Le temps des généraux : Marius |
100 : Saturninus |
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100 Le récit de Florus |
FLORUS : On ne sait rien de Florus. Il écrit une Histoire romaine (-753 - +9). Son oeuvre est publiée à la fin du règne d’Hadrien. |
Nous avons quatre textes qui
nous résument cette période trouble et troublée des années 100.
Florus, les Periochae, Aurelius Victor et Valère-Maxime. |
Nihilominus
Apuleius Saturninus Gracchanas asserere leges non destitit, tantum
animorum viro Marius dabat, nobilitati semper inimicus, consulatu suo
praeterea confisus. Occiso palam comitiis A. Ninnio competitore
tribunatus, subrogare conatus est in eius locum C. Gracchum, hominem sine
tribu, sine notore, sine nomine; sed subdito titulo, in familiam ipse se
adoptabat. Cum tot tantisque ludibriis exsultaret impune, rogandis
Gracchorum legibus ita vehementer incubuit, ut senatum quoque cogeret in
verba iurare, cum abnuentibus aqua et igni interdicturum se minaretur.
Unus tamen exstitit, qui mallet exsilium. Igitur, post Metelli fugam, omni
nobilitate perculsa, cum iam tertium annum dominaretur, eo vesaniae
progressus est, ut consularia quoque comitia nova caede turbaret. Quippe
ut satellitem furoris sui Glauciam consulem faceret, Caium Memmium
competitorem interfici iussit, et in eo tumultu regem ex satellitibus suis
se appellatum, laetus accepit. Tum vero iam conspiratione senatus, ipso
quoque iam Mario consule, quia tueri non poterat, adverso, directae in
Foro acies; pulsus inde, Capitolium invasit. Sed cum abruptis fistulis
obsideretur, senatuique per legatos poenitentiae fidem faceret, ab arce
degressus, cum ducibus factionis receptus in Curiam est. Ibi eum, facta
irruptione, populus fustibus saxisque coopertum in ipsa quoque morte
laceravit.
FLORUS, IIII, XVII vocabulaire |
Apuléius
Saturninus ne cessa pas de défendre les lois des Gracques : Marius,
toujours ennemi de la noblesse et en outre gonflé à bloc par son (sixième)
consulat, donnait un surplus de courage à cet homme. Il fit assassiner en
public, au milieu des comices, son concurrent au tribunat A. Ninnius et
s'efforça de mettre à sa place un homme sans tribu, sans connaissances,
sans nom, Caius Gracchus, qui sous un faux titre se joignait par lui-même
dans la famille des Gracques.
Il était transporté de joie par de
tant d’outrages commis impunément. Il insista avec une telle véhémence
pour faire passer les lois des Gracques qu'il força le sénat à jurer de
les respecter et menaça ceux qui refusaient de leur interdire l'eau et le
feu. Il y en eut quand même un qui préféra l'exil. Après la fuite de Métellus,
toute la noblesse fut anéantie. Alors qu'il était le maître depuis
trois ans, Saturninus en arriva à un délire tel qu'il troubla même les
comices consulaires par un nouveau meurtre. Pour faire nommer consul le
compagnon de ses folies, Glaucia, il fit assassiner Caius Memmius, son
concurrent et au milieu du tumulte il apprit avec joie que ses compagnons
l'avaient appelé roi. Alors le sénat se mit d'accord et le consul Marius, puisqu'il ne pouvait plus le protéger, devint son adversaire. Sur le Forum, les groupes armés se firent face. Saturninus en fut chassé et s'empara du Capitole. On coupa les canalisations d'eau et on l'assiègea. Par des ambassadeurs, il fit serment de loyauté au sénat, descenit de la citadelle, fut reçu avec les chefs de son parti dans la Curie. Mais le peuple fit irruption, le cribla de coups de bâtons et de pierres et déchira son cadavre. |
Contexte politique : le parti populaire 1. Définition : c'est un parti qui défend la plèbe. Mais la plèbe est elle-même divisée en deux parties : la plèbe urbaine et la plaine rustique. La plèbe urbaine est surtout intéressée par la diminution du prix du blé (elle est donc fort intéressée par les lois frumentaires) tandis que la plèbe rustique est tournée d'avantage vers le partage des terres (lois agraires). 2. Évolution : le parti populaire va essayer d'affaiblir certaines familles de la noblesse (les Scipions,...) qui avaient eu leur heure de gloire lors des guerres puniques. Pour arriver à ses fins le parti populaire va tantôt s'allier avec les chevaliers, tantôt va se tourner vers les esclaves. Il y aura donc plusieurs projets politiques : un affaiblissement des propriétaires fonciers (c'est la politique des chevaliers), des confiscations (c'est la politique des extrémistes) et même des massacres. 3. Les "chefs" : - première période : les Gracques (voir partie sur les Gracques) Le parti populaire avait perdu avec les Gracques, ses deux chefs. Il ne faut pas oublier que Tibérius et Caius faisaient partie de la puissante gens Sempronia alliée par mariage à la gens Cornelia. Les lois de Caius avaient été supprimées : - 111 (lex Thoria) : suppression de la loi agraire - deuxième période : Saturninus et Glaucia Les nouveaux chefs du parti populaire sont beaucoup plus extrémistes : Saturninus (tribun en 103 et 100) et Glaucia (tribun en 103? et préteur en 100). Ils font passer quatre lois importantes : - une loi frumentaire (vente de blé en-dessous du prix du marché) 29. Son cinquième consulat étant près de finir, il aspira au sixième avec plus d'ardeur que personne n'en avait jamais mis à briguer le premier. Courtisan assidu de la multitude, attentif à lui complaire en tout, il relâcha non seulement du faste et de la dignité de sa charge, mais encore de la fierté de son naturel, et affecta, dans toute sa conduite, une douceur et une popularité qui n'étaient point dans son caractère. Timide par ambition dans ce qui tenait au gouvernement et dans les intrigues populaires, la constance et l'intrépidité qu'il montrait dans les combats l'abandonnaient dans les assemblées du peuple ; là, un mot de louange ou de blâme le mettait hors de lui-même. On dit pourtant qu'ayant donné le droit dé cité, à Rome, à deux mille habitants de Cameries, qui avaient servi avec distinction, privilège qui parut contraire aux lois, il répondit à ceux qui l'en blâmaient, que le bruit des armes l'avait empêché d'entendre la loi : mais il paraissait redouter les cris tumultueux des assemblées publiques. Dans les camps, le besoin qu'on avait de ses talents lui donnait de la dignité et de la puissance ; mais n'ayant pu, dans les affaires politiques, s'élever au premier degré d'honneur et de crédit, il se jeta dans les bras du peuple, dont il brigua la bienveillance et la faveur, ne se souciant point d'être le plus homme de bien, pourvu qu'il fût le plus grand. Il encourut par cette conduite la haine des nobles ; mais celui d'entre eux qu'il redoutait le plus, c'était Métellus, dont il n'avait payé les bienfaits que par la plus noire ingratitude ; qui, naturellement vertueux et ami de la vérité, s'opposait avec force à ceux qui s'insinuaient par des voies peu honnêtes dans la faveur du peuple, en ne parlant que pour lui complaire. Marius résolut donc de le chasser de Rome : pour y parvenir, il se lia intimement avec Glaucias et Saturninus, les plus audacieux des hommes, et qui avaient à leurs ordres une tourbe d'indigents et de séditieux. Il se servit d'eux pour proposer de nouvelles lois, et fit venir à Rome des gens de guerre, qu'il mêla dans les assemblées, pour faire bannir Métellus. 30. L'historien Rutilius, homme de bien d'ailleurs, et très véridique, mais ennemi particulier de Marius, rapporte qu'il n'obtint son sixième consulat qu'en faisant aux tribus des largesses considérables ; que l'ayant ainsi acheté à beaux deniers comptants, il réussit à en éloigner Métellus, et à faire nommer Valérius, moins pour consul que pour ministre de ses volontés. Jamais le peuple n'avait donné à personne avant lui autant de consulats, si ce n'est à Valérius Corvinus ; avec cette différence que, du premier consulat de Corvinus à son dernier, il y eut quarante-cinq ans d'intervalle, et que Marius, deux ans après son premier consulat, parcourut de suite les cinq autres, poussé d'un seul trait par la fortune. Mais dans ce dernier il devint l'objet de la haine publique, en se rendant complice des crimes de Saturninus, et en particulier du meurtre de Nonnius que ce scélérat massacra de sa main, parce qu'il était son concurrent au tribunat. Saturninus, devenu tribun, proposa pour le partage des terres une loi qui portait que le sénat viendrait jurer, dans l'assemblée du peuple, de ratifier ce que le peuple aurait ordonné, et de ne s'opposer à aucune de ses lois. Marius feignit, dans le sénat, de désapprouver cet article de la loi, et déclara que ni lui, ni aucun sénateur qui eût du sens, ne prêterait un pareil serment : « Car, ajouta-t-il, si la loi proposée n'était pas mauvaise, ce serait faire injure au sénat que de le forcer par le serment à ce qu'il devrait faire par persuasion et de bonne volonté. » Ce n'était pas qu'il pensât réellement ce qu'il disait : mais il tendait à Métellus un piège inévitable. Persuadé que le mensonge faisait partie de la vertu et de l'habileté, il ne se croyait pas lié par ce qu'il aurait dit dans le sénat ; mais sachant que Métellus était d'un caractère ferme, qu'il pensait, avec Pindare, que la vérité est le fondement de la vertu parfaite, il voulait le prendre dans ses propres paroles, afin que le refus qu'il aurait déjà fait dans le sénat, et qu'il répéterait devant l'assemblée, attirât sur lui la haine implacable du peuple. La chose arriva comme il l'avait espéré : Métellus ayant refusé le serment, le sénat leva la séance. 31. Peu de jours après, Saturninus avant appelé les sénateurs à ta tribune pour exiger d'eux le serment, Marius se présenta. Il se fit aussitôt un grand silence, et tous les yeux se fixèrent sur lui. Alors s'embarrassant fort peu de ce qu'il avait si hardiment avancé dans le sénat, mais à la vérité, du bout des lèvres, il dit qu'il n'avait pas le cou assez gros pour s'en tenir, sur une si grande affaire, à ce qu'il avait dit une première fois ; qu'il jurerait donc et obéirait à la loi, si toutefois c'était une loi : restriction qu'il ajouta avec adresse, comme un voile pour cacher sa honte. Dès qu'il eut fait le serment, le peuple ravi de joie battit des mains et fit entendre les plus vives acclamations ; mais les nobles furent aussi affligés qu'indignés d'un pareil changement. Les sénateurs, qui craignaient la colère du peuple, jurèrent tous, jusqu'à Métellus. Pour lui, quelques instances que lui fissent ses amis pour l'engager à faire le serment, et à ne pas s'exposer aux peines rigoureuses dont Saturninus menaçait ceux qui refuseraient de le prêter, il ne perdit rien de sa fermeté, et ne jura point. Toujours invariable dans son caractère, prêt à tout souffrir plutôt que de rien faire de honteux, il sortit de l'assemblée, et dit à ceux qui l'accompagnaient : « Que faire le plus léger mal était une lâcheté ; que faire le bien quand il n'y avait pas de danger, c'était une disposition commune ; mais que le faire en s'exposant à de grands périls, c'était agir en homme véritablement vertueux. » Saturninus fit à l'instant même un décret par lequel il était ordonné aux consuls de faire publier qu'on interdisait à Métellus le feu et l'eau, et qu'il était défendu à tout citoyen de le recevoir chez lui. La plus vile populace s'offrait même pour aller le tuer ; mais tous les bons citoyens ; touchés de l'injustice qu'on lui faisait, coururent en foule chez lui pour le défendre. Métellus ne voulut pas être la cause d'une sédition, et prit le sage parti de sortir de Rome : « Ou les affaires, disait-il, prendront une meilleure tournure, et le peuple se repentira de ce qu'il fait aujourd'hui, alors il me rappellera lui-même ; ou elles resteront dans le même état, et dans ce cas il vaut mieux être éloigné. » Le récit des témoignages de bienveillance et d'estime que Métellus reçut à Rhodes pendant son exil, et de l'application qu'il y donna à la philosophie, trouvera mieux place dans sa vie, que je me propose d'écrire. 32. Le service important que Saturninus venait de rendre à Marius imposait à celui-ci la nécessité de souffrir toutes ses violences ; il ne sentait pas que c'était faire à la république une plaie incurable ; que ses lâches complaisances pour ce tribun audacieux l'autorisaient à se frayer par les armes et par les meurtres un chemin à la tyrannie et à la ruine du gouvernement. Conservant donc quelques égards pour les nobles, et voulant toujours se ménager la faveur du peuple, il fit l'action de l'homme le plus vil et le plus faux. Les principaux citoyens étant allés chez lui pendant la nuit pour l'engager à réprimer les excès de Saturninus, et ce tribun y étant venu aussi, il le fit entrer, à leur insu, par une autre porte. Ensuite feignant une indisposition, et allant, sous ce prétexte, des uns aux autres, il ne fit que les aigrir et les irriter davantage. Enfin, le sénat et les chevaliers s'étant réunis, et ayant fait éclater leur indignation, Marius fut obligé de faire venir sur la place des gens armés, qui chassèrent les séditieux et les poursuivirent jusqu'au Capitole, où on les prit par la soif, en coupant les conduits d'eau. N'ayant donc plus aucun espoir, ils appelèrent Marius et se rendirent à lui, sous la sauvegarde de la foi publique. Il fit son possible pour les sauver ; mais toutes ses démarches furent inutiles : à peine descendus sur la place, ils furent assommés par la multitude. Cette conduite lui avait tellement aliéné la noblesse et le peuple, que le temps de la nomination des censeurs étant venu, quoiqu'on s'attendît qu'il se mettrait sur les rangs, il n'osa pas se présenter, et, craignant un refus, il laissa choisir des censeurs qui lui étaient inférieurs en dignité. Il voulut cependant s'en faire un mérite, en disant qu'il ne s'était pas présenté, de peur que la recherche sévère qu'il aurait été obligé de faire des moeurs et de la conduite des citoyens ne lui eût attiré la haine du peuple. (suite)
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