'aidât à s'acquitter des fonctions qui lui avaient été con fiées et il plaça au sous-secrétariat d'état de la marine (divân-al-ostoûl), Safi ad-Din 'Abd-Allah ibn Shâkir……………………..
Cette année, la crue du Nil fut extrêmement forte, de telle sorte que les campagnes environnantes furent complètement submergées. Cela fit considérablement renchérir les vivres en Egypte. Le blé se vendit trente dinars les cent ardebs, le pain recuit[321] arriva à valoir un quart de dirhem les six ritls, les dates fraîches en grappes et les bananes un dirhem les six ritls; les grenades de qualité supérieure un dirhem le cent; une charge de concombres deux dirhems; huit ritls de figues se vendaient un dirhem; six ritls de raisin un dirhem. Cette crue se produisit au mois de Bâbah deux mois après l'époque habituelle[322] ; cinq ritls de jasmin se vendaient un dirhem, dix ritls de fruits de henné un dirhem; les dattes vertes de première qualité valaient un dirhem les dix ritls, et celles de second choix un dirhem les quinze ritls. — On continua à Misr et au Caire les préparatifs de guerre, et l'escadre musulmane s'empara d'un navire de guerre dans lequel il y avait vingt-deux mille boucliers (?)... — cette même année, il y eut en Egypte un tremblement de terre, et un violent coup de simoun s'abattit sur le pays ; l'ouragan souffla pendant trois jours ; cela fit périr toutes les plantes qui avaient échappé à l'inondation. Le voile[323] de la grande mosquée de Maks fut mis en pièces par suite de la violence du vent et on craignit même que la mosquée ne fût renversée; on donna immédiatement l'ordre d'entreprendre sa réfection.
Au commencement de cette année, le sultan se trouvait à Jérusalem poursuivant avec énergie la reconstruction de la ville. — Le troisième jour du mois de Moharram, les Francs vinrent camper devant 'Ascalon dans l'intention de la rebâtir; mais ils ne restèrent pas longtemps dans ce lieu, car une troupe d'Asadis,[324] parmi lesquels se trouvait Yâzkoûdj et d'autres de ses compagnons tombèrent sur eux et leur livrèrent plusieurs combats.
Au mois de Safer, al-Malik al-Afdal-Nour ad-Din 'Ah, fils du sultan, partit pour se rendre dans les Provinces Orientales dans le but de prendre possession de la contrée qui avait appartenu à al-Malik al-Mothaffar Takî ad-Din 'Omar, et il traversa l'Euphrate. A cette occasion, le sultan dépensa vingt mille dinars sans compter les vêlements d'honneur et les habits de gala; mais, sur ces entrefaites, al-Malik al-'Adil Abou-Bakr renonça à tout ce qu'il possédait en Syrie à l'exception de Karak, de Shaubak, de Sait,[325] de la Balka et de la moitié de ses domaines en Egypte, et il reçut en échange les Provinces Orientales. Il partit de Jérusalem dans les premiers jours du mois de Djoumada premier ; al-Malik al-Afdal fut rappelé et revint auprès du sultan le cœur plein de colère. Al-Malik al-'Adil se rendit à Harrân et à Édesse, il arrangea les affaires de ces villes et s'en revint auprès du sultan à la fin du mois de Djoumada second.
Durant ce même mois, les Francs s'emparèrent de la forteresse de Dâroum;[326] l'armée égyptienne partit pour rejoindre le sultan, mais les Francs l'attaquèrent en route et lui enlevèrent tout ce qu'elle possédait. Les soldats se dispersèrent dans le désert; les Francs firent cinq cents prisonniers et s'emparèrent d'environ trois mille chameaux; après quoi ils retournèrent à leur campement. Les Francs se crurent assez forts pour tenter une marche sur Jérusalem, mais la discorde se mit parmi eux; ils vinrent camper à Ramla et envoyèrent des ambassadeurs au sultan pour lui demander la paix. Le sultan Salah ad-Din partit de
Au mois de chewâl de l'année 588, Salah ad-Din partit de Jérusalem pour se rendre à Damas après avoir observé, ainsi que tous les Musulmans qui étaient avec lui, le jeune du mois de Ramadan. Il avait alors quinze fils en état de monter à cheval et de le suivre; c'étaient al-Malik el-Aziz Othman à qui il réserva la souveraineté de l'Egypte, de Jérusalem et de la province qui en dépend ; ce prince régna après lui pendant cinq ans et demi; al-Malik al-A'azz Yakoub, al-Malik al-Mouayyad Massoud, al-Malik Fath ad-Din Ishak, al-Malik-al-Djavâd-Ayyoub, al-Malik ath-Tahir-Ghazi à qui il donna la souveraineté d'Alep et de la province qui en dépond, al-Malik al-Amal 'Ali qui fut souverain de Damas, al-Malik al-Mostamir (ou Moushammer) Khidr, al-Malik az-Zahir-Daoud; les autres Tourânshâh, Shâhânshâh, Malik Shah, Ahmad, Abou Bakr, étaient encore en bas âge.
Jérusalem, le dixième jour du mois de Redjeb et marcha sur Jaffa qu'il vint assiéger. Il attaqua sans discontinuer les Francs qui s'y trouvaient et finit par emporter la ville d'assaut, ses troupes y firent un butin considérable. Le sultan prit possession de la citadelle et en fit sortir la garnison franque. Sur ces entrefaites un renfort considérable de Francs arriva sur une flotte de cinquante navires ; les habitants de Jaffa venaient justement de surprendre un détachement de Musulmans ; le combat recommença, les navires des Francs étant en vue de la côte et n'ayant point encore accosté. Les équipages firent force de voiles et débarquèrent ; les Francs se précipitèrent sur le sultan qui dut reculer jusqu'à Yâzour.[327]
Salah ad-Din ordonna de détruire cette ville et marcha sur Ramla, puis sur Jérusalem. Il voulait marcher contre les Francs, mais les officiers furent d'un avis tout différent, et quelques-uns d'entre eux allèrent même jusqu'à manifester leur opinion d'une façon irrespectueuse ; cela le détermina à abandonner son projet. L'armée égyptienne étant arrivée,[328] le sultan partit pour Ramla, et la paix fut signée entre lui et les Francs le vingt-deuxième du mois de Chaban. On conclut une trêve générale sur terre et sur mer pour une durée de trois ans et trois mois, cette période devant commencer le onzième jour du mois de chewâl, date correspondant au premier jour du mois d'Elul.[329] Les clauses en étaient que les Francs posséderaient toute la côte depuis Jaffa jusqu'à 'Akkâ, Sour, Tarâbolos et Antioche. On fit dans le campement[330] et dans les quartiers des troupes la proclamation suivante :
« La paix vient d'être conclue ! quiconque voudra sortir de son pays pour entrer dans le nôtre, qu'il le fasse! Quiconque voudra sortir de nos états pour rentrer dans les siens, qu'il le fasse également! »
Le jour de la conclusion de cette paix fut un jour mémorable, et on se réjouit des deux côtés d'être arrivés à cet heureux résultat, caries Francs aussi bien que les Musulmans étaient fatigués de la longueur de la guerre. Les soldats Francs se mêlèrent aux troupes musulmanes et plusieurs Musulmans partirent à Jaffa pour s'y livrer au commerce. Un grand nombre de Francs entrèrent à Jérusalem pour y faire un pèlerinage; le sultan les reçut avec beaucoup de distinction, les invita chez lui et leur donna un grand festin. Les souverains des Francs partirent pour 'Akkâ et le sultan partit de Jérusalem pour se rendre à Damas. L'émir Bahâ ad-Din Karâkoush vint le rejoindre après avoir accompli ce qu'il avait à faire à Tibériade.
Le vingt-cinquième jour du mois de chewâl, le sultan fit son entrée à Damas dont il avait été absent durant quatre années, et il permit à ses troupes de se séparer et de rentrer dans leurs foyers; les soldais se mirent en marche, mais son fils al-Malik al-Afdal et le kadi al-Fâdil restèrent auprès du sultan. — Cette année, le prix des fèves passa en Egypte de quinze dinars à trente dinars les cent ardebs, parce qu'on en avait acheté cinquante mille ardebs rien que pour la consommation de la maison d'al-Malik al-'Adil.[331] — Cette année, on apprit l'existence d'un homme qui se disait être 'Abd-al-Ahad, le fils d'Hasan, fils du khalife fatimide al-Hafith-li-dîn-Allah. On le mena devant al-Malik el-Aziz, au Caire. Le prince lui dit : « Tu prétends être le khalife? » — L'individu lui répondit que oui : — « Où étais-tu alors durant cette période de temps?[332] » Il affirma que sa mère était parvenue à le faire sortir du palais et qu'il s'était rendu à Tanbadha[333] où il était resté caché. Il en était ensuite parti dans l'intention de se rendre au Caire ; un homme lui avait donné l'hospitalité et lui avait conseillé de réclamer le Khalifat; il s'était alors rendu dans différents endroits et avait promis de donner des fiefs a ceux qui consentiraient à le reconnaître comme khalife; il fut mis en prison.
On apprit également que plusieurs des membres de la famille du vizir avaient essayé de soulever une émeute au Caire; le vizir et ses parents furent jetés en prison. — Cette année on arrêta que le divan particulier du sultan serait de 354.444 dinars. — Cette année, mourut Djémal ad-Din al-Malaki-Moussa, fils de Mamoun al-Boslândji (?), qui composa un ouvrage intitulé Sirat-al-mâmouniyya, le seizième jour du mois de Djoumada premier au Caire, il était le dernier représentant de sa famille. — Ou s'occupa activement de creuser le fossé entre la Porte des Victoires (Bâb-al-fotouh) jusqu'à Maks. — On écrivit de transférer plusieurs des serviteurs de la dynastie fatimide qui étaient emprisonnés dans l'Iwân[334] et dans l'hôtel connu sous le nom de Dar-al-Mothaffar, à Sarkhad pendant la nuit pour que personne ne s'en aperçût. — On ordonna également d'évacuer la ville de Tinnis et d'en transférer les habitants à Damiette, de couper les arbres des jardins de Tinnis[335] et d'en faire sortir les femmes. Tinnis resta sans aucune population, sauf quelques soldats. On creusa le fossé de Damiette et on fit un pont près de la Tour de la Chaîne. — On répandit à plusieurs reprises de fausses nouvelles dans les deux villes de Misr et du Caire, et le prix des denrées s'éleva. — On reçut du Yémen une lettre dans laquelle il était écrit qu'il y avait en Abyssinie[336] trois fleuves qui se séparaient après avoir traversé un lac Çadbai) ; l'un d'eux était d'eau saumâtre, le second de lait, le troisième de sang.[337] — Cette année mourut Kilidj-Arslan ibn Massoud ibn Kilidj-Arslan ibn Soleïman, prince de Koniyya; il venait d'être battu par le prince de Sivas et d'Aksarai;[338] il mourut au mois de Chaban et eut pour successeur son fils Ghiyâth ad-Din Kai-Khosrav ibn Kilidj-Arslan. Ses frères gardèrent les fiefs qu'ils possédaient depuis le règne de leur père ; mais ces princes se brouillèrent : Kotb ad-Din fut attaqué par son frère Rokn ad-Din Soleïman, prince de Wakas, qui s'empara de Sivâs, d'Aksarâi, et de Kaisariyya;[339] Rokn ad-Din enleva ensuite Koniyya à Ghiyâth-ad-Din, qui s'enfuit et se réfugia à Alep.[340]
Au commencement de cette année, le sultan se trouvait à Damas, et al-Malik al-'Adil se dirigea vers Karak. — Al-Malik al Mo'izz Ismâ’îl ibn Saïf-al-Islâm Tahir ad-Din Toughatikin arriva du Yémen au milieu du mois de Safer, ce qui causa la plus vive joie au sultan. — Durant la nuit du samedi, seizième jour du mois, il fut atteint d'une indisposition; le samedi, il ordonna à son fils al-Malik al-Afdal d'aller présider le repas à sa place, ce que celui-ci fit. La maladie s'aggrava pendant onze jours, et le sultan fit prêter serment à son fils al-Malik al-Afdal; son état empira encore jusqu'à la nuit du mercredi, vingt-septième jour du mois de Safer, ce qui était la douzième nuit de sa maladie; il mourut après la prière du matin de ce même mercredi. Al-Malik al-Afdal monta à cheval et alla parcourir les rues pour consoler la population de la ville.
Le sultan Salah ad-Din (qu'Allah lui fasse miséricorde !) était un homme de la plus grande modestie, se plaisant à fréquenter le peuple, doué des plus grandes qualités, affable à l'excès, aimant les gens versés dans le droit et la connaissance de la religion, auxquels il témoignait toutes sortes d'égards, et qu'il conviait à ses réceptions. Beaucoup de poètes ont chanté ses louanges et vinrent à sa cour de tous les pays du monde; il était extrêmement attaché à la loi musulmane, et il avait étudié les traditions (hadith) sous la direction d'Abou’l Hasan-Ali ibn Ibrahim ibn al-Musallam, d'ibn Bint-Abou Sa'd, d'Abou Mohammad ibn Bari-al-Nahvi, d'Abou’l Fath Mahmoud ibn Ahmad-al-Saboûnî, d'Abou’l Tahir ibn al-Salifi; d'Ibn 'Aüf et de bien d'autres docteurs.
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Cette année,[341] fut tué Thoghril ibn Arslan ibn Thoghril, fils du sultan Mohammad, fils de Malik Shâh, fils d'Alp-Arslan, fils de Djagri-beg, fils de Mïkâïl, fils de Seldjouk, le vingt-quatrième jour du mois de Rabi premier ; ce fui le dernier des princes de la dynastie seldjoukide qui régna en Perse (Adjam) ; le premier avait été Thoghril-beg, fils de Mïkâïl; cette dynastie avait duré cent cinquante-huit années.
(suite)
[1] Histoire des Sultans Mamluks de l'Egypte, écrite en arabe par Takî-eddin-Ahmed Makrizi, traduite en français et accompagnée de notes philologiques, historiques et géographiques par M. Quatremère, membre de l'Académie des Inscriptions et belles-lettres. Paris, 1837 et 1840, 2 vol. in-4°. Le lecteur trouvera dans la Préface de cet ouvrage une biographie très complète de Takî ad-Din Ahmad-al-Makrizi.
[2] Cette traduction sera continuée, par la suite, à partir du règne d'al-Malik al-Mothaffar Rokn ad-Din Baybars-al-Djashniguir, connu dans l'Egypte sous le nom de Baybars II.
[3] En 1317, le général mamlouk Kourt-bey insulta Selim-Khan, vainqueur du sultan Touman, on lui disant que son succès n'était dû qu'à son artillerie et non à sa valeur : « Du temps d'al-Malik al-Ashraf-Kansouh-al-Ghaurî, dit-il, un magrébin est venu apporter des boulets au Caire, mais le sultan repoussa ces offres avec horreur. N'est-il pas un meurtrier celui qui tue de loin sans oser regarder son ennemi en face? » Les paroles rappellent les beaux vers que l'Arioste fait prononcer par Roland au chant IX, § 91, de l’Orlando furioso :
Ο maladetto, ο abbominoso ordigno
Che fabricato nel tartareo fondo
Fosti per man di Belzebu maligno
Che ruinar perte disegno il mondo;
A l'inferno, onde uscisti, ti rassigno.
[4] Quatremère, Mémoires géographiques et historiques sur l'Egypte et quelques autres contrées voisines. Paris, 1811, tome II, p. 405.
[5] A l'avènement d'Aïbec au trône d'Egypte, la Syrie jusqu'à l'Euphrate appartenait à al-Malik an-Nasir Salah ad-Din Yousouf, à l'exception des trois villes de Hamâh, Homs et Karak ; Homs était la propriété d'al-Malik al-Mansour-Nasir ad-Din Mohammad ibn Mahmoud ibn Mohammad ibn 'Omar ibn Shâhânshâh ibn Ayyoub. Al-Malik al-Moughîth-Fath ad-Din 'Omar, fils du sultan d'Egypte, al-Malik al-'Adil Abou Bakr, fils du sultan d'Egypte al-Malik al-Kâmil Mohammad, était souverain de Karak et de Shaûbak; al-Malik al-Ashraf-Mothaffar ad-Din Moussa ibn Ibrahim ibn Shirkouh ibn Mohammad ibn Shirkouh ibn Shâdî régnait à Tell-Bachir, Rahbah et Tadmor (Palmyre) ; Mayyafarikîn et le Diyâr-Bakr appartenaient à al-Malik al-Kâmil-Nasir ad-Din Mohammad ibn al-Malik al-Mothaffar-Schihâb ad-Din Ghazi, fils d'al-Malik al-'Adil Abou Bakr ibn Ayyoub. (Abou’l Mahâsin, Egypte, ms. arabe 1780, fol. 160 v°). Telles étaient encore les possessions des ayyoubides après la perte de l'Egypte, qui, s'ils avaient su s'y prendre et s'allier, n'aurait pu être que temporaire, car le règne d'Aïbec et de son fils furent continuellement troublés par des émeutes.
[6] M. Silvestre de Sacy cite, dans sa Chrestomathie arabe, vol. III, 2e partie, un passage de l'Histoire des khalifes de Djalal ad-Din 'Abd-ar-Rahman-al-Soyoûti, intitulée Husn-al-mohâdarah-fî-akhbâr-Misr-wa-'l-Kâhirah, qui explique ce qu'il faut entendre par les titres : sultan, très grand sultan et sultan des sultans. « Voici comment s'exprime Ibn Fath-Allah dans son Itinéraire : « Ali, fils de Saïd, dit-il, nous apprend que dans sa signification propre, consacrée par l'usage, le titre de sultan n'appartient qu'à un souverain qui a des rois dans sa dépendance et qui est par là roi des rois; il faut qu'il possède un état tel que l'Egypte, ou la Syrie, ou l'Afrique proprement dite, ou l'Espagne, et que son armée monte à six mille cavaliers ou environ. S'il possède des états plus considérables, ou s'il peut mettre sur pied une armée plus nombreuse, il occupe un rang plus distingué parmi les Sultans, et on peut le qualifier de très grand sultan. Si on fait la khotba en son nom dans une étendue de pays telle que l'Egypte, la Syrie et la Mésopotamie réunies, ou telle que le Khorasan avec l'Irak-Adjémi et la Perse, ou enfin, telle que l'Afrique proprement dite, le Maghreb du milieu et l'Espagne, son titre est sultan des sultans; tels sont les Seldjoukides. » Il y a dans ce passage une légère inexactitude qui tient à l'époque où il a été écrit. S'il est vrai que le titre de sultan ne se donnait qu'à un souverain suzerain de rois; celui de très grand sultan et de sultan des sultans ne dépendait pas de l'étendue des domaines d'un prince, mais uniquement du fait que celui qui le portait avait des sultans comme vassaux. Cela n'est, d'ailleurs, vrai que dans le principe, car tous ces titres ont bientôt perdu leur valeur absolue et intrinsèque, pour en prendre une de convention.
[7] Je ne tiens pas compte des poètes dont les historiens citent continuellement des fragments ; cela ne ferait qu'étendre indéfiniment la liste des sources des chroniqueurs égyptiens et d'une façon bien inutile, car il est extrêmement rare que ces vers aient une valeur historique quelconque.
[8] Hadji-Khalfa (VI, 338, 13751), sous le titre Nuzhat-al-nafoûs-wa'-l-abdân; le catalogue des manuscrits de Paris indique à tort comme limites de cette chronique les années 786 à 870(1382-1485 de J.-C).
[9] Ces manuscrits portent les numéros DCLXXXIX, DCCXXIV, DCCXXIX et DCCLI. Bibliothecae Bodleianae codicum manuscriptorum orientalium catalogus a Joanne Uri confectus. Oxonii, e typographeo Clarendoniano MDCCLXXXVII.
[10] M. le docteur Margoliouth a bien voulu me communiquer le commencement de la copie du Soloûk qu'il avait exécutée sur les manuscrits d'Oxford.
[11] Le Mofarradj de Djémal ad-Din ibn Wasil, le Mirât-az-Zamân de Sibt-al-Djaûzî, la Chronique d'Alep par Ibn ab-'Adim; l’Egypte, par Abou’l Mahâsin, etc.
[12] Litt. « les maîtres des drapeaux et des étendards », autrement dit les chefs d'armée et les souverains.
[13] Pour l'intelligence de cette phrase, se reportera l'Introduction.
[14] Cette division de la terre ne répond pas à celle qui est généralement adoptée par les géographes et les mathématiciens musulmans, tels qu'Aboulféda, Yakout et les autres. D'après cette dernière, le quart habitable de la terre, c'est-à-dire, environ la moitié de l'hémisphère nord de la sphère terrestre est divisée en sept zones par des cercles parallèles à l'équateur, et chacune de ces zones est nommée climat (iklîm). La division adoptée par Makrizi est toute différente et dérive directement du système cosmogonique du Mazdéisme, la religion de la Perse à l'époque sassanide ; dans ce système, il y a également sept climats nommés karshvare en zend, kishvar en pehlvi et en persan ; le climat centrai nommé Hvaniratha, en pehlvi Khvaniras comprend la Perse et les pays iraniens, à lui seul il a une superficie égale à celle des six autres climats qui sont rangés autour de lui comme les pétales d'une fleur. On trouvera dans le Bulletin de l'Académie d'Hippone, année 1898, une étude sur ce point.
[15] Suivant leur habitude, les historiens musulmans ont confondu dans l'appellation de Sabéens des éléments religieux qui n'ont rien à voir ensemble Massoudi, l'auteur du Moroudj-ez-zeheb et du Kitab-at-tenbîh, nous apprend qu'il y a quatre sortes de Sabéens :
1° Les Chaldéens ou Babyloniens, qui habitent quelques villages dispersés entre Vasith et Bassora;
2°Une secte grecque qui semble être une secte de néo-platoniciens; ils se retournaient au Levant pour prier;
3° Les Sabéens d'Egypte autrement appelés Harraniens, du nom de la ville de Harrân; ils se tournaient vers le midi pour faire leurs dévotions; ils ne mangeaient ni porc, ni poulet, ni ail, ni haricots;
4° Les Tasmina, qui sont les Sabéens de Chine et qui suivent les dogmes d'un homme nommé Youdasf ou Boudasf.
Il est évident, à première vue, que la seconde et la quatrième de ces sectes n'ont rien à voir avec le Sabéisme, la seconde étant, suivant toutes les vraisemblances, d'origine hellénique et la quatrième représentant, comme on va le voir bientôt, les disciples du Bouddha Sakya Mouni. Dans les deux autres sectes, les Musulmans ont encore confondu des religions et des croyances extrêmement différentes; tout d'abord, la religion de l'ancien royaume de Saba dans le Yémen, dont la légende se rattache d'un côté, par la reine Belkis, à l'histoire de Salomon, et de l'autre par les Négus à l'Abyssinie. Ce fut avant l'Islam et à partir d'une époque qu'on ne saurait dire au juste, une des civilisations les plus puissantes et les plus avancées de la péninsule arabique, tellement que Mahomet la met sur le même plan que le Judaïsme et le Christianisme. Elle disparut avant l'Islam, sans laisser d'autres traces que son nom et de nombreuses inscriptions que le sable du désert a peu à peu recouvertes et que l'on exhume aujourd'hui, sans toujours les comprendre de ce qui fut les capitales du royaume de Saba. Peu de temps après l'avènement des Abbassides, le khalife Mamoun se rendit à Harrân, vieille cité chaldéenne où s'était formée du mélange de la religion des anciens empires de Chaldée et du syncrétisme grec, une religion étrange où les astres étaient les principales divinités. Le khalife Mamoun était, paraît-il, un homme d'ordre, moins intolérant qu'on serait porté à le supposer, mais qui entendait que chacun appartint à une forme religieuse bien définie et officiellement reconnue ; il entendit parler des adorateurs des astres et comme il ne voyait pas au juste à quoi cela correspondait, il se fit présenter les chefs de la secte et il leur demanda le nom de leur religion. Ceux-ci, sachant que le khalife n'aimait pas les innovations en matière religieuse, imaginèrent de dire qu'ils étaient Sabéens. Cela parut suffisant au Commandeur des Croyants qui n'alla point chercher et pour cause, si les gens de Harrân adoraient bien les mêmes divinités que les sujets de la reine de Saba. C'est ainsi que le nom de Sabéisme passa à une religion eschatologique toute différente de celle du Yémen.
A l'autre extrémité de l'Euphrate il y avait une autre secte, qui se disait aussi Sabéenne, et qui n'avait rien à faire ni avec le Sabéisme ancien, ni avec la religion de Harrân ; c'était une secte chrétienne connue sous le nom de Chrétiens de Saint Jean; dans laquelle on attribuait une importance considérable au renouvellement du baptême. Il est très possible que ces Sabéens du bas Euphrate soient les descendants de la secte des Esséniens, à laquelle Saint Jean-Baptiste paraît bien avoir été affilié; on possède de leurs livres sacrés; ils sont écrits dans un araméen très corrompu qui a reçu le nom spécial de mandéen.
On voit donc qu'en réalité ce nom de Sabéen recouvre cinq formes religieuses absolument différentes et n'ayant, on peut le dire, aucun point de commun ; Quant aux Tasmina, qui habitent la Chine, il est certain que leur nom est tiré à l'aide de la syllabe formative ta- que l'on retrouve à la cinquième, sixième, huitième et dixième forme de la conjugaison arabe d'une racine samana. Cette racine signifie « être gras, onctueux comme du beurre », ce qui ne donne pour tasmina qu'un sens des plus médiocres. Il en va tout différemment si l'on admet que ce terme est la transcription d'un mot étranger à l'arabe, soit chinois, soit indien. On ne voit pas trop quel mot chinois pourrait se dissimuler sous samana, tandis qu'il est évident qu'il est la transcription très exacte du mot pali samana « ermite, prêtre bouddhique » dérivé du mot sanscrit çramana « ascète, dévot ». Les Tasmina ne sont donc autres que les samana cités dans les écrivains grecs, en particulier par Mégasthènes sous la forme Σαμαναίοι. On sait que de ce même mot dérive un mot turco-mongol, shaman qui dans les dialectes kirghizes et Kiptchaks désigne les sorciers qui servent de prêtres aux hordes errantes à travers l'immensité de la steppe asiatique. Si les Tasmina sont les Bouddhistes, il est à présumer que leur divinité Youdasf ou Boudasf n'est autre que le Bouddha. C'est ce que l'illustre Sylvestre de Sacy a été le premier à mettre en lumière d'une façon indiscutable. Ce n'est évidemment pas le nom du Bouddha qui se cache sous cette transcription, car il se retrouve en pehlvi et persan sous la forme Bût (v. l’Avesta de James Darmesteter et ses critiques dans Revue archéologique, année 1898); c'est le mot pehlvi Boutasp, que l'on trouve dans le Bundehesh (ibid.) et qui dérive manifestement d'un des noms de Sakya-Moum, Bodhisattva « celui qui a atteint à la science suprême. » Les personnes qui connaissent l'écriture arabe verront immédiatement comment les formes Youdasf et Boudasf sont nées d'une fausse lecture de la transcription arabe du mot sanscrit Bodhisattva et je n'insisterai pas plus longtemps sur ce point. C'est par cette λ oie que le nom du Bodhisattva, transcrit Youdasf, ou Youzasf, ce qui dans l'écriture persane revient au même, est arrivé après une série de métathèses, à la forme Josaphat et que ce Josaphat, autrement dit le Bouddha, est devenu un saint de l'église catholique, ce qui est une singulière destinée pour le fils du roi Çuddhodana. C'est le nom du Bouddha sous une forme encore plus altérée que l'on retrouve dans Firdousi ; ce poète raconte que c'est sous le règne de Tahmouras qu'un nommé Shodasp a introduit l'habitude du jeûne ; il faut évidemment lire Boudasp qui dans l'écriture arabe diffère à peine de Shodasp; la preuve en est que d'autres auteurs donnent à ce personnage le même nom de Boudasf ou Youdasf qu'on a vu un peu plus haut. Il proclama que le souverain bien était dans les deux et que c'étaient les astres qui dirigeaient le monde; ses doctrines séduisirent beaucoup d'esprits faibles et les auteurs musulmans prétendent que c'est lui qui inventa le Sabéisme des Harraniens et des Chaldéens ; il n'y a évidemment pas à s'attacher à ces identifications dont les historiens musulmans sont coutumiers et qui prouvent uniquement leur fureur de faire, à tout propos et sans raison, des synchronismes qui leur permettent de ramener toutes les civilisations de l'ancien monde autour d'un seul centre. J'ai fait allusion tout à l'heure au célèbre roman de Barlaam et Josaphat, ou ce qui est encore plus proche du nom indou du Bouddha, de Barlaam et Joasaph; peut-être le nom de Barlaam recouvre-t-il un nom iranien bien connu, celui de Verethraghna, le Mars iranien, le Vrtrahan du Rig-Véda. Ce nom est devenu Varahran, Varahrâm, Vahram en pehlvi, Bahram en persan avec, dans la dernière syllabe, la chute de l'aspiration -gh- et la transformation de n en m; on sait que le groupe perse r + dentale devient très souvent h+l et l,· ce fait est assez connu pour que je ne prenne pas la peine d'en citer d'exemples; il s'en suit donc que Verethraghna, par suite de l'application de ces différentes lois phonétiques, a pu devenir en pehlvi Varhlam ou Varlham, ce qui, en définitive, est identiquement le nom de Barlaam qui se trouve dans le titre du roman de Barlaam et Joasaph. Si cette hypothèse est vérifiée, il est intéressant de voir le nom du Bouddha, le réformateur pacifique par excellence, associé au nom du terrible dieu de la guerre des Iraniens.
[16] Litt. « ne cessait de faire le bien ».
[17] Ces deux divinités sont Ormuzd, en zend et en perse Ahura-Mazda, et Ahriman, en zend Angra-Mainyu. En réalité, dans le Mazdéisme officiel des Sassanides que l'on connaît par les fragments de l'Avesta et les traités pelhvis qui en dérivent, il n'y avait point deux divinités opposées l'une à l'autre, mais un seul dieu, Ahura Mazda, et un archidémon Angra Mainyu; il est probable qu'il en était de même dans la religion des Achéménides. La doctrine exposée ici par Makrizi est celle de la secte des Dualistes qui se rapproche beaucoup du Manichéisme, si même elle ne se confond pas avec elle. On pourra voir pour plus de détails le Livre intitulé l'Oulamâ Islam dans la Revue de l'Histoire des Religions, année 1898.
[18] Une grande partie des tribus arabes était, en effet, avant l'islamisme, convertie à la religion du Christ. Les Ghassanides qui furent les alliés fidèles des Césars de Byzance dans leurs luttes contre l'empire sassanide se convertirent au Christianisme aux environs du commencement du ive siècle de notre ère et ils ne cessèrent de lutter avec acharnement contre les Lakhmides de Hira, leurs frères de race, qui eux, étaient complètement inféodés à la Perse. C'est à peu près à la même époque que les Himyarites embrassèrent le Christianisme, mais les souverains sassanides les forcèrent à renoncer à leurs croyances et réduisirent le Yémen à l'état de province persane.
[19] C'est le livre généralement connu sous le nom de Khitât; il traite avec les plus grands détails et une exactitude parfaite de la topographie du Caire et de ses environs. Il s'y trouve une partie historique et c'est à cette dernière que Makrizi fait allusion ici; elle a d'ailleurs assez peu d'importance quand on la compare au récit de Makrizi dans le Soloûk ou d'Aboul-Mahâsin dans le Nodjoum.
[20] Il s'agit évidemment ici des luttes que les Iraniens eurent à soutenir sous la dynastie des Sassanides, et même à des époques bien antérieures contre les populations du Turkestan et contre les Turks des contrées situées au Nord de la Perse. On retrouve dans l'Avesta et dans le Livre des Rois le récit d'ailleurs légendaire de ces guerres ; les chefs turcs contre lesquels les Iraniens eurent à lutter sont nommés Arjasp, en zend Arejat-aspa, le roi des Huns ; Afrasyab, chef des populations qui habitaient dans le pays de Samarcande et de Boukhara; Khoshnavaj, roi ou plutôt khan des Hephtalites. A plusieurs reprises, les attaques et les invasions des Turcs mirent en péril la civilisation de la Perse, mais, grâce à une politique qui savait être intransigeante quand les forces du royaume le permettaient, ou conciliante dans le cas contraire, la Perse se tira toujours sans grand dommage matériel de ces longues luttes au cours desquelles elle risquait de perdre son indépendance.
[21] C'est-à-dire qu'ils n'entreprirent point de guerres pour essayer d'agrandir leur empire. Par Sin il faut comprendre non seulement la Chine dont les Musulmans ne connurent l'existence qu'assez tardivement, mais aussi le pays que l'on connaît en Europe sous le nom de Transoxiane ; l'histoire de l'Inde et de la Chine anciennes n'est pour ainsi dire pas connue des Arabes et des Persans.
[22] Il est intéressant de remarquer l'esprit dans lequel cette phrase a été écrite, on dirait presque qu'elle sort de la plume d'un Chiite et non de celle d'un Sunnite.
[23] Les Deïlémites sont les Bouïdes, dont l'histoire sera exposée brièvement par Makrizi après celle du Khalifat.
[24] Le mot zendik est pehlvi ; c'est l'adjectif régulièrement formé du mot zend, qui désigne en moyen-persan, le commentaire pehlvi de l'Avesta ; ce nom signifie donc « celui qui s'attache au commentaire, à la glose, pour l'opposer, le cas échéant, au texte », comme faisaient les Manichéens, par opposition à celui qui s'en tient à la lettre même du texte. Voir sur ce point le Livre de l’Oulama-i Islam dans la Revue de l'Histoire des Religions de l'année 1898.
[25] Le manuscrit porte « dans Madaïn » ; Madain est, comme l'on sait le nom arabe de Ctésiphon ; je suppose qu'il y a ici une simple faute pour maïdân « hippodrome ».
[26] Littéralement « qui jeta le feu sur la cible »; il s'agit probablement d'une arme à feu portative, réduction des siphons à feu de la marine byzantine qui lançaient le feu grégeois, ou plutôt les divers feux grégeois dont l'un n'était vraisemblablement pas autre chose que la poudre ou une composition détonante analogue.
[27] Shatranj ; les Persans donnent de ce mot une étymologie fantaisiste; ils le décomposent en shad, « joie » et ranj, « douleur » et prétendent que ce nom a été donné à ce jeu, parce qu'il n'y en a pas un qui donne plus de peine à apprendre et plus de joie quand l'on s'en est bien rendu maître. En réalité, ce mot dérive du composé perse catur anga « qui a quatre angles ». On trouve cependant dans les peintures persanes, des reproductions d'échiquiers à huit côtés composés de deux rectangles qui se coupent.
[28] Makrizi, quelques lignes plus tôt, attribue cette innovation à Abou Djafar al-Mansour.
[29] C'est une allusion aux persécutions religieuses qui déshonorèrent le règne de ce khalife; son fanatisme le rendit aussi redoutable aux Musulmans, qu'il voulait convertir de force aux croyances motazallistes, qu'aux Chrétiens.
[30] Wâthik mourut, en effet, d'une hydropisie causé par des excès de table.
[31] Motavakkil abandonna, en effet, les fantaisies motazallistes de son frère.
[32] Peut-être « qui s'occupa seul ».
[33] Les Ghozzes désignent ici les Turcs Seldjoukides dont l'un des chefs était Thoghril Beg. On trouve le nom de Ghozzes appliqué également aux Kurdes ayyoubides ; on lit, en effet, dans le manuscrit arabe 307, fol. 2 r° : « Quand les Ghozzes Kurdes s'emparèrent de l'Egypte, » et plus loin, fol. 3 r° : «par la main des Ghozzes Kurdes », et enfin, fol. 7 r° : « sous la domination des Ghozzes Kurdes ». Ce nom ethnique paraît apparenté à celui de Ouz ou Oudj qui est également appliqué à des tribus d'origine turque; le premier paraît dériver de Oughouz, nom de l'ancêtre mythique des Turcs, par chute de la première syllabe; quant au second, Ouz, il provient sans doute du même nom Oughouz, par suite de la chute de l'aspirée gh qui est tombée avec la voyelle qu'elle portait. Ce fait est constant dans les dialectes turcs et mongols.
[34] Probablement la transcription arabe du nom mazdéen Peshotân.
[35] C'est-à-dire jusqu'aux rois Sassanides de Perse.
[36] C'est-à-dire le même personnage; ‘Imad ad-Din étant le surnom honorifique qui lui fut donné dans la suite.
[37] Qui était gouverneur d'Ispahan au nom du khalife de Bagdad.
[38] Le texte du manuscrit porte une leçon toute différente, suivant laquelle ce serait le khalife qui aurait écrit à 'Ali ibn Boûya et à son vizir Abou 'Ali-Mohammad ibn 'Ali ibn Mokla ; mais on sait qu'Abou-Ali ibn Mokla était non le vizir du prince Bouïde, mais celui du khalife ar-Radi, à qui il avait offert 500.000 dinars pour obtenir cette charge; il fut destitué au bout de quelque temps et remplacé par 'Abd-er-Rahman ibn 'Isa ibn Daoud ibn Djarrâh.
[39] Suit un membre de phrase dont le texte est visiblement altéré et que je ne comprends pas.
[40] Al-Malik al-sayyid-shâhânshâh-al-adjall-al-Mansour-vâli-an-na'm-tddj al-millah…
[41] Le texte porte la leçon inintelligible Fakânat 'asakara (ou 'askar) Bagdad 'Izz-al-Moloûk-Abâ-kâlandjâr... Je lis Fakâna 'asakara Bagdad 'Izz-al-Moloûk-Abou-Râlandjâr; cette correction n'est pas supérieure à celles qu'il faut quelquefois appliquer aux leçons du manuscrit pour obtenir un sens satisfaisant.
[42] Je donnerai dans l'appendice A la traduction de plusieurs passages d'une histoire des Seldjoukides de l'Asie Mineure écrite en persan par Abou-Bekr-Mohammed ibn Ali Ravendi, sous le titre de : Rahet-el-soudour wé rivayet-el Souroûr, en omettant les nombreuses pièces de vers qui sont dispersées dans cet ouvrage et qui n'offrent que peu d'intérêt au point de vue purement historique. Le manuscrit de cette chronique porte aujourd'hui le n° 1314 du Supplément Persan, à la Biblioth. nationale de Pans; il provient de la collection de manuscrits de la collection Schefer.
[43] C'est le même personnage qui est nommé Kotloumish par d'autres historiens.
[44] Litt. « leurs pas y restèrent »; peut-être cette phrase signifie-t-elle : « et ce pays a conservé jusqu'à aujourd'hui les traces de leur passage ».
[45] Litt. « le pays des montagnes », bilâd-al-djabâl.
[46] Le texte emploie ici le mot persan khargâh, « tente » dont l'équivalent turc est otâk.
[47] Le manuscrit porte hâdjibaha, qui signifierait « son chambellan »; il faut lire Sâhibaha, « son prince ».
[48] Le manuscrit porte une leçon inintelligible.
[49] Le manuscrit porte al-dardâr bihâ, qui n'a aucun sens, je lis dizdâr, composé des deux mots persans diz « forteresse », et dâr « celui qui possède ».
[50] Le nom de cet officier est complètement illisible dans le manuscrit.
[51] Il y a dans l'Iran deux villes de Merv, Marv-i Shâhidjihân, « Merv, la reine du monde » et Marvdjoûk, « la petite Merv ». Cette opposition rappelle celle qui se trouve assez souvent en Russie où deux villes portant le même nom sont distinguées par les épithètes de petite et de grande, comme Nijni-Novgorod et Véliki-Novgorod. Plusieurs géographes persans donnent à la ville de Merv dont il est question ici le nom de Marv-i Shahidjân « Merv, l'âme du roi », mais le sens de ce composé est absurde, et il est évident qu'il ne faut voir dans Shahidjân que l'abréviation de Shahidjihân.
[52] Au nom du sultan Sindjar.
[53] Le troisième prince de la dynastie des Atabeks Iltoukouzides ou Pehlevanides, fils d'Iltoukouz, frère utérin du sultan Seldjoukide Arslan-Shah.
[54] A la Mecque et à Médine.
[55] Quand ‘Imad ad-Din Zengui, venant au secours du sultan seldjoukide Massoud, eût été complètement battu par Seldjouk-Shâh, Nadjm ad-Din Ayyoub fit jeter des ponts de bateaux sur le Tigre, ce qui permet à Zengui d'échapper à son vainqueur.
[56] Dans l'histoire des khalifes fatimides, que Makrizi composa avant de se mettre à la rédaction du Souloûk, comme il nous l'apprend dans la préface de cet ouvrage. Cette histoire, qui porte le nom de Itti’âz el honêfâ, est rare, et l'on n'en connaît qu'un seul manuscrit, conservé à la bibliothèque de Leyde.
[57] Voici la liste des souverains asiatiques à cette époque telle qu'elle est donnée par Fadl Allah Rashid ad-Din dans la Djâmi'-at-tévarikh (Ms. Bibl. nat. de Paris, Supp. Persan 209, fol. 91 r°), depuis le commencement de l'année de la souris qui débute au mois de Rabi premier de l'année 563 de l'hégire jusqu'aux derniers jours de l'année de la panthère (youi) qui se termine au mois de Safer de l'année 590, ce qui fait un laps de temps de 27 années du cycle animal mongol.
« Les souverains du Khitâi, du Kara-Khitâî et du Djourdja étaient Lyang-Taizou et Shizoun.
« Les souverains de Mâ-Tchin furent Tem-Sooun-Kaouzoun, Sâouzoun et Loang-Zoûn.
« Dans le Mazandéran, régna Shâh 'Alâ ad-Din Hosaîn-Roustem ibn 'Ali ibn Shahriyâr et dans l'Azerbaïdjan, l'atabek Iltoukouz. En l'année 553 de l'hégire, le prince de Maragha, Ak-Sonkor (le faucon blanc) demanda au khalife la permission de faire réciter la khotba sultanienne au nom du père du sultan Seldjoukide Mohammad ibn Mahmoud-al-Saldjoukî. Cette nouvelle étant arrivée à Hamadhan à l'Atabek Iltoukouz, il envoya son fils Djihan-Pehlevân-Mohammad avec une armée contre Ak-Sonkor. Ak-Sonkor fut battu et courut s'enfermer dans la forteresse de Rouyin-Dîz (la forteresse de cuivre) qui se trouvait sur les frontières de la principauté de Maragha. Djihan-Pehlevân alla l'y assiéger. A la fin, ils unirent par faire la paix et Djihan-Pehlevân retourna à Hamadhan auprès de son père ; cela se passait en 563. En 567, l'Atabek Iltoukouz mourut à Hamadhan et son fils Djihan-Pehlevân-Mohammad monta sur le trône; ce prince atteignit un haut degré de puissance. Quand Ak-Sonkor mourut à Maragha, il eut pour successeur son fils, Falak-ad-Din, qui s'empara de la ville de Tabriz; Djihan-Pehlevân rassembla son armée et il alla assiéger Falak ad-Din dans Rouyin-Dîz en même temps qu'il envoyait son frère Kizil-Arslan mettre le siège devant Tabriz. Les troupes de Maragha ayant fait prisonniers deux, de ses soldats, les conduisirent dans la ville. Le kadi Sadr ad-Din les fit revêtir de beaux vêtements et les renvoya à Djihan-Pehlevân; cette attention lui plut beaucoup et, sur la prière du iddi, il consentit à faire la paix; Tabriz lui fut cédée et Maragha resta à Falak-ad-Din. Djihan-Pehlevân installa son frère à Tabriz et s'en retourna dans l’Irak. Quand il mourut, Kizil-Arslan voulut prendre le titre d'Atabeh, mais le sultan Thoghril-Beg qui était devenu tout puissant ne voulut point le lui permettre. La guerre éclata entre les deux princes et Kizil-Arslan fut vaincu; il rassembla une nouvelle armée et marcha contre Thoghril qui le fit prisonnier et le fit charger de chaînes ; il fut assassiné au mois de Chaban 587 à Hamadhan pendant la nuit et l'on ne sut jamais par qui.
Le souverain du Khwarizm était Il-Arslan, fils d'Atsiz ; le dix-neuvième jour du mois de Redjeb de l'année 567, il mourut après un règne d'environ dix-sept ans, laissant deux fils ; l'aîné, Sultan Shah, héritier du trône, régna après lui. Sa mère Malika Tarkhân et son frère Tukush étaient à Djound; ils lui députèrent quelqu'un pour le prier de venir les rejoindre, mais il refusa ; ils équipèrent alors une armée pour marcher contre lui. Tukush se rendit dans le Kara-Khitâi auprès du Kour-Khân, et lui promit de lui donner chaque année quand il se serait rendu maître du Khwarezm, une somme déterminée. Le Kour-Khân fit partir une armée sous le commandement de son gendre Kourmâï avec Tukush. Quand les troupes du Kara-Khitâi arrivèrent près de Khwarezm, Sultân-Shâh et sa mère allèrent chercher un refuge à la cour d'al-Malik al-Mouvayyad, souverain du Khorasan. Le Dimanche, vingt-deuxième jour du mois de Rabi second de l'année 568, Tukush entra dans Khwarezm et monta sur le trône; il renvoya ensuite Kourmaï après l'avoir traité de la manière la plus flatteuse. La mère de Sultân-Shâh envoya des joyaux extrêmement précieux en présent à al-Malik al-Mouvayyad et le supplia de l'aider à reconquérir le Khwarezm. Le souverain du Khorasan réunit une armée pour aider Sultân-Shâh et sa mère à atteindre ce but, et il la fît partir pour le Khwarezm.
Quand ces troupes furent sur le point d'arriver à la ville de Soubor, Tukush y vint camper; l'armée du Mazandéran sortit bataillon par bataillon du désert et arriva dans cet endroit ; al-Malik al-Mouvayyad se trouvait à l'avant-garde. Tukush fondit sur cette division et la tailla en pièces ; al-Malik al-Mouvayyad fut fait prisonnier et conduit devant Tukush, qui ordonna qu'on le fendit en deux à la porte de sa tente. Cela se passa le jour de 'Arafa de l'année 569. Sultân-Shâh et sa mère s'enfuirent dans le Déhestân; Tukush se mit à leur poursuite, s'empara de ce pays et tua Malika-Turkân, après quoi il s'en revint. Sultân-Shàh étant parvenu à lui échapper, se réfugia à Shadiakh auprès de Toughân-Shâh ; le fils d'al-Malik al-Mouvayyad étant monté sur le trône après la mort de son père, Sultan-Shâh demeura quelque temps dans cette ville. Il se rendit ensuite chez les sultans du Ghour qui le reçurent à merveille. Pendant ce temps, le sultan Tukusk régnait sur le Khwarezm. Sur ces entrefaites un ambassadeur du Koûr-Khân, souverain du Kara-Khitâi, étant venu à la cour du souverain du Khorasan, il trouva qu'il ne s'était pas conduit poliment envers lui et le fit tuer. Cela le mit aux prises avec le Kour-Khân et Sultân-Shâh vit dans cette hostilité le moyen de s'emparer du trône; il se résolut à se rendre auprès du Kour-Khân après que le sultan ghouride Ghiyâth ad-Din l'eut mis en état de le faire. Quand il fut arrivé auprès du Kour-Khân, ce prince envoya Kourmaï avec une armée pour l'accompagner, mais quand ce général vit que les habitants du Khwarezm ne tenaient nullement à avoir Sultân-Shâh pour souverain, il s'en revint. Sultân-Shâh lui prit une division de son armée, marcha immédiatement vers Sarakhs, et tomba sur Malik Dinar, l'un des émirs du Ghour; pour lui échapper Malik Dinar fut obligé de se jeter lui-même dans le fossé de la place et ses soldats le hissèrent par les cheveux dans la citadelle. Ensuite Sultân-Shâh alla à Merv, renvoya les officiers du Kara-Khitaî et reprenant l'offensive, marcha de nouveau sur Sarakhs. Malik Dinar, qui était demeuré dans la citadelle, demanda au sultan Toghân-Shâh de lui donner le gouvernement de la ville de Bistâm à la place de Sarakhs ; l'émir 'Omar Firouzkouhi prit Sarakhs et Malik Dinar obtint la ville de Bistâm. Quand le Kharezmchah Tukush, projetant la conquête de l'Irak, arriva à Djadjarm, Malik Dinar alla rejoindre Toghân-Shâh qui envoya l'un des officiers de son frère, un nommé Karâkoush à Sarakhs dont il rappela l'émir 'Omar Firouzkouhi. Sultan-Shâh marcha contre Sarakhs à la tête d'une armée de 3.000 cavaliers, pendant que Toghân-Shâh partait de Nichapour et se dirigeait vers cette même ville avec dix mille hommes. Au mois de Dhou’lhiddjeh de l'année 576, un combat se livra et Sultân-Shâh demeura vainqueur; il s'empara d'un butin immense et devint ainsi maître du Khorasan, de Sarakhs, de Tous et d'autres villes de ces pays. Il ne cessa d'harceler Toghân-Shâh jusqu'à ce que l'armée de ce dernier fût anéantie et que ses émirs se fussent ralliés à lui ; au mois de Moharrem 581, Toghân-Shâh mourut et ses officiers prêtèrent serment à son fils Sindjar-Shâh, mais l’Atabek Menkeli s'arrogea toute l'autorité et traita ses sujets avec dureté; aussi le plus grand nombre des émirs de Toghân-Shâh passèrent au service de Sultân-Shâh ; Malik Dinar alla également se mettre au service de Sultân-Shâh dans le Kirmân. Quant aux Turks Ouighours qui étaient restés dans toutes les provinces, ils se joignirent également à Sultân-Shâh. Dans les premiers jours de l'année 582, le sultan Tukush partit de Khwarezm pour se rendre dans le Khorasan pendant que Sultân-Shâh marchait sur Khwarezm; quand il en fut prévenu, le sultan Tukush s'arrêta à Daram, et Sultân-Shâh revint sur ses pas ; il traversa l'Oxus avec cinquante (sic) hommes et doubla les étapes; au milieu de la nuit, il passa au milieu de l'armée de Tukush, et entra dans la ville, tandis que Tukusli s'en éloignait. Au mois de Rabi premier de 582, Tukush vint camper devant Shadyakh et pendant deux mois il y tint assiégé Sindjar-Shâh, fils de Menkeli-Beg. Il finit par conclure la paix avec lui; il envoya son grand chambellan, Schihâb-ad-Din, le grand écuyer (khvânsâlâr) Saïf ad-Din Merdânschir et le katib Bahâ ad-Din Mohammed-Baghdadî, à Menkeli-Beg qui les fit arrêter et les envoya à Sultân-Shah pour qu'il les tînt en prison jusqu'au moment où il se serait réconcilié avec son frère. Sultân-Shâh revint à Shadyakh et l'assiégea de nouveau ; mais les habitants lui résistèrent victorieusement et l'obligèrent à lever le siège. Il se dirigea sur Sebzevar dont les habitants l'avaient traité de la manière la plus outrageante, ce qui l'avait déterminé à leur faire une guerre sans merci. Réduits à la plus grande détresse, ils implorèrent l'intervention du cheikh Ahmad Bédili qui était un abdal : Sultan-Shâh le reçut d'une manière très honorable, et grâce à son intercession, les habitants eurent la vie sauve ; Sultân-Shâh s'en retourna ensuite à Merv. Le vendredi, quatorzième jour du mois de Moharram de l'année 583, le sultan Tukush arriva devant Shadiakh et attaqua la ville qu'il fit battre à coups de mangonneaux; Menkeli-Beg fut bientôt réduit à la dernière extrémité, mais les Alides et les imams ayant intercédé en sa faveur, Tukush lui accorda une capitulation ; le mardi, septième jour du mois de Rabi premier, le sultan prit possession de Shadiakh et en rendit le gouvernement à Menkeli-beg qui lui céda en échange la ville de Nichapour; Tukush laissa dans cette ville son plus jeune fils, Nasir ad-Din Malik Shâh en qualité de gouverneur. Au mois de Redjeb, le sultan Tukush retourna à Khwarezm, et Sultân-Shâh arriva immédiatement devant la citadelle de Nichapour qu'il assiégea. La lutte s'engagea et bientôt la plus grande partie du mur d'enceinte de la ville fut détruite. Malik Shâh envoya courriers sur courriers à son père pour lui apprendre ce qui se passait; Tukush arriva au galop avec une armée considérable ; Sultan-Shâh brûla alors ses mangonneaux et leva le siège. Tukush rentra dans Nichapour et en releva les ruines. Ce même hiver, il se rendit dans le Mazandéran et tous les émirs du Khorasan vinrent lui présenter leurs hommages ; il les traita d'une manière très flatteuse. Au printemps, il alla à Radegan et les grands personnages rétablirent la concorde entre lui et son frère. Le sultan donna à Sultân-Shâh le pays de Djâm. »
Sultân-Shâh eut plus d'une fois à lutter contre les troupes des sultans ghourides qui le battirent, notamment à Merv-er-Roûd, et il se révolta encore contre Tukush qui lui fit grâce comme la première fois sur les instances des grands personnages de sa cour.
« Dans le pays de Roum, régnait le sultan Izz ad-Din Kilidj-Arslan; les principales villes de son empire étaient Koniah (Iconium) Sîvâs, Akserâi ; ce prince eut des démêlés avec Dhoû'-n Noun, fils du Danischmend, prince de Malatiyya, et s'empara de ses états ; Dhoû'-n Noun prit la fuite et se réfugia à Alep auprès de l'Atabek Nour-ad-Dîn. Ce dernier résolut de venir à son secours et il réunit une armée avec laquelle il s'empara de Sivâs, de la forteresse de Mar'ash et de beaucoup d'autres places qui dépendaient du pays de Roum. Kilidj-Arslan envoya des ambassadeurs à Nour ad-Din pour implorer sa pitié; Nour ad-Din ne voulait pas l'écouter, quand il apprit subitement que les Francs venaient de faire irruption dans ses états ; il fut alors très heureux de conclure la paix; néanmoins il laissa son armée auprès de Dhoû 'n-Noun pour le défendre contre de nouvelles agressions. Jusqu'à l'époque de la mort de Nour-ad-Dîn, Dhoû' n-Noun resta en possession de Sivâs, mais après cela Kilidj-Arslan la lui reprit.
« Dans le Kirmân, régnait Toghân-Shâh ibn Mohammad ibn Abou'l Févàris qui mourut à la fin de l'année 573, laissant quatre fils, Arslan-Shâh, Tourkân-Shâh, Tourânshâh et Bahram-Shâh. Ce pays fut désolé par l'invasion des Ouighours jusqu'au moment où Malik Dinar, l'un des émirs des Ouighours, gendre de Toghân-Shâh et gouverneur de Nichapour, entra dans le Kirmân, au mois de Redjeb de l'année 583, il s'empara de la ville de Béardeshir qui était la capitale du Kirmân, et il rétablit l'ordre dans ce pays.
« Dans le Ghour et à Ghazna régnèrent le sultan Ghiyâth ad-Din et le sultan Schihâb ad-Din ; en l'année 590, un combat se livra entre le sultan Sinhâb ad-Din et le sultan de l'Hindoustan. Les Hindous furent battus et leur roi fut tué. On a dit que ce souverain avait sept cents éléphants et une armée d'un million d'hommes. »
[58] Cet auteur est cité par Hadji-Khalif (Dictionnaire bibliographique, tome II, p. 123, n° 2191) comme continuateur de l'ouvrage d'Ibn Korra-el Sabî intitulé Tarikh-Sâbith. Ibn Korra racontait dans cette chronique les événements depuis l'année 190 jusqu'à l'année 303 de l'hégire ; elle fut continuée par son neveu, fils de sa sœur, Halal ibn Mohsin-al-Sâbi qui la conduisit jusqu'en 447 ; à son tour son fils, Ghars al-Ni'mat Mohammad ibn Halâl lui ajouta un supplément, mais cet auteur ne put mettre la dernière main à ce travail. Ibn al-Hamadanî le continua jusqu'en 512; Abou’l Hasan al-Râ'ouni jusqu'en 527,'Afif ad-Din Sadakat ibn Haddad jusqu'en 570; Ibn al-Djaûzî jusqu'en 580, et enfin Ibn al-Kâdisi y ajouta le récit des événements qui se passèrent jusqu'en l'année 616 de l'hégire. Il est vraisemblable qu’Ibn al-Kâdisi mourut aux environs de cette date. Je ne connais pas d'exemplaire de cette chronique qui doit être fort importante puisqu'elle se compose en définitive des œuvres juxtaposées de huit auteurs qui racontèrent les événements qui se déroulèrent sous leurs yeux.
[59] Le Cheref-Nameh nomme ces Kurdes, les Ravandah et il est probable que telle est la vraie lecture, car l'auteur de cet ouvrage était lui-même un kurde et était mieux renseigné que personne sur les noms des tribus de sa nation. Tous les historiens de l'Egypte donnent la même forme que Makrizi et j'ai cru devoir la conserver malgré son inexactitude probable.
[60] On peut voir les différentes formes sous lesquelles on rencontre de ce mot dans le Cheref-Nameh, ou fastes de la nation kourde par Cheref ouddine, prince de Bidlis dans l'Iïalet d'Arzeroûme, traduits du persan et commentés par F. B. Charmoy. Saint-Pétersbourg, 1870, t. I, 2e partie, p. 362.
[61] Sur Douvin on peut voir le Dictionnaire géographique, historique et littéraire de la Perse, publié par M. Barbier de Meynard. Pans, imprimerie impériale, MDCCCLXI, p. 246. Hadji-Khalfa dit, dans son traité de géographie intitulé Djihan-Numa, que cette localité dépend de Harîr et qu'elle se trouve dans une plaine unie.
[62] Voir le Dictionnaire géographique de la Perse, ibid., p. 17.
[63] Tékrit, dit Yakout dans le Mo'djam (tome I, page 861) est une ville située entre Bagdad et Mossoul ; elle est plus rapprochée de la première de ces deux villes que de la seconde. On compte trente farsakhs entre Tékrit et Bagdad. On y voit une citadelle très puissante qui domine le Tigre. La ville elle-même est bâtie à gauche du fleuve. D'après cet auteur, Ptolémée donne pour Tékrit les coordonnées suivantes : L 98° 40', l. 37° 3 ; d'autres astronomes donnaient : L 69° 20', l. 35° 30'. Le plus long jour comptait à Tékrit 14 heures et 20 minutes. C'est Schapour, fils d'Ardeschir, autrement dit Shapour Ier qui bâtit la forteresse de cette ville quand il vint attaquer la ville de al-Had qui était une très ancienne localité située dans le désert (al-barriya). Hadji-Khalifa ajoute que c'est la dernière ville de la Mésopotamie et qu'elle est distante de six jours de Mossoul. La forteresse de Tékrit était ruinée à son époque et il n'y avait plus à sa place qu'une source de naphte. Edrisi (trad. Jaubert, t. II, p. 147) dit que la plupart de ses habitants étaient chrétiens. C'était près de laque le petit Tigre (Dodjaïl) se séparait du Tigre pour aller aboutir prés de Bagdad.
Hadji Khalifa nous apprend dans un autre passage de son traité de géographie, que le petit Tigre était un canal creusé du temps des khalifes abbassides pour réunir les eaux du Tigre à celles de l'Euphrate. Il avait donné son nom à un gros bourg qui était situé à environ deux lieues du Tigre, et dont beaucoup de villages dépendaient. Quand le Khalifat eut été anéanti par Houlagou-Khân, frère de l'empereur de Chine Mangkoû, on cessa d'entretenir ce canal, ce qui coûtait des sommes énormes, et il se dessécha. Les deux canaux d’Isa et de Malik joignent également le Tigre et l'Euphrate, mais au sud de Bagdad. Yakout dit dans le Mo'djam al-Bouldân, que le point d'aboutissement du petit Tigre dans le Tigre se trouvait en face de la ville bien connue de Kadisiyya. Cf. Histoire des Mongols depuis Tchinguiz-Khan jusqu'à Timour Bey, par C. d'Ohsson. Amsterdam, 1852, t. III, p. 231, note.
[64] Izz ad-Din Massoud-Zangi, fils et successeur d'al-Borsokî, régna à Maûsil de 521 à 541. Voir l’Histoire des Atabeks dans les Historiens orientaux des Croisades, t. II, pp. 59-151.
[65] Sharaf ad-Din raconte dans son histoire des Kurdes que Nadjm ad-Din se promenait un jour avec son frère Asad ad-Din Shirkouh, quand ils rencontrèrent une femme qui se plaignit d'avoir été violentée par un individu. Shirkouh s'étant mis à la recherche de cet homme, le découvrit et le tua. Nadjm ad-Din fut obligé de le faire arrêter et de rapporter au sultan seldjoukide Massoud ce qui s'était passé, mais ce prince ne voulut pas sévir contre le meurtrier, à cause de la grande amitié qui les unissait, et il se borna à l'exiler (t. I, 2· partie, p. 76).
[66] C'est vraisemblablement cet opuscule qui est mentionné par Hadji-Khalifa (Lexicon bibliographicum, t. VI, p. 470, n° 14331) sous le titre al-hâdi-fi-l-fourou, et qui fut amplement commenté par Abou'l Kasim Hibatr Allah ibn 'Abd-Allah-al-Kofti. Kotb ad-Din Abou'l Ma'li mourut en l'année 578 de l'hégire (1182-1183) et le commentateur en 679 (1280-1281).
[67] Voici comment l'auteur de l'Histoire de la Vie des Patriarches d'Alexandrie raconte la catastrophe qui fit passer le vizirat de Shâver à l'oncle de Salah ad-Din (ms. ar. 302, p. 255) : « Asad ad-Din Shirkouh arriva avec une nombreuse armée de Ghozzes; le roi Morri (Amaury) se trouvait à Bilbeis avec les Francs et Nisâl commandait l'escadre sur le Nil ; il était arrivé à 'Ataf-mina-al-firân, tout près de Minazaftî avec dix croiseurs et vingt navires incendiaires. Quand la nouvelle de l'arrivée d'Asad ad-Din se fut répandue dans le pays, le roi Amaury quitta Bilbeis et retourna dans son royaume. Les Musulmans se trouvèrent alors en force pour livrer bataille à Nisâl, ils le vainquirent et le forcèrent à battre en retraite avec sa flotte. Asad ad-Din vint camper à Bilbeis avec ses troupes, et les Francs se retirèrent devant lui, sur terre et sur mer. Il partit ensuite de Bilbeis et vint camper à al-Loûk, dans le Canton de la timbalière (ard-al-tabbâlah), et il se présenta enfin devant le Caire qu'il entoura de toutes parts ; le khalife al-'Adad lui envoya ainsi qu'aux émirs et aux officiers supérieurs les plus en vue de son armée, des provisions de bouche, de splendides vêtements d'honneur, de fortes sommes d'argent, des tentes et une foule d'objets dont on ne peut décrire la richesse, le tout prélevé sur sa cassette particulière. Asad ad-Din vécut ainsi des présents du khalife durant quelques jours et il n'entra au Caire que le vendredi, premier jour du mois de Rabi premier de l'an 564. Le khalife lui envoya Moutemin-al-Khilafat-Djauhar-al-Ustad lui porter un sabre et lui ordonna de trancher la tête à son vizir Shâver; Asad ad-Din regorgea d'un coup de poignard le samedi deuxième jour de Rabi premier de l'an 564; il resta au Caire le reste de ce jour et, le lendemain dimanche, il alla habiter la maison qui avait été désignée pour être sa demeure. Il entra au Caire, le lundi quatrième jour de Rabi premier de cette même année, et le khalife lui envoya le vêtement d'honneur du vizirat. Ce vêtement se composait d'un habit blanc garni de broderies d'or et à larges manches, d'une longue pièce d'étoffe brochée pour rouler sous forme d'un turban dont les deux bouts retombaient jusque sur la croupe du cheval, d'un collier orné de pierres précieuses et d'un ceinturon qui se serrait à l'aide d'un coulant de soie garnie de grosses perles d'un orient parfait. Il monta à cheval revêtu des habits qui lui avaient été envoyés par le khalife depuis l'intérieur de la Cour d'or jusqu'à la citadelle ; tous les émirs et los soldats marchaient à côté de son étrier tenant à la main leurs épées... Au bout d'un mois du vizirat d'Asad-ad-Dîn, on proclama durant la nuit au Caire que les Chrétiens devaient supprimer les bouts flottants de leurs turbans et porter des ceintures serrées à la taille ; les juifs furent obligés également de coudre une pièce d'étoffe jaune à leurs turbans.
« Asad ad-Din Shirkouh exerça les fonctions de vizir durant soixante jours et mourut le 5 Djoumada premier de l'an 504; après lui, le khalife nomma vizir, Salah-ad-Din, qui reçut le titre de « al-Malik an-Nasir-Salah-ad-Bounîâ-wa’d-Dîn, sultan de l'Islam et des Musulmans, celui qui réunit la parole de la Foi, qui anéantit les adorateurs de la croix, qui fait vivre l'empire du Commandeur des Croyants ». Le jour ou il fut installé dans sa charge en présence du khalife, il fit écrire par le kadi al-Fâdil un édit d'après lequel aucun Chrétien ne pouvait être titulaire d'un emploi dans l'administration ou ailleurs. Le kadi al-Fâdil s'appelait 'Abd-er-Rahim ibn 'Ali et était connu sous le nom d'Ibn al-Baïsânî; son père était kadi de Baïsân; c'était un homme savant, éloquent, qui faisait du bien à tous ceux qu'il rencontrait et dont le nom était généralement béni ; on n'a absolument rien à lui reprocher que le fait d'avoir conseillé (à Salah-ad-Din) de priver tous les Chrétiens des emplois dans l'administration ou dans la chancellerie, de telle sorte qu'aucun Chrétien ne fut investi de ces charges, ni sous Salah-ad-Din, ni sous le règne de ses enfants. »
Le même auteur raconte ce qui suit sur les tentatives qui furent faites par les officiers des Fatimides pour se débarrasser de Salah ad-Din et sur la manière dont ces complots se terminèrent (ibid., p. 257).
» Au mois de Djoumada second de l'année 565, al-Malik an-Nasir-Salah ad-Din apprit que Moutemin-al-Khilâfat-Djauher, général du khalife al-'Adad, était parti du Caire pour al-Kharkaniyya qui formait son fief, qu'il s'y était enfermé dans un belvédère qui s'y trouvait, qu'il avait l'intention d'y demeurer jusqu'au milieu de la nuit, d'envoyer les Arabes demander du secours aux Francs, et de les amener au Caire pour lui livrer bataille et le chasser d'Egypte. Voici ce qui s'était passé : quand Salah ad-Din fut devenu sultan et qu'il se fut emparé du gouvernement, le khalife et les ustad craignirent son ambition ; ils firent venir Moutemin-al Khilâfat pour le prier de se mettre en rapport avec les Francs parce qu'il était l'un des grands personnages du Khalifat. Le sultan envoya l'eunuque (tâvashî) Karâkoush, l'un de ses plus fidèles officiers, avec un détachement de cent cavaliers qui atteignirent Moulemin-al-Khilâfat dans son château; ils lui ordonnèrent de descendre; mais au lieu d'obéir, il referma à clef sur lui la porte du belvédère et ordonna à ses soldats d'engager le combat. Karâkoush entoura le belvédère et lui fit donner l'assaut; Moutemin-al-Khilâfat fut tué, sa tête fut portée au Caire et le belvédère devint la proie des flammes. Les Nègres se réunirent au Caire et firent une émeute contre le sultan dans l'intérieur de la ville, quand ils apprirent la mort de Moutemin-al-Khilâfat-Djaûhar ; mais Allah permit que le sultan leur infligea une défaite; il n'en fit massacrer aucun et au contraire il leur dit : « Je ne vous blâme pas de votre conduite, car vous avez combattu pour le khalife, votre souverain. » Il leur pardonna, mais leur défendit de rester au Caire, les laissant libres de se rendre dans la Haute et dans la Basse Egypte et dans tout autre pays qui leur conviendrait; ces gens se répandirent alors dans toutes les provinces de l'Egypte, depuis Damiette jusqu'à Assouan. Il y avait alors dans la partie occidentale de l'Egypte une grande troupe d'Arabes parmi lesquels se trouvait une tribu nommée les Bènou Sis, qui comptait plus de dix mille cavaliers et qui interceptait les routes; Takî ad-Din 'Omar marcha contre eux avec l'armée qu'il commandait; il leur infligea une sanglante déroute, et les dispersa: il fit prisonniers leurs femmes, leurs enfants, leurs filles et leur prit tout leur argent et leurs troupeaux. »
[68] Voici comment l'auteur de l'Histoire des Patriarches d'Alexandrie raconte la mort du khalife fatimide al-'Adad (ibid., p. 258). L'ustad Safi ed-dauleh, qui avait été l'un des courtisans du khalife fatimide al-Thâfir-li-Din-Allah, raconte qu'une nuit, Chams ed-dauleh, frère du sultan Salah ad-Din, entra au palais et demanda à voir le khalife. Quand on eut appris à al-'Adad que Chams ed-dauleh voulait le voir, il porta à sa bouche une bague empoisonnée, comme celles que les souverains font préparer pour se donner la mort quand ils sont sur le point de tomber aux mains de leurs ennemis ; il mourut immédiatement. Une autre personne a raconté que Chams ed-dauleh s'empara du khalife vivant et qu'il lui demanda de lui dire les endroits où étaient déposés ses trésors. Le khalife ne voulut rien dire ; Chams ed-dauleh, lui arracha alors le turban qu'il portait sur la tête et l'étrangla. Un homme de la domesticité du palais raconta qu'avant d'être assassiné, le khalife avait bu du vin avec Salah ad-Din et Chams ed-dauleh et qu'on entendit une chanteuse déclamer des vers en leur présence. Quand la soirée eut pris fin et qu'ils se furent levés pour prendre congé du khalife, Salah ad-Din fit venir le kadi des kadis, les professeurs de droit et les gens de loi et il leur raconta ce qui s'était passé ; il envoya dans l'Irak et à Bagdad pour demander un avis juridique sur la question de savoir s'il était permis à un khalife de boire du vin et de se livrer ainsi à la débauche; les juristes de Bagdad décidèrent que si ce fait était réellement constaté, il convenait de déposer le khalife. Quand Salah ad-Din fut en possession de ce jugement, il ordonna à son frère Chams ed-dauleh de se rendre au palais et de tuer le khalife sans faire d'esclandre, pendant la nuit, pour éviter l'émeute qui se serait produite dans le peuple si on l'avait fait en plein jour. Ainsi fut fait. Il ordonna ensuite qu'on apportât chez lui tout ce qui se trouvait dans le palais en fait d'habits, de pierres précieuses et d'étoffes brochées d'or et d'argent et il fit vendre tous les objets et les vases dont il n'avait pas besoin; ce fut le kadi, l'émir Mohammad ibn Mohammad, le chef des deux juridictions (doû-'l-riasataîn) qui fut préposé à cette vente. Quant aux membres de la famille du khalife, il fit mener ses femmes et ses enfants dans le palais d'al-Mothaffar situé dans la rue Djavân, au Caire, et il y mit des soldats à leur porte nuit et jour pour que personne ne pût entrer chez eux et pour les empêcher de sortir; il leur assigna les vivres dont ils avaient besoin pour se nourrir. Les gens du Caire et de Misr, qui étaient attachés au parti des fatimides, leur portaient des provisions, mais le sultan les en empêcha. Quant aux familiers et aux parents d'al-'Adad, il en réunit deux cents ou plus dans le Madjlis-al-manafikîn, qui se trouve dans le grand Ivân du palais, et il les Ht charger de chaînes pour éviter toute rébellion de leur part; les gens du Caire et de Misr leur ayant également porté des aumônes, le sultan les en empêcha.
[69] Ce mot est difficilement lisible dans le manuscrit; il est possible qu'il faille lire Ra'as-al-Kallasa.
[70] Mot illisible dans le manuscrit.
[71] On sait que le noir était la couleur des Abbassides, par opposition au vert qui était celle des Alides.
[72] Ceux qui avaient été envoyés par l’atabek Nour ad-Din Mahmoud.
[73] Après le pillage qui avait suivi la mort du khalife fatimide al-'Adid.
[74] D'après Yakout (Mo’djam-al-bouldân, tome II, page 581), Dakahla était une petite ville sur une branche du Nil, séparée de Damiette par quatre farsakhs, et de Damirali par six farsakhs; on y trouvait des constructions et un marché ; le canton qui en dépendait était nommé Dakahliyya.
[75] Peut-être faut-il traduire les « scribes des Ghozzes ». Le mot Ghozz désigne à proprement parler les Turcs Seldjoukides et Osmanlis, mais on le trouve continuellement appliqué dans les historiens musulmans de l'Egypte aux Kurdes et plus spécialement aux ayyoubides. Il n'y a pas à douter cependant que les Ghozzes turcs fussent absolument différents des Kurdes qui, en définitive, sont des Iraniens. Quoi qu'il en soit, il est vraisemblable que ces scribes, dont parle Makrizi, étaient des compatriotes de Salah-ad-Dîn, et que l'organisation de l'empire ayyoubide n'avait aucun secret pour eux.
[76] Barka, dit Yakout dans le Mo'djam al bouldân (tome I, p. 573), est le nom de tout le pays maritime qui s'étend depuis Alexandrie jusqu'à l'Ifriqiya, et dont la capitale était Antabolos (lire Pantabolos), c'est-à-dire les cinq villes. D'après Ptolémée, les coordonnées géographiques de cette ville seraient les suivantes : L 63°, l. 33 10'; l'auteur des tables astronomiques qui sont souvent citées par Yakout donne : L 43°, l. 33’. Elle était entourée de tous côtés par les Berbères, et son territoire était d'une très grande fertilité; les habitants étaient obligés de boire de l'eau de pluie conservée dans des citernes, car l'eau de source est extrêmement rare dans toute cette contrée. Un roi de Barka avait bâti sur le rivage de la mer une très vaste citerne pour conserver le plus d'eau possible pendant la période des grandes chaleurs. La ville d'Adjiyya se trouve sur le bord de la mer, à six milles de Barka, on y voit un marché et une mosquée; il y a aussi une autre ville située sur le bord de la mer qui dépend de Barka; elle se nomme Talamouyya. Il y a un mois entier de chemin entre Alexandrie et Barka, qui est séparée de Fostat par une distance de 220 farsakhs. Il ne faut pas confondre cette localité avec une autre qui porte identiquement le même nom et qui dépend de Koûm, en Perse. Idrisi (trad. Jaubert, tome I, page 286) raconte que Barka 'est une localité peu fréquentée et qu'elle était la première station des gens qui se rendaient d'Egypte à Kaîrawân. Il y avait dans cette ville, à l'époque de ce géographe, des tanneries où l'on préparait des cuirs de bœuf, et de tigre qui provenaient d'Audjila. La terre de Barka était importée en Egypte et servait de remède contre la gale et la teigne. Idrisi compte 21 journées d'Alexandrie à Barka, soit 550 milles, 6 journées (152 milles) de Barka à Adjdabiyya et dix journées de caravane par le désert de Barka à Audjila.
[77] Les rubis dits balais proviennent du Badakhshan, contrée située dans l'extrême-est de l'Afghanistan sur les frontières de la Boukharie et des Pamirs. Cette contrée, comme nous l'apprend Yakout dans le Mo'djam, (t. Ier, p. 528) porte aussi le nom de Balakhshan, avec le même changement de d en l qui se remarque dans le nom du fleuve Helmend, qui était en zend Haêtumant et en grec Έτύμανδρος. C'est un pays dont on tire une très grande quantité de pierres précieuses; la plus connue est la variété de corindon qui porte le nom de balakhsh, dont les Européens ont fait balais. Il est assez vraisemblable que cette forme est une altération graphique de la transcription balacs du mot persan balakhsh
[78] La phrase de Makrizi est assez mal bâtie pour qu'il semble que ce poids de 30 mithkals soit celui de tous les cadeaux envoyés par Salah ad-Din à Nour ad-Din Mahmoud.
[79] Les géographes musulmans font commencer la Nubie au-dessous d'Asvan et ils ne la distinguent qu'à peine du Soudan : toutefois, l'on peut dire que par Nubie, les Musulmans entendent tout l’hinterland de l'Egypte dans le Sud franc et par Soudan les pays situés à l'Ouest de la Nubie : Darfour, Bahr-el-Ghazal et Wadai jusqu'aux rives de l'Atlantique. Idrisi nous apprend que la Nubie s'étend le long du Nil sur une longueur de deux mois de marche (trad. Jaubert, tome I, p. 534), ce qui revient à dire sur plus de 1.000 farsakhs, mais il n'indique pas d'une façon nette la frontière entre l'Egypte et la Nubie, il se borne à dire qu'à l'orient d'Asvan, les Musulmans n'ont d'autre frontière que la montagne al-'Alakî (ibid., p. 35). Yakout, dans le Mo'djam (IV, p. 820), compte 80 jours pour la longueur totale de la Nubie.
[80] Dongola, capitale de la Nubie, était située sur le bord du Nil ; elle se trouvait, dit Yakout (Mo'djam, tome II, page 599, et IV, page 820) à quarante jours de la ville frontière d'Asvân et à quarante-cinq jours de Postât. Cette ville avait une enceinte fortifiée très élevée dans la construction de laquelle il n'entrait pas de pierres.
[81] Idrisi nous apprend que les Nubiens n'avaient pas de blé, mais qu'on le leur apportait du dehors; en revanche, l'orge et le dhoûra étaient choses très communes chez eux (trad. Jaubert, tome I, page 31). Ils n'avaient pas non plus de dattes; ils buvaient une boisson tirée du dhoûra par fermentation et se nourrissaient de viande de chameau, fraîche ou séchée, qu'ils faisaient bouillir avec du lait de chamelle; un peu plus bas que Dongola, le même géographe cite comme culture des Nubiens, en plus de l'orge et du dhoûra, différents légumes parmi lesquels le navet, l'oignon, le raifort et les pastèques (ibid., p. 33). C'était à Assouan que se trouvait l'entrepôt des céréales qu'on importait en Nubie (ibid., p. 35). Dans le Mo'djam (tome IV, page 820), Yakout dit qu'en plus de l'orge et du dhoûra, les Nubiens avaient du blé, des palmiers, des vignes, des arbres à résine, des arbres nommés arak et des oranges énormes.
[82] D'après Idrisi (trad. Jaubert, tome I, page 33), le roi de Nubie portait le titre de kamil (parfait); Yakout donne à ce titre la forme kabil (Mo'djam, tome IV, page 820) ; il ajoute que ces souverains prétendaient être de la race d'Homaïr. Ce que raconta l'envoyé du prince ayyoubide de la tenue du roi de Nubie est confirmé par le récit donné par Yakout dans le Mo'djam el-bouldân.
[83] Cette phrase est très obscure et vraisemblablement corrompue dans le manuscrit; il faut sans doute comprendre que le sultan Salah ad-Din parla d'abord de confisquer les biens des conjurés de façon à ne pas les effrayer par la menace de condamnations sévères et qu'ensuite, quand ces gens se crurent en sûreté relative, au moins quant à leur vie, il les fit tous arrêter et mettre à mort.
[84] Le texte arabe se sert ici d'une forme dérivée de la racine salaba que l'on traduit généralement par « mettra en croix ». C'est là une erreur, car l'on possède des peintures représentant ce genre de supplice, et l'on voit le corps du patient suspendu, quelquefois par les coudes ou la tête en bas, à une sorte de potence composée de deux tiges de bois plantées verticalement en terre, et réunies à leur partie supérieure par une barre transversale. C'est ainsi que se trouve représentée l'exécution du dernier sultan mamlouk al-Malik al-Ashraf-Toumân-Bay, dans une peinture d'un manuscrit de la Tadj-al-tavarikh (ms. suppl. turc 524, folio 211 verso).
[85] Le texte de Makrizi dit yâkoût azrak; le mot yâkoût signifie généralement rubis, mais il désigne d'une façon plus étendue toute gemme autre que le diamant (almâs), l'émeraude (zamarrud) et le rubis balais (balakhsh). Je pense que le « rubis rouge » yâkoût-ahmar, dont il est parlé plus haut, est le rubis oriental, ou corindon hyalin, et le yâkoût azrak, « pierre bleue », peut être la turquoise de la vieille roche ou le saphir.
[86] Yashim. Ce mot paraît être une altération du mot turc yeshil « vert ». Les lexiques persans nous apprennent que c'est une pierre verte ou bleuâtre qui se trouve dans la contrée de Kashgar et qui passe pour avoir la propriété d'écarter la foudre. Cela peul être le jade ou la malachite dont l'on fait effectivement des objets dans le genre de ceux que Salah ad-Din envoyait à Nour ad-Din Mahmoud.
[87] Cette phrase est manifestement corrompue, si le mot shakrâk désigne un vêtement, on peut traduire, un shakrâk bleu avec des broderies d'or, et une bordure garnie de perles ; au milieu de ce vêtement il y avait un saphir.
[88] Ce souverain, qui est appelé par Makrizi, Goulialem ibn Goulialem ibn Radjar, est Guillaume II le Bon, fils de Guillaume Ier·le Mauvais, fils du célèbre Roger. On remarquera que le mot Goulialem est une transcription assez exacte du latin Guillelmus. M. Aman a omis la plus grande partie de ce passage, cependant fort important, dans sa Bibliotheca Arabico-Sicula (Leipzig, 1857).
[89] Moutamallik. Les auteurs musulmans donnent assez rarement le titre de malik « roi » aux souverains de Sicile, de Constantinople (l'empereur Grec que Makrizi appelle constamment al-Askan ou Lascaris), et au roi d'Abyssinie, dont ils ne connaissent qu'à peine le titre réel de négoush. Au contraire, les souverains des Francs, comme le roi de France, l'empereur d'Allemagne, ou le roi d'Angleterre portent toujours le titre de malik.
[90] D'après Romuald de Salerne, Guillaume II naquit en 1152, et en 1151, d'après Hugues Falcand ; il avait donc en 1166, au moment de la mort de son père, quatorze ou douze ans. Sa mère était Marguerite de Navarre, fille du roi Garcia V, que Guillaume I»r avait épousée en 1153 ou 1151. Le Bâtard dont parle Makrizi est probablement un Syracusain nommé « Gaytus Petrus », favori de Guillaume Ier, que ce prince, au moment de sa mort, chargea de veiller sur les intérêts de son fils. « Electum quoque Syracusanuin, Gaytum Petrum, Matthaeum notarium, quos ipse sibi familiares elegerat, in eadem jussit familiaritate curiae permanere, ut eorum regina consilio quae gerenda viderentur disponeret. » (Histoire de Hugues Falcand, dans Muratori, Rerum italicarum scnptores, tome VII, page 302). C'est le même personnage qui, très peu de temps après, passa chez le roi de Maroc avec le grand maître du palais, en emportant de grandes sommes d'argent (Romuald de Salerne, Chronicon, dans Muratori, ibid., p. 203, et Hugues Falcand, ibid., p. 308).
[91] Il y a certainement là une erreur dans le manuscrit du Souloûk dont la lecture n'est point douteuse. Le roi de Sicile ne put faire construire en 571 les navires qui attaquèrent Alexandrie en 569.
[92] Je n'ai pas trouvé dans les historiens siciliens le nom qui est transcrit par Makrizi sous cette forme étrange, que je ne sais comment restituer.
[93] Ce nom de localité est douteux dans le manuscrit de Makrizi et Yakout ne donne aucun renseignement sur lui. Peut-être faut-il lire jusqu'à Alîna.
[94] Je n'ai pas trouvé de renseignements sur cette localité.
[95] Peut-être est-ce la localité appelée Sindibalas par Yakout (Mo'djam, t. III, p. 166) ; ce géographe la cite d'après un auteur nommé Abou'l Hasan al-Adibi sans donner aucun renseignement précis sur elle.
[96] Le kadi Djémal ad-Din ibn Wasil raconte dans le Mofarradj-al-karoûb (Biblioth. Nat., ms. ar. 1702, fol. 62 recto) que toutes les personnes qui étaient affiliées à la secte des Ismaïliens prirent du service dans l'armée de Kanz ed-dauleh. On sait en effet que les Ismaïliens, les Fatimides et les Karmathes ne forment en définitive, qu'une seule et même secte de l'hétérodoxie musulmane. Les Ismaïliens reconnaissaient pour imam le khalife fatimide qui régnait au Caire ; la secte Ismaïlienne qui s'était établie à Alamout et dans la contrée environnante, agissait de même; toutefois, à la mort du khalife fatimide al-Mostansir billah Abou Tamîn-Ma'ad, les Ismaïliens d'Alamout ne voulurent pas reconnaître comme imam son successeur al-Mosta'li-bi Amr-Allah, mais bien Nizar qui, suivant les règles de l'imamat alide, aurait dû hériter de la couronne, et après lui ses descendants. Ce fait est suffisamment établi par le témoignage de Rashid ad-Din dans la Djâmi at-tavarikh, d'Alâ ad-Din Atâ-Malik al-Djouvaïni dans le Djihan-kushâ, et de Mirkhond, qui n'a d'ailleurs fait que résumer 'Alâ-ad-Din, dans le Raûzat-us-safâ. Makrizi donne au village où se produisit la rencontre entre les troupes de Kanz ed-dauleh et celles de Salah ad-Din le nom de Toud. Il y a deux localités de ce nom en Orient, la première, celle dont il est question dans Makrizi, est une petite ville située dans le Sa'id supérieur au-dessus de Kous et au-dessous de Asvân ; elle fut bâtie sur l'ordre de l'émir Darbâs-al-Kurdi, connu sous le sobriquet d'al-Ahval, pendant le règne du sultan Salah ad-Din Yousouf (Yakout, Mo'djam al-bouldân, t. III, p. 596). L'autre est une montagne près du mont 'Arafa dans la péninsule arabique.
[97] Djémal ad-Din ibn Wasil raconte dans le Mofarradj (ms. arabe 1702, folio 63 recto) que c'est à la prière de Chams ad-Din ibn Mohammad ibn al-Mokaddam et de Chams ad-Din Sadik ibn Djâoulî, prince de Bosra, que le sultan se mit en marche, le troisième jour du mois de Rabi premier, à la tête d'une division de 700 cavaliers, se dirigeant vers les places de Sarkhad (que Makrizi nomme Soudar) et Ilah; quand il approcha de Bosra, le prince de cette ville se rendit au-devant de lui ; le kadi al-Fadil se moqua cruellement de la petite armée et des faibles ressources de Sadik ibn Djâoulî. Le sultan partit de Bosrâ le sept de ce mois; il avait été rejoint par son neveu, l'émir Nasir ad-Din Mohammad ibn Asad ad-Din Shirkouh ibn Shâdî et par l'émir Sa'd ad-Din ibn Mo'in ad-Din Unor, le mardi quatre de ce même mois. Le dimanche, il vint camper au Pont de Boib, où il reçut des nouvelles de ce qui se passait et où il fut rejoint par les troupes de Damas et les notables de cette ville; il se dirigea vers Damas, mais son entrée y fut retardée par ce fait qu'un certain nombre de gens de la ville prirent le parti d'empêcher ses troupes d'y pénétrer ; cette résistance fut sans aucune utilité, et le sultan entra dans Damas comme chez lui ; il se rendit à la maison de son père qui était connue sous le nom de ad-dâr-al-akika. Le gouverneur de la citadelle, qui se nommait Djémal ad-Din Raihân (le basilic, probablement un eunuque) refusa de la rendre et se mit en devoir de résister.
[98] Le sultan Salah ad-Din, dit Djémal ad-Din dans le Mofarradj-al-karoûb (ms. ar. 1702, folio 63 v°), envoya quelqu'un auprès de Djémal ad-Din qui était gouverneur de la citadelle, et il employa tous les moyens pour l'amener à embrasser son parti, offrant de lui donner tout ce qu'il lui demanderait. Le gouverneur consentit alors, entre différentes choses, à lui rendre la citadelle.
[99] Djémal ad-Din (ibid.) donne au frère de Salah ad-Din le nom de Saïf-al-Islâm (l'épée de l'Islamisme).
[100] Quand les régents d'al-Malik as-Sâlih (Mofarradj, ms. ar. 1702), fils de Nour ad-Din Mahmoud et sultan d'Alep, apprirent que le sultan Salah ad-Din s'était emparé de Damas, ils perdirent tout courage et furent certains que leur pays leur échapperait. Ils envoyèrent des ambassadeurs à Saïf ad-Din Ghazi ibn Kotb ad-Din Maudoud ibn Zangui, prince de Maûsil; ils envoyèrent également à Salah-ad-Din, l'émir Kotb ad-Din 'Othman ibn Hassan, prince de Manbadj, pour lui porter une lettre dans laquelle ils lui reprochaient sa conduite en termes durs et violents.
[101] D'après Djémal ad-Din ibn Wasil (Mofarradj-al-karoûb, ms. ar. 1702, fol. 61 v), quand Sa'd ad-Din Gumushtikin vit qu'il ne pouvait résister à Salah ad-Din, il envoya un ambassadeur à Sinan, prince des Ismaïliens à Masyâf, et lui offrit de lui payer une somme énorme s'il faisait assassiner Salah ad-Din. Les Halébins écrivirent également au prince de Tarabolos (le comte de Tripoli), qui avait été anciennement fait prisonnier par Nour-ad-Din; il avait été enfermé à Hârim durant plus de dix années et s'était au bout de ce temps racheté, en payant une rançon de 150.000 dinars, et en rendant la liberté à cent prisonniers musulmans. Kamal ad-Din, dans son Histoire d’Alep dit expressément que les gens d'Alep lui demandèrent d'attaquer une partie des états du sultan Salah-ad-Din. Le prince de Tarabolos marcha contre Homs, et Salah ad-Din fut obligé de lever en toute hâte le siège d'Alep pour aller défendre cette place, au commencement du mois de Redjeb de cette année.
[102] On lit dans le Mofarradj-al-karoub (ms. ar. 1702, fol. 64 v) : « Quand le sultan Salah ad-Din eut laissé comme gouverneur à Damas son frère Saïf-al-Islâm, il marcha contre Homs à la fin du mois de Djoumada premier de 570. Homs, Hamâh, la forteresse de Bârîn, Salamiyya, Tell-Khalid, et ar-Rohâ formaient le fief de l'émir Fakhr ad-Din Massoud ibn al-Za'faranî, mais il ne possédait pas les forteresses de Homs et de Hamâh. Le gouverneur de la citadelle de Hamâh était 'Izz ad-Din Djourdîk, mamlouk de Nour-ad-Din. Fakhr ad-Din n'habitait ni à Homs, ni à Hamâh, à cause des mauvais traitements qu'il avait fait endurera ses sujets. Quand le sultan Salah ad-Din se présenta devant Homs, le onzième jour du mois de Djoumada premier, il s'en empara sans coup férir, mais la cita delle refusa de se rendre. Il laissa à Homs une garnison suffisante pour la garder, pour empêcher les défenseurs de la citadelle d'en reprendre possession et pour empêcher qu'on leur montât des vivres. De là, il se rendit à Hamâh dont il s'empara au commencement du mois de Djoumada second; il fit sommer l'émir Izz ad-Din Djourdîk de lui rendre la citadelle, mais cet officier déclara hautement qu'il se considérait comme le serviteur d'al-Malik as-Sâlih et qu'il entendait défendre son royaume. Djourdîk se rendit à Alep auprès de son souverain pour savoir ce qu'il y avait à faire, mais à peine arrivé, il fut arrêté par ordre de Sa'd ad-Din Gumushtikin; ses officiers ignorant ce qu'il était devenu, rendirent la ville à Salah ad-Din ».
[103] Les gens d'Alep, dit Djémal ad-Din ibn Wasil (ibid., folio 65 r°), avaient écrit au comte, prince de Tripoli, pour le prier d'aller attaquer Homs, ce qu'il fit. Quand le sultan eut appris cela, il partit de devant Alep et arriva devant Hamâh, le huitième jour du mois de Redjeb, un jour après que les Francs furent venus mettre le siège devant Homs. Quand les Francs furent avertis de son approche, ils décampèrent de devant Homs que le sultan vint assiéger, il s'en empara sept jours restant du mois de Chaban ; de la, il marcha sur Baalbek qui était gouvernée par un khâdim nommé Yaman ; quand celui-ci se vit assiégé, il envoya quelqu'un au sultan pour lui demander à capituler avec toute sa garnison. Salah ad-Din y consentit et il s'empara ainsi de Baalbek quatre jours étant passés du mois de Ramadan. Le katib 'Imad-ad-Din composa à cette occasion une pièce de vers rimant en mim dont voici le premier vers : « Par les victoires de ton époque, l'Islam est glorifié, et nos jours sont illuminés par la splendeur de ton triomphe».
[104] Quand Salah ad-Din se fut emparé de Baalbek (Djémal ad-Din ibn Wasil, Mofarradj, ms. ar. 1702, folio 66 recto) et qu'il fut retourné à Homs, 'Izz ad-Din Massoud ibn Kotb ad-Din Maudoud ibn Zangui arriva à Alep avec les troupes de Maûsil ; il était accompagné de 'Izz ad-Din Mahmoud ibn Kafandar. Ils marchèrent sur Hamâh et l'assiégèrent, puis ils envoyèrent demander la paix à Salah-ad-Din. Le sultan arriva avec une partie de son armée, ainsi que l'émir Sa'd ad-Din Gumushtikin, al-'Adil Schihâb ad-Din Abou Sâlih ibn al-Nadjmi et d'autres, et ils discutèrent sur les conditions de la paix. Le sultan la leur accorda et convint de leur rendre les forteresses qu'il leur avait enlevées, de placer à Damas un gouverneur au nom d'al-Malik as-Sâlih qui relèverait de lui, et qu'on ferait la khotba et la frappe des monnaies à son nom; en revanche, il leur rendrait tout l'argent qu'il leur avait pris. Quand ils virent que le sultan consentait à tout ce qu'ils lui demandaient et que, d'autre part, il n'était à la tête que d'un très petit nombre de troupes, ils s'enhardirent et conçurent l'espoir de lui arracher encore d'autres concessions; ils lui demandèrent Rahba et les territoires qui en dépendaient, mais il leur répondit : « Cette ville appartient au fils de mon oncle Nasir ad-Din Mohammad ibn Asad ad-Din Shirkouh, et il m'est impossible d'y toucher. » Les confédérés rompirent alors les négociations et rétrogradèrent du côté de l'Oronte, près de Schaïzar ou ils rassemblèrent leurs troupes ; puis, quand cela fut fait, ils marchèrent contre Salah ad-Din. Le sultan fut rejoint par une division de l'armée égyptienne, dans laquelle se trouvaient dix officiers généraux, parmi lesquels ses neveux, al-Malik-al-Mothaffar Takî ad-Din 'Omar ibn Shâhânshâh ibn Ayyoub et d'autres. La bataille se livra le 19 du mois de Ramadan.
[105] Ibn Wasil dit (ms. ar. 1702, folio 66 verso) que le sultan Salah ad-Din s'éloigna d'Alep dans les dix premiers jours du mois de Chaban, et qu'étant arrivé à Hamâh, il y trouva des envoyés du khalife al Mostadi-bi-nour-Allah qui lui apportaient les diplômes lui conférant le sultanat, ainsi que le firman lui concédant la propriété de tous les pays qu'il lui conviendrait de choisir.
[106] En syriaque, le bon village. Yakout dit, dans le Mo'djam (tome IV, page 689), que cette localité se trouve entre al-Ma'arrat et Alep, dans le désert. On n'y trouvait pas de sources et les habitants n'avaient pour boire que de l'eau de pluie conservée dans des citernes. On raconta à ce géographe qu'on fora un jour un puits qui avait près de trois cents coudées, et qu'on n'y trouva pas d'eau. Kazwini, dans le Athar-al-bilâd (éd. Wüstenfeld, page 165), ne fait que copier ce que raconte le géographe précédent; Aboulféda ajoute (t. II, 2° partie, page 11) qu'on y fabriquait des marmites de terre pour l'exportation, et que sa population était composée en partie de Yéménites. Kafrtâb se trouvait à deux mille de Schaïzar et de Ma'arrat; Hadji-Khalifa ne fait que répéter ce que racontent Yakout et Aboulféda.
[107] L'ambassadeur que Salah ad-Din avait envoyé au khalife al-Mostadi-binour-Allah se nommait le khatib (prédicateur) Chams ad-Din ibn al-Baïda (Djémal ad-Din ibn Wasil, ms. ar., 1702, fol. 65 recto).
[108] Djémal ad-Din ibn Wasil raconte ce qui suit sur la prise de Barm (Mofarradj-al-Karoûb, ms. cité, folio 67 recto) : « L'émir 'Izz ad-Din Massoud ibn Ali al-Za'faram était gouverneur de cette ville depuis le temps de Nour ad-Din, et il avait eu à une certaine époque un fief beaucoup plus considérable, mais il l'avait perdu et il ne possédait plus rien que Bârin. C'était un des plus grands émirs nouris (mamlouks de l’atabek d'Alep et de Damas, Nour ad-Din Mahmoud). Quand il se fut rendu compte de la puissance du sultan, il descendit de la forteresse et alla lui présenter ses hommages, dans l'espérance que Salah ad-Din le comblerait de ses faveurs et qu'il se l'attacherait, de telle sorte qu'il aurait la même influence qu'à l'époque de Nour-ad-Din. Mais aucune de ses espérances ne se réalisa; aussi il prit congé de Salah ad-Din et resta à Bârin. Quand la paix eut été conclue entre Salah ad-Din et les gens d'Alep, Salah ad-Din partit d'Hamâh et marcha sur Bârin qu'il assiégea et qu'il fit battre à coups de mangonneaux. L'émir la lui rendit, et après s'en être rendu maître dans les dix derniers jours de chewâl 570, Salah ad-Din s'en retourna à Hamâh; il donna Bârin en fief à son oncle Schihâb ad-Din Mahmoud ibn Tukush-al-Hârimi. Cette même année, il donna Homs à son neveu al-Malik al-Kâhir-Nasir ad-Din Mohammad ibn Shirkouh ibn Shadi ; cette ville avait été l'apanage de son père Asad ad-Din à l'époque de Nour ad-Din Mahmoud. Nasir ad-Din Mohammad en prit possession, et après lui elle appartint à son fils al-Malik al-Moudjahid-Asad ad-Din Shirkouh jusqu'en l'année 637. Elle passa ensuite aux mains d'al-Malik al-Mansour-Ibrahim jusqu'en 617, puis elle appartint à al-Malik al-Ashraf-Moussa ibn Ibrahim ibn Shirkouh qui la lui enleva, en 646. Quand les Tartares s'emparèrent de la Syrie en 658, ils la rendirent à al-Malik al-Ashraf qui se déclara leur partisan. Quand al-Malik al-Mothaffar-Koutouz, sultan de l'Egypte, battit les Tartares à 'Aïn-Djâlout et reconquit la Syrie, il y laissa al-Malik al-Ashraf qui y régna jusqu'à sa mort arrivée en l'an 662, sous le règne d'al-Malik ath-Tahir-Rokn ad-Din Baybars.
[109] Quand le sultan eut conclu la paix avec les habitants d'Alep, dit le kadi Djémal ad-Din ibn Wasil dans le Mofarradj (ms. ar. 1702, folio 67 verso), et que le prince de Maûsil, Saïf ad-Din Ghazi ibn Maudoud en eut été informé, il envoya quelqu'un à Alep pour blâmer le gouvernement d'avoir agi ainsi, et pour l'exciter à recommencer la lutte. Il envoya également aux Halébins un ambassadeur chargé de conclure un traité d'alliance offensive avec eux.
L'ambassadeur se rendit ensuite à Damas pour demander au sultan Salah ad-Din de conclure une alliance avec Saïf-ad-Din; quand il eut obtenu une audience, il voulut sortir la minute du traité qu'il avait rédigé (entre Salah ad-Din et Saïf-ad-Din), mais il se trompa, tira de sa manche le traité conclu avec les Halébins et le lui donna à lire; le sultan le parcourut et comprit alors que les Halébins et le prince de Maûsil s'étaient coalisés contre lui. Il le rendit à l'ambassadeur en lui disant : « Tu ferais peut-être bien de me donner l'autre ». L'ambassadeur comprit qu'il s'était grossièrement trompé et qu'il n'y avait rien à faire pour racheter cette bévue. Salah ad-Din écrivit au vice-roi d'Egypte qui était alors son frère al-Malik al-'Adil Saïf ad-Din Abou-Bakr ibn-Ayyoub pour lui apprendre ce fait et pour lui ordonner de lui envoyer les troupes d'Egypte. Pendant ce temps, Saïf ad-Din Ghazi faisait la paix avec son frère 'Imad ad-Din et lui donnait Sindjar à la place de Maûsil; il réunit ses troupes, leur distribua de l'argent et envoya demander des renforts au prince de Hisn-Keïfa, au prince de Mardîn et à d'autres souverains. Ensuite il se mit en marche et arriva à Nisibin au mois de Rabi premier; il y demeura jusqu'à la fin de l'hiver, et se mit alors en marche pour se rendre à Alep ; il traversa l'Euphrate à al-Birah et établit son campement sur la rive occidentale de ce fleuve… Il arriva à Alep et son cousin al-Malik as-Sâlih ibn Nour ad-Din sortit de la ville pour aller le recevoir.
[110] Djémal ad-Din ibn Wasil dit, dans le Mofarradj (ms. arabe 1702, folio 68 verso) : « Le sultan Salah ad-Din apprit à Mardj-Abou-Kobais que les Halébins et les Mausiliens étaient au nombre de vingt mille cavaliers, sans compter les fantassins et qu'ils avaient demandé des renforts aux Francs. Le sultan n'avait guère auprès de lui que six mille cavaliers. Sur ces entrefaites, les gens d'Alep rendirent la liberté aux princes francs qui étaient détenus dans leur ville, au prince Arnât (Renaud de Chatillon), seigneur de Karak, et au fils de Jocelyn, à la condition qu'ils leur fourniraient des secours. Saïf-ad-Din Ghazi rétrograda jusqu'à Tell-al-Sultan et quand le sultan l'apprit, le jour de la fête de la rupture du jeûne, il traversa l'Oronte près de Shaïzar et il y mit son armée en bataille, renvoyant ses bagages à Hamâh ; ensuite il s'avança jusqu'aux Cornes d'Hamâh. Quand les Halébins furent informés de ce mouvement, ils envoyèrent des batteurs d'estrade en reconnaissance; ils découvrirent que le sultan était arrivé avec une très faible escorte à Djubbân-al-Turcoman et que l'armée était allée faire boire les chevaux ; si Allah leur avait inspiré à ce moment l'idée d'attaquer le sultan, il n'y a pas de doute qu'ils ne l'auraient écrasé, mais ils laissèrent à sa cavalerie le temps de boire et à ses troupes celui de se réunir. Cela se passait le mercredi neuvième jour du mois de chewâl. A l'heure de l'asr, Salah ad-Din arriva à Tell-al-Sultan, et ses troupes, écrasées de fatigue et mourant de soif, se couchèrent à terre sans pouvoir faire un mouvement. Plusieurs officiers de Saïf ad-Din lui conseillèrent d'attaquer immédiatement, mais ce prince ne voulut pas les écouter et préféra attendre au lendemain. Le lendemain matin, les deux armées se préparèrent au combat; Mothaffar ad-Din Kokbourî ibn Zain ad-Din 'Ali-Koutchuk, prince d'Arbèles, se trouvait à l'aile gauche de l'armée de Saïf ad-Din Ghazi, et il entama l'aile droite de Salah ad-Din (qui se trouvait en face de lui). Mais le sultan chargea en personne et culbuta les troupes de Mothaffar-ad-Din, faisant prisonniers plusieurs de ses principaux émirs, parmi lesquels Fakhr ad-Din 'Abd-al-Masih ; il s'empara de tout le campement de l'armée de Saïf-ad-Dîn, qui s'enfuit avec son neveu 'Izz ad-Din Farrukhshah... Le sultan s'empara de la tente de Saïf ad-Din et il y trouva toutes sortes d'oiseaux, des tourterelles, des rossignols, des merles, des perroquets enfermés dans des cages. Il fit alors venir Mothaffar ad-Din et lui dit : Prends ces cages et va les porter à Saïf-ad-Din, tu lui diras de s'amuser avec ces oiseaux. Quand Saïf ad-Din arriva à Maûsil, son vizir Djalal ad-Din et Modjânid ad-Din lui conseillèrent d'abandonner sa capitale et d'aller se réfugier dans la citadelle de 'Akr-al-Hamidiyyah. »
[111] Localité dépendante d'Alep, située dans le Vadi-Boutnân entre Manbadj et Alep, éloignée de chacune de ces deux villes d'un jour de chemin (Yakout, Mo'djam, tome I, page 613). D'après Aboulféda (tome II, partie II, page 44) et Hadji-Khalifa dans le Djihan-Numa, elle dépend d'al-Bab et non pas d'Alep.
[112] Nom d'une citadelle au pied de laquelle se trouve un petit village, à un jour d'Alep dans le Nord (Yakout, Mo'djam, tome III, page 667). Kazwini rapporte dans le Athar-al-bilâd (éd. Wüstenfeld, page 147), qu'on n'y trouve pas un seul scorpion, et que lorsqu'on répand un peu de la terre de cet endroit sur un de ces animaux, il meurt immédiatement. L'Atwâl donne pour ses coordonnées : L 61° 45', l. 35° 20' (Aboulféda, tome II, partie II, page 10).
[113] Il manque quelque chose dans cette phrase.
[114] Le manuscrit de Makrizi porte la leçon inintelligible de Masath. Le nom de cette localité se trouve sous plusieurs formes différentes : Yakout dans le Mo'djam donne Masyâb et se borne à dire que c'est une forteresse Ismaïlienne qui se trouve sur la côte de Syrie près de Tarâbolos (tome IV, page 556). Aboulféda (tome II, partie II, p. 7) la cite sous la forme Masyâf et dit qu'elle est bâtie au pied du mont Loukkam à un farsakh au nord de Bârin. Les Ismaïliens possédaient deux autres citadelles très fortes dans ces environs, celle de Kahf et de Khavvabi. A l'époque de Hadji-Khalifa, c'était une belle ville, dans le territoire de laquelle coulaient plusieurs petites rivières.
[115] C'est le nom d'un vaste canton qui s'étend entre Baalbek, Homs, Damas ou l'on trouve de nombreux villages (Yakout, Mo'djam al-bouldân, tome I, page 699). On peut voir sur ce pays, Quatremère, Histoire des sultans mamlouks de l'Egypte, tome II, partie iii, page 257.
[116] Les géographes arabes ne s'entendent pas sur le climat auquel appartient la ville de Ramla; Yakout la place dans le troisième climat, mais Mohallabi la met dans le quatrième (Yakout, Mo’djam-al-bouldân, t. II, p. 818). Il y a en Orient plusieurs endroits qui portent ce nom : une localité en face du quartier de Karkh à Baghdâd ; un village qui dépend du territoire des Bènou 'Aour dans le Bahreïn, une localité près de Sarakhs (en Perse), d'où était natif un cheikh nommé Abou’l Kasim Sa'id ibn 'Omar, qui suivit les leçons de Abou’l Ma'ali Mohammad ibn Zaîd-al-Hosaîni et du seyyid Abou’l Kasim 'Ali ibn Mousa-el-Mausevi, et qui mourut dans les environs de l'année 570; il y a également une localité nommée la Ramla des Bènou-Vabr dans le Nedjd. La Ramla de Palestine dont il est question ici est éloignée de Jérusalem de. 18 milles. Hadji Khalifa dit dans le Djihan-Numa, qu'en revenant du pèlerinage de Jérusalem, les marchands s'arrêtent quelques jours dans cette ville ou se tient une grande foire annuelle. Le coton est la principale production du pays. Tell-as-Safiyya est une forteresse voisine de Baït-Djibrin dans les environs de Ramla (Yakout, Mo'djam, tome I, page 767).
[117] D'après Yakout (Mo'djam al-bouldân, tome I, p. 397), Audjila est une ville située au sud de Barka. Al-Bakri dit que, de la ville d'Adjdabiyya à Kasr-Zanl.in, on compte trois jours de marche; il faut encore quatre jours pour se rendre à Audjila. Idrisi dit dans le Nozhat-el-moushtâk qu'on compte dix journées de Barka à Audjila en traversant le désert et également dix jours pour se rendre à Zéla. En réalité, Audjila est le nom d'une province dont le chef-lieu est Azrakiyya. Le pays d Audjila se compose d'un grand nombre de villages ou il y a beaucoup de palmiers et d'arbres fruitiers ; d'Audjila à Tadj er-rift il y a quatre jours de marche, à Santanyya en passant par les oasis, dix jours en passant par le désert et les dunes de sable (Yakout, ibid., et E. Quatremère, Notice d'un manuscrit arabe contenant la description de l'Afrique, dans Notices et Extraits des manuscrits de la Bibliothèque du Roi, Paris, 1831, page 458).
[118] D'après Yakout (Mo’djam-al-bouldân, tome III, page 375) qui cite les deux géographes Abou Sa'd et Abou-Bakr ibn Moussa, Soudar (avec un sad portant un damma, et un fatha sur la seconde radicale, suivant la vocalisation (vazn) de djouradh), est un village dépendant de Jérusalem, d'où était natif le cheikh Abou 'Amrou Lâhif ibn al-Hosain ibn 'Amran ibn Abou 'l-Ward-al-Soudari. Cet homme était un imposteur (ou peut-être il était de ceux qui n'admettent pas l'authenticité de la mission de Mahomet, kana ahad al-kadhdhabîn ; le terme d'al-kadhdhaban est, comme on le sait, appliqué aux deux hérésiarques Mosaïlima-al-Hanafi et al-Aswad ibn al-'Ausî) ; il composa un ouvrage dont on ne possède pas le titre; il prétendait descendre de Sa'id ibn al-Mousayyab ; il suivit les cours de Dharar ibn 'Ali et fut le professeur de Yousouf ibn Hamza. Il mourut dans les environs de la ville de Khwarizm en l'année 384 de l'hégire.
[119] Fâkous est une ville située sur l'extrême frontière de l'Egypte. Du Vieux Caire à Mashtoul, il y a dix-huit milles, de Mashtoul à Saft-Tarâbiyya, dix-huit milles et également dix-huit milles de cette dernière localité à Fâkous (Yakout, Mo'djam al-bouldân, tome III, page 846).
[120] Le Ghour, aussi appelé Ghour du Jourdain, pour le distinguer de deux autres contrées du même nom qui se trouvent, l'une en Arabie, l'autre du côté d'Hérat et de Ghazna, est le pays qui s'étend entre Jérusalem et Damas ; il faut trois journées de marche pour le traverser dans le sens de sa plus grande longueur et environ un jour pour le traverser dans sa largeur. Ce vaste territoire est arrosé par le Jourdain et comprend un très grand nombre de villages (Yakout, Mo'djam, tome III, page 822). Kazwini, dans sa Géographie (Kitab athâr-al-bilâd-wa-akhbâr-al-'ibad, éd. Wüstenfeld, Göttingen, 1848, page 287), ne connaît que le Ghour de Itérât ; Hadji-Khalifa dit, dans le Djihan-numâ, que le Jourdain portait anciennement le nom de Ghour et qu'on l'appela postérieurement Sharî'ah.
[121] Hadji-Khalifa dit, dans le Djihan-numa, que l'on prétendait que la forteresse de cette ville avait été construite par les génies. On y voyait, suivant cette autorité, une église des Sabéens et le tombeau du prophète Seth.
[122] Yakout (Mo'djam-al-bouldân, tome III, p. 776) dit que l'on voyait dans cette ville des traces de constructions gigantesques faites par les Romains. La population qui l'habitait se composait de Berbères ; on en exporte des cuirs que l'on nomme cuirs de Ghadamès.
[123] Nafousa, dit Yakout (Mo’djam-al-bouldân, tome IV, page 800) est le nom d'une chaîne de montagnes qui se trouve dans le Maghreb, après l'Ifriqiya; elle est fort élevée et ses plus hauts sommets atteignent près de trois milles. Il y a dans ces montagnes deux villes dont l'une se nomme Saroush ; on y mange uniquement du pain fait avec de la farine d'orge, l'autre est la ville de Djâdou, elle est voisine de Nafzavah. Toute la population de ces montagnes est schismatique (c'étaient des Ismaïliens) et n'obéit pas à des sultans. La longueur de cette chaîne de montagnes est de six jours en marchant de l'est à l'ouest; entre la montagne de Nafousa et Tripoli (de Barbarie), il y a trois jours de chemin; entre cette même ville et Kalrawân, six jours. On y trouve une tribu nommée les Bènou-Rammouz, qui y possèdent une forteresse à peu près inexpugnable nommée Tiraft. Il y a dans cette chaîne de montagnes près de 300 villages et un nombre assez important de villes, dans lesquelles, suivant le géographe musulman, il n'y avait pas de menbers, c'est-à-dire pas de mosquées, parce que toute la population de cette région était hétérodoxe. Idrisi (Nozhat-al-moshtak, trad. par Am. Jaubert, tome I. Pans, 1836, p. 275) dit que les habitants de la montagne de Nafoûsa étaient des schismatiques qui appartenaient à la fameuse secte de Ibn Minba-al-Yamânî et dont la plus grande partie habitait l'île de Djerba (au large de Gabès). On trouve sur cette chaîne de montagnes et les villes qu'elle renferme une notice rédigée à peu près dans les mêmes termes que celle de Yakout, dans l'ouvrage arabe que Quatremère a décrit dans le XIIe volume des Notices et Extraits des manuscrits de la Bibliothèque du Roi (Pans, 1831, p. 453-155).
[124] Yakout se borne à dire dans le Mo’djam-al-bouldân (tome I, p. 775) que c'est une petite ville entre Damas et la côte de la Méditerranée (sahel). — La leçon fournie par le manuscrit du Souloûk : bana... husnan 'alâ mohd-sanat Baït-al-Αhnan wa-houwa Baït Yakoub, devrait s'interpréter littéralement par : « ils bâtirent une forteresse pour rendre inexpugnable Baït-al-Ahzan », mais la comparaison du texte de Makrizi avec celui d'Ibn el-Athir (Historiens orientaux, tome I, p. 686) qui porte Makhadat-al-Ahzân ne permet guère d'adopter ce sens. Ce gué est le fameux gué de Jacob, gué Jacob, que Guillaume de Tyr nomme Vadum Jacob.
[125] Littéralement par le « Divan auguste », autrement dit par le khalife abbasside.
[126] Ce prince est Humfroy II, dit le Jeune, qui fut créé connétable de Jérusalem (constabularius regius) par le roi Baudouin III, vers 1118, lors de ses démêlés avec sa mère Mélissène. La tradition veut que ce soit Humfroy le Jeune qui ait conféré l'ordre de la chevalerie au sultan Salah ad-Din (Du Cange, Les Familles d'outremer, Paris, 1869, page 469 et 470). « Ceciderunt porro in ea congressiono viri memorabiles et pia reoordatione digni ; juvenis quidam elegantis formae, et honestis pollens monbus, nobilis et dives, Abraham de Nazareth et Godescalcus de Turolt, ... dominus vero Henfredus, regius constabulanus, ingravescentibus doloribus ad castellum novum quod ipse adhuc construebat, delatus est. Factum est autern hoc, quarto idus Aprilis. Decubans ergo ibi et per dies quasi decem, cuoi dolore vitam protrahens, supremo judicio memoriter et prudenter ordinato, vir per omnia commendabilis, decimo Kalendas Maii, patriae perpetuo lugendus, vivendi fecit finem, et in ecclesia beatae Dei genitricis et semper virginis, apud nobile et famosum castrum ejus, Toronum videlicet, debita magnificentia sepultus est. » (Guillaume de Tyr, dans Historiens occidentaux des Croisades, tome I, page 1053).
[127] Kisva est la première station des caravanes qui se rendent de Damas en Egypte; le Hâfith Abou’l Kasim rapporte que cette ville fut ainsi nommée parce que les Ghassanides massacrèrent dans cet endroit les ambassadeurs que leur avait envoyés l'empereur grec et qu'ils se partagèrent leurs vêtements (kisva). Voy. Yakout, Mo'djam-al-bouldân, tome IV, page 675.
[128] Hadji-Khalifa dit, dans le Djihan-numa, que le grenadier était très cultivé dans les environs de Schaïzar.
[129] C'est Balian II d'Ibelin, prince de Ramla et de Naplouse, comme le nomme Ibn el-Athir dans le Kâmil (Historiens orientaux, tome I, page 630).
[130] Ce nom est écrit Ord pour Oud dans le manuscrit.
[131] Yakout se borne à dire dans le Mo’djam-al-bouldân, tome IV, p. 488, que c'est une localité en Syrie. Ce nom signifie la plaine des sources.
[132] A l'époque osmanlie, à laquelle écrivait le célèbre polygraphe Hadji-Khalifa, Çafad était un sandjak qui ressortissait au gouvernement de Saïda (Sidon), il comprenait les cantons de Tibériade, Acre, Tyr, Djirah, 'Oyoun-Hudjdjar, Shakif, Mardj 'Ouyoun-Sho'aib-an-nabi (la plaine des sources du prophète Jethro) et Kafr-Kana. Safad était le chef-lieu du sandjak. On y voit une forteresse qui domine le lac de Tibériade ; l'eau y est amenée par des conduits y souterrains; les jardins de Safad sont situés du côté du lac. Il y avait dans cette localité une colonie de Juifs dont la principale industrie consistait à fabriquer des cuillères à pot, en bois, qui étaient fort estimées ; on voit à Safad le puits de Joseph, auprès duquel il y a un réservoir d'eau et un caravansérail sur le chemin qui conduit à Jérusalem.
[133] al-vâhât. Il y a plusieurs localités qui portent ce nom, sans qu'on ajoute d'autre dénomination qui précise davantage leur position géographique. La première se compose de trois villages à l'ouest de l'Egypte ou du Sa'id, car le Sa'id est, comme on le sait, entouré par deux chaînes de montagnes à l'Ouest et à l'Est, qui enserrent la vallée du Nil. Il y a trois de ces oasis, qu'on appelle al-vah-al-aoula, al-vah-al-thanî, al-vah-al-thalith ; la première se trouve en face du Fayoum et s'étend jusqu'à Assouan, c'est la plus grande, et on y trouve beaucoup de palmiers; il y a dans la troisième oasis une ville nommée Santanyya ; on y cultive également beaucoup de palmiers. Entre la troisième oasis et la Nubie, il n'y a que six jours de marche; elle est habitée par des populations de race berbère. Parmi les gens de science nés dans les Oasis, Yakout cite 'Abd-al-Orhâm ibn Bazil ibn Yahya-al-Vahyl-al Misri-Abou-Mohammad, qui alla suivre à Hamadhan en l'année 467, les leçons de Abou'l Sali-al-Tabari, d'Aboul Hasan 'Ali ibn 'Abd-Allah al-Kassâb al-Wasiti, d'Abou Sa'd Mohammad ibn 'Abd-er-Rahman al-Nîshapouri, d'Abou’l Hasan 'Ali al-Mâvardi (Yakout, Mo'djam al-Bouldân, tome IV, p. 783 ; Aboulféda, Géographie, tome II, Ire partie, page 143, 181). Idrisi (trad. Jaubert, tome I, p. 119, 121), donne à la troisième oasis, le nom d'al khâridjah » l'oasis extérieure ; celle que Yakout nomme « seconde oasis » est appelée par le géographe sicilien al-dakhilah « l'oasis intérieure », ibid., p. 122.
[134] Le sultan, dit Djémal ad-Din ibn Wasil (Mofarradj-al-Karoûb, ms. ar. 1702, folio 71 recto, sous la rubrique de l'année 576) se décida à retourner en Egypte, il laissa comme gouverneur en Syrie, son neveu 'Izz ad-Din Farrukhshah ibn Shâhânshâh ibn Ayyoub, prince de Baalbek, et il se mit en marche le lundi, dix-huitième jour du mois de Redjeb, accompagne de Sadr-ad-Din, le grand cheikh, ambassadeur de la cour de Bagdad. Il arriva au Caire le treize du mois de Chaban de cette même année, et il fut reçu par son frère al-Malik al-'Adil Saïf ad-Din-Abou-Bakr ibn Ayyoub, vice-roi d'Egypte. Le grand cheikh Sadr-ad-Din, prit congé de lui, quand il fut arrivé au Caire, et continua son chemin jusqu'à la Mecque, où il s'acquitta, de ses devoirs de pèlerin. Voici, d'après Hadji-Khalifa, la route que l'on suivait d'ordinaire pour se rendre du Caire à la Mecque ; les stations étaient la Birkat-al-hadjdj Hidfat-al-Bouvaib, Hamrah, Nakhil ghanim, 'Adjroud, ou le sultan al-Malik al-Ashraf Kansou-al-Ghauri fit construire un caravansérail et trois bassins ; Munsarif, ou l'on remarquait les traces d'un canal qui unissait la Méditerranée et la mer Rouge; al-Koubaibar, dans le « Désert des Israélites »; Wasat-al-tili, le « milieu du désert » ; Raud-al-Djémal, Batn-an-nakhl, qui porte également le nom de Wadi-al-tadjarrud, « vallée de l'isolement ». Kânsou-al-Guaûri fit construire dans cet endroit une forteresse pour garder une citerne qui s'y trouvait ; Wâdi-algaima, Wadi al-Karidh, Abyar-Kalaya, Mallahat-arakib, Ra'as-al-rakbi-djafarat, Sath al-'Akaba, ou 'Akabat-Ilah, Manzil, Zahru hamavah, Djarfam, Shavafahi-bani-'athyya, Mouthallah, Magharat Sho'aib, Kabr-al-tavâshi, 'Oyoun-Kassab, où il faisait en été une chaleur terrible ; on voyait près de cette localité le tombeau d'un descendant d'Abraham ; Sharm, proche de la mer, Mouvailahah, qui est sur le bord de la mer; Dar-Kaitbay, avant que le sultan d'Egypte Kaitbây ne se rendit au pèlerinage, on passait par Batn-Kibrit ; Kabr Shaikh Mazrouk, Summak, 'Antar-Akhori, Sharan-bah, Vadj, Bir-al-Karvi, Havirah, Havra, 'Akîk, Sahn-baiadh, Nabi-Afka', Tharatir-Ra'ï, Vadi-an-Nâr, Hassiva, près de Yanbû', Djabal-ahmar, Wadi-Tima, Djabal-az-Zinah, ou le gouverneur de Yanbô va recevoir le pèlerinage après quoi, la caravane entre à Yanbo.
[135] On lit dans l'ouvrage historique du Kadi de Hamâh (Mofarradj al Karoûb, ms. 1702, folio 114 recto) que Nour ad-Din-Mohammad ibn Kara-Arslan ibn Sokmân ibn Ortok, prince de Hisn Kalfa, avait épousé la fille du sultan du pays de Roum, 'Izz-ad-Din Kilidj-Arslan ibn Massoud-al-Saldjouki. Cette princesse resta quelque temps avec lui, puis Nour ad-Din devint amoureux d'une chanteuse et la prit comme femme légitime. Cette personne devint toute puissante dans le pays, disposant à son gré du trésor, et elle le détourna complètement de la fille d’Izz ad-Din Kilidj-Arslan. Le sultan Seldjoukide, l'ayant appris, résolut d'aller attaquer son gendre, le prince d'Hisn-Keïfa et de le détrôner. Mais Nour ad-Din ibn Kara-Arslan ibn Sokmân demanda des secours au sultan Salah-ad-Din. Le sultan d'Egypte envoya un ambassadeur à Kilidj-Arslan pour arranger ce conflit, mais le Seldjoukide se borna à lui faire la réponse suivante : « Quand Nour ad-Din ibn Kara-Arslan a épousé ma fille, je lui ai donné un certain nombre de places fortes qui faisaient partie de mon empire et qui étaient voisines de ses états; puisqu'il s'est si mal conduit envers moi, je veux qu'il me rende ce qu'il a reçu de moi. » Plusieurs ambassades furent échangées entre les deux souverains sans aboutir à aucun résultat. Le sultan Salah ad-Din fit alors la paix avec les Francs et se mit en marche avec ses troupes. Au reçu de cette nouvelle, al-Malik as-Sâlih, fils de Nour ad-Din, qui régnait à Alep, quitta immédiatement sa capitale et se rendit à Tell-Bashir et à Rahban, ou il fut rejoint par Nour ad-Din ibn Kara-Arslan, prince de Hisn-Keïfa. Quand Kilidj-Arslan apprit que Salah ad-Din se trouvait tout près de lui, il lui envoya en ambassade son plus grand émir pour lui dire : « Voilà comment cet homme a traité ma fille, je ne puis faire autrement que de l'attaquer et de lui apprendre qui je suis. » Quand l'ambassadeur eut exposé ce message au sultan, celui-ci se mit dans une violente colère et s'écria : « J'en jure par Allah, et il n'y a pas d'autre divinité que Lui! S'il ne renonce pas à son entreprise, certes je marcherai sur Malatiyya dont je ne suis éloigné que de deux journées de marche; je ne descendrai pas de mon cheval avant d'être dans cette ville; alors j'attaquerai l'empire d’Izz-ed-Din et je le lui arracherai. » L'émir vit que la situation était désespérée, car l'armée de Salah ad-Din était très nombreuse et abondamment fournie de tout ce qui lui était nécessaire, et celle du sultan du pays de Roum n'était pas en état de lui tenir tête. » Le manuscrit offre malheureusement ici une lacune dont on ne peut apprécier l'importance, et dans laquelle a disparu le récit des opérations de Salah ad-Din contre Kilidj-Arslan.
[136] Forteresse près de Marasch et Soumaîsâth. Hadji-Khalifa dit qu'elle se trouvait sur le chemin de Marasch à Kaisariyya à deux jours d'Aïntab. Il y passe une petite rivière.
[137] Djoudhâm est le nom d'une tribu arabe bien connue qui habitait, avec les tribus de Lakhm, de Djohaina et de Bili, le pays compris entre Ilah, Tabouk et Wadi-l-Kora ; quant aux Taghlibites, ils habitaient le Sud de la Mésopotamie (Idrisi, trad. Jaubert, 1.1, p. 335 et 363). On trouve la première de ces deux tribus citée en compagnie des Lakhm, dans le Mo’djam-al-bouldân de Yakout (t. I, p. 825).
[138] Yakout dit que la forme primitive du nom de cette localité était Maks et non Maks. C'est une petite ville située en face du Caire sur les bords du Nil et qui avant l'Islam s'appelait Oumm Dounin; on y remarquait une forteresse ; c'était une ville importante avant la construction de Fostat. Elle fut assiégée par 'Amrou ibn al-'As, qui s'en empara en l'année 20 de l'hégire (Yakout, Mo'djam, t. IV, p. 606).
[139] Je ne crois pas utile de donner beaucoup d'éclaircissements sur le monument que les Musulmans nomment Mikyas (Nilomètre), car cette question est bien connue. Yakout (Mo’djam-al-bouldân, tome IV, p. 015) nous apprend que c'était une colonne de marbre qui se trouvait placée dans un bief creusé sur le bord du Nil et qui communiquait par un canal avec le fleuve ; cette colonne portait une graduation. Tout le monde sait que pour que la récolte soit bonne en Egypte, il faut que le Nil recouvre de son limon l'étroite vallée comprise entre les deux chaînes de montagnes qui l'enserrent à l'Est et à l'Ouest. Le kadi al-Kodai a rapporté que le premier qui eut l'idée d'établir un instrument qui permit de mesurer la hauteur du Nil est le patriarche Joseph; il serait bien difficile de citer un fait qui prouve cette assertion d'une façon indiscutable ; le oukyas de Joseph était établi à Memphis (Menef). La reine Dalouka fit construire un mikyas à Ansaua et un autre à Akhmim; avant cette époque on mesurait la crue du fleuve à l'aide d'un fil à plomb. Les Égyptiens se seraient servis de ces deux mikyâs jusqu'à la conquête arabe; à cette époque 'Amrou ibn al-'As en fit bâtir un à Assouan, Mo'aviah, à Ansana et 'Abd el-Aziz ibn Marvan à Houlvan. Le mikyas ancien qui se trouvait dans l'île fut commencé par Ousâma ibn Zaid-al-Tanoukhî, qui construisit également l'hôtel du trésor public, sous le règne du khalife Soleïman ibn 'Abd-al-Malik, en l'année 97; al-Motavakkei fit construire le nouveau mikyas en 247 et il en donna l'inspection à un savant nommé 'Abd-Allah ibn 'Abd-as-Salam ibn 'Abd-Allah ibn Abou’l Raddad, qui était originaire de la ville de Bassora. La ville d'Ansana dont il a été question plus haut est située dans le Sa'id à l'Orient du Nil (Yakout, Mo'djam, t. I, p. 381). Akhmim est également dans le Sa'id sur les bords du Nil.
[140] Ce nom de ville est écrit sans aucun point diacritique, de telle sorte que sa lecture est douteuse. Suivant Yakout (Mo’djam-al-bouldân, t. 1, p. 907) Taimâ est une ville qui se trouve sur les confins de la Syrie, entre ce pays et Wadi-al-Kora, sur le chemin du pèlerinage de Syrie et de Damas. La localité nommée Ablak-al-Fard, ou château (hisn) du juif Samoual ibn 'Adia, domine Tauna et c'est pour cette raison qu'on appelle quelquefois cette localité la Talma du Juif. Ibn al-Arabi dit que c'est un canton très vaste ; al-Asma ι ajoute qu'on n'y trouve pas d'eau. Idrisi (trad. Jaubert, t. I, p. 335) dit au contraire que l'on trouve à Taima de l'eau et des palmiers; c'était d'après ce géographe, un lieu où passaient les marchands qui se rendaient dans le désert.
Le prince Arnât est le célèbre Renaud de Châtillon.
[141] D'après Yakout (Mo’djam-al-bouldân, t. I, p. 422), qui cite l'historien Abou Moundir, Ilah qui est l'ancienne Alla, fut construite par Madian, fils d'Abraham ; Abou 'Obéidah nous apprend que c'était une ville sur le bord de la Mer Rouge. Mohammad ibn Hasan-al-Mohallabi dit que, de Fostat à Djubb-'Omairah, il y a six milles; de là à 'Adjroud, ou se trouve un puits d'eau saumâtre, 40 milles; de 'Adjroud à la ville de Kolzoum 35 milles : deux jours de marche conduisent ensuite à Thadiar; il faut encore un jour pour atteindre la station nommée al Koursi, une autre journée pour arriver au commencement du défilé d'Ilah ('Akbah-Ilah) ; de ce point à Ilah, il faut également un jour. Cette dernière ville avait une grande importance, car c'est la que venaient se réunir les pèlerins de Fostat et de Syrie. Idrisi nous apprend (trad. Jaubert, t. I, p. 332), que le défilé d'Ilah commence au cap Abou-Mohammed, ou l'on ne trouve pas d'eau. Suivant ce géographe, Ilah est une très petite ville. Parmi les traditionnistes originaires de cette localité, Yakout cite Younis ibn Yazid al-Ili qui mourut dans le Sa'id en 152 ; Ishak ibn Ismâ’îl ibn 'Abd al-Ali ibn 'Abd-al-Hamid ibn Yakoub al-Ili, qui suivit les cours de Sofian ibn 'Ouyaïna et d'Abd-al-Madjid ibn 'Abd el-Aziz ibn Ravvâd, et qui donna des leçons à al-Nasaî, puis il mourut dans sa ville natale en 258 ; Hassan ibn Aban ibn 'Othman Abou 'Ali al-Ili qui fut kadi de Damiette et qui mourut en 322.
[142] Yakout nous apprend dans le Mo’djam-al-bouldân (tome III, page 933) qu'il y a deux contrées qui portent le nom de Fayoum : l'une en Egypte et l'autre dans l'Irak ; c'est de la première qu'il est question ici. Le Fayoum égyptien est une vaste province distante de quatre jours de Fostat. Les traditionnistes arabes s'accordent à dire que le prophète Joseph y fit creuser un canal pour amener l'eau du Nil (cf. Aboulféda, Géographie, tome I, partie I, p. 159; Kazwini, Athar-al-bilâd, éd. Wüstenfeld, p. 158); la ville principale de cette province se nomme également Fayoum.
[143] Il sera question plus loin, à l'occasion du siège de Damiette, de cette chaîne et des deux tours qu'elle réunissait en barrant le Nil, cela me dispense d'entrer ici dans de plus longs éclaircissements sur ces termes, qui, pris isolément, ne sont pas très compréhensibles.
[144] Yakout (Mo’djam-al-bouldân, t. III, p. 198) dit qu'on mettait sept jours pour se rendre de Fostat à Suez par terre et qu'on ne trouvait pas d'eau sur la route ; on y transportait les provisions de bouche du Caire à dos de bêtes de somme ; c'était un des points par lesquels passaient les pèlerins qui se rendaient dans les deux villes saintes.
[145] Le Sa'id d'Egypte, dit Yakout (Mo’djam-al-bouldân, t. III, p. 392) est une vaste province qui comprend plusieurs grandes villes, telles qu'Assouan, la première que l'on y rencontre en venant du sud, puis Koûs, Akhmim, Bahnasa et encore bien d'autres. Cette province est tellement vaste qu'elle est subdivisée en trois contrées. Le Sa'id supérieur qui s'étend d'Assouan à Akhmim, le second Sa'id d'Akhmim à Bahnasa, et le Sa'id inférieur, de Bahnasa aux environs de Fostat. Un des meilleurs fonctionnaires de l'administration égyptienne, Abou’l sâ-al-Touïs, dit que dans le Sa'id tout entier, on pouvait compter 957 villages. Au sud de Fostat, le Sa'id est entouré par deux chaînes de montagnes entre lesquelles coule le Nil; c'est, au dire de tous les géographes, un pays d'une très grande fertilité. Yakout rapporte qu'on y trouvait des choses extraordinaires, en particulier des cavernes remplies de cadavres d'hommes, d'oiseaux, de chats et de chiens, ensevelis dans des cercueils de granit. Un auteur nommé al-Haravi, cité par Yakout, raconte qu'il avait vu une toute jeune fille qu'on avait retirée de son cercueil ; ses mains et ses pieds portaient encore des traces d'une peinture, dans laquelle il croyait reconnaître du henné. Il dit également que les gens du Sa'id creusaient des puits au fond desquels ils trouvaient des sarcophages de pierre portant des inscriptions. Ce sont évidemment les hypogées tels que ceux de Sakkarah, auxquels les voyageurs du Moyen-âge donnent le nom de « Champ des Momies ».
[146] Ou plutôt le sulfate de cuivre et de fer dont on extrait l'acide sulfurique et dont le meilleur provient du Yémen (Lane, An arabic-english Dictionary, p. 1493, col. 2.)
[147] Tinnis est le nom d'une île située en face de Ferma et de Damiette ; Ferma est située à l'Orient par rapport à Tinnis (Yakout, Mo'djam, t. 1, p. 882). Les astronomes fixaient sa longitude à 51° et sa latitude à 31° 20'; la principale industrie de cette île consistait dans la fabrication d'étoffes. Ce sont ces toiles auxquelles les voyageurs occidentaux, tels que Vansleb donnent le nom de fiumi. L'eau du lac de Tinnis était salée pendant la plus grande partie de l'année, parce que ce lac correspond avec la Méditerranée et que, lorsque le vent souffle du nord, les flots de cette mer y pénètrent. Le mur d'enceinte de Tinnis fut commencé au mois de Rabi premier de l'année 230, alors que 'Isa ibn Mansour ibn 'Isa al-Khorasani al-Râfi'i était gouverneur de Misrau nom d'Inandj (l'édition porte Itâdj), le Turc, sous le règne du khalife abbasside al-Wâthik billah ; il fut terminé en 239, sous le gouvernement d’Anbasa ibn Ishak ibn Shamar-el Dabî-al-Haravi, sous le règne de Moutavakkil.
[148] toudjdjar-al-kârim : on peut voir sur cette expression les Voyages d'Ibn Batoutah, IV, 49, 259 et les Notices et Extraits des manuscrits, XII, 639; XIII, 214; (cf. Dozy, Supplément aux Dictionnaires arabes, tome II, page 460, colonne 1). Le mot karim signifiant également « ambre jaune », on pourrait songer à traduire des « marchands d'ambre jaune »; mais je ferai remarquer que c'est surtout l'ambre gris que l'on trouve dans l'Océan indien, et que l'ambre jaune qui est, comme l'on sait, d'une origine toute différente, vient sur tout de la Baltique. Ce mot karim ou karam, car on ne connaît pas la nature exacte de la seconde voyelle, est l'altération d'un mot assyrien karkuma qui se trouve dans une inscription de Assour-Nasir-Habal, avec le sens d'ambre jaune.
[149] On peut voir sur cette opération qui se faisait avec la plus grande solennité le voyage de l'Alide Nasir-i Khosrau qui se rendit en Egypte sons le règne du khalife fatimide al-Mostansir billah et dont le Séfer-Nameh a été publié par Ch. Schefer.
[150] Cette traduction est conjecturale par plus d'un point et le texte du manuscrit me paraît corrompu dans ce passage.
[151] Kous, dit Yakout dans son grand traité géographique (Mo’djam-al-bouldân. IV, p. 201), est une très grande ville qui fait partie du Sa’id de l'Egypte; elle est séparée de Fostat par une distance qu'il faut douze jours pour franchir. Suivant ce même auteur, la population de cette ville était extrêmement riche. C'était là que les marchands qui venaient d’Aden s'arrêtaient; la plupart en étaient d'ailleurs originaires. Le climat de cette ville est très chaud; elle est située sur la rive orientale du Nil et elle est séparée de la mer du Yémen par quatre ou cinq jours de marche. Ses coordonnées terrestres sont, toujours d'après Yakout : L. 55· 30°; l. 24° 30'.
[152] Hawârah est proprement le nom d'une tribu berbère, sur laquelle Idrisi raconte une curieuse légende dans son Nozhat-al-moushtak (trad. Jaubert, t. I, p. 204). Cf. Yakout, Mo'djam-al-Bouldan, t. IV, p. 995.
[153] Yakout (Mo’djam-al-bouldân, t. II, p. 953) se borne à dire que c'est le nom d'une petite ville entre l'Ifriqiya et le Maghreb.
[154] Le manuscrit porte Lamâna qui est complètement inconnu, tandis que Lavâta est le nom d'une tribu berbère qui s'était établie dans la terre de Barka, pendant que la tribu de Havarah s'établissait dans la montagne de Nafoûsa; on pourrait songer également au nom de la tribu berbère de Lamta (Idrisi, trad. Jaubert, t. I, p. 203). Yakout dit dans le Mo'djam (t. IV, p. 367) qu'il y a en Espagne, dans les environs de Firrish, un canton qui se nomme Lavâta.
[155] Le manuscrit porte Makoûsa que je n'hésite pas à corriger en Nafoûsa. On peut voir sur cette chaîne de montagnes les détails donnés plus haut.
[156] En réalité, cet émir aurait dû faire réciter la khotba, non en l'honneur du sultan Salah ad-Din, mais au nom de son suzerain, le khalife abbasside de Bagdad.
[157] D'après Yakout (Mo’djam-al-bouldân, t. III, p. 660), al-Arish est la première ville égyptienne que l'on rencontre quand on vient de Syrie; elle est située sur le rivage de la Méditerranée au milieu du désert de sable (rami). Cette ville, d'après Ibn Zoûlak, était très renommée pour les grenades qu'on y cultivait et que l'on nommait à cause de cela al-'Arishi. Un géographe appelé al-Hasan ibn Mohammad-al-Mohallabi, dit que d'al-'Arish à al-Warrâda, il y avait trois farsakhs; on y voyait doux mosquées, un marché et de nombreux caravansérails pour les marchands. En plus des grenadiers, on y cultivait un grand nombre de palmiers. Pour se rendre d'al-'Arish aux deux puits d'Abou Ishak, il fallait parcourir une distance de 6 milles ; ces deux puits servaient de heu de halte aux caravanes; pour atteindre la localité nommée « les deux arbres » (al-shadjratain) qui est la première que l'on trouve en Syrie quand on vient d'Egypte, il faut également faire 6 milles.
[158] Ces digues empêchaient l'Egypte d'être inondée avant le temps propice, lors des crues du Nil et l'on comprend l'intérêt qu'il y avait à les tenir toujours en bon état.
[159] Le mot tavâshi, qui est d'origine turque, se traduit généralement par « eunuque », ainsi que le mot khâdim, qui le remplace assez souvent. On ne voit pas trop ce que viendraient faire plus de 1,500 eunuques dans un corps de 8.000 hommes ; ce n'est pas généralement à ces individus que l'on confie des commandements militaires, et l'on voit cependant constamment dans les historiens musulmans, des tavâshis et des khâdim, investis d'importantes situations militaires. Je sais bien qu'on pourrait opposer à cela le cas de l'eunuque Narsès; mais il est assez isolé pour n'avoir pas grande autorité. Je crois, en conséquence, que la traduction, dans tous les passages où on les trouve, des mots tavâshi et khâdim, par eunuque est peu exacte. Il est plus difficile de savoir exactement quelles étaient les fonctions de ces officiers. — Le manuscrit porte karaghoulamiyya qui me semble faux.
[160] Cette traduction est conjecturale.
[161] Tabouk, dit Yakout (Mo’djam-al-bouldân, t. I, p. 824), est une localité située entre Wadi-al-Kora et la Syrie. Abou Zaïd dit avec plus de précision qu'elle est située entre al-Hidjr et la frontière syrienne, à quatre étapes de al-Hidjr environ, à la moitié du chemin qui sépare ce village de la frontière de Syrie. On y voit une forteresse entourée de palmiers. La ville de Madîn, qui se trouve sur la mer de Kolzoûm, est à six étapes de Tabouk. Tabouk est située entre deux montagnes, celle de Hasma et celle de Sharourî; cette dernière étant à son orient. C'est une localité très célèbre dans l'histoire de Mahomet; elle est distante de Médine de 12 étapes. Idrisi ajoute (trad. Jaubert, t. I, p. 333) qu'elle était entourée d'une fortification solide. — Sur Hidjr, on peut consulter la Géographie d'Aboulféda (t. II, p. 1, page 118).
[162] Mamlouk d'Asad ad-Din Shirkouh, oncle du sultan Salah-ad-Dîn.
[163] Zabid était le principal port et la plus grande ville du Yémen (Aboulféda, Géographie, t. II, p. i, page 121) ; Yakout, Mo’djam-al-bouldân, t. II, p. 915.
[164] Le Movatta étant l'un des ouvrages théologiques les plus importants de la littérature arabe, je ne crois pas mutile d'entrer dans quelques détails à son sujet. C'est un traité de traditions aussi célèbre que ceux de Bokhari et de Termidi; son titre exact est al.movatta-fi'l-hadith. Cet ouvrage a été composé par le célèbre imâm Malik ibn Anes-al-Himyari-al-Madani, qui mourut en l’année 179 de l'hégire, soit en 759-160 de l'ère chrétienne. Le texte en a été édité par l’imâm. Mohammad ibn al-Hasan al-Shaibâni. Cet ouvrage est divisé comme tous les grands traités analogues, en chapitres relatifs à la prière, à la purification, au jeûne, au pèlerinage, dont on trouvera la liste dans le Catalogue des manuscrits arabes du British Museum sous le n° MDXC. Le Movatta a été l'objet d'un très grand nombre de commentaires, parmi lesquels il convient de citer ceux d'Abou Mohammad 'Abd-Allah ibn Mohammad al-Bat-lyousi († 521 h.); d'Abou Marvân 'Abd-al-Malik ibn Habib († 239 h.); du célèbre Djalal ad-Din 'Abd-er-Rahman-al-Soyouti († 911), qui donna à son ouvrage le titre de Kashf-al-moghatta-ft-sharh-al-Movatta; les exemplaires de ce commentaire sont répandus dans toute l'Afrique, on en trouve jusqu'aux bords du Tchad et au Sénégal ; Soyouti a également composé deux autres commentaires sur le Movatta, l'un le Tanvir-al-havalik-'alâ-'t-Mouvattâ ibn Malik, l'autre le Isaf-al-moubatta-fi-ridjal-al-Mouvatta. Le hâfith Abou 'Omar ibn 'Abd-al Barr-Yousouf ibn 'Abd-Allah Korlobï († 463 h.) en a composé un commentaire intitulé Tafaddhi-bi-hadith-al-Moumttd. On peut encore citer les commentaires d'Abou'l Walid Soleïman ibn Khalaf-al-Bâdji († 474), nommé al-Montaka; du cheikh Zaïn ad-Din 'Omar ibn Ahmad al-Shama al-Malabi († 936); d'Ibn Rasink-al-Kairawâni (f 456); d'Ibrahim ibn Mohammad al-Aslami († 284), intitulé Movattâ-ad'af-Movatta; du hâfith Abou-Bakr-Mohammad ibn al-Arabi al-Maghribi (f 516) (Hadji Khalifa, Lexique bibliographique, t. VI, p. 264 sqq.).
[165] Asnâ, aujourd'hui Esné, dit Yakout (Mo'djam, t. I, p. 365), est une ville qui se trouve sur les confins du Sa'id, il n'y a plus au Sud que Assouan et Edfou, puis encore plus au Sud, la Nubie. Cette ville se trouve sur la rive occidentale du Nil; ses coordonnées sont : L. 54° 14'; l. 24° 40', c'était à cette époque une ville riche et florissante où l'on voyait beaucoup de palmiers et d'arbres fruitiers de tous genres. D'après ce que raconte Yakout, il paraît que l'Ismaïlisme, c'est-à-dire la doctrine fatimide, avait fait beaucoup de progrès dans cette ville, car il dit qu'un kadi qui en était originaire et qui mourut en 505 de l'hégire, faisait profession d'Ismaïlisme.
[166] Voici ce que raconte Djémal ad-Din ibn Wasil dans le Mofarradj-al-Karoûb (ms. ar. 1702, folio 71 verso) :
« En quittant le Yémen, al-Malik al-Mo'aththam Tourânshâh laissa comme gouverneur à Zabîd, l'émir Saïf ad-Din Moubarak ibn Kâmil ibn Mounkidh-al-Kenâni et à Aden, 'Izz ad-Din 'Othman ibn al-Zandjilî; Saïf ad-Din avait envie de s'en retourner on Syrie qui était sa patrie; aussi, il écrivit à al-Malik al-Mo'aththam pour lui demander la permission de s'y rendre. Il laissa son frère Khattân pour le remplacer, et s'en revint auprès d'al-Malik al-Mo'aththam Tourânshâh, qui se trouvait alors au Caire. Quand ce prince mourut, l'émir Saïf ad-Din resta au service du sultan ; on dit que Saïf ad-Din avait intercepté les revenus du Yémen, qu'il les avait mis en réserve, et qu'il s'entourait des ennemis du sultan ; mais Salah ad-Din ne voulut prendre aucune précaution contre lui. Cette année, Saïf ad-Din fit une grande propagande en sa faveur et il réunit les principaux émirs Sâlihis dans un village situé sur les bords du Nil, qui s'appelle al-'Adouviyyah ; il envoya à ses affidés l'ordre de sortir de la ville et d'acheter ce dont ils avaient besoin, en fait de vivres et d'autres choses. On rapporta alors à Salah ad-Din que Saïf ad-Din ibn Mounkidh voulait aller attaquer le Yémen, que ses compagnons ne cessaient d'aller et de venir autour de lui et que dans ces conditions, le Yémen, pourrait échapper à son autorité. Le sultan le fit alors arrêter et jeter en prison, mais il paya une somme de 80.000 dinars et il fut relâché. Sur ces entrefaites, Khattan ibn Mounkidh, frère de Saïf-ad-Din, gouverneur de Zabïd, et 'Izz ad-Din 'Othman ibn al-Zandjili, gouverneur d’Aden, s'étaient brouillés, lorsqu'ils avaient reçu la nouvelle de la mort d'al-Malik al-Mo'aththam, et ils se mirent en guerre l'un contre l'autre. Quand le sultan sut ce qui se passait dans le Yémen, il eut peur que les habitants du pays, enhardis par la discorde de ses lieutenants, ne cherchassent à se rendre indépendants; aussi il envoya une armée dans le Yémen, sous le commandement de Kutlugh-Abah qui était gouverneur du Caire, avec plusieurs autres émirs. Kutlugh-Abah s'empara de Zabid et en chassa Khattân ; mais Kutlugh-Abah étant venu à mourir, Khattân revint à Zabid, et les habitants se soumirent à lui. »
h Ces troubles menaçant la souveraineté des ayyoubides dans le Yémen, Saïf-al-Islâm-Tahir ad-Din Toughantikin ibn Ayyoub se rendit dans ce pays, en l'année 578, après que le sultan Salah ad-Din fut parti pour la Syrie. Il s'empara de Zabid, accorda une capitulation à Khattân et le traita d'une façon honnête, Khattân lui ayant demandé la permission de s'en retourner en Syrie, ce prince la lui accorda : Khattân réunit toute sa fortune qui s'élevait à des sommes immenses et partit. »
[167] Nom d'une forteresse célèbre dans les annales de l'Egypte à cette époque et jusqu'à la fin de l'empire des Sultans Mamlouks ; cette forteresse se dressait complètement isolée sur le sommet d'une haute montagne, sur le chemin de la Syrie, dans les environs de Bilka, à la distance de trois jours de Shaûbak, sur la limite de la Syrie du côté du Hedjaz. Au pied de Karak, s'étend une vallée dans laquelle on cultivait d'excellents fruits, abricots, poires et grenades. Mautali est à une journée de Karak, c'est dans cette localité que les Musulmans se heurtèrent pour la première fois aux Grecs; on y voit les tombeaux de Djafar Tayyar et de Harith, fils de Hicham. Il y a une autre ville du nom de Karak près de Baalbek (Yakout, Mo’djam-al-bouldân, tome IV, page 2G2 ; Aboulféda, Géographie, tome II, 2e p., p. 24; Hadji-Khalifa, Djihan-numa.) La forteresse de Karak est nommée par les historiens du moyen âge occidental, Crach ou la Pierre du désert. On peut voir sur cette localité et sur ses homonymes la Notice sur la carte générale.... dans le premier volume des Historiens occidentaux, p. xxxiii.
[168] L'historien Djémal ad-Din ibn Wasil raconte dans le Mofarradj-al-Karoûb (cas. ar. 1702, folio 75 r°) qu'un peu avant le départ du sultan Salah ad-Din, les Francs avaient rompu la trêve et qu'ils avaient capturé un navire marchand, mais à leur tour, les Musulmans s'emparèrent d'un grand transport de guerre appartenant aux Francs ; il venait d'un des ports de la Pouille, portant 1.500 hommes, tant d'équipage que de soldats et de valets d'armée, qui avaient l'intention d'aller faire le pèlerinage de Jérusalem. Assailli par un coup de vent en face de Damiette, le navire coula, une partie des Francs périrent dans les flots, et le reste tomba au pouvoir des Musulmans qui s'emparèrent ainsi de 600 prisonniers (1.600, dit le man.). Quand le sultan Salah ad-Din arriva près d'Ilah, il apprit que les Francs s'étaient réunis à Karak, dans l'intention de lui barrer le chemin ; il fit une expédition contre leur pays, puis il écrivit à ses soldats de se réunir et il marcha contre Karak ; il donna à son frère Tadj-al-Molouk-Bouri, le commandement de ses troupes en lui ordonnant de venir former son aile droite. Quand les Francs apprirent que le sultan s'était mis en marche et qu'il escortait une riche caravane, ils s'assemblèrent à Karak près du chemin par laquelle elle devait passer, dans l'espérance de l'enlever. Mais al-Malik al-Mansour 'Izz ad-Din Farrukshah, neveu du sultan, sortit de Damas et alla ravager leur pays comme l'indique Makrizi.
[169] Ces deux villes sont assez connues pour que je me dispense d'emprunter leur description aux géographes musulmans.
[170] Il y a en Syrie plusieurs localités qui portent le nom de Shakif ; Shakif-Arnoûn, dont il est question ici, tire son nom de cette circonstance qu'il y a dans cette localité une caverne (shakif), qui appartenait à un grec nommé Arnoûn. C'est une forteresse proche de Banyâs entre Damas et la Méditerranée ; Shakif-Tiroûn est une forteresse près de Safad ; Shakif-Darkoush, une forteresse proche d'Alep au sud de Harim; Shakif-Doubbin une petite citadelle non loin d'Antioche; Doubbin est le nom d'un petit village qui se trouve au-dessous de cette citadelle (Yakout, Mo’djam-al-bouldân, tome III, p. 309).
[171] Djémal ad-Din ibn Wasil raconte ce qui suit dans le Mofarradj-al-karoûb (ms. ar. Π02, folio 75 verso) : Le sultan fit son entrée à Damas treize nuits du mois de Safer de 578 restant à passer, puis il alla ravager Tibériade et Baïsan ; il livra plusieurs combats aux Francs près de Hisn-Kaukab ; il y perdit un certain nombre d'hommes, mais il fut vainqueur. Il apprit que les gens de Maûsil avaient écrit aux Francs et les avaient engagés à attaquer les places frontières de l'Islam pour l'occuper et le détourner des projets qu'il avait formés contre eux. Le sultan Salah ad-Din se rendit à Baalbek et campa dans la Bika'. Ayant appris que la flotte égyptienne à laquelle il avait ordonné de faire voile vers la côte du Sahel, venait d'arriver devant Beyrouth, il partit en toute hâte avec ses troupes équipées du strict nécessaire, mais il s'aperçut que c'était une entreprise difficile et il renvoya son escadre en Egypte. Il attaqua alors le pays des Francs et y fit un grand butin, puis il s'en retourna, et fit revenir son neveu Izz ad-Din Farrukshah à Damas; le sultan se rendit à Baalbek, puis à Homs et ensuite à Hamâh, accompagné du prince de cette ville, al-Malik al-Mothaffar-Takî ad-Din, et de là à Alep. Quand il arriva près de cette ville, Mothaffar ad-Din Kokbouri ibn Zaïn ad-Din 'Ali-Koutchek, prince de Harrân, se rendit auprès de lui pour lui présenter ses hommages. Il conseilla au sultan Salah ad-Din de traverser l'Euphrate; son but, en agissant ainsi, était de nuire à Moudjahid ad-Din Kaïmaz et à 'Izz ad-Din Massoud, prince de Maûsil ; il poussa Salah ad-Din à s'emparer des états de ce prince. Salah ad-Din arriva devant Alep le dix-huit du mois de Djoumada premier, et y resta campé durant trois jours. Il partit au bout de ce temps pour gagner l'Euphrate et il établit son campement à al-Birah, sur la rive occidentale du fleuve. Birah avait appartenu au prince ortokide Schihâb ad-Din, et après sa mort à son fils, qui reconnut la suzeraineté d'Izz ad-Din, prince de Maûsil. Kotb ad-Din Ilgazi ibn Ortok, prince de Mardîn, avait cherché à s'en emparer l'année précédente après en avoir reçu l'autorisation de son cousin, le prince de Maûsil. Kotb ad-Din se rendit à Soumaïsât qui lui appartenait et envoya son armée devant al-Birah, mais elle ne put s'en emparer. Le prince de Birah écrivit alors au sultan Salah ad-Din qui venait de partir d'Egypte et lui demanda secours, lui promettant de se considérer comme son vassal, au même titre que son père reconnaissait l'atabek d'Alep, Nour ad-Din Mahmoud comme son suzerain. Salah ad-Din y consentit, et il écrivit au prince de Mardîn, pour le prier de renoncer à ses vues et de retirer son armée de devant al-Birah. Le prince de Mardîn n'y voulut pas consentir, mais comme Salah ad-Din était occupé avec les Francs, il n'y put rien faire. Quand Kotb ad-Din vit que le siège d'al-Birah traînait en longueur et que ses troupes ne remportaient aucun avantage, il ordonna de lever le camp et s'en retourna à Mardîn ; le prince de Birah alla présenter ses hommages au sultan Salah ad-Din, et demeura avec lui jusqu'à ce qu'il eut traversé l'Euphrate. De Birah, Salah ad-Din alla assiéger Édesse, où se trouvait l'émir Fakhr ad-Din Massoud ibn al-Za'farânî, qui avait d'abord été prince de Hamâh; cet émir rendit Edesse à Salah ad-Din qui la donna en fief à Mothaffar ad-Din ibn Zaïn ad-Din, à la place de Harran. Ibn al-Za'farani se rendit ensuite à Maûsil. D'Harrân, le sultan alla à al-Rakka; le prince de cette ville, nommé Kotb ad-Din Inâl la lui livra également et resta a son service ; de Rakka, Salah ad-Din alla à Mahd-ar-roumman puis à 'Arabân qu'il prit aussi. Il conquit ensuite al-Khabour, Ra'as-al-'Aïn, Dourin, Maksin, Shamasa, Ghadir, Madjdal al-Hosain ; il traversa l'Euphrate au pont de… et vint mettre le siège devant Nisibin, dont la citadelle refusa de se rendre pendant plusieurs jours, mais elle finit par capituler et le sultan la donna à Hosam ad-Din Abou’l Hidjâ-al-Samin. Le sultan nomma Djémal ad-Din Khoûshtarin gouverneur du Khâboûr. Quand Salah ad-Din eut réglé les affaires de Nisibin, il réunit ses grands émirs et on résolut de marcher contre Maûsil et de s'emparer de cette ville. A cette époque, c'était Izz ad-Din qui régnait dans cette ville et Moudjahid ad-Din Kaïmaz était son lieutenant ; ils avaient réuni une armée considérable dans Maûsil, tant de cavalerie que d'infanterie, ainsi que des armes et des engins de guerre de toutes sortes ».
[172] Le Hauran est une vaste contrée qui dépend de Damas et qui s'étend au sud de cette ville; on y trouve un grand nombre de villages dont les habitants se livrent à la culture (Yakout, Mo'djam, tome II, p. 357).
[173] Il ne faut pas confondre cette localité avec la petite ville du même nom qui était voisine de Soumaïsath entre Alep et les frontières du pays de Roum et qui, à l'époque à laquelle écrivait Yakout, appartenait à al-Malik al-Zâhir-Modjîr ad-Din Abou Soleïman-Daoud ibn al-Malik an-Nasir-Yousouf ibn Ayyoub; c'était son frère al-Malik ath-Tahir-Ghazi, sultan d'Alep qui la lui avait donnée en fief; il y a également une localité de ce même nom entre Jérusalem et Nabolos, qui fut saccagée par Salah-ad-Din. (Yakout, Mo’djam-al-bouldân, tome I, p. 787). Hadji-Khalifa dit dans le Djihan-numa que Birah possédait une citadelle presque inexpugnable ; il s'y trouvait un vallon, qu'on appelle le vallon des oliviers, à cause de la grande quantité des arbres de cette espèce qui y sont cultivés. Elle est distante d'une journée de Kala't-ar-Roum, de Kala't-al-Nadjm et de Kala't-al-Kavâkib et au midi de Saroudj.
[174] Ville située sur le bord de l'Euphrate à trois jours de Harrân.
[175] C'est la ville bien connue de Nisibe. Kazwini nous apprend dans le Kitab-athâr-al-bilâd (éd. Wüstenfeld, page 313), que c'est une ville très prospère de la Mésopotamie, proche de Sindjar; on y comptait, tant dans la ville elle-même que dans les villages qui en dépendaient, quatre mille jardins dans lesquels étaient cultivés des fruits magnifiques, mais en revanche on y trouve des quantités incroyables de scorpions. Un nommé Ahmad ibn al-Tayyib-al-Sarakhsï raconte que lorsque Khosrav-Anoushirvân vint assiéger cette ville, il ne put en venir à bout. Un savant qui se trouvait dans son armée, lui conseilla de faire venir des scorpions du village de Tiran-Shâh qui dépend de Shahrzoûr, et dans lequel on trouve ces animaux en grand nombre et de les faire jeter par dessus les murailles dans Nisibin. Les habitants dévorés par les scorpions ne purent résister plus longtemps, et le roi de Perse put ainsi s'emparer de la ville. Yakout raconte dans le Mo'djam cette même légende, mais il ajoute quelques données géographiques qui ont plus d'importance ; il dit, en effet, que Nisibin était située sur la route des caravanes qui se rendaient en Syrie; elle était distante de Sindjar de 9 farsakhs, de Maûsil de six jours, de Donaisïr de deux jours, ce qui correspondait à une distance de 10 farsakhs (Mo'djam, tome IV, p. 785).
[176] Nom d'une ville célèbre de la Mésopotamie à trois jours de marche de Maûsil.
[177] La capitale du Diyâr-Bakr.
[178] La ville de Koulzoum, qui a donné son nom à la mer connue en Europe sous l'appellation de Mer Rouge, est située sous les bords de la mer du Yémen, près d'Ilah, de Tour, et de Madian; elle est distante de Ferma de 4 jours, c'est là que la légende arabe affirme que les troupes du Pharaon ont été englouties dans la mer. Al-Mohallabî, cité par Yakout, dit que, non loin de Koulzoum, il y a une montagne ou l'on trouve de la pierre d'aimant (magnâtîs). Il ne fallait que trois jours pour se rendre de Misr à Koulzoum. Parmi les gens illustres nés dans cette localité, Yakout cite ad-Hasan ibn Yahya ibn al-Hasan al-Kolzoumi qui suivit les leçons d'Abd-Allah ibn Djâroud-al-Nishapouri, et qui mourut en 385 de l'hégire (Mo'djam, t. V, p. 160).
[179] Yakout se borne à dire dans le Mo'djam (tome III, page 751), que c'est une petite ville sur les bords de la mer de Koulzoum; elle possède un port où relâchent les navires qui viennent d'Aden dans le Sa'id. Aboulféda dit que l'on ne s'accordait pas sur le pays duquel dépendait cette petite ville, les uns voulaient la rattacher à l'Egypte, d'autres à l'Abyssinie. C'était là que s'embarquaient les pèlerins syriens et égyptiens qui voulaient se rendre par mer à Djedda.
[180] Nom d'un port bien connu sur la côte orientale de la péninsule arabique dont les coordonnées sont, d'après Yakout : L 64° 30' ; l: 21° 45', distant de la Mecque de 3 nuits, suivant Zamakhshari, d'un jour et d'une nuit, suivant Hazimi. C'est dans ce port qu'abordaient les pèlerins venant d’Aîdâb (Yakout, Mo'djam, t. II, p. 41; Aboulféda, Géographie, tome II, part. I, p. 124).
[181] Ou Rouzbéhân ; il y a un cheikh Soufi bien connu nommé Rouzbéhân-el-Fârsî qui mourut au mois de Moharram 606, et qui fut enterré à Chiraz ; son histoire se trouve racontée dans le Médjâlis-el-'oushhâk du sultan timouride Kamal ad-Din Sultân Hosain ibn Sultân-Mansour ibn Baïkarâ ibn 'Omar-Shaikh (Supp. persan 776, Medjlis 7). Ce n'est évidemment pas de ce dernier personnage qu'il s'agit ici; il existe un traité de la vie spirituelle et mystique intitulé : « Livre de la Sainteté », Kitab-i-Koudsiyet qui est attribué à un cheikh nommé Rouzbéhân (Suppl. persan 1356, fol. 160-195); je ne sais auquel de ces deux mystiques, il convient de l'attribuer.
[182] Nom d'un quartier de Postât, dans lequel, à l'époque de Yakout, se trouvait le cimetière des habitants de Misr; on y voyait de très belles constructions, un marché permanent, des monuments funéraires, les tombeaux des hommes illustres, comme celui d'Ahmad ibn Toûloun, celui de l'Imâm Abou 'Abd-Allah Mohammad ibn Idris al-Shafi-'î, qui est situé dans l'intérieur de l'école de droit Chafiite. Il y a également un quartier de ce nom à Alexandrie ; Karafa est aussi un village dans une île de la mer du Yémen. (Yakout, Mo'djam-al-bouldân, tome IV, p. 48.)
[183] Litt. du détroit de Ceuta.
[184] Djémal ad-Din raconte ce qui suit dans le Mofarradj (ms. ar. 1702, folio 112 v°) : Quand le sultan eut levé le siège de Maûsil pour marcher sur Sindjar, il rencontra sur son chemin une armée composée de troupes de Maûsil, qui se dirigeait vers lui ; il la cerna, prit ses chevaux et laissa les hommes libres de s'en retourner chez eux. Il se remit en route pour Sindjar accompagné des ambassadeurs du khalife. Sindjar était alors gouvernée par Amir-i-Amirân ibn Maudoud ibn Zengui qui y représentait son frère 'Izz-ad-Din. Le sultan Salah ad-Din mit le siège devant cette ville et la fit battre à coups de mangonneaux; toute une partie du mur de la citadelle s'étant écroulée, il s'en empara et fit prisonnière toute la garnison.
Parmi les bonnes nouvelles que le sultan reçut d’Egypte (ibid., folio 78 recto), on apprit que l'escadre était revenue à bon port et qu'elle avait remporté une victoire sur les Francs. En route, elle avait capturé un grand navire de guerre qui se dirigeait vers 'Akkâ. Cette même année, le sultan donna la forteresse de Hitham à Nour ad-Din Mahmoud ibn Kara-Arslan, prince de Hisn-Keïfa. Cette forteresse était voisine de la principauté de Maûsil.
[185] Il donna cette ville en fief à Nour ad-Din Mahmoud ibn Kara-Arslan ibn Soliman ibn Ortok, prince de Hisn-Keïfa (Djémal ad-Din ibn Wasil, Mofarradj-al-kouroûb, ms. ar. 1702, folio 112 v°).
[186] Yakout dit, dans le Mo'djam (tome II, p. 525), que c'est une forteresse que l'on rencontre après Ghaza quand on se rend de Syrie en Egypte, elle n'est distante de la mer que de un farsakh; on dit aussi Dâroun.
[187] Le 10 du mois de Moharram, suivant Djémal ad-Din ibn Wasil (Mofarradj-al-Kouroub, ms. ar. 1702, folio 112 v°), ce qui est en contradiction absolue avec ce que dit Makrizi, à moins qu'il ne faille lire d.ans le texte de ce dernier, le quinzième jour de Moharram.
[188] Forteresse fortement défendue située entre Alep et Antioche, que l’on appelait également Dulouk (Yakout, Mo'djam, tome III, page 759). Hadji Khalifa dit dans le Djihan-Numa que c'était une belle ville, située à 3 jours au nord d'Alep, dont la forteresse était creusée dans le roc, les eaux y étaient abondantes et on y voyait de nombreux jardins et des marchés; ce géographe distingue la forteresse de Dolouk d’Aïntâb ; on y cultivait beaucoup d'abricots et des pommes dont quelques-unes atteignaient le poids de deux livres et demie.
[189] Tell-Khalid, 'Azaz et Kafr-latha; 'Azaz avait été démantelée l'année précédente par ordre du sultan d'Alep, 'Imad ad-Din Zângi ibn Maudoud pour lui enlever toute importance au cas où Salah ad-Din viendrait à s'en emparer. Djémal ad-Din ibn Wasil (Mofarradj-al-kouroûb, ms. ar. 1702, folio 142 v·).
[190] Sur la prise d'Alep, voir l'histoire de cette ville écrite par Kamal ad-Din (Revue de l'Orient latin, tome IV, p. 166). L'assertion de Makrizi, suivant laquelle ‘Imad ad-Din aurait fait raser la citadelle d'Alep est fausse ; elle se rapporte à 'Azaz; mais Makrizi n'a pas compris le texte de l'auteur qu'il abrégeait et il a appliqué à Alep ce qui raisonnablement ne doit se comprendre que d’Azaz, car malgré la nullité d''Imad-ad-Din, il est certain qu'il n'aurait jamais eu l'idée insensée de faire raser la forteresse d'Alep.
[191] Tadj-al-Molouk, qui était le frère de Salah-ad-Dîn, mourut devant Alep qui était assiégée par le sultan; il fut tué d'un coup de flèche qui fut tirée de la citadelle, et qui lui pénétra dans le genou. C'était un homme généreux et excellent, fort instruit et qui faisait de jolis vers; on possède de lui un recueil de poésies complet (divan). C'est lui qui était le généralissime de l'armée de Salah-ad-Din; quant à sou conseiller, c'était Takî ad-Din 'Omar ibn Shâhânshâh, qui était un homme censé, prudent et fort sage. Les soldats le craignaient beaucoup, mais il savait les maintenir dans l'obéissance de façon à ne pas être forcé de les punir. Il était né en l'année 556, et n'était par conséquent âgé que de vingt-deux ans. (Histoire des Patriarches d'Alexandrie, ms. ar. 302, page 256; Djémal-ad-Din ibn Wasil, Mofarradj-al-kouroûb, ms. ar. 1702, folio 114 recto.)
[192] Ce sultan est généralement nommé Ghazi et non Ilghazi ; mais ce n'est là qu'une variante sans grande importance: Il-ghâzi signifie le vainqueur du monde; ce titre a été porté par plusieurs souverains d'origine turque.
[193] Le samedi, dit Djémal ad-Din (Mofarradj-al-kouroûb, ms. 1702, folio 145.
[194] Avant de se rendre à Damas, Salah ad-Din s'empara de la forteresse de Harim, qui était alors gouvernée par un ancien mamlouk de Nour-ad-Din, nommé Mardjab. Le sultan lui offrit de lui donner en fief la ville qu'il désirerait s'il voulait lui rendre Harim ; le mamlouk écrivit aux Francs pour leur demander aide, mais les soldats de la garnison l'ayant appris, craignirent qu'il n'eût l'intention de leur livrer la place ; aussi, ils l'arrêtèrent, le mirent en prison et envoyèrent prévenir Salah ad-Din de ce qui venait de se passer en lui demandant sa protection. Le sultan s'engagea à tout ce qu'ils voulurent et se rendit à Harim, le vingt-huitième jour de Safer. Le troisième jour du mois de Rabi premier, il en prit possession et la donna en fief à Ibrahim ibn Shirkouh, quant au mamlouk de Nour ad-Din, il le remit en liberté ; mais il ne voulut pas le prendre à son service. Après cela il licencia son armée. (Djémal ad-Din ibn Wasil, Mofarradj al-kouroûb, ms. ar. Π02, folio 145 recto.)
[195] La petite ville de Baisân est bien connue des géographes orientaux. Elle se trouve dans la contrée arrosée par le Jourdain dans le Ghour de la Syrie; on sait que par Ghour, les Arabes entendent toute partie déclive du sol d'une contrée. Baisân est entre le Hauran et la Palestine, et les voyageurs qui l'ont traversée la représentent comme un pays délicieux. Hadji-Khalifa dit dans le Djihan-Numa qu'elle était voisine de la localité nommée Djînin ; à son époque ce n'était plus guère qu'une bourgade sans murs de défense ; son territoire était arrosé par plusieurs cours d'eau et la ville elle-même était traversée par une petite rivière. On y cultivait des dattes, du riz et des cannes à sucre, ainsi que la plante dite saman qu'on ne trouve nulle part ailleurs en Syrie. (Idrisi, trad. Jaubert, I, p. 339.)
Parmi les gens célèbres originaires de cette localité, Yakout cite (Mo'djam-al-bouldân, tome I, p. 788) 'Abd-al-Vârith ibn al-Hasan ibn 'Omar al-Kurshi, plus connu sous le nom d'al-Tardjuman (l'interprète) al-Baîsânî qui vint à Damas ou il étudia les traditions musulmanes sous la direction d'Abou-Ayyoub-Soleïman ibn 'Abd-ar-Rahman et de Hicham ibn 'Ammar, de Abou 'Abd-ar-Rahman 'Abd-Allah ibn Yazid-al-Makarrî, d'Abou Hâzim 'Abd-al-Ghaffar ibn al-Hasan, d'Ishak ibn Bachir al-Kahil'i, d'Ismâ’îl ibn Owais, d’Atà ibn Hammâm al-Kindi etc. Un personnage plus célèbre, fut le célèbre kadi al-Fadil-Abou 'Ali 'Abd-er-Rahim ibn 'Ali-al-Baïsani, qui devint le vizir du sultan Salah ad-Din et qui excella dans l'art de la correspondance diplomatique.
[196] Arden, ou, comme les Musulmans prononcent quelquefois à tort Ourdoun car l'hébreu est Yarden, est non seulement le nom du fleuve bien connu qui se jette dans la Mer Morte, mais le nom d'une vaste contrée qui fait partie de la Syrie; d'après Yakout (Mo’djam-al-bouldân, tome I, p. 201), c'est même un ensemble de territoires comprenant ceux de Tibériade, Baisân, Baït Ra'as-Djadar, Saifofiriyya, Soûr, 'Aklîâ, etc.
[197] La « source de Goliath », petite ville entre Baisân et Naplouse (Yakout, Mo’djam-al-bouldân, tome III, p. 760).
[198] Petite ville entre Baisân et Tibériade (Yakout, Mo'djam-al-bouldân, tome III, p. 988).
[199] Je n'ai pas trouvé de détails sur cette localité dans les géographes ara-lies que j'ai pu consulter.
[200] Du mois de Redjeb.
[201] Voici comment Djamil ad-Din raconte dans le Mofarradj-al-kouroûb (ms. ar. 1702, folio 80 recto), les arrangements qui se firent alors dans la famille ayyoubide. Quand le sultan Salah ad-Din s'empara d'Alep, son frère al-Malik al-'Adil, vice-roi d'Egypte, lui écrivit pour lui demander cette ville avec la province qui en dépendait; le sultan lui répondit de marcher sur Karak dont il allait faire le siège. Le kadi al-Fâdil conseilla à Salah ad-Din de donner la vice-royauté de l'Egypte à al-Malik al-Mothaffar-Takî ad-Din et de la retirer à al-Malik al-'Adil, c'est pour cela que le sultan avait prié al-'Adil de l'accompagner au siège de Karak...; il donna à al-Malik al-Mothaffar la vice-royauté de l'Egypte avec le Fayoum et les environs, ainsi que 'Anat, Kous, et il lui laissa en Syrie la ville de IJamâh avec toutes ses dépendances. Il se rendit ensuite à Damas avec son frère al-Malik al-'Adil, le vingt-quatrième jour du mois de Chaban et le deux du mois Ramadan da cette même année, il lui donna la ville d'Alep en fief.
[202] 'Anat est, d'après Yakout (Mo’djam-al-bouldân, tome III, p. 591), une localité du quatrième climat du côté du Maghreb, dont les coordonnées sont : L 60°; l. 31° 20'. Suivant la même autorité (tome I, p. 758), Boush est un district et une ville en Egypte dans le Sa'id inférieur à l'ouest du Nil. Yakout cite comme originaire de cette localité Abou'l Hasan 'Ali ibn Ibrahim ibn 'Abd-Allah-al-Boûshî, qui étudia les traditions musulmanes sous la direction d'Abou'l Fadl Ahmad et d'Abou-Abd-Allah Mohammad ibn Abou'l Kasim 'Abd-er-Rahman ibn Mohammad ibn Mansour-al-Hadrâmi.
[203] Djémal ad-Din ibn Wasil (Mofarradj-al-kouroûb, ms. ar. 1702, folio 81 recto), affirme que le prince de Maûsil avait sollicité cette démarche du kha life al-Nasir-li-din-Allah. Le sultan Salah ad-Din se rendit au devant des ambassadeurs du khalife; il logea le cheikh des cheikhs dans le caravansérail (ribât) d'Ali et le kadi Mohyî ad-Din, dans le palais du Jardin (djoûsk bostân); Bahâ ad-Din et Schihâb ad-Din descendirent au palais de l'hippodrome (djoûshk al-maïdan). Voici ce qui s'était passé à Maûsil quelque temps auparavant : Djémal ad-Din ibn Wasil raconte qu'il y avait alors à Maûsil, Zaïn ad-Din Yousouf ibn Zaïn ad-Din 'Ah-Koutchek ibn Bektikin ; ce prince était très jeune et n'avait aucune autorité ; il avait sous ses ordres un nommé Mo'izz ad-Din Sindjar Shâh ibn Saïf ad-Din Ghazi ibn Maudoud ibn Zangui, qui était également un tout jeune homme; en réalité, tout le pouvoir appartenait à Moudjahid ad-Din Kaimaz qui possédait en outre Shahrzour et la province qui en dépendait, Doukoukâ, et la forteresse de Afar-al-Hamidiyya, toutes places dans lesquelles il avait des lieutenants pour le représenter. 'Izz ad-Din Mahmoud-Zulfandâz et Sharaf ad-Din Ahmad ibn Abou’l Khair, dont le père était connu sous le nom de « prince de l'Irak », étaient deux des plus grands émirs ; ils conseillèrent au prince de Maûsil, Izz ad-Din, de faire arrêter Moudjahid ad-Din Kâunaz; mais le prince n'osait pas, car il avait peur de lui; ses deux conseillers lui représentèrent qu'il était malade et qu'il y avait déjà plusieurs jours qu'il n'était monté à cheval et que, de plus, il n'avait plus de relations avec ses femmes. En conséquence, le prince de Maûsil fit arrêter Moudjahid ad-Din, le fit enfermer dans la forteresse et s'empara de tous ses biens. Zulfandâz reçut le commandement de la forteresse et Sharaf ad-Din Ahmad, fils du « prince de l'Irak », devint grand chambellan; on ne laissa à Moudjahid ad-Din Kaimaz que la ville de Shahrzour. La ville de Doukoukâ, dont il a été question dans cet extrait de Djémal ad-Din ibn Wasil, se trouve entre Arbèles et Bagdad (Yakout, Mo'djam-al-bouldân, t. II, p. 581) ; je n'ai point trouvé dans ce géographe de renseignements sur 'Afar-al-Hamidiyya.
[204] Bousir est un nom bien connu des géographes de l'Egypte; il y a quatre localités qui le portent : Bousir-Koundân, ou d'après al-Hasan ibn Ibrahim ibn Zoulâk, fut tué Marvân ibn Mohammad ibn Marvân ibn al-Hakim, le vingt quatre de Dhou’lhiddjeh 132; cette localité dépend d'Ashmoûnaïn; Boûsir-Dafdanou dépend de la province de Fayoum ; Bousir-Bâna de Semennoud. (Yakout, Mo'djam, t. I, p. 720), Aboulféda (trad. Reinaud et Guyard, t. II, partie I, page 118), ajoute que le quatrième Bousir se trouve dans le canton de Boush.
[205] Il s'agit évidemment ici de quelque hypogée pharaonique dans lequel on trouva des statues de divinités ou peut-être même des animaux embaumés.
[206] Je n'ai pas trouvé de renseignements sur cette localité ni dans Yakout, ni dans Aboulféda, à plus forte raison pas dans Kazwini.
[207] On lit dans la Tarikh i-Elfi (Manuscrit du supplément Persan 188, folio 265 verso), sous la rubrique de l'année 569 de la rihlat, soit de 580 de l'hégire : Au commencement de cette année, mourut Pehlevân-Mohammed-Iltoukouz, qui était prince de Rey, d'Ispahan, de l'Azerbaïdjan et de l'Arran jusqu'aux frontières du Shirvân; ses sujets avaient joui durant son règne d'une grande tranquillité et avaient été très heureux. Après sa mort, une émeute éclata à Ispahan entre les Shaféites et les Hanéfites et elle arriva à ce point que des deux côtés on compta un nombre considérable de morts. Le chef des Shaféites d'Ispahan était un individu nommé Ibn Khodjendi, et les Hanéfites relevaient de la juridiction du kaifi d'Ispahan; le même jour, une bataille s'engagea entre les Sunnites et les Chiites et un grand nombre de gens y trouvèrent la mort. Du temps de Pehlevân-Mohammed, la prière et la frappe des monnaies se faisaient au nom du sultan seldjoukide Thoghril ibn Mohammad ibn Malik Shâh-Seldjouk, et quoiqu'il n'y tint pas spécialement, on agit de même après la mort de Pehlevân Mohammad. Son frère Kizil-Arslan ibn Iltoukouz lui succéda.
[208] Peut être Bektash.
[209] Yakout nous apprend dans le Mo’djam-al-bouldân (tome III, p. 719) que c'est une localité qui dépend de la Balka et il raconte sur cette ville plusieurs légendes que je crois très inutile de transcrire ici. Il ne faut pas confondre cette localité avec la ville d'Oman qui se trouve sur le bord de l'océan Indien et dont le nom s'écrit comme celui de la ville syrienne. Aboulféda (trad. Reinaud et Guyard, tome II, p. II, p. 28) donne sur cette localité quelques détails qui suppléent au silence de Yakout. Il dit que c'était une ville ruinée avant l'Islam, dont il restait à son époque des ruines importantes au pied desquelles coule à l'est la Zarka. Quant à la Balkâ, c'est, au dire de Yakout (Mo'djam, tome I, p. 728), un vaste pays qui dépend de Damas et qui se trouve entre cette dernière ville et le Wadi-'l Kora ; il comprend un très grand nombre de villages et de cultures; son nom viendrait de Balkâ, fils de Loth. Aboulféda (ibid., p. 5) nous apprend que son chef-lieu est Hasban, ce qui est en contradiction absolue avec ce que disent Yakout et Aboulféda lui-même à l'article 'Amman.
[210] La phrase telle qu'elle se trouve dans le manuscrit de Makrizi est fortement corrompue ; peut-être « parce que les Francs s'étaient réunis à al-Vala? ».
[211] Le manuscrit porte Hasan, mais il n'y a pas de doute qu'il faille lire Hashan; il existe bien une ville de Hassim, mais elle se trouve entre Wâsit et Dair-al-'Akoul, c'est-à-dire dans un pays tout différent de celui où manœuvrait à cette époque l'armée de Salah ad-Din (Yakout, Mo'djam, tome II, p. 266). Hashân dépend de la Balkâ, comme on l'a vu par une note précédente; elle est située dans une vallée, qui confine au Ghaur de Zoghar, c'est-à-dire à la vaste dépression dans laquelle se trouve la mer Morte (Aboulféda, Géographie, tome II, partie II, page 5). Hadji Khalifa nous apprend que cette ville était située à une journée de Jéricho.
[212] La ville bien connue de Naplouse, à deux journées de Jérusalem. Les Musulmans prétendent que non loin de Nabolos, il y a une montagne sur laquelle Adam a fait le sedjd (Yakout, Mo'djam, tome IV, page 721). Hadji-Khalifa nous apprend dans le Djihan Numa que, de son temps, la ville de Naplouse relevait de Jérusalem, mais qu'auparavant elle était sous la juridiction de l'émir du pèlerinage. On y cultivait beaucoup d'oliviers et on y voyait un grand marché au milieu de laquelle se trouvait une mosquée djâmi. Kazwini rapporte dans le Athar-al-bilâd (éd. Wüstenfeld, page 181) qu'il parut à Naplouse un serpent colossal qui enlevait les gens et les dévorait; ce serpent ou dragon avait des dents effroyables, et l'on voyait l'une d'elles suspendue dans un endroit de cette ville.
[213] Le manuscrit porte Djibnin, ce qui ne correspond à rien ; il faut évidemment lire Djïnïn. Yakout dit que c'était une jolie petite ville entre Naplouse et Baisân, qui dépendait de la contrée du Jourdain (Mo'djam, tome II, page 180). Hadji-Khalifa dit dans le Djihan Numa que cette ville était connue anciennement du temps des Israélites sous le nom de Juda et qu'elle est située au pied de la montagne d'Ephraïm.
[214] J'ai déjà eu l'occasion de dire dans une des notes précédentes que les géographes arabes que j'ai consultés ne donnent point de renseignements sur cette localité.
[215] Ce que les historiens et les géographes musulmans appellent « provinces de l'Orient » (bilad-al-shark) comprend la partie de la Mésopotamie qui faisait partie de l'empire ayyoubide.
[216] Nom d'une citadelle très importante qui dominait le Tigre et qui était située entre Amid et Djézireh ibn Omar.
[217] Au cas où il arriverait au trône avant d'avoir atteint sa majorité.
[218] Il y a après cette phrase une ligne dont le texte me paraît très corrompu.
[219] D'après Hadji Khalifa (Djihan Numa), cette forteresse se trouve à l'occident d'Amid, au milieu d'un cirque de montagnes qu'il faut deux heures pour escalader. Cette situation rend la place presque imprenable. Le faubourg de la forteresse est très grand, on y voit plusieurs marchés et des collèges; les habitants boivent presque exclusivement de l'eau qui leur est fournie par des citernes; les montagnes qui entourent Mardin fourmillent de serpents dont la morsure est très dangereuse. Yakout (Mo'djam al-bouldân, tome IV, p. 390) nous apprend que cette ville dominait Donaisir, Dârâ, et Nisibin; il dit également qu'il y avait dans cette ville un grand nombre de marchés, de caravansérails, de collèges, d'hôtelleries, de couvents, tout cela bâti en amphithéâtre, les rues se dominant les unes les autres.
[220] Cette année, dit l'auteur de l'Histoire millénaire, le Nauroûz persan (naùrouz-i-Furs) coïncida avec le premier jour de l'année des Grecs et le premier Moharram de l'année musulmane. L'auteur de cette partie de la Chronique millénaire fait remarquer que cette coïncidence est rare (Tarikh-i-Elfî, ms. supp. Pers. 188, folio 265 verso).
[221] Le nom de ce souverain est horriblement estropié dans le manuscrit.
[222] La ville de Khilât est l'une des plus importantes de l'Asie antérieure; son nom se rencontre sons la forme Khilât et Ikhlat, la seule que l'on trouve dans l'ouvrage historique de Djémal ad-Din ibn Wasil intitulé Mofarradj-al-kouroûb. Yakout nous apprend dans le Mo'djam al-bouldân (tome II, page 457} que les coordonnées de cette ville sont L. 61° 50'; l. 39° 40' et qu'elle se trouve dans le cinquième climat. Elle appartenait à l'Arménie moyenne. Le lac de Khilât ou lac de Van était célèbre dans tout l'Orient à cause d'un petit poisson nommé tarrikh qu'on ne trouvait que dans ses eaux; tous les géographes s'accordent à dire que le pays qui en dépendait était très fertile et arrosé par beaucoup de cours d'eau. La population de cette ville était composée de Musulmans et de Chrétiens et on y parlait à la fois l'arménien et le turc. Il y a, en dehors de Khilât, à ce que dit Kazwini (Athar-al-bilâd, éd. Wüstenfeld, p. 352), un fleuve traversé par un pont. Hadji-Khalifa raconte, dans le Djihan-Numa, qu'à son époque ce n'était plus qu'un bourg à l'occident d’Abdoul-Djévaz, dans un endroit élevé; ses environs sont très cultivés et on y voit une grande quantité de vignes et de jardins. Dn historien nommé Mir Shéref rapporte que cette ville est très ancienne et qu'elle fut, à une certaine époque, la capitale des rois d'Arménie. C'est là que résida Djamasp, oncle de Khosrav Anoushirvan, qui était gouverneur du pays. On y trouvait une quantité considérable de fruits très renommés, parmi lesquels les meilleurs étaient les abricots et les pommes; quelques-unes de ces pommes pesaient jusqu'à 100 drachmes; on les transportait jusque dans l'Azerbaïdjan ou on les connaissait sous le nom de pommes d'Ikhlat. Cette ville fut saccagée en 644 de l'hégire par les Mongols de Gengis Khan. En 955, le roi de Perse Shah-Tahmasp s'en empara et fit raser la forteresse, mais Sultan Soleïman en fit rebâtir une nouvelle sur les bords du lac. Il y a, dans les environs d'Ikhlat, plusieurs rivières par lesquelles se déverse le lac de Van. — Kouh-i-Seiban est une grande montagne située au midi d'Ikhlat; son sommet est toujours couvert de neige. — Le Shah-i-Armen, Sokman II, avait succédé, en 522 de l'hég., à son oncle Zahir ad-Din Ahmed, fils de Sokmân-el-Kotbi; il eut pour successeur Bektimour-Saïf-ad-Din, qui fut assassiné en 589 par Ak-Sonkor-Badr ad-Din Hazar-Dinân; ce dernier mourut en 594, et fut remplacé par al-Malik al-Mansour-Mohammed ibn Bektimour qui fut détrôné en 603 par Izz ad-Din Balaban, ancien mamlouk de Sokman II; Balaban fut tué en 604. La principauté de Khilât passa alors aux mains du prince ayyoubide al-Malik al-Avhad-Nadjm ad-Din Ayyoub.
[223] Yakout (Mo'djam al-bouldân, tome IV, p. 703), indique pour le nom de cette ville la prononciation Mayyafarikin. Ses coordonnées sont L. 71° 10', l. 37° 30'; d'autres disent 57° 45' et 38". Elle fut construite par les Grecs, d'après une légende que raconte Yakout et qu'il a probablement empruntée à l'histoire de Mayyafarikin d'ibn el-Azrak el-Fariki. Je ne m'attarderai pas à relever les invraisemblances de cette histoire. Il y avait, paraît-il, dans l'endroit ou elle s'élève aujourd'hui, un gros bourg où l'on voyait une église chrétienne qui remontait à l'époque du Messie, les murs seuls en subsistaient à l'époque de Yakout; le gouverneur de cette contrée se nommait Lyouta; il épousa la fille du chef de la montagne dans laquelle, également du temps du géographe arabe, habitaient les Kurdes syriens; cette jeune fille se nommait Marie; elle mit au monde trois fils : les deux aînés entrèrent au service de l'empereur grec Théodoros et le plus jeune resta dans le pays se livrant à l'étude des sciences; quand son père mourut, il lui succéda dans sa charge. A cette époque, l'empereur grec possédait tout le pays jusqu'aux confins du Diyâr-Bekr et du Djézireh ; le roi de Perse était alors Schapour dhoul'-l-Aktaf. Ces deux souverains se firent des guerres qui sont bien connues. L'empereur Théodoros avait épousé une femme qui se nommait Hélène et qui était originaire de la ville d'Edesse (Rohâ); elle eut pour fils Constantin, celui qui bâtit la ville de Constantinople. Quand Théodoros mourut, Hélène prit en main les rênes de l'empire jusqu'à ce que son fils Constantin fût arrivé à sa majorité.
Le fils de Lyouta demeura dans le Diyâr-Bekr occupé à gouverner les gens de sa tribu et à bâtir un grand nombre de couvents et d'églises. Il conçut le projet d'élever une ville dans le pays ou se trouve maintenant Mayyafarikin et, dans ce but, il coupa les arbres et toutes les plantes qui se trouvaient dans les environs. A cette époque, le roi de Perse avait une fille qu'il aimait beaucoup et qui tomba si gravement malade qu'elle en faillit mourir; les médecins persans ne savaient que faire pour la soigner et quelques-uns d'entre eux lui conseillèrent de faire venir à sa cour le fils de Lyouta, dans l'espérance qu'il saurait lui trouver un remède. Le jeune homme s'étant rendu à Méddin fut assez heureux pour rendre la santé à la princesse, et comme prix de ses services, il demanda à Schapour de faire la paix avec l'empereur Constantin pour toute la durée de leur règne. Le roi de Perse y consentit volontiers, et même, avant que le fils de Lyoulâ ne s'en retournât chez lui, il lui fit don de tous les moines et des prêtres chrétiens qui avaient été faits prisonniers par les soldats persans. Il se rendit ensuite à la cour de l'empereur Constantin à qui il apprit ce qu'il avait fait et la paix qu'il avait conclue en son nom avec le Roi des Rois ; il lui demanda comme toute récompense de lui faciliter les moyens de construire une ville dans l'endroit qu'il avait choisi; c'est alors qu'il bâtit Mayyafarikin sur les murailles de laquelle il fit graver des inscriptions relatant les circonstances qui lui avaient permis de réaliser son projet. Les gens de ce canton, jaloux du succès du fils de Lyoutà, envoyèrent prévenir Constantin qu'il n'était qu'un rebelle et qu'il ne songeait qu'à construire une forteresse assez solide pour l'y braver; l'empereur grec envoya quelqu'un pour examiner la situation, mais quand cet officier vit le nom de son maître gravé sur les murailles, il comprit qu'il n'y avait rien à craindre de ce coté. Cette ville fut nommée Madoursala, ce qui signifie « ville des martyrs », Μαρτυροιτόλις (?). Yakout a l'audace de dire que c'est ce nom de Madoursala qui a été, par la suite, arabisé en Mayyafarikin ; il est vrai qu'il ajoute que cela s'est fait « par suite de la longueur du temps ». L'empereur grec aurait, toujours suivant la même autorité, ordonné à chacun de ses trois vizirs de bâtir une des tours du mur d'enceinte de la nouvelle ville. Le premier construisit celle qui est connue sous le nom de « Tour des Grecs », un autre la tour az-Zaviyya que les Musulmans nommèrent ensuite Porte d’All ibn Wahb, et une église, ruinée à l'époque de Yakout, mais dont on voyait encore des débris en face des « bains des charpentiers » ; le troisième construisit la « tour de la porte du boulevard », et une église sur laquelle il lit graver une inscription avec le nom de son souverain et celui de l'impératrice Hélène. La ville avait huit portes. Yakout raconte que l'une des tours de Mayyafarikin portait un miroir qui réfléchissait les rayons du soleil ; il paraît que le fils de Lyouta fit construire dans cette ville un grand monastère dédié à saint Pierre et à saint Paul.
[224] Ce que les Musulmans appellent un Inshâ. Ces ouvrages qui ne sont pas de vulgaires guide-ânes comme leur titre pourrait le faire croire, sont des modèles de correspondance diplomatique formés le plus souvent, non de formules plus ou moins arbitraires, mais de recueils de lettres originales. Hadji-Khalifa dit dans son Dictionnaire bibliographique (tome I, p. 459) que l’inshâ est la science qui apprend à écrire en observant toutes les règles de l'élégance et de la grammaire. L'auteur du célèbre traité intitulé Divan-al Inshâ (ms. ar. 4439, folio 9 verso) se borne à dire que c'est l'art de la correspondance diplomatique. En réalité l’Inshâ consiste presque uniquement dans la connaissance exacte des titres et des mentions honorifiques que l'on devait employer en écrivant à un souverain étranger, ou à un fonctionnaire; on pourrait presque dire que c'était ce qu'au point de vue diplomatique on appelle aujourd'hui le service du Protocole ou simplement le Protocole. Le directeur du Protocole à la chancellerie d'Etat, introducteur des ambassadeurs, était un personnage fort important; on se ferait une idée très inexacte des souverains orientaux au Moyen-âge si l'on se figurait que ces questions de titres et de qualités avaient moins d'importance à leurs yeux qu'elles n'en auraient aujourd'hui pour le tsar ou pour l'empereur d'Allemagne. Ils veillaient avec le plus grand soin à ce qu'on leur donnât toutes les qualifications honorifiques auxquelles ils prétendaient avoir droit, et une diminution de titres intentionnelle était considérée comme une grave insulte et un casus belli. On sait que c'est pour une pareille diminution de titres dans la correspondance que la Prusse entretenait avec la Russie que la tsarine Elisabeth Petrowna déclara la guerre au roi Frédéric IL Les Musulmans font remonter l'institution de l'inshâ à Mahomet lui-même, qui fit écrire, comme l'on sait, quatre lettres diplomatiques à l'empereur Heraclius, au Makolus gouverneur de l'Egypte, par Khalid; à Khosrav, roi de Perse par 'Abd-Allah ibn Djouddâka et au négus d'Abyssinie par 'Amrou ibn Omayya (Divan-al-Inshâ, ms. ar. 4139, fol. 10 v°). Le mot divan, dit l'auteur du traité d'administration connu sous le nom de Kitab divan-al-inshâ (ms. ar. 4139, folio 9 recto), désigne l'endroit ou se trouvent les scribes (kuttab). Quelques autours musulmans voulaient que ce mot fût arabe, par exemple le célèbre grammairien Sibawaiyyi; d'autres plus avisés, tels que Djauhan, l'auteur du Sihah fi'-l-loghat, y voyaient un mot persan, mais en donnaient deux étymologies également inacceptables. En réalité, ce mot se rattache aux mots persans defter « cahier d'écriture », dibir « scribe », et au mot sanskrit lipi « écriture » (yavanâni lipi, l'écriture grecque), vraisemblablement emprunté aux langues iraniennes à l'époque ou les Hindous adoptèrent le système graphique araméen qui leur fut apporté par la Perse.
[225] Le maks est le droit d'entrée qu'on prélève aux portes d'une ville sur les marchandises qui y entrent, mais ce mot désigne également les patentes et les droits de marché : on désigne également par maks les droits de port et de pilotage, ce qui n'est pas le cas ici.
[226] Mamlouk de Takî ad-Din.
[227] La ville bien connue de Gizeh, au sud ouest de Fostat. Kazwini raconte dans le Athar-al-bilâd (éd. Wüstenfeld, page 122), qu'il y avait dans cette ville un talisman contre le sable et qu'il était constitué par une statue, ce qui empêchait la ville d'être engloutie par la poussière du désert.
[228] On a vu plus haut, que ce général s'était emparé d'un vaste pays dans le Soudan. Le projet de Takî ad-Din 'Omar et de son général rappelle assez celui que Salah ad-Din et les membres de sa famille formèrent au moment où l'atabek Nour ad-Din Mahmoud se préparait à marcher contre l'Egypte et ou le frère du sultan alla s'emparer du Yémen.
[229] Le nom de cet officier est corrompu dans le manuscrit de Makrizi que j'ai eu sous les yeux; dans l'un des passages on lit Bourdah, dans l'autre Bouriah, ce qui ne répond à rien, ni en persan, ni en arabe, ni en turc, tandis que le nom de Boûrî qui en turc oriental signifie « loup » ou « renard » est assez fréquemment employé dans l'onomastique de l'époque des ayyoubides et des Mamlouks ; malgré cela, je ne donne cette restitution que sous toutes réserves.
[230] Nom d'une très grande ville puissamment fortifiée et extrêmement riche en Syrie, où l'on voit des marches bien achalandés. La grande mosquée de cette ville domine l'Oronte.
[231] Il y a deux villes qui portent le nom de Marrât : Marrât al-No'mân et Marrât Misrin. C'est de la première, de beaucoup la plus connue, qu'il s'agit ici; elle doit son nom à ce fait qu'on y voit le tombeau de No'mân qui en fut un des notables. Dans la campagne de cette ville, on voit également le tombeau de Josué (Yousha'), qui, suivant d'autres géographes, est enterré dans le district de Naplouse, et celui de 'Abd-Allah ibn 'Ammar ibn Yassir; elle dépend de la province d'Homs (Yakout, Mo'djam, tome IV, p. 574; Aboulféda, Géographie, tome II, partie II, page 42). Idrisi (trad. Jaubert, tome II, page 138), dit que cette ville dépend du canton de Kinnisrin et qu'elle est à une journée d'Alep ; il paraît qu'il n'y avait dans ces environs, ni eau courante, ni fontaine. Kazwini dit dans le Athar-al-bilâd (éd. Wüstenfeld, page 181), qu'on y cultivait surtout les figuiers et les oliviers. Hadji-Khalifa nous apprend qu'à son époque Marrât an-No'mân était en ruines. Quant à Marrât Misrin, qu'Aboulféda appelle Ma'rrat-Nasrin, c'est une petite ville dans les environs d'Alep dont elle est distante d'environ 5 farsakhs (Yakout, ibid.}.
[232] Les géographes orientaux donnent du nom de cette ville plusieurs étymologies également invraisemblables; l'une des plus curieuses est la suivante ; Manbadj aurait été bâtie par Khosroès quand il s'empara de la Syrie et il lui aurait donné le nom de Mania, qui signifie « je suis très bon » et qui plus tard fut arabisé en Manbadj. Cela prouve que le géographe auquel Yakout emprunte cette extravagance, voyait dans Manba, le pronom men « moi » et l'adjectif béh « bon, très bon ». Cette étymologie est insoutenable pour plusieurs raisons, dont l'une purement philologique qui a son importance: c'est qu'à l'époque de Khosroès, « bon » ne se disait pas bèh, mais bien vèh, d'ou dérive le mot persan moderne. Néanmoins, elle semble prouver que Manbadj n'est que l'arabisation d'un nom pehlvi qui serait Manbak, Manbag, dont j'ignore absolument le sens. Cette ville dépendait de la province de Kinnisrin (Yakout, Mo'djam, tome IV, 651; Aboulféda, Géographie, tome II, partie 11, page 47). Hadji-Khalifa nous apprend dans le Djihan-Numa que les habitants du canton de Manbadj se livraient surtout à la culture du mûrier et qu'on y faisait de la soie. Ce canton faisait partie au xviie siècle du douaire de la sultane Valulèh.
[233] Le même personnage que celui de la note 229.
[234] C'est-à-dire qu'il ne profita pas de sa situation pour le retenir prisonnier ou pour le faire assassiner.
[235] Ni Yakout ni Aboulféda ne donnent de renseignements sur cette localité.
[236] Il y a en Asie deux localités qui portent ce nom : la première, celle dont il est question dans le texte de Makrizi, fait partie de la province de Damas; la seconde est un village près de Bagdad. La plus proche de Damas est la capitale du Hauran (Yakout, Mo'djam, tome I, p. 601; Aboulféda, Géographie, tome II, partie II, p. 31); Hadji-Khalifa nous apprend que la forteresse de cette ville était bâtie en pierres noires.
[237] Shaubak, dit Yakout (Mo’djam-al-bouldân, tome III, p. 332) est une citadelle puissamment défendue qui se trouve sur les confins de la Syrie entre 'Amman, Ilah et Koulzoum, près de Karak; cette citadelle fut bâtie en l'année 509 de l'hégire sur l'emplacement d'une forteresse ancienne. On y cultivait des fruits qu'on exportait en Egypte. Hadji-Khalifa ajoute, dans le Djihan-Numâ, que la montagne du Ghaur est à l'Orient de cette citadelle qui est bâtie sur une haute colline.
[238] Il y a plusieurs localités de ce nom dans l'Orient musulman, ce qui n'a rien d'extraordinaire puisqu'il signifie « les deux villages »; celle dont il est question dans le texte de Makrizi est un gros bourg qui dépendait de la province de Homs et qui se trouve sur le chemin allant de la limite du désert aux localités appelées Soukima et Arak ; Yakout dit que tous les habitants en étaient Chrétiens; elle est distante de Tadmor (Palmyre) de deux journées de chemin (Mo'djam, tome IV, p. 77). La ville d'Arak dont il vient d'être question est assez peu connue : elle faisait partie du territoire d'Alep et elle est proche de Tadmor; on y cultivait surtout l'olivier et le palmier. Il y a du reste, en Orient, plusieurs localités dont le nom, aux voyelles près, s'écrit de la même façon.
[239] Djémal ad-Din ibn Wasil, dans le Mofarradj-al-kouroûb (ms. ar. 1702, folio 11 verso), raconte différemment la prise de Tibériade; il dit que lorsque le sultan se présenta devant la ville, la Comtesse (al-koumisiyya) qui y régnait lui envoya une ambassade pour lui offrir de capituler à la condition d'avoir la vie sauve ainsi que tous ses sujets. Salah ad-Din y consentit et la Comtesse sortit de Tibériade, se rendant à Tripoli qui appartenait à son mari. Le sultan donna Tibériade en fief à Sdrim ad-Din Kaïmdz-al-Nadjmi (mamlouk de Nadjm ad-Din Ayyoub).
[240] Nom d'un village qui se trouve entre Arsouf et Kaisariyya (Césarée) ; Yakout dit également (Mo'djam-al-bouldân, tome II, page 291), que cette localité est située entre Tibériade et 'Akkâ et qu'elle est distante de deux farsakhs environ de Tibériade.
[241] « Parmi les prisonniers, dit l'auteur de l’Histoire des Patriarches d'Alexandrie (ms. arabe 302, page 262), se trouvait le prince Arnât, souverain de Karak ; le sultan le fit amener et lui reprocha sa conduite en termes d'une extrême violence, il le fit saisir par des gens qui le tinrent; il regorgea lui-même et se plongea la main dans son sang; le comte Djafri, roi des Francs, avait été pris également et le sultan l'avait aussi fait comparaître devant lui, de telle sorte qu'il avait assisté à l'assassinat du prince Arnât; quand il l'eut vu baignant dans des flots de sang, il fut épouvanté et son visage devint blême. Salah ad-Din lui dit : « Ne crains rien, roi; tu ne mourras pas aujourd'hui, tu vivras au contraire; s'il restait encore de tes sujets, je te ferais leur roi ; je t'aiderai de mon argent et de mes troupes durant toute ma vie. Je vais te raconter l'histoire du prince Arnât et les causes qui m'ont amené à agir ainsi. Le chemin qui est le plus souvent suivi par les marchands et par les voyageurs passe au pied de Karak ; Arnât enlevait les caravanes et leur faisait souffrir toutes sortes de violences. Nour ad-Din et les autres princes de l'Islam ont essayé de faire la paix avec lui pour épargner ces vexations aux Musulmans, mais il n'a jamais voulu y consentir et il a refusé mille fois de la faire. Quand je suis arrivé au trône, je lui ai envoyé des présents, je lui ai fait porter de l'argent, des objets de toute sorte et de riches vêtements. Il a juré à mon ambassadeur qu'il ne ferait plus de mal à aucun des Musulmans [qui passeraient devant Karak], qu'au contraire il traiterait bien les marchands, qu'il leur faciliterait tous les moyens de voyager, et qu'il ne permettrait à aucun de ses soldats d'attaquer les Musulmans, qu'ils fussent marchands ou voyageurs. Trois jours après qu'il eut fait ce serment, une caravane [passait devant Karak] se dirigeant vers Damas; il l'a forcée à monter à la forteresse, tout entière, bêtes de somme et hommes, avec l'argent qu'elle portait; il a jeté les hommes dans les fers et les a dépouillés de tout ce qu'ils possédaient. Quand j'eus appris cet attentat, j'en fus complètement bouleversé et je m'engageai devant Allah à agir comme tu l'as vu au jour ou il me permettrait de le vaincre. Ne me blâme donc point, roi ! » En même temps il ordonna qu'on apportât une coupe; le grand échanson l'ayant fait remplir, il la lui prit des mains et la tendit au roi qui en but le contenu. Il fit dresser une tente pour le roi et pour ses officiers, et lui donna des soldats pour le garder; Djafri resta auprès de Salah ad-Din jusqu'au moment où il lui eut livré la ville d’Ascalon. Le sultan lui fit alors présent de riches vêtements et le remit en liberté; il se rendit dans l'île de Chypre dont il devint souverain et où il demeura jusqu'à sa mort.
Kamal ad-Din ibn al-'Adim raconte d'une façon assez proche de ce récit la mort de Renaud de Châtillon.
[242] Djémal ad-Din ibn Wasil raconte dans Mofarradj-al-kouroûb qu'après le massacre des Chevaliers du Temple et de l'Hôpital, Salah ad-Din envoya le roi à Damas, avec son frère, Honfroy, le prince de Djobaïl, le grand maître de l'ordre du Temple et d'autres grands personnages ; il distribua le reste des prisonniers entre ses troupes qui les vendirent. Ensuite il écrivit au gouverneur de Damas, Safï ad-Din ibn al-'Abid de faire décapiter tous les chevaliers du Temple et de l'Hôpital qui lui tomberaient sous la main.
[243] Le texte dit « neuf têtes de moutons »; on sait que le mot ra'as s'emploie couramment en arabe devant les noms d'animaux, comme kat'at « pièce » devant ceux des objets inanimés sans qu'il faille le traduire ; c'est ainsi qu'on dit fin français, un troupeau de mille têtes. D'un côté, il est difficile d'admettre des chaudières assez grandes pour faire cuire neuf moutons entiers, d'autre part neuf têtes de mouton dans une chaudière ne devaient pas faire un fameux ragoût.
[244] Ou peut être « dans de grands coffres ».
[245] Litt. « un marchand d'huile », mais ce mot est rapidement arrivé à désigner celui qui fait le commerce d'épicerie.
[246] A peu près la valeur de soixante-dix de nos pièces de 20 francs. A une époque ou la vie était à si bon compte, on voit que c'était une somme énorme pour des débardeurs ou des commissionnaires et qu'il fallait que le marchand eut une quantité prodigieuse de denrées.
[247] Litt. « une couverture ».
[248] Ce qui revient à dire qu'il la transforma en grande mosquée.
[249] Le manuscrit de Makrizi porte Madjdal-Myana, qui est une faute évidente pour Madjdal Yaba. Cette localité, d'après Yakout (Mo’djam-al-bouldân, tome IV, p. 418), est un village non loin de Ramla, où se trouvait une, puissante citadelle. Ptolémée lui donnait les coordonnées suivantes : L. 78° 45', l. 33° 50. A l'époque d'Aboulféda, cette citadelle était complètement ruinée (Géographie, tome II, partie I, page 60). Djémal ad-Din ibn Wasil nous apprend dans le Mofarradj-al-kouroûb [ma. ar. 1702, folio 13 verso), que ce fut sur l'ordre formel de Salah ad-Dm qu'al-Malik al-'Adil alla attaquer Madjdal Yaba.
[250] En arabe, Nasirah, nom d'un village bien connu, distant de treize milles de Tibériade.
[251] En arabe, Kaisariyya, nom dune ville située sur le rivage de la Méditerranée, distante de trois jours de Tibériade, l'une des plus grandes villes de l'antiquité. Il y a, comme on sait, une autre ville qui porte le même nom, qui se trouve dans le pays de Roum; elle fut durant un certain temps la capitale des sultans Seldjoukides.
[252] D'après Yakout (Mo'djam al bouldân, tome II, page 381), Haïfa est une forteresse sur la Méditerranée, près de Jaffa ; Godefroy de Bouillon l'enleva aux Musulmans en l'année 491. Il y a une autre localité de ce même nom près de Médine.
[253] Nom d'une petite localité non loin de Tibériade.
[254] Nom d'une petite localité située dans la même région que la précédente. Djémal ad-Din l'appelle Ma'lna (Mofarradj, ms. ar. 1702, folio 14 r°).
[255] Je n'ai trouvé de renseignements sur cette localité ni dans Yakout, ni dans Aboulféda; elle devait n'avoir que fort peu d'importance.
[256] Le Mofarradj-al-kouroûb-fi akhbar-molouk Βani-Ayyoub, de Djémal ad-Din (ms. ar. 1702, fol. Il r°), donne à ce nom la forme Toul, qui est certainement erronée. Yakout nous apprend dans le Mo'djam-al-bouldân (tome IV, page 55G), que le mot tour signifie « montagne »; d'autres géographes prétendent que la localité dont il est question dans ce paragraphe a été dénommée d'après Tour, fils d'Ismail, fils d'Abraham; on sait quelle valeur il convient d'attribuer à ces généalogies qui sont une des parties les plus importantes de la science des Musulmans ; on raconte même que c'est sur cette montagne qui domine Naplouse et qui est un lieu de pèlerinage pour les Samaritains, qu'Abraham s'apprêtait a sacrifier son fils, quand l'ange envoyé par Jéhovah arrêta son bras. Tour est une montagne qui s'élève à quatre farsakhs de Tibériade; il existe à son sommet une église, et chaque année une grande foire se tient en face de cette église. Le prince ayyoubide al Malik al-Mo'aththam 'Isa, fils d'al-Malik al-'Adil Abou Bakr y Ht construire une citadelle. Le mot tour entre dans le nom de plusieurs localités de l'Asie antérieure; Tour-Zita, près de Ra'as-Aïn, Toûr-Sinâ (le Sinaï), non loin d'Ilah, Tour-'Abdin, forme syriaque que l'on rencontre assez souvent traduite en arabe par Tour al-'Ibad, nom d'une petite ville qui dépend de Nisibin.
[257] Le manuscrit de Makrizi porte la leçon Savsatiyya, qui est une lecture médiévale de Σεβαστιάς avec β=v. D'après un auteur nommé Ahmad ibn al-Tayyib-as-Sarakhsî qui écrivit un livre dans lequel il racontait l'expédition d'al-Mo'tartad contre Khomârouyya, cette ville est proche de Soumaïsath et dépend de sa circonscription politique, mais Yakout (Mo’djam-al-bouldân, tome III, page 33) nous affirme que c'est une localité distante de deux jours de Jérusalem, et qu'elle dépend de Nabolos.
Hosam-ad-Din, dit Djémal ad-Din ibn Wasil (Mofarradj, ms. ar. 1702, folio 14 recto) vint à Sabastiyya, où se trouve le tombeau de Zakariyvâ (sur lui soit le salut!) et il la prit aux infidèles. De là, il marcha sur Nabolos, y entra et investit la citadelle, dont la garnison demanda à se rendre. Les habitants qui étaient Musulmans (sic) y restèrent à condition de payer un tribut, mais on leur laissa leurs biens. A cette époque, le sultan fit écrire au khalife an-Nasir ad-Din Allah par le Katib ‘Imad-ad-Din; une lettre qui commençait par : « Nous avons écrit dans les Psaumes après l'Invocation : Certes, ce sont nos serviteurs vertueux qui hériteront de la terre! Louanges soient rendues à Allah qui a accompli cette promesse et qui a fait triompher notre loi sur toutes les religions de jadis et sur toutes celles de l'avenir. »
[258] Voici la traduction d'une lettre écrite par ordre de Salah ad-Din après la bataille de Hittîn au gouverneur de Tinnis ; le texte nous en a été conservé par l'auteur de l'Histoire des Patriarches d'Alexandrie (ms. ar. 302, page 263).
« Au nom d'Allah, Clément et Miséricordieux.
« Louanges à Dieu qui a éloigné de nous l'affliction ! Certes, notre Dieu est miséricordieux et nous devons nous confondre devant lui en remerciements! Cette lettre est écrite à l'émir très glorieux, le maréchal (isfahsalar), notre intime, Hosâm-ad-Din, le glaive des champions de l'Islamisme, le pilier qui étaye le pouvoir des rois et des sultans, le familier du Commandeur des Croyants; qu'Allah continue son élévation et protège sa vie! Elle contient l'exposition de ce que nous a procuré l'aide du Dieu auguste, des victoires éclatantes qui ont été remportées et des triomphes par lesquels ont été effacées les traces des infidèles et fortifiés les cœurs des vrais croyants. Nous devons rendre grâce à notre Dieu, implorer humblement son pardon et glorifier sa magnificence. Allah, que son nom soit glorifié et exalté! connaissait les intentions du sultan et la fermeté de sa foi, et il l'a aidé; il savait combien étaient sincères les desseins qu'il avait formés d'aller combattre les infidèles, aussi il lui a donné secours, il l'a protégé et il lui a fait remporter la victoire ; il a raffermi le cœur de ses soldats contre ceux qui ment qu'il est l'Unique, le Seul et qui ne croient pas en lui. Il a fait périr par son glaive le sultan de l'infidélité [le prince Renaud de Châtillon] et il l'a précipité dans la tombe.
« La lettre que nous avons reçue du sultan [Salah-ad-Dîn], le lundi, quatrième jour du mois de Djoumada premier, datée du vendredi (précédent), nous apprend en abrégé les bonnes nouvelles des victoires qu'Allah a daigné lui accorder; elle mentionne le triomphe qui a été fatal aux ennemis de Dieu. Il nous énumère les grâces dont Allah l'a gratifié, depuis le jeudi, vingt-troisième jour du mois de Rabi second jusqu'au jeudi, trente de ce même mois; c'est le premier de ces jeudis, qu'il a conquis Tibériade et le vendredi et le samedi suivants, l'armée des Francs a été écrasée et mise en déroute, leurs villes ont été abandonnées, leurs forteresses ont été arrachées à leurs mains et les étendards de l'Islamisme flottent seuls sur leurs murailles; les maudits infidèles ont été rendus à l'enfer qui les avait vomis et ils y sont dévorés par les flammes. Le dimanche, Tibériade se rendit, et le prince Arnât fut tué de la main auguste du sultan; le roi est demeuré prisonnier de guerre ainsi que son frère, le grand maître des Templiers, Honfroy fils d'Honfroy, le prince de Karak, le prince de Djobeil et le prince de Tell-al-Safitha. Le lundi suivant, plus de deux cents chevaliers appartenant à l'ordre du Temple et de l'Hôpital ont été massacrés à la porte de la tente du sultan. Le mardi, le sultan décida de se rendre devant 'Akkâ dans l'intention de l'assiéger; le mercredi, il arriva devant cette place et il y mit le siège ; le jeudi, elle capitula et l'étendard victorieux (du sultan) fut arboré sur sa vaillante citadelle; l'Islamisme y fut rétabli comme dans sa patrie ; il revint à sa demeure et son diamant retourna à sa mine. Le vendredi, dernier jour du mois de Djoumada premier, on y fit la khotba de l'Islamisme dans sa mosquée suivant les règles établies, l'appel des muezzins y remplaça la sonnerie des cloches et les doctrines des Unitaires furent proclamées par ceux dont la langue était liée et qui étaient forcés de se taire. Pendant ce même laps de temps, Nâsiriyya, Saffouriyyah, Haïfa, Foula et Tour étaient conquises; Iskendérounèh et Nâbolos ont offert de se rendre; les satans Francs ont abandonné la lutte à Tibnîn.
« La lettre auguste du sultan nous donne les renseignements suivants sur le nombre des morts : tous les Francs qui se présentèrent au combat furent tués, sauf le Comte qui a échappé à la hart, car saisi d'une crainte épouvantable, il s'est enfui vers Tyr avec un très petit nombre de chevaliers et ils sont restés quelque temps dans cette ville. La lettre nous dit que le nombre des tués et des prisonniers s'élève à plus de vingt mille hommes. Rendons grâces à Allah, car on ne connaît pas de pareille victoire dans l'Islam; jamais Allah n'a permis de pareilles conquêtes et de si grands triomphes, car il n'a même pas péri dix Musulmans. Gloire à Allah pour la gloire qu'il a accordée au sultan et qui réjouit le visage de ceux qui ont combattu dans cette journée. Nous implorons le secours d'Allah, et nous nous sommes décidé à nous rendre devant Akkâ au camp victorieux du sultan, qu'Allah lui donne la santé ! Nous écrivons cette lettre à l'émir pour qu'il se réjouisse de la bonne nouvelle que nous lui apprenons et qui intéresse tous les Musulmans, étant une grâce accordée à tous, grands et petits. »
[259] Tibnîn est une petite ville entre Damas et Tyr. Al-Malik al-Mothaffar Takî ad-Din 'Omar, dit Djémal ad-Din ibn Wasil (Mofarradj-al-kouroûb, ms. ar. 1702, folio 14 v°), assiégeait la citadelle de Tibnîn sans pouvoir s'en rendre maître; il écrivit à son oncle le sultan Salah ad-Din pour le prier de venir à son aide. Le sultan partit d’Akkâ, le huitième jour du mois de Djoumada premier et arriva devant Tibnîn, le onze de ce même mois ; il l'investit aussitôt et fit donner l'assaut. Tibnîn est une forteresse très fortement située sur le sommet d'une montagne. Au bout de quelque temps, les assiégés envoyèrent demander au sultan de capituler ; il le leur accorda aux conditions qu'il avait l'habitude de fixer aux Francs ; ils demandèrent un délai de cinq jours pour se retirer avec tout ce qui leur appartenait et ils rendirent la liberté à plus de deux cents prisonniers musulmans, après quoi, ils se retirèrent à Sour; le sultan prit possession de Tibnîn, le dix-neuvième jour du mois de Djoumada premier. Il avait imposé aux Francs la condition d'abandonner leurs munitions, leurs bêtes de somme et leur trésor.
[260] Ville qui dépend de la province de Hauran; Hadji-Khalifa nous apprend, dans son traité de géographie intitulé Djihan-Numa, qu'on y voyait des jardins et des vignes; les habitants n'y buvaient que de l'eau de pluie. Elle est située sur le chemin de Bagdad, et on s'y rend en dix jours en été.
[261] Ces deux villes sont assez connues pour que je me dispense de donner sur elles des détails empruntés aux géographes orientaux.
[262] Djobail, qui est le diminutif de djabal « montagne », est une ville qui dépend de Damas ; ses coordonnées sont L. 60°, l. 34° ; elle est située à huit farsakhs de Beyrouth. Yakout nous apprend dans le Mo'djam al-bouldân, tome II, page 33, que le sultan Salah ad-Din y mit une garnison composée exclusivement de Kurdes quand il l'eut conquise, et qu'en 593 elle retomba aux mains des Francs.
[263] Aussi appelée Baït-Djibrin; nom d'une petite ville entre Jérusalem et Ghaza, distante de Jérusalem de deux étapes ; la distance est un peu moins grande jusqu'à Ghaza (Yakout, Mo'djam, tome I, p. 774) ; d'après Hadji-Khalifa, une partie de cette localité est bâtie sur la pente d'une montagne, l'autre partie en plaine ; son faubourg se nomme Daroum ; on y trouve des carrières de marbre.
[264] D'après Djémal ad-Din ibn Wasil (Mofarradj-al-kouroûb, ms. ar. 1702, folio 16 verso), le sultan Salah ad-Din fît venir de Damas devant 'Ascalon le roi des Francs et le grand maître de l’ordre du Temple et sur ses injonctions, ils prièrent les Francs de rendre la ville au sultan. Ceux-ci refusèrent absolument d'agir ainsi et insultèrent le roi et le grand-maître ; cela détermina Salah ad-Din à traiter la ville avec la plus grande rigueur. Au bout de quelque temps les habitants et la garnison voyant que leur résistance était inutile envoyèrent leur prince au sultan pour obtenir une capitulation; Salah ad-Din la leur accorda et prit possession de la ville après quatorze jours de siège; les habitants se retirèrent à Jérusalem. Un des émirs de Salah-ad-Din, l'émir Hosam ad-Din ibn Ibrahim ibn Hosain-al-Hamadhani fut tué devant cette ville. Le sultan resta devant 'Akkâ jusqu'à ce que ses officiers se fussent emparés des citadelles des chevaliers de l'ordre du Temple; il se mit alors en marche pour Ghaza.
[265] Les événements qui signalèrent la prise de Jérusalem et les diverses circonstances qui accompagnèrent cette mémorable victoire du sultan Salah ad-Din sont trop connues pour que je crois utile d'extraire du Mofarradj-al-kouroûb-fi-akhbar-molouk Bèni-Ayyoub le récit qu'en donne Djémal ad-Din ibn Wasil. Il ne diffère pas sensiblement de celui que l'on trouve dans le Kamil fi-'-t-tawârikh d'Ibn Alathyr, le Kitab-ar-raudatain-fi-akhbar-ad-daûlatain de Schihâb ad-Din 'Abd-er-Rahman ibn Ismâ’îl al-Mokaddasi, plus connu sous le nom d'Abou-Shama, et dans le Ouns-al-djalil bi-ta'arikh-al-Kouds-wa-'l Khalil de Modjîr ad-Din Abou’l Yaman 'Abd-er-Rahman al-'Alimi. Le récit de l'auteur de l'Histoire des Patriarches d'Alexandrie que l'on va trouver dans les pages suivantes offre un intérêt beaucoup plus grand.
[266] Voici comment l'auteur de l'Histoire des Patriarches d'Alexandrie raconte la prise de la ville sainte (ms. ar. 302, page 267) : L'armée investit Jérusalem de tous les côtés, les Musulmans firent la prière sur la montagne qui se trouve près de la ville et ils s'élancèrent au combat quand elle fut terminée. Un grand chevalier nommé Bâhân, fils de Barizân, un des plus estimés parmi les Francs, se trouvait alors dans la ville ; la ville de Ramla formait son fief et il était entré le jour même dans Jérusalem. Ce fut lui qui prit la direction de la défense et qui répondit aux attaques du sultan. Salah ad-Din lui envoya un message par lequel il lui enjoignait de mettre bas les armes, mais il refusa. Il y avait alors dans Jérusalem un Chrétien melkite, nommé Joseph el-Bâtit qui était allé à Damas et qui y avait demeuré ; il y avait connu Salah ad-Din et ses frères avant qu'il ne fût devenu sultan; il avait également connu son père (Nadjm ad-Din Ayyoub) et son oncle Asad ad-Din Shirkouh qui se trouvaient à Damas au service de Nour ad-Din Mahmoud ibn Zengui. Quand Salah ad-Din fut devenu souverain de l'Egypte, il les vint trouver pour leur demander leur protection ; al-Malik al-'Adil Abou Bakr, frère de Salah ad-Din le prit auprès de lui et le combla de bienfaits; il l'installa chez lui dans le palais du khalife dans le vestibule de la Porte d'Or dans le Palais Oriental au Caire. Salah ad-Din l'avait déjà envoyé plusieurs fois en ambassade auprès des princes Francs, de telle sorte qu'il connaissait parfaitement leur situation ainsi que celle de leurs états et qu'il avait des relations avec les principaux chevaliers. Quand Salah ad-Din vit que la lutte serait rude et qu'il ne pourrait pas s'emparer de Jérusalem, il ht venir Joseph el-Batit et il s'entendit avec lui pour qu'il allât trouver les Chrétiens melkites (de Jérusalem) et qu'il leur promit toutes sortes de bienfaits s'ils n'aidaient pas les Francs à défendre la ville, et s'ils consentaient à la lui rendre ; il leur fit donner en même temps beaucoup d'argent. Quand Balian ibn Bârizan apprit cela, comme les Melkites étaient en beaucoup plus grand nombre que les Francs, il eut peur qu'ils ne livrassent la ville (au sultan) et qu'ils ne tuassent la garnison franque tout entière; il se résolut alors à capituler et à payer une contribution de guerre pour chaque Franc qui se trouvait dans la ville.... Quand Salah ad-Din se fut ainsi emparé de Jérusalem, il écrivit au général qui gouvernait en son nom l'Egypte. Cette lettre était adressée à l'émir Nasir ad-Din Khidr ibn Bahram, gouverneur de la partie occidentale de l'Egypte, qui fut investi de ces fonctions au mois de chewâl de l'année 581, et qui les occupe encore au moment où nous rédigeons cette biographie, au mois de chewâl de l'an 603 de l'hégire. Voici le texte de cette missive :
« Au nom d'Allah, Clément et Miséricordieux :
« Nous écrivons au noble émir, le maréchal (al-isfahsalar-al-kabir) Nasir-ad-Din, la gloire de l'Islamisme, la colonne qui soutient les champions de la Foi, l'intime du Commandeur des Croyants, (qu'Allah le gratifie longtemps de ses faveurs, qu'il augmente ses dignités, qu'il multiplie ses dons et qu'il rende ses projets plus redoutables (à ses ennemis) !
Nos étendards viennent d'être arborés sur les remparts de la Ville Sainte (que Dieu la protège !) et ce sont nos commandements qui y sont exécutés. Les jours de nos ennemis les infidèles sont passés, ce sont les nôtres qui sont arrivés, et c'est par l'ordre d'Allah que nos pas ont foulé ce sol (peut-être, s'y sont affermis). Le siège a duré treize jours, mais nous n'avons combattu avec l'épée que pendant sept jours; le reste du temps, nos balistes ont lancé leurs projectiles jusqu'à ce qu'ils aient renversé les murs et qu'ils les aient broyés; les créneaux se sont effondrés et se sont réduits en poussière. L'Unité d'Allah y a été proclamée définitivement; les rites des Hanéfites y sont devenus manifestes et on les y a honorés. Comment une petite pierre pourrait-elle faire reculer une haute montagne? et de quel droit l'erreur prétendrait-elle combattre la vérité? Est-ce que l'on peut comparer le premier essor d'une perdrix aux résolutions des héros vaillants? Depuis le jour de l'investissement jusqu'au jour ou la ville s'est rendue, les infidèles n'ont fait que se plaindre et se quereller en vain. Il ne s'est pas passé de jours qu'il n'y ait eu de leurs soldats faits prisonniers, des blessés et des morts; quand ils ont vu ce spectacle, leur ardeur s'est éteinte et leurs grandes résolutions se sont évanouies; car déjà les remparts de leur ville s'étaient écroulés, les ailes de leurs bastions étaient détruites, et les créneaux de leurs citadelles étaient tombés dans leurs fossés; leurs lourdes tours ont été ébranlées par le tir rapide de nos balistes et par les atteintes de leurs projectiles (Litt : par les doigts de leurs flèches); ils ont compris devant le rugissement des lions qu'il n'y avait aucun espoir de salut, que l'erreur allait être effacée par la Vérité et la vraie direction ; ils ont vu que leur domination avait pris fin et que les décrets du Ciel étaient inéluctables. Leur ville ! on y entrait de tous côtés pour fondre sur eux ; ils étaient enchaînés dans les liens de la famine et de l'investissement; un soupçon traversa leur esprit et se confirma; leur ville allait tomber au pouvoir des vrais amis de Dieu tandis qu'eux n'étaient plus justiciables que de l'épée et des flammes de l'Enfer; la Mosquée Lointaine (al masdjid-al-aksa) avait revêtu sa parure de fête et les bijoux de sa réjouissance, tandis qu'eux étaient revêtus des haillons de la misère et de la détresse. Pour faire contraste avec leur triste situation, l'Islam recevait des dons et des faveurs continuels; Allah répandait ses grâces sur les Musulmans et l'armée victorieuse regorgeait des choses qui lui étaient nécessaires.
« Le vendredi, sixième jour du combat, et vingt-sixième jour du mois de Redjeb, la mort fondit sur eux de toutes parts, leurs efforts furent perdus, et leur impuissance devint manifeste ; les vrais croyants se précipitèrent a l'assaut, les Unitaires s'élancèrent à l'attaque, ils se suspendirent aux créneaux des remparts. Les Musulmans fondirent sur eux (les défenseurs de Jérusalem) et ils tenaient dans leurs mains la coupe de la mort. Ils crurent alors que les montagnes s'étaient mises en marche pour les écraser sous leur masse et que les murailles s'avançaient pour les anéantir, et la mort plana sar leurs âmes. C'est alors qu'ils se décidèrent à implorer une capitulation et à offrir de rendre leur ville; ils envoyèrent des ambassadeurs pour proposer le paiement d'une rançon et ils demandèrent que l'on en fixât la quotité par tête pour se racheter du massacre, bien que cela leur fût très pénible. Ce n'est pas volontiers qu'ils ont donné des trésors auxquels personne ne pouvait toucher depuis longtemps, mais ils ont préféré choisir ce moyen plutôt que de subir le châtiment de l'épée. On a alors fait des conventions qui ont réjoui le Prophète. Il a été arrêté que chaque homme paierait dix dinars, que chaque femme en paierait cinq, et que tout enfant non parvenu à l'âge de puberté n'en paierait qu'un seul. Le nombre des gens qui se trouvaient dans la ville était d'environ cent mille ou même plus; ils ont racheté sept mille personnes qui ne pouvaient payer la somme requise et dont la rançon totale s'élevait à 30.000 dinars; ils ont fait cela par charité et ils ont donné avec empressement de l'argent, jusqu'aux derniers des habitants!
« Gloire à Dieu qui a renversé leur fortune, qui a réduit à rien leurs prétentions; qui a anéanti leur orgueil par l'épée d'al-Malik an-Nasir ; louanges à Dieu qui a délivré de leurs mains la Mosquée Lointaine (al-masdjid-al-aksâ) à laquelle il a transporté son Serviteur durant la nuit, à Dieu qui a exécuté toutes les promesses qu'il avait faites précédemment. Que l'émir prenne sa part de ces bonnes nouvelles qui viennent d'arriver et qui réjouissent les cœurs, des nouvelles qui remplissent les mains de trésors, des conquêtes des provinces et des villes sur lesquelles se lève le soleil de la victoire; la trame de nos jours a été tissée de la soie des événements fortunés. Nous t'ordonnons d'annoncer ces nouvelles aux sons des instruments et de pavoiser la ville ».
Le même auteur raconte dans l’Histoire des Patriarches d'Alexandrie (tome II, ms. ar. 302, pages 265 et sq.) une histoire bizarre sur la façon dont un roi Beaudouin se serait emparé de Jérusalem : Suivant lui, les Musulmans permettaient aux Chrétiens de venir en pèlerinage à Jérusalem à la condition de payer une rétribution. Beaudoin y vint habillé en pèlerin de façon à ne pas être reconnu; il arriva à Jaffa avec six navires de guerre dont chacun portait mille hommes. Le gouverneur de Jaffa avertit celui de Jérusalem de l'arrivée de ces six mille pèlerins. Le général qui commandait à Jérusalem craignit que ces six mille hommes, entrant à la fois dans la ville sainte ne causassent du désordre, aussi il écrivit à son collègue de Jaffa de les diviser en deux troupes de trois mille hommes et de ne laisser partir la seconde que quand la première serait revenue. Beaudoin dut se résigner à subir cette mesure et il partit déguisé, avec trois mille hommes; une fois arrivé devant Jérusalem, il en fit le tour, examina avec grande attention ses murailles et trouva un point qui lui parut plus faible que les autres et par lequel une attaque avait des chances d'être couronnée de succès. Il écrivit immédiatement au chef des trois mille hommes qui étaient demeurés à Jaffa, de tomber, le mardi suivant, sur la population de la ville et de la massacrer pendant qu'il en ferait autant à Jérusalem avec les gens qui l'y avaient accompagné. Tout se passa comme Beaudouin l'avait commandé et, le mardi, les deux villes tombèrent au pouvoir des Francs ; l'auteur de l’Histoire des Patriarches d'Alexandrie fait remarquer que c'est également un mardi que les Musulmans reprirent Jérusalem aux Chrétiens.
[267] Djamil ad-Din ibn Wasil (ms. ar. 1702, folio 16 recto) raconte que cette année il arriva sur les côtes de Palestine une escadre franque venant de l'Occident; ceux qui la montaient avaient l'intention d'aller faire le pèlerinage de Jérusalem et ils ignoraient ce qui était arrivé aux Francs de Syrie. Ils abordèrent à 'Akkâ, pensant que cette ville leur appartenait, mais ils n'y virent rien qui rappelât la manière dont, les Francs recevaient les vaisseaux qui venaient du large, et ils n'entendirent pas sonner les cloches. Tout ce qu'ils voyaient montrait qu'un grand changement s'était produit; ils mouillèrent, car le vent avait molli. Al-Malik al-Afdal-Nour ad-Din, gouverneur d’Akkâ, envoya un de ses officiers à bord d'un navire de l'escadre pour les reconnaître et voir ce qu'ils voulaient. L'officier leur apprit la déroute des Francs, la prise d'Akkâ et de bien d'autres villes, et que Sour et Ascalon étaient encore en la possession des Francs. Comme le vent était complètement tombé et qu'ils ne pouvaient bouger, les Francs demandèrent la permission d'entrer dans le port avec leurs bagages, ce qui leur fut d'ailleurs accordé.
[268] Nom d'une citadelle située sur une montagne proche de Tibériade ; elle domine le Jourdain. Yakout (Mo'djam al-bouldân, tome IV, p. 328).
[269] Après la prise de Jérusalem, Saladin avait envoyé à l'empereur Isaac II des ambassadeurs pour lui apprendre l'heureux succès de ses campagnes; il lui faisait remettre en même temps 190 prisonniers grecs qu'il avait trouvés dans les cachots des villes enlevées aux Francs ; Isaac les reçut avec les plus grands honneurs et lui envoya une ambassade composée d'Avestot, Aspion et Constance, pour lui porter une couronne d'or et renouveler le traité d'alliance qui avait été conclu avec lui. (Ed. de Muralt, Essai de Chronographie byzantine, Saint-Pétersbourg, 1871, tome I, p. 230.)
[270] C'est-à-dire que le vent souffle du large et refoule les flots du Nil, en produisant une sorte de mascaret.
[271] Parce que ces pièces d'argent étaient frappées avec des flans de poids très inégaux.
[272] On lit ce qui suit dans l'Histoire des Patriarches d'Alexandrie (ms. ar. 302, p. 271). « Le sultan vint investir la Forteresse des Kurdes et il en fit le siège durant près de deux mois, mais il ne put s'en emparer; il se rendit de là dans la province d'Antioche ou il prit Laodicée, Baghrâs et de nombreuses forteresses. Il vint ensuite mettre le siège devant la forteresse de Marakiya et resta devant cette place pendant quelque temps ; Allah lui permit de s'en emparer. Il écrivit à ses gouverneurs en Egypte pour leur annoncer cet événement. Voici le texte de la lettre qu'il envoya à l'émir Nasir ad-Din Khidr ibn Bahram, gouverneur de la partie occidentale de l'Egypte.
« Au nom d'Allah, Clément et Miséricordieux!
« Cette heureuse nouvelle est annoncée à l'émir très noble, le maréchal (al-isfahalâr), notre intime, Nasir-ad-Din, la gloire de l'Islam; qu'Allah éternise sa gloire par les grandes conquêtes et les victoires précieuses qu'il lui a fixées!
C'est la prise de la forteresse de Marakiya que doivent célébrer les langues et pour laquelle on doit s'empresser de rendre grâces à Dieu ; les esprits des hommes ont été calmés par sa prise et par les admirables décrets de la Providence. L'année s'est écoulée, et on a pu atteindre ce qu'il avait été impossible d'obtenir auparavant.
« Quand nous l'avons investie, nous n'avons pas trouvé qu'il fût possible de nous en emparer par ruse, et l'enceinte de ses fortifications ne nous donnait pas l'espoir de nous en rendre maîtres. Et cependant Dieu nous a permis de la conquérir sans que nous puissions dire comment s'est produit ce miracle ; il l'a livrée à nôtre glaive (litt. il en a fait le gain de nos glaives) et nous l'avons enlevée d'assaut, le sabre au poing.
Cet événement s'est passé le mardi, vingt-septième jour du mois de Djoumada second de l'année 584, un peu après le lever du soleil. O matin qui as répandu les ténèbres sur l'ennemi et dont la clarté s'est changée pour lui en une nuit obscure ! ô matin qui as été la source du bonheur, qui as apporté la vie à l'Islam en comblant tous ses désirs ! L'émir connaît toutes les conquêtes que nous avons faites, avant de nous emparer de cette ville et les bénédictions qui ont précédé cet heureux événement. Antioche demeure les ailes coupées, et ses armes sont tombées à terre; mais nous espérons qu'Allah (qu'il soit exalté!) nous permettra de nous en emparer et qu'il exaucera notre attente. L'émir connaît maintenant cette bonne nouvelle et il remerciera Allah des bienfaits qu'il a accordés (aux Musulmans) ».
Ce fut la dernière des conquêtes du sultan Salah ad-Din et à partir de ce moment il ne conquit plus aucune partie du pays des Francs.
[273] Ancien Mamlouk de Nadjm ad-Din Ayyoub.
[274] Ancien Mamlouk d'Asad ad-Din Shirkouh.
[275] Yakout (Mo'djam al bouldân, tome IV, page 516) donne à ce lac le nom de Kadas, et dit qu'il est situé non loin de Homs; sa longueur est de 12 milles et sa largeur de 4 milles; il se trouve entre Homs et le Liban ; c'est de ce lac que sort le fleuve que les Syriens appellent al-'Asi, « le révolté », et que l'on connaît plus généralement sous le nom d'Oronte. Aboulféda (Géographie, tome II, partie I, page 50) dit qu'une jetée occupe son bord septentrional et qu'on en attribue la construction à Alexandre le Grand. Au milieu de cette jetée qui n'est qu'une immense digue destinée à retenir les eaux du lac, s'élevaient deux tours de pierre noire. Hadji-Khalifa nous apprend dans son Djihan-Numa que cette digue avait 1287 coudées de long sur 18 ½ coudées de large, et que sans elle le lac n'existerait pas, car ses eaux se répandraient dans la campagne environnante. Cet auteur ajoute qu'on y péchait un poisson unique, mais il n'en donne pas le nom.
[276] Hadji-Khalifa donne sur cette ville, dans le Djihan-Numa, des détails qu'il me paraît intéressant de transcrire ici. D'après cet auteur, elle fut construite par Antiochus qui, en l'an 21 d'Alexandre, cherchait un emplacement pour y élever sa capitale. Les conditions qu'il imposait à ses ingénieurs étaient telles qu'ils ne trouvèrent pour y répondre qu'une localité nommée Mardj-ad-Dibadj. C'est là qu'ils jetèrent les fondations d'Antioche. La muraille avait 12 milles de tour, une partie en était élevée sur la montagne, l'autre en plaine. La forteresse fut bâtie sur la montagne de telle sorte qu'on la voyait de fort loin. Le mur d'enceinte portait 370 tours; on éleva dans la ville un temple à Saturne, qui était situé à l'orient du « Pont du Poisson », et tous les ans on y célébrait une grande fête qui durait pendant trois jours consécutifs; tout près de ce temple se trouvaient des bains dans lesquels le peuple pouvait entrer librement à l'équinoxe d'automne. Il y avait à Antioche sept portes, cinq grandes et deux petites; l'Oronte passait par trois d'entre elles. Au milieu d'Antioche se trouvait le temple de Mars, qui, à l'époque à laquelle écrivait Hadji-Khalifa, était devenu une église dédiée à la Vierge Marie ; auprès de cette église, se voit encore une source d'eau chaude. Ce temple avait quarante portes blindées de lames de bronze et les murs en étaient recouverts de plaques d'or et d'argent. Le pavé était formé de mosaïques de marbre et on y voyait cent idoles tant en or qu'en argent. Le personnel de ce temple se composait de 300 éphèbes et d'un nombre égal de prêtres. La statue de Mars, toute en or, était placée hors du temple sous une coupole très élevée : le dieu était représenté foulant aux pieds un serpent et un scorpion d'airain. Il y avait à Antioche une canalisation souterraine très compliquée qui amenait l'eau non seulement dans les bains, mais aussi dans toutes les maisons de la ville : les Osmanlis lui ont donné le nom de « Canal de Bolos ». A l'origine de cette canalisation, il y avait deux statues représentant le roi et la reine. On voyait dans cette ville, sept marchés dont trois seulement étaient couverts, et sept sources d'eau minérale, dont chacune guérissait une maladie. Non loin de cette ville, se trouvait le lac d'Antioche situé entre Baghrâs et Harim dans le canton d’Amk; il était distant de deux journées d'Alep et recevait trois rivières ; celle qui est le plus à l'Orient porte le nom d'Afrin, celle qui coule à l'occident et qui passe au-dessous de Derb-Sak, se nomme la rivière noire, la troisième est située entre les deux précédentes et se nomme Bagrah, comme un petit village auprès duquel elle passe et dont la population se compose de Chrétiens. Ces trois rivières se réunissent avant de venir se jeter dans le lac d'Antioche; il sort de ce même lac un cours d'eau qui va se jeter dans l'Oronte à un mille environ au-dessus d'Antioche après avoir passé sous le célèbre « Pont de fer » (Djisn-al-hadid).
[277] Je n'ai point trouvé de renseignements sur cette localité, qui est d'ailleurs comme la suivante suffisamment connue, dans le Mo’djam-al-bouldân de Yakout.
[278] Il en est de même pour cette ville. D'après Idrisi (Géogr., trad. Jaubert, tome II, page 130), c'est une petite ville près de la mer, à huit milles de Markab; les habitants s'y livrent à un commerce assez actif.
[279] Il y a plusieurs localités de ce nom dans le monde musulman ; celle dont il est question dans le texte de Makrizi est une citadelle bien connue dans le Sahel de la Syrie, qui dépendait administrativement d'Alep; elle n'était pas très éloignée de Laodicée (Yakoùt, Mo'djam, tome II, pape 24). Hadji-Khalifa nous apprend dans le Djihan-Numa qu'une distance de douze milles séparait les deux villes et qu'on y visitait le tombeau du célèbre Soufi Ibrahim Edhem. Il y avait près de Djïbala un bois de pins, qui était un endroit très dangereux, sans que l'auteur nous dise pour quelle raison; non loin de cette place coulait une petite rivière ; il y en avait une seconde au nord ; enfin, près de Djïbala, on voyait une colline couverte de narcisses.
[280] Ville qui a d'abord dépendu de Homs, puis d'Alep (Yakout, Mo’djam-al-bouldân, tome IV, p. 338), à l'occident de Djïbala, elle en est séparée par six farsakhs, ce qui prouve que un farsakh de Yakout vaut deux milles de Hadji-Khalifa (voir la note précédente). Ptolémée fixait ses coordonnées à L. 68° 20'; l. 35° 6'. Cette ville fut visitée par le célèbre Ibn Fazlan en l'année 446 de l'hégire. Hadji-Khalifa dit dans le Djihan-Numa que c'est l'un des meilleurs ports de la côte syrienne, et qu'on y voit un monastère nommé Favous. A dix-huit milles de Laodicée se trouve la forteresse de Hisn-Herbah; l'une des vallées qui avoisine Laodicée porte le nom étrange de « vallée du candélabre » (Wadi-al-kandil) ; il y passe une petite rivière.
[281] D'après le même géographe, Sahioun est une citadelle très forte bâtie sur un rocher, à une journée de marche de Laodicée dans un pays très riche en eau; on trouve dans les environs de cette ville des localités où croissent des orangers et des citronniers dont les fruits sont meilleurs que partout ailleurs. Les habitants en étaient Ismaïliens. Yakout nous dit dans le Mo'djam (tome III, p. 438) que cette localité dépendait administrativement de Homs; ses fossés étaient extrêmement profonds et mesuraient près de 60 coudées, mais il n'y en avait que d'un seul côté ; le géographe arabe fait remarquer que ce fossé était creusé en plein roc; les trois autres côtés de la place étaient défendus par des murailles extrêmement solides; deux au-dessous du boulevard extérieur, le troisième au-dessous de la citadelle; cela constituait, comme on voit une défense formidable.
[282] Le manuscrit de Makrizi porte très visiblement Thoghr et 'Akkâs, ce qui est une faute évidente, car les deux citadelles de Shoghr et de Bakâs ne sont presque jamais nommées l'une sans l'autre et sont bien connues des géographes orientaux. Yakout dit, dans le Mo'djam-al-bouldân (tome III, p. 303), que ces deux forteresses sont situées sur deux montagnes qui se font face ; elles sont séparées par un vallon qui ressemble à un fossé ; elles ne sont pas très éloignées d'Antioche. Aboulféda (Géographie, tome II, partie II, page 33), nous apprend que le vallon qui les sépare a la largeur de la portée d'un trait d'arbalète et qu'une rivière coule au fond; on y trouve des vergers ou sont cultivés de nombreux fruits et elles sont à peu près à moitié du chemin qui conduit d'Antioche à Afâmiyyâ (Apamée). Suivant Hadji-Khalifa, l'auteur du Djihan-Numa, le grand vizir ottoman Kupruli Pacha y fit bâtir à ses frais un caravansérail magnifique, une mosquée djâmi', un établissement de bains et une hôtellerie où les voyageurs recevaient l'hospitalité sans avoir à desserrer les cordons de leur bourse. Un peu à l'est des deux citadelles, se trouve le pont de Kasfahan sur lequel se tient une foire. Ces deux forteresses furent renversées par le terrible tremblement de terre de 800 de l'hég. ; toute la population fut écrasée sous les ruines, sauf une cinquantaine de personnes; il se produisit une crevasse de près de quatre lieues de long depuis le village de Kathva jusqu'à celui de Shalfouham ; ce dernier, qui était situé sur le sommet d'une montagne, fut enlevé tout entier et transporté dans la plaine sans dommage pour aucune des maisons qui le composaient. Ce fut seulement quand les habitants voulurent sortir de chez eux qu'ils s'aperçurent de ce cataclysme.
[283] Ville située au pied de la montagne de Loukkâm et à quatre milles d'Antioche sur le chemin qui mène de cotte villa à Alep (Yakout, Mo'djam-al-bouldân, tome I, p. 693). Suivant Aboulféda (Géographie, t. II, partie II, page 36), il y a douze milles de Baghrâs à Antioche, et autant jusqu'à Alexandrette. Hadji-Khalifa dit dans le Djihan-Numa, que la forteresse de Baghrâs est très élevée et bâtie sur la montagne de Mousa-al-Hini, au nord du lac 'Afrin; elle domine Antioche et 'Amk ; l'endroit qui se trouve à l'est du chemin se nomme la « croupe de Baghrâs » ; le sultan Soleïman-Khan y fit bâtir plusieurs édifices parmi lesquels une grande mosquée, un caravansérail et une hôtellerie où l'on reçoit les voyageurs qui se présentent, sans leur demander de rétribution (959 hég.). Cette ville était très renommée pour ses cultures de hyacinthes, on prétend même qu'il y en avait une variété qui était jaune.
[284] Djémal ad-Din ibn Wasil (Mofarradj-al-kouroûb, ms. arabe 1702, folio 83 recto) raconte que la trêve fut, fixée pour une durée de huit mois entre le sultan et le prince souverain d'Antioche ; le sultan avait été poussé s. faire la paix par l'épuisement de son armée et l'énervement du prince de Sindjar qui ne décolérait pas et menaçait constamment de s'en retourner chez lui.
[285] Suivant la même autorité, le sultan partit d'Alep pour Marrât el-No'man et il alla rendre visite à un cheikh Souri, auquel ses pratiques religieuses avaient acquis un grand renom de sainteté, qui se nommait Abou-Zakariyya-Yahya-al-Maghribi, et qui habitait à al-Nakira (?), et il alla également en pèlerinage au tombeau d'Omar ibn Abd el-Aziz. De là il alla a Hamâh, et monta à la citadelle, accompagné de la princesse de cette ville, la nièce d'al-Malik al-Mothaffar, et de l'émir de Médine 'Izz ad-Din Abou-Folaïta-al-Kasim ibn Mohannâ, qui suivait le sultan dans toutes ses conquêtes. Salah ad-Din constata que la princesse avait fait restaurer la forteresse, qu'elle l'avait fortifiée et qu'elle en avait fait creuser les fossés ; cela le réjouit extrêmement. De Hamâh il se rendit à Damas, sans s'arrêter à Homs, en passant par Baalbek ; il arriva à Damas un peu avant le commencement du mois de Ramadan.
Djémal ad-Din ibn Wasil raconte dans le Mofarradj-al-kouroûb (Ms.ar. 1702, folio 83 verso) que lorsque les Francs de Karak furent réduits à la dernière extrémité, ils envoyèrent un ambassadeur à al-Malik al-'Adil Saïf ad-Din Abou-Bakr pour lui offrir de capituler. Ce prince campait alors à Tibnîn, avec toute son armée et il envoya à Kamshabâ, qui était son gendre, l'ordre d'accorder aux Francs de Karak, de Shaubak et des forteresses qui en dépendaient une capitulation analogue à celle qui avait été accordée aux Francs de Jérusalem. Cet officier prit possession des forteresses vers le quinze du mois de Ramadan.
[286] Quand les Francs apprirent la chute de Safad, dit Djémal ad-Din ibn Wasil (Mofarradj-al-kouroûb, ms. ar. 1702, folio 81 recto), ils comprirent que leur position était fortement compromise; aussi furent-ils tous d'avis d'envoyer vers cette ville un corps de troupes de deux cents hommes sous le commandement d'un de leurs plus braves officiers; ils partirent durant la nuit par des chemins détournés et ils restèrent cachés toute la journée suivante ; il arriva alors qu'un Musulman qui faisait partie du corps de siège de Kaukab sortit pour aller à la chasse et qu'il rencontra un soldat du détachement franc ; il trouva sa présence très extraordinaire dans ce pays et ayant découvert le stratagème, il retourna en toute hâte auprès de Sarim ad-Din Kaïmâz-al-Nadjmî, général de cette armée, avec le Franc dont il s'était emparé et lui raconta ce qu'il avait découvert. Le général musulman monta immédiatement à cheval, se rendit à l'endroit où les Francs se tenaient tapis et les fit tous prisonniers; il y avait parmi eux deux officiers généraux, chevaliers de l'Hôpital. On les conduisit au sultan Salah ad-Din qui se trouvait à Safad; il les fit mettre à mort comme il le faisait toujours quand on lui amenait des membres de ces deux ordres à cause de la violente animosité qu'ils montraient contre les Musulmans.
[287] Djémal ad-Din ibn Wasil (Mofarradj-al-kouroûb, ms. ar. 1702, fol. 84 verso) raconte que le siège de Kaukab fut poussé avec la plus grande énergie par Salah ad-Din et qu'il fallut miner le bashoura (les ouvrages avancés) pour venir à bout de l'énergique résistance de la place; en même temps, les archers et les arbalétriers couvraient le haut du bashoura de flèches et de traits d'arbalète, de telle sorte que les Francs ne pouvaient monter sur le mur pour se défendre sans s'exposer à être criblés. Cela les décida à demander à capituler, ce que le sultan leur accorda sans difficulté. Il nomma gouverneur de Kaukab, Sarim ad-Din Kaïmâz al-Nadjmî.
[288] Djémal ad-Din ibn Wasil (Mofarradj-al-kouroûb, ms. ar. 1702, fol. 85 verso), donne sur cette émeute des détails qui ne diffèrent pas sensiblement de ceux qui sont fournis par le récit de Takî ad-Din Ahmad-al-Makrizi. Sur les tentatives des Alides pour renverser la dynastie ayyoubide et pour restaurer les khalifes fatimides, on pourra consulter l'excellent travail que M. Paul Casanova a consacré à cette question dans les Mémoires de la Mission archéologique française du Caire.
[289] Les descendants d'Ali désignent ici les enfants et les proches parents du dernier khalife fatimide al-'Adid li-Din Allah, qui avaient été mis en prison quelques années auparavant par Salah-ad-Dîn.
[290] Pendant qu'il se trouvait à Akkâ, le sultan Salah ad-Din reçut l'émir Bahâ ad-Din Karâkoush qui venait lui annoncer que la construction des murs du Caire était terminée ; le sultan resta à 'Akkâ durant la plus grande partie du mois de Moharram (Djémal ad-Din ibn Wasil, Mofarradj-al-kouroûb, ms. ar. 1702, folio 86 recto).
[291] Djémal ad-Din (ibid., f. 86 verso), dit que l'ambassadeur de l'Imam al-Nasir-li-din-Allah vint pour ordonner au sultan de faire réciter la khotba au nom de son fils et héritier présomptif de la couronne ; Salah ad-Din s'empressa d'obéir à cette injonction.
[292] Les termes de Makrizi sont assez obscurs pour qu'on ne sache pas si la croix fut enterrée au Caire ou à Bagdad, mais la lecture de Djémal ad-Din ibn Wasil lève tous les doutes à cet égard ; c'est bien dans la capitale du Khalifat abbasside que fut exécutée cette cérémonie humiliante pour les Francs que l'on avait fait entrer dans Bagdad au son des musiques, leurs drapeaux et leurs étendards renversés, portés devant eux. Kazwini nous apprend dans sa Cosmographie (éd. Wüstenfeld, page 2101, que près de la porte al-Noubi se trouvait une sorte d'escalier ou les rois se prosternaient quand ils arrivaient dans la capitale de l'Islamisme.
[293] Salah ad-Din alla camper d'abord le vendredi à Mardj-Folous, le lendemain samedi à Mardj-Barghouth où il demeura avec l'armée jusqu'au 11 de ce mois, de là il alla à Banias, puis à Mardj-'Oyoun où il campa ; cette dernière localité est toute voisine de Shakif-Amoun. Le prince de Shakif, qui se nommait Renaud (Arnât), seigneur de Saida, se rendit auprès du sultan; c'était un homme très rusé et très déloyal (Djémal ad-Din ibn Wasil, ms. ar. 1702, folio 87 v°), l'un des meilleurs hommes de guerre des Francs, il savait l'arabe et avait même lu les chroniques rédigées dans cette langue; le sultan l'invita à diner et le Franc lui persuada qu'il était tout disposé à le reconnaître comme suzerain, à lui céder Shakif pourvu qu'il reçût en échange un endroit à Damas où il pourrait habiter, car, quand il aurait ainsi agi, il serait forcé d'éviter de se rencontrer avec les Francs dans la crainte qu'ils lui fissent un mauvais parti. Le sultan crut que Renaud était sincère, tandis qu'il ne cherchait qu'à gagner du temps ; aussi il consentit à ce qu'il lui demandait; il fut convenu que Renaud livrerait la forteresse à Salah ad-Din au mois de Djoumada second et le sultan resta à Mardj-'Oyoun attendant cette époque. Salah ad-Din était très inquiet de voir approcher le terme de la trêve qui était conclue entre lui et le prince d'Antioche, aussi il ordonna à al-Malik al-Mothaffar-Takî ad-Din de lui envoyer les troupes qu'il avait auprès de lui et celles qui étaient venues de Mésopotamie; la concentration des Francs à Sour le tourmentait également beaucoup, ainsi que ce fait qu'ils recevaient constamment des renforts par mer. Quand Salah ad-Din s'était emparé d’Ascalon et de Jérusalem, il avait rendu la liberté à Djafri, roi des Francs, qui, après avoir eu une violente inimitié contre le marquis (al-markis) [de Montferrat] s'était réconcilié avec lui : les deux princes avaient réuni une armée très considérable et étaient sortis de Sour dans l'intention de reconquérir les pays que le sultan leur avait enlevés. C'est dans ces circonstances assez critiques pour lui qu'il s'aperçut de la ruse de Renaud, prince de Shakif-Amôun. A partir de ce moment, Djémal ad-Din ibn Wasil ne fait que copier le récit de l'historien Bahâ ad-Din ibn Shaddâd que l'on trouvera traduit dans les Historiens Orientaux des Croisades. On pourra comparer le récit de Kâmil ad-Din ibn al-'Adim dans la Zubdat-al-halab fi-taarikh-Halab (Revue de l'Orient Latin, quatrième année, nos 2 et 3 page 192).
La lutte qui s'engagea autour d’Akkâ entre les Francs et le sultan Salah ad-Din a été racontée avec les détails les plus circonstanciés par Bahâ ad-Din ibn Shaddâd, dans le an-navadir-al-sultaniyjah-wa-'l-mahâsin-al-Yousoufiyyah ; on le trouvera traduit dans le Recueil des Historiens Orientaux des Croisades, tome III. Je donnerai ici quelques extraits de l’Histoire des Patriarches d'Alexandrie qui a été rédigée dans un esprit tout différent de celui des chroniqueurs musulmans et quelquefois plus intéressant.
[294] « Le sultan Salah-ad-Din, raconte l’historien des Patriarches d'Alexandrie, s'était emparé de Baït-Djibril par capitulation; le prince de cette ville était un homme intelligent, courageux, et qui possédait beaucoup d'argent; il occupait un haut rang (parmi ses compatriotes). Il s'appelait al-Kastalan [le châtelain], dont la signification est, je crois, gouverneur. Il avait dans Baït-Djibril beaucoup de richesses, de fortes sommes d'argent et des tonneaux remplis d'excellente huile et de vin. Quand il demanda à capituler, le sultan lui imposa une contribution de guerre énorme ; il offrit de ces denrées au sultan en place d'argent, et Salah ad-Din prit comme tribut les tonneaux d huile et de vin et le solde en argent. Après cela, le prince sortit de la ville ayant sur lui une forte somme d'argent, et gardant de nombreux biens, des troupeaux, des serviteurs, des femmes et une suite considérable. Le sultan l'envoya à Alexandrie en Egypte et il écrivit au gouverneur de cette ville pour lui faire des recommandations sur la conduite à tenir à son égard, pour le faire garder et pour lui indiquer l'hospitalité qui devait être offerte au captif durant son séjour dans la ville. Les dépenses devaient être supportées par l'administration (divan) ; le sultan prescrivait de mettre des vaisseaux à sa disposition et de lui donner des vivres, ainsi qu'à ses compagnons, le tout à ses frais, afin qu'il fût satisfait quand il partirait. Le gouverneur et ses subordonnés agirent suivant les instructions du sultan et le Franc alla là ou cela lui faisait plaisir. Fakhr ad-Din Karadja était à cette époque gouverneur d'Alexandrie et tous les jours, il allait rendre visite au prince franc accompagné de plusieurs de ses officiers. Al-Kastalan avait avec lui environ cinq cents personnes, et le gouverneur paya leurs dépenses de l'argent du sultan pendant toute la durée de leur séjour dans ce pays jusqu'à ce qu'il leur eût fourni des navires et qu'il les eût fait partir. Al-Kastalan ne resta pas plus de six mois dans son pays, il partit ensuite pour Venise (al-Banadaka, allemand Venedig), Gènes (Djanaviyyin) et Pise (?). Il y fit construire cent vaisseaux à ses frais, il engagea des hommes pour former leurs équipages et il vint à Tyr où il se réunit avec le marquis (al-markis), Balian, fils de Barzân [Balian II d'Ibelin], le fils du prince Arnât et le prince de Karak ainsi qu'avec les chevaliers francs de Palestine qui se trouvaient dans cette ville. L'armée se mit en marche par terre, pendant que la flotte prenait la mer. Une nuit, les Chrétiens vinrent campera Tell-al-Mash'ouka en face d’Akkâ; quand le jour se leva, ils avaient déjà creusé autour de leur camp trois fossés et ils y avaient amené l'eau du fleuve qui coule dans cet endroit; l'eau y coulait, puis elle allait se jeter dans la mer. Ils investirent 'Akkâ au mois de Redjeb de l'année 585. Le gouverneur d'Akkâ était un officier qui avait été au nombre des ustads du sultan et qui s'appelait Djourdik; il ne put repousser les Chrétiens et il écrivit au sultan qui se trouvait alors à Damas pour lui faire savoir la position dans laquelle il se trouvait. Le sultan arriva et les armées se succédèrent et assiégèrent les Francs (dans leur camp) ; de leur côté, les Francs arrivèrent de tous les côtés et se réunirent devant 'Akkâ, de telle sorte qu'ils formèrent une immense armée. Quand le sultan vint à 'Akkâ accompagné de son frère al-Malik al-Mothaffar-Takî ad-Dîn, il établit son camp à Saffouriyya; quelques jours plus tard, Mothaffar ad-Din ibn Zain ad-Din, prince de Sindjar, vint trouver le sultan. Chaque jour Salah ad-Din montait à cheval et se rendait devant le fossé des Francs avec une forte division et luttait contre eux; puis il s'en revenait à son campement de Saffouriyya après avoir placé en face d'eux un corps de 6.000 cavaliers pour déjouer toutes leurs ruses; ces cavaliers devaient rester là nuit et joui· : trois mille d'entre eux prenaient la garde de jour et criblaient les Francs de flèches, les trois mille autres en faisaient autant durant la nuit. Un mois ne s'était pas passé que les Francs avaient élevé sur le bord du fossé qui se trouvait du côté de l'armée du sultan, une muraille de briques; ceux qui étaient retranchés derrière ce mur lançaient des traits avec des zenbourak. Les flèches que projetaient ces machines étaient de la dimension du gros orteil du pied d'un homme et elles étaient longues d'une coudée. La pointe d'acier qu'elles portaient pesait 50 dirhems (soit environ 700 grammes) et était quadrangulaire ; elles perçaient tout ce qu'elles atteignaient et plus d'une fois, elles traversèrent deux hommes quoiqu'ils fussent garantis par leurs boucliers et revêtus soit de cottes de mailles, soit de cuirasses ou d'autres armes défensives; et, en plus, elles avaient encore la force de s'enfoncer dans la terre. Des hommes qui ont vu le tir de ces flèches ont rapporté qu'elles s'enfonçaient dans les pierres du mur jusqu'aux plumes dont elles étaient garnies à leur extrémité. Quand ils eurent fait cela, aucun des soldats qui restaient de l'armée du sultan ne s'approcha plus du fossé. Cette fortification rendit la position des Chrétiens inexpugnable; ils bâtirent une église pour y faire leurs prières et un dépôt (litt. étable) pour leurs chevaux. Quand ils eurent bien réglé leurs affaires, ils se réunirent pendant une nuit, ils convinrent de faire une sortie au petit jour et de se jeter sur l'armée du sultan. [Ils le firent], tuèrent un certain nombre de Musulmans, mais ils essuyèrent des pertes sérieuses ».
Voici le texte de la lettre que le sultan écrivit à son frère al-Malik al-'Adil qui se trouvait alors à Hamâh avec son armée pour lui apprendre la bataille que les Francs lui avaient livrée ; cette lettre était de la main même du sultan :
« Au nom d'Allah, Clément et Miséricordieux!
« Si vous aidez Dieu, Dieu vous aiderai il rendra sûrs vos pas; quant à ceux qui ne croient pas en lui, il causera leur perte et répandra l'obscurité sur leur œuvres !
« Nous faisons connaître par cette lettre à la cour (al-madjlis) auguste et royale d'al-Malik al-'Adil (que Dieu fasse durer son bonheur !) que lorsque se leva l'aube du mercredi vingt et unième jour du mois de Chaban de l'année 585, tous les Francs firent une sortie, tant fantassins que cavaliers, et se dirigèrent du côté de la mer vers les marais couverts de roseaux et le fleuve. Ils portèrent tous leurs efforts contre Takî ad-Din qui commandait les quatre régiments (tolb) de l'aile droite, le fakîh Isa-al-Hakkari était à la tête d'un régiment, et Mohammad, fils de…, commandait également un régiment; les Mamlouks en formaient un septième. Je marchai à leur rencontre et les deux armées vinrent en contact (?).*** Quand nous avons été tout près d'eux, tous les Francs ont reflué sur nous, fantassins et chevaliers et nous ont chargé; nos soldats ont couru au devant des Francs et les ont repoussés.
« Toute leur infanterie a pris part à cette charge, mais nous l'avons forcée à reculer. Nous n'avons pas cessé de pousser nos chevaux sur leur infanterie pendant que leurs fantassins nous repoussaient, jusqu'à ce que notre cavalerie eut écrasé leur infanterie. Kaïmaz et Hosâm ad-Din sont alors entrés en ligne, ils se sont conduits en héros, ils ont écrasé les fantassins des Francs et ont poursuivi leur cavalerie, de telle sorte que la plupart de leurs hommes de pied ont été massacrés; al Malik al-Mothaffar revint alors et les mit dans une déroute complète; il en a été de mémo de Yâzkoudj, de Kamsaba et de Arslan, les Asadis et les Shihabis (mamlouks de Schihâb-ad-Din) se précipitèrent au combat; ils formaient un corps à part; ils montrèrent leur valeur accoutumée et tuèrent un grand nombre de Francs. Les Francs revinrent alors à la charge sur nos derrières, mais nous leur avons fait face, nous avons lutté contre eux et il ne s'en est pas sauvé un seul. Louange et grâces à Dieu ! Ce ne fut pas une petite affaire; je ne connais pas un seul de nous qui ait obtenu les palmes du martyre, sauf al-Mahalli (que Dieu aie pitié de lui!); Hosain-al-Kurdî, que j'ai vu tomber blessé devant moi, Ismâ’îl al-Makbas qui fut blessé, et Salar ibn Djask (?), ce sont tous ceux que je connais, peut-être faut-il y ajouter une vingtaine d'officiers subalternes; Sa'd ad-Din et le frère d'Izz ad-Din se sont très bien conduits ainsi que Hosâm ad-Din que j'ai fait citer à l'ordre du jour (al-mashkoûr),**** ainsi que Kaïmaz qui était à l'aile droite, que Mothaffar ad-Din, et Yâzkoûdj. La charge dont je vous ai parlé plus haut était dirigée sur ma personne.
« Dieu est le plus savant. Salut ! »
« Quand les Francs eurent dirigé cette attaque contre l'armée du sultan à Saffouriyya et que les événements que nous venons de raconter se furent passés, Salah ad-Din partit de Saffouriyya et vint camper dans la vallée de Kharroûba. Les postes avancés des Musulmans qui étaient forts de 6.000 cavaliers ne cessaient de les harceler jour et nuit et de leur lancer des flèches, mais cela n'avança à rien. Cet état de choses se prolongea jusqu'au moment où le roi des Allemands vint avec une armée de 600.000 lances ; il arriva à al-Rawandan qui est un défilé qui conduit à Koniah et aux autres villes de l'empire de Massoud de la dynastie des Seldjoukides de Roum ; le roi des Allemands traversa de force l'empire de Massoud et les pays du fils de Léon, le roi d'Arménie, ainsi que les états de beaucoup d'autres princes et des contrées nombreuses; il avait avec lui une nombreuse armée et il possédait beaucoup d'argent…
Il arriva ainsi à Antioche après avoir marché durant une année entière. Un homme qui s'était trouvé dans l'armée du roi des Allemands nous a raconté que lorsque celui-ci voulut se rendre par mer à Constantinople, l'empereur grec mobilisa son armée pour l'empêcher de passer; il trouva sur la terre par laquelle il passa des ruines, qu'on lui dit avoir été appelées Constantinople dans l'antiquité, et que ce tut lorsque la Constantinople actuelle fut bâtie que l'ancienne tut détruite. Le roi des Allemands y établit son campement, y fit élever des constructions et il y resta une année entière en face des Grecs jusqu'au moment où il les vainquit; il marcha ensuite sur Constantinople et il assiégea l'empereur grec dans cette ville et il perçut les impôts de toutes les provinces de l'empire; il prit ainsi tout ce qui était dû pour cette année. Cela lui procura de nouvelles ressources, et il partit pour aller attaquer Jérusalem. Il traversa de force les états des Seldjoukides, du roi d'Arménie, des Musulmans, des Francs et sa marche ne fut entravée par aucun de ces souverains. Quand il approcha d'Antioche, al-Malik al-Mothaffar-Takî ad-Din et Mothaffar ad-Din ibn Zaïn ad-Din partirent du campement du sultan et se rendirent à Alep pour avoir des nouvelles de l'armée du roi des Allemands. Quand ces deux généraux furent certains que ce souverain assiégeait Antioche, ils traversèrent le fleuve qui se trouvait sur le chemin que l'empereur d'Allemagne avait l'intention de suivre pour marcher sur Alep et Damas et les autres villes de ce pays; ce fleuve est appelé Nahar el-Kalb (le fleuve du chien). L'empereur connaissait tous les chemins. Quand il apprit cette nouvelle, il partit d'Antioche sur sa flotte et vint par mer à 'Akkâ; il campa auprès de l'armée des Francs à…
*** Je ne comprends pas cette phrase en détail; je crois cependant que tel est le sens, mais en gros.
**** Peut-être faut-il comprendre « à qui j'ai adressé plus haut dans cette lettre un témoignage officiel de ma satisfaction ».
[295] Telle est la traduction littérale de ces deux dernières phrases.
[296] Nom d'une petite citadelle, sur le bord de la mer, qui domine 'Akkâ.
[297] Le souverain de l'Azerbaïdjan était alors Kizil-Arslan Othman, qui monta sur le trône en 582 de l'hég., et qui eut pour successeur Abou-Bekr ibn Il-pehlevan (587 hég.).
[298] Ce nom ne porte aucun point diacritique dans le manuscrit, sa lecture est donc incertaine.
[299] Ou peut-être tout au commencement.
[300] J'emprunte à l’Histoire des Patriarches d'Alexandrie la suite du récit de la lutte qui se livra devant Saint-Jean-D’acre. « Quand Salah ad-Din apprit que l'empereur d'Allemagne était arrivé pendant la nuit sur sa flotte, il ne fut pas épouvanté par les forces qu'il avait amenées et forma le projet de l'attaquer. Il s'avança jusqu'aux fossés et livra bataille aux Francs. Après un certain temps, l'empereur d'Allemagne mourut et après lui, son fils; la plupart de leurs soldats avaient péri par suite du changement d'eau et d'air. Quant à ce qui restait de leur armée, la plus grande partie se fondit avec les Francs ; c'est ainsi que finit l'empereur d'Allemagne, et ce fut comme s'il n'avait jamais existé. Louanges en soient rendues à Dieu, le Vivant, celui qui existe éternellement! Après que les rois du monde eurent tremblé par suite de la peur que leur inspirait l'empereur d'Allemagne, ils retrouvèrent leur tranquillité et ils se réjouirent de sa mort. Ce souverain était arrivé à la colline d’Akkâ (tell 'Akkâ) au mois de Ramadan de l'année 586. Cette année, les Francs avaient fait trois tours de bois, et ils les poussèrent en avant de leur ligne de combat après les avoir munies de tous les engins nécessaires à la lutte, et ils les firent avancer jusqu'à ce qu'elles touchassent les murs d’Akkâ. Salah ad-Din avait fait partir d’Akkâ l’ustad Djourdik et en avait donné le commandement à un officier qui était également l'un des ustads, nommé Karâkoush, qui avait pour surnom Bahi-ad-Din. Ce général s'entendait merveilleusement à la guerre et à la fortification ; c'était lui qui avait construit les murs du Caire et qui avait entouré cette ville de son enceinte fortifiée. Il l'avait étendue jusqu'à l'endroit ou le Nil se partage en deux branches (al-maksam), de telle sorte qu'il fit pénétrer le Nil dans l'intérieur du mur d'enceinte; il prolongea ensuite cette enceinte jusqu'au mont Mokattam qui domine Misr, de manière que la ville fût comprise à l'intérieur du mur ; il bâtit la forteresse qui s'élève au dessus du Caire sur le sommet de la montagne, en dehors de la ville et au sud. Il fit creuser dans cette citadelle un puits; on se servit pour cela de sondes (azmil) d'acier et on fora depuis le sommet du Mokattam jusqu'à sa base ou on trouva l'eau ; la profondeur du puits ainsi creusé fut de deux cents coudées. Il y fit également une citerne qui se remplissait avec l'eau qui provenait d'autres travaux d'art exécutés en dehors de la citadelle. Il entoura en peu de temps la citadelle d'un mur d'enceinte, de tours et d'autres ouvrages ; le temps est passé et son œuvre n'a point péri. C'est par suite de la renommée que ces travaux lui avaient acquis que Salah ad-Din lui confia la ville d'Akkâ et qu'il le chargea de la défendre contre les Francs. Quand les (trois) tours furent tout près des murs, les chevaliers y montèrent et ils engagèrent le combat en jetant des flèches du haut de ces tours; les Musulmans furent alors sur le point de leur livrer la ville.
« Il y avait alors dans la ville un homme appelé Ibn ad-Nadjdjâr qui était originaire de Bagdad. Il vint trouver Bahâ ad-Din Karâkoush et lui dit : « Je veux venir à l'aide de mon maître Salah ad-Din et brûler ces tours. » Bahâ-ad-Βin lui dit : « Et comment feras tu? » L'homme lui répondit : « Je préparerai du naphte suivant une formule que je connais et je le lancerai sur les tours, de telle façon qu'elles seront incendiées; si je lançais de ce naphte sur une montagne d'acier, je la réduirais en cendres ». L'émir lui dit : « Eh bien! fais comme tu l'entendras. » Il lui donna en même temps deux cents dinars; Ibn al-Nadjdjâr s'en alla et fabriqua trois obus de naphte qu'il projeta sur les trois tours qui furent incendiées : six cents des meilleurs chevaliers francs qui se trouvaient sous ces tours revêtus de leurs cuirasses périrent dans les flammes. Ce fut un jour de deuil pour l'armée des Francs, et un jour de réjouissance et de fête pour tous les Musulmans présents et absents, proches ou éloignés, parce que les Francs étaient sur le point de s'emparer de la ville.
« Quand les trois tours eurent été ainsi incendiées, les Francs placèrent un mandjanik sur un navire de guerre de fort tonnage et tout neuf; un grand nombre d'entre eux y montèrent; ils avancèrent jusqu'à venir accoster le mur d'Akkâ du côté de la mer, et les archers lancèrent des flèches par dessus le mur de la ville du haut du pont; ce mandjanik se trouvant tout près de la ville, le même artificier Ibn al-Nadjdjâr arriva et incendia le vaisseau ; la plus grande partie des soldats qui en formaient l'équipage périrent dans les flammes. Après l'incendie de leur vaisseau, les Francs fabriquèrent un bélier monté solidement sur une énorme poutre de bois et ils le blindèrent avec des lames de fer; ils y firent une tête pour défoncer le mur, cette tête pesait vingt hintar de fer; ils abattirent ainsi une grande partie du mur et ils firent écrouler une grande courtine. Les Musulmans firent alors une sortie, ils engagèrent avec les Francs un vif combat, et des deux côtés il y eut beaucoup de morts; Ibn al-Nadjdjâr sortit encore de la ville et incendia le bélier.
« La lutte se prolongea devant 'Akkâ entre les Francs et les Musulmans, jour et nuit, sans qu'une seule journée se passât sans combat, depuis que les Francs y furent arrivés au mois de Redjeb de l'année 585 jusqu'au mois de Djoumada second de 587. Le roi de France (melik Afransis) arriva à ce moment avec une escadre de cent navires de guerre pour passer l'hiver à 'Akkâ; il descendit à terre et réunit ses troupes à celles des Francs ; le combat recommença avec une nouvelle violence autour d'Akkâ.
« Le sultan Salah ad-Din avait fait sortir de la place la première armée qui s'y trouvait et l'avait remplacée par des troupes fraîches, à la tête desquelles se trouvaient en fait de grands émirs, Saïf ad-Din 'Ali ibn Ahmad, commandant des Kurdes, 'Alam ad-Din Arsal, commandant des mamlouks Saléhis et des Asadis, le fils de Saïf ad-Din al-Djaouli, Fakhr ad-Din Yakoub al-Amiri, commandant des turcomans. Le roi de France poussa vigoureusement les opérations du siège contre ces généraux durant les deux mois de Djoumada second et de Redjeb, il investit complètement la ville et empêcha qu'on y pût introduire quoi que ce soit; il s'en empara enfin le vendredi 15 du mois de Chaban de l'année 589 : le siège s'était prolongé durant deux ans, un mois et quinze jours.
Un homme qui se trouvait à 'Akkâ au moment où les Musulmans la prirent aux Francs, m'a raconté qu'ils avaient trouvé leurs mosquées changées en églises, Quand à leur tour les Francs l'enlevèrent aux Musulmans pour la première fois, ils y firent des peintures. Quand Salah ad-Din s'en empara, les Musulmans rassemblèrent tous les prisonniers francs qui se trouvaient en leur pouvoir et ils les conduisirent à la grande mosquée, ils leur firent porter de l'eau et leur firent laver les murs et les portes, ils les forcèrent à gratter ces peintures et à blanchir les murs à la chaux de telle façon qu'il n'en resta plus trace ; quand cela fut terminé, ils y rirent la prière le reste du vendredi, jour de la conquête d'Akkâ. Cet homme resta dans la ville jusqu'au moment où le roi de France s'en empara : les Francs prirent alors les prisonniers musulmans, les conduisirent à la mosquée, leur firent porter de l'eau, laver les murs, les blanchirent et on y repeignit des peintures comme celles qui y étaient auparavant.
« Quand les Francs se furent emparés d’Akkâ, ils firent prisonniers tous les soldats et les citadins qui s'y trouvaient; Salah ad-Din envoya au roi de France un parlementaire pour fixer avec lui le prix de leur rançon, mais ils ne parvinrent pas à s'entendre; le roi de France prit alors les grands émirs comme Ahmad, Bahâ ad-Din Karâkoûsh, Yakoub al-'Amin et d'autres; il les sépara du reste des troupes et les fit charger de chaînes. Quant à Arsal et Ibn al-Djaouil, ils parvinrent à s'échapper au moment où la ville fut prise; ils ne sauvèrent que leurs personnes et rien autre chose et ils rejoignirent l'armée musulmane abandonnant leurs fortunes, leurs mamlouks et leurs soldats. Quant au reste des captifs, le roi de France mit à part les Nègres, les Kurdes et les Ghozzes de telle sorte que les nationalités fussent bien séparées et il les fit tous massacrer. Salah ad-Din avec toute son armée fut le témoin de ce spectacle. Le roi de France prit les captifs qui lui étaient échus en partage et retourna avec eux dans son royaume. »
[301] Yakout-al-Hamâvî se borne à dire que c'est une petite localité dans la plaine d'Akkâ (mardj-Akkâ, tome I, p. 868).
[302] La ville de Koniah est bien connue des historiens et des géographes orientaux qui ne donnent d'ailleurs sur elle que peu de renseignements; ce nom est une transcription d'Iconium avec chute de la voyelle initiale; on peut consulter sur cette ville la Géographie d'Aboulféda (tome II, partie II, p. 130). Hadji-Khalifa nous apprend dans le Djihan-Numa qu'elle est située au pied d'une haute· montagne qui a deux cimes, dans une plaine arrosée par plusieurs cours d'eau, et qu'elle possède de solides fortifications. Au sud et au pied de cette montagne se trouvent d'admirables jardins connus sous le nom de jardins de Meram; les ruisseaux qui les traversent se réunissent en un seul cours d'eau qui forme un lac qui entoure la montagne à sa base. La forteresse fut bâtie par le sultan seldjoukide Kilidj-Arslan; le sultan fit également élever dans cette ville un splendide palais où l'on voyait une merveilleuse salle du trône (ivân) ; les fortifications de Koniah furent restaurées par le sultan seldjoukide 'Ala ad-Din Kaî-Kobad. Elles étaient élevées de trente coudées au-dessus du bord du fossé dont la profondeur atteignait vingt coudées. Il y avait à Koniah douze portes défendues par de grandes tours; l'eau y est amenée du dehors par une canalisation souterraine très compliquée. Le territoire qui dépend de Koniah produit entre autres choses, du coton, des céréales et beaucoup de fruits, particulièrement des abricots excellents qu'on appelle abricots de Kamar ad-Din. On cultive dans les environs de cette ville une sorte de fleur très curieuse dont les pétales sont d'un bleu céleste et à laquelle les habitants donnent le nom de « fleur de tanneur » ; elle sert, en effet, à ces artisans pour teindre des maroquins que l'on exporte ensuite dans tous les pays environnants. C'est à Koniah que se trouve le tombeau de l'immortel auteur du Masnavi, Djalal ad-Din al-Roûmi.
[303] D'après Yakout (Mo'djam-al-bouldân, tome III, p. 526), les coordonnées de cette ville sont : L. 58» 30', 1. 3G° 15' et elle aurait reçu son nom de Tarsous, fils de Roum, fils de Yafaz, fils de Sem, fils de Noé. Hadji-Khalifa consacre dans son Djihan-Numa, une notice insignifiante à cette ville qu'il dit avoir été le théâtre de l'histoire des Sept Dormants. Un auteur nommé Ahmad ibn al-Tayyib-al-Sarakhsi nous apprend qu'elle était éloignée de six farsakhs d'Adana; entre ces deux villes il y avait deux caravansérails ; Tarsous était défendue par une triple fortification, consistant en un fossé et deux murs d'enceinte ; elle avait six portes. Idrisi raconte dans le Nozhat-al-moshtak (trad. Jaubert, tome II, p. 133), qu'on y voyait deux grands bazars construits en pierre et qu'elle est séparée de la mer par une distance de 12 milles ; c'est là que se trouvait le fort d'Arlâsh qui était l'entrepôt de Tarsous et qui était éloigné de Séleucie de deux jours de marche.
[304] Yakout (Mo'djam, t. IV, p. 1003) nous apprend que les coordonnées de cette ville sont : L. 50° et l. 33°; suivant Aboulféda (Géographie, tome II, partie II, page 17), elle est située à 6 milles dû Ramla. Hadji-Khalifa nous apprend dans son Djihan-Numa ce détail curieux qu'il y avait dans cette ville un agent consulaire pour chacune des principales villes de Syrie.
[305] Nom d'une ville située sur le bord de la mer entre Césarée et Jaffa; ses coordonnées sont : L. 56° 50' ; l. 32° 46'. Hadji-Khalifa noua apprend que de son temps il n'y avait plus que des ruines de ses murailles; elle était déjà complètement ruinée à l'époque à laquelle écrivait Aboulféda (Géographie, tome II, partie II, page 18). D'après Yakout (Mo’djam-al-bouldân, tome I, page 207), plusieurs musiciens célèbres sont originaires de cette ville; parmi eux je citerai un nommé 'Abou Zakaria Yahya al-Arsoufi.
[306] Je n'ai pas trouvé trace de cette ambassade dans la Chronologie byzantine de Muralt.
[307] Paîkâr; ce mot, qui est emprunté au persan, signifie littéralement « action de se trouver face à face » 'pati-kâra.
[308] On lit dans l'Histoire des Patriarches d'Alexandrie [ms. ar. 302, page 278) : Vers l'époque où le roi de France s'empara d’Akkâ, arriva le roi d'Angleterre, le Franc, qui se nommait Samarnamand (sic); c'était un homme très brave, qui se connaissait bien à la guerre et qui n'avait aucune crainte de la mort; une armée considérable ne lui faisait pas peur et même s'il avait eu devant lui des milliers de gens et qu'il eût été seul, il n'aurait pas hésité à se précipiter sur eux; parmi les souverains francs qui étaient venus, il n'y en avait jamais eu un tel que lui ; quand il chargeait l'ennemi, personne ne tenait devant lui. Le roi de France lui laissa cinq cents chevaliers et lui remit le commandement de l'armée ; il lui laissa les troupes, lui donna ses instructions et partit. Le roi d'Angleterre s'occupa pendant quelques jours des affaires d’Akkâ; il y plaça des troupes pour la garder, puis partit pour aller assiéger Haïfa; de là, il se rendit à Arsouf. Tendant ce temps, Salah ad-Din assiégeait une petite forteresse qui appartenait aux Hospitaliers et qui se nommait Çhafar'amni ; alors le sultan se mit en marche pour l'aller attaquer.
Le roi d'Angleterre avait imaginé de mettre des archers pour manœuvrer des zambourak sur des chars couverts; ces chars montés par les tireurs marchaient sur les deux flancs de l'armée, à, droite et à gauche, l'armée étant ainsi au centre; aucun ennemi ne pouvait s'approcher de ces chars sans être tué. Quand Salah ad-Din eut rejoint le roi d'Angleterre à Arsouf, il lui livra bataille, mais il ne put le vaincre; comme il craignait qu'il ne marchât sur 'Ascalon et qu'il ne s'en emparât, il se dirigea en toute hâte sur cette ville pour y arriver avant lui ; puis il la démantela et l'incendia de telle sorte qu'il n'en resta plus qu'un monceau de ruines.
Salah ad-Din partit ensuite d’Ascalon et vint à Ramlah. Quand le roi d'Angleterre apprit qu'il avait fait démanteler 'Ascalon et qu'il l'avait incendiée, il en fut très marri et, demeura à Arsouf durant quelques jours dans le but de prendre ses dispositions pour venir attaquer l'armée de Salah-ad-Din, mais ce dernier était tenu au courant de tout par des espions. Salah-ad-Dîn, partit alors de Ramlah, gravit les montagnes et s'arrêta à Natroun, qui est située dans les montagnes ; il est très difficile d'y accéder et il n'y a pas d'endroit par lequel on puisse attaquer cette place. Le roi d'Angleterre leva son camp et vint à Ramlah. Quand il fut venu camper dans cette ville, le sultan quitta Natroun dans l'intention de se diriger sur Jérusalem ; le roi d'Angleterre quitta immédiatement Ramlah et vint camper à Natroun. Quand le sultan fut entré à Jérusalem, il s'occupa sans aucun retard de faire creuser les fossés et de réparer les tours. Quant au roi d'Angleterre, il resta quelque temps à Natroun, puis il redescendit à 'Ascalon ou il campa; il fit rebâtir cette ville et en releva l'enceinte fortifiée ; de là, il se rendit dans une autre ville où il fit exécuter les mêmes travaux.
Shafar'amm ou Shafr'amm, dit Yakout dans le Mo'djam (tome III, page 30-1), est un gros bourg distant de 3 milles de 'Akkâ.
[309] C'est-à-dire que l'on divisait le mur d'enceinte en un certain nombre de sections dont chacune était livrée à un émir, qui devait la faire abattre par les troupes placées sous ses ordres. On en usait toujours ainsi aussi bien chez les Mongols que chez les ayyoubides quand on voulait démanteler une place forte.
[310] Hadji-Khalifa cite cet auteur dans son Dictionnaire bibliographique ; il lui donne le nom de Zaki ad-Din Abou-Mohammad et les titres d'imâm et de cheikh (tome V, page 630). D'après ce savant bibliographe, l'ouvrage cité par Makrizi sous le titre de al-mo’djam-al-motardjam serait un dictionnaire persan expliqué en langue arabe; cependant il est bon de remarquer que l'extrait donné par Makrizi ne ressemble guère à ce qu'on attendrait d'un passage tiré d'un dictionnaire. Je crois qu'il y a une erreur, soit de Makrizi, soit de Hadji-Khalifa, sans oser décider à qui il convient de l'attribuer. Je serais néanmoins tenté de l'imputer plutôt à Hadji-Khalifa qu'à Makrizi; le bibliographe turc qui ne semble pas avoir en ce volume sous les yeux quand il rédigea sa notice, puisqu'il ne donne aucun détail sur lui, aura été amené à y voir un dictionnaire à cause du nombre considérable d'ouvrages de ce genre qui portent le nom de Mo’djam. On en trouvera une très longue liste dans son Dictionnaire bibliographique, de la page 625 à la page 630 du troisième volume ; mais parmi ces ouvrages, il y en a plus d'un qui n'est pas un dictionnaire linguistique; il y en a de géographiques comme le Mo'djam al-bouldân de Yakout-al-Hamâvi, d'autres biographiques comme le Mo'djam al-Sahabat d'Ibn Lal-Ahmad ibn 'Ali-al-Hamâdhânî. Je n'ai trouvé cet ouvrage indiqué dans le catalogue d'aucune bibliothèque européenne; il m'est donc impossible de donner sur lui et sur son auteur des renseignements plus précis que ceux que j'ai trouvés consignés dans le Dictionnaire biographique d'Ibn Khallikan traduit en anglais par M. de Slane. Son nom complet était Zakî ad-Din Abou Mohammad 'Abd al-'Athim ibn 'Abd-al-Kâwï ibn 'Abd-Allah ibn Salami ; il naquit en Egypte en Chaban 581 et il étudia à fond le Coran et ses commentaires, les traditions, la littérature et la jurisprudence; il devint proviseur du collège fondé au Caire par al-Malik al-Kâmil, fils d'al-Malik al-'Adil; parmi ses élèves on compte Ibn Khallikan lui-même; en plus du Mo'djam, il a composé plusieurs ouvrages uniquement destinés à l'étude des traditions musulmanes. Il mourut en l'année 656 de l'hégire, soit huit ans après la chute de la dynastie ayyoubide (Ibn Khallikan's Biographical Dictionary, vol. I, page 89.
[311] Je n'ai pas trouvé de renseignements sur cet officier dans le Biographical Dictionary d'Ibn Khallikan.
[312] Le manuscrit de Makrizi porte ici le nom de la ville de Beyrouth, ce qui est une faute évidente, comme le lecteur ne manquera pas de s'en apercevoir par la lecture de la suite de cet extrait d’Abd al-'Athim al-Mondiri.
[313] Le manuscrit de Makrizi porte la leçon inintelligible Khatlidj Marî.
[314] Le célèbre Badr-ad-Djémali, qui fut maréchal et généralissime (amîr-al-djoyoûsh) et gouverneur de Damas sous le règne du khalife fatimide, Abou Tamim-al-Mostansir billah Abou Tamim-Ma'd. Il mourut en l'année 487 de l'hégire (1094 J.-C).
[315] Salah ad-Din partit d'Ascalon (Djémal ad-Din ibn Wasil, Mofarradj-al-kouroûb, ms. ar. 1702, folio 124 r°), après l'avoir fait raser, le mardi deuxième jour du mois de Ramadan et il alla camper à Yabna, puis il se rendit à Ramlah le mercredi trois de ce même mois ; il arriva à Jérusalem le jeudi suivant; il en repartit le lundi huit et alla coucher à Beit-Noubâh ; il revint ensuite à son camp le mardi neuf. C'est à ce moment que Mo'izz ad-Din Kaîsar-Shâh, fils du sultan seldjoukide du pays de Roum, Rokn ad-Din Kilidj-Arslan, prince de Malatiyya, vint le trouver pour lui demander aide et secours contre son père et son frère qui voulaient lui prendre sa ville. Le sultan Salah-ad-Din fit recevoir le prince turc par son fils al-Malik al-'Adil ; le prince demeura quelque temps auprès d'al-Malik al-'Adil dont il épousa la fille moyennant une dot de 100.000 dinars; il repartit dans les premiers jours de Dhoû’lka’dah après s'être arrangé avec ses frères. Le 10 du mois de Ramadan, des soldats de l'armée de Salah ad-Din s'emparèrent d'un des familiers du roi d'Angleterre, qu'ils avaient pris pour le souverain lui-même, à cause de la richesse de son costume; le roi d'Angleterre le racheta au prix de 8.000 dinars et remit en liberté dix prisonniers musulmans. Le dix-huit de Ramadan (toujours d'après Djémal-ad-Din), il y eut une bataille entre les Francs et les Musulmans. Les Francs furent battus et perdirent l'un de leurs principaux généraux.
Djémal ad-Din (ms. ar. 1702, folio 124 verso) raconte que le roi d'Angleterre envoya une ambassade à al-Malik al-'Adil, pour lui faire dire qu'il avait une fille qu'il aimait beaucoup et qui venait de devenir veuve du roi de Sicile et qu'il la lui donnerait volontiers en mariage. Il s'engageait en outre à le reconnaître comme souverain dans tout le Sahel; la princesse devait demeurer à Jérusalem et avoir auprès d'elle des prêtres et des moines catholiques. D'après le récit de l'historien arabe, al-Malik al-'Adil aurait volontiers épousé la sœur du roi d'Angleterre dans ces conditions, mais le clergé chrétien représenta au roi que cette union était impossible au point de vue religieux à moins qu'al-Malik al-'Adil na se convertit au christianisme. Le prince musulman n'y voulut naturellement pas consentir. Ce fut l'historien Bahâ ad-Din ibn Shaddâd qui fut chargé de ces négociations infructueuses (al-nawadir-al-sultaniyyah, Hist. orient. tome III, p. 277 et sqq.). On apprit peu de temps après que le roi des Francs (Malik Afransîs) était mort à Antioche. Les événements qui se passèrent à ce moment jusqu'au retour de Salah ad-Din à Jérusalem se trouvent exposés en détail dans le tome III des Historiens orientaux. — La ville de Lydda ou Ludd est bien connue des géographes arabes. Yakout nous apprend dans le Mo'djam al-bouldân (tome IV, page 351) que c'est un gros village tout près de Jérusalem ; d'après Aboulféda (Géographie, tome II, partie II, page 4), elle est peu éloignée de Ramla et c'est dans cette localité que paraîtra l'Antéchrist. Hadji-Khalifa dit dans le Djihan-Numa que cette ville fut rasée par les ordres du khalife Soleïman, fils d'Abd-al-Malik ; il y a près de cette ville un puits de mercure. C'est à Lydda que Jésus-Christ tuera l'Antéchrist; toutes les semaines il s'y tient une foire; on y voit une très belle église.
[316] Djémal ad-Din ibn Wasil (Mofarradj-al-kouroûb, ms. ar. 1702, folio 126 r°) raconte que Salah ad-Din avait donné à al-Malik al-Mothaffar Takî ad-Din plusieurs Tilles situées à l'est de l'Euphrate, mais que cela ne lui avait pas suffi et qu'il avait cherché à s'emparer d'autres pays ; il conquit ainsi Souvaidâ ; il attaqua ensuite le pays d'Ikhlât et défit l'armée du prince de ce pays Saïf ad-Din Bektimour, et s'empara de presque toute la contrée ; le prince de Ikhlât, Saïf ad-Din envoya demander secours au khalife al-Nasir ad-Din-Allah; le khalife adressa une lettre au sultan Salah ad-Din pour désapprouver la conduite de Takî ad-Din et pour demander son intercession en faveur d'Hasan ibn Kiptchak que Mothaffar-ad-Dîn, prince d'Arbèles, avait fait emprisonner (voir à ce sujet le al-nawâdir-al-sultaniyyah de Bahâ ad-Din ibn Shaddâd, dans le tome III des Historiens orientaux des croisades, page 282). Le khalife ordonnait ensuite au sultan Salah ad-Din de lui envoyer à Bagdad le kadi al-Fadil. Je ne crois pas utile de traduire ici la réponse que le sultan d'Egypte fit à cette note comminatoire, car on la trouvera à la même page du tome II des Hist. orient. des croisades. Après ces événements, continue Djémal ad-Din ibn Wasil, al-Malik al-Mothaffar-Takî ad-Din 'Omar ibn Shâhânshâh ibn Ayyoub marcha contre la citadelle de Malazkerd qui appartenait à Saïf ad-Din Bektimour et l'investit avec une armée fort considérable. Il était accompagné de son fils al-Malik al-Mansour-Nâ.sir ad-Din Mohammad; c'est là qu'il fut atteint d'une maladie extrêmement grave qui le conduisit au tombeau le vendredi, dix nuits manquant du mois de Ramadan. Son fils, al-Malik al-Mansour cacha sa mort, leva le siège de Malazkerd et revint avec son corps dans ses états. Personne au témoignage du kadi Ibn Wasil n'avait bien compris quelles étaient au juste les intentions de Takî-ad-Din.
Après la mort d'al-Malik al-Mothaffar-Takî ad-Din, dit Djémal ad-Din ibn Wasil (Mofarradj-al-kouroûb, ms. ar. 1702, fol. 127 recto), son fils al-Malik al-Mansour-Nasir ad-Din prit possession de la ville de Hamâh et du pays qui en dépend, et al-Malik al-'Adil prit pour lui les provinces orientales. Quand al-Malik-al-Mothaffar mourut, son fils écrivit à Salah ad-Din pour lui apprendre cette nouvelle et pour lui faire savoir qu'étant l'héritier présomptif de son père, il entendait régner sur tous les états qui lui avaient appartenu; mais al-Malik al-Afdal demanda à son père Salah ad-Din de lui donner la partie des états de Takî ad-Din qui étaient au delà de l'Euphrate. Le sultan ayant fait droit à cette demande, ce prince partit de Jérusalem le troisième jour du mois de Safer de l'année 588 et Salah ad-Din lui donna 20.000 dinars sans compter les vêtements d'honneur qu'il lui distribua ainsi qu'à ses compagnons. Quand al-Malik al-Mansour apprit cela, il entra dans une violente colère et écrivit à son oncle al-Malik al-'Adil qui se trouvait à Jérusalem pour protester contre cette mesure. On trouvera dans le tome III des Historiens orientaux des croisades, page 295 et 298, la manière dont se termina cette affaire, les termes d'Ibn Wasil ne diffèrent pas sensiblement dans cet endroit de ceux de Bahâ ad-Din ibn Shaddâd.
[317] Le sel de nitre, c'est le même produit minéral qu'Hérodote nomme λίτρον (Histoires, II, § 86 sqq.), et qui servait dans les procédés de momification usités chez les Égyptiens. Photius et d'autres auteurs nous apprennent que le mot λίτρον n'était qu'une prononciation attique et plus spécialement athénienne du mot de la κοινή, νίτρον d'où est venu notre mot nitre et l'arabe natron ou nitroûn qui n'est qu'une simple transcription du mot grec.
[318] Je soupçonne cette phrase d'être corrompue et je ne puis rien tirer de sa seconde partie, que je suis obligé de laisser sans traduction; il semble que Makrizi l'ait copiée dans un ouvrage administratif qu'il a peut-être mal compris, car, en définitive, l'administration des ayyoubides était assez différente de celle de son époque. S'il l'a comprise, il est probable que, suivant son habitude, il l'aura abrégée d'une façon qui la rend incompréhensible pour moi.
[319] J'ignore en quoi pouvaient consister les revenus de la flotte de guerre ; généralement une escadre militaire coûte de l'argent et ne rapporte rien.
[320] Ces deux noms sont mal écrits dans le texte, j'ai donné plus haut quelques détails sur la première de ces villes; je consacrerai un peu plus loin quelques lignes à la description de la seconde.
[321] Al-khubz-al-baït, litt. « le pain qui a passé la nuit » : les dictionnaires ordinaires traduisent par « pain rassis », mais je ne sais pas si tel est bien exactement le sens de cette expression ; on peut voir dans le Supplément aux dictionnaires arabes de Dozy (tome I, page 132, col. 2) que l'adjectif bâ'it a le sens de « réchauffé ». Peut-être le al-khubz-al-bâit est-il un pain recuit; il semble, en tout cas, d'après les ternies mêmes de Makrizi que c'était une qualité de pain inférieure. Il n'y faut cependant pas voir du biscuit dont le nom est tout différent et qu'on appelle souvent « pain grec » al khubz-ar-roumi.
[322] Il s'agit évidemment ici de la crue; ce membre de phrase n'est pas à sa place dans la phrase; il faudrait le reporter plus haut avant rémunération du prix des différentes denrées en Egypte.
[323] La lecture de ce mot est des plus douteuses, car il ne porte pas de points diacritiques.
[324] Anciens mamlouks d'Asad ad-Din Shirkouh.
[325] Hadji-Khalifa nous apprend dans le Djihan-Numa que cette localité est située à l'est de la montagne de Ghaur, au sud d’Adjloun, en face de Jéricho, et à une journée de distance de cette dernière ville. Elle possède une citadelle, au bas de laquelle coule une source qui donne naissance à une rivière. On y voit beaucoup de jardins où l'on cultive des grenades (cf. Aboulféda, Géographie, tome II, partie II, page 22). Je n'ai trouvé de renseignements sur cette ville, ni dans Idrisi, ni dans Yakout.
[326] On lit ce qui suit dans l’Histoire des Patriarches d'Alexandrie (ms. ar. 302, page 279). Le roi d'Angleterre marcha sur Delr...[?] qui est la citadelle de Daroum. Cette citadelle demeura dans la possession des Musulmans jusqu'au mois de Djoumada premier de 588. Le roi s'en empara et massacra ou fit prisonnier tout ce qu'il y trouva; il alla ensuite assiéger Beyrouth. Salah ad-Din partit alors de Jérusalem pour aller le combattre et il vint camper devant Jaffa avec l'armée, il assiégea cette ville pendant deux jours et s'en empara; il tua tous les soldats qui se trouvaient dans la ville, entre le mur d'enceinte et la citadelle ; quant aux chevaliers Francs, ils rentrèrent dans la forteresse et s'y fortifièrent; ils y résistèrent jusqu'au moment où le roi d'Angleterre arriva en vue de la place. Salah ad-Din leva alors le siège et s'en retourna camper à Natroun. Ces événements se passèrent au mois de Redjeb de l'année 588.
Quand le roi d'Angleterre fut revenu de Beyrouth à Jaffa et qu'il eut délivré la place en forçant Salah ad-Din à lever le siège, il s'établit à Jaffa; al-Malik al-'Adil Abou Bakr, frère de Salah-ad-Din, s'était, un peu auparavant, rendu dans le Diyâr-Bekr et dans l'Adjem où il avait rassemblé une armée; al-Malik al-Mothaffar-Takî ad-Din s'était emparé de la ville de Khilât et l'avait enlevée à Bektimour; quand Takî ad-Din mourut, il eut pour successeur son fils, Nasir ad-Din qui y resta avec l'armée de son père. Quant al-Malik al-'Adil fut arrivé dans ce pays et qu'il eut rassemblé les troupes de toutes les Provinces Orientales, Nasir-ed-Din se joignit à lui et lui amena l'armée de son père ; al-Malik al-'Adil, Mothaffar ad-Din ibn Zain-ad-Din, prince d'Arbèles et de la ville de Maûsil et d'autres princes, réunirent ainsi une armée considérable, tandis que cette année les Francs n'avaient reçu aucun secours ni aucun renfort. Les troupes demandaient à grands cris le combat; mais Salah ad-Din contint leur ardeur et temporisa. Allah le gratifia de son aide et enfin il se décida à faire la paix avec les Francs. La trêve fut fixée pour une durée de quarante mois, dont le premier fut le mois de Chaban de l'année 588. Cette trêve fut conclue avec le roi d'Angleterre et l'armée du Sahel; il fut décidé que si un souverain franc arrivait des contrées qui sont au-delà de la mer avec des forces suffisantes pour rompre la paix, les armées (chrétiennes) du Sahel s'y opposeraient; il était entendu de plus que les Musulmans conserveraient les villes, les villages, les citadelles, les forteresses dont ils s'étaient emparés et qui se trouvaient en leur possession ; que tout ce qui se trouvait dans les mains des Francs et n'avait pas été conquis par les Musulmans était la propriété des Francs. Une personne qui avait assisté à la signature de ce traité a raconté que Beyrouth, Saidâ, Djibala, Djobail et plusieurs autres places fortes dont j'ignore le nom furent partagés par moitié entre les deux parties contractantes. Quant à Jérusalem, elle était à cette époque en la possession des Musulmans et elle leur resta; Salah ad-Din stipula que les Francs y pourraient venir en pèlerinage à la condition de ne pas être armés, mais qu'on n'exigerait d'eux aucun tribut. Salah ad-Din nomma Saïf ad-Din Yazkoudj, gouverneur de Jérusalem, et l'y installa avec trois mille cavaliers, tant mamlouks qu'Asadis; il nomma le kadi al-Fadil 'Abd-er-Rahman ibn 'Ali ibn al-Baîsani, kadi de cette ville au mois de Ramadan ; il envoya des troupes pour abattre les remparts qui entouraient 'Ascalon et cette ville demeura sans aucune fortification ; cette destruction avait été décidée dans le traité de paix. Les Francs et les Musulmans travaillèrent ensemble au démantèlement d'Ascalon et après la paix ils se mêlèrent et vécurent comme frères ; les princes agirent de même vis-à-vis de Salah-ad-Dîn, qui leur envoya de l'argent et des présents; les princes francs lui offrirent de même des cadeaux, des chevaux, des boucliers, des épées allemandes avec des fourreaux en bois et des lances dont l'antenne était de bois verni. Quant aux Francs captifs qui se trouvaient au pouvoir des Musulmans et aux prisonniers musulmans qui étaient retenus par les Francs, on ne prit aucune décision à leur égard et chacun resta chez son maître, mais on leur laissa la faculté de se racheter à prix d'argent. Quelques jours après que la paix eut été signée, le roi d'Angleterre se rembarqua et s'en retourna dans ses états avec son butin et une partie de ses troupes.
[327] Le manuscrit de Makrizi porte Yâzoûrâ, ce qui est une faute évidente : Yakoutal-Hamavi nous apprend, en effet, dans le Mo’djam-al-bouldân (tome IV, page 1002) que Yâzoûr est une petite ville qui dépend de Ramla; c'est de cette localité qu'était originaire le vizir de la Haute et de la Basse Egypte, le kadi-al-kudat Abou Mohammad al-Hasan ibn 'Abd-er-Rahman-al-Yâzourî.
[328] L'armée égyptienne, dit Djémal ad-Din ibn Wasil (Mofarradj-al-kouroûb ms. ar. 1702, folio 129 verso) s'était mise en marche pour aller rejoindre Salah ad-Din ; le sultan lui envoya de Jérusalem l'ordre de faire bien attention quand elle arriverait à proximité des territoires occupés par les Francs. Les troupes musulmanes demeurèrent durant quelques jours à Bilbis pour y attendre l'arrivée des caravanes et pour avoir ainsi des nouvelles des Chrétiens ; elles se remirent ensuite en route pour gagner la Syrie, et les Francs se mirent en quête de nouvelles pour savoir ou elle se rendait ; quand ils surent bien le chemin qu'elle devait tenir, ils montèrent sur le haut d'une montagne, dans l'intention de fondre sur elle quand elle passerait. Le sultan ayant appris quel était le plan des Chrétiens envoya les deux émirs Fak.hr-ad-Din Altounbogha al-'Adil et Chams ad-Din Aslam-al-Nasiri pour dévoiler à ses troupes les embûches des Francs; l'un des officiers généraux de l'armée musulmane était Falak-ad-Dîn, frère d'al-Malik al-'Adil.
[329] Nom d'un des mois du calendrier syrien.
[330] Makrizi emploie ici le mot turc oriental ôtâkât avec le pluriel arabe.
[331] Les deux mots que je traduis « la maison d'al-Malik al-'Adil », sont dans l'original olousiyya-al-'adiliyya; je lis al-olousiyya-al-adiliyya; je pense qu'il faut voir dans le mot oloûsiyya un dérivé du mot oloûs qui, en turc oriental désigne la maison, la suite d'un prince avec tout ce qu'elle comporte, gens et animaux; les oloûs étaient, en effet, très souvent composés d'un nombre de personnes incroyable ; je ne crois pas qu'on ait rencontré jusqu'ici ce mot appliqué à un prince égyptien. Quant aux princes de Perse à l'époque des Mongols, il y en a tellement d'exemples que je ne crois pas utile d'en citer. Je ne sais s'il ne faudrait pas mieux lire al-vasiyya-al-adiliyya, les « biens communaux appartenant à al-'Adil », ou les biens qui ont la propriété exprimée en arabe par le mot 'adil, dont j'ignore complètement le sens dans cette dernière interprétation.
[332] Par « cette période », al-Malik el-Aziz entend le laps de temps qui s'était écoulé depuis la mort du dernier khalife fatimide al-'Atid jusqu'à ce moment; cette demande était toute naturelle de la part du prince ayyoubide, car on a vu, au commencement de l'histoire de Salah-ad-Dîn, que ce souverain avait fait rechercher tous les descendants des fatimides pour les emprisonner.
[333] Yakout nous apprend dans le Mo'djam (tome III, p. 550) que c'est un village dépendant de Béhesna dans le Sa'id de l'Egypte. Il y a une autre localité de ce même nom dans l'Ifriqiya. C'est évidemment de la première qu'il s'agit ici.
[334] C'était la réponse à la tentative d'Abd-al-Ahad de rétablir à son profit le Khalifat fatimide. Sur l'ivân, le lecteur pourra consulter la Description de l'Egypte, écrite en arabe par l'auteur du Kitab-al-Soloûk.
[335] Le manuscrit de Makrizi porte ici le nom de Damiette, mais c'est probablement une erreur; il faut très vraisemblablement lire Tinnis.
[336] Comme pour déterminer exactement quels sont les trois fleuves dont parle Makrizi, il faut savoir ce que les Musulmans entendent au juste par Abyssinie, je vais donner une analyse de la notice que Kazwini consacre à ce pays (Géographie, éd. Wüstenfeld, page 12). Il est certain que pour cet auteur, le terme d'Abyssinie comprend tous les pays situés entre la côte orientale de l'Afrique (le pays des Zendjs), au dessous de Khartoum, et limités à l'ouest par le pays de Badja et le Darfour (Aboulféda, Géographie, tome II, partie I, page 209). La faune de cette contrée répond bien à celles de la partie équatoriale et sud-équatoriale de l'Afrique : Kazwini cite l'éléphant, la girafe, le buffle auquel il donne le nom de bœuf sauvage et le nom persan de oushtourgavpeleng, ce qui signifie littéralement « chameau, bœuf et panthère ». Je crois qu'il y a eu dans ce passage une erreur de Kazwini, mais ce n'est pas ici le lieu de la relever. Les naturels du pays se livraient à la chasse de l'éléphant sauvage, soit pour l’ivoire, soit pour les apprivoiser et s'en servir comme animaux domestiques. Comme limite à l'Abyssinie au sud, plus bas que l'équateur, Kazwini donne une vaste contrée déserte.
[337] Il me paraît plus important de déterminer le pays dans lequel se trouve le lac d'où sortent ces trois cours d'eau. Le mot 'adbat signifiant plutôt un marécage, une grande surface liquide, couverte de végétation, de nénuphars, de lentilles d'eau et autres plantes du même genre, on pourrait être tenté de voir dans ce lac, soit le Tchad d'où sortent le Shari, le Bahr-el-Ghazal et dans la direction de l'Ouest, une autre rivière que les Musulmans prenaient pour le commencement d'un fleuve qui n'a jamais existé et dont le cours moyen aurait été formé par la boucle du Niger et le cours inférieur par le Sénégal. On pourrait également penser à l'interminable marécage du Bahr al-'Arab et du Sobat; mais le Tchad et ce marécage sont situés dans des pays que les Musulmans n'ont jamais regardé comme faisant partie de l'Abyssinie, et qu'ils appellent le Soudan (Cf. la carte d'Afrique du Djihan-Numa de Hadji-Khalifa, ms. supp. Turc. 215, folio 51 recto). Les géographes musulmans connaissant parfaitement la partie de l'Afrique qui s'étend au dessous de la ligne équatoriale, je suis très porté à voir dans le lac dont il est question dans le texte de Makrizi les grands lacs du centre de l'Afrique, l'Albert Nyanza, l'Oukérévé, le Tanganiyyika, d'où sortent une quantité de cours d'eau, et en particulier le Nil. C'est évidemment par les marchands qui venaient apporter les produits de l'Afrique centrale dans le Yémen que le prince de ce pays apprit l'existence de ces lacs qui devaient être bien plus considérables qu'aujourd'hui.
[338] Nom de deux villes d'Arménie bien connues sur lesquelles je donnerai quelques détails dans la suite de cet ouvrage.
[339] A ne pas confondre avec la ville du même nom qui se trouve en Palestine.
[340] C'est au cours de cette année que le marquis Conrad de Montferrat, prince de Tyr, fut assassiné par deux Ismaïliens. Djémal ad-Din ibn Wasil raconte que l'évêque de Tyr avait un jour invité le marquis à dîner et que tous les deux avaient largement bu. Au même moment deux Bathéniens (d'Alamout) entraient dans Tyr dans l'intention d'assassiner le marquis. Ils s'étaient déguisés en moines et le guettèrent ; quand le marquis sortit de chez l'évêque, les deux hommes se jetèrent sur lui et le frappèrent à coups de couteau; l'un deux parvint à s'échapper et se réfugia dans l'église. Le marquis qui était grièvement blessé demanda qu'on le transportât dans l'église et quand on eut obéi à ses ordres, le Bathénien qui y était caché lui porta encore des coups de couteau et l'acheva; l'historien musulman affirme que ce fut sur l'ordre du roi d'Angleterre que le prince Ismaïlien fit assassiner le marquis.
[341] Je passe quelques lignes dans lesquelles Makrizi ne fait que répéter sur les vertus de Salah ad-Din ce que racontent Ibn al-Djaûzi, Bahâ ad-Din et les autres historiens de ce prince.