Diogène Laërce

DIOGÈNE DE LAERTE



LIVRE II

 

CHAPITRE X. EUCLIDE- ΕΥΚΛΕΙΔΗΣ

LIVRE II (9 Phédon - LIVRE II (11 Stilpon)

Autre traduction - Traduction Genaille sur le site de Ugo Bratelli

 

 

 

 

 

DIOGENE DE LAERTE.

 

LIVRE II.

CHAPITRE X.

EUCLIDE.

ΕΥΚΛΕΙΔΗΣ

 

[106] Εὐκλείδης ἀπὸ Μεγάρων τῶν πρὸς Ἰσθμῷ, ἢ Γελῶος κατ' ἐνίους, ὥς φησιν Ἀλέξανδρος ἐν Διαδοχαῖς. Οὗτος καὶ τὰ Παρμενίδεια μετεχειρίζετο, καὶ οἱ ἀπ' αὐτοῦ Μεγαρικοὶ προσηγορεύοντο, εἶτ' ἐριστικοί, ὕστερον δὲ διαλεκτικοί, οὓς οὕτως ὠνόμασε πρῶτος Διονύσιος ὁ Χαλκηδόνιος διὰ τὸ πρὸς ἐρώτησιν καὶ ἀπόκρισιν τοὺς λόγους διατίθεσθαι. Πρὸς τοῦτόν φησιν ὁ Ἑρμόδωρος ἀφικέσθαι Πλάτωνα καὶ τοὺς λοιποὺς φιλοσόφους μετὰ τὴν Σωκράτους τελευτήν, δείσαντες τὴν ὠμότητα τῶν τυράννων. Οὗτος ἓν τὸ ἀγαθὸν ἀπεφαίνετο πολλοῖς ὀνόμασι καλούμενον· ὁτὲ μὲν γὰρ φρόνησιν, ὁτὲ δὲ θεόν, καὶ ἄλλοτε νοῦν καὶ τὰ λοιπά. Τὰ δ' ἀντικείμενα τῷ ἀγαθῷ ἀνῄρει, μὴ εἶναι φάσκων.

[107] Ταῖς τε ἀποδείξεσιν ἐνίστατο οὐ κατὰ λήμματα, ἀλλὰ κατ' ἐπιφοράν. Καὶ τὸν διὰ παραβολῆς λόγον ἀνῄρει, λέγων ἤτοι ἐξ ὁμοίων αὐτὸν ἢ ἐξ ἀνομοίων συνίστασθαι· καὶ εἰ μὲν ἐξ ὁμοίων, περὶ αὐτὰ δεῖν μᾶλλον ἢ οἷς ὅμοιά ἐστιν ἀναστρέφεσθαι, εἰ δ' ἐξ ἀνομοίων, παρέλκειν τὴν παράθεσιν. Διὰ ταῦτα δὲ καὶ περὶ αὐτοῦ ταῦτά φησι Τίμων, προσπαρατρώγων καὶ τοὺς λοιποὺς Σωκρατικούς·

Ἀλλ' οὔ μοι τούτων φλεδόνων μέλει, οὐδὲ γὰρ ἄλλου
οὐδενός, οὐ Φαίδωνος ὅτις γένετ', οὐδ' ἐριδάντεω
Εὐκλείδεω, Μεγαρεῦσιν ὃς ἔμβαλε λύσσαν ἐρισμοῦ.

[108] Διαλόγους δὲ συνέγραψεν ἕξ· Λαμπρίαν, Αἰσχίνην, Φοίνικα, Κρίτωνα, Ἀλκιβιάδην, Ἐρωτικόν.

Τῆς δ' Εὐκλείδου διαδοχῆς ἐστι καὶ Εὐβουλίδης ὁ Μιλήσιος, ὃς καὶ πολλοὺς ἐν διαλεκτικῇ λόγους ἠρώτησε, τόν τε ψευδόμενον καὶ τὸν διαλανθάνοντα καὶ Ἠλέκτραν καὶ ἐγκεκαλυμμένον καὶ σωρίτην καὶ κερατίνην καὶ φαλακρόν. Περὶ τούτου φησί τις τῶν κωμικῶν·

Οὑριστικὸς δ' Εὐβουλίδης κερατίνας ἐρωτῶν
καὶ ψευδαλαζόσιν λόγοις τοὺς ῥήτορας κυλίων
ἀπῆλθ' ἔχων Δημοσθένους τὴν ῥωποπερπερήθραν.

[109] Ἐῴκει γὰρ αὐτοῦ καὶ Δημοσθένης ἀκηκοέναι καὶ ῥωβικώτερος ὢν παύσασθαι. Ὁ δ' Εὐβουλίδης καὶ πρὸς Ἀριστοτέλην διεφέρετο, καὶ πολλὰ αὐτὸν διαβέβληκε.

Μεταξὺ δὲ ἄλλων ὄντων τῆς Εὐβουλίδου διαδοχῆς Ἀλεξῖνος ἐγένετο Ἠλεῖος, ἀνὴρ φιλονεικότατος· διὸ καὶ Ἐλεγξῖνος ἐπεκλήθη. Διεφέρετο δὲ μάλιστα πρὸς Ζήνωνα. Φησὶ δ' Ἕρμιππος περὶ αὐτοῦ ὡς ἄρα ἀπελθὼν ἐκ τῆς Ἤλιδος εἰς Ὀλυμπίαν αὐτόθι φιλοσοφοίη. Τῶν δὲ μαθητῶν αὐτοῦ πυνθανομένων διὰ τί τῇδε κατοικεῖ, φάναι βούλεσθαι αἵρεσιν συστήσασθαι ἣν Ὀλυμπικὴν κληθήσεσθαι. Τοὺς δὲ καὶ τοῖς ἐφοδίοις θλιβομένους καὶ τὸ χωρίον νοσερὸν καταγνόντας ἀπελθεῖν, καὶ τοῦ λοιποῦ διατρίβειν ἔρημον τὸν Ἀλεξῖνον σὺν οἰκέτῃ μόνῳ· ἔπειτα μέντοι νηχόμενον ἐν τῷ Ἀλφειῷ νυχθῆναι καλάμῳ καὶ οὕτω τελευτῆσαι. [110] Καὶ ἔστιν εἰς αὐτὸν ἡμῶν οὕτως ἔχον·

Οὐκ ἄρα μῦθος ἦν ἐκεῖνος εἰκαῖος,
ὡς ἀτυχής τις ἐὼν
τὸν πόδα κολυμβῶν περιέπειρέ πως ἥλῳ.
Καὶ γὰρ ὁ σεμνὸς ἀνήρ,
Πρὶν Ἀλφεόν ποτ' ἐκπερᾶν, Ἀλεξῖνος
θνῆσκε νυγεὶς καλάμῳ.

Γέγραφε δ' οὐ μόνον πρὸς Ζήνωνα, ἀλλὰ καὶ ἄλλα βιβλία καὶ πρὸς Ἔφορον τὸν ἱστοριογράφον.

Εὐβουλίδου δὲ καὶ Εὔφαντος γέγονε <γνώριμος> ὁ Ὀλύνθιος, ἱστορίας γεγραφὼς τὰς κατὰ τοὺς χρόνους τοὺς ἑαυτοῦ. Ἐποίησε δὲ καὶ τραγῳδίας πλείους, ἐν αἷς εὐδοκίμει κατὰ τοὺς ἀγῶνας γέγονε δὲ καὶ Ἀντιγόνου τοῦ βασιλέως διδάσκαλος, πρὸς ὃν καὶ λόγον γέγραφε Περὶ βασιλείας σφόδρα εὐδοκιμοῦντα. Τὸν βίον δὲ γήρᾳ κατέστρεψεν.

[111] Εἰσὶ καὶ ἄλλοι διακηκοότες Εὐβουλίδου, ἐν οἷς καὶ Ἀπολλώνιος ὁ Κρόνος, οὗ Διόδωρος Ἀμεινίου Ἰασεύς, καὶ αὐτὸς Κρόνος ἐπίκλην, περὶ οὗ φησι Καλλίμαχος ἐν ἐπιγράμμασιν·

αὐτὸς ὁ Μῶμος
ἔγραφεν ἐν τοίχοις, « Ὁ Κρόνος ἐστὶ σοφός. »

Ἦν δὲ καὶ οὗτος διαλεκτικός, πρῶτος δόξας εὑρηκέναι τὸν ἐγκεκαλυμμένον καὶ κερατίνην λόγον κατά τινας. Οὗτος παρὰ Πτολεμαίῳ τῷ Σωτῆρι διατρίβων λόγους τινὰς διαλεκτικοὺς ἠρωτήθη πρὸς Στίλπωνος· καὶ μὴ δυνάμενος παραχρῆμα διαλύσασθαι, ὑπὸ τοῦ βασιλέως τά τε ἄλλα ἐπετιμήθη καὶ δὴ καὶ Κρόνος ἤκουσεν ἐν σκώμματος μέρει. [112] Ἐξελθὼν δὴ τοῦ συμποσίου καὶ λόγον γράψας περὶ τοῦ προβλήματος ἀθυμίᾳ τὸν βίον κατέστρεψε. Καὶ ἔστιν ἡμῶν εἰς αὐτόν·

Κρόνε Διόδωρε, τίς σε δαιμόνων κακῇ
ἀθυμίῃ ξυνείρυσεν,
ἵν' αὐτὸς αὑτὸν ἐμβάλῃς εἰς Τάρταρον
Στίλπωνος οὐ λύσας ἔπη
αἰνιγματώδη; τοιγὰρ εὑρέθης Κρόνος
ἔξωθε τοῦ ῥῶ κάππα τε.

Τῶν δ' ἀπ' Εὐκλείδου ἐστὶ καὶ Ἰχθύας Μετάλλου, ἀνὴρ γενναῖος, πρὸς ὃν καὶ Διογένης ὁ κυνικὸς διάλογον πεποίηται· Κλεινόμαχος θ' ὁ Θούριος, ὃς πρῶτος περὶ ἀξιωμάτων καὶ κατηγορημάτων καὶ τῶν τοιούτων συνέγραψε· καὶ Στίλπων ὁ Μεγαρεύς, διασημότατος φιλόσοφος, περὶ οὗ λεκτέον.

[106] Euclide naquit à Mégare, ville voisine de l'isthme, ou à Gela, ainsi que l'atteste entre autres Alexandre dans les Successions. Il s'attacha surtout aux ouvrages de Parménide. Ses disciples furent appelés d'abord mégariques, puis éristiques et enfin dialecticiens. C'est Denys de Carthage qui leur donna ce dernier nom, parce qu'ils composaient leurs ouvrages par demandes et par réponses. Hermodore raconte qu'après la mort de Socrate, Platon et ses autres disciples se retirèrent auprès d'Euclide, pour échapper à la cruauté des tyrans. Il disait que le bien est un, mais qu'on le désigne par différents noms ; qu'on l'appelle sagesse, dieu, esprit, etc. (1). Quant à l'opposé du bien, il le supprimait et niait qu'il eût aucune réalité.

[107] Dans l'argumentation, au lieu d'attaquer directement les principes de ses adversaires, il les réfutait par les conséquences qu'il en tirait. Il rejetait tout raisonnement fondé sur une comparaison ; la raison qu'il en donnait, c'est que si la comparaison convient au sujet, il vaut mieux 114 raisonner sur l'objet lui-même que sur un analogue, et que dans le cas contraire elle n'a aucune valeur. Cette manie de la dispute a inspiré à Timon les vers suivants contre lui et les autres socratiques :

Peu m'importent tous ces raisonneurs, et Phédon, quel qu'il soit, et le pointilleux Euclide qui a inculqué aux mégariques la rage de la dispute.

[108] Euclide a laissé six dialogues : Lamprias, Eschine, Phœnix, Criton , Alcibiade, l'Amoureux.

A Euclide succéda Eubulide de Milet, inventeur d'un grand nombre d'arguments sophistiques, tels que le menteur, le caché, l'Électre, le voilé, le so- rite, le cornu, le chauve (2). Un comique a dit de lui :

Le raisonneur Eubulide, ce moulin à paroles, ce rival du caquetage de Démosthène, est parti emportant avec lui ses arguments cornus et la faconde sophistique par laquelle il éblouit les rhéteurs.

[109] Il fut, dit-on, maître de Démosthène et le corrigea 115  d'un défaut de prononciation, relativement à la lettre r. Eubulide était ennemi d'Aristote et l'a souvent attaqué.

Parmi ses successeurs, on cite Alexinus d'Élis, violent disputeur, et surnommé pour cela Élenxinus, ou le querelleur. Zénon n'eut pas de plus ardent adversaire. Hermippe rapporte qu'il alla s'établir d'Élis à Olympie pour y enseigner la philosophie. Ses disciples lui ayant demandé pourquoi il avait fait choix de cet endroit, il répondit qu'il voulait y fonder une école qui prît le nom d'olympique. Mais bientôt la rareté des vivres et l'insalubrité du climat chassèrent tous les auditeurs, et il resta seul avec un domestique. Plus tard, il fut piqué par un roseau en se baignant dans l'Alphée, et mourut de cette blessure. [110] J'ai composé à ce sujet l'épigramme suivante :

II est donc vrai qu'un malheureux nageur est mort pour s'êlre percé le pied avec un roseau. Un homme illustre, Alexinus, voulant traverser l'Alphée est blessé par un roseau et s'ensevelit dans les eaux.

Indépendamment de ses écrits contre Zénon, il a laissé d'autres ouvrages, un en particulier contre l'historien Éphorus.

Un autre sectateur d'Eubulide est Euphantus d'Olynthe, qui a laissé une histoire de son temps, ainsi qu'un grand nombre de tragédies très-applaudies dans les concours. Il fut précepteur du roi Antigone à qui il a dédié un livre fort estimé, sur la Royauté. Euphantus mourut de vieillesse.

[111] Parmi les disciples d'Eubulide, il faut encore ranger Apollonius Cronus, auquel succéda Diodore d'Iasos, fils d'Aminias, et surnommé aussi Cronus. C'est de ce dernier que Callimaque a dit dans ses Épigrammes :

116 Momus lui-même a écrit sur les murailles : « Cronus est un sage. »

Il était versé dans la dialectique, et quelques auteurs lui attribuent les arguments appelés le voilé et le cornu. Pendant qu'il était à la cour de Ptolémée Soter, Stilpon lui proposa quelques difficultés dialectiques dont il ne put donner la solution sur-le-champ. Le roi lui adressa à ce sujet quelques sarcasmes et l'appela par dérision Cronos (3). [112] Diodore, irrité, quitta la table, se mit à écrire sur la proposition de Stilpon, et mourut de dépit. J'ai fait sur lui cette épigramme :

Diodore Cronos, quel esprit malin t'a inspiré ce misérable dépit ? Tu le précipites toi-même dans le Tartare, pour n'avoir pu deviner une énigme de Stilpon. Cronos, lu es bien ce que signifie ton nom, si l'on en retranche les lettres c et r (4).

De l'école d'Euclide sortirent encore : Ichthyas, fils de Métallus, et homme de mérite, à qui Diogène le cynique adressa un dialogue ; Clinomaque de Thurium, qui a écrit le premier sur les propositions, les catégorèmes et d'autres parties de la logique ; enfin Stilpon de Mégare, célèbre philosophe dont nous allons parler.

 

(1) C'est la doctrine de l'école d'Élée appliquée aux notions morales.

(2) Voici des exemples de ces divers arguments :

Le menteur : Celui qui dit qu'il ment est-il menteur ? Si vous répondez affirmativement, on en conclut qu'il ne ment pas, puisqu'il était dans le vrai en disant qu'il mentait.

Le caché : Connaissez-vous cet homme qui est caché ? — Non. — Vous ne connaissez donc pas votre père ? car c'est lui.

Le voilé  : Le même que le précédent avec le mot voilé.

L'Electre. Sophisme du même genre que les deux précédents. Electre, en voyant son frère Oreste, sait bien qu'Oreste est son frère, mais elle ne sait pas qu'Oreste est sous ses yeux ; elle la connaît donc et ne le connaît pas en même temps.

Le sorite : Trois moutons ne forment pas un troupeau : quatre, pas davantage, et ainsi de suite; donc cent, donc mille, etc.

Le chauve est une espèce de sorite : Si l'on arrache un cheveu à un homme , il ne sera pas chauve ; si un second, etc.

Le cornu : Vous avez ce que vous n'avez pas perdu ; vous n'avez pas perdu de cornes, donc vous avez des cornes.

(3) Le temporiseur.

(4) Reste ὄνος « âne. »