Gallus

CORNELIUS GALLUS

OMNIA QUAE EXSTANT.

 

 

 


 

CORNELIUS GALLUS

CNEI (vel ) PUBLII CORNELII GALLI

OMNIA QUAE EXSTANT.

 

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

autre traduction

 



 

GALLUS,

TRADUIT EN VERS FRANÇAIS,

Par J. P. CH. DE SAINT-AMAND.

A BOURGES.

IMPRIMERIE DE J. B. C. SOUCHOIS.

 

1818.

 


 

 

 

ELEGIA

ÉLÉGIE.

Non fuit Arsacidum tanti expugnare Seleucen,

Italaque ultori sigua referre Jovi ;

Ut desiderio nostri, curaque Lycoris

Heu jaceat menses pene sepulta Novem.

Nec tantum morbus, quantum gravat ira parentis.

Sic premitus geminis una puella malis.

Aequa tamen matris causa est : cupit illa paternam

Impleat ut pulchra filia prole domurn.

Quid, quod lena meos avertere tentat amores,

Portat et occulto grandia dona sinu ?

Et juvenem laudat, qui munera misit ab alta

Indole ...........................................................

Candida quod nulla lanugine vestiat ora,

Quod fluat ex toto vertice flava coma ;

Quod citharae, cantusque sciens. Deinde horrida bella,

Atque ingrata notat tempora militiae.

Me quoque jam canis narrat splendere capillis,

Et quod ...................... vulnere tardus eam.

Multa quoque affingit, mentitur et omnia : fluxa

Quam vereor ne sit nostra puella fide !

Fœmina natura varium, et mutabile semper;

Diligat ambiguum est, oderit anne magis :

Nil adeo medium ...........................................

Et tantum constans in levitate sua.

 

 

 

Filius Europae Minos, seu poneret arcum,

Sive comam premeret casside, pulcher erat.

Non prius e muris pugnantem regia virgo

Viderat, ac diraus crimina suasit Amor.

Acer Amor deus est : feras domat ille leaanas.

Excuset facinus vindice Scylla Deo.

At pius selenium servet ni Juppiter urbem,

Scilicet occiderat virginis illa dolo.

(Sic pereat patrias quicunque insanus in arces

Mente ruit, pœnas ut scelerata dedit! )

Obruta virgo jacet ; servat quoque nomina turris

Illa, triumphator Juppiter unde tonat.

Quid loquor ah demens? Roseae nec flore juventae,

Nec capitur missis lux mea muneribus.

Non patris imperium, matris non aspera jussa

Sollicitant ; firmo pectore durat amor.

Non secus Aegeo moles objecta fragori,

Illa manet, frustra ventus et aura furit.

Nec minus, ut vires paulatim colligit ignis,

Purior accenso fomite flamma micat.

 

 

 

 

Illa meos reditus spe non praesumit inani,

Et fovet in tacito gaudia certa sinit.

Me vocat absentem, me me suspirat in unum,

Et de me noctes cogitat, atque dies.

Quin etiam argento, puroque intexit in auro,

Altera jam castris porta lacerna meis.

Illic bellautum juvenum studiosa figuras,

Atque audita levi paelia pingit acu.

Pingit et Euphratis currentes mollius undas,

Victricesque aquilas sub duce Ventidio ;

Qui mine Crassorum manes, direptaque signa

Vindicat, Augusti Caesaris auspiciis.

Parthe tumens animis, et nostra clade superbe,

Hic quoque Romano stratus ab hoste jaces.

At mea cum primis victrix apparet imago ;

Exigit hoc pietas, et bene fidus amor.

Ipsa quoque exprimitur, dejecto pallida vultu

Stat lacrymans, et me pene vocare putes.

 

 

 

 

 

 

 

Quam bene, quum ferrum notadum prodiretin auras !

Omnia pacis erant, et sua cuique satis.

Dives erat, si quis, parvi possessor agelli,

Severat ille prius, deinde coquebat olus.

Non locus invidiae, quamvis vicinus abunde

Et pecus, et messes, mustaque haberet ager.

Liber amor ; nulli mulier suspecta marito,

Casta satis, norat si qua negare palam.

Tunc Venus ........... spirabat dulciter ignes,

Spiculaque in silvis tuta vibrabat Amor.

Cur mihi non illis nasci, mea vita, diebus

Contigit ? Invidit quis bona tanta Deus ?

O niveas luces ! ô tempora dulcia ! vere

Aurea Saturni saecla fuere senis.

Nune ferrum empit, rabiesque asperrima ferri :

Nunc furor et caedes...................................

 

Forsan et hic noster tinget cruor hospitis arma,

Aut cadet unanimis frater ab ense meo.

Quid mihi cum bello ? Pugnent quibus inclita regna,

Aut quibus ingentes Marte petuntur opes.

Nos alias pugnas aliis pugnemus in armis :

Inflet Amor lituos, et fera signa canat.

Fortis ad occasum ni pugnem solis ab ortu,

Detrahat ignavo protinus arma Venus.

Sin cadat ex votis, et res bene gesta feratur,

Cesserit e merilo cara puella mihi.

Quam ..... sinu cui basia jungam,

Dum lateri vires, nec sit amare pudor.

Tune me vina juvent nardo confusa, rosisque,

Sertaque, et unguentis sordida facta coma.

Nec dominae pudent gremio captare soporem,

Surgere nec media jam veniente die.

Si quis amore vacans irriserit, imprecor illi

Ardeat, et, quid slt, discat amare senex.

Serus et ut nostros incassum laudet amores,

Et sapit hic, dicat, saucius igne novo

Heu male ( crede mihi ) si quis sua gaudia differt.

Dum loquimur, nos est, mortis et umbra subit.

 

Qu'avais-je à démêler aux murs de Séleucie ?

Aux vengeurs de Crassus quel motif m'associe ?

T'ai pu, neuf mois entiers, pressé d'un soin nouveau,

Délaisser Lycoris aux portes du tombeau !

Sa mère aggrave encor le mal qui la tourmente :

Tout conspire à la fois contre ma jeune amante.

La mère, je l'avoue, exige avec raison

Que sa charmante fille augmente sa maison ;

Mais comment excuser cette courtière impure

Qui vient obscurément marchander un parjure ?

Je crois l'entendre offrir son présent corrupteur :

« On n'en peut trop louer le généreux auteur

Aucun duvet encor n'ombrage sa figure ;

Il faut voir voltiger sa blonde chevelure;

S'il chante, c'est Orphée. » A ces traits délicats,

Elle oppose avec art l'image des combats ;

Elle plaint la Beauté qu'un guerrier a séduite;

Bientôt de mon printemps elle accuse la fuite,

Et me peint en vieillard cacochyme, abattu,

Dont l'âge et les travaux ont usé la vertu.

Mes cheveux blanchissants, mes profondes blessures-,

Tous ses discours enfin sont autant d'impostures;

Leur effet cependant m'inspire un juste effroi.

Dieux ! si ma Lycoris m'avait ravi sa foi !

Son sexe est si léger ! qu'il haïsse ou qu'il aime,

Sa haine et son amour vont toujours à l'extrême;

Mais constant seulement en sa mobilité,

On ne sait bien jamais ou son cœur est porté.

 

Le front chargé d'un casque, aussi bien que sans armes,

Minos ne perdait rien de l'éclat de ses charmes.

Scylla le voit combattre : un criminel dessein,

A l'aspect du héros, fermente dans son sein.

Amour tu l'inspirais. Dieu puissant ! dieu terrible !

La lionne à ton joug présente un front paisible.

La fille de Nisus consomme le forfait ;

Ton ordre est son excuse, et toi seul as tout fait.

Sons le grand Jupiter, une vierge infidèle

Terminait les destins de la ville éternelle ;

Mais soudain Tarpéia, dans nos remparts trahis,

(Périsse ainsi l'ingrat qui livre son pays !)

Sous les pavois sabins ligués pour son supplice;

Satisfait, en tombant, la céleste justice.

Que dis-je ? Mon amante, au-dessus des présents,

N'est pas moins insensible à des traits séduisants.

En vain l'ordre d'un père, une mère obstinée,

La pressent de subir le joug de l'hyménée;

Leurs efforts assidus n'ébranlent point son cœur.

Tel, des vents et des flots indomptable vainqueur,

Le roc de Capharée, aux coups de la tempête,

Oppose fièrement une inflexible tête.

C’est ainsi que le feu, par degrés animé,

De brûlants tourbillons remplit l'âtre enflammé.

 

Lycoris a raison d'espérer en silence

Le jour qui doit bientôt lui rendre ma présence :

Oh ! comme elle sourit à ce charmant retour !

Pour moi sont tous ses vœux, pour moi tout son amour,

Elle me voit en songe ; absent, elle m'appelle ;

Elle a tissu déjà la parure nouvelle

Qui doit aux champs de Mars décorer son amant,

Où l'argent et l'or pur enlacés mollement

Sont encor surpassés par la scène mouvante

Qu'anima sur le fond son aiguille savante.

Ici, nos légions marchent à ces exploits

Qui de la Renommée occupent les cent voix ;

Là, se traînent les eaux de l'Euphrate tremblante?

Ventidius paraît sur la rive sanglante,

Et choisi par César pour réparer nos maux,

Accroît l'honneur de Rome en vengeant ses drapeaux.

Toi, dont Crassus détruit enflait l'âme hautaine,

Tu fléchis, Parthe altier, sous la valeur romaine;

J'ai vu tomber ou fuir tes escadrons épars.

Sur un de tes vainqueurs se portent mes regards,

C’est moi, voilà mes traits : tendre et pieux hommage !

La main de l'Amour même a brodé cette image;

Tout auprès, Lycoris, pâle et les yeux en pleura,

Semble me demander la fin de ses douleurs.

 

Age heureux, où la Paix embellissait le monde,

Où le fer sommeillait dans la terre profonde,

Oh, contents de leur sort, les tranquilles humains

Se nourrissaient des fruits cultivés par leurs mains !

Que l'un d'eux fût plus riche en moissons, en vendanges,

Nul voisin n'enviait ses celliers ni ses granges.

Point de maris jaloux : l'Hymen en liberté

Dans la discrétion plaçait la chasteté ;

Vénus alimentait des flammes innocentes,

Et ses chaînes de fleurs n'étaient que plus puissantes.

Que n'ai-je vu le jour en ce temps fortuné ?

Au siècle où nous vivons quel dieu m'a condamné ?

Armé du sceptre d'or, Saturne a pris la fuite.

Le fer règne aujourd'hui ; tous les maux à sa suite,

L'ambition, l'effroi, les sanglantes fureurs,

Ont fait de l'Univers un théâtre d'horreurs.

 

 

Tout mon sang peut couler sous la main la plus chère;

Le trait lancé par moi peut atteindre mon frère ;

Et pourquoi, s'il vous plaît? Qu'ils cherchent les combats,

Ces conquérants jaloux d'agrandir leurs états;

Nous, soldats de l'Amour, n'employons que ses armes.

Livrons à la Beauté des combats pleins de charmes.

Si, du matin au soir, n'éclate mon ardeur,

O Vénus, traite-moi comme un vil déserteur ;

Mais si l'événement remplit mon espérance,

Lycoris doit payer tant de persévérance.

Tandis que l'âge encor me convie aux plaisirs,

Qu'une, mâle vigueur seconde mes désirs,

Cède, ô ma Lycoris, à mes transports avides;

Viens mêler tes baisers à mes baisers humides.

Je veux qu'alors la rose ombrage mes cheveux;

Je veux que de Bacchus le nard double les feux.

Sans honte j'attendrai sar ta couche discrète

Que le brûlant midi m'invite à la retraite

Si quelque indifférent se rit de nos amours,

Puisse une folle ardeur tourmenter ses vieux jours !

Puisse-t-il, mais trop tard, sensible à la tendresse,

Envier les plaisirs dont je goûte l'ivresse !

Le secret d'être heureux est de l'être à l'instant.

Jouissons ; le Temps vole et la Mort nous attend.

 

EPIGRAMMA

MADRIGAL.

 

Occurris quum mane mihi, ni purior ipsa

 Luce nova exoreris, lux mea, dispereum.

Quod si nocte venis, jam veret ignoscite, divi,

Talis ab occiduis Hesperus exit aquis.

Si je te vois au lever de l'Aurore,

L'Aurore même est moins belle à mes jeux ;

Quand, vers la nuit, tu m'apparais encore,

Je pense voir Vesper monter aux cieux.

 

AD GENTIAM ET CHLOEN

A GENTIA ET CHLOÉ

 

..................................................................

........... matris amor, delicium que meum,

Ne vero inter vos odio certate, sorores,

Utrius alba magis, vel minus atra cutis.

Hoc unum certate, suos magis urat amores,

Altera nonne oculis, altera nonne comis ?

Anne coma ex auro flava est tibi, Gentia ? an auri

Ex ipsa magis est bracten flava coma ?

E Bereniceo detonsum vertice crinem

Rettulit esuriens graecus in astra Conon.

Gentia, rapta tibi fiat coma protinus astrum,

Et regat Illyricos certior Ursa rates.

 

 

 

 

 

Quum quatit, et caudam Junonius explicat ales,

Mille oculos, gemmas mille decenter habet.

....................... huc illuc flectat ocellos :

Hinc, illinc videas currere mille faces.

Charmantes sœurs, amour de votre mère,

Couple fripon que je sers en commun,

Sera-t-il dit qu'un teint plus ou moins brun

Doive entre vous éterniser la guerre ?

Ah ! disputez à qui saura le mieux

Percer les cœurs de flèches acérées,

Toi, Gentia, par tes tresses dorées,

Et toi, Chloé, par l'éclat de tes jeux.

Oui, l'or extrait de la mine profonde,

L'or le plus pur a filé tes cheveux,

Ma Gentia. Sur les plaines de l'onde,

Ceux d'une reine attirèrent tous les vœux ;

Mais cet hommage offert à Bérénice

Accuse encor le Grec adulateur :

Tes blonds anneaux, astre doux et propice,

Guideraient mieux le mât navigateur.

 

Lorsque le paon étale son plumage,

Il lance au loin mille traits radieux ;

De tes regards il en part davantage,

Chère Chloé : laisse errer tes beaux yeux,

Et les éclairs vont inonder ces lieux.

 

IN IMAGINEM PUELLAE.

SUR LE PORTRAIT D'UNE JEUNE FILLE.

 

Subrides si, virgo, faces jacularis ocellis,

Et tua nescio quo murmure labra sonant ;

Cur non ora mihi jamdudum in verba resolvis ?

 

Tu me souris ; le feu jaillit de ta prunelle ;

Tu murmures je ne sais quoi :

Oh ! si c'était le mot, le doux mot que j'appelle

Quand s'échappera-t-il vers moi ?

 

AD LYDIAM

A LYDIE.

 

Lydia, bella puella, candida,

Quae bene superas lac, et lilium;

Albamque simul rosam rubidam,

Aut expolitum ebur indicum;

Pande, puella, pande capillulos

Plavos, lucentes ut aurum nitidum.

Pande, puella, collum candidum,

Productum bene candidis humeris.

Pande, puella, genas roscas,

Perfusas rubro purpurae tyriae.

Porrige labra, labra corallina ;

Da columbatim mitia basia.

Quid mihi sugis vivum sanguinem ?

Conde papillas, conde gemipomas,

Cornpresso lacte quae modo pullulant

Sinus expansa profert cinnama :

Undique surgunt ex te deliciae.

Conde papillas, quae me sanciant

Candore et luxu, nivei pectoris.

Saeva non cernis quod ego langueo ? .

Sic me destituis jam semimortuum.

 

Belle et touchante Lydie,

Qui l'emportes en éclat

Sur le lis de la prairie

Et sur la rose chérie

Qu'anime un tendre incarnat,

Montre-moi tes tresses blondes,

Cet or pur, qui mollement

Egare ses claires ondes.

Autour de ton cou charmant ;

Montre-moi, ma toute belle,

Tes, yeux sûrs, de leur pouvoir,

Et dont la double, prunelle

Brille sous un sourcil noir ;

Montre-moi, je t'en supplie,

Ta ronde joue embellie

Par la pourpre de Sidon ;

Livre, oh ! livre-moi les roses

De tes lèvres demi-closes

Ou folâtre Cupidon.

Comme ton baiser pénètre !

Quel trouble il porte en mes sens!

Veux-tu pomper tout mon être,

Ma colombe ? arrête, attends.

Que ta pitié me dérobe

Les frais boutons de ton sein ;

Cache-moi ce joli globe

Encore exempt de larcin.

C’est l'amôme qu'il exhale;

Tout est délices en toi.

Je succombe, ah ! cache-moi

Cette gorge virginale.

O doux, ô cruel transport

Qui de mon âme s'empare !

Peux-tu bien ainsi, barbare,

Me laisser à demi-mort ?

 

AD CAESAREM AUGUSTUM.

A AUGUSTE.

 

Temporibus laetis tristamur, maxime Caesar,

Hoc uno amisso, quem gemo, Virgilium

Sed tetuit relegi, si tu patiere, libellos,

In quibus Aeneam condidit ore sacro.

Roma rogat, precibus totus tibi supplicat orbis,

Ne pereant flammis tot monumenta ducum.

Atque iterum Trojam, sed major, flamma cremabit !

Fac laudes Italum, fac tua fata legi ;

Aeneamque suum fac major nuncius ornet

Plus fatis possunt Csesaris ora Dei.

 

Sous ton règne, ô César, Rome si fortunée,

Rome verse des pleurs amers ;

Elle a perdu Virgile, et se voit condamnée

A perdre encore les beaux vers

Où ce divin poète a fait revivre Enée.

Daigne exaucer nos vœux et ceux de l'Univers,

César : ne souffre pas qu'un nouvel incendie

Dérobe à l'avenir Ilion agrandie ;

Protège les héros de l'empire latin ;

Sauve les fastes de ta gloire.

Consacré par Virgile au temple de mémoire.

Enée attend d'Auguste un plus noble destin.

 

 

 

 

FINIS / FIN