RETOUR À L’ENTRÉE DU SITE - ESCHYLE, LE POÈTE SÉVÈRE - liste |
Eschyle
ANTHOLOGIE TRAGIQUE
AVERTISSEMENT
Cette traduction d'Eschyle effectuée en 1999-2000, plus que celle que j'ai donnée de Sophocle, par exemple, se veut avant tout libre et poétique. On pourra la qualifier sans doute de « belle infidèle ». Il est indiscutable qu'aujourd'hui, la rigueur du traducteur prendrait le pas sur la fantaisie de l'artiste. En 1999, le poète et traducteur faisaient part égale : ce que le traducteur aimait, le poète parfois le rejetait, et vice-versa... Sans craindre de paraître excessif, je dirais qu'alors ma démarche était quasi schizophrénique et délicieusement tourmentée...
Pris dans le tourbillon du verbe eschyléen, j'avais tenté de faire une adaptation tout à fait personnelle d'une poésie pleine de « bruits et de fureurs ». Pourtant il m'a paru bon de la livrer telle quelle au lecteur avec toutefois quelques corrections : libre ensuite à lui de relire une traduction plus exacte et peut-être moins dérangeante...
Les Perses
(472)
À Suse, près du palais royal
Parodos : les fidèles du roi parlent de l’expédition de Xerxès et sa folie.
Épisode 1: la reine-mère Atossa confie ses craintes au chœur. Elle leur raconte un songe de mauvais augure. Les choreutes lui conseillent de prier les Dieux. Un messager survient et annonce la défaite de Salamine et l’arrivée du roi.
Stasimon 1 : Condamnation de la folie de Xerxès.
Épisode 2 : la reine revient ; le chœur évoque l’ombre de Darius qui se met à parler pour dénoncer la folie de son fils.
Stasimon 2 : éloge de Darius
(vers 177 - 187)
Depuis que mon enfant est parti pour l’Ionie,
Des rêves incessants perturbent mon sommeil.
Le dernier que je fis est fort évocateur.
Écoute ! Je voyais deux femmes bien vêtues :
L’une était habillée à la mode dorienne,
L’autre à la mode perse : on n'avait jamais vu
Des femmes d'une telle allure et si soignées.
Semblable était leur rang ; l’une vivait en Grèce ;
L’autre avait pour patrie les provinces barbares.
Soudain les sœurs se disputèrent et mon fils
Voulut intervenir. Ces femmes, sur son ordre,
Tirèrent son char. Si l’une était résistante,
L’autre, fatiguée, fit tomber le véhicule.
Mon fils tomba aussi. C'est alors que son père
Survint et le plaignit. Mon fils, pris de furie
À la vue de Darius, lacéra ses habits.
Voilà la vision que j’eus dans mon sommeil.
Une fois réveillée, je nettoyai mes mains
Dans l’eau purifiée, puis je sacrifiai
Aux dieux sur leur autel. Un aigle m’apparut
À côté du foyer : je fus terrifiée !
Un faucon arriva : il attaqua l’oiseau
Et dépluma sa tête ; l’aigle s'abandonna
À son rude attaquant, ô vision affreuse !
Mon histoire est à peine écoutable, il est vrai !
Allons ! Vous le savez, si mon fils réussit,
On le vénérera. S’il est vaincu, comment
Se justifiera-t-il ? Mais s’il sauve sa vie,
Il gardera le sceptre.
(vers 548 - 551, 558 - 575 et 584 - 594)
L’Asie, cette contrée dépeuplée, a gémi !
Ils sont venus pour lui et il les a perdus...
...Matelots et soldats, les lugubres vaisseaux
Les ont tous emmenés. Ces nefs les ont perdus
Et seul notre Grand Roi s’est enfui avec peine
Vers les plaines de Thrace. Et ces hommes restés
Là-bas, hélas ! hélas ! ils ont été happés
Par la fatalité. Souffrance, élève-toi
Au ciel et retentis de ta voix de douleur !
Fais entendre partout ton infini malheur...
...Les peuples de l’Asie ne se soumettent plus
À la loi de la Perse ; il n’envoient plus au roi
Leurs tributs foisonnants ; ils ne s’inclinent plus.
Le pouvoir est vacant, le joug s'est effondré,
Les langues se délient. Le peuple désormais
Parlera librement.
(vers 739 - 785)
Darius
Ah ! qu'ils ont peu tardé à se réaliser,
Ces oracles ! Et c'est mon fils qui les subit.
Je croyais que les dieux retarderaient leurs actes.
Mais quand l'homme s'acharne à courir à sa perte,
Les dieux mettent la main. La source des soucis
Est venue jusqu'à vous à cause de mon fils,
Imprudente jeunesse. Ah ! dire qu'il a tenté
De faire prisonniers les flots de l'Hellespont,
D'arrêter dans son cours le Bosphore, ce dieu !
Oui, capturant ses eaux au moyen des entraves
Forgées par le marteau, mon fils a dégagé
Un immense chemin pour son immense armée.
Il croyait surpasser, lui, un simple mortel,
La puissance des dieux et de Poséidon.
Quel délire a vaincu mon pauvre rejeton ?
Dorénavant, j'ai peur pour toutes nos richesses :
Oui, le premier venu pourra les confisquer.
Atossa
L'impétueux Xerxès doit cette déraison
À ses vils conseillers. Sans cesse, ils lui disaient
Que tu avais conquis par la force du glaive
Une fortune immense : et lui, pendant ce temps
Végétait dans sa chambre, exempté du courage,
Sans se préoccuper d'accroître ses richesses.
Ces propos répétés comme autant de reproches
L'incitèrent bientôt à marcher sur la Grèce.
Darius
Ce sont eux les auteurs de cette catastrophe
Qui restera gravée au fond de nos mémoires.
Jamais un tel fléau n'avait dévasté Suse
Depuis le temps où Zeus désigna un seul homme
Pour gouverner l'Asie, nourrice de brebis,
Jetant entre ses mains le sceptre souverain.
Médos fut le premier à diriger l'Asie.
Son fils, avec sagesse, accomplit son dessein.
Son successeur, Kyros, béni par la Fortune,
Prit le pouvoir, donnant la paix à ses sujets.
Il conquit la Lydie, ensuite la Phrygie
Avant de déferler sur toute l'Ionie,
Toujours aidé des dieux parce que raisonnable.
Le fils de Kyros fut le quatrième roi.
Après lui vint Merdis, honte de sa patrie,
Honte d'un trône antique. Artophrénès, ce brave,
Aidé par ses amis, le tua, délivrance !
Au fond de son palais. Enfin, moi, obtenant
Ce que je désirais, je reçus le pouvoir.
J'ai beaucoup guerroyé, il est vrai, mais jamais
Je n'ai conduit mon peuple à cette extrémité.
Or, Xerxès, voyez-vous, est encore immature
Et ses moindres pensées reflètent sa jeunesse.
Il n'est pas disposé à écouter ma voix.
Mes amis, disons-le, jamais à nos sujets
Les anciens rois n'avaient offert un tel désastre.
(vers 923 - 1076)
Chœur
Comme ils crient ces humains nés des flancs de la terre,
Victimes de Xerxès, pourvoyeur des Enfers,
Où les morts, aujourd'hui, s'entassent lourdement !
Il faut nous lamenter sur cette armée de braves !
Quel échec pour l’Asie, puissance de la terre !
Quelle épreuve s’est abattue sur ses genoux !
Xerxès
C’est moi qui ai plongé mes gens dans le malheur.
Que vos paroles soient les plus sombres des plaintes
Car en ce jour le sort a joué contre moi !
Chœur
Des lamentations fusent pour déplorer
Ta défaite navale, ô roi ! Je plains ta race,
Ta cité, et dans mes pleurs je veux m’engloutir.
Xerxès
L'Ionie et ses nefs ont du côté du pire
Fait pencher la balance : ils ont semé la mort
Sur le sombre rivage et sur la sombre plaine.
Chœur
Va et informe-toi dans toute la contrée
Et dis-moi : où sont donc tes derniers compagnons,
Pharankadès, Pelasgon, Psammis, Dotamas,
Sousiskanès, Agabatas ? Où sont ces hommes
Qui un jour ont quitté la cité d'Ecbatane ?
Xerxès
Ils ne sont plus. Je les ai laissés à leur sort.
Ils ont heurté la falaise de Salamine
Quand ils furent tombés du navire tyrien.
Chœur
Que sont devenus Pharmoukos, Arionardos ?
Où est le prince Seuakès et Lilaios ?
Que sont devenus Masistras et Tharybis ?
Artembarès, Memphis ?
Xerxès
Ô Destin malfaisant !
Dès qu’ils ont vu l’antique et terrible cité
D'Athènes, nos soldats se sont retrouvés là,
Palpitants sur la grève !
Chœur
Et qu'est devenu l'homme
Qui comptait dans l'armée les Myriades, ton œil,
Ton loyal serviteur ? Horreur ! Pour la noblesse
Tout ce dénombrement est chose insupportable.
Xerxès
C'est une épreuve pour l'infâme que je suis,
Moi qui ai provoqué la mort de cette armée !
Chœur
Et que lui reste-t-il ?
Xerxès
Mon seul équipement.
Chœur
Oui, je vois.
Xerxès
Ce petit étui.
Chœur
Répète-moi !
Xerxès
Ce carquois et ces traits.
Chœur
Ah ! cela est bien peu !
Xerxès
Oui, nous avons perdu nos soldats valeureux.
Chœur
Toujours les Ioniens luttent avec vaillance.
Xerxès
Ils sont braves. J'ai vu un étrange spectacle.
Chœur
La déroute sans nom de la flotte de guerre.
Xerxès
Face à un tel fléau, je lacère l'habit
Que voilà ! Quels malheurs pour nous ! Mais que de joies
Données à l’ennemi !
Chœur
Notre pouvoir s’effondre !
Xerxès
Par des cris, réplique à mes lamentations !
Chœur
Bien piètre réconfort pour notre pauvre armée.
Xerxès
Accompagne mon chant d’autres gémissements.
Chœur
Trois fois hélas ! C’est un malheur sans nom ! Je souffre.
Chœur
Frappe ! Frappe en cadence ! Oui, frappe ! Je le veux.
Chœur
Je pleure, je gémis. Hélas ! trois fois hélas !
Je veux mêler mes cris à de funèbres coups.
Xerxès
Déchire de ta main le voile qui te couvre.
Arrache tes cheveux pendant que tu gémis.
Chœur
J’arrache autant qu'il faut, j’arrache à pleines mains.
Xerxès
Que tes yeux soient remplis par des larmes amères.
Chœur
Des sanglots sur ma joue coulent en abondance.
Xerxès
Rentre en pleurs au palais, cortège languissant !
Chœur
Hélas ! Hélas ! Perse qui souffre sous nos pas.
Xerxès
Plaignons ceux qui sont morts au fond de leurs trirèmes.
Chœur
De mes lugubres cris tout le chœur t'accompagne.
(463)
Sur l'Agora de Thèbes
Prologue : Étéocle exhorte le peuple : il annonce que les Argiens assiégeant Thèbes vont attaquer dans la nuit. Un messager arrive pour annoncer que le sept chefs vont tirer au sort laquelle des sept portes sera attaquée.
Parodos : un chœur de femmes demande protections aux dieux.
Épisode 1 : Étéocle ordonne aux femmes de se taire.
Stasimon 1 : le chœur continue ses lamentations.
Épisode 2 : description par un messager des sept chefs. Étéocle dit qu'il affrontera lui-même à la septième porte son frère Polynice. Évocation par le Chœur de la malédiction des Labdacides.
Stasimon 2 : évocation de la faute de Laïos qui dure encore à la troisième génération.
Épisode 3 : le messager annonce la victoire de Thèbes mais aussi la mort d'E[É?]téocle et de Polynice.
Exodos : on amène le corps des deux frères : chant de deuil. Défense est faite de donner une sépulture à Polynice. Antigone annonce sa décision de passer outre.
(vers 78 - 181)
Je crie ma terreur et je crie ma souffrance !
Le flot des cavaliers vient de quitter le camp,
Immense chevauchée. Voyez cette poussière
Qui s’élève, signal muet mais si réel.
Les plaines du pays sont remplies des rumeurs
Des coursiers qui s’approchent, pareil au torrent
Qui dévale du mont dans toute sa furie.
Ô grands dieux, écartez ce fléau qui nous brise !
Les cris dépassent les murs de notre cité ;
Le peuple aux boucliers blancs est prêt à combattre.
Et c’est avec ardeur qu’il vient vers la cité.
Quelles divinités pourraient nous protéger ?
Dans vos temples si beaux, ô dieux puissants et sages,
Devant quelle statue dois-je me prosterner ?
Oui, le temps est venu d’adorer vos images.
Pourquoi gémissons-nous ? Entendez-vous le bruit
Que font les boucliers ? Ou n’entendez-vous pas ?
Moi, j’entends le fracas des lances. Que fais-tu,
Arès ? Vas-tu trahir la cité qui te fut
Longtemps hospitalière ? Ô dieu, jette ton casque !
Thèbes que tu aimais, va donc la contempler !
Dieux protecteurs, voyez ces vierges : sauvez-les
Du funeste esclavage : elles vous en supplient !
Plein de souffle guerrier s'approche l’ennemi,
Le visage cruel. Toi par qui tout s'achève,
Ô Zeus, épargne-nous ! La ville de Cadmos
Est le but des Argiens et les armes d’Arès
M'emplissent de frayeur. J'entends le bruit des freins
Sur les coursiers, j’entends sa funeste rumeur.
Les Sept présomptueux ont sorti leur épée :
Tous deux s'avancent vers l’une des sept entrées,
Celle que le destin vient de leur désigner.
Ô farouche Pallas, sauve notre patrie !
Et toi, Poséidon, oui, toi dont le trident
S'abat sur les poissons, sauve-nous du fléau !
Ô Arès, prouve-nous qu'à nous tu es lié
Par le sang. Ô Cypris, notre divine mère,
Nous venons t'implorer ! Ô roi tueur de loups,
Deviens loup à ton tour et fais payer nos plaintes
À l'ennemi ! Et toi, ô fille de Léto,
Que ton arc soit tendu ! Ah ! il me semble entendre
Le vacarme des chars. Ô vénérable Héra,
Entends-tu les essieux qui grincent ? Artémis,
Entends-tu l'air frémir sous la clameur des glaives.
Qu'allons-nous devenir ? On nous lance des pierres,
Un jet qui vient de loin ! J’entends près de nos portes
Le bruit du fer. Arès, toi qui conclus les guerres,
Ô Onka, célébrée devant notre muraille,
Délivrez Thèbes ! Ô déesses protectrices,
Ne nous livrez jamais à la lance guerrière
Qui parle une autre langue, exaucez la prière
De ces vengeurs tendant leurs bras vers vous !
Dieux amis, sauvez-nous ! Prouvez avec éclat
Que vous nous soutenez ! Songez aux sacrifices
Que nous avons offerts, souvenez-vous de ceux
Consentis pour louer le culte des mystères.
Après la mort d'Etéocle et Polynice
(vers 886 - 958)
Transpercés au flanc gauche, à terre vous voilà,
Malheureux. La raison d’un combat fraternel :
La malédiction ! Menés par la folie
Et l'imprécation paternelle, les coups
Ont massacré votre maison et votre corps.
De la cité j’entends mille gémissements ;
Nos murs pleurent aussi. Arès est inflexible !
Voyez dans quel état le fer les a rendus !
Oui, le fer aiguisé ne leur a concédé
Qu'une place modeste au tombeau de leur père.
La plainte les escorte, une plainte terrible
Et qui me fait pleurer sur ces deux souverains.
Rappelons cependant qu'il ont fait disparaître
Autant de citoyens que de vrais ennemis.
Quel malheur pour leur mère une fois qu’elle eut pris
Son enfant pour mari. Et les voilà tous deux morts
Par leurs bras fraternels, ô frères détestés
Et qui se sont battus jusqu'à la mort finale.
Or leur haine n'est plus, et dans ce sol trempé
De leur sang, leurs deux vies ne font qu'une. Leur sang
Est le même aujourd'hui. L'arbitre du conflit,
Cet étranger du Pont, ce fer dur et brûlant,
Comme il leur fut cruel ! Il fut cruel aussi,
Arès qui provoqua la malédiction
Paternelle. Ils ont eu, Ces malheureux, leur part
Du sinistre destin alloué par les dieux.
Leur corps ne côtoie plus que le trésor sans fond
De la terre. Ah ! Hélas ! Vous vous êtes hissés
Au sommet le plus haut des affres familiales ;
On entend résonner le buccin triomphal,
Ce tintement surgi des imprécations,
Après avoir détruit cette race fatale,
Ô malédiction ! On a, près de la porte
Où le combat eut lieu, fait ce trophée d’Atée :
Devant leurs corps le ciel vainqueur s'est arrêté.
La décision d’Antigone
(vers 1026 - 1041)
Moi je déclare au chef des Cadméens ceci :
Si personne ne m’aide à donner à mon frère
Le repos de la terre, Oui, moi, je le ferai
Au risque de périr : C’est d’un cœur très léger
Que je vais par cet acte enfreindre nos coutumes.
Cette communauté où je naquis, enfant
D’un père et d’une mère abreuvés de tourments
Fait entendre sa voix. C’est volontairement
Que je partagerai le malheur qui s’abat,
Cruel, inattendu sur le sein de mon frère.
Moi vivante, je garde au mort mes sentiments.
Jamais ses pauvres chairs ne seront dévorées
Par les loups affamés. Non, ne le croyez point !
Bien que femme, je vais lui creuser une fosse
Avec mes propres mains : sa tombe sera digne
Et ma robe de lin renfermera la terre
Qui couvrira son corps. Bien sûr, je vais le faire !
Et d’ailleurs, j’userai de la ruse au besoin
Pour voir réaliser la force d’un dessein.
(457)
Devant le palais des Atrides à Argos
Prologue : à Argos, un veilleur évoque ses veilles. Signal de feu annonçant la victoire des Grecs.
Parodos : le Chœur des vieillards évoque le départ de l'armée et le sacrifice d'Iphigénie.
Épisode 1 : Clytemnestre annonce au Coryphée la victoire des Grecs et imagine la dernière nuit de Troie. Chœur des vieillards préconisant la sagesse dans les désirs et évoquant la puissance des Dieux.
Stasimon 1 : Zeus veut faire payer à Troie la faute de Pâris. Mais la violence de la guerre ne parvient à faire cesser les craintes.
Épisode 2 : un héraut décrit les souffrances du siège et la tempête qui a fait périr en plus tant de Grecs. Allégresse trouble de Clytemnestre.
Stasimon 2 : Hélène considérée comme l'arme de la vengeance contre les Troyens.
Épisode 3 : arrivée d'Agamemnon et dialogue avec Clytemnestre. Accueil hypocrite de cette dernière.
Stasimon 3 : le Chœur est terrifié.
Épisode 4 : Cassandre chante de terribles visions : annonce du double meurtre. Assassinat d'Agamemnon entendu de l'extérieur. Clytemnestre fait le récit du meurtre. Elle se présente comme la vengeresse des Atrides.
Exodos : Égisthe, amant de Clytemnestre, salue la justice. Le Coryphée veut s'attaquer à Égisthe. Mais Clytemnestre les sépare.
Collier : "Clytemnestre"
(vers 367 - 474)
La seule destinée que nous concède Zeus
Naît de sa volonté ! Les dieux méprisent l'homme
Quand il n'a que dédain pour les saintes affaires,
Ô sombre impiété ! La ruine, conséquence
Des actes interdits, honteux et refusés
Par l'immortel, la ruine attend cet orgueilleux,
Dès lors que l’opulence a conquis sa demeure.
Préférons la mesure et gardons le meilleur.
On a déjà beaucoup quand on a la sagesse.
Celui qui n'a pour fin que les vaines richesses,
Oui, celui pour lequel les murailles se brisent,
Qui foule la Justice et son divin autel
Celui-là périra ! Bientôt sous la tutelle
De Persuasion, fille d’Égarement
Aux funestes conseils, l’homme devient brutal :
Tout remède est exclu, le mal devient visible,
Si bien qu'il est semblable la pièce d’argent,
Victime de l’usure et de maints frottements.
Tel le petit enfant, il sera châtié
Pour avoir poursuivi un oiseau qui volait
Et avoir maculé de honte sa cité.
Zeus ne porte plus sur lui nulle attention
Et l’homme criminel est désormais vaincu.
C’est ainsi que Pâris, accueilli chez l’Atride,
En ravissant Hélène est devenu indigne.
En quittant son pays, les armes se levèrent.
Et Troie reçut ce dot : la mort et la misère.
Alors on entendit ces plaintes de devins :
« Hélas ! Femme partant au bras de son amant !
L’époux est méprisé. Mais, malgré la douleur,
Il a sa dignité : assailli de regrets,
Il gît tel un fantôme au fond de son palais. »
Redoutons la clameur des hommes en colère.
À la haine du peuple, il faut rendre des comptes.
Je suis fort irrité à l‘idée des intrigues
Nées dans l’obscurité. Les meurtriers ne peuvent
Éviter le courroux de la divinité.
Toujours les Érinyes brisent les criminels :
Nul recours n'est permis ! Ah ! que la renommée
Est un don dangereux ! Aussi ce que je veux,
C’est un calme bonheur dont se rit l'envieux.
Non, je ne veux pas être un briseur de cités.
Non, je ne veux pas être esclave du vainqueur...
L’hypocrisie
(vers 855 - 913)
Ô citoyens d’Argos, ô hommes estimés,
L’amour que j'ai pour lui, je veux vous l’exprimer
Sans fard. Avec le temps, la honte disparaît.
Et je vais vous conter, non quelque fiction,
Ma vie et ses tourments pendant qu’il combattait
Sous les remparts de Troie. D’abord, pour une femme,
Il est un grand malheur de vivre sans époux
Au fond de sa maison : il lui faut écouter
De sinistres rumeurs, ensuite voir venir
Le sombre messager de bien tristes nouvelles.
Souvent désespérée par des bruits mensongers,
J’ai désiré me pendre. Et c'est contre mes vœux
Que quelques étrangers ont détaché le nœud.
C’est une des raisons pour laquelle mon fils
A quitté le palais. Strophios le Phocéen,
Ton ami dévoué, celui qui a la charge
De son instruction, m’a fait envisager
Deux périls immédiats : d'abord la guerre à Troie,
Ensuite une révolte écrasant le sénat,
Sachant qu’il est inné chez les êtres humains
De fouler lâchement celui qui est à terre.
Voilà donc mon excuse : elle est franche et sincère.
La source de mes pleurs, vois-tu, s’est asséchée.
À force de veiller, mes yeux ont trop souffert,
J’ai versé des sanglots, attendant vainement
Ton retour imminent... Après mille tourments,
En ce jour, je le dis : je suis comblée de joie !
Selon moi, un époux est le chien de l’étable,
Un câble retenant le navire, la pesante
Colonne soutenant une haute toiture,
Le seul enfant d’un père, une île apparaissant
Aux marins épuisés, une aube belle et pure
Après une tempête, une source d’eau claire
Abreuvant le passant. Ah ! quel doux réconfort
De me voir sans péril. Comme il a mérité
Ces noms. C’est mon droit car j’ai trop enduré
De malheurs. Maintenant, ô mon prince adoré,
Descends du char mais sans poser le pied à terre,
Ce pied qui renversa la puissante Ilion.
Esclaves, allons donc ! Vous ne savez que faire !
N’ai-je point ordonné de joncher de tapis
Le sol qu’il doit fouler. Oui, que la pourpre suive
Ses pas. Qu’il soit conduit jusque dans son palais ;
Le reste, laisse-le tout entier à mes soins.
Avec l’aide des dieux, bientôt j’accomplirai
Les décrets du destin...
(vers 1100 - 1173)
Cassandre
Dieux, quel est le malheur qu'on fomente au palais,
Malheur que les parents ne peuvent supporter,
Oui, ce mal impossible, impossible à guérir ?
Coryphée
Ces prédictions sont obscures mais le reste
M’est connu : la cité le répète sans cesse.
Cassandre
Que fais-tu, malheureuse ? Après avoir baigné
Celui qui couche avec toi, tout s'accomplira.
Coryphée
Non, je ne comprends pas. Aux énigmes succèdent
Des oracles obscurs qui me rendent perplexe.
Cassandre
Que vois-je ? Un filet maudit, compagne du lit,
Ce complice du meurtre. Insatiable de sang,
La meute se soumet à l’affreux sacrifice
De son cri triomphal !
Coryphée
Quelle est cette Érinye
Que tu appelles tant ? Quels propos déplaisants !
Chœur
Un fluide jaunâtre a coulé dans mon cœur,
Un fluide pareil à celui qui pénètre
Le soldat transpercé par la lance ennemie,
Lui dont la vie s’éteint, lui dont la mort s’avance.
Cassandre
Garde-toi de la vache et dirige tes yeux !
Elle a pris dans son piège un bœuf aux cornes noires,
Elle frappe à grands coups, il croule dans la cuve.
C'est un flot de sang, de ruse que je prédis.
Coryphée
Je ne suis pas devin mais pourtant je devine
Dans ta prédiction un malheur indicible.
Chœur
L'oracle est un porteur de mauvaises nouvelles.
Cet art dispensateur de funestes tourments
N’inspire que frayeur à celui qui l'entend.
Cassandre
Je dis et je déverse au fond de ce cratère
Mon sinistre destin et tout mon désespoir.
Tu m’as conduite ici afin que je périsse
Sinon, pourquoi vomir de telles prophéties ?
Chœur
Une fureur sacrée te domine et te livre
Son âpre chant. Tu es ce rossignol plaintif
Qui crie très fort « Itys » en déplorant sa vie.
Cassandre
Pourquoi évoques-tu cet oiseau enchanteur ?
Sa vie n’est que repos, bonheur, et sur son corps
Les dieux ont déposé un splendide plumage.
Quant à moi, je n'attends que la funeste hache,
Celle à double tranchant qui brisera ma tête.
Chœur
D’où tiens-tu les malheurs qui déferlent sur toi ?
Pourquoi déclames-tu autant de prophéties
Avec ces cris puissants, sinistres et aiguës ?
Qui t’enseigna l'art de la divination
Avec tout ce fardeau d'âpres conclusions ?
Cassandre
Malheurs de ma cité à tout jamais perdue !
Et ces troupeaux de bœufs que mon père immolait
Pour défendre nos murs, sacrifice inutile !
Rien n’a sauvé du désastre notre cité.
Et moi, la prophétesse inspirée, je m'effondre..
Après le meurtre d’Agamemnon
(vers 1372 - 1398)
Tout à l’heure mes mots suivaient les circonstances.
C’était nécessité. Désormais je n’ai point
De honte à démentir ce que j’ai déclaré.
Comment sans le secours du verbe mensonger
Préparer la vengeance ? Oui, comment le vêtir
D’un terrible réseau qu'on ne saurait briser ?
Sur ce nouveau combat, je me suis tant rongée.
La revanche est venue ! Je suis restée debout,
Là où je l’ai vaincu. J’ai tout fait, je conviens,
Pour qu’il ne pû ni fuir ni défendre sa vie.
Comme pour des poissons, je jette près de lui
Un filet sans issue, un voile somptueux,
Mais riche en perfidie. Et je frappe deux fois,
Oui, deux fois d’un coup vif ! Il pousse un cri plaintif.
Sa force l’abandonne, il tombe et je lui donne
Un dernier coup, offrande au souverain des morts,
Hadès. Puis il rend l’âme ; et le sang qu’il rejette
M’inonde de ses flots aussi doux à mon cœur
Que la fraîche rosée déposée sur les fleurs.
Voilà les faits, vieillards de le cité d’Argos.
Qu’importe de savoir votre avis sur mon acte !
Moi, voyez-vous, je suis en exaltation !
Si l’on pouvait verser quelques libations
Sur un cadavre, ce serait justifié :
Dans ce cas-ci les dieux sont à remercier :
Cet homme avait rempli de tant d’affreux forfaits
La coupe de Pélops qu’au retour il a dû
La vider d’un seul trait !
Devant le palais des Atrides à Argos
Prologue : Oreste revenu d’exil se recueille sur le tombeau de son père.
Parodos : les jeunes filles apportent des libations sur l’ordre de Clytemnestre qui vient de faire un rêve affreux : chœur des lamentations.
Épisode 1 : Électre accomplit avec les Choéphores (porteuses d'offrandes) les rites permettant que la vengeance se fasse. Elle découvre sur le tombeau les traces d’Oreste. Reconnaissance du frère et de la sœur. Celui-ci annonce l’ordre de vengeance reçu d’Apollon.
Kommos : chant de deuil et de vengeance.
Épisode 2 : récit du songe de la reine et plan d’Oreste.
Stasimon 2 : Clytemnestre se trouve en la compagnie d’autres meurtrières, les femmes de Lemnos. Célébration de la justice divine.
Épisode 3 : Oreste se présente à sa mère comme un étranger venant dire la mort d’Oreste ; lamentations de la nourrice.
Stasimon 3 : arrivée d’Égisthe : on entend son meurtre. Meurtre ensuite de Clytemnestre.
Stasimon 4 : Hymne à la Justice.
Exodos : Oreste apparaît entre les deux corps. Justification, puis arrivée des Érinyes.
(vers 24 - 72)
Ah ! voyez sur ma joue les traits qui la sillonnent !
Voyez ce vêtement tout entier lacéré !
Toute joie m'a quitté, le malheur me rend fou,
Oui, le malheur qui fait se dresser mes cheveux,
Malheur qui me prédit un avenir affreux.
La peur a retenti ici dans ce palais
Au plus fort de la nuit, épouvantable cri,
Épouvantable drame qui s'est abattu
Au fond du gynécée. Les devins nous ont dit
Que tous les morts, dans leurs funestes profondeurs,
Contre les assassins bouillonnent de fureur.
Pour détourner ces maux, une femme coupable
(Et je tremble à ces mots) me fait don d'un présent,
D'un présent qui m'effraie, car comment racheter
Tout ce sang que l'on a répandu sur le sol ?
Ô Foyer chavirant ! Ô maisons détestées,
Sinistres aux vivants ! Loin des traits du soleil,
Voyez l’obscurité qui gagne nos demeures !
Le respect de jadis n'est plus et c’est la peur.
Le seul dieu aujourd’hui aimé, c’est le succès.
Mais la Justice veille et frappe en plein midi,
Parfois au crépuscule ou parfois dans la nuit !
Quand le sol boit le sang il ne s’écoule pas ;
Certes, le châtiment peut être retardé
Jusqu'au jour où l'on voit expier le meurtrier.
À celui qui salit la chambre d’une vierge
Il n’est point de secours à des mains sacrilèges :
Tous les fleuves du monde unis dans un seul flot
Jamais ne rendront pure une sanglante épreuve.
(vers 123 - 147)
Ô Hermès, dieu des morts, va, porte mon message
À Hadès qui épie les meurtriers d'un père ;
Que ces divinités écoutent ma prière
De même que la Terre, ô mère des vivants,
Notre nourrice à tous mais qui reprend bientôt
Notre germe fécond. Avec cette eau lustrale,
Moi, je verse à nos morts quelques libations.
Ô père, prends pitié de moi comme d’Oreste.
Fais-nous récupérer l’héritage royal.
Nous ne cessons d’errer tristement en ce monde,
Vendus, je te le dis, par notre génitrice
Qui, pour te remplacer, a épousé Égisthe,
Complice de ton meurtre. Et moi, je suis servante !
Oreste est en exil. Pendant ce temps, tous deux
Ne savent que jouir du fruit laborieux
De ton œuvre, et cela, de manière insolente.
Fais qu’Oreste, ton fils, revienne en son pays.
Exauce ma prière, ô père, je t’en prie !
Accorde-moi un cœur plus noble que celui
De ma mère, et des mains pures. Écoute-moi !
Pour nos deux ennemis, je ne veux qu’un vengeur
De ta mort. Que par un juste retour des choses,
Ils périssent bientôt. Que vienne la Justice !
(vers 269 - 305)
L’oracle d’Apollon, Loxias, qui m’ordonne
D’affronter ce danger, ne me trahira point.
Je l’entends de sa voix si puissante enflammer
Mon cœur et m’annoncer l’assaut d’un mal sans fin.
Si donc je ne cours pas après les assassins
De mon père, en les frappant comme ils ont frappé,
En me vengeant sur eux de mon dépouillement,
Alors, je paierai par d’ineffables tourments
Les malheurs du défunt. Révélant le courroux
Des morts dessous la terre, il m’a prédit des maux
Qui corrompraient ma chair, une lèpre à la dent
Sauvage qui mordrait un corps jusque-là pur
Et blanchirait mon poil. Il annonçait encore
L’assaut des Érinyes, un assaut ordonné
Par le sang de mon père et la venue d’un œil
Brillant dans les Enfers. Car la flèche invisible,
celle issue de l’Hadès par les hommes tombés
Sous de méchantes mains, le cri sempiternel
Et les vaines frayeurs enfantées par la nuit,
Affectent le lépreux et frappent ce maudit
Avec un fouet d’airain, avant de le chasser
Hors de sa patrie. Cet homme-là ne boit plus
Dans les festins, n'offrant plus de libations ;
Le courroux paternel l’écarte des autels.
Nul ne veut accueillir un tel homme chez lui ;
On le méprise, il meurt par sa lèpre, détruit
Inexorablement. À ces prédictions
Il faut croire vraiment ; si je n’y croyais pas,
La vengeance aurait lieu malgré tout. Les motifs
Pour elle sont nombreux : outre l’ordre du dieu,
La mort de notre père, un profond dénuement
Et le désir aussi que le vainqueur de Troie
Ne reste plus soumis à la funeste loi
De deux femmes : mais oui, cet homme est une femme !
Et s’il ne le sait pas, il l’apprendra bientôt !
(vers 394 - 475)
Électre
Quand viendra le moment pour Zeus de nous venger ?
Et de notre cité, quand sera rétabli
L'antique confiance ? Et quand tranchera-t-on
Ces têtes ! Écoutez-moi, ô Dieux infernaux !
Coryphée
La loi prescrit qu’au sang jeté sur notre sol
Il doit couler un autre sang ! Car l’Érynie
Arrive par le crime, et c'est par les tourments
Qu'on venge la victime.
Oreste
Ô toi maître infernal,
Ô imprécations, ah ! voyez ce qu'il reste
Des Atrides. Voyez ces lugubres visages
Chassés de leur demeure.
Chœur
J'ai entendu vos cris
Et les battements de mon cœur. Je vous écoute
Et mon espoir s'enfuit. Mon âme est dans le doute.
À force de courage, en refoulant ta peine
Il se peut malgré tout que le bonheur revienne.
Électre
Que dire pour agir ? Dirai-je les malheurs
Que nous avons subis de la part de ma mère.
Certes, nous pouvons les flatter mais les calmer,
Cela, jamais ! Ma mère a fait de moi un loup
Et personne ici-bas ne me fera plier.
Ô toi, mère sans foi, tu as enseveli
Un monarque en privant la cité toute entière
De ce deuil souverain. Oui, tu as mis en terre
Ton époux sans jamais déplorer son départ.
Oreste
Tu viens nous rappeler que ma mère a commis
Le pire des forfaits. Mais ce crime, vois-tu,
Les dieux le vengeront ainsi que notre bras.
Que je la tue d’abord ; ensuite je mourrai.
Chœur
Ton père fut aussi mutilé : par cet acte,
Ta mère t'infligeait le sort le plus infâme.
Voilà tous les desseins cruels de cette femme.
Électre
Certes, il y eut le sort paternel. Mais moi, moi,
Vois donc ce que je suis devenue ! Sans égards,
Rejetée de chez moi comme un chien enragé,
Je ris fort rarement, pleurant plutôt sans cesse,
Je ne fais que gémir, très souvent en cachette.
Grave dans ton esprit les faits que je t'apprends.
Chœur
Ô père, c'est à toi que je dis ces paroles :
Viens au secours de ceux qui te vénèrent tant.
Électre
Moi, je t’appelle aussi de mes larmes amères.
Chœur
Nous, d'une seule voix nous t’appelons de même.
Reviens et aide-nous face à nos ennemis !
Oreste
Il faut que la Force lutte contre la Force.
Il faut que le Droit lutte aussi contre le Droit.
Électre
Ô Dieux faites que le Droit puisse l’emporter !
Chœur
Ah ! je me sens frémir en entendant ces vœux.
Je sais que le destin se fait parfois attendre,
Mais grâce à la prière il revient nous surprendre.
Dans le palais se trouve un remède à ce mal.
Ce n’est pas du dehors que la solution
Naît, c’est par un combat éprouvant et brutal.
(vers 885 - 930)
Clytemnestre
Ah ! que se passe-t-il et pourquoi tant de cris ?
Oreste
Les morts peuvent tuer des gens encore en vie.
Clytemnestre
Malheur ! Je ne comprends que trop bien cette énigme.
Par ruse, nous allons connaître le trépas.
Qu’on me donne une hache afin de me défendre !
Aurai-je la victoire ou serai-je vaincue ?
Me voici parvenue à cette phase extrême !
Oreste
Je te veux, toi ! Quant à lui, c’est déjà fini !
Clytemnestre
Quel malheur ! Tu es mort, ô Égisthe chéri !
Oreste
Tu l’aimais ? Vous aurez un semblable destin.
Comme il n'est plus, tu ne pourras pas le trahir.
Clytemnestre
Mon fils, respecte un sein qui jadis te nourrit.
Oreste
Ami, que dois-je faire ? Éliminer ma mère ?
Pylade
Mais que fais-tu alors des oracles rendus
À Pytho ? Il vaut mieux devenir l’ennemi
D'un homme bien plutôt que l'ennemi des dieux.
Oreste
Tu as raison, Pylade, et ton conseil est bon.
Mère, suis-moi ! Je vais t’égorger près de lui,
Lui que tu as aimé quand il était en vie.
Oui, rejoins-le, toi qui détestas ton mari.
Clytemnestre
T'ayant nourri, je dois vieillir auprès de toi.
Oreste
Quoi ! Vivre avec moi, toi qui égorgeas mon père ?
Clytemnestre
C’est la faute au destin !
Oreste
C’est aussi le destin
Qui te livre au trépas !
Clytemnestre
Ne crains-tu l'Érinye ?
Oreste
Non, car c’est toi qui me plongeas dans le malheur.
Clytemnestre
Tu as longtemps vécu dans un douillet logis.
Oreste
Être vendu deux fois, moi né d’un père libre.
Clytemnestre
En échange, dis-moi ce que j'ai obtenu !
Oreste
Non, je ne puis répondre à une telle insulte.
Clytemnestre
Mon enfant, pas de honte ! Oui, ton père était fou.
Oreste
N’accuse pas un homme épuisé à la tâche,
Toi qui restas prostrée dans un mol intérieur.
Clytemnestre
Délaissée par l'époux, la femme dépérit.
Oreste
L’homme par son travail fait vivre son épouse.
Clytemnestre
Mon fils, tu vas tuer celle qui t'enfanta.
Oreste
C’est toi qui te tueras.
Clytemnestre
Enfant, ne crains-tu pas
Que viennent par ma mort les chiennes de vengeance !
Oreste
Mais pour venger mon père, il me faut te tuer !
Clytemnestre
Je parle à une tombe et je supplie en vain.
Oreste
Ton destin est figé par tant de forfaiture.
Clytemnestre
Pauvre de moi ! C'est le serpent que j’ai nourri !
Oreste
Les rêves de tes nuits étaient des prophéties.
Tu as tué celui qui n’eût pas dû mourir.
Tu vas souffrir ce que tu n’eus pas dû souffrir.
Au temple d'Apollon, puis à l'Acropole d'Athènes
Prologue : prière de la Pythie. Épouvantée, elle sort du temple : on voit apparaître la scène qu'elle vient de décrire : Oreste suppliant et Apollon qui ordonne à ce dernier de se rendre à Athènes pour « étreindre l'antique image de Pallas ». Réveil des Érinyes par l'ombre de Clytemnestre.
Parodos : réveil des Érinyes.
Épisode 1 : à Delphes, Apollon chasse les Erinyes du sanctuaire et dit vouloir sauver Oreste. À Athènes, Oreste prie Athéna. Les Érinyes le menacent.
Stasimon 1 : chant terrible des Érinyes.
Épisode 2 : Athéna apparaît : Oreste et les Érinyes plaident leur cause.
Stasimon 2 : le chœur devine la création d'une nouvelle justice.
Épisode 3 : procès d'Oreste devant Athéna. Apollon parle en sa faveur. Athéna fonde l'Aréopage afin de protéger la cité. Le vote a lieu. Athéna proclame bientôt l'acquittement d'Oreste.
Exodos : long kommos. Athéna persuade les Érinyes affolées de renoncer à leur vengeance et de s'installer à Athènes où elles deviendront les Bienveillantes, « Euménides ». Chant de paix.
Bouguereau : "Oreste poursuivi par les Érinyes"
(vers 299 - 398)
Le Coryphée
Amies, formons nos chœurs,
Puis entourons l’auteur
D’un funeste homicide :
Il connaîtra le dessein qui nous guide,
Nous, les dispensatrices du destin.
Nous vénérons la Justice ;
Quant à ceux des humains
Qui gardent les mains pures
Ils savent qui nous sommes,
Ils demeurent sereins.
Mais ces êtres perdus d’iniquité,
Qui cachent comme lui des mains ensanglantées,
Ô misérables feintes,
Nous verront, nous qui sommes redoutées,
Interpeller les morts pour venger l’innocent.
Chœur
Ô Nuit, ô notre mère qui nous engendra ;
Pour châtier ceux qui voient ou qui ne voient pas,
Apprends qu’Apollon nous désespère
En protégeant un fils qui a tué sa mère.
Aussi, hymnes de sang et cris d’horreur,
Chant de folie et de rage indicible,
Ô Hymnes sans lyre qui assèchent le cœur,
Éclatez dans les cieux et semez la terreur !
Car l’instant est venu où le destin se venge.
Voilà se profiler l’implacable sentence
Pour l’ignoble assassin !
Nous le précéderons jusqu’au fond du tombeau,
Puis dans la fosse, s’écroulant enfin,
Il fixera notre ombre de nouveau !
Aussi, hymnes de sang et cris d’horreur,
Chant de folie et de rage indicible,
Ô Hymnes sans lyre qui assèchent le cœur,
Éclatez dans les cieux et semez la terreur !
C’est l’éternel labeur
Que nous assigne le destin.
Aux dieux mêmes nous faisons peur !
Aussi, nul ne nous voit à leurs festins.
Revêtus de sombres habits,
Nous nous montrons au criminel
Qui frappe son ami,
Et pareil au tonnerre nous brisons
La maison de l’homme indigne.
Ils ont beau être des puissants :
Ils expient leurs ignobles forfaits de leur sang !
Parfois, on nous oublie, on nous croit loin !
Le criminel exulte ! Mais soudain,
Nous nous jetons sur lui,
Il tombe, il s’enfuit
Et son combat est vain.
Notre route est certaine
Et nous mène toujours vers notre cible.
On peut bien supplier,
Nous n’avons point pitié du criminel.
Nous savons le passé et nous n’oublions rien !
Nous n’avons ni temples ni autels ;
On ne nous fait nul sacrifice.
Nous sommes les Vénérables.
Notre labeur est sombre et sans honneur ;
Nous sommes loin des dieux ;
Nous sommes loin de la lumière.
Pour châtier les mortels
Un noir abîme nous retient
Sur des rochers inabordables.
Cet horrible pouvoir
Que le ciel vengeur décrète
Pour briser les méchants
N’est-il point remarquable ?
Et dans notre domaine noir
Hors de toutes lueurs,
Nous qui accomplissons une œuvre si sacrée,
De la clarté du jour nous n’avons nul regret !
(vers 517 - 565)
La crainte est salutaire et doit nous surveiller :
Douleur donne vertu. Si l’homme et la cité
Ne l’avaient obtenue, comment donc la Justice
Pourrait-elle régner ? Refuse l'anarchie
Comme le despotisme ! Apprends que la Mesure
Est un présent des dieux qui tend à limiter
La vie désordonnée. Je le répète encore,
- Ai-je tort ? -, Hybris est née de l'Impiété,
Et le bonheur dépend de la santé de l'âme.
Je le répète : loue l’autel de la Justice
Et ne te laisse pas attirer par le gain :
Tu le renverserais d'un geste sacrilège ;
Tu connaîtrais alors un juste châtiment.
Vénère tes parents et respecte les gens.
Le vertueux connaît la joie à tous moments
Et ne meurt jamais tout à fait. Quant au gredin,
Celui qui s'enrichit au mépris de la loi,
Celui-là, un beau jour, amènera sa voile,
Terrifié soudain par l’antenne brisée.
Pris dans le tourbillon, malgré ses cris plaintifs,
Le Ciel le narguera. Lui qui ne croyait pas
Vivre de tels instants tentera, mais en vain,
De remonter les flots, et contre le récif
De Diké, le bonheur de jadis s'échouera,
Mourant de désespoir, regretté de personne.
La défense
(vers 625 - 673)
Apollon
Ainsi donc, vous osez comparer cette mort,
Celle de Clytemnestre, au meurtre d’un héros
Dont le sceptre est issu d'une faveur divine.
Était-elle une noble ennemie qui des cieux
Lança des traits au loin. Non point, ô Athéna,
Non point, hommes choisis pour mener les débats.
Il revenait heureux après de longs combats,
D’âpres dangers, de gloire. Une voix doucereuse
L’accueille et puis le baigne. Il sort. Elle, mielleuse,
Couvre son pauvre corps d'une voile qui le serre
En ses mille replis. Et soudain elle frappe !
Sans se défendre, il meurt, ce prince, ce meneur
De soldats, commandant d’une flotte sans nombre.
Aussi, je t’interpelle, ô peuple qui m’entend :
Que l’indignation influe sur la sentence.
Le chœur
Tu crois défendre Oreste : or le sang maternel,
Ce sang qui est le sien, peut-il donc l’abolir ?
Peut-il donc dans le palais d’Argos revenir ?
Quel dieu le laissera s’approcher de l’autel ?
Quel frère lavera ses mains dans l’eau lustrale ?
Apollon
La part est inégale entre les deux parents :
Dans son corps une mère a simplement un germe ;
Apprends que seul le père est vraiment créateur.
Si les divinités sont pour elle clémentes,
Elle le protège en gardienne vigilante.
Une preuve à cela ? Un exemple, veux-tu ?
Sans besoin d’une mère il peut s’épanouir
Un germe merveilleux. Ô fille née de Zeus,
Toi, toute de vertu, nul ventre maternel
Ne t’a jamais conçue. Quelle déesse aux cieux
Eût pu se vanter d’un enfant si glorieux.
J’aime Athènes très fort et j’ai la volonté
De donner à son peuple la prospérité.
Athéna fonde l’Aréopage
(vers 681 - 710)
Athéniens, écoutez la loi que j’établis :
C’est la première fois que pour le sang versé,
Vous allez en ce lieu pouvoir vous prononcer.
Désormais, pour toujours, les citoyens d’Égée
Se feront un devoir de respecter ces juges.
C’est sur ce mont d’Arès qu'on vit les Amazones
Planter leurs tentes quand, luttant contre Thésée,
Ces femmes assiégeaient la nouvelle cité.
C’est là qu’au dieu Arès elles sacrifièrent
D’où le nom du rocher. Ici donc le respect
Et la crainte, sa sœur, retiendront jour et nuit
Le peuple citoyen loin des actes proscrits ;
À moins que, par malheur, ils n’altèrent leurs lois.
Quand on trouble une eau pure, eh bien, on le la boit !
Je donne aux citoyens une règle à la fois
Contre le despotisme et contre l’anarchie.
Pour autant la rigueur n’est point chose bannie
Car sans sévérité quel mortel reste droit ?
Si donc vous respectez cet auguste conseil
Vous aurez pour la ville une muraille épaisse :
Aucun peuple ici-bas n’en a de plus solide,
Ni en Scythie, ni sur le sol des Pélopides.
D'une rigueur sans nom, telle est cette assemblée
Qu’en ce lieu j’établis, un antre incorruptible,
Gardant les yeux ouverts quand tout semble endormi.
Les Érinyes affolées
(vers 808 - 823)
Nouveaux esprits divins,
Ô destructeurs de l’ordre ancien,
Vous arrachez nos vies
De vos terribles mains.
Il ne reste aux Érinyes,
Nous, la race maudite,
Que colère, douleur et fuite.
Mais sur la terre que nous haïssons,
Déversons sur le champ nos poisons,
Et que ce sol ami du crime
Subisse la famine !
Écoulez-vous, poisons,
Et que la mort pénètre en tes sillons.
Honteuse terre,
Pourquoi me lamenter ? Que faire ?
Nous qui sommes les Filles de la Nuit,
Oui, nous qu’on désespère,
Une malédiction nous poursuit.
(date inconnue)
Prologue : Héphaïstos, accompagné de Kratos, doit clouer sur un rocher Prométhée. Malgré quelques hésitations, Héphaïstos s’exécute. Le char ailé des Océanides survient pour consoler Prométhée.
Kommos qui évoque le pouvoir tyrannique de Zeus.
Épisode 1 : Prométhée explique aux Océanides les causes de la colère divine.
Stasimon 1 : lamentations sur le sort du Titan.
Épisode 2 : Prométhée dit ce qu’il a donné aux mortels.
Stasimon 2 : le chœur craint le pouvoir de Zeus.
Épisode 3 : Io arrive poursuivie par le taon. Elle se plaint et raconte son histoire. Prométhée la rassure et prédit la fin de son malheur. Io s’enfuit toujours taraudée par le taon.
Stasimon 3 : lamentations sur Io.
Exodos : Prométhée annonce la fin des dieux. Hermès survient pour contraindre le Titan à se soumettre, lui annonçant le supplice à venir. Défi de Promé thée. La tempête fait rage. Conflit annoncé entre Zeus et Prométhée.
Moreau : "Prométhée"
(vers 397 - 435)
Je te plains Prométhée et mes yeux sont humides.
En édictant ces lois selon son bon plaisir,
Zeus vient nous rappeler sa puissance divine.
Le pays tout entier plonge dans le malheur ;
On regrette qu'à toi, mais aussi à tes frères,
Le dieu ait dérobé tant d'honneurs. Dans l'Asie,
Chaque mortel s’afflige avec toi et gémit ;
Sont aussi en émoi les vierges de Colchide, Farouches fantassins, les hordes de Scythie
Au marais Méotis, aux confins de ce monde,
Les troupes d’Arabie et les Caucasiens.
Un seul Titan avait subi pareils tourments :
C'était Atlas, le dieu à la force mythique
Qui portait sur son dos et la terre et le ciel. Pleins de rumeurs les flots se fracassent entre eux ;
L'abîme se plaignant, Hadès hurle sur lui,
Puis les sources sacrées, tant de magnificence,
Se mettent à gémir leur piteuse souffrance.
(vers 442 - 471 et 476 - 516)
Écoutez le destin effroyable des hommes !
Et apprenez comment je pus par la raison
Les instruire. Je vais tout vous dire, non pas
Pour les critiquer, mais afin de vous montrer
L’ampleur de ma bonté. Jadis, ils écoutaient
Mais il n'entendaient rien ; ils regardaient sans voir ;
Et comme dans un rêve ils vivaient sans comprendre.
Tout pour eux n'était que flou et confusion.
Pour bâtir leur maison, point de briques luisantes,
Mais seulement le bois ; et, telles des fourmis,
Ils s'entassaient au fond de grottes sans soleil.
Pour distinguer l’hiver, le printemps florissant
Et l'été fructueux, rien pour les repérer.
Ils faisaient tout sans réfléchir. Or j'inculquai
Ma façon d'observer les astres dans la nue.
Je leur appris aussi la science du nombre
Pour que dure à jamais le souvenir du monde,
Pour que les arts, enfin, puissent s'épanouir.
De même j’enseignai l’assemblage des lettres,
Et je fis accoupler des animaux afin
Qu'ils usent de leur force. Ainsi donc, j’allégeai
Le travail des humains. J’inventai ces vaisseaux
À la voile de lin pour voguer sur les mers.
En faveur des mortels que n’ai-je imaginé !
Mais je ne puis m'ôter cette honte, ô malheur !
Écoute ! Je vais te surprendre en t'apprenant
Ce que je fis encor ; vois pour la maladie :
Quand un homme souffrait, bref rien ne l'épargnait,
Ni breuvage, ni rien ; sans remède il mourait.
Or, je lui ai donné les moyens de guérir
En mêlant des onguents avec le plus grand soin.
Enfin, s'agissant de la divination,
Je distinguai les rêves faux des rêves vrais.
Je leur appris aussi comment interpréter
Les bruits et les rumeurs. Dans le vol des oiseaux,
J'ai désigné les bons et les mauvais présages.
Pour chaque peuple, apprends que j’ai défini ses mœurs,
Ses affinités et ses associations.
Dans les viscères j'ai montré les bonnes teintes.
J’ai montré ce qui dans le foie est favorable ;
J'ai fait brûler autant de chairs que de beaux reins.
Je voulais révéler un art mystérieux,
Éclaircir à leurs yeux des rayons ténébreux.
Voilà ce que je fis ! Tous les trésors du monde
Je les ai confiés aux mortels : argent, or,
Airain. Qui, avant moi les avait signalés,
Si ce n'est l'étourdi ? Un dernier mot enfin
Qui puisse résumer la grandeur de ma tâche :
Tous les arts des mortels sont nés de Prométhée.
(vers 907 - 927)
Après ce mariage, oui, je vous le répète,
Un jour viendra où Zeus se cachera dans l’ombre :
Il perdra son pouvoir, il quittera le monde.
La malédiction lancée contre son fils
Par Kronos, quand lui-même eut perdu sa grandeur,
La malédiction viendra quand il faudra.
Aucun dieu ne pourra le sauver, sauf moi-même !
Oui, c'est grâce à moi qu'il retrouvera son trône
Et qu'il pourra tonner de nouveau dans les airs.
Or le dieu tombera d'une chute implacable !
Il fixera un feu plus ardent que la foudre ;
Ce sera un fracas sauvage et plus puissant
Que le bruit du tonnerre, un fracas abattant
Le terrible trident, ce fléau de la mer.
Quand le Destin fera de lui une victime,
Il comprendra soudain le contraste existant
Entre l’obéissance et le commandement.
(vers 1000 - 1035, 1040 - 1062 et 1080 - 1093)
Hermès
À quoi bon discourir, tu ne fléchiras pas.
Mes prières, hélas ! ne sauraient te calmer.
Tel le poulain hargneux, tu voudrais arracher
Le frein qui te retient, ô rebelle indomptable !
Mais ton entêtement n'a pas de raison d'être,
Ta colère est bien vaine : allons, sois raisonnable !
Songe un peu à l'orage, à cette houle immense
Qui vont sur toi vomir leur labeur de souffrance.
Tu n’auras nul secours. Mon père détruira
La montagne ; ton corps restera suspendu
Aux bras noirs du rocher. Des années passeront
Avant de contempler le jour et ses rayons.
Et même à ce moment-là, le chien ailé de Zeus,
L'aigle, se repaîtra d’un corps humilié.
Ce lugubre invité dévorera ton foie
Chaque jour sans pitié. Ton infinie souffrance
Ne prendra fin que lorsqu'un dieu terrifié,
Succédant à ta peine, échouera aux Enfers,
Dans le profond Tartare. Allons, que je te dise :
La parole de Zeus est entrée dans les actes.
Regarde autour de toi : face à tant de colère
Il vaut mieux réfléchir...
Prométhée
... Je connais ce discours :
Il fut souvent tenu. Non, non, entre ennemis,
Il n'y pas de honte à être maltraité.
Que la foudre m'effleure et que mille tempêtes
S'acharnent dans les cieux et détruise le monde ;
Que l’océan fougueux confonde dans le ciel
Les astres nébuleux et jette mon cadavre
Dans l'âpre tourbillon au tréfonds du Tartare !
Mais je ne mourrai pas : ne suis-je pas un dieu ?
Hermès
Ces propos sont tenus par un être dément.
Pareille volonté révèle la folie.
Vous qui voyez ses maux, quittez vite ces lieux !
N’écoutez pas la foudre : elle sera terrible.
Pensez à mon discours quand vous serez touché
Par la Fatalité ; surtout, ne dites pas
« Je n'ai pu le prévoir ! » N'accusez pas les dieux
Mais vous tout simplement. Livrés à la souffrance,
Ne parlez surtout pas de l'effet du hasard,
Puisque l'insouciance est seule responsable...
Prométhée
... Enfin, les actes vont succéder aux paroles.
La terre est ébranlée, le tonnerre résonne.
Voyez tous ces éclairs, leurs lances enflammées !
Un cyclone surgit dans un vent de poussière ;
Dans la sombre mêlée, les vents luttent entre eux,
L'Éther se mêle aux flots ; Zeus lève une tempête
Pour me terroriser. Ô Terre, mère affable,
Ô Éther, découvrez la douleur qui m'accable !
tragédies perdues
Hamilton : "Achille pleurant sur le corps de Patrocle"
Les plaintes de Thétis, mère d'Achille
Phébos semblait heureux que j'eusse un tel enfant :
Il disait qu'il vivrait dans la félicité,
Sans souffrir, glorieux, dans une paix profonde.
Sans hésiter, je crus notre divinité.
Mentir n'est point son lot ! On ne peut accuser
Un dieu d'être cruel, d'avoir l'esprit rusé.
Hélas ! lui qui prétend tout comprendre et tout voir,
Lui qui participa à la fête nuptiale,
Qui m'a dit la venue d'un enfant plein d'espoir,
Il l'a assassiné ! Ô volonté fatale !
Cité par Platon, La République, II, 383
Zeus est tout l'univers, et la terre et l'espace ;
En fait, il est le Tout et même le dépasse...
Cité par Clément d'Alexandrie
Mélanges, XIV, 718
Les plaintes d'Achille devant le corps de Patrocle
Ton corps que j'aimais tant, témoin de ces baisers
Que tu as oubliés, le voilà sur la terre,
Traîné pas l'ennemi, mêlé à la poussière...
Certes, je vis mais c'est moi seul qui suis à plaindre :
J'ai perdu mon ami... Oui, ce corps est affreux
Mais pourquoi avoir peur ? Je l'aimais comme un fou !
Cités par Athénée, Lucien et Suidas
Mon destin qui touchait le ciel est retombé
Sur terre. Et il me crie : « Ne révère jamais
Les choses de ce monde. »
Cité par Plutarque
Que tu veuilles aux morts faire du bien, du mal,
Cela ne sert à rien, car les morts ne ressentent
Ni le malheur ni le bonheur ni l'amertume.
Non, seule Némésis est plus forte que nous.
La rage du défunt, c'est Diké qui l'assume.
Cité par Stobée
J'aime cette déesse : elle est l'honneur
D'une cité aimant les œuvres de la paix.
Par elle, les maisons prospèrent en beauté...
... La trompette guerrière s'est tue, et les veillées
D'armes, tout de mystère, ont cessé d'exister.
Ni peuple ni cité n'existent sans moi-même,
Moi qui ai tant reçu de la divinité...
Papyrus Oxyrhynchos, n° 2256, 9a
Lui seul parmi les dieux, Thanatos n'aime pas
Recevoir de présents. Il n'aime pas non plus
Les sacrifices, les libations, les chants.
La Persuasion est toujours loin de lui.
Cité par Stobée, IV, 51
Quand un dieu veut anéantir une famille,
Il pousse chaque membre à commettre le crime.
C'est pourquoi observons la mesure et cessons
De jacter. Quand on est riche, on ne prévoit pas
Que le bonheur qu'on a souvent ne dure pas.
Ainsi, sur sa beauté, sur la foule d'enfants
Qu'elle avait engendrés, Niobé s'exaltait...
Papyrus de la Société italienne, XI, 1208
Il rit en me voyant, ô le charmant enfant.
Voyez comme il sourit devant le beau poli
De cette calvitie. Allons, avec papa,
Fais ton gentil...
Papyrus Oxyrhynchos, 2161
Mes amis, marchons ! Profitons de l'occasion !
Cela faisait longtemps qu'elle était privée d'hommes,
Elle qui sous les flots naviguait, moribonde.
Mais elle veut jouir de nos tendres caresses.
Elle exulte devant notre belle jeunesse.
Mais c'est par son coquin qu'elle est toute séduite.
Aussi attendez-vous à voir étinceler
Le flambeau d'Aphrodite.
Papyrus Oxyrhynchos, 2161