Diogène Laërce

DIOGÈNE DE LAERTE



LIVRE I

 

CHAPITRE XI. PHÉRÉCYDE- ΦΕΡΕΚΥΔΗΣ

LIVRE I (10 Epiménide) -LIVRE II (1 Anaximandre)

Autre traduction - Traduction Genaille sur le site de Ugo Bratelli

 

 

 

 

 

DIOGENE DE LAERTE.

 

CHAPITRE XI.

PHÉRÉCYDE.

ΦΕΡΕΚΥΔΗΣ

 

 

  [116] Φερεκύδης Βάβυος Σύριος, καθά φησιν Ἀλέξανδρος ἐν Διαδοχαῖς, Πιττακοῦ διακήκοεν. Τοῦτόν φησι Θεόπομπος πρῶτον περὶ φύσεως καὶ θεῶν [Ἕλλησι] γράψαι.
Πολλὰ δὲ καὶ θαυμάσια λέγεται περὶ αὐτοῦ. Καὶ γὰρ παρὰ τὸν αἰγιαλὸν τῆς Σάμου περιπατοῦντα καὶ ναῦν οὐριοδρομοῦσαν ἰδόντα εἰπεῖν ὡς οὐ μετὰ πολὺ καταδύσεται· καὶ ἐν ὀφθαλμοῖς αὐτοῦ καταδῦναι. Καὶ ἀνιμηθέντος ἐκ φρέατος ὕδατος πιόντα προειπεῖν ὡς εἰς τρίτην ἡμέραν ἔσοιτο σεισμός, καὶ γενέσθαι. Ἀνιόντα τε ἐξ Ὀλυμπίας εἰς Μεσσήνην τῷ ξένῳ Περιλάῳ συμβουλεῦσαι ἐξοικῆσαι μετὰ τῶν οἰκείων· καὶ τὸν μὴ πεισθῆναι, Μεσσήνην δὲ ἑαλωκέναι. [117] Καὶ Λακεδαιμονίοις εἰπεῖν μήτε χρυσὸν τιμᾶν μήτε ἄργυρον, ὥς φησι Θεόπομπος ἐν Θαυμασίοις· προστάξαι δὲ αὐτῷ ὄναρ τοῦτο τὸν Ἡρακλέα, ὃν καὶ τῆς αὐτῆς νυκτὸς τοῖς βασιλεῦσι κελεῦσαι Φερεκύδῃ πείθεσθαι. Ἔνιοι δὲ Πυθαγόρᾳ περιάπτουσι ταῦτα.

Φησὶ δ’ Ἕρμιππος πολέμου συνεστῶτος Ἐφεσίοις καὶ Μάγνησι βουλόμενον τοὺς Ἐφεσίους νικῆσαι πυθέσθαι τινὸς παριόντος πόθεν εἴη, τοῦ δ’ εἰπόντος « Ἐξ Ἐφέσου, » « Ἔλκυσόν με τοίνυν, » ἔφη, « τῶν σκελῶν καὶ θὲς εἰς τὴν τῶν Μαγνήτων χώραν, καὶ ἀπάγγειλόν σου τοῖς πολίταις μετὰ τὸ νικῆσαι αὐτόθι με θάψαι· ἐπεσκηφέναι τε ταῦτα Φερεκύδην. » [118] Ὁ μὲν <οὖν> ἀπήγγειλεν· οἱ δὲ μετὰ μίαν ἐπελθόντες κρατοῦσι τῶν Μαγνήτων, καὶ τόν τε Φερεκύδην μεταλλάξαντα θάπτουσι αὐτόθι καὶ μεγαλοπρεπῶς τιμῶσιν. Ἔνιοι δέ φασιν ἐλθόντα εἰς Δελφοὺς ἀπὸ τοῦ Κωρυκίου ὄρους αὑτὸν δισκῆσαι. Ἀριστόξενος δ’ ἐν τῷ Περὶ Πυθαγόρου καὶ τῶν γνωρίμων αὐτοῦ φησι νοσήσαντα αὐτὸν ὑπὸ Πυθαγόρου ταφῆναι ἐν Δήλῳ. Οἱ δὲ φθειριάσαντα τὸν βίον τελευτῆσαι· ὅτε καὶ Πυθαγόρου παραγενομένου καὶ πυνθανομένου πῶς διακέοιτο, διαβαλόντα τῆς θύρας τὸν δάκτυλον εἰπεῖν, « Χροῒ δῆλα· » καὶ τοὐντεῦθεν παρὰ τοῖς φιλολόγοις ἡ λέξις ἐπὶ τῶν χειρόνων τάττεται, οἱ δ’ ἐπὶ τῶν βελτίστων χρώμενοι διαμαρτάνουσιν.

[119] Ἔλεγέ τε ὅτι οἱ θεοὶ τὴν τράπεζαν θυωρὸν καλοῦσιν.

Ἄνδρων δ’ ὁ Ἐφέσιός φησι δύο γεγονέναι Φερεκύδας Συρίους, τὸν μὲν ἀστρολόγον, τὸν δὲ θεολόγον υἱὸν Βάβυος, ᾧ καὶ Πυθαγόραν σχολάσαι. Ἐρατοσθένης δ’ ἕνα μόνον, καὶ ἕτερον Ἀθηναῖον, γενεαλόγον. Σώζεται δὲ τοῦ Συρίου τό τε βιβλίον ὃ συνέγραψεν, οὗ ἡ ἀρχή· Ζὰς μὲν καὶ Χρόνος ἦσαν ἀεὶ καὶ Χθονίη· Χθονίῃ δὲ ὄνομα ἐγένετο Γῆ ἐπειδὴ αὐτῇ Ζὰς γῆν γέρας διδοῖ.

Σώζεται δὲ καὶ ἡλιοτρόπιον ἐν Σύρῳ τῇ νήσῳ. Φησὶ δὲ Δοῦρις ἐν τῷ δευτέρῳ τῶν Ὡρῶν ἐπιγεγράφθαι αὐτῷ τὸ ἐπίγραμμα τόδε·

[120] Τῆς σοφίης πάσης ἐν ἐμοὶ τέλος· ἢν δέ τι πλεῖον
Πυθαγόρῃ τὠμῷ λέγε ταῦθ’ ὅτι πρῶτος ἁπάντων
ἔστιν ἀν’ Ἑλλάδα γῆν· οὐ ψεύδομαι ὧδ’ ἀγορεύων.

Ἴων δ’ ὁ Χῖός φησιν περὶ αὐτοῦ·

Ὥς ὃ μὲν ἠνορέῃ τε κεκασμένος ἠδὲ καὶ αἰδοῖ
καὶ φθίμενος ψυχῇ τερπνὸν ἔχει βίοτον,
εἴπερ Πυθαγόρης ἐτύμως ὁ σοφὸς περὶ πάντων
ἀνθρώπων γνώμας εἶδε καὶ ἐξέμαθεν.

Ἔστι καὶ ἡμῶν οὕτως ἔχον τῷ μέτρῳ τῷ Φερεκρατείῳ·

Τὸν κλεινὸν Φερεκύδην
ὃν τίκτει ποτὲ Σύρος
[121] ἐς φθεῖρας λόγος ἐστὶν
ἀλλάξαι τὸ πρὶν εἶδος,
θεῖναί τ’ εὐθὺ κελεύειν
Μαγνήτων, ἵνα νίκην
δοίη τοῖς Ἐφέσοιο
γενναίοις πολιήταις.
Ἦν γὰρ χρησμός, ὃν ᾔδει
μοῦνος, τοῦτο κελεύων·
καὶ θνήσκει παρ’ ἐκείνοις.
Ἦν οὖν τοῦτ’ ἄρ’ ἀληθές·
ἢν ᾖ τις σοφὸς ὄντως,
καὶ ζῶν ἐστιν ὄνησις,
χὤταν μηκέθ’ ὑπάρχῃ
.

Γέγονε δὲ κατὰ τὴν πεντηκοστὴν καὶ ἐνάτην Ὀλυμπιάδα. Καὶ ἐπέστειλεν ὧδε·

Φερεκύδης Θαλῇ

[122] Εὖ θνήσκοις ὅταν τοι τὸ χρεὼν ἥκῃ. Νοῦσός με καταλελάβηκε δεδεγμένον τὰ παρὰ σέο γράμματα. Φθειρῶν ἔθυον πᾶς καί με εἶχεν ἠπίαλος. Ἐπέσκηψα δ’ ὦν τοῖσιν οἰκιήτῃσιν, ἐπήν με καταθάψωσιν, ἐς σὲ τὴν γραφὴν ἐνέγκαι. Σὺ δὲ ἢν δοκιμώσῃς σὺν τοῖς ἄλλοις σοφοῖς, οὕτω μιν φῆνον· ἢν δὲ οὐ δοκιμώσητε, μὴ φήνῃς. Ἐμοὶ μὲν γὰρ οὔκω ἥνδανεν. Ἔστι δὲ οὐκ ἀτρεκηίη πρηγμάτων οὐδ’ ὑπίσχομαι τἀληθὲς εἰδέναι· ἅσσα δ’ ἂν ἐπιλέγῃ θεολογέων· τὰ ἄλλα χρὴ νοέειν· ἅπαντα γὰρ αἰνίσσομαι. Τῇ δὲ νούσῳ πιεζόμενος ἐπὶ μᾶλλον οὔτε τῶν τινα ἰητρῶν οὔτε τοὺς ἑταίρους ἐσιέμην· προσεστεῶσι δὲ τῇ θύρῃ καὶ εἰρομένοις ὁκοῖόν τι εἴη, διεὶς δάκτυλον ἐκ τῆς κληίθρης ἔδειξ’ ἂν ὡς ἔθυον τοῦ κακοῦ. Καὶ προεῖπα αὐτοῖσι ἥκειν ἐς τὴν ὑστεραίην ἐπὶ τὰς Φερεκύδεω ταφάς.

Καὶ οὗτοι μὲν οἱ κληθέντες σοφοί, οἷς τινες καὶ Πεισίστρατον τὸν τύραννον προσκαταλέγουσι. Λεκτέον δὲ περὶ τῶν φιλοσόφων·

καὶ πρῶτόν γε ἀρκτέον ἀπὸ τῆς Ἰωνικῆς φιλοσοφίας, ἧς καθηγήσατο Θαλῆς, οὗ διήκουσεν Ἀναξίμανδρος.

[116] Phérécyde, fils de Babys et disciple de Pittacus, était de Syros, suivant Alexandre dans les Successions. Théopompe prétend qu’il est le premier des Grecs qui ait traité de la nature et des dieux. On raconte de lui une foule de choses merveilleuses : ainsi il aperçut un jour, en se promenant sur le rivage de Samos, un navire qui cinglait à pleines voiles, et prédit qu’il allait bientôt s’engloutir; le bâtiment sombra en effet sous ses yeux. Une autre fois, après avoir bu de l’eau d’un puits, il prédit qu’au bout de trois jours il y aurait un tremblement de terre, ce qui eut lieu en effet. Dans une autre circonstance il engagea Périlaüs de Messène, son hôte, chez qui il passait pour se rendre à Olympie, à quitter sur-le-champ la ville avec sa famille ; Périlaüs négligea cet avis, et Messène fut prise quelque temps après. Théopompe raconte, dans les Prodiges, [117] qu’Hercule lui ordonna en songe de recommander aux Lacédémoniens le mépris de l’or et de l’argent, et que, la même nuit, Hercule ordonna 59 aux rois de croire ce que leur dirait Phérécyde. D’autres mettent ce fait sur le compte de Pythagore.

Hermippe raconte ainsi sa mort : Pendant une guerre entre les habitants d’Éphèse et ceux de Magnésie, Phérécyde résolut d’assurer par sa mort le triomphe des Éphésiens; il demanda en conséquence à un passant quelle était sa patrie, et ayant appris qu’il était d’Éphèse, il lui dit : « Traîne-moi par les pieds jusque sur le territoire des Magnésiens, et dis à tes concitoyens de m’ensevelir, après la victoire, dans le lieu où tu m’auras laissé. » [118] L’Éphésien accomplit ses ordres, et le lendemain ceux d’Éphèse vainquirent les Magnésiens ; ils trouvèrent le corps de Phérécyde et l’ensevelirent à l’endroit même avec les plus grands honneurs. D’autres soutiennent qu’étant allé à Delphes il se précipita du haut du mont Corycie. Mais Aristoxène assure, dans l’ouvrage intitulé : Pythagore et ses amis, qu’il mourut de maladie, et fut enseveli à  Délos par Pythagore. On a aussi prétendu qu’il avait succombé à une maladie pédiculaire, et que Pythagore étant venu lui demander de ses nouvelles, il passa le doigt par la porte entr’ouverte en disant : On le voit à la peau. Ce mot a passé en proverbe chez les philosophes pour signifier que les choses vont mal. On le prend quelquefois en bonne part; mais c’est à tort.

[119] Phérécyde disait que les dieux donnent le nom de Thyoros à la table des sacrifices.

Andron, d’Éphèse, distingue deux Phérécyde de Syros; l’un astronome, l’autre théologien, fils de Babys et maître de Pythagore. Mais Ératosthène soutient qu’il n’y a eu qu’un seul Phérécyde de Syros, et un autre d’Athènes, ce dernier auteur de Généalogies. On conserve encore un ouvrage de Phérécyde de Sy- 60 ros, commençant par ces mots: «De toute éternité existaient Jupiter, le temps et la terre ; la terre a été appelée γῆ (01), en mémoire des présents dont l’a parée Jupiter. »

On voit aujourd’hui encore, dans l’île de Syra (02), une horloge solaire construite par Phérécyde. Duris rapporte son épitaphe, au second livre des Cérémonies sacrées.

[120] Avec moi finit toute sagesse. Si l’on en peut trouver encore quelque vestige, ce n’est que chez Pythagore, mon disciple. Il est, je le déclare, le premier des Grecs, et l’on ne me démentira point.

Ion de Chio a dit de lui :

Modeste et orné de toutes les vertus, il jouit après la mort d’une vie heureuse; car, semblable au sage Pythagore, il a étudié les mœurs et sondé les pensées de tous les hommes.

J’ai moi-même composé sur lui les vers suivants, dans le mètre phérécratique :

L’illustre Phérécyde, auquel Syros a donné le jour, [121] voyant, dit-on, tout son corps se transformer en vermine, ordonne qu’on le transporte sur la terre des Magnésiens, afin de donner la victoire aux nobles habitants d’Éphèse,— car ainsi le voulait un oracle connu de lui seul, — et la il succombe. Il est donc vrai, oui ! il est vrai que le véritable sage est utile et pendant sa vie, et lorsqu’il n’est plus.

Voici une lettre qu’il écrivit à Thalès :

PHÉRÉCYDE A THALÈS.

[122] Puisses-tu avoir une heureuse fin, lorsque le moment fatal sera venu. Pour moi, ta lettre m’a trouvé malade : j’étais rongé 61 de vermine et dévoré par la fièvre. J’ai ordonné à mes serviteurs de te porter mes écrits, lorsqu’ils m’auront enseveli. Publie-les, si, après en avoir conféré avec les autres sages, tu juges qu’ils méritent d’être lus; sinon, tu peux les supprimer; ils ne me satisfont pas complètement moi-même. En de telles questions la certitude est impossible; aussi je me flatte moins d’être arrivé à la vérité que d’avoir fourni quelques sujets de méditation à ceux qui s’occupent de théologie. Du reste, il faut interpréter mes paroles et aller au fond ; car tout est allégorique. Le mal s’accroît de plus en plus, et je n’admets maintenant auprès de moi ni médecin, ni amis. Lorsqu’ils viennent me demander de mes nouvelles, je leur tends mon doigt par la porte entr’ouverte, pour leur montrer le mal qui me ronge, et je leur dis de venir demain aux funérailles de Phérécyde.

Tels sont les sages. Quelques auteurs rangent aussi parmi eux le tyran Pisistrate.

Nous allons maintenant passer aux philosophes, en commençant par l’école ionienne, dont le chef fut Thalès, maître d’Anaximandre.
 

(01De γέρας, présent.

(02) Syros, l’une des Cyclades, était aussi appelée Syra.